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Commission des affaires sociales

Jeudi 30 juin 2016

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 63

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente puis de M. Jean-Patrick Gille, Vice-président, puis de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Suite de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de modernisation du droit du travail (n° 3886) (M. Christophe Sirugue, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 30 juin 2016

La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission
puis présidence de M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la Commission,
puis présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La commission des affaires sociales poursuit l’examen, en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Christophe Sirugue, du projet de loi, modifié par le Sénat, de modernisation du droit du travail (n° 3886).

Article 2 : Nouvelle articulation des normes en matière de durée du travail, de repos et de congés payés (suite)

La Commission examine l’amendement AS86 de M. Gérard Sebaoun.

M. Denys Robiliard. C’est le premier d’une série d’amendements relatifs aux salariés en forfait-jours en même temps qu’à temps partiel. Il a pour objet d’affirmer de façon claire que les salariés en forfait-jours réduit sont des salariés à temps partiel.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Les trois amendements AS86, AS87 et AS88 portent sur la notion de forfait-jours.

L’amendement AS86 précise que le salarié en forfait-jours dont le nombre de jours travaillé est inférieur à celui fixé par accord collectif est également un salarié à temps partiel et qu’il est nécessaire de lui assurer les mêmes protections en matière de rémunération et de charge de travail. La problématique est effectivement particulière. La précision que veulent introduire les auteurs de l’amendement suppose que le temps de travail du salarié puisse être quantifié et traduit en nombre d’heures. C’est précisément une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. La logique du forfait-jours repose sur l’absence de comptabilisation du temps de travail en heures et l’autonomie du salarié.

Je suis tenté de m’en remettre à votre sagesse, chers collègues. Je dois reconnaître que ce type d’amendement m’embarrasse un peu.

M. Denys Robiliard. La rédaction de l’amendement pourrait être améliorée d’ici à l’examen en séance plénière, mais nous ne raisonnons pas en heures : nous considérons le rapport du nombre de jours travaillés et celui du nombre de jours fixé par l’accord collectif. Nous nous gardons bien de repasser par la matrice horaire, qui ne correspond pas à la logique du forfait-jours. Nous raisonnons en proportionnalité.

M. le rapporteur. Le problème est qu’avec les deux autres amendements AS87 et AS88, on raisonne en nombre d’heures. Si nous voulons appliquer le temps partiel, nous sommes bien obligés de raisonner en nombre d’heures. Comment traiter cette difficulté ?

M. Denys Robiliard. L’hypothèse qui semble sous-tendre l’amendement, que je n’ai pas rédigé, est que la notion de forfait intègre plusieurs éléments. Tout d’abord, on raisonne en jours et non en heures. Ensuite, il y a le forfait au sens de la convention de forfait, avec les heures normales, payées à 100 %, et les heures supplémentaires, qui sont forfaitisées, sans qu’il soit besoin de procéder à des vérifications chaque semaine. Il est vrai qu’implicitement on retient qu’un temps plein correspond à cinq jours. Il y a donc un raisonnement qui est fait de façon proportionnelle.

En l’absence de M. Sebaoun, je maintiens l’amendement, mais nous allons essayer de travailler sur la rédaction en vue de la séance.

M. le rapporteur. En fait, nous pensons que la situation concernée justifierait presque un régime ad hoc. C’est pourquoi mon raisonnement portait sur les trois amendements. Objectivement, ce que vous suggérez par ces amendements est tout de même complexe. Je plaide donc pour leur retrait, et essayons, d’ici à la séance, de trouver une formulation qui permette non d’évacuer le sujet mais de mettre en place les prémices d’un régime ad hoc.

M. Denys Robiliard. Je retire donc ces amendements. Le forfait-jours est déjà suffisamment complexe, n’ajoutons pas de la complexité et retravaillons la rédaction.

Les amendements AS86, AS87 et AS88 sont retirés.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS304, AS305 et AS306 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement AS304, comme les amendements suivants AS305 et AS306, a pour objet de revenir sur le texte adopté par le Sénat, qui supprime le socle légal de vingt-quatre heures mis en place en application de la loi de sécurisation de l’emploi, laquelle reprenait précisément, sur ce point, les éléments de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 13 janvier 2013.

La Commission adopte successivement les trois amendements.

Puis elle se saisit de l’amendement AS147 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je préfère que les délais soient précisés. En matière de licenciement, le législateur a fini par fixer un délai, le même pour tous. La notion de « délai raisonnable » avait donné naissance à une jurisprudence fluctuante. La seule façon de prévenir ce risque est de fixer le délai par voie législative. C’est un peu mécanique, mais cela évite du contentieux.

M. le rapporteur. Un délai est prévu, à l’alinéa 417, parmi les dispositions supplétives. Il est aujourd’hui déjà possible d’y déroger par voie d’accord, sans aller en deçà de trois jours ; l’alinéa 392 reprend cette possibilité. Sur ce point, le projet de loi ne change donc rien, selon moi, au droit en vigueur.

Mme Catherine Coutelle. Quoi qu’il puisse paraître anecdotique ou secondaire, le sujet est vraiment très important, en particulier pour les employés à temps partiel. Le délai de prévenance peut être l’un des obstacles au travail des femmes : comment les familles monoparentales peuvent-elles s’y prendre pour organiser la garde des enfants si le temps de travail change tous les trois jours ? Prévoir un délai de prévenance de sept jours me paraît fondamental, et je regrette qu’il soit déjà possible de le réduire à trois jours.

M. le rapporteur. J’ai bien indiqué que le délai de prévenance figure dans le texte. La remarque de M. Robiliard est tout à fait justifiée, mais elle est satisfaite par les dispositions supplétives.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS307 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de revenir sur le texte du Sénat et de rétablir le texte issu de nos travaux.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS148 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Par cohérence, je retire cet amendement, qui porte sur le même sujet que l’amendement AS147.

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit de l’amendement AS308 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Il dispose que la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS65 tombe.

Mme Catherine Coutelle. Cet amendement AS65 avait pour objet de faire sortir du champ de la négociation des partenaires sociaux la question de la durée minimale de travail. Le temps partiel est le plus grand facteur de paupérisation et de précarisation – et 80 % des personnes concernées sont des femmes. Cet amendement réintègre au texte une disposition qui en a été retirée au Sénat, ce qui porte vraiment atteinte aux droits des femmes. Par ailleurs, je mets en doute l’idée que les branches protègent l’égalité entre les femmes et les hommes : elles ont parfois accepté des temps extrêmement partiels avec la bénédiction des partenaires sociaux. Les femmes sont souvent les variables d’ajustement des négociations.

La Commission en vient à l’amendement AS309 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose de supprimer des dispositions introduites par le Sénat qui visent à autoriser l’ouverture dominicale dans l’après-midi des commerces alimentaires en zone touristique et en zone commerciale. Nous ne souhaitons pas rouvrir le débat sur le travail du dimanche.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS115 de Mme Monique Orphé.

M. Ibrahim Aboubacar. Dans les départements d’outre-mer et les collectivités associées, l’abolition de l’esclavage est commémorée à des dates qui relèvent de l’usage. Par cet amendement, nous souhaiterions inscrire ces dates dans le code du travail comme jour férié et donner à l’usage une valeur légale.

M. le rapporteur. En première lecture, j’avais émis un avis défavorable. Après m’être concerté avec les uns et les autres et avoir réexaminé la question, je m’en remets bien volontiers à la sagesse de mes collègues sur cet amendement que je considère avec bienveillance.

M. Arnaud Richard. Je me permets une question. Lorsque l’exposé sommaire d’un amendement du rapporteur indique qu’il a pour objet de rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée, est-ce bien un rétablissement absolument à l’identique ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les amendements en question ont strictement pour objet de rétablir le texte que nous avions adopté, cher collègue.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements AS2 et AS3 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. L’amendement AS2 a pour objet de supprimer l’alinéa 487. L’amendement AS3 en propose une nouvelle rédaction.

Il s’agit des droits des travailleurs saisonniers et, en l’occurrence, des salaires des jours fériés chômés. Ils doivent pouvoir être payés sans qu’un problème d’ancienneté les pénalise.

M. le rapporteur. Je suis très embarrassé. Je n’ai pas d’éléments pour mesurer l’impact éventuel de ces amendements, notamment sur d’autres catégories. Je serai plus à l’aise en séance, si le Gouvernement peut nous donner des éléments de nature à nous aider à nous prononcer. Je suis enclin à demander le retrait de ces amendements car les éléments me manquent pour justifier un avis favorable ou défavorable.

Les amendements sont retirés.

La Commission se saisit de l’amendement AS310 du rapporteur.

M. le rapporteur. C’est encore un amendement visant à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, en l’occurrence en ce qui concerne les conditions de bénéfice des congés payés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 89 de M. Gérard Sebaoun.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Il s’agit, suivant les recommandations de la Cour de cassation, de modifier l’article L. 3141-5 du code du travail pour le mettre en conformité avec le droit européen, en particulier la directive européenne sur le temps de travail. Il s’agit de faire en sorte qu’un congé maladie consécutif à une maladie d’origine non professionnelle soit assimilé à une période de travail effectif pour le calcul des droits à congés payés.

M. le rapporteur. Nous avons déjà débattu de la question en première lecture, et j’avais déjà émis un avis défavorable. J’entends bien la proposition qui est faite, mais il s’agirait de ne pas trop prolonger l’absence du salarié au sein de l’entreprise.

M. Denys Robiliard. Pardonnez-moi, mais il s’agit de transposer une règle communautaire dans notre droit, et l’amendement n’impose pas d’accoler la période de congés payés à la période de congé maladie. Ce n’est pas le salarié qui fixe la date de ses congés payés, et l’amendement ne dit rien de tel.

M. le rapporteur. À l’évidence, l’amendement ne dit rien de tel, mais il ne l’empêche pas non plus.

M. Denys Robiliard. Il n’a pas besoin de l’empêcher puisque l’employeur dispose déjà des moyens de le faire. Il s’agit vraiment d’une mise en cohérence de notre droit interne avec le droit européen.

M. le rapporteur. Le problème est que l’amendement supprime la notion de limite. Or, selon l’arrêt sur lequel vous vous appuyez, il faut quand même une limite.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS311 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le Sénat a adopté une disposition en vertu de laquelle les salariés bénéficient de deux jours de congé supplémentaires dès lors qu’ils ont un enfant atteint d’un handicap. Précisons simplement que le dispositif s’applique lorsque l’enfant en question vit au foyer. La disposition adoptée ne vise pas à ouvrir des droits aux salariés dont l’enfant de trente-cinq ou quarante ans n’y vit plus !

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS312 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’ouverture du droit à congés payés. Cette disposition avait été adoptée par la commission des affaires sociales, à l’initiative de Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Par la substitution d’un mot à trois mots du texte soumis à notre examen, l’amendement permet de régler la situation, par exemple, de salariés qui, quoiqu’embauchés depuis un an, ne peuvent bénéficier de congés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS313 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement AS65 de Mme Coutelle est tombé. Nous rétablissons une disposition qu’il avait également pour objet de rétablir.

