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Commission des affaires sociales

Mercredi 27 janvier 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 27

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Agnès Buzyn, dont la nomination en qualité de présidente de la Haute Autorité de santé (HAS) est envisagée par le Président de la République

– Examen en nouvelle lecture, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la protection de l’enfant (n° 3422) (Mme Annie Le Houerou, rapporteure)

– Examen de la proposition de loi de M. Christian Estrosi favorisant le développement régional de l’apprentissage (n° 3077)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 27 janvier 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’audition de Mme Agnès Buzyn, dont la nomination en qualité de présidente de la Haute Autorité de santé (HAS) est envisagée par le Président de la République.

Mme la présidente Catherine Lemorton. L’ordre du jour de notre réunion d’aujourd’hui est particulièrement chargé puisqu’après l’audition de la future présidente de la Haute Autorité de santé (HAS) nous devrons procéder à l’examen des amendements déposés au titre de l’article 88 du règlement, puis débattre de la proposition de loi de M. Christian Estrosi favorisant le développement régional de l’apprentissage.

Je suis heureuse d’accueillir Mme Agnès Buzyn, Professeur de médecine spécialisée en immunologie et en hématologie, actuellement présidente de l’Institut national du cancer (INCa), que le Président de la République envisage de nommer présidente de la HAS, en remplacement de M. Jean-Luc Harousseau – que je tiens à saluer indirectement. Cette audition intervient dans le cadre de l’article 13 de la Constitution et nous devrons, à l’issue de nos échanges, rendre un avis. Je vous rappelle que, conformément au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Cette audition est publique, le scrutin est secret et doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée ; il ne peut donner lieu à délégation de vote et il sera effectué par appel public – des bulletins vous seront distribués à cet effet. Deux scrutateurs surveilleront le bon déroulement de la procédure ; le dépouillement sera effectué ultérieurement dans mon bureau afin que, conformément à l’article 5 modifié de l’ordonnance du 17 novembre 1958, il puisse avoir lieu au même moment dans les commissions compétentes des deux assemblées. La commission des affaires sociales du Sénat auditionne Mme Buzyn mercredi prochain, le 3 février. Il m’appartiendra ensuite de communiquer le résultat du vote à la présidence de l’Assemblée nationale, puis de vous en informer lors de la prochaine réunion de notre commission.

Mme Agnès Buzyn. Le Président de la République a souhaité me proposer à la présidence du collège de la HAS, pour succéder à Jean-Luc Harousseau qui avait lui-même succédé à Laurent Degos. Suivant la volonté du législateur, la HAS est à la fois un organisme scientifique et une autorité publique indépendante. Je suis donc très honorée de m’exprimer devant vous pour présenter les raisons de ma candidature.

Ma candidature à la tête de la HAS s’inscrit dans un parcours médical, scientifique et administratif. Je suis médecin, praticien hospitalier et professeur des universités en hématologie clinique. Pendant près de vingt ans j’ai été responsable de l’unité de soins intensifs d’hématologie et de greffe de moelle à l’hôpital Necker-Enfants malades. En parallèle, j’ai toujours mené une activité de recherche fondamentale – j’ai notamment dirigé une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) pendant plusieurs années. Mon domaine de recherche, l’immunologie des tumeurs, est une spécialité médicale passionnante, mais à haut risque : très chargée humainement et très complexe scientifiquement, elle a orienté ma carrière professionnelle.

D’une part, j’ai eu très tôt la conviction qu’un médecin travaillant dans une telle spécialité, avec des patients très jeunes et un taux de mortalité important, devait s’impliquer dans des activités de recherche, clinique et fondamentale, afin de participer au progrès médical. Cette vision de la médecine, basée sur une formation pratique et scientifique, m’a donné une certaine rigueur. J’ai siégé dans de nombreux conseils scientifiques, notamment au sein de l’Établissement français des greffes (EFG), à l’Agence de la biomédecine (ABM) et à l’Établissement français du sang (EFS), et j’ai présidé le conseil scientifique d’une société savante.

D’autre part, ma pratique clinique dans cette unité de soins intensifs m’a très vite confrontée à la question de la gestion des risques en santé, notamment aux pertes de chances des patients en raison de problèmes organisationnels ou structurels. Ce constat m’a incitée à m’engager dans différents projets collectifs, à l’hôpital et en dehors : j’ai participé à des commissions à l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) pour l’hôpital Necker et j’ai surtout porté le dossier visant à l’accréditation internationale des services de greffe de moelle, JACIE – Joint Accreditation Committee ISCT & EBMT.

Enfin, peut être en raison du coût des prises en charge des patients dans mon service d’hématologie – qui nous interpellent tous, cancérologues, médecins et citoyens –, je me suis également intéressée à la question de la pertinence des actes, des bonnes pratiques, et plus globalement de l’efficience en santé. Nous disposons d’un système de santé exceptionnel, unique au monde, qui permet à tous d’accéder à des soins de qualité, pour l’instant quel que soit le prix. À mon sens, ce système doit être préservé, et c’est pour ne pas le mettre en danger que les médecins doivent s’emparer de la question de l’efficience de leurs pratiques. J’ai très tôt participé à des expertises dans ce domaine au sein d’agences sanitaires, notamment dans les commissions de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), ou à l’ANAES.

Sur le plan administratif, en 2008, j’ai eu la chance de me voir proposer la présidence du conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Cette présidence m’a formée aux enjeux de la gestion d’un établissement public – il s’agissait d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Elle m’a surtout apporté la culture de la gestion du risque, l’IRSN étant une agence scientifique d’expertise, dédiée à la gestion du risque nucléaire civil, industriel et médical. En 2011, au départ de Dominique Maraninchi, j’ai été appelée à présider l’INCa, dont j’étais déjà vice-présidente au sein du conseil d’administration. L’INCa est un groupement d’intérêt public (GIP) essentiellement financé par l’État, dédié à la coordination de la lutte contre les cancers. Vous connaissez le troisième plan cancer et ses objectifs tournés vers l’amélioration des parcours de santé, centrés sur le patient ; durant ces cinq années, j’ai beaucoup travaillé à la mise en œuvre de ce plan que beaucoup de pays nous envient. La France a réussi à s’inscrire dans la dynamique de trois plans cancer successifs, qui ont notablement amélioré la prise en charge des malades.

Alors que je finis en mai mon mandat à l’INCa, on me propose aujourd’hui de rejoindre la HAS, autorité de régulation indépendante chargée d’améliorer la qualité et l’efficience de notre système de santé. Mon parcours professionnel médical, ancré dans la pratique de terrain, me semble cohérent avec les missions de la HAS, une institution qui s’appuie sur une vision scientifique de la médecine, mais qui œuvre en faveur de la sécurité et de la qualité des soins, au bénéfice des usagers et des malades – un combat qui a toujours été au centre de mon engagement.

Jean-Luc Harousseau n’a pas souhaité, pour des raisons personnelles, aller au terme de son mandat prévu pour le 30 janvier 2017. Si je me présente aujourd’hui devant vous, c’est que je souhaite aller au-delà des douze prochains mois – c’est-à-dire de la seule fin du mandat de Jean-Luc Harousseau – pour m’inscrire dans les six ans qui suivront. Si vous m’accordez aujourd’hui votre confiance, je reviendrai devant vous en janvier 2017 pour solliciter un mandat plein de six ans. Je précise d’emblée que je reprends à mon compte la pratique de mes deux prédécesseurs de ne faire qu’un seul mandat plein, au-delà de cette période transitoire de l’année 2016, comme cela est préconisé dans le rapport du sénateur Gélard pour les autorités publiques indépendantes. Pour devenir obligatoire et pérenne, ce principe de mandat unique pourrait être inscrit explicitement dans l’ordonnance prévue à l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé.

La gouvernance de la HAS souffre d’un défaut de parité. Son collège de huit membres n’a jamais compté plus d’une femme ; actuellement il n’en comprend aucune. Ce problème touche aussi les commissions réglementées au sein de la HAS. Comme vous le savez, les dispositions issues de la loi du 4 août 2014 inscrivent bien la parité au sein du collège, mais elles ne seront effectives qu’à l’horizon 2020, compte tenu des aspects techniques des renouvellements à venir, prévus en 2017 et 2020. Le personnel de la HAS avait fait part de son émotion lors de la nomination de ce collège totalement masculin ; cette revendication est évidemment légitime et désormais légale. C’est pourquoi je propose que les autorités de nomination puissent exercer leurs prérogatives de façon effectivement et complètement paritaire dès le prochain renouvellement du collège. L’enjeu de la parité doit être abordé dans l’une des ordonnances de l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé.

Un mot sur le positionnement de la HAS eu égard à la recomposition du paysage des agences – sujet qui, je le sais, vous tient à cœur. La feuille de route de la HAS en matière de mutualisation et d’efficience comporte à ce jour deux sujets immédiats. Le premier concerne l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico‐sociaux (ANESM) – l’instance de certification et de recommandation du champ social et médico-social –, qui rejoindra les nouveaux locaux de la HAS en février 2016. Les deux institutions partagent déjà l’agence comptable et demain elles partageront des fonctions de support. L’intégration de l’ANESM au sein de la HAS peut aboutir à condition d’adapter des dispositions législatives du code de la sécurité sociale et du code de l’action sociale et des familles. Je ne manquerai pas de revenir vers vous si nous nous engageons dans cette voie.

Suivant les propositions du rapport de Mme Sandrine Hurel, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a également annoncé le rattachement à la HAS du comité technique de la vaccination (CTV), actuellement rattaché au Haut Conseil de la santé publique. Il faudra traduire ce rattachement sur le plan législatif et réglementaire, et nous mettre en ordre de marche pour que l’organisation pratique survienne dès les prochains mois. Le CTV porte une belle mission, cohérente avec celles de la HAS, la vaccination étant au centre d’enjeux sociétaux importants dont la gestion exige à la fois une vision scientifique et une totale transparence des avis.

Si vous acceptez ma candidature, ma nomination interviendra presque simultanément avec la promulgation de la loi de modernisation de notre système de santé. La loi reconnaît à la HAS une place prééminente et lui confie près de quinze missions supplémentaires, d’inégale importance. Depuis sa création, outre les lois sanitaires, toutes les lois de financement de la sécurité sociale ont chaque année ajouté une voire plusieurs missions à l’institution. Comme mon prédécesseur l’a dit cet automne devant la mission du sénateur Jacques Mézard, au regard de ce périmètre sans cesse élargi des missions, il est nécessaire de définir un budget socle. Si la reprise du fonds de roulement n’est naturellement pas remise en cause, et si la HAS doit participer aux efforts de la Nation, l’agence a besoin de visibilité sur son budget pour assurer la totalité des missions qui lui sont confiées.

Les grandes missions et les enjeux auxquels la HAS sera confrontée durant les six prochaines années peuvent être classés en trois grandes catégories : l’évaluation des produits et des technologies de santé ; les recommandations de bonnes pratiques cliniques ou de santé publique, qui recouvrent tout le champ de l’aide à la décision ; la certification des établissements de santé ou des logiciels d’aide à la prescription.

La HAS évalue ainsi chaque année près de 800 médicaments, près de 150 dispositifs médicaux, et près de 50 actes ; cette évaluation se situe en amont de l’inscription de ces actes ou produits sur les listes qui ouvrent accès au remboursement. Trois évolutions probables peuvent affecter cette activité : d’abord, l’évolution très rapide des progrès médicaux. Nos processus d’évaluation actuels sont fortement questionnés par l’irruption d’innovations thérapeutiques majeures ; les traitements contre l’hépatite C ou contre le cancer, ou encore les nouvelles molécules posent la question de la soutenabilité financière de notre système de santé et de l’accès à ces traitements des malades qui en ont besoin. Ce sont des questions d’importance pour l’avenir, même si elles ne sont pas encore cruciales aujourd’hui. Il est nécessaire de s’engager dans une réforme des outils et des procédures d’évaluation, prônée par le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et par celui de Mme Dominique Polton. Ces propositions doivent trouver leur déclinaison opérationnelle dans une des ordonnances de l’article 166, permettant de modifier nos critères de jugement et d’évaluation.

Conformément aux préconisations du rapport Polton, il est également impératif de favoriser le rapprochement entre l’évaluation économique et l’évaluation médicale et scientifique. La mission économique, centrée sur l’évaluation économique des stratégies thérapeutiques, a été confiée à la HAS en 2008 ; en 2012, on lui a demandé de rendre des avis d’efficience. Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) anglais portait, pour sa part, cette mission dès sa création en 1999. Les premières évaluations économiques de la HAS ont été publiées il y a une vingtaine de mois ; elles apportent un vrai plus pour les pouvoirs publics et il est impératif de poursuivre et de déployer cette dynamique, pour appuyer les prises de décisions publiques dans les années qui viennent.

Enfin il convient également de rapprocher l’évaluation des produits et l’élaboration des recommandations de stratégies thérapeutiques. La HAS s’est déjà organisée avec la création de la commission des stratégies et des prises en charge, et a produit une série de recommandations comme celle en faveur de la prise en charge de l’hépatite C et des populations cibles concernées. Le futur article 143 de la loi de modernisation de notre système de santé, relatif au bon usage, va prolonger et amplifier cette action. C’est une mission à part entière, qu’il convient de considérer de façon intégrée.

Il existe également des enjeux dans le champ de la certification et de l’accréditation. La certification touche 2 700 établissements en France ; près de 700 par an sont visités. On peut noter plusieurs évolutions positives : on va vers une plus grande médicalisation du processus de certification, à travers notamment la méthode du patient traceur, placé au centre de l’évaluation. Cela contribue à élever le niveau d’exigence. La certification cherche à inscrire les établissements dans une dynamique d’amélioration continue, dans la durée, grâce à l’outil du compte qualité qui se fonde notamment sur les indicateurs dont la conception et le déploiement sont désormais une compétence de la HAS. Ces indicateurs sont capitaux et nous devons travailler à les simplifier et à en améliorer la pertinence, en lien avec les professionnels de santé et la direction générale de l’offre de soins (DGOS).

Parallèlement à l’activité de certification d’établissements, les démarches d’accréditation des professionnels de santé vont se poursuivre. Des expérimentations en matière d’accréditation en équipe sont actuellement en cours. Fondées sur le volontariat, elles favorisent la démarche de qualité dans les établissements.

Des défis majeurs restent cependant à relever dans ce champ de l’accréditation et de la certification : il faut simplifier les indicateurs et les démarches, et en améliorer la cohérence. Il faudra notamment alléger les démarches d’accréditation que doivent effectuer les groupements hospitaliers de territoires (GHT), créés par la loi, mais sans altérer la visibilité des sites, conformément à la demande des usagers. La HAS devra également se rapprocher des agences régionales de santé (ARS) afin d’établir un lien plus affirmé entre nos décisions de certification et l’octroi des autorisations délivrées par les ARS. Enfin il faudra renforcer les liens entre les financements des établissements de santé et leurs résultats. Cette évolution, attendue par le grand public, passe par le processus d’incitation financière à l’amélioration de la qualité (IFAQ) et doit avoir un effet positif sur la qualité des soins dans nos établissements.

Après dix ans d’existence, la HAS est une agence pleinement reconnue pour ses compétences, y compris au niveau international. Je remercie très sincèrement Laurent Degos et Jean-Luc Harousseau de l’avoir structurée et d’avoir permis son déploiement dans l’ensemble de ses champs d’intervention. La loi de modernisation de notre système de santé lui a ajouté de nouvelles missions, qui entrent dans son champ de compétence et confirment son positionnement incontournable dans le paysage sanitaire. Cependant, du fait de son périmètre d’action large et du nombre important de publics cibles – grand public, usagers, malades, professionnels et établissements de santé, décideurs publics… –, la lisibilité de l’agence constitue un véritable enjeu. Il faut également interroger la faisabilité de ses différentes missions car la HAS les exerce dans un contexte contraint et tendu du fait des progrès médicaux toujours plus rapides. La HAS doit poursuivre ses efforts en faveur d’une plus grande transversalité de ses actions ; ce processus a été initié par mes prédécesseurs et figure dans le projet d’établissement. Les évolutions du champ sanitaire et social, la place prépondérante des parcours et les innovations médicales ou organisationnelles à venir impliquent le rapprochement d’avis entre les différentes commissions de la HAS et des convergences de méthode dans tous ses champs de compétence. Ces mutations concernent de nombreux processus de la HAS et obligent à repenser certaines procédures internes. Ainsi, en matière de fonctionnement, il faudra faciliter l’articulation des différentes commissions entre elles, mais aussi entre les commissions et le collège qui doit notamment jouer un rôle stratégique et garantir la transversalité et la cohérence des avis.

Si votre commission confirme ma nomination, je veillerai à répondre à ces enjeux stratégiques en menant une réflexion sur l’organisation et les procédures internes afin de gagner encore en transversalité, en lisibilité de l’action et en réactivité. J’associerai naturellement à cette réflexion la gouvernance, les parties prenantes, les professionnels de santé et l’environnement institutionnel de la HAS. L’une des ordonnances de l’article 166 pourrait refonder le cadre réglementaire à l’aune de ces nouveaux enjeux, qui ne sont pas les mêmes que ceux qui ont présidé à la création de la HAS en 2004. Ces évolutions devront être clarifiées avant que je ne me représente devant vous en janvier 2017, si l’occasion m’en est donnée. Si vous m’accordez votre confiance, je dirigerai cette instance avec détermination et engagement, comme je l’ai toujours fait dans les agences que j’ai eu la chance de présider antérieurement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je voudrais insister sur la question de la parité. Votre arrivée à la tête de cette autorité sanitaire, préemptée par les hommes depuis sa création, lui apporte une fraîcheur bienvenue.

Par ailleurs, le fait que les taxes de guichet dont doivent s’acquitter les laboratoires pharmaceutiques et les industries des dispositifs médicaux ne soient plus perçues directement par la HAS, mais par l’État, conforte l’indépendance de l’Autorité qui peut ainsi prendre ses décisions loin des pressions des grands groupes. Néanmoins, lorsqu’elle réévalue les médicaments – on l’a constaté sur l’exemple des traitements contre la maladie d’Alzheimer ou des hormones de croissance –, elle subit toujours la pression bien compréhensible des associations de patients. La HAS doit en permanence prendre des décisions permettant de pérenniser notre système de santé et son financement, pour que les patients soient soignés le mieux et au moindre coût possible.

Mme Michèle Delaunay. Madame Buzyn, permettez-moi de saluer votre parcours qui témoigne d’un équilibre remarquable entre recherche et clinique, dans une spécialité extrêmement exigeante sur le plan tant humain que scientifique, et notamment votre action pour défendre le troisième plan cancer à la tête de l’INCa.

Le service médical rendu vous paraît-il représenter un critère d’évaluation pertinent pour fixer le niveau de remboursement des médicaments par l’assurance maladie ? Faut-il le compléter ? La question est peut-être prématurée, mais importante.

L’implication des professionnels de santé – médecins et soignants – dans la politique de lutte contre le tabagisme, à la fois dans l’accompagnement du sevrage et l’identification de la maladie tabac, reste insuffisante. Vous avez préfacé un rapport – le Baromètre cancer INPES 2010 – qui montre que seuls 31 % des fumeurs ont abordé la question du tabac avec leur médecin, et le plus souvent à leur propre demande ; 12,5 % seulement l’ont fait à l’initiative du médecin. La part des décès dus au tabac reste sous-évaluée : on présente le décès comme résultant du cancer ou d’un infarctus, sans évoquer la maladie tabac. Pensez-vous qu’au sein de la HAS, vous pourrez prolonger ce que vous avez initié à la tête de l’INCa pour mobiliser le corps soignant dans la lutte contre le tabac, suivant l’exemple du Royaume-Uni ?

Je tiens à exprimer la joie du groupe Socialiste, républicain et citoyen de vous voir sollicitée pour cette haute fonction.

M. Jean-Pierre Door. Votre double compétence scientifique et administrative à la tête de l’INCa joue en faveur de votre candidature. Nous sommes fiers d’avoir participé à la création ex nihilo de la HAS, institution qui a évolué année après année. Les lois de financement de la sécurité sociale, la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » et la loi pour la refondation de notre système de santé ont permis des avancées régulières dans les missions qui lui sont confiées. Vos prédécesseurs ont présidé à cette époque de croissance et d’engagement régulier.

Les missions de la HAS sont extrêmement importantes : logiciels d’aide à la prescription ; évaluation, certification et accréditation des établissements ; recommandations en matière de bon usage des produits et des actes médicaux. Nous avons voté le principe de l’intérêt médico-économique qui répond aux défis financiers des organismes payeurs de la sécurité sociale. Il faut donc promouvoir l’efficience en santé ; ce sera votre rôle.

Selon votre prédécesseur, le professeur Harousseau, en 2004, on avait tenté une comparaison entre la HAS et le NICE britannique – un organisme d’un très haut niveau scientifique et administratif – en matière d’enjeux actuels d’évaluation médico-économique. On s’était penché sur les différences entre ces deux institutions et sur leurs relations avec les organismes extérieurs, ainsi que sur la pertinence des pratiques professionnelles pour toujours dépenser mieux. Peut-on obtenir ce tableau comparatif ?

La HAS avait émis l’idée de passer du critère du service médical rendu à celui de l’intérêt thérapeutique des médicaments ; qu’en pensez-vous ?

Réduire le nombre des agences en France – presque deux fois plus élevé qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne – leur permettrait d’être plus pertinentes et plus efficaces, mais également mieux dotées. Vous avez déjà annoncé quelques rapprochements ; jusqu’où comptez-vous aller ? L’INCa ne pourrait-il pas être intégré à la HAS ?

Le groupe Les Républicains vous apportera tout son soutien.

Mme Véronique Massonneau. Madame Buzyn, le groupe Écologiste vous remercie pour votre intervention. La HAS est une institution essentielle au bon fonctionnement de notre système de santé que nous avons récemment réformé en votant la loi portée par Marisol Touraine. Ce contexte rend d’autant plus stratégique la fonction pour laquelle vous êtes pressentie.

La HAS, chargée notamment d’évaluer l’efficacité et l’innocuité d’un médicament, a de fait un rôle stratégique à l’égard de l’industrie pharmaceutique. Sans remettre en question l’action de l’Autorité, celle-ci n’a pas toujours fait preuve d’une transparence suffisante. Pourtant, il semble opportun que la HAS communique davantage sur son action, tant pour le contribuable qui participe au financement de notre système de santé que pour le consommateur de médicaments.

Quels sont vos projets pour pallier ce problème ? Plus largement, quelles sont les lignes de la gouvernance que vous comptez mettre en place au sein de l’institution pour réformer cet organe majeur de notre démocratie sanitaire ?

Mme Dominique Orliac. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste vous remercie pour votre présence ; votre parcours prouve que les femmes peuvent exceller dans les filières scientifiques, qu’il faut continuer à promouvoir auprès des jeunes filles dans les lycées.

Un article de Libération du 4 décembre 2015 indique qu’il y a trois ans, vous aviez renoncé à assumer la présidence de la HAS ; quels éléments vous ont-ils fait évoluer ? L’article mentionne également que la HAS n’intervient que rarement dans les grands débats publics de santé ; ainsi, ni la HAS ni la ministre de la santé n’avaient pris position lors de la polémique relative au vaccin DTPolio en mai 2015. Quelles actions comptez-vous entreprendre pour faire connaître plus largement la HAS en dehors du monde médical, notamment auprès du grand public ? Comment faire coexister médiatiquement les actions et les décisions de la HAS avec la communication du ministère ?

Vous avez prouvé vos grandes qualités en tant que présidente de l’INCa ; en tant que médecin et professeur d’hématologie, que pensez-vous des modifications de la législation qu’entreprennent certains pays – la Suède, les États-Unis ou le Canada – afin d’ouvrir le don du sang aux homosexuels ?

Vous soulignez que les patients français sont encore traités quel qu’en soit le prix ; en même temps, vous insistez sur la nécessaire soutenabilité des traitements. Pouvez-vous préciser votre position ?

M. Arnaud Richard. Je me réjouis à mon tour, au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, de la candidature de Mme Buzyn. Votre expertise en matière de santé publique, votre engagement à la tête de l’INCa et vos capacités de gestionnaire plaident en faveur de votre désignation à ce poste stratégique. À la tête de la HAS, vous devrez relever plusieurs défis importants sur lesquels j’aimerais recueillir votre avis.

Vous n’êtes pas sans savoir que la récente loi santé – adoptée à la hâte – a modifié les missions de la HAS ainsi que son organisation. Le Gouvernement est désormais habilité à prendre des ordonnances pour adapter la gouvernance de la HAS et les modalités d’exercice de ses missions. Pouvez-vous préciser les contours de cette évolution ?

S’agissant du fonctionnement de la HAS, comment voyez-vous votre rôle en tant que présidente et quelle place comptez-vous réserver à chacun des membres du collège ?

La HAS est une autorité indépendante vis-à-vis du pouvoir politique, sa compétence scientifique est incontestée, mais force est de constater qu’elle n’a pas encore réussi à s’imposer dans le paysage institutionnel. À l’origine exclusivement scientifique, sa mission est également devenue médico-économique, voire aujourd’hui politique. Quelles mesures comptez-vous prendre pour donner plus de visibilité à cet organisme ?

Enfin, je souhaiterais évoquer les comparaisons avec les équivalents européens de la HAS, notamment en Grande-Bretagne ou en Allemagne : ne pensez-vous pas qu’il faudrait davantage approfondir les relations avec ces institutions ?

Mme Chaynesse Khirouni. Présidente de l’INCa depuis 2011, quelles compétences et quelles actions expérimentées dans ce cadre déploierez-vous si votre nomination en tant que présidente de la HAS est confirmée ?

Vous avez rappelé la nécessité de s’engager dans une réforme des procédures d’évaluation et de rendre opérationnelles les propositions des différents rapports, dont celui de l’IGAS. Quelles actions souhaitez-vous entreprendre en priorité ?

Après la validation des actes ou des médicaments, quelles mesures de suivi souhaitez-vous adopter pour assurer un meilleur accompagnement de la mise sur le marché de certains traitements ?

M. Gilles Lurton. La HAS – un organisme public à caractère scientifique, indépendant du pouvoir politique – a vocation à faire autorité en matière des pratiques de santé. Formuler des recommandations sur les prises en charge des traitements, les pratiques professionnelles et l’organisation des soins et de la santé publique représente une très belle mission.

La loi de modernisation de notre système de santé a élargi le champ d’activité de la HAS ; mais qu’en est-il de ses moyens ?

Jusqu’à présent, la HAS a eu du mal à s’imposer – une des raisons sans doute du départ prématuré de M. Harousseau. Comment envisagez-vous votre action à la tête de cet organisme ? Comment comptez-vous l’imposer vis-à-vis d’un pouvoir politique omniprésent en matière de santé – omniprésence par ailleurs normale compte tenu de l’importance du sujet ? De quels moyens d’action allez-vous disposer ?

Enfin, il me paraît important que les usagers soient également représentés au sein de la HAS.

Mme Annie Le Houerou. Madame Buzyn, je vous félicite pour votre parcours et me réjouis de voir une femme proposée à cette haute fonction.