M. Arnaud Richard. En somme, monsieur le rapporteur, votre amendement AS308 ne rétablissait pas entièrement le texte issu de nos travaux. Cela me paraît mériter d’être bien précisé dans l’exposé sommaire.

M. le rapporteur. Lorsque je dis qu’il s’agit de rétablir le texte issu de nos travaux, c’est bien le cas. Même si, en l’occurrence, nous procédons en deux temps, cela revient bien à un rétablissement du texte.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement AS314 du rapporteur.

M. le rapporteur. C’est un amendement de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale concernant le temps partiel.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de coordination AS315 et les amendements AS316, AS317, AS318 et AS319 du rapporteur, tendant à corriger des erreurs de référence.

Elle en vient à l’amendement AS320 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose de supprimer les alinéas 702 et 703 introduits par le Sénat, relatifs aux droits du personnel navigant. Les dispositions concernées me paraissent un peu excessives.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS321 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement procède du même esprit que le précédent, et concerne également des dispositions introduites par le Sénat, relatives aux droits du personnel navigant.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements de coordination AS322 et AS 323 du rapporteur.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS324 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer les dispositions introduites par le Sénat en conséquence de l’adoption d’autres consistant à supprimer la durée légale du travail et à renvoyer la fixation de cette durée à la négociation d’entreprise : les dispositions ici visées définissent le régime applicable en cas de licenciement à la suite du refus d’un salarié de se voir appliquer la nouvelle durée du travail issue d’un accord collectif.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 2 bis : Création du contrat à durée déterminée à objet défini

La Commission examine l’amendement AS325 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je proposerai plusieurs fois de revenir sur des dispositions introduites par le Sénat qui sont tout de même loin d’être neutres.

En l’occurrence, l’article 2 bis, introduit par le Sénat, vise à instaurer un contrat à durée indéterminée à objet défini dont la durée pourrait aller jusqu’à 48 mois.

Un tel dispositif a déjà été expérimenté sur le fondement de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, qui avait posé le principe d’un contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini, d’une durée minimale de 18 mois et d’une durée maximale de 36 mois, non renouvelable, qui prenait fin au moment de l’achèvement de la mission.

Réservé au recrutement d’ingénieurs et de cadres et soumis à la conclusion d’un accord collectif de branche étendu ou, à défaut, d’un accord d’entreprise, ce contrat a fait ses preuves dans des domaines tels que la recherche, où il permet de sécuriser les parcours professionnels des chercheurs en début de carrière en leur permettant de démontrer leur compétence sur un projet précis.

Ce CDD à objet défini a finalement été pérennisé dans le cadre de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises.

Il ne nous semblait pas opportun d’y revenir avec de nouveaux contrats à objet défini.

M. Arnaud Richard. Le contrat de travail est un sujet important, et on peut déplorer que le projet de loi passe à côté de celui-ci. Dans notre pays où existent une vingtaine de contrats de travail différents, la multiplication des formes de recrutement participe à la complexité du code du travail et crée ce qu’on peut appeler un marché du travail à deux vitesses ; d’un côté, les salariés en CDI et les personnels statutaires de la fonction publique ; de l’autre, ceux qui multiplient courts contrats, stages, etc. Ce dualisme ne répond ni aux attentes des salariés ni à celles des entreprises. La plupart des salariés sont d’abord embauchés en CDD, pour de courtes durées : 86 % sont aujourd’hui dans ce cas, contre 67 % en 2001.

Cet article 2 bis instaure un dispositif original : un CDD à objet défini, qui aurait pour particularité de s’achever avec la mission pour laquelle il a été conclu. Il s’agissait, pour nos collègues sénateurs, d’une expérimentation qui aurait été engagée avec les partenaires sociaux. Les contrats de mission, les contrats de projet ont été pérennisés dans la loi du 20 décembre 2014. Il s’agit aujourd’hui de donner un peu plus d’ambition au dispositif, avec un contrat ouvert à tous les salariés, d’une durée maximale portée de trente-six à quarante-huit mois.

M. le rapporteur. Le dispositif actuellement en vigueur est le produit de l’ANI. Il ne me semble pas opportun d’y revenir.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.

Article 3 : Congés spécifiques

La Commission se saisit de l’amendement AS326 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement permet au conjoint salarié de bénéficier, dans les mêmes conditions, d’une autorisation d’absence pour assister à la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française de son conjoint. En effet, il est des cas d’acquisition de la nationalité par mariage qui rendent obligatoire la présence du conjoint.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Compte épargne-temps

La Commission en vient à l’amendement AS149 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il s’agit d’empêcher que l’on puisse déroger, dans un sens défavorable, à un accord de branche qui instituerait un compte épargne-temps (CET). En cette matière, nous n’avons pas intérêt à permettre à l’entreprise d’écarter un dispositif souhaité par la branche.

M. le rapporteur. Je ne vais pas répéter des arguments que j’ai déjà développés. Je suis défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS248 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je propose que l’argent mis dans le CET puisse également financer la formation dans le cadre du compte personnel de formation (CPF). Le principe du CPF et du compte personnel d’activité (CPA) est de rapprocher différents comptes. Pour le moment, le CET ne figure pas dans le CPA.

Il s’agissait, lorsque nous examinions l’article 2, de suivre la CFDT. Suivons-la donc à l’article 4 !

M. le rapporteur. Je ne suis jamais qui que ce soit. Parlementaire, je suis assez grand pour me prononcer tout seul.

Cela dit, en première lecture, j’avais expliqué qu’il fallait renvoyer la question de la fongibilité entre CET et CPF aux partenaires sociaux. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs en suggérant d’ores et déjà quelles doivent être les conditions de cette fongibilité. Je pense qu’elle devra être assurée, mais il n’est pas pertinent d’en décider maintenant.

M. Gérard Cherpion. J’abonderai dans le sens de notre collègue Gille. La possibilité serait ainsi donnée au salarié d’abonder son compte formation. Ce serait une bonne chose, et cela montrerait le caractère asymétrique de la fongibilité, qui fonctionne dans un sens et non dans l’autre. Rappelons-le, l’intérêt est de former les gens pour aller vers l’emploi. Une telle utilisation du CET serait favorable au développement et au financement de certaines formations, qu’il peut être difficile de financer dans le cadre du compte personnel de formation.

Je soutiens donc cet amendement.

M. Christophe Cavard. Je suis également enclin à soutenir la proposition de M. Gille. On nous a expliqué que des problèmes techniques empêchaient une plus forte intégration du CET dans le CPA, mais, en l’occurrence, j’ai du mal à comprendre ce qui devrait nous conduire à rejeter cet amendement. Le CPA est l’un des aspects les plus intéressants de ce projet de loi, et nous le renforcerions encore par l’adoption de cet amendement.

M. le rapporteur. Je ne désapprouve pas vos propos sur le fond, chers collègues, mais, en première lecture, nous avons décidé de renvoyer la question à la concertation. Ne préjugeons donc pas des conclusions de celle-ci. On nous appelle toujours à la concertation, et voici qu’il faudrait trancher d’emblée !

M. Arnaud Richard. Le Gouvernement va invoquer l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il écrira donc le texte comme il le voudra. Exprimons-lui au moins notre attachement à cette question…

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS327 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose de supprimer les dispositions introduites par le Sénat qui visent à assouplir les conditions de conversion en rémunération de temps de repos versés au CET.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS249 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement procède du même esprit que l’amendement AS248.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Sécurisation des conventions de forfait existantes

La Commission examine l’amendement AS328 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de limiter à un délai de cinq ans le temps pendant lequel est ouverte la possibilité de poursuivre les conventions de forfait existantes et de conclure de nouvelles conventions de forfait sur le fondement d’accords qui ne seront plus conformes aux exigences légales.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 5 bis : Rapport au Parlement sur la notion de « jour »

La Commission adopte l’article 5 bis sans modification.

TITRE II
FAVORISER UNE CULTURE DU DIALOGUE ET DE LA NÉGOCIATION

CHAPITRE Ier
Des règles de négociation plus souples et le renforcement de la loyauté de la négociation

Article 7 AA  : Suppression des commissions paritaires interprofessionnelles régionales

La Commission examine l’amendement AS178 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le Sénat a jugé nécessaire de supprimer, par cet article 7 AA, les commissions paritaires régionales interprofessionnelles instituées par la loi dite « Rebsamen » du 17 août 2015. Je vous propose donc évidemment de supprimer l’article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 AA est supprimé.

Article 7 A : Relèvement du seuil d’élection des délégués du personnel

La Commission est saisie de l’amendement AS179 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je vous propose de supprimer l’article 7A, introduit par le Sénat, qui relève de onze à vingt salariés le seuil d’effectif à compter duquel l’élection des délégués du personnel devient obligatoire.

M. Gérard Cherpion. Je suis défavorable à cet amendement, dans la mesure où les seuils empêchent le développement de l’emploi dans les petites entreprises.

L’exposé sommaire déclare que l’article 7 A remet en cause un principe fondamental de notre droit du travail qui permet aux salariés des petites entreprises d’être représentées au quotidien par des élus de proximité. Cela revient à ne pas prendre en compte que, dans les entreprises de moins de dix salariés, il n’y a pas ces élus de proximité. C’est une fausse argumentation pour ne pas régler un problème qui constitue un frein à l’emploi.

M. Arnaud Richard. Je partage les propos de M. Cherpion.

Comme vous le savez, le groupe UDI est un fervent défenseur du dialogue social et il s’est fortement mobilisé en faveur de l’assouplissement de certaines règles sur le marché du travail en vue de la création de nouveaux emplois sans dégrader la situation des personnes en activité. Or force est de constater que de nombreuses entreprises de notre pays ne franchissent pas ces seuils et que cela nuit au développement de l’emploi. Selon nous, ce n’est pas nécessairement le fait des obligations liées aux instances : c’est le résultat de tout un ensemble de normes fiscales et sociales applicables à partir de ces seuils. Il est dommage que nous en restions à des postures anciennes alors que le Président de la République a déclaré publiquement que les seuils sociaux constituaient un frein à l’emploi.

M. le rapporteur. Alors que le titre II du projet de loi vise à « favoriser une culture du dialogue et de la négociation », vous proposez en fait de supprimer l’élection des délégués du personnel en remontant le seuil...

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 A est supprimé.

Article 7 B : Assouplissement de certaines règles relatives aux institutions représentatives du personnel

La Commission examine l’amendement AS181 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose la suppression de l’article 7 B qui vise à relever de cinquante à cent salariés le seuil à partir duquel les entreprises sont tenues de mettre en place un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 B est supprimé.

Article 7 C : Généralisation de la délégation unique du personnel

La Commission examine l’amendement AS183 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 7 C vise à supprimer le plafond de 300 salariés en deçà duquel une entreprise peut mettre en place une délégation unique du personnel (DUP). Voilà pourquoi je propose la suppression de cet article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 C est supprimé.

Article 7 D : Rapport au Parlement sur les voies de promotion et de valorisation du dialogue social

La Commission adopte l’article 7 D sans modification.

Article 7 : Préambule des accords, méthode et publicité

La Commission est saisie de l’amendement AS184 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la possibilité, pour une organisation syndicale signataire d’un accord ou d’une convention ayant prévu la modulation de la périodicité de la négociation sur les salaires, de demander l’engagement immédiat de cette négociation sans attendre la date annoncée, qui peut désormais aller jusqu’à trois ans.