Vous avez classé les missions de la HAS en trois grands groupes : l’évaluation des produits de santé, les recommandations de bonnes pratiques et la certification. Les nombreuses recommandations que la HAS a formulées depuis 2005 en matière d’autisme – sur le dépistage et le diagnostic chez l’enfant ou sur les interventions chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte – constituent le socle de la politique publique dans ce domaine. Comment la HAS suit-elle la manière dont ses recommandations sont prises en compte par le système de santé ?

Comment les priorités que vous vous donnez et les choix d’orientation que vous arrêtez en matière de recommandations sont-ils décidés ?

M. Bernard Accoyer. Comme mes collègues du groupe Les Républicains, je suis favorable à votre nomination à la tête de la HAS.

Nous avons un problème dans le domaine de l’expertise. Certaines commissions
– notamment à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – se réunissent pour examiner le service rendu par une nouvelle molécule en l’absence d’experts compétents, tous étant écartés car suspectés de conflit d’intérêts. Quel est votre sentiment sur ce problème qui met en péril l’accès à l’innovation dans notre pays ?

Les défis financiers de l’assurance maladie obligatoire conduisent à des arbitrages lourds, qui varient en fonction des territoires – je pense en particulier aux décisions de traitement de l’hépatite C. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Quel est votre avis sur la montée du post-modernisme qui s’exprime dans les choix faits par les Gouvernements sensibles à cette philosophie dangereuse ? S’agissant des vaccins contre l’hépatite ou le papillomavirus humain, de la radiophonie mobile ou des nanotechnologies, on entend – parfois dans notre hémicycle et jusque dans cette commission – des déclarations insensées, le législateur semblant plus prompt à convoquer et à écouter M. Séralini qu’à rester sur l’essentiel.

M. Jean Leonetti. Comme tous mes collègues du groupe Les Républicains, je me réjouis de votre nomination, non au nom de la parité, mais au nom de votre compétence.

Vous avez antérieurement travaillé sur la pertinence des actes médicaux ; il s’agit d’un levier qualitatif important car éradiquer les pratiques abusives et les actes inutiles, qui diminuent d’autant les moyens financiers disponibles pour les actes indispensables, doit permettre à l’ensemble de nos concitoyens de bénéficier de toutes les thérapeutiques, y compris les plus innovantes. La HAS pourrait-elle contribuer à l’éducation sanitaire de la population en expliquant que ce n’est pas la multiplication des traitements qui en détermine l’efficacité ? En dehors de cette ouverture à une communication grand public, pourrait-elle conditionner l’accréditation ou la certification de services publics ou privés non seulement au critère de l’activité suffisante, mais encore à celui de sa pertinence ? Pourrait-elle retirer ou suspendre ses accréditations ?

M. Bernard Perrut. Madame Buzyn, nous apprécions vos compétences et vos ambitions.

L’une des missions fondamentales de la HAS est de développer la qualité des soins et la sécurité des patients, notamment à travers le processus de certification des hôpitaux et des cliniques. En me rendant sur le site de la HAS, j’ai découvert que celle-ci a lancé un appel à vidéos sur la sécurité des patients, intitulé « Minute, je me mobilise ». Cette procédure inhabituelle – demander aux patients et aux médecins de filmer ce qui se passe à l’intérieur des établissements de santé afin de montrer des initiatives exemplaires issues du terrain et promouvoir de façon concrète les bonnes pratiques – ne peut que surprendre par sa modernité et par l’effort en matière de communication qu’elle représente. Elle vise à sensibiliser les professionnels de santé et les usagers à ce problème et à leur donner envie de s’impliquer. Cette opération a été lancée au mois de novembre et doit se terminer le 31 janvier 2016. Quelle en a été la réussite ? Allez-vous poursuivre cette expérience novatrice qui cherche à rendre la HAS moderne et proche de nos concitoyens, et le cas échéant, dans quel cadre ? En effet, cette approche pourrait également avoir des effets négatifs.

Mme Isabelle Le Callennec. Élue d’Ille-et-Vilaine, je voudrais connaître votre analyse sur la façon dont a été gérée la crise liée au décès d’une personne qui faisait l’objet d’essais thérapeutiques au laboratoire Biotrial à Rennes.

M. Dominique Dord. N’étant pas médecin, je ne peux porter de jugement sur la qualité de votre parcours ; il semble toutefois impressionnant.

En tant que député d’une région thermale, je voudrais vous interroger sur le rôle que vous pourriez jouer en matière d’éducation sanitaire des patients et de prévention – deux domaines où la France semble très en retard.

Mme la présidente Catherine Lemorton. M. Accoyer a eu raison d’évoquer la défiance vis-à-vis des vaccins. L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) lance aujourd’hui une grande campagne en faveur du frottis, qui sert à dépister le cancer du col de l’utérus.

M. Bernard Accoyer. Vous n’avez pas répondu à ma question sur M. Séralini.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous n’étiez pas là le jour de l’audition de M. Séralini !

M. Bernard Accoyer. Si ; le compte rendu peut en témoigner.

Mme la présidente Catherine Lemorton. D’ailleurs son audition a été suivie par celle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), pour équilibrer les témoignages.

Madame Buzyn, vous avez manifestement bien pris conscience des spécificités de la HAS et votre implication dans son devenir est évidente. Mais n’étant pas encore à la tête de cet organisme, vous ne pouvez peut-être pas répondre à toutes les questions.

Mme Agnès Buzyn. Madame Delaunay, en ce qui concerne l’évaluation du service médical rendu, l’excellent rapport de Mme Dominique Polton trace la feuille de route. Il pointe bien les insuffisances de certaines évaluations et indique la voie à prendre. Il faudra s’engager sur la valeur thérapeutique relative et modifier certains paramètres de ce critère. En tout cas, ce rapport peut servir de base aux orientations qui seront inscrites dans les ordonnances prévues à l’article 166, actuellement rédigées par la direction de la sécurité sociale, très impliquée dans l’évaluation des médicaments.

Le tabac, responsable de 77 000 morts par an, c’est aussi ma bataille. À l’INCa, j’ai beaucoup lutté contre le tabagisme en attaquant non les fumeurs, mais l’industrie du tabac. Si je ne peux pas, aujourd’hui, les identifier dans le détail, je sais que la HAS dispose de tous les outils nécessaires – accréditations, certifications, bonnes pratiques, recommandations – pour lancer des actions spécifiques susceptibles d’aider cette lutte, au niveau des établissements comme des pratiques professionnelles. Certes, la HAS est depuis sa création positionnée sur la qualité et la sécurité des soins et des pratiques ; pour autant elle a également une mission en santé publique en faveur de la prévention. Il s’agit d’un enjeu d’avenir, que je souhaite développer. En effet, si je ne devais retenir qu’une seule action du troisième plan cancer, ce serait la prévention. Ne pas suffisamment axer les professionnels de santé sur ces enjeux représente un véritable défaut de notre société française.

Monsieur Door, le NICE est une agence qui produit des avis de grande qualité. Son modèle n’a pas été imité en France puisque nous n’avons pas souhaité fixer de seuil au coût annuel des médicaments. Les missions du NICE sont bien plus resserrées que celles de la HAS, avec un budget pourtant bien supérieur : 80 millions d’euros contre 58 millions. Il dispose également d’un nombre supérieur d’équivalents temps plein (ETP) : plus de 570 contre moins de 400 pour la HAS. Il peut enfin mobiliser énormément de ressources auprès des chercheurs spécialisés dans les aspects médico-économiques, relativement peu développés dans notre pays. Il faudra, dans les années à venir, solliciter les acteurs de la recherche pour nous aider à promouvoir l’évaluation dans ce domaine. Le NICE représente donc un modèle, mais il ne peut pas être totalement copié. Nous ne nous engagerons pas en faveur d’un seuil limite pour l’autorisation de financement des médicaments. Je rappelle à ce propos que le taux de survie au cancer en France est l’un des meilleurs en Europe ; en Angleterre, les patients atteints de cancer ont 10 % de chance de survie en moins à l’horizon de cinq ans, pour quasiment tous les cancers. Cela signifie que l’organisation anglaise de l’accès aux soins et peut-être aux médicaments a un impact sur la survie des malades. Il ne faut pas l’oublier en définissant notre modèle et en arrêtant nos choix stratégiques.

Madame Massonneau, l’évaluation de l’efficacité et de l’innocuité des médicaments est une mission de l’ANSM ; la HAS s’intéresse plutôt au service médical rendu. Pour ce qui est de la transparence des avis, on reproche à certaines commissions de la HAS de ne pas donner suffisamment d’éléments objectifs de l’évaluation ; un travail devra être mené sur l’objectivation des avis. Quant à la transparence des conflits d’intérêts, la loi de 2011 est parfaitement mise en œuvre à la HAS.

Madame Orliac, le défaut de prises de position de la HAS représente à l’évidence un enjeu, mais il faut éviter que l’agence ne prenne des positions attaquables. Je prendrai donc position sur des débats sociétaux lorsque j’aurai suffisamment d’arguments scientifiques pour me déterminer. Le président de la HAS ne doit pas prendre la parole sur tous les sujets afin de ne pas dévoyer l’autorité de l’institution. Il ne s’agit pas d’engager la HAS dans une course en avant de communication pour la faire connaître. Il y a donc un équilibre à trouver. Plusieurs questions ont porté sur la visibilité de l’agence : pour moi, sa reconnaissance ne doit reposer que sur la qualité scientifique et le caractère inattaquable de ses avis.

Monsieur Richard, vous m’avez interrogée sur le rôle de la présidente de la HAS et la place des membres du collège dans la gouvernance de l’institution. Le collège de la HAS doit prendre position sur des enjeux stratégiques. Actuellement, les commissions rendent beaucoup d’avis, mais c’est l’ensemble des membres du collège qui doit se prononcer sur les grandes questions telles que l’évaluation et la prise en charge des médicaments, et assumer publiquement ces positions. Mon rôle de présidente – qui n’est qu’un des membres du collège – sera d’animer cette réflexion collective en essayant de la rendre la plus stratégique possible.

En ce qui concerne les relations entre agences européennes, mon prédécesseur Jean-Luc Harousseau a beaucoup développé l’action de la HAS à l’international. L’institution a un rôle moteur dans ces échanges, et son action est pleinement reconnue. Je poursuivrai cet engagement car en matière de coût des médicaments, la réflexion ne saurait aujourd’hui se cantonner uniquement à l’échelle nationale. C’est un problème qu’un pays ne peut traiter qu’en lien avec les autres membres de la communauté européenne.

Madame Khirouni, s’agissant des mesures d’accompagnement et de suivi de la mise sur le marché des médicaments, à l’INCa et sans doute à la HAS, lorsqu’on formule des recommandations de bon usage, on se demande sans cesse à quel point elles sont appropriées par les professionnels. C’est un enjeu qui concerne toutes les agences de régulation. Mon idée consiste à mobiliser des instances telles que l’ANSM sur le suivi en vie réelle de l’usage des produits, car nous ne pourrons pas nous contenter de rendre des avis sans pouvoir rectifier le tir dans les évaluations ultérieures.

Monsieur Lurton, la HAS ne pourra s’imposer que par la science, la rigueur et des prises de position publiques sur des enjeux sociétaux. Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, il faut nous mettre d’accord sur les moyens de base qui seront alloués à la l’agence. Quant à la représentation des usagers, c’est un sujet qui me tient très à cœur. J’ai énormément développé la démocratie sanitaire dans les instances de l’INCa, et au-delà, dans le monde de la cancérologie. Impliquer les usagers est aussi une façon d’améliorer la pratique des professionnels. Vous pouvez donc compter sur moi pour que la représentation des usagers se fasse dans toutes les commissions. Nommer un représentant des usagers au collège de la HAS serait également une initiative bienvenue.

S’agissant de la décision de priorisation des avis dans le programme de travail de la HAS, il faut savoir que l’agence travaille sur énormément de saisines des directions de l’administration centrale ; même si le pouvoir politique est absent des avis, le ministère sollicite la HAS en matière de remboursement d’actes ou de produits. L’agenda est donc partiellement dicté par les besoins de la CNAM et des directions de l’administration centrale. Le reste des avis dépend de la réflexion du collège – qui agit comme un conseil d’administration – et des commissions spécialisées.

Monsieur Accoyer, la question de la compétence des experts est un sujet qui revient en boucle dans les agences d’expertise sanitaire. La qualité de l’expertise est fondée sur la compétence et l’indépendance des experts, et sur la transparence des avis – un trépied fondamental. En ce moment, la loi « post-Mediator » nous rend particulièrement attentifs à l’indépendance – et je crois que c’est positif –, mais il faut également tenir compte des besoins en compétence. Pour cela, à la HAS comme ailleurs, il existe des procédures : s’ils présentent des conflits d’intérêts forts, les experts qui ne font pas partie des commissions sont auditionnés. Nous avons donc des moyens de prendre en compte leurs compétences. Ces démarches sont actuellement très bien cadrées dans les agences d’expertise.

En ce qui concerne le post-modernisme, ma vision à la HAS sera non idéologique. L’idéologie n’a pas sa place dans une agence d’expertise scientifique ; je serai donc extrêmement rigoureuse dans l’analyse de la littérature et l’examen des preuves. C’est en me basant sur ces éléments que je rendrai des avis, sans prendre aucune position a priori sur aucun sujet.

Monsieur Leonetti, la pertinence des actes est un sujet très important auquel je suis sensible depuis de nombreuses années. Étant donné la difficulté de l’exercice médical, c’est une démarche d’incitation et non de coercition qu’il faut adopter pour améliorer les pratiques des professionnels de santé. Cette profession doit garder une forme d’indépendance, mais l’on peut la guider via des travaux sur la pertinence des actes. C’est un enjeu d’avenir.