M. Gérard Cherpion. Il n’y a rien de pire pour un chef d’entreprise que de ne pas avoir de lisibilité dans le temps. Or cet amendement empêche toute lisibilité puisqu’un accord peut être remis en cause à tout moment. Cela veut dire qu’il n’y a plus de règle, ce qui est une erreur.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Si j’ai bien lu l’amendement, la demande qui peut être formulée par une organisation signataire porte uniquement sur les salaires.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS150 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je ne vois pas ce que l’on reproche à l’article L. 2222-4 du code du travail tel qu’il est rédigé. Je ne suis pas sûr que l’on doive poursuivre un objectif d’instabilité des conventions collectives.

On présume aujourd’hui, d’une part, qu’en l’absence de précision la convention, ou l’accord, a une durée déterminée et, d’autre part que lorsque la convention, ou l’accord, arrive à expiration elle cesse automatiquement de produire ses effets. Or c’est pour l’employeur une désincitation à négocier, ce qui me paraît mauvais pour la négociation collective.

M. le rapporteur. Je vais m’efforcer de clarifier ce que prévoit le texte.

Je rappelle d’abord qu’il ne remet pas en cause le principe d’une durée déterminée ou indéterminée des accords collectifs fixés par l’alinéa 1er de l’article L. 2222-4 du code du travail, qui n’est pas modifié.

Le projet de loi prévoit que, à défaut de stipulation de la convention ou de l’accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans. Si l’accord précise qu’il s’agit d’une durée indéterminée, le sujet ne se pose pas. Autrement dit, rien n’empêche les partenaires sociaux de continuer à prévoir une durée indéterminée pour les accords qu’ils négocient.

Avec cet article, nous voulons éviter qu’aucune durée ne soit prévue et que les accords continuent de s’appliquer à l’infini. Lorsqu’ils ne sont pas revus, certains accords peuvent être préjudiciables. À cet égard, je vous renvoie à certaines conventions collectives qui mériteraient objectivement d’être revisitées, même si, en l’occurrence, les partenaires sociaux pourraient décider qu’elles sont indéfiniment avalisées.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS151 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il s’agit là des effets de la dénonciation d’une convention collective ou d’un accord collectif et de ce que l’on appelle la théorie des avantages acquis.

Il y a deux types de dispositions : d’une part, celles qui produisent un effet collectif, la fin de la convention y mettant un terme et, d’autre part, les avantages qui s’incorporent au contrat de travail et qui, en l’état, ne sont pas remis en cause tant qu’un nouvel accord n’est pas adopté. Cette règle sur la théorie des avantages acquis me paraît extrêmement incitative à conclure un accord, notamment du côté des employeurs. Je trouve qu’on fait la part très belle aux employeurs en les désincitant à conclure un nouvel accord qui viendrait remplacer le précédent.

Dans l’intérêt même de la négociation collective, on a intérêt à conserver les effets actuels d’une convention collective qui arrive à terme ou qui est dénoncée.

M. le rapporteur. J’entends bien ce que vous dites, mais je ne comprends pas pourquoi vous engagez un débat qui pourrait avoir lieu à l’article 8. L’alinéa 22 de l’article 7 ne traite pas en effet des compétences de la dénonciation d’un accord.

M. Denys Robiliard. J’ai déposé un amendement sur les effets de la dénonciation d’un accord qui sont les mêmes qu’ici. L’alinéa 22 précise ceci : « Lorsque la convention ou l’accord arrive à expiration, la convention ou l’accord cesse de produire ses effets. » On ne sait pas quelle est la nature des effets, s’ils seront individuels ou collectifs. J’en déduis que l’accord ou la convention n’aura plus aucun effet et qu’il n’y aura plus de notion d’avantage acquis au sens où on l’entend actuellement quand on dénonce une convention collective. Je crains que cela n’incite pas à la conclusion de nouveaux accords et que cela ait des effets négatifs pour les salariés. Il me semble que le problème que je soulève mérite une vraie réflexion, car ce n’est pas l’objectif du projet de loi.

M. le rapporteur. Le maintien des avantages individuels acquis se pose au moment de la dénonciation de l’accord, pas avant. Il est difficilement envisageable de maintenir les effets individuels des accords collectifs alors qu’ils sont expirés. Je le répète, j’entends ce que vous dites, mais je ne comprends pas pourquoi vous soulevez ce problème ici.

M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement afin de faire une vérification juridique avant d’aller plus loin.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS185 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer un alinéa introduit par le Sénat, qui dispose que la publication d’une convention ou d’un accord collectif sur la base de données en ligne vaut dépôt et notification auprès de l’autorité administrative compétente.

Cette disposition pose une difficulté dans la mesure où le dépôt d’un accord auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ou des services du ministère chargé du travail doit être accompagné du dépôt de plusieurs pièces justificatives, ce qui ne pourrait pas être le cas si les accords sont simplement déposés sur la base de données en ligne par les signataires.

Cet amendement propose donc de maintenir une procédure de dépôt distincte de la procédure de publication des conventions et accords.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS152 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. La publicité est nécessaire au demandeur d’emploi qui envisage de postuler à un emploi au sein d’une entreprise. Je ne comprends pas que l’on puisse envisager que le mécanisme de publicité ne soit pas fixé.

J’ai déposé un amendement de repli qui prévoit que, au cas où l’on déciderait que l’accord ne soit pas publié, ce soit l’accord lui-même qui le décide et pas l’une de ses parties.

Je ne pense pas que la personne qui est en entretien d’embauche demandera à avoir accès aux accords internes à l’entreprise. Elle s’engage donc sans savoir, sauf à connaître quelqu’un dans l’entreprise ou à s’adresser à un syndicat.

Cette notion d’accès à la règle est essentielle. Or l’alinéa 34 institue une possibilité de non-transparence, de non-publicité qui me paraît difficilement acceptable.

M. le rapporteur. Nous avons considéré qu’il fallait permettre à tout signataire de pouvoir s’opposer à la publication, non pour camoufler quoi que ce soit, mais parce que l’on sait que certains accords contiennent des éléments relatifs à la stratégie de l’entreprise qui n’ont pas forcément vocation à aller alimenter ses concurrents du même secteur professionnel, voire du même secteur géographique. Cela pourrait favoriser le dumping social.

Je pense avoir trouvé un chemin entre deux écueils en déposant un amendement qui prévoit une publication des accords, mais de façon anonyme.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS153 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Un signataire ne saurait décider à lui seul de la publicité à donner à un accord collectif. Il semblerait normal que les signataires le décident ensemble et que cela fasse l’objet d’une stipulation précise de l’accord ou de la convention.

M. le rapporteur. M. Robiliard propose d’inscrire en amont que l’accord peut stipuler sa non-publication. Pour ma part, j’estime que faire de la publication ou non de l’accord une clause obligatoire de l’accord risque, dans certaines situations, de freiner voire de bloquer les négociations. Or il est important de ne pas détourner les négociateurs de l’objet initial de l’accord par des questions qui relèvent davantage de la forme que du fond. Je propose donc que l’on puisse entendre les positions des uns et des autres. J’imagine qu’une organisation syndicale qui a négocié, par exemple, une diminution de la rémunération des heures supplémentaires n’a pas forcément envie que cela puisse être publié, non pour camoufler quoi que ce soit, mais par exemple parce que la négociation comporterait d’autres éléments qui, eux, ne pourraient être rendus publics.

Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Il est plus clair de l’inscrire en amont qu’en aval. À partir du moment où une décision est conjointe puisqu’elle figure dans l’accord, au moins les choses sont parfaitement claires. Il n’est pas nécessaire d’anonymiser les renseignements.

Je pense que l’amendement de M. Robiliard est tout à fait justifié.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS337 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose de préciser que tout signataire peut s’opposer à la publication de l’accord.

M. Denys Robiliard. Vous dites que « tout signataire » peut s’opposer à la publication de l’accord, c’est-à-dire une seule des parties.

M. le rapporteur. Je propose en contrepartie que l’accord puisse être publié de manière anonyme. C’est l’objet de l’amendement suivant.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS343 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose de publier sous une forme anonyme les conventions et accords collectifs lorsqu’un ou plusieurs des signataires ont refusé sa publication. Cela permet de concilier l’exigence de la transparence des accords collectifs tout en ne portant pas préjudice à l’entreprise lorsqu’une clause a vocation à rester confidentielle.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 : Préambule des accords, méthode et publicité

La Commission est saisie de l’amendement AS154 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’article 8 vise à remettre en cause la théorie actuelle des avantages acquis, ce qui n’incite pas à la conclusion d’un accord du côté de l’employeur.

Voilà pourquoi je demande la suppression des alinéas 4 à 8 de l’article 8.

M. le rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture. Je m’étais alors interrogé sur les conséquences du remplacement de ces avantages individuels par le maintien de la rémunération. Les juristes et chercheurs que nous avons auditionnés ont tous donné la même réponse : la notion d’avantages individuels acquis est extrêmement floue – ils ont même qualifié de mystérieuse – et personne ne peut en définir les contours ou la jurisprudence tant elle est parfois protectrice pour les salariés et parfois bénéfique pour les entreprises. Au final, ce n’est sécurisant pour personne, nous ont-ils dit.

Le professeur Cesaro, dont on connaît la compétence dans ce domaine, a indiqué que dans bon nombre de situations le maintien de la rémunération pourrait être plus avantageux pour les salariés que les avantages individuels acquis. En tout état de cause, le maintien de la rémunération permettra à chaque salarié de connaître plus précisément ce à quoi il peut prétendre en cas de transfert de son contrat de travail. Telle est la ligne que nous avons voulu maintenir. Voilà pourquoi je suis défavorable à la suppression des alinéas 4 à 8 de l’article 8.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS186 de précision et d’harmonisation rédactionnelle du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS155 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il n’y a pas de raison de plafonner à trois ans l’accord de substitution, étant précisé que rien n’interdit à ses négociateurs de le décider.

M. le rapporteur. Il peut être nécessaire de plafonner à trois ans l’accord de substitution en cas de fusion d’entreprises. Il faut trouver une forme d’accord de transition, car on ne peut pas faire perdurer indéfiniment deux situations différentes. Le professeur Cesaro qualifiait d’accord de transition ce que nous devions essayer de mettre en place, de telle sorte qu’il y ait une harmonisation. Il paraît compliqué de laisser perdurer deux régimes conventionnels différents applicables au sein d’une même entreprise.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 8 modifié.

Article 9 : Dispositions diverses relatives à la mise en place et au fonctionnement des instances représentatives du personnel

La Commission est saisie de l’amendement AS187 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous revenons là sur un débat que nous avons déjà eu lors de l’examen de la loi Rebsamen sur le recours à la visioconférence. Le Sénat a souhaité faire du recours à la visioconférence la règle pour les réunions des institutions représentatives du personnel (IRP). Je souhaite que nous en revenions à la formule antérieure. Voilà pourquoi je propose la suppression des alinéas 6 et 7 et, en conséquence, des alinéas 11, 12 et 20 à 25.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS188 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de revenir au texte de l’Assemblée nationale en matière de franchissement du seuil de 300 salariés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Article 9 bis : Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

La Commission adopte l’article 9 bis sans modification.

Article 9 ter : Bilan de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales

La Commission adopte l’article 9 ter sans modification.

CHAPITRE II
Renforcement de la légitimité des accords collectifs

Article 10 A : Assouplissement des modalités de conclusion des accords collectifs dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical

La Commission est saisie de l’amendement AS189 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article, introduit par le Sénat, vise à instaurer des voies de contournement de la négociation avec les salariés mandatés, donc, en fait, à remettre en cause le mandatement puisqu’il autorise les employeurs à signer des accords collectifs directement avec les délégués du personnel ou les membres du comité d’entreprise.

Dans les entreprises dépourvues de représentants du personnel, il autorise par ailleurs l’approbation par les salariés, à la majorité des deux tiers, de projets d’accord de l’employeur, ces projets pouvant porter sur l’ensemble des thèmes du code du travail. Or ces évolutions sont contraires à la philosophie du projet de loi qui encourage la négociation avec les organisations syndicales.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 10 A.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 10 A est supprimé.

Article 10 : Généralisation des accords majoritaires d’entreprise

La Commission est saisie de l’amendement AS344 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AS397 de M. Jean-Patrick Gille.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir les règles de validité des accords collectifs d’entreprise dans leur rédaction issue de l’Assemblée nationale. Le Sénat a rejeté les accords majoritaires, maintenu les règles de validité actuelles, tout en permettant à l’employeur et aux syndicats signataires d’un accord frappé d’opposition majoritaire de demander l’organisation d’une consultation des salariés pour valider l’accord.

Le présent amendement rétablit le principe des accords majoritaires et la possibilité d’organiser un référendum lorsqu’un projet d’accord a été signé par des syndicats représentant entre 30 et 50 % des suffrages aux élections professionnelles.

M. Jean-Patrick Gille. Mon sous-amendement vise à insérer, au quatre-vingt-unième alinéa, après le mot : « représentatives », les mots : « au niveau interprofessionnel et multiprofessionnel ».

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je me permets d’intervenir maintenant, car l’adoption de l’amendement AS344 fera tomber l’amendement AS91, que j’ai notamment cosigné avec M. Sebaoun et M. Robiliard.

Chacun s’accorde à dire que l’accord majoritaire à 50 % constitue un progrès pour le dialogue social dans les entreprises. Or l’amendement AS344, qui vise à prévoir la possibilité pour une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli plus de 30 % des suffrages de soumettre les accords à référendum, nous semble être totalement contreproductif par rapport à cet objectif de renforcement de l’accord majoritaire. L’institution de ce référendum d’entreprise favorisera finalement les logiques de pression des directions pour contourner les organisations majoritaires dès le début de l’entrée en négociation. On court par ailleurs le risque d’ouvrir la voie à une substitution progressive des logiques de référendum aux négociations d’entreprise. Ce n’est pas de cette façon que nous renforcerons la démocratie sociale.

M. Christophe Cavard. Nous nous sommes déjà interrogés, avec le rapporteur, sur l’organisation de la consultation des salariés par des gens qui pourraient représenter 30 % des voix aux élections professionnelles. Il ne s’agissait pas de donner les moyens de contourner l’accord majoritaire à 50 % qui constitue une avancée par rapport à l’existant, comme vient de l’indiquer Mme Carrey-Conte, mais de réinterroger les salariés lorsqu’une centrale syndicale a 50 % des voix mais qu’il y a un certain flottement quant à la finalité de l’accord. Si je dis cela, c’est parce que l’entreprise Haribo, qui est située dans ma circonscription, a connu cette situation – au passage, FO a signé l’accord tandis que la CFDT l’a refusé – et les salariés ont validé l’accord à plus de 70 %. Il est donc important qu’une telle consultation puisse avoir lieu. Il faudra cependant que nous prouvions, tous ensemble, que cet outil ne contourne pas l’avancée de la loi, c’est-à-dire le principe d’un accord à 50 % tel qu’il est prévu.

M. le rapporteur. Nous sommes dans la situation où il n’y a pas d’accord majoritaire – sinon la question ne se pose pas – c’est-à-dire entre 30 % et 49,99 %. Cela veut dire que l’on en revient à la situation qui existait avant la mise en place des accords majoritaires, autrement dit que l’on reconnaît à une ou des organisations syndicales qui ont plus de 30 % des voix la possibilité d’engager, par le biais d’une consultation, la discussion sur un accord. Je le répète, il ne s’agit pas de remettre en cause les accords majoritaires : s’ils sont adoptés par une ou des organisations syndicales qui représentent plus de 50 % des voix, la question ne se pose pas.

Je souhaite revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture qui me semble plus équilibrée : sont respectés tant le principe majoritaire que les organisations syndicales qui voudraient néanmoins pouvoir avancer dès lors qu’il n’y a pas une majorité définie.

Je m’en remets à la sagesse de la Commission sur le sous-amendement.

La Commission adopte successivement le sous-amendement, puis l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’article 10 est ainsi rédigé et l’amendement AS91 de M. Gérard Sebaoun, les amendements AS256, AS257, AS262 de M. Daniel Goldberg et l’amendement AS250 de M. Jean-Patrick Gille tombent.

Article 11 : Accords de préservation ou de développement de l’emploi

La Commission est saisie des amendements identiques AS92 de M. Gérard Sebaoun, AS195 de Mme Fanélie Carrey-Conte et AS252 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Gérard Sebaoun. Le fait de mettre sur le même plan les accords de maintien dans l’emploi (AME) que nous avions votés lors dans le cadre de la loi sur la sécurisation de l’emploi et les accords dits offensifs institués à l’article 11 pose problème. En effet, ces accords offensifs ne sont subordonnés à aucune condition de nature économique et ne comportent ni limitation de durée ni contrepartie pour les salariés. Ils pourraient être lourds de conséquences pour les salariés. Par rapport aux AME, toutes les conditions tenant aux graves difficultés économiques et à la durée limitée de ces accords sont supprimées. Cela donnerait la possibilité à une entreprise, pour des raisons qui restent encore très mystérieuses pour moi, de pouvoir licencier certains de ses salariés au prétexte d’avoir des accords pour gagner des marchés, améliorer sa compétitivité. C’est une vision de l’entreprise que je ne partage pas, surtout lorsqu’elle ne va pas mal.

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il faut supprimer cet article.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Au cours du débat public, cet article 11 a été moins souvent évoqué que l’article 2. Or, il est à mes yeux l’un des plus lourds de conséquences de ce projet de loi.

J’étais déjà réservée sur les accords défensifs de maintien dans l’emploi, notamment parce que le refus de modification du contrat de travail donnait lieu à un licenciement individuel, ce qui permettait à l’entreprise de s’abstraire de l’obligation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Encore était-il fait référence, dans ce cadre, à la situation économique de l’entreprise, et la condition était-elle posée qu’elle connaisse de graves difficultés conjoncturelles. Ici, la logique est bien différente : une brèche est ouverte dans le socle même du contrat de travail, car les accords susceptibles d’être passés pourront le concerner, y compris en matière de modulation du temps de travail.

On prétend qu’il n’y aura pas de modification de la rémunération mensuelle, mais nous savons bien que, si l’on augmente le temps de travail, on diminue le salaire horaire ; il est donc faux de prétendre qu’il n’y a pas d’effet sur le pouvoir d’achat. Certes, monsieur le rapporteur, au cours de la première lecture, vous aviez apporté un certain nombre d’éléments concernant le préambule des accords ou relatifs à l’information des organisations syndicales sur la situation économique de l’entreprise, mais ces ajouts ne me paraissent pas être de nature à empêcher l’ouverture de la boîte de Pandore, qui ne manquera pas de se produire si cet article 11 relatif aux accords « offensifs » de maintien dans l’emploi est adopté.

M. Jean-Patrick Gille. Cet article, qui permet aux entreprises d’ajuster leur organisation pour répondre aux objectifs de préservation ou de développement de l’emploi, fait problème.

Aujourd’hui, rien n’empêche une entreprise de mener ce type de négociations dès lors qu’elle est confrontée à une perspective de surcroît de travail ou d’augmentation de ses commandes. De même, depuis peu, existe la possibilité de passer des accords défensifs si l’entreprise est confrontée à des difficultés ; elle dispose de la possibilité de procéder à une réorganisation, quitte à ce que les salariés acceptent une baisse de rémunération passagère.

Puisque ces moyens existent déjà, quel est objet de cet article, sinon d’ouvrir la possibilité de modifier collectivement le contrat de travail, sans qu’un plan de sauvegarde soit obligatoire en cas de refus d’une partie des salariés ? Le texte initial prévoyait d’ailleurs que les salariés refusant l’accord soient licenciés pour motif personnel ; fort heureusement, nous avons réussi, en première lecture, à transformer ce licenciement en licenciement individuel pour motif économique, même dans le cas où plus de dix salariés seraient concernés.

Vous m’objecterez, monsieur le rapporteur, qu’il est écrit : « L’application des stipulations d’un accord de développement de l’emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés. » Je vous ferai observer en retour qu’il ne s’agit pas de la rémunération annuelle, et c’est pourquoi j’ai déposé un amendement dans ce sens. Sinon, l’accord pourrait porter sur une augmentation du nombre d’heures supplémentaires rémunérées à moindre coût, sur une augmentation du temps de travail à rémunération constante ou avec un seuil de majoration du taux horaire plus élevé.

Je crains fort que tel ne soit l’objet de cet article 11, alors que la mesure n’est pas nécessairement favorable au développement de l’emploi. À juste titre, vous ferez valoir qu’un accord majoritaire est requis. Mais qui s’opposera à un accord comportant une baisse passagère de la rémunération ou une augmentation de la durée de travail à coût constant afin de gagner un marché, voire de prendre celui d’une entreprise concurrente ?

La motivation pour inscrire ce type d’accords dans la loi ne peut procéder que de la volonté de garantir une forme de compétitivité par une baisse du coût du travail ; cela revient à généraliser l’accord défensif en toutes circonstances. Or, si je suis favorable à l’accord défensif, je ne le suis pas à sa généralisation. De deux choses l’une : soit cet article est inutile, car toutes les dispositions nécessaires sont déjà dans le droit en vigueur, soit il est dangereux pour les salariés : si vous avez la volonté d’en garantir la pratique par la loi, c’est que vous souhaitez organiser une baisse de la rémunération du travail.

Mme Isabelle Le Callennec. Le groupe Les Républicains ne souhaite pas la suppression de cet article, car nous militons depuis des années en faveur des accords offensifs, et nous nous réjouissons de les voir inscrits dans la loi ; aussi espérons-nous que le rapporteur ne cédera pas à la pression de certains de nos collègues.

Ces accords majoritaires sont de nature à préserver et à développer l’emploi. Il s’agit d’une mesure de bon sens, et les salariés eux-mêmes, lorsque l’on discute avec eux, reconnaissent que cette disposition peut être adaptée. Mais, comme vous l’avez dit et comme l’a rappelé Mme Fraysse, il y a sur ces questions un dissensus qui pousse vos amis à faire obstacle à l’adoption de ce texte.