Enfin, je veillerai à introduire les questions d’éducation sanitaire et de prévention dans la totalité des processus mis en œuvre à la HAS afin de renforcer sa capacité à améliorer le service rendu global en santé dans notre pays.

Monsieur Perrut, n’étant pas actuellement à la HAS, je ne connais pas les résultats de l’appel à vidéos. Mais l’implication des usagers et l’expérimentation faisaient partie des objectifs du troisième plan cancer qui affirmait la nécessité de partir des expériences de terrain de démocratie sanitaire pour améliorer les pratiques. Je continuerai dans ce sens à la HAS.

Madame Le Callennec, l’accident survenu lors de cet essai de phase 1 nous a énormément émus et choqués. Je suis fondamentalement convaincue que notre société ne peut pas se priver des essais thérapeutiques, pour lesquels des autorités telles que l’ANSM donnent leur feu vert. L’enquête montrera si un défaut dans le protocole peut expliquer cet accident, mais celui-ci ne me paraît pas de nature à remettre en cause le fait de pratiquer des essais cliniques chez l’homme. Y renoncer nous enfermerait dans un statu quo inacceptable par rapport aux progrès médicaux.

Monsieur Dord, je suis très sensible aux questions d’éducation à la santé. Avoir participé au Conseil supérieur des programmes m’a permis d’insuffler quelques recommandations en ce sens dans les programmes scolaires. Je continuerai à promouvoir la prévention au sens large à travers les actions de la HAS.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le législateur, qui a mis en place la HAS en 2004, doit participer à la visibilité de l’agence en auditionnant ses responsables, et rester chaque année vigilant sur son financement – condition de cette visibilité.

Madame Buzyn, je vous remercie d’avoir répondu à nos questions. Votre candidature à la tête de la HAS fait manifestement l’unanimité ; votre parcours est excellent et votre présentation a été complète. Nous allons donc procéder au scrutin dont, je le rappelle, les résultats seront rendus publics après l’audition de Madame Agnès Buzyn par la commission des affaires sociales du Sénat, mercredi 3 février.

La présidente rappelle les conditions dans lesquelles le scrutin va se dérouler, conformément à l’article 29-1 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Il est alors procédé au scrutin par appel nominal.

La Commission examine ensuite, en nouvelle lecture, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la protection de l’enfant (n° 3422) (Mme Annie Le Houerou, rapporteure).

La commission a accepté l’amendement n° 6 déposé par le Gouvernement.

La Commission procède enfin à l’examen de la proposition de loi de M. Christian Estrosi favorisant le développement régional de l’apprentissage (n° 3077).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous allons examiner la proposition de loi favorisant le développement régional de l’apprentissage, présentée par notre collègue Christian Estrosi, auquel je souhaite la bienvenue dans notre Commission, et qui sera discutée dans le cadre de la niche du groupe Les Républicains, le jeudi 4 février.

M. Christian Estrosi, rapporteur. Madame la présidente, c’est avec plaisir que je retrouve les bancs de cette commission où j’ai fait mes premiers pas à l’Assemblée nationale.

Si j’en crois les dernières annonces du Gouvernement, l’apprentissage est devenu une priorité de la majorité : c’est là un revirement dont je me réjouis. En effet, lorsque j’ai déposé cette proposition de loi, cosignée par plus de quatre-vingts collègues, j’étais motivé par l’évolution constatée dans ce domaine depuis 2012 : le nombre d’apprentis a chuté d’environ 60 000 – ils ne sont que près de 400 000 en France, contre un million et demi en Allemagne – alors que le chômage des jeunes atteint chez nous 25 % contre seulement 7 % en Allemagne. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre 500 000 apprentis en 2017. C’est dans ce sens que va cette proposition de loi qui cherche à dépasser les clivages partisans pour permettre le développement de l’apprentissage. Je crois en l’apprentissage : c’est une filière d’excellence, de réussite et d’avenir – 70 % des apprentis trouvent directement un emploi à la fin de leur formation –, une filière sur laquelle nous devons miser pour réduire le chômage des jeunes.

On ne saurait se satisfaire de l’état actuel du droit : le changement des mentalités qu’il faudrait opérer est tellement considérable qu’une loi comme celle-ci ne me paraît pas superflue. D’aucuns argueront qu’à partir de 2014, le Gouvernement a essayé de redonner un souffle à l’apprentissage, mais les mesures prises restent insuffisantes pour contrecarrer la crise qui affecte ce domaine. Fin août 2015, à peine 390 300 jeunes étaient inscrits dans une formation d’apprentissage, contre 438 000 en 2012. Devant ce constat, je vous propose de nous rassembler derrière notre proposition de bon sens et de nous mobiliser en faveur d’une politique ambitieuse visant à promouvoir cette filière.

Nos propositions se situent à l’échelon régional ; non seulement les régions détiennent depuis longtemps la compétence en matière de mise en œuvre des actions de formation professionnelle continue et d’apprentissage, mais je suis persuadé qu’il s’agit également de l’échelon le plus approprié pour développer l’offre de formation et organiser la rencontre entre les acteurs concernés. L’apprentissage ne pourra croître que si nos régions marchent main dans la main avec l’État.

Je propose, à l’article 1er, que la région pilote l’ensemble de la formation professionnelle initiale et devienne l’interlocuteur unique de la filière. Aujourd’hui, de multiples acteurs s’en occupent, mais aucun n’est responsable directement. Cette évolution serait cohérente avec l’article L. 214-12 du code de l’éducation qui dispose que la région « est chargée de la politique régionale d’apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle ». La région est déjà chargée d’élaborer le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle qui, aux termes de l’article L. 214-13 du code de l’éducation, « a pour objet l’analyse des besoins à moyen terme du territoire régional en matière d’emplois, de compétences et de qualifications et la programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, compte tenu de la situation et des objectifs de développement économique du territoire régional ». Avec cet article, je souhaite permettre à la région de décider de la création de lycées professionnels en fonction des besoins identifiés sur son territoire, comme elle le fait déjà pour les centres de formation d’apprentis (CFA), à travers les conventions. Un amendement permettra ainsi à la région d’arrêter la carte régionale des formations professionnelles initiales sans que l’accord du recteur soit nécessaire. La région serait également chargée d’ouvrir et de fermer les sections de formation professionnelle initiale sous statut scolaire – compétence aujourd’hui dévolue aux autorités académiques. L’objectif est de rendre l’offre de formation mieux adaptée aux besoins économiques locaux en optimisant l’organisation et la carte des formations. Je souhaite à terme que les régions encouragent la fusion des CFA et des lycées professionnels afin de tendre vers la création de centres d’apprentissage professionnel régionaux, ce qui assurerait tout à la fois une meilleure lisibilité et des économies budgétaires substantielles.

L’article 2 tend à la création de banques régionales de l’apprentissage. Il est nécessaire de se doter d’outils permettant une meilleure mise en relation des jeunes à la recherche d’un employeur et des entreprises qui souhaitent recruter un apprenti. La feuille de route adoptée à l’issue des assises de l’apprentissage en septembre 2014 va dans le bon sens, notamment grâce à la création d’une bourse Web nationale de l’apprentissage, abritée par Pôle emploi, qui a pour mission d’agréger les offres d’emploi en apprentissage. Mais le résultat est maigre car cette plateforme reste méconnue. C’est l’échelon régional, et non national, qui est le mieux à même de répondre avec efficacité aux offres et aux demandes ; c’est lui qui permet d’appréhender le mieux la réalité économique du territoire et qui donne le plus de chances à chacun des acteurs d’obtenir satisfaction.

Concrètement, chaque région serait libre d’organiser la banque de l’apprentissage comme elle le souhaite, par exemple en mettant en place des outils numériques ou en organisant des salons thématiques et des moments d’échange entre les entreprises et les jeunes désireux d’entreprendre un cursus en apprentissage. J’avais par ailleurs déposé un amendement visant à rendre ce dispositif obligatoire ; mais comme il créait une charge, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. L’adoption par le législateur d’une telle proposition permettrait de donner une impulsion symbolique non négligeable au développement d’initiatives régionales, répondant ainsi aux objectifs de la majorité actuelle : favoriser le développement de l’apprentissage et renforcer le rôle des régions en matière de développement économique.

Pour aider les régions à promouvoir cette nouvelle voie d’excellence, nous devrons mieux encadrer et revaloriser cette filière ; c’est le sens de l’article 3 qui vise à permettre aux jeunes de découvrir le monde de l’entreprise dès l’âge de quatorze ans, et à les faire bénéficier des mêmes droits que les salariés. Je m’inscris dans le sillage du dispositif initié par Gérard Cherpion en 2011, mais que Vincent Peillon a sacrifié en 2013 sur l’autel de l’idéologie dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Quelle erreur, quand on sait que c’est vers l’âge de quatorze ans que plusieurs milliers de jeunes décrochent du système scolaire ! Mon idée est de faciliter la vie de chacun – apprentis et chefs d’entreprise – afin de permettre à ceux qui le souhaitent de bénéficier de l’apprentissage dès quatorze ans. Tous les acteurs s’accordent à dire que le droit est aujourd’hui excessivement complexe et doit évoluer. Mais cette mesure n’est pas incompatible avec l’obligation d’éducation et d’instruction des jeunes jusqu’à seize ans : c’est un principe républicain auquel je suis très attaché. L’adolescent doit conserver son statut d’élève ; aussi tout apprentissage de quatorze à seize ans doit-il obligatoirement s’effectuer en alternance, afin que le jeune poursuive ses études tout en ayant un pied dans le monde du travail. L’apprenti pourrait par exemple passer trois jours par semaine en entreprise et deux jours en classe. Le seul objectif que nous devons poursuivre, c’est la bonne orientation et la réussite de nos élèves. J’ai donc déposé un amendement de précision concernant le statut du jeune, qui doit pouvoir choisir dès quatorze ans une filière de réussite tout en restant dans un cadre juridique sécurisant. En effet, il est grand temps que nous considérions l’apprentissage comme un mode de formation classique.

Enfin, cet article propose de faire bénéficier les apprentis des mêmes conditions de travail que les autres salariés, dans une démarche gagnant-gagnant, puisque cela permettrait à l’apprenti d’effectuer les tâches nécessaires à sa formation et inciteraient le chef d’entreprise à lui confier des missions. S’agissant des travaux dangereux pour la santé ou la sécurité des apprentis, en l’absence de décret d’application, la procédure dérogatoire prévue par l’article L. 6222-31 est restée lettre morte, donnant lieu à nombre de situations regrettables. Ainsi, certains apprentis – comme les charpentiers – ne peuvent apprendre correctement leur métier faute de pouvoir accomplir certains travaux. C’est pourquoi l’article 3 vise à inscrire dans la loi que tout apprenti doit bénéficier des mêmes conditions de travail que les autres salariés de l’entreprise dans laquelle il travaille. Je vous soumets également un amendement précisant que des accords de branche étendus définiraient les métiers pour lesquels les apprentis pourront accomplir tous les travaux nécessaires à leur formation.

Dans un contexte économique dégradé, les jeunes de notre pays rencontrent les plus grandes difficultés à entrer sur le marché du travail. Quand l’avenir de notre jeunesse est en jeu, il ne doit plus y avoir de clivages, mais des femmes et des hommes qui cherchent ensemble des solutions concrètes pour répondre le mieux possible aux enjeux actuels. Le développement de l’apprentissage représente un outil efficace d’insertion professionnelle des jeunes ; l’adoption par le législateur d’un texte qui incite à son développement régional enverrait un message extrêmement fort à l’ensemble des acteurs économiques concernés.

Mme Monique Iborra. Monsieur le rapporteur, la présentation que vous faites aujourd’hui de votre proposition de loi diffère du texte que vous aviez initialement déposé. Les amendements que vous avez présentés répondent sans doute aux réticences de vos collègues. Vous avez évolué dans votre manière d’appréhender ce sujet et je m’en réjouis.

Vous avez commencé par dire que vous étiez heureux de voir la gauche convertie à l’apprentissage. Je suis, pour ma part, heureuse de voir la droite convertie à la décentralisation ! En effet, la politique de Nicolas Sarkozy dans le domaine de l’apprentissage était d’un centralisme extrême, d’où son inefficacité. Aujourd’hui, nous sommes tous d’accord pour défendre la politique de l’apprentissage. Les régions – alors de gauche – qui ont œuvré dans ce domaine depuis de nombreuses années ont fait progresser le taux d’apprentis dans notre pays, même s’il reste insuffisant.

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu votre proposition. Nous sommes d’accord sur l’objectif à atteindre ; nos désaccords n’ont donc rien d’idéologique. Mais votre texte me paraît loin d’être novateur et les mesures proposées témoignent d’une certaine indigence. Cela peut tenir soit à l’ignorance, soit à la mauvaise foi. Si c’est l’ignorance, on peut le comprendre : vous venez d’être élu président de région et vous n’étiez encore que candidat lorsque vous avez déposé cette proposition de loi. J’ai cru sentir en la relisant le souffle de l’ancien conseiller de M. Sarkozy et directeur général de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, Bertrand Martinot, dont vous avez repris pour partie les propositions. Autrement dit, on n’y trouve rien de vraiment novateur.