Je considère au contraire que cet article 11 sera utile à de très nombreuses entreprises pour développer l’emploi, gagner en compétitivité et contribuer à la croissance ; n’est-ce pas l’objet même affiché par ce projet de loi ?

Mme Karine Berger. Depuis le dépôt de ce texte sur le Bureau de l’Assemblée nationale, je me pose la question de savoir s’il existe une seule entreprise qui ne soit ni en situation difficile ni en situation de gagner des marchés… Dans ces conditions, pourquoi parler d’accords offensifs, si ce n’est pour faire de la poésie ? Mieux vaudrait prévoir de tels accords quelle que soit la situation de l’entreprise, plutôt que de prétendre que le fait de gagner des marchés justifie l’altération du droit du travail.

M. Christophe Cavard. Je rappelle que le principe d’un accord négocié – bien que certains persistent à considérer, à tort selon moi, qu’il se résume à un rapport de forces – consiste à s’entendre sur des objectifs communs. Lorsque l’entreprise se développe grâce à un accord majoritaire, la richesse ainsi créée bénéficie à tous.

Cet article 11 s’inscrit dans une nouvelle culture de dialogue au sein de l’entreprise : l’employeur n’est plus seul à réfléchir au développement de celle-ci. Grâce à des négociations entre partenaires dûment informés, des accords sont obtenus qui permettent à tous de participer au développement ou à la préservation de l’entreprise et de l’emploi, sujets qui, sinon, échapperaient totalement aux salariés.

Le sous-amendement qu’a déposé Mme Berger traite de la seule question faisant vraiment débat : la durée de validité de l’accord, qu’il est proposé de limiter à un an si aucune limite temporelle n’est fixée dans l’accord lui-même.

M. Gérard Cherpion. Je me réjouis de voir revenir du Sénat cet article, dont la rédaction est proche de celle d’un amendement que j’avais déposé il y a trois ou quatre ans. Le texte retenu comporte des garanties satisfaisantes : « L’application des stipulations d’un accord de préservation de l’emploi ne peut avoir pour effet ni de diminuer la rémunération, horaire ou mensuelle » ; « Un bilan de l’application de l’accord est effectué chaque année par les signataires de l’accord », ou encore : « L’accord prévoit les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord. » L’objectif est donc bien le développement et la consolidation de l’emploi, donc le retour de l’entreprise à meilleure fortune.

Il est en outre prévu que l’employeur « contribue au financement du dispositif d’accompagnement ». Bref, ce dispositif parfaitement cadré permet aux entreprises de s’engager avec une certaine visibilité dans de nouveaux projets, et aux salariés d’être sécurisés dans leur emploi.

M. le rapporteur. De prime abord, j’aurais pu être favorable aux amendements de suppression de l’article 11, tant la rédaction du Sénat, qui fusionne accords offensifs et défensifs est contestable. J’invite d’ailleurs M. Cherpion à aller jusqu’au bout de sa première citation : « L’application des stipulations d’un accord de préservation de l’emploi ne peut avoir pour effet ni de diminuer la rémunération, horaire ou mensuelle, des salariés lorsque le taux horaire de celle-ci, à la date de conclusion de cet accord, est égal ou inférieur au taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 20 %, ni de ramener la rémunération des autres salariés en dessous de ce seuil. » Cette rédaction est en effet proche de l’amendement qu’il avait déposé, mais celle que je proposerai tout à l’heure de retenir est différente, en ce qu’elle interdit de remettre en cause la rémunération horaire.

La question des accords offensifs ne doit pas être examinée à l’aune des pièges et des reculs potentiels qu’ils pourraient receler ; leur objet est en effet de concourir à l’emploi. Deux types de situation peuvent le justifier.

L’un répond pour partie à l’interrogation de Karine Berger : existe-t-il des entreprises qui ne soient ni en difficulté, ni à la conquête d’un nouveau marché ? Je réponds par l’affirmative : une entreprise peut ne pas être en difficulté immédiate, mais avoir perdu un marché et devoir anticiper qu’elle le sera, de ce fait, d’ici un ou deux ans.

L’autre concerne les entreprises ne connaissant pas de difficultés économiques ou financières, mais qui ambitionnent de répondre à un appel d’offres particulier ; elles peuvent alors passer un accord majoritaire permettant, par exemple, une réorganisation du temps de travail.

Il ne faut pas concevoir l’article 11 comme visant à distribuer des « cadeaux » aux chefs d’entreprise : n’oublions pas, d’une part, qu’un accord majoritaire sera nécessaire, et, d’autre part, qu’il est toujours préférable d’agir avant que les difficultés ne surviennent ou que l’entreprise ne se révèle trop fragile au moment de prendre pied sur un nouveau marché.

Nous avons beaucoup débattu, en première lecture, de la meilleure façon d’encadrer le dispositif. Jean-Patrick Gille a rappelé à juste titre que des précautions ont été prises, le licenciement d’un salarié refusant un accord portant sur l’organisation de son temps de travail relevant notamment de la procédure de licenciement économique. Je suis toujours en discussion avec le Gouvernement sur les conséquences de cette situation quant à l’accompagnement du salarié. J’ajoute que nous avons aussi obtenu la prise en compte des circonstances personnelles et familiales, l’établissement d’un diagnostic partagé, l’inscription de clauses de suivi et d’un bilan annuel de l’accord.

Bref, on ne peut donc considérer que ces accords seront conclus au détriment des salariés, et je suis donc défavorable aux amendements de suppression.

M. Denys Robiliard. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur. Toutefois, le deuxième alinéa – dont je conçois que la rédaction ait été malaisée – se borne à subordonner la conclusion d’un accord à un objectif de préservation et de développement de l’emploi. Vous avez donné des exemples assez précis, comme la perte d’un marché, dont les effets ne se manifestent qu’avec retard. Ne serait-il pas possible, étant donné les conséquences très sérieuses de cet article, d’imposer à la conclusion d’un accord des conditions plus contraignantes ? Une entreprise qui ne connaît pas de difficultés particulières aura beau jeu d’invoquer la « préservation » ou le « développement » de l’emploi pour échapper au contrôle du juge, et la garantie qu’est censée apporter l’accord majoritaire peut être nulle dans une entreprise où prédomine un syndicat « maison ».

On se donne là un instrument d’une puissance incroyable sans même conditionner son emploi ; voilà qui explique les réticences très fortes qui se sont exprimées à l’encontre de cet article 11. Et lorsque je lis que l’accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés et les mandataires sociaux « fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés », j’entends que l’effort demandé à ceux-ci est bel et bien obligatoire, et celui demandé à ceux-là simplement optionnel.

M. le rapporteur. Dans la rédaction que nous avons retenue, nous avons introduit le diagnostic partagé de départ, car – M. Robiliard a raison sur ce point – le texte initial prévoyait une forme de décision unilatérale de l’employeur, le recours à l’accord étant simplement justifié par la stratégie de développement de l’entreprise. Le débat nous a conduits à considérer que les salariés seraient davantage incités à s’engager dans une perspective de développement ou de conquête s’ils étaient mieux informés et sensibilisés.

En second lieu, dès lors que la durée de l’accord a été définie, qu’elle soit de cinq ans ou moins, c’est un objectif bien particulier qui est ciblé : par le diagnostic et la durée, mais encore par d’autres dispositions que je proposerai afin de prévoir le cas où l’objectif n’est pas atteint.

Si j’entends volontiers les objections exprimées sur l’article 11, je demeure persuadé qu’il propose des outils dont nous avons besoin pour permettre à nos entreprises de s’adapter à des évolutions parfois brutales. Il ne faut donc pas attendre que les entreprises connaissent des difficultés : il faut leur donner des atouts leur permettant d’affronter des conquêtes de marché ou de maintenir leur situation.

La Commission rejette les amendements identiques AS174, AS195 et AS252.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS361 du rapporteur, qui fait l’objet des sous-amendements AS398 de M. Jean-Patrick Gille et AS408 de Mme Karine Berger.

M. le rapporteur. Mon amendement tend à rétablir l’article 11 dans la rédaction initialement adoptée par l’Assemblée nationale, notamment parce que le Sénat a fusionné l’accord de préservation et de développement de l’emploi avec l’accord de maintien de l’emploi – dispositifs qui doivent, selon moi, demeurer distincts du fait de leur incidence différente sur l’entreprise.

Le texte que je propose revient également sur la plupart des modifications apportées par le Sénat, notamment les modalités de négociation des accords, la durée maximale d’effet des accords à défaut de stipulation figurant dans l’accord, les modalités de maintien de la rémunération et la suppression des accords de maintien de l’emploi.

J’ai, en revanche, maintenu deux dispositions adoptées par le Sénat. La première clarifie la procédure applicable au salarié licencié en cas de refus d’application de l’accord à son contrat de travail. La seconde permet aux négociateurs de prévoir une clause de retour à meilleure fortune : si cela est pertinent, les négociateurs pourront définir les conditions dans lesquelles le salarié bénéficie d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord. Ces dispositions supplémentaires me semblent correspondre à la définition de l’accord dit « offensif ».

M. Jean-Patrick Gille. Je demeure circonspect sur ces accords, et j’observe d’ailleurs que le rapporteur peine à nous fournir un exemple d’accord réellement offensif. Les cas qu’il a évoqués sont, certes, pédagogiques, mais concernent des accords que je qualifierais plutôt de préventifs – lui-même a parlé d’« adaptation », ce qui me paraît dangereux.

Je ne suis pas convaincu qu’il y ait là matière à développer l’emploi, et c’est ce qui alimente ma réticence : lorsqu’on a pour perspective de remporter des marchés, on embauche. Au lieu de cela, le dispositif proposé va permettre à l’employeur d’annoncer à ses salariés le gain d’un nouveau marché, avant d’ajouter qu’il serait risqué d’embaucher pour une période susceptible de ne durer guère, et de leur proposer de faire plutôt plus d’heures supplémentaires – à moindre coût.

Un autre cas peut être celui d’une entreprise qui veut se réorganiser en faisant partir ceux de ses salariés qui ne seront pas d’accord. Je donne acte au rapporteur d’avoir, au fil du temps, encadré ce risque, car il était bien présent au départ. Dans la mesure où seule la rémunération mensuelle des salariés concernés est mentionnée, je propose d’ajouter la référence à la rémunération horaire et surtout annuelle, afin que celle-ci ne puisse être remise en cause par le biais des heures supplémentaires.

Mme Karine Berger. Monsieur le rapporteur, vous faites valoir que l’accord offensif permet de favoriser un effort supplémentaire temporaire, mais la durée maximale indiquée est de cinq ans. Or, de deux choses l’une : soit l’entreprise est confrontée à une commande nouvelle exigeant une réponse rapide ; soit il s’agit d’une nouvelle façon de concevoir les marchés de l’entreprise, auquel cas l’accord offensif n’est pas de mise : il faut procéder à la restructuration de l’entreprise. C’est pourquoi je propose de ramener cette durée maximale à un an – deux à la rigueur.