Votre article 1er, bien que tempéré par votre amendement, prévoit d’exclure l’éducation nationale du jeu en la privant de toute compétence en matière d’apprentissage dans les lycées professionnels. Ce n’est pas ainsi, monsieur Estrosi, que vous arriverez, en tant que président de région, à rassembler tous les acteurs, très nombreux – peut-être trop – qui interviennent dans la sphère de l’apprentissage. Certes, des efforts doivent être faits au sein de l’éducation nationale – surtout au sein du corps professoral – pour valoriser l’enseignement professionnel, et en particulier l’apprentissage. Mais votre proposition de se passer de l’avis du recteur sur la carte des formations professionnelles procède d’une brutalité qui a toutes chances de se révéler contre-productive, d’autant plus – mais sans doute l’ignorez-vous – qu’un pas a été fait dans ce sens dans le cadre de la loi pour la refondation de l’école : alors que le recteur avait jusqu’alors le dernier mot, y compris pour ce qui touchait aux CFA, la loi a donné le dernier mot au président de région. Mais s’il n’a plus droit de veto, le recteur doit être au moins consulté.

En ce qui concerne la décentralisation de l’apprentissage, c’est grâce à nous que la région détient désormais la compétence exclusive en matière de création des CFA, ce que jamais vous n’aviez envisagé. Notre gouvernement a procédé à une refonte complète de la taxe d’apprentissage, réclamée depuis de nombreuses années – autre réforme que vous n’avez jamais conduite, ni même évoquée. La loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a permis aux régions de devenir les vrais maîtres à bord dans le domaine de l’apprentissage, en lien avec l’éducation nationale.

Pour toutes ces raisons – et je reviendrai plus tard sur l’apprentissage à quatorze ans – je suis déçue par votre proposition de loi, que le groupe Socialiste, républicain et citoyen rejettera fermement.

Mme Isabelle Le Callennec. Cette proposition de loi de notre collègue Christian Estrosi, désormais président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), vise à favoriser le développement régional de l’apprentissage. Celui-ci a subi de lourdes attaques au début du quinquennat de François Hollande : suppression des primes, division du crédit d’impôt par deux, réforme du circuit de la taxe. Le résultat fut immédiat, dans toutes les régions : fin 2014, la baisse des aides avait atteint 550 millions d’euros et les entrées en apprentissage ont reculé de près de 11 % en deux ans.

Ce n’est pas faute d’avoir alerté le Gouvernement ! J’en veux pour preuve les questions d’actualité répétées du groupe Les Républicains, ou encore la proposition de loi de notre collègue Gérard Cherpion, examinée en octobre 2014. Votre motion de rejet préalable était le signe de votre entêtement à privilégier les contrats aidés au détriment des contrats d’apprentissage qui affichent pourtant un taux d’insertion durable très supérieur : 70 % et jusqu’à 90 % dans certaines filières.

Sans mea culpa, mais en finissant par reconnaître implicitement une grave erreur, le Président de la République a annoncé 500 000 apprentis en 2017 et tenté de corriger le tir : plusieurs plans de relances successifs, la création de nouvelles primes d’apprentissage plus restrictives, puis l’aide TPE-apprentis inscrite en loi de finances 2016, sans oublier les mesures d’assouplissement incluses dans le plan pour l’emploi. Malheureusement, les liquidations judiciaires se sont entre-temps multipliées sur le territoire, notamment chez les artisans, principaux employeurs d’apprentis.

Comme pour le plan des 500 000 chômeurs en formation, le Président de la République veut désormais s’appuyer sur les régions – probablement pour partager les responsabilités, mais aussi les financements. Cette proposition de loi tombe donc à pic en proposant des solutions pragmatiques qui ne manqueront pas de susciter le débat.

La création des banques régionales de l’apprentissage permettrait de faciliter le lien entre apprentis et entreprises et de susciter une véritable émulation à l’échelle des territoires. On peut imaginer qu’une telle banque favorisera également le diagnostic des besoins des entreprises et des formations à encourager, et de ce fait le développement d’un « écosystème » de l’apprentissage.

Le texte propose de transférer la compétence en matière de lycées professionnels de l’éducation nationale à la région. En effet, c’est désormais en commission permanente du conseil régional qu’on arrête la carte des formations ; mais il s’agit cette fois-ci d’aller au bout de la logique de décentralisation de l’apprentissage, renforcée par la loi du 5 mars 2014, en unifiant au niveau de la région l’ensemble des offres de formation professionnelle initiale. Favoriser la synergie plutôt que les doublons ou la concurrence entre CFA et lycées professionnels contribuera à instaurer une dynamique forte en matière d’orientation, de formation et d’insertion durable. Je suis bien placée pour savoir que le président de la région a le dernier mot : nous essayons, sur mon territoire, de faire valider un baccalauréat professionnel en apprentissage dans les métiers de maintenance, mais le refus de la région a été net, alors que les besoins sont là et les entreprises, prêtes à embaucher les jeunes. C’est difficile à accepter, même s’il existe des possibilités de recours.

En tant qu’oratrice du groupe, je dois à mes collègues l’honnêteté de reconnaître que la possibilité de conclure un contrat d’apprentissage dès quatorze ans ne fait pas l’unanimité dans nos rangs. La loi Cherpion de 2011 prévoyait l’accès à un dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), sous statut scolaire, pour les jeunes de quatorze ans. Cette disposition a été supprimée par l’actuelle majorité, mais l’amendement AS6 de notre rapporteur à l’article 3 propose de la réhabiliter. Au-delà de la question de l’âge minimum d’accès à l’apprentissage, nous maintenons que le collège unique est en partie responsable de l’échec scolaire et qu’encore trop de jeunes sont orientés vers la voie professionnelle par défaut. Les régions qui sont désormais chargées du service public de l’orientation ont là aussi un rôle majeur à jouer.

Parce qu’elle tente de mieux encadrer l’apprentissage pour en faire une voie de réussite, voire d’excellence, parce qu’elle aligne les conditions de travail des apprentis sur celles des salariés, moyennant toutes les mesures de sécurité nécessaires – ni plus ni moins –, cette proposition de loi recueillera le soutien du groupe les Républicains. Je déplore que la majorité ait déposé des amendements de suppression de chacun des articles ; cette attitude ne va pas dans le sens de l’unité nationale à laquelle le Premier ministre ne cesse de nous appeler.

M. Arnaud Richard. Tout le monde en convient : la formation alternée offre aux jeunes un rempart contre le chômage et l’exclusion, tout en permettant de doter nos entreprises de compétences adaptées à leurs besoins. Alors qu’un jeune sur quatre est en recherche d’emploi, comment expliquer que l’alternance ne soit pas privilégiée au moment de l’orientation ? Les faits parlent d’eux-mêmes : qu’il s’agisse du financement, de la gouvernance ou de l’adéquation aux besoins du marché et des territoires, les défauts du système sont nombreux et connus, et les chiffres des entrées en apprentissage n’incitent guère à l’optimisme.

Depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuelle majorité, le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage a diminué de 8 % en 2013 et de 3 % en 2014. Cette tendance s’explique avant tout par l’accumulation des décisions dramatiques du Gouvernement. La baisse de 16 % – soit 550 millions d’euros – des crédits dédiés à l’apprentissage en 2014, la suppression de l’aide à l’embauche d’un alternant supplémentaire ou la réduction du crédit d’impôt et de l’indemnité compensatrice forfaitaire en 2013 sont autant de mesures qui ont gêné le développement de l’apprentissage.

Les annonces du Président lors de ses vœux aux acteurs économiques permettront-elles de réparer les erreurs commises depuis le début du quinquennat ? La proposition de loi de nos collègues Les Républicains va dans le bon sens ; de cette première étape, nous retenons en particulier le repositionnement de la région comme pilote du système de l’apprentissage, prévu à l’article 1er. La gestion par la région des lycées professionnels et des CFA devrait permettre de rationaliser et de décentraliser leur pilotage, tout en apportant davantage de cohérence à l’ensemble de la formation professionnelle initiale. L’offre de formation serait plus adaptée aux besoins économiques locaux, l’organisation et la carte des formations seraient optimisées, ce qui permettrait de réaliser des économies budgétaires substantielles.

L’orientation et la préparation des jeunes à l’univers de l’apprentissage constituent également un défi majeur. L’abaissement de l’âge d’entrée dans l’apprentissage, proposé à l’article 3 – c’était devenu un véritable marronnier dans la classe politique française –, devrait permettre de toucher un public plus large. Pour autant, on pourrait imaginer un système de pré-orientation dès quatorze ans, qui ne constituerait pas une entrée définitive en apprentissage.

Depuis plusieurs années, le groupe Union des démocrates et indépendants plaide pour un plan d’ampleur en faveur de la formation professionnelle et de l’apprentissage : augmenter la part de la taxe d’apprentissage réellement affectée à cette filière, améliorer l’offre de formation… Nous approuvons toute initiative tendant à renforcer le rôle de la région et à améliorer l’encadrement de l’apprentissage ; aussi soutiendrons-nous cette proposition de loi.

M. Christophe Cavard. Ce n’est pas la première fois que notre commission aborde ce dossier. Le groupe Écologiste n’est pas choqué par les mesures touchant au rôle et à la compétence des régions, proposées dans ce texte ; nous sommes, on le sait, très attachés à la décentralisation et nous souhaitons donner encore plus de poids aux collectivités territoriales. Nous sommes donc loin de refuser le débat.

J’ai toutefois noté, monsieur le rapporteur, que votre collègue Gérard Cherpion, qui est souvent intervenu sur ce sujet qu’il connaît particulièrement bien, n’a pas cosigné votre proposition de loi. Est-ce par manque de temps ou bien parce qu’elle prête à discussions au sein de votre groupe ? L’application des mesures envisagées nécessite, en effet, des mécanismes que votre texte ne prévoit pas nécessairement. Ainsi, vous avez raison de regretter la diminution du nombre de jeunes qui arrivent à accéder à cette filière, qui mérite d’être valorisée ; mais vous opposez, dans l’exposé des motifs, les contrats aidés et les contrats d’apprentissage, faisant peut-être référence aux emplois d’avenir. Pourtant ces deux dispositifs ne s’adressent pas forcément au même public. Les emplois aidés sont destinés aux personnes – qu’on appelle parfois les décrocheurs – qui ont besoin d’une deuxième chance et d’une qualification, mais qui se placent de plain-pied dans un métier et doivent bénéficier d’un contrat de travail à part entière. L’apprentissage relève d’une logique différente, même si votre texte vise à garantir aux apprentis les mêmes droits qu’aux salariés – une proposition discutable. L’apprenti reste inscrit dans un cursus scolaire et il ne serait pas juste de le traiter de la même façon qu’un salarié.

Quant aux lycées professionnels, ils ont vocation, certes, à offrir une formation qualifiante professionnelle aux élèves mais aussi à leur dispenser tout un ensemble de connaissances et à en faire des citoyens ; telle est la logique de l’éducation nationale en France. Dans ces conditions, faut-il vraiment les placer sous la responsabilité des régions ? C’est un vieux débat, dont nous connaissons les termes par cœur. Si nous acceptions, pourquoi tous les lycées, puis les collèges, ne connaîtraient-ils pas demain le même sort ? CFA et lycées professionnels présentent des différences, réfléchissons bien à la place de chacun et aux responsabilités des différentes collectivités. Quelles politiques peut-on mener au niveau national et au niveau régional ?

La création de banques régionales d’apprentissage pose la question du rôle des branches. Vieux débat là aussi… Ceux qui ont pratiqué des dispositifs de ce type savent combien la question est compliquée. En l’occurrence, elle est d’autant plus délicate que les branches ne sont pas forcément organisées en fonction d’un découpage territorial ni selon les mêmes logiques que les conseils régionaux. Ayant moi-même exercé des fonctions locales, je me demande dans quelle mesure vous avez pu, monsieur le rapporteur, avancer sur ce sujet.

Quant à la question – vraiment très récurrente dans nos murs – de l’apprentissage à quatorze ans, une filière fermée, vouée à l’apprentissage d’un métier, obéissant à une logique économique, est-elle vraiment faite pour d’aussi jeunes élèves, quelles que soient leurs difficultés scolaires ? Cela se discute. Compte tenu de ce que l’école apporte, en termes de contenus, compte tenu de son rôle dans l’émancipation de l’individu et la formation du citoyen, nous avons choisi de la rendre obligatoire jusqu’à l’âge de seize ans. Pourquoi voulez-vous absolument permettre l’apprentissage dès l’âge de quatorze ans ? La question de l’émancipation individuelle et citoyenne d’un jeune mérite effectivement d’être posée, mais dans le cadre d’un débat dans l’hémicycle, et non au détour de l’examen d’une proposition de loi.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi aura au moins le mérite de remettre sur le tapis le sujet de l’apprentissage, objet de nombreux rapports et études ces dernières années. Ainsi en savons-nous plus sur les motifs de rupture des contrats d’apprentissage. D’une part, ces motifs tiennent souvent à un environnement de travail de mauvaise qualité. D’autre part, le risque de rupture est d’autant plus élevé que le niveau de formation est faible. C’est pourquoi l’idée d’un apprentissage dès l’âge de quatorze ans ne me paraît pas une bonne idée. Laissons les jeunes aller au bout de leur année de troisième. Alors, peut-être plus matures, ils pourront entrer en apprentissage dans de meilleures conditions.

L’apprentissage offre de belles formations. Nous connaissons, sur nos territoires, des CFA et des maîtres d’apprentissage qui réalisent un travail formidable, nous connaissons des professionnels issus de cette filière qui font de belles carrières, mais l’apprentissage doit rester une formation choisie, non une formation subie. Or j’ai l’impression que si vous voulez, Monsieur le rapporteur, qu’un grand nombre de jeunes entrent en apprentissage dès l’âge de quatorze ans, c’est pour les sortir d’un système scolaire dans lequel, c’est vrai, ils ne se retrouvent pas.