M. le rapporteur. D’autres situations peuvent survenir : difficultés économiques relevant des accords de maintien dans l’emploi, conquête d’un marché, anticipation de la perte d’une position…

Au demeurant, nous n’avons pas écrit que la durée des effets des accords était de cinq ans, mais qu’elle devait être fixée par l’accord majoritaire, lequel peut très bien retenir une durée d’un an – ce qui me paraît toutefois trop court pour dresser un bilan. Nous avons souhaité assortir les accords offensifs d’un filet de sécurité, car chacun d’entre eux doit être adapté à un enjeu précis : il ne saurait s’agir d’une réorganisation qui ne dirait pas son nom.

J’ai évoqué le diagnostic préliminaire partagé permettant de rechercher un accord majoritaire afin de répondre à un enjeu donné pour une durée donnée. Mais, comme nous ne souhaitons pas que les accords puissent perdurer indéfiniment, nous avons précisé que, à défaut de la mention de la durée dans l’accord lui-même, celle-ci ne peut excéder cinq ans. Cela dit, je serais prêt à accepter quatre ans ou trois ans.

Quant à la mention de la rémunération horaire, monsieur Gille, elle aurait pour effet de supprimer purement et simplement le sujet. En revanche, lors de la première lecture, j’avais interrogé le Gouvernement sur la mention de la rémunération mensuelle ou annuelle car, à notre sens, le treizième mois était intégré dans la rémunération mensuelle, ce qui annulerait le risque que vous avez évoqué. Il suffit de lire le texte du projet de loi : « Un décret définit la rémunération mensuelle mentionnée au quatrième alinéa du I du présent article et les modalités par lesquelles les salariés sont informés et font connaître, le cas échéant, leur refus de voir appliquer l’accord à leur contrat de travail. » Votre sous amendement me paraît ainsi satisfait, et mon avis est donc défavorable.

M. Christophe Cavard. Je me rallierai volontiers à la position du rapporteur sur la question de la rémunération, car au salaire proprement dit viennent souvent s’ajouter des primes ou rémunérations annexes.

Quant à la durée de l’accord, elle peut excéder cinq ans si l’accord lui-même en décide ainsi. Mais, pour qu’elle soit un élément de la négociation, elle doit être, par défaut, beaucoup plus brève. Cela dit, il est sans doute possible de trouver un compromis entre les cinq ans voulus par le rapporteur et la proposition plus audacieuse de Mme Berger.

Mme Karine Berger. Si l’on recherche un compromis, je propose que l’on se réfère à la durée retenue lors des débats qu’avait eus la commission des finances à propos de ceux qui s’auto-dénommaient « les Pigeons », c’est-à-dire deux ans. J’avais au demeurant été fort marrie à l’époque, en tant qu’économiste, d’entendre certains considérer une durée de deux ans comme relevant du long terme…

M. le rapporteur. La durée prévue pour les accords de maintien dans l’emploi était de deux ans lorsque le principe en a été adopté, mais il a fallu la porter à cinq ans pour tenir compte des problèmes qui se posaient ; par analogie, j’ai retenu une durée semblable.

La durée stipulée dans un accord majoritaire peut effectivement être supérieure à cinq ans. Ce que nous ne voulons pas, c’est que des accords se perpétuent parce que la durée n’en a pas été expressément définie. De même, nous avons souhaité l’inscription dans les accords d’une clause de rendez-vous. Le dispositif qui vous est proposé permet de conclure un accord pertinent ciblé sur un projet précis. Je ne ferai pas du maintien de la durée de cinq ans une affaire personnelle, mais, quelle que soit la durée maximale hors accord que nous choisirons, il en faut une. Sinon, ce n’est plus d’un accord qu’il s’agira, mais d’une réorganisation qui ne dit pas son nom.

M. Gérard Cherpion. L’actuel article L. 1222-8 du code du travail se lit ainsi : « Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l’application d’un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique. Il est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel ». Pourquoi ne pas souscrire à la disposition proposée, qui est beaucoup plus protectrice ?

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette le sous-amendement AS398.

Le sous-amendement AS408 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS361.

En conséquence, les amendements AS251 de M. Jean-Patrick Gille, AS229 de Mme Marie-Lou Marcel, AS41 et AS42 de M. Alain Tourret, AS238 de Mme Karine Berger et AS264 de M. Daniel Goldberg tombent.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

Article 12 : Sécurisation des accords de groupe et des accords interentreprises

La Commission examine l’amendement AS354 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement vise à clarifier la mesure de la représentativité des organisations syndicales au niveau d’un groupe d’entreprises, en disposant que, lorsque toutes les élections des entreprises du groupe se sont tenues à la même date, ce sont ces dernières élections, et non pas celles du cycle précédent, qui sont prises en compte pour mesurer l’audience. J’ai informé les organisations syndicales de cette proposition d’évolution et n’ai eu de leur part aucune réaction défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS355 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement vise à clarifier l’articulation entre le groupe et l’entreprise en matière de négociations obligatoires, en proposant que si un accord de méthode conclu au niveau du groupe prévoit que les négociations obligatoires se tiennent à ce niveau, les obligations de négocier des entreprises appartenant à ce groupe seront présumées remplies sur les thèmes prévus par l’accord de méthode, même si la négociation ne permet pas d’aboutir à un accord. À défaut d’accord de méthode, les entreprises seront également réputées avoir rempli leur obligation lorsqu’un accord portant sur un thème de négociation obligatoire aura été conclu au niveau du groupe.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

(Présidence de M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la Commission).

Article 13 : Missions des branches professionnelles

M. Jean-Patrick Gille, président. Je souhaite la bienvenue à Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, venue nous présenter deux amendements très attendus.

La Commission examine les amendements identiques AS360 du Gouvernement et AS375 du rapporteur, qui font l’objet du sous-amendement AS409 de M. Jean-Patrick Gille.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Je tiens à souligner d’emblée que jamais le Gouvernement n’a souhaité affaiblir le rôle de la branche professionnelle. Plusieurs dispositions montrent qu’il a voulu au contraire la conforter comme niveau essentiel de négociation et de régulation. Le fait que la branche ait conservé le monopole de la négociation sur la durée minimale du travail des salariés à temps partiel en est une première preuve ; les mesures visant à parvenir d’ici trois ans à deux cents branches fortes, dynamiques et protégeant vraiment les salariés en sont une autre.

Dans cet esprit, l’amendement AS360 conforte le rôle de la branche pour toutes les questions relatives à la pénibilité et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, deux sujets sur lesquels l’engagement du Gouvernement est très fort. Ces deux domaines d’intervention s’ajouteront aux quatre autres – salaires minima, qualifications, protection sociale complémentaire, contributions de la formation professionnelle – pour lesquels le projet de loi prévoit déjà que les accords de branche priment sur les accords d’entreprise. Sur ces six sujets, les accords d’entreprise ne pourront donc pas s’écarter des dispositions des accords de branche. Ce sera donc une avancée importante pour renforcer encore la mission de régulation des branches.

M. le rapporteur. L’amendement AS375, identique, montre la convergence de vues entre le Gouvernement et votre rapporteur. Ces amendements s’expliquent par la volonté de rassurer sur le rôle que nous entendons faire jouer aux branches professionnelles. Comme l’a souligné Mme la ministre, notre objectif n’a jamais été de diminuer leur rôle. Sans opposer accord d’entreprise et accord de branche, dont les vocations diffèrent, il fallait clarifier et préciser les domaines d’intervention de la branche professionnelle dans l’ordre public conventionnel.

Pour cela, nous nous sommes reportés au rapport Combrexelle, selon lequel il revient à l’accord de branche de définir salaires minima, qualifications, prévention et contributions de la formation professionnelle ; puis nous avons examiné quels autres champs de négociation il était pertinent de renforcer au niveau de la branche. Nous en avons retenu deux : la pénibilité – sujet sur lequel j’ai beaucoup insisté avant même de connaître la déclaration scandaleuse du président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, encore qu’en cette matière la branche ne protège pas de tout – voire est la cause de difficultés intrinsèques, vous dira peut-être Mme Coutelle.

En d’autres termes, ces amendements identiques traduisent notre volonté commune de réaffirmer le rôle des branches professionnelles.

Mme Catherine Coutelle. Bien que critique à l’égard des branches, je suis favorable à ces amendements, car il est bon qu’elles aient l’obligation de négocier.

Il serait intéressant aussi d’accentuer le rapprochement des négociations relatives à la pénibilité et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. J’ai des échos des discussions en cours au sujet des qualifications ; elles obligent à définir des types de métier. On sait qu’il y a inégalité de salaires entre hommes et femmes à postes égaux, mais il y a aussi inégalité de salaire à travail de valeur égale, et l’on éprouve les plus grandes difficultés à définir des postes de travail qui ne soient pas forcément les mêmes mais qui aient la même valeur. Ainsi, le métier de caissière n’est pas considéré comme pénible au motif qu’il ne serait pas répétitif et que l’hôtesse de caisse peut se mouvoir différemment si elle le souhaite ! C’est pourtant un métier dans lequel les cas de maladies professionnelles sont nombreux. Un très vaste chantier reste à conduire, et j’aimerais que les branches associent pénibilité et égalité professionnelle.

Mme Isabelle Le Callennec. En réalité, l’article 13 dans sa nouvelle rédaction vise à atténuer la portée de l’article 2 ; c’est pourquoi nous demandions ce matin qu’ils soient examinés ensemble. Nous l’avons dit ce matin à Mme la ministre du travail, venue expliquer que l’article 2 demeurerait en l’état, ce que le Premier ministre a répété haut et fort, omettant toutefois de préciser que l’article 13 modifie la teneur du texte…

Dans quels domaines le Gouvernement conforte-t-il le rôle des branches professionnelles ? Dans tous ! Quels peuvent bien être les sujets pour lesquels les accords d’entreprise primeront ? En reste-t-il seulement ? Le Gouvernement prétend « tenir bon », mais, avec un article 13 ainsi rédigé, il vide de sa substance l’article 2, revient sur le choix affiché de faire primer les accords d’entreprise et remet en cause dans la foulée le discours tenu aux petites et moyennes entreprises (PME) : le dispositif sera tellement corseté qu’elles ne pourront plus s’exprimer sur quoi que ce soit. Et tout cela alors qu’un accord de branche n’est pas nécessairement plus favorable aux salariés qu’un accord d’entreprise, comme Mme Iborra l’a souligné. Ces amendements faisant perdre au projet de loi le peu d’avantages qu’il présentait, on en revient à la case départ.

M. Michel Issindou. Il est essentiel que les branches pèsent dans la négociation des accords relatifs tant à la pénibilité qu’à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce sont bien les référentiels de branche qui permettront de définir la pénibilité. Donner du poids aux branches professionnelles incitera les entreprises à être plus allantes et évitera des disparités trop fortes au sein d’une même branche. C’est ainsi que l’on avancera, au-delà des postures politiques de ceux qui se disent prêts à refuser d’appliquer la loi parce qu’elle serait « trop compliquée », ce qui est inacceptable. On a trouvé le moyen de rendre les choses possibles pour les entreprises, et renforcer le poids des branches pour ce qui a trait à la pénibilité permettra de mener à bien une réforme qui représente un progrès réel pour les salariés.

M. Guillaume Larrivé. Madame la ministre, quel sens donnez-vous au mot « notamment » qui figure au tout début de l’amendement ? Soit, comme je le pense, l’article L. 2232-5-1 tel que rédigé à l’article 13 donne à la branche la faculté de définir par la négociation toutes les garanties applicables aux entreprises relevant de son champ et l’amendement est inutile, soit vous dressez une liste limitative et exclusive de compétences pour l’accord de branche, et en ce cas cet adverbe est superfétatoire. Sortez de l’ambiguïté : décidez de donner un champ très large à l’accord de branche ou rédigez une liste limitative, mais écrivez rigoureusement la loi sans louvoyer pour dire à chacun ce qu’il veut entendre.

Mme Monique Iborra. Les amendements précisent le rôle des branches professionnelles, qui était déjà conforté dans le projet de loi, l’article 2 ne s’appliquant pas à la négociation des salaires minima, des qualifications, de la protection sociale complémentaire et des contributions à la formation professionnelle. Il est dit par ces amendements que, pour la pénibilité et l’égalité professionnelle, l’accord de branche restera supérieur à l’accord d’entreprise. Contrairement à ce qu’a dit Mme Le Callennec, l’article 2, qui porte sur l’organisation du travail, n’est nullement modifié. Le Gouvernement précise ce qui figurait déjà dans la loi mais qui n’était apparemment pas entendu…

M. Christophe Cavard. En dépit d’explications réitérées, le projet de loi était mal interprété : non, l’esprit du texte n’est pas que la négociation d’entreprise fasse disparaître l’accord de branche. Il fallait dissiper ce quiproquo, entendre les inquiétudes qui s’exprimaient et, pour cela, spécifier que certaines négociations restent de la compétence de la branche, dont ce qui a trait à la pénibilité, sujet qui suscite des réactions douteuses de la part du MEDEF. C’est l’objet des amendements, grâce auxquels les branches joueront aussi un rôle de premier plan dans la lutte contre le dumping social et la distorsion de concurrence.

Quant à supprimer l’adverbe « notamment » comme le suggère M. Larrivé, ce serait prendre le risque d’empêcher toute autre discussion actuellement engagée au niveau des branches professionnelles.

M. Arnaud Richard. Même les acteurs économiques ignorent parfois le rôle normatif considérable des branches professionnelles, qui négocient pourtant des accords de grand poids. Il y a là un problème de fond. Le seul intérêt de ce texte qui ne créera pas le moindre emploi est d’avoir fait connaître les branches à nos concitoyens, et d’en réduire le nombre à deux cents pour leur donner un rôle déterminant dans la régulation. Les amendements du Gouvernement et du rapporteur tendent à apaiser quelques-uns des partenaires sociaux et à aller dans le sens de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Le souci est respectable, mais il résulte de tout cela un texte à l’eau tiède. La négociation au sein des entreprises est dite déterminante à l’article 2 alors que le poids de la négociation au niveau de la branche est réaffirmé par la suite. Il y a une avancée, c’est vrai, mais on reste très loin de la réforme magistrale du code du travail qui aurait été souhaitable.

M. Denys Robiliard. Notre collègue Larrivé, fin juriste, le sait pertinemment : écrire « notamment » signifie que la liste n’est pas exhaustive. Si le paragraphe I de l’amendement est descriptif – le Gouvernement a voulu clarifier les domaines de négociation dans lesquels la branche professionnelle intervient –, le paragraphe II, prescriptif, dit quels doivent être les rapports entre branche et entreprise. Le véritable dispositif est là. Si la rédaction de l’amendement est fautive, c’est par l’emploi des mots « en conséquence », puisque le fait de définir une hiérarchie, en certaines matières, entre accords de branche et accords d’entreprise ne découle pas de la définition du domaine d’intervention des accords de branches.

D’autre part, sauf erreur de ma part, le chapitre III du titre IV du livre Ier de la quatrième partie du code de travail ne contient que des dispositions réglementaires, auxquelles on ne devrait donc pas raccrocher une disposition législative. Peut-être aurait-on plutôt intérêt à parler de « mise en œuvre des règles relatives à la pénibilité fixées par la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ». Cela peut être réglé avant l’examen du texte en séance publique.

M. Gérard Cherpion. C’est à bon escient que nous souhaitions examiner simultanément l’article 2 et l’article 13 : ils se contredisent. En effet, pour les domaines traités dans l’article 2, l’accord d’entreprise prime, mais l’article 13 tel qu’il va être amendé instaure un ordre public conventionnel par la négociation de branche. En résumé, on réfléchit d’une part à l’élargissement de la convention collective, et d’autre part on favorise une négociation dans laquelle un des partenaires pourra faire son marché. En clair, la nouvelle rédaction de l’article 13 a été voulue pour contrebalancer l’article 2 dont certains partenaires sociaux ne veulent pas. L’incohérence, manifeste, traduit ce qui se passe en ce moment encore : des discussions se poursuivent aujourd’hui encore dans les ministères avec les partenaires sociaux pour trouver une solution.

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas illégitime.

Mme Isabelle Le Callennec. Nos concitoyens ont besoin de clarté. Aussi, je vous saurais gré, madame la ministre, de nous donner la liste des domaines dans lesquels les accords d’entreprise primeront une fois l’article 13 adopté dans cette nouvelle rédaction.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité a été créé par la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, promulguée le 20 janvier 2014. Plus de deux ans se sont écoulés, et l’on continue de se demander comment le mettre en œuvre ! Depuis l’origine, les entreprises disent que cette mesure aura un coût : on va les taxer toutes, et plus encore celles dans lesquelles des salariés sont exposés à des facteurs de pénibilité. Alors que le dispositif entre en vigueur demain, 1er juillet, j’ai tenté d’expliquer hier, lors de la séance de questions au Gouvernement, que bien des questions pratiques demeurent irrésolues. Pour élaborer des référentiels, les branches ont été appelées à la rescousse depuis des mois et, le 30 juin, on en est au même point !

Les entreprises s’attachent quotidiennement à améliorer les conditions de travail, ainsi que je le constate dans ma circonscription où près d’un emploi sur deux est industriel. Rien ne sert de caricaturer les propos des chefs d’entreprise : le coût du compte pénibilité, à terme, sera peut-être aussi dangereux pour les entreprises que l’a été celui des 35 heures ; de plus, ce compte est extrêmement difficile à mettre en œuvre.

M. Jean-Patrick Gille. Je souhaite sous-amender les amendements identiques du Gouvernement et du rapporteur, en substituant dans le deuxième alinéa le mot « rémunérations » aux mots « salaires minima ».

M. Gérard Sebaoun. Je m’étonne, à l’instar de M. Robiliard, du renvoi à des articles réglementaires.

Je me félicite, en revanche, que le rapporteur ait pu ajouter la pénibilité aux sujets sur lesquels l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise.

Enfin, je regrette la caricature que vous faites, madame Le Callennec, du compte personnel de prévention de la pénibilité. Celui-ci répond à une demande très ancienne des syndicats, qui déjà, lors de la réforme des retraites de 2010, souhaitaient que des critères soient fixés. Vous caricaturez le compte pénibilité lorsque vous affirmez que les branches, notamment celle du bâtiment et des travaux publics (BTP), ne seraient pas en mesure de créer les référentiels nécessaires – vous citez toujours les mêmes exemples. Sachez que l’organisme professionnel de prévention du BTP a publié en 2014 un document qui s’apparentait déjà à un référentiel.

Les difficultés de mise en œuvre que vous soulignez sont dues à l’extraordinaire réticence d’une partie des employeurs qui ne veulent pas jouer le jeu. Je ne dis pas que c’est facile, le rapport de MM. Sirugue, Huot et de Virville l’a démontré. Rien n’est simple, je le reconnais volontiers. Mais cette demande des partenaires sociaux, après avoir été inscrite dans la loi, doit être traduite dans les faits. Pour ce faire, nous avons besoin d’employeurs désireux d’avancer.

M. le rapporteur. Il me semble nécessaire de rappeler que cet amendement doit être considéré à l’aune des deux autres amendements présentés par le Gouvernement et votre rapporteur.

Les évolutions proposées ne remettent pas en cause l’article 2, et ce pour une raison simple : les six sujets visés par l’article 13 ne recouvrent pas les thèmes mentionnés dans l’article 2, lequel exclut, pour l’organisation du temps de travail, le renvoi à un ordre conventionnel de branche.

Il s’agit ni plus ni moins que de la déclinaison du rapport Combrexelle, qui préconisait de compléter les quatre thématiques originelles de la loi de 2004 par la pénibilité – nous y ajoutons l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. C’est faire une interprétation inexacte de cet amendement que d’y voir je ne sais quelle compensation ou contrepartie.

Le texte distingue – c’est heureux – l’ordre public légal, qu’il détermine, et l’ordre public conventionnel, que la branche définit en choisissant, sur chacun des sujets, de laisser la négociation à la branche ou à l’entreprise.

Je suis défavorable au sous-amendement de M. Gille, car il n’est pas envisageable de confier à la branche le soin de définir les rémunérations dans les entreprises. L’ordre public garantit, heureusement, les salaires minima. En revanche, l’idée de laisser la branche établir toute l’échelle des rémunérations ne me paraît absolument pas pertinente.

L’amendement n’a pas vocation à revenir sur l’article 2, comme je l’ai entendu : il vise à prendre en compte les craintes qui se sont exprimées sur le risque de voir se multiplier, à la faveur de l’article 2, les thématiques sur lesquelles l’accord d’entreprise primerait. En réponse, l’amendement prévoit que dans les domaines des salaires minima, des classifications, des garanties collectives complémentaires, de la mutualisation des fonds de la formation professionnelle, de la pénibilité et de l’égalité professionnelle, la primauté de l’accord d’entreprise est exclue, sauf si la branche en décide autrement.

Il faut bien distinguer les différents ordres – l’ordre public légal, l’ordre public conventionnel, l’accord d’entreprise – et prendre en compte cette hiérarchie pour comprendre l’amendement.

Mme la secrétaire d’État. Je tiens à répondre précisément à la question de Mme Le Callennec.

Le rapporteur a cité les six domaines – en comptant les deux qui figurent dans l’amendement – dans lesquels l’accord de branche prévaut sur l’accord d’entreprise. Que reste-t-il donc, m’est-il demandé, à ce dernier ? Des points qui concernent la vie quotidienne de l’entreprise : la détermination du taux de majoration des heures supplémentaires ; la rémunération des temps nécessaires à la restauration et aux pauses ; l’assimilation des temps nécessaires aux opérations d’habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ou détermination de contrepartie ; la mise en place des astreintes ; le dépassement de la durée quotidienne jusqu’à douze heures ; le dépassement de la durée hebdomadaire moyenne de travail dans la limite de quarante-six heures sur une période continue de douze semaines ; la dérogation à la durée minimale du repos quotidien ; la mise en œuvre des congés dans l’entreprise ; la mise en place d’horaires à temps partiel ; la détermination de la limite au nombre d’heures complémentaires ; la détermination des délais de prévenance pour les changements d’horaires des salariés à temps partiel ; les modalités de récupération des heures perdues ; les modalités de report d’heures en cas d’horaires individualisés ; la détermination des jours fériés et chômés ; la durée des congés spéciaux ; les délais de prévenance pour les astreintes ; le droit à la déconnexion. Tous ces éléments restent dans le champ de l’accord d’entreprise, venant s’ajouter à ce qui existait déjà concernant la fixation du contingent d’heures supplémentaires, les forfaits, l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à l’année, le compte épargne et la journée de solidarité.