L’apprentissage mérite mieux que cette querelle de chiffres entre droite et gauche. Formons un groupe de travail, organisons des auditions, notamment de représentants de l’éducation nationale. Je ne suis pas tout à fait fermée à vos propositions, notamment votre idée d’un transfert de la gestion des lycées professionnels à la région ; mais nous ne saurions valider ce choix au détour d’un article de proposition de loi, en une heure de débat. Réfléchissons-y, travaillons de manière constructive, et, pour une fois, montrons aux Français, aux apprentis, à tous ceux qui travaillent dans le secteur de l’apprentissage, que ce n’est pas qu’un thème de campagne électorale – M. Sarkozy avait promis un million d’apprentis lors de sa dernière campagne présidentielle.

De vraies questions se posent. Ainsi, selon le rapport Les freins non financiers au développement de l’apprentissage de février 2014, l’apprentissage souffre, auprès des familles, des jeunes et même de certains acteurs de l’éducation, d’un déficit d’image. Ce rapport révèle également une méfiance réciproque entre jeunes et employeurs et une méconnaissance de cette voie de formation.

Reprenons donc ces rapports et travaillons autour des propositions faites à l’époque.

M. Rémi Delatte. Cette proposition de loi a le mérite d’envoyer des signaux forts, à la fois à nos jeunes, à qui elle offre des perspectives d’emploi, et à nos entreprises, car elle est d’une grande pertinence d’un point de vue économique. Contrairement à ce que prétend la gauche – nous l’avons encore entendu ce matin –, l’apprentissage est une voie d’excellence pour nos jeunes, une piste des plus sûres pour favoriser leur accès à l’emploi. Cependant, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, des évolutions tant culturelles qu’administratives et même politiques s’imposent.

D’abord, il faut revaloriser l’image dépréciée de l’enseignement professionnel, comme, d’ailleurs, du travail manuel. Non, l’apprentissage n’est pas synonyme de rattrapage de l’échec scolaire ! Ensuite, la région doit être le pilote unique de l’apprentissage pour garantir une meilleure adéquation de l’offre de formation aux besoins en main-d’œuvre, bassin d’emploi par bassin d’emploi. Par ailleurs, en matière de formation des apprentis, une meilleure cohérence, une meilleure lisibilité doivent être favorisées. Enfin, il faut rétablir un pacte de confiance autour du triptyque employeurs-formateurs-apprentis, en allégeant les contraintes et les charges des entreprises qui misent sur la formation des jeunes, en encourageant ces derniers à choisir un parcours gagnant d’épanouissement individuel et d’insertion dans la vie active et en intégrant la filière de formation professionnelle à l’enseignement initial, dont elle doit être un pilier majeur.

C’est tout le sens de cette proposition de loi, qui s’imposera comme un levier opportun dans la lutte contre le chômage des jeunes, mais aussi comme un levier de recrutement pour nos artisans et nos entrepreneurs.

M. Michel Liebgott. Match nul, suis-je tenté de dire, monsieur le rapporteur… Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre d’apprentis n’a pas vraiment progressé ; sous la présidence de François Hollande, non plus, mais il s’est stabilisé entre 2014 et 2015. La proposition de loi dont nous sommes saisis nous incite à y réfléchir. À cet égard, c’est une excellente initiative, même si certaines approximations me surprennent, notamment sur le coût réel d’un apprenti en France.

Les uns et les autres doivent unir leurs efforts pour faire progresser notre système. C’est aussi une question de culture. Élu frontalier, je sais que 70 % des entreprises allemandes font appel à la Bundesagentur für Arbeit, administration fédérale, pour trouver un candidat, alors qu’en France les entreprises ne sont que 20 % à se tourner vers Pôle emploi. Nous n’avons pas cette culture, cette volonté de travailler ensemble, service public, syndicats, salariés et chefs d’entreprise. Nous le constatons tous : les chefs d’entreprise ne jouent pas tous le jeu. Combien de jeunes viennent nous voir pour trouver une place en apprentissage ou un stage en entreprise pour valider leur formation ! Dans nos collectivités locales, nous sommes leur dernier espoir. Malheureusement, aujourd’hui, les entreprises ne jouent pas le jeu de l’accueil des jeunes, apprentis ou autres.

Enfin, comme M. Cavard, je regrette que l’on oppose ainsi les emplois aidés aux autres dispositifs. Il faut tout faire pour lutter contre le chômage des jeunes. J’ai connu de nombreux emplois aidés, dans les collectivités même où j’ai exercé des mandats. Les intéressés ont démarré petitement, ils ont progressé, passé les concours, et, aujourd’hui, ils sont fonctionnaires ou salariés en contrat à durée indéterminée. Ni les emplois aidés ni l’apprentissage ne sont un désastre !

M. Bernard Perrut. Nous partageons tous la même volonté de faire de l’alternance et de l’apprentissage une voie privilégiée d’accès à l’emploi. L’apprentissage c’est à la fois une formation, un travail et un avenir : 70 % des apprentis trouvent un emploi durable à la fin de leur formation. Des parlementaires travaillent sur ce sujet depuis un certain nombre d’années. Ainsi, en 2011, Gérard Cherpion, Jean-Charles Taugourdeau et moi-même avions déposé une proposition de loi visant au développement de l’alternance et à la sécurisation des contrats d’apprentissage. Notre volonté ne faisait aucun doute. Hélas, incontestablement, depuis 2012, la chute du nombre d’entrées en apprentissage est inexorable : il a baissé de 8 % en 2013, puis de 3 % en 2014 et la tendance reste à la baisse en 2015, même si tous les chiffres ne sont pas encore connus.

La crise de l’apprentissage est liée à un certain nombre d’actions incohérentes du Gouvernement en matière d’aides aux entreprises – des primes sont supprimées tandis que d’autres sont instaurées –, à une politique illisible à la suite de la réforme de la taxe d’apprentissage, à des textes de loi qui complexifient les dispositifs, mais également parce que vous avez parié sur les contrats aidés plutôt que sur l’apprentissage. Nous sommes donc inquiets, et ce n’est pas un énième plan de relance de l’apprentissage qui réglera toutes les situations.

Le texte de notre collègue Estrosi a l’ambition de placer les régions au cœur d’un véritable dispositif de pilotage, de leur donner les clés de l’apprentissage – cela a d’ailleurs été un des thèmes de campagne de certains nouveaux présidents de régions. Nous voyons bien en quoi les formations d’apprentis et celles dispensées dans nos lycées professionnels diffèrent, notamment en termes de contenu. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi pour que les formations de nos lycées professionnels soient définies avec les branches professionnelles. Un jeune n’est pas formé de la même manière dans un établissement public que dans un CFA géré par une chambre des métiers ou une chambre de commerce, des organisations professionnelles beaucoup plus proches du terrain.

Ce texte introduit aussi une dynamique ; il vise à décloisonner les acteurs, à les relier, à faire le lien, à travers une banque régionale, entre les besoins des apprentis et ceux des entreprises. Il est également ambitieux en matière d’orientation, avec le chantier de l’apprentissage à quatorze ans, vrai débat qu’il faut ouvrir et qui ne peut être réglé en quelques instants. Notre loi de 2011 prévoyait l’accès à un dispositif de préapprentissage sous statut scolaire, le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), précisément remis en cause par l’actuel gouvernement. Il s’agissait de faire connaître le monde de l’entreprise et d’offrir des formations.

J’estime enfin, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, que les ressources de l’apprentissage mériteraient un vrai débat ; mais ce n’est ni l’heure ni le sujet.

M. le rapporteur. Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, Mme Iborra a commencé par dire que cette proposition de loi lui paraissait intéressante, qu’elle transcendait les clivages idéologiques… avant de n’y répondre que par de l’idéologie. Je le regrette très sincèrement. Et si j’ai présenté des amendements, c’est en raison de ce qui s’est passé depuis le dépôt de cette proposition, signée par plus de quatre-vingts parlementaires : le 16 janvier dernier, lors de ses vœux à la presse, le Président de la République a tendu la main aux nouveaux exécutifs régionaux et les a invités à lui faire un certain nombre de propositions consensuelles et non idéologiques. Nous le rencontrerons d’ailleurs mardi prochain pour en parler. Il se trouve que le calendrier de la commission des affaires sociales de notre assemblée nous offre l’opportunité de chercher les voies du consensus auquel il nous invite pour réduire le taux de chômage des jeunes. Par ces amendements, je saisis la main tendue par le Président de la République, et je trouve bon qu’il appelle les régions à y œuvrer.

Peut-être n’avons-nous pas fait le tour du problème, chère collègue, mais, pour ma part, j’ai été président d’un conseil général, maire d’une grande ville et président d’une métropole, j’accompagne des CFA, des lycées professionnels. Depuis le 18 décembre, date de mon élection à la présidence de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, je n’ai pas perdu de temps : j’ai rencontré le monde professionnel, les chambres consulaires, les fédérations syndicales, des artisans, des commerçants. Que m’ont-ils dit ? Dans ma région, 25 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues, les plans de formation de la région ont trois ans de retard sur leurs besoins, car le conseil régional n’a jamais associé le monde de l’entreprise à leur élaboration – je ne fais là que répéter les propos tenus par le monde des entreprises.

Le moment est peut-être crucial, pour notre pays : c’est la majorité qui, aujourd’hui, invite tous les présidents d’exécutifs, proches d’elle ou issus de l’opposition, à faire des propositions, en se déclarant prête à fournir des financements, à permettre des expérimentations. Le groupe Les Républicains a déjà fait d’ambitieuses propositions au cours des dernières années. Nous ne sommes pas là pour engager une bataille de chiffres, mais, quoi que vous en disiez, le nombre d’apprentis dans notre pays n’a cessé de chuter depuis 2012. Les chiffres sont là, rudes pour l’exécutif, qui porte une part de responsabilité – il en prend lui-même conscience. S’il tend la main, c’est pour essayer d’inverser le cours de choses. Voilà pourquoi j’ai le sentiment que vous me répondez par de l’idéologie. Il n’y a de ma part ni ignorance, ni mauvaise foi ; oui, j’assume ma fonction, je rencontre les acteurs depuis plusieurs semaines et nous travaillons déjà – nous n’avons pas de temps à perdre – sur les premiers plans de formation que nous soumettrons à nos assemblées délibérantes au cours des deux mois qui viennent.

Non, il n’est pas question d’écarter le recteur, contrairement à ce que vous dites ; je propose seulement de permettre à la région d’arrêter la carte régionale des formations professionnelles initiales sans que l’accord du recteur soit nécessaire. Ce n’est pas là écarter l’éducation nationale. La préparation des plans de formation doit donner lieu à un débat collectif entre l’éducation nationale, le monde de l’entreprise, la collectivité territoriale, les centres de formation dans leur ensemble. L’éducation nationale doit y prendre toute sa part, mais si l’on veut se placer dans un véritable esprit de décentralisation, ce n’est pas au recteur de donner son accord in fine, mais à la collectivité régionale, qui finance les formations, de prendre les décisions.

Mme Le Callennec, dont nous connaissons l’expérience dans ce domaine, a rappelé comment les primes ont été supprimées et les contrats aidés délibérément privilégiés. Il n’y a là aucune posture idéologique de notre part : j’ai envie de regarder l’avenir, pas le passé, mais c’est vous qui nous y obligez : en 2011, l’État a cosigné avec toutes les régions de France un contrat visant à quasiment doubler le nombre d’apprentis. Les efforts financiers devaient être assumés à parts égales par l’État et par les collectivités régionales. Or, malgré les sommes allouées pour doubler leur nombre, il y a moins d’apprentis aujourd’hui qu’en 2011 ! Je ne dispose pas encore de tous les éléments pour démontrer que cet argent a été utilisé pour financer surtout des contrats aidés et non l’apprentissage auquel il était destiné ; reste, le fait est avéré, que 90 % des contrats aidés financés finissent en impasse alors que 70 % des apprentis trouvent un véritable emploi. Sans aller jusqu’à supprimer totalement les contrats aidés et les contrats d’avenir, peut-être faudrait-il rééquilibrer les financements au profit des dispositifs qui garantissent une formation à de vrais emplois.

La loi sur le préapprentissage de notre ami Gérard Cherpion préservait le rôle de l’éducation nationale tout en offrant aux jeunes la possibilité, dès l’âge de quatorze ans, de se tourner vers un métier, de réfléchir à leur orientation. Cela s’adressait surtout à des jeunes pratiquement en situation de décrochage scolaire ; or c’est justement entre treize et quatorze ans que ces cas se rencontrent le plus souvent. Il est dommage que ces dispositions aient été abrogées par la loi de 2013. Alors que l’on appelle, comme l’a dit Isabelle Le Callenec, à l’unité nationale pour lutter contre le chômage des jeunes, qui sont les plus durement touchés par ce phénomène – 25 % ! –, ne nous enfermons pas dans une vision par trop idéologique, au risque de laisser s’instaurer un débat clivant que personne ne comprendrait.

À M. Cavard qui s’étonnait de ne pas retrouver tel ou tel de nos collègues dans les noms des signataires de la proposition de loi, je réponds que le groupe Les Républicains a voté à l’unanimité l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi. Il n’y a donc pas de débat entre nous, nous y sommes tous favorables.

Vous trouvez contestable l’idée de mettre un apprenti dans les mêmes conditions de travail qu’un salarié, cher collègue ; mais comment voulez-vous qu’un chef d’entreprise ait envie d’accueillir un apprenti s’il lui est interdit de monter sur une échelle ou encore de mettre la pâte dans le four à pain d’une boulangerie-pâtisserie ? Si vous voulez inciter le monde de l’entreprise à se tourner davantage vers l’apprentissage, donnez-lui la possibilité d’accueillir les apprentis en alternance dans les mêmes conditions de travail que les salariés. Ils se formeront alors bien mieux et bien plus rapidement, et la filière sera beaucoup plus attractive.

Au nom du groupe UDI, M. Richard a rappelé que cette proposition de loi répondait à une grande attente des entreprises. Elles veulent effectivement pouvoir accueillir plus d’apprentis – cela vaut aussi pour les entreprises publiques. Ma propre collectivité compte aujourd’hui 6 000 salariés et, alors que nous assumons la charge de la formation initiale qualifiante, nous n’avons fait appel, ces dernières années, qu’à huit apprentis ! Les entreprises du secteur public ont elles aussi le devoir de se tourner aussi vers cette filière. Et ce texte répond, cher Arnaud Richard, à votre souhait de rationalisation des CFA et de la formation professionnelle. Cela peut effectivement permettre une optimisation des formations comme des dépenses.

Mme Bulteau a souhaité que l’apprentissage soit une formation choisie et non subie, mais cette proposition de loi peut précisément offrir à des jeunes en décrochage scolaire une formation et un avenir. Face à cette jeunesse en désespérance, qui n’a envie de rien, qui ne veut s’engager dans rien, nous devons traiter chaque cas de manière individuelle, essayer de comprendre les goûts et de connaître les appétences de chacun. La filière de l’apprentissage peut sortir un certain nombre de jeunes de l’impasse dans laquelle ils sont enfermés.

Tout comme vous, madame, je veux sortir des querelles de chiffres – quand bien même ils nous donnent plutôt raison – pour n’en retenir qu’un seul : l’objectif de 500 000 contrats d’apprentissage énoncé par le Président de la République. Tournons-nous ensemble vers l’avenir plutôt que de nous envoyer à la figure les chiffres du passé. Et si vous-même n’êtes pas hostile à un transfert de la gestion des lycées professionnels aux régions, eh bien, allons-y, faisons-le. Ce n’est pas un argument de campagne, nous avons dépassé cela ; l’exécutif nous invite à faire des propositions, nous répondons à son invitation.

M. Delatte a relevé la pertinence du dispositif proposé pour nos entreprises et la nécessité de revaloriser l’image dépréciée de l’enseignement professionnel. Moi non plus, je n’accepte pas que l’on continue à prétendre qu’il y aurait, dans notre pays, des filières d’excellence – l’université, les classes préparatoires, etc. – et que la formation professionnelle n’en fasse pas partie. Une formation professionnelle, qui mène à un CAP, à un BEP, à un diplôme de niveau bac +2 ou bac +3, à un diplôme d’ingénieur, c’est bel et bien une formation d’excellence, et que l’on peut de surcroît proposer à un jeune en situation de décrochage scolaire. Arrêtons de dévaloriser l’enseignement professionnel. Et notre collègue a parfaitement raison de rappeler que ce sont les collectivités régionales qui sont les plus à même d’évaluer les besoins de formation des bassins d’emploi en fonction de leurs spécificités.

M. Liebgott a rappelé la faiblesse de la culture de l’apprentissage dans notre pays, notamment lorsque nous le comparons à l’Allemagne. Il nous est traditionnellement plus difficile de créer des synergies entre les collectivités et les mondes de l’entreprise et de l’éducation. Notre responsabilité d’acteurs publics est d’inculquer dans la conscience collective et d’intégrer à notre culture la nécessité de trouver des voies d’avenir à notre jeunesse.

M. Perrut a réaffirmé sa volonté de défendre l’alternance et l’apprentissage pour garantir un emploi durable. Rappelons qu’il était un des auteurs, avec MM. Cherpion et Taugourdeau, de la proposition de loi de 2011. Sans faire preuve d’idéologie, nous pouvons constater que les mesures proposées par M. Peillon en 2013 ont privé d’effet les dispositions de ce texte, et le Président de la République lui-même l’a reconnu, et fait le constat que la loi de 2013 était un échec. Pourquoi ne tenterions-nous pas de revenir à ce qui était une loi de réussite en 2011, en l’enrichissant des contributions de chacun et en y intégrant les effets de la loi NOTRe – qui n’est pas la nôtre, d’ailleurs… –, qui place les régions en position stratégique ?

Il faut aussi poser la question du financement, puisque si le Président de la République annonce 2 milliards d’euros, nous ne savons pas sur quelle ligne budgétaire nous pourrions les trouver.

Mme la présidente. Vous en appelez à des postures non idéologiques, monsieur le rapporteur, mais vous écriviez dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, qui a dû être rédigé en septembre : « En trois ans, François Hollande a creusé la tombe de l’apprentissage […] Alors que le chômage explose, les socialistes ne trouvent rien de mieux que de ruiner un dispositif qui fonctionne. » Admettez que ce n’est pas forcément un terreau favorable à l’éclosion d’un consensus, d’autant que les socialistes ne forment pas la majorité à eux seuls, elle compte aussi des écologistes et des radicaux de gauche… Cette majorité a su prendre ses responsabilités, deux mois et demi après le dépôt de votre proposition de loi.

La Commission passe à l’examen des articles.

Article 1er : Pilotage de la formation professionnelle initiale par les régions

La Commission examine l’amendement de suppression AS1 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Permettez-moi quelques rapides réflexions avant de vous exposer mes raisons de demander la suppression de cet article.

Votre proposition de loi répond à la main tendue du Président de la République, et les groupes de la majorité, tout autant que le groupe Les Républicains, sont d’accord pour faire de l’apprentissage une voie d’excellence. Pour autant, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons considérer que votre proposition de loi constitue la solution ; elle pourrait même s’avérer contre-productive pour le développement de l’apprentissage, comme j’essaierai de vous en convaincre lors de l’examen des amendements.

Par cet article 1er, vous proposez que la région « ait la main » sur les formations professionnelles initiales. C’est déjà le cas pour les formations dispensées par les centres de formation d’apprentis (CFA), grâce aux dispositions que nous avons prises ; vous proposez d’aller plus loin en appliquant la même règle aux lycées professionnels. Votre proposition de loi initiale était même particulièrement brutale, puisqu’il ne devait plus y avoir qu’un seul centre de formation.

Sans idéologie, mais forte de mon expérience, je vous répète que la loi prévoit déjà que le dernier mot sur ce sujet revient au président de région, contrairement à ce qui se passait antérieurement, et cela nous paraît suffisant dans une première étape. Cet article est donc probablement prématuré, et de surcroît rédigé de manière précipitée, j’en demande donc la suppression.

Mme Isabelle Le Callennec. Ouvrons le débat. Il est intéressant de chercher des solutions pragmatiques aux défis posés aux jeunes sur le terrain.

Nous n’opposons pas les emplois d’avenir aux contrats d’apprentissage, mais reconnaissez que lorsque vous avez créé les emplois d’avenir, tous les moyens des régions
– je pense en particulier aux missions locales – ont été mobilisés pour « vendre » des emplois d’avenir plutôt que des contrats d’apprentissage. Je me souviens d’avoir dénoncé cette politique en son temps. Les missions locales ont entre leurs mains différents dispositifs, et il leur était demandé de faire du « chiffre emplois d’avenir ». (Exclamations.) J’insiste : dans chaque bassin d’emploi, un objectif était fixé en termes de nombre d’emplois d’avenir à contractualiser. Cela s’est fait au détriment de l’apprentissage, car parmi les jeunes qui ont contractualisé un emploi d’avenir – tant mieux pour eux si cela a débouché sur un emploi durable – certains avaient le profil pour prendre la voie de l’apprentissage, mais cela ne leur a pas été proposé.

Nous parlions de choisir et de subir : plus nous informerons les jeunes sur les qualifications possibles dans le domaine de l’apprentissage et nous rassurerons les familles sur les chances d’issue positive, comme en attestent les chiffres et les taux d’insertion dans l’apprentissage, et plus nous leur donnerons envie de choisir l’apprentissage.

S’agissant plus précisément de cet article 1er, sa formulation peut effectivement choquer. La question est de savoir s’il est possible de transférer aux régions la compétence en matière de lycées professionnels. Aujourd’hui, la région conventionne et finance les CFA mais elle n’a pas la main sur les lycées professionnels. Or il existe des doublons sur le terrain, au niveau des plateaux techniques par exemple. Les régions sont parfois amenées à financer les mêmes plateaux techniques dans des centres d’apprentissage et dans des lycées professionnels. C’est une réelle difficulté pour les régions, qui gèrent l’argent public. Il faut donc s’interroger sur la complémentarité de l’offre sur un territoire, du CAP au BTS et aux licences professionnelles, et travailler sur la question des doublons et des financements.

M. Christophe Cavard. Par principe, le groupe Écologiste n’apprécie pas les amendements de suppression, qui ont pour effet de faire disparaître un par un tous les articles d’une proposition de loi. Nous avons parfois eu à souffrir de ce genre de pratique.

Cette proposition de loi pose des questions intéressantes sur la question du rôle des régions, vaste débat qu’il sera difficile de résoudre ce matin, sur la place des lycées professionnels et l’âge d’entrée en apprentissage. Or un texte sur la formation professionnelle va bientôt nous être présenté par la ministre du travail, qui devrait être étudié au mois d’avril si mes informations sont bonnes. Il me semble évident qu’une bonne part des mesures contenues dans la proposition de loi pourront être retravaillées de manière constructive dans le cadre de ce texte, qui permettra peut-être d’aller plus loin sur le rôle et la fonction des régions en matière d’apprentissage.

Nous partageons donc l’idée que ce texte n’est pas très opportun aujourd’hui, mais qui pouvait le savoir en septembre, lorsqu’il a été déposé ? Nous pourrons rediscuter de ces sujets au printemps, lorsque le projet de loi sur la formation professionnelle et l’apprentissage nous sera présenté.

M. Élie Aboud. Je partage pleinement l’avis de Mme Le Callennec, mais je souhaite simplement obtenir une précision technique. Monsieur le rapporteur, nous savons que les élèves âgés de quatorze ans bénéficient du dispositif d’apprentissage, et le rapport indique que vous souhaitez garder un statut scolaire. Vous proposez par la suite son extension aux lycées professionnels. Si la région pilote l’ouverture, la fermeture et la gestion des lycées professionnels, le statut scolaire peut-il rester adapté ?

M. Bernard Perrut. Cette proposition de loi a le mérite d’ouvrir un vrai débat. Nous n’allons peut-être pas le régler en quelques minutes, mais il pose un problème de fond.

J’irai plus loin encore en soulevant la question des formations et de leur contenu. J’ai comparé le contenu des formations qui préparent aux mêmes diplômes selon qu’elles sont dispensées dans un CFA – géré par une chambre des métiers – ou dans un lycée professionnel géré par l’éducation nationale. On voit bien que l’enseignement dans les lycées professionnels est parfois un peu déconnecté du monde de l’entreprise, de ses réalités et de ses besoins ; il lui faut beaucoup plus de temps pour s’adapter aux attentes de nos entreprises.

Je propose d’ailleurs une évolution de l’article L. 335-6 du code de l’éducation afin que les programmes de l’éducation professionnelle soient élaborés par l’éducation nationale avec les branches professionnelles concernées. J’irais donc plus loin que vous, monsieur Estrosi, sinon nous ne résoudrons pas le problème.

M. le rapporteur. Madame Iborra, la formation professionnelle initiale des jeunes peut aujourd’hui s’effectuer par deux filières très cloisonnées : les lycées professionnels ou l’apprentissage. Ce n’est pas rationnel. Il convient de renforcer les compétences des régions pour harmoniser les choses, car elles constituent l’échelon territorial le plus pertinent pour adapter l’offre de formation aux besoins des entreprises. Si les entreprises et les collectivités ne travaillent pas main dans la main, cela ne peut pas marcher.

Confier aux régions la gestion des CFA et des lycées professionnels constitue une réforme très ambitieuse, j’en suis conscient, et je vous propose donc de la remplacer par un dispositif permettant à la région de décider de la création de lycées professionnels en fonction des besoins identifiés sur son territoire, comme elle le fait déjà pour les CFA. C’est l’objet de l’amendement que je propose à l’article 1er. Je prends donc en compte vos observations, et je les comprends parfaitement.

Ma proposition de fusionner les CFA et les lycées professionnels est inspirée d’un rapport sérieux, publié en mai dernier par Bertrand Martinot, de l’Institut Montaigne. Cette unification contribuerait à rationaliser l’offre de formation professionnelle, à la rendre mieux adaptée aux besoins économiques locaux, et à optimiser l’organisation et la carte de ces formations.

Je remercie évidemment Mme Le Callennec de soutenir cet article en avançant des arguments très justes. Enfin, en réponse à M. Aboud, il n’y aurait aucun sens à ce que le statut scolaire ne facilite pas la passerelle avec un lycée professionnel. C’est justement le fait de garder le statut scolaire qui peut faciliter cette passerelle, car on reste dans le milieu scolaire.

M. Perrut s’est dit prêt à soutenir des propositions allant bien au-delà ; nous aurons bien d’autres occasions d’en débattre… J’ai voulu rester modeste, tout en sachant qu’il nous faudra aller plus loin.

Je donne un avis défavorable à l’amendement de suppression.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement AS5 n’a plus d’objet.

Article 2 : Banque régionale de l’apprentissage

La Commission examine l’amendement AS2 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Cet amendement de suppression se justifie par le fait que l’article 2 de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur et président de région, est inutile : le président de région peut dès à présent organiser comme il l’entend et avec qui il l’entend la mise en relation entre l’entreprise et l’apprenti.

Nous n’avons pas suffisamment rappelé que pour développer l’apprentissage, il faut un contrat de travail, donc une entreprise et un apprenti : les deux sont indispensables. Je suis d’accord avec vous : un portail national tel que l’avait suggéré l’ancien gouvernement serait totalement inutile et inefficace, mais la mise en relation des entreprises et des candidats à l’apprentissage vous est d’ores et déjà tout à fait possible, sous différentes formes. J’ajoute que pour obtenir l’adhésion de tous aux politiques régionales, d’autant plus importantes que les régions sont grandes, le président de région se doit de rassembler l’ensemble des acteurs. Or votre proposition de loi ne mentionne jamais les partenaires sociaux. S’il devait y avoir des amendements, ce serait pour associer étroitement les partenaires sociaux, les entreprises et l’ensemble des acteurs.

Ce que vous proposez aujourd’hui est inutile, il est déjà possible de le faire sans l’inscrire dans la loi. Je propose donc la suppression de cet article.

Mme Isabelle Le Callennec. Je rejoins Mme Iborra : il existe aujourd’hui de nombreux sites sur l’alternance et l’apprentissage. Mais l’idée de notre rapporteur est d’aller plus loin, et de prévoir, comme il devrait y en avoir à Pôle emploi, des dépôts d’offres pour mettre en relation des entreprises qui recherchent des apprentis et des apprentis qui recherchent des entreprises.

Nous parlions des motifs de rupture. Il ne faut pas se le cacher, il y a des ruptures de contrats d’apprentissage. Nous ne travaillons pas assez sur l’accompagnement des jeunes qui vont entrer en apprentissage. On pourrait imaginer une école de préparation à la voie de l’apprentissage, notamment quand les apprentis sont jeunes, car ils quittent parfois le foyer familial sans avoir tous les outils pour vivre une nouvelle vie qui change fondamentalement de l’enfance.

Il faut donc encourager la mise en relation des jeunes, des centres d’apprentis et des entreprises, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui, sinon nous ne verrions pas autant de ruptures. Les jeunes ne sont pas toujours prêts, à plus forte raison lorsque l’apprentissage a été un choix par défaut.

La création d’une banque régionale est donc intéressante car elle contribuerait à lever tous les freins non financiers à l’apprentissage.

Mme Sylviane Bulteau. Cette idée de banque est évidemment intéressante, mais je rejoins Monique Iborra : il est déjà possible pour les présidents de région de mettre ce genre d’outil en place. Les régions sont compétentes sur les budgets d’investissement et de fonctionnement des CFA et la promotion des formations auprès des jeunes et des entreprises.

L’ancien président de la région des Pays de la Loire a consacré des financements importants à l’accompagnement des jeunes : nous avions ainsi instauré la gratuité des mallettes d’outils pour les jeunes entrant en apprentissage, et mis en place des aides financières pour la mobilité et l’hébergement lorsque le CFA est éloigné du maître d’apprentissage et de la résidence des parents. Tout cela est donc déjà possible, je ne comprends pas bien pourquoi il faudrait légiférer pour faire plus d’accompagnement : c’est du ressort des décisions politiques des régions.

Les régions vont en plus avoir une compétence pleine et entière sur l’économie. Tout le lien avec le tissu économique, des petites entreprises, de l’artisanat et du commerce aura encore plus de sens. Monsieur Estrosi, vous pourrez donc déjà le faire dès demain dans votre région ; n’hésitez pas !

M. le rapporteur. Je ne manquerai pas de le faire dès demain !

Mme Le Callennec a bien résumé la situation : c’est la mise en relation qui est au cœur de cet article. Vous dites avoir mis en place des financements, des aides, des soutiens, mais il est ici question du traitement individuel, de la mise en relation de l’entrepreneur, du jeune et des formateurs.

Sur ces sujets, Mme Iborra a raison, il est déjà possible d’agir. C’est d’ailleurs une erreur dans ma rédaction initiale. J’avais écrit : « La région peut mettre en place une grande banque régionale d’apprentissage permettant de développer les liens entre les besoins des apprentis et des entreprises », j’ai proposé un amendement pour remplacer « peut » par « doit ». Malheureusement, il a été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution.

Cet article a pour objet d’encourager le développement des banques régionales d’apprentissage, c’est pourquoi je demande le rejet de l’amendement de suppression.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 3 : Apprentissage à quatorze ans

La Commission examine l’amendement de suppression AS3 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. J’avais demandé la suppression des articles précédents car ils nous paraissaient inutiles ; mais l’article 3, qui permettrait d’entrer en apprentissage dès l’âge de quatorze ans, participe d’une démarche fondamentalement idéologique, qui ne tient aucun compte de l’évolution de la psychologie des jeunes actuellement élèves dans l’enseignement général.

J’ajoute que si cet article était adopté, il serait parfaitement contre-productif et freinerait le développement de l’apprentissage, alors même que des modalités ont d’ores et déjà été prévues pour régler, au moins pour partie, le problème de l’âge d’entrée en apprentissage.

Tout d’abord, comme l’a évoqué Mme Le Callennec, les discussions que nous avons avec les entreprises et les jeunes qui seraient susceptibles d’entrer en apprentissage font apparaître l’utilité d’un sas de préparation à l’apprentissage. Demander à un enfant de quatorze ans d’entrer en apprentissage et de s’orienter ensuite est contre-productif : cela va entraîner des ruptures et des réorientations qui n’encourageront pas l’adhésion des enfants et des familles à l’apprentissage, alors que les réorientations sont déjà trop nombreuses. Elles ne sont pas uniquement dues à l’âge d’entrée dans l’apprentissage : elles tiennent aussi, plus globalement, à un gros défaut d’orientation du côté de l’éducation nationale. Et de ce point de vue, l’intervention des régions n’a pas été probante pour le moment, il faut bien l’admettre.

Votre préoccupation n’est plus d’actualité : c’est l’apprentissage du XIXsiècle, le travail des enfants. Abandonnez, je vous en conjure, cette conception d’un autre âge ! D’autant plus que d’ores et déjà, la loi sur la formation professionnelle permet aux jeunes d’entamer un cycle de formation par voie scolaire, ou sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle, en attendant d’atteindre l’âge ouvrant droit à un contrat d’apprentissage, c’est-à-dire quinze ans. Cette préparation est absolument indispensable si nous souhaitons développer l’apprentissage.

Un mot enfin sur l’utilisation des outils et machines dangereuses. La question réapparaît régulièrement : on ne veut pas d’apprentis parce qu’on ne peut pas les mettre réellement en situation de travail. Ce peut être effectivement un souci pour l’employeur, qu’il doit mettre en évidence : c’est effectivement à l’employeur qu’il revient d’encadrer des stagiaires aussi jeunes de manière à ce qu’ils ne soient pas en situation d’insécurité quand ils utilisent ces machines.

Vous prétendez qu’il n’y a pas eu de décret : or, à ma connaissance, deux décrets du 17 avril 2015 simplifient la déclaration préalable – il est vrai que c’était une usine à gaz pour les employeurs – et allègent un certain nombre de dispositions, sans pour autant les annuler complètement.

C’est donc par conviction que je demande la suppression de cet article.

Mme Isabelle Le Callennec. Cette proposition de loi a le mérite de susciter le débat et, je l’espère, de nous faire avancer les uns et les autres. Je vous rejoins sur un point, madame Iborra : le manque de maturité des jeunes de quatorze ans, car l’éducation a beaucoup changé en vingt ou quarante ans. Quand on leur demande ce qu’ils veulent faire dans la vie, que voulez-vous qu’ils répondent ? Ils n’ont aucune connaissance, et c’est bien normal, de ce qui existe. En revanche, certains jeunes ne sont manifestement plus « à leur place » dans le système scolaire classique, trop conceptuel pour nombre d’entre eux. Regardez les programmes scolaires… Certains jeunes sont devenus totalement rétifs à cette façon d’enseigner ; ils décrochent alors qu’ils sont habiles et seraient capables, si on le leur proposait, de faire, d’agir, de construire, et de ce fait de se revaloriser à leurs propres yeux.

Si le manque de maturité est indéniable, il faut tout de même trouver des solutions pour ces jeunes-là, notamment lorsque les enseignants leur conseillent l’apprentissage d’un métier. Nous devons donc nous poser la question sans nous focaliser sur l’âge. Il est possible pour le jeune de suivre un cycle de formation scolaire ou sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle dès l’âge de quinze ans ; c’est la bonne solution. Mais faut-il obligatoirement avoir quinze ans révolus au moment où on entame cette formation ? Nous nous étions posé la question ; je crois savoir que des possibilités de dérogations sont prévues.

Cela étant, même si les décrets sont sortis, sur le terrain, une fois de plus, l’application du texte ne se fait pas toujours de façon idéale. J’ai visité un restaurant de ma circonscription, où travaillaient deux jeunes de dix-sept ans, l’un en contrat de professionnalisation, l’autre en apprentissage. L’un a le droit d’utiliser certains matériaux et machines, l’autre pas ! Si une prise de conscience a eu lieu en ce qui concerne l’utilisation de machines par les jeunes, la direction du travail ne suit pas, même si le décret est publié. Pour ma part, je discute beaucoup avec les maîtres d’apprentissage dont le travail de tutorat est fondamental. Ils me confirment que les temps ont changé, que les enfants ne sont plus les mêmes : ils doivent de plus en plus souvent jouer un rôle d’éducateur – comme à l’école, du reste – avant de leur apprendre un métier.

Les territoires doivent s’organiser dans ce domaine. Si l’on attend tout de l’État, il ne se passera malheureusement pas grand-chose. Cette proposition de loi nous offre une vraie opportunité d’aller au bout des choses, de territorialiser l’apprentissage et l’alternance avec des gens de bonne volonté sur le terrain.

M. le rapporteur. Cette fois, c’est vraiment par conviction que vous êtes contre l’article, madame Iborra… Autrement dit, lorsque vous vous êtes opposée aux deux précédents, ce n’était pas par conviction !

Mme Monique Iborra. C’est parce qu’ils étaient inutiles, monsieur le rapporteur !

M. le rapporteur. Moi aussi, c’est par conviction que je fais de cette disposition l’article central de ma proposition de loi. Dans notre pays, des milliers d’élèves sont en décrochage scolaire à cet âge-là. Tous les rapports en attestent, qu’ils proviennent d’instances gouvernementales, des académies, d’instituts d’études ou de cabinets d’expertise. Alors que tant de familles sont en désespérance et que la société se désagrège dans certains territoires, nous savons que cette filière peut sauver des milliers de jeunes. Pourquoi nous priver de cette opportunité de limiter le désastre ? Ces jeunes sont parfois perdus à tout jamais : dès lors que l’on se prive définitivement d’une qualification et d’un diplôme, on s’enlève toute espérance d’avenir et toute capacité de trouver un emploi.

Venons-en aux conditions de travail des apprentis. Vérifications faites, les décrets publiés concernent uniquement les dérogations pour les mineurs. Les décrets portant sur l’article L. 6222-31 du code du travail et concernant l’ensemble des apprentis, y compris les majeurs, n’ont toujours pas été pris au moment où je vous propose ce texte. Je suis obligé de vous le rappeler à cette occasion : tous les décrets n’ont pas été pris.

Mme Monique Iborra. On en reparlera !

M. le rapporteur. On en reparlera peut-être, mais c’est une réalité. De nombreux jeunes de plus de dix-huit sont actuellement en apprentissage. Parfois titulaires d’un CAP, ils veulent franchir des étapes supplémentaires vers un métier d’avenir, et on ne leur en donne pas l’opportunité parce que l’absence de décrets ne leur permet pas d’être traités comme les autres salariés de l’entreprise. Je trouve cela bien regrettable. En tout cas, je suis défavorable à votre amendement de suppression.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce qui vient d’être dit est très important : de plus en plus de jeunes choisissent d’entrer en apprentissage après l’âge de dix-huit ans. Il faudrait donc que les décrets soient publiés.

Je vous fais également part d’une proposition, qui m’a été soufflée cette semaine, à propos de la prime octroyée aux entreprises qui acceptent des apprentis mineurs. La branche de la boulangerie, qui embauche beaucoup et notamment un nombre croissant de jeunes âgés de plus dix-huit ans, suggère de changer la règle : l’aide devrait être accordée pour tout jeune en première année d’apprentissage, quel que soit son âge. Voilà une suggestion pragmatique et adaptée au cas de ces jeunes qui reviennent à l’apprentissage après un détour par des voies sans issues ; peut-être est-ce parce qu’ils ont fini par entendre les messages délivrés sur le terrain, et notamment le fait que les entreprises paient plus cher les apprentis de plus de dix-huit ans.

Mme Monique Iborra. J’ai bien entendu votre remarque, mais la difficulté est que cet article porte sur l’apprentissage à quatorze ans. Les problèmes qui se posent aux employeurs concernent bien les mineurs, en particulier ceux qui ont quinze ans. Le président de région que vous êtes, monsieur le rapporteur, pourra discuter des modalités avec les employeurs et faire des propositions en temps utile. Mais pour l’heure, l’article sur lequel nous avons à nous prononcer ne concerne que l’apprentissage à quatorze ans.

La Commission adopte l’amendement AS3.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements AS6 et AS7 du rapporteur tombent.

Article 4 : Gage financier

La Commission examine l’amendement AS4 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Amendement de coordination.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tous les amendements ayant été supprimés, il n’y a pas lieu de soumettre au vote l’ensemble de la proposition de loi dont nous discuterons le jeudi 4 février dans l’hémicycle.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 27 janvier 2016 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Alexis Bachelay, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Christian Estrosi, M. Richard Ferrand, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Philippe Noguès, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Arnaud Viala, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – M. Gérard Cherpion, M. Stéphane Claireaux, M. Jean-Patrick Gille, M. David Habib, M. Christian Hutin, M. Laurent Marcangeli, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Jean-Louis Roumégas, M. Jonas Tahuaitu, M. Dominique Tian, M. Jean Jacques Vlody