M. Guillaume Larrivé. La portée de l’adverbe « notamment » n’est pas une question de détail, madame la ministre.

Dans la logique, qui semble être la vôtre, de définition de blocs de compétence – le champ des accords d’entreprise dans l’article 2, d’une part, et celui des accords de branche dans l’article 13, d’autre part –, l’emploi de « notamment » n’a pas de sens. Il laisse en effet à penser que le champ de l’article 13 n’est pas limitatif, restreignant d’autant le champ des accords d’entreprise.

M. Denys Robiliard. Le champ de la négociation collective n’est pas nécessairement limité. Mme Valter nous a cité le contenu de l’article 2, qui n’est absolument pas remis en cause par l’article 13. Ce sont deux choses différentes.

À travers l’article 2, le projet de loi reconnaît – ce que je conteste d’ailleurs – en matière d’organisation du temps de travail la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche.

Actuellement, en vertu de l’article L. 2253-3 du code du travail, les accords d’entreprise peuvent déroger aux accords de branche, quelle que soit la matière, sauf si la convention collective l’interdit, c’est-à-dire définit expressément un ordre public conventionnel. En outre, le premier alinéa prévoit quatre exceptions à cette faculté de dérogation, que le Gouvernement et le rapporteur proposent de porter à six.

On peut discuter de quantité de sujets dans un accord collectif. Le but n’est pas de faire une liste exhaustive – l’adverbe « notamment », M. Larrivé le sait parfaitement, exclut l’exhaustivité – mais de donner des exemples de ce que peut être la négociation de branche. Il n’est pas question de limiter mais de fixer une règle d’articulation.

Sous réserve de la confirmation du rapporteur, je comprends que, sur les thèmes sanctuarisés par le premier alinéa de l’article précité, la branche ne peut pas autoriser les accords d’entreprise à déroger à l’ordre public conventionnel.

M. le rapporteur. Rien n’empêche la branche de continuer à travailler sur les thématiques de l’article 2. L’adverbe « notamment » vise à clarifier, non à interdire : je ne répéterai pas ce qu’a très bien dit M. Robiliard, il n’interdit pas.

Le sous-amendement AS409 est retiré.

La Commission adopte les amendements identiques AS360 et AS375.

Puis elle est saisie de l’amendement AS265 de M. Daniel Goldberg.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement vise à conforter le rôle de la branche en permettant à la commission paritaire de branche de se prononcer sur les accords d’entreprise et d’établissement afin de réguler la concurrence entre les entreprises d’un même secteur d’activité. Si la commission s’oppose à l’accord, celui-ci est alors considéré comme non valide.

M. le rapporteur. Vaste débat ! Appelons un chat, un chat : cet amendement a pour effet de conditionner la légitimité de l’accord d’entreprise à l’avis de la branche, instituant de fait un droit de veto au profit de celle-ci. J’avais suggéré précédemment que la branche puisse émettre une recommandation sur l’accord ou demander sa suspension. On m’avait rétorqué que cela ne servait pas à grand-chose. L’efficacité du veto n’est pas contestable, mais celui-ci interdit l’accord d’entreprise ; ce faisant, il remet en cause l’article 2, ce que je ne peux pas approuver.

M. Denys Robiliard. Je le reconnais, cet amendement institue une possibilité de veto, mais cela suppose d’obtenir l’accord de la commission paritaire. Ce n’est pas rien. L’accord des partenaires sociaux pour considérer qu’un accord d’entreprise est contraire aux principes de la branche ne s’obtient pas facilement.

Il ne me paraît pas scandaleux d’accorder cette possibilité de veto à la branche et de l’ériger en quelque sorte en gendarme. Je rappelle que dans les deux cas, nous parlons de négociation entre partenaires sociaux, entre l’entreprise et les syndicats ou leurs mandataires dans le premier, entre les syndicats de salariés et les organisations d’employeurs dans le cas de la branche.

Cette proposition ne me semble pas méprisable, mais plutôt intéressante.

M. le rapporteur. Ce n’est pas rien non plus d’obtenir un accord majoritaire dans l’entreprise. Je refuse d’établir une hiérarchie entre accord d’entreprise ou accord de branche selon les efforts qui seraient nécessaires pour les conclure. D’une part, les sujets sont parfois différents. D’autre part, il n’est pas facile de parvenir à un accord d’entreprise sur le quotidien de l’entreprise.

L’amendement que vous soutenez reconnaît à la branche le droit de revenir sur les accords d’entreprise auxquels l’article 2 attribue la primauté. Il met en place un outil de contrôle de ces accords. Je ne peux pas y être favorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS376 du rapporteur et AS359 du Gouvernement, qui font l’objet du sous-amendement AS396 de M. Denys Robiliard.

Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à renforcer le rôle de la branche en lui permettant de définir un ordre public conventionnel, c’est-à-dire les matières sur lesquelles les partenaires sociaux décident que les accords d’entreprise ne pourront être moins favorables que les accords de branche, au-delà des six matières pour lesquelles la loi l’interdit déjà et en dehors des cas dans lesquels la loi prévoit la primauté des accords d’entreprise.

Cette clarification importante permettra à la fois de renforcer les branches, et de donner de la lisibilité aux partenaires sociaux de l’entreprise pour connaître leurs marges de manœuvre lorsqu’ils négocient.

Cette définition donnera lieu à une négociation qui devra s’ouvrir dans chaque branche avant le 31 décembre 2017. Les partenaires sociaux devront aussi déterminer les modalités selon lesquelles les commissions paritaires de branches seront tenues régulièrement informées des accords conclus au niveau des entreprises. Les branches qui n’auront pas engagé ces négociations pourront faire l’objet de fusions dans le cadre de la restructuration des branches. Ainsi, tous les salariés et toutes les entreprises bénéficieront de cet ordre public conventionnel, qui a vocation à être un socle social.

Les négociations des branches auront également vocation à éclairer les travaux de refondation du code du travail. D’ici le 30 juin 2018, chaque branche devra établir un rapport sur l’état de ses négociations et le transmettre à la commission de refondation du code du travail, à la commission nationale de la négociation collective et au Haut Conseil du dialogue social.

Ce nouveau dispositif permet de réaffirmer le rôle central donné à la branche dans ce projet de loi pour mieux protéger les salariés et lutter contre le dumping social. Nous avons entendu les partenaires sociaux et les parlementaires qui avaient fait part de leur préoccupation à ce sujet.

M. le rapporteur. Cet amendement est, sans doute, celui des trois amendements présentés en commun par le Gouvernement et par moi-même, qui répond le plus aux doutes qui ont été exprimés. Il redéfinit en effet les trois missions de la branche.

Celle-ci doit d’abord définir les garanties applicables aux salariés des entreprises de la branche, notamment dans les six domaines énumérés par l’article L. 2253-3 du code du travail.

Sa deuxième mission est de définir l’ordre public conventionnel sur les thèmes sur lesquels l’accord d’entreprise ne prime pas ; la branche pourra ainsi choisir les sujets sur lesquels l’accord d’entreprise ne pourra pas être moins favorable que l’accord de branche.

Enfin, la branche doit réguler la concurrence entre les entreprises au moyen des recommandations sur les accords relatifs à la durée du travail.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement est-il conforme à la lettre adressée en janvier dernier au Gouvernement par sept organisations – quatre syndicats : la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et FO ; trois organisations patronales : la CGPME, le MEDEF et l’UPA ?

L’ensemble des signataires – c’est assez rare pour être souligné – se fixaient quatre objectifs : la recherche d’un dialogue social constructif et d’une négociation sociale destinée à établir des normes et des garanties conventionnelles dynamiques ; une sécurité juridique pour les salariés comme pour les chefs d’entreprise ; une couverture conventionnelle de tous les salariés ; une contribution à la régulation des conditions de concurrence. Un premier comité paritaire s’est tenu en février dernier.

Êtes-vous certains que cet amendement réponde à la volonté de travailler ensemble que manifestait cette lettre ? Je veux m’assurer que cette rédaction a été pensée en amont et en accord avec les partenaires sociaux.

Le projet de loi renvoie beaucoup aux accords de branche. Le nombre de branches est censé passer de 700 à 200, ce qui n’est pas une mince affaire. Comment les partenaires sociaux pourront-ils dans le même temps opérer la réorganisation des branches et digérer ce texte qui leur demande beaucoup ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cet amendement suscite finalement une grande incompréhension et une grande frustration. Il définit – cela va dans le bon sens – un ordre public conventionnel de branche, mais, pourquoi continue-t-on à empêcher cet ordre conventionnel de traiter les thèmes de l’article 2 ? Pourquoi la branche ne serait-elle pas aussi légitime sur ces sujets que sur les autres à décider de la répartition des compétences ? Vous faites confiance aux partenaires sociaux de la branche, sauf sur les thèmes de l’article 2.

Sur les cinquante branches les plus importantes étudiées dans le cadre du suivi du pacte de responsabilité, quarante-cinq disposent de clauses de verrouillage sur les taux de majoration des heures supplémentaires. Elles ont instauré ces clauses car elles les considéraient pertinentes dans leur secteur d’activité.

La lutte contre le dumping social, mentionnée dans l’exposé des motifs, ne sera pas effective si les thèmes de l’article 2 ne font pas partie des sujets sur lesquels les branches peuvent décider du niveau de la négociation.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton.)

Mme Monique Iborra. Une entreprise ne ressemble pas à une autre. La légitimité des accords de branche n’est pas en cause, mais nous devons nous interroger sur leur efficacité. Je cite un exemple : en pleine crise, les entreprises allemandes ont décidé de recourir massivement au temps partiel tandis que les entreprises françaises ont souvent préféré licencier parce que les accords de branche n’étaient pas favorables à l’application du temps partiel. Cet exemple prouve qu’un accord d’entreprise peut être plus efficace.

Ce n’est toutefois pas le cas sur tous les sujets, et c’est pourquoi le projet de loi énumère ceux pour lesquels l’accord de branche prime. Sachant que les entreprises sont très différentes les unes des autres et que le marché du travail n’est pas prévisible à long terme, on peut faire confiance à un accord d’entreprise qui, je le rappelle, doit être approuvé à 50 %. Je ne comprends vraiment pas pourquoi, chers collègues, vous vous opposez aux accords d’entreprise, y compris quand ils sont encadrés.

M. Denys Robiliard. Ce ne sont pas les accords de branche qui interdisent le recours au temps partiel, qui fait l’objet d’un dialogue entre les entreprises et l’État, ce sont les habitudes des entreprises.

L’amendement du Gouvernement et du rapporteur est intéressant, même pour ceux qui, comme moi, souhaiteraient une articulation différente avec l’article 2, car il oblige chaque branche à s’interroger sur l’articulation entre la branche et l’entreprise.

La loi de 2004 a, soyons clairs, tué le principe de faveur dans les rapports entre les branches et l’entreprise, avec une exception que j’ai déjà citée. Les conséquences de cette loi n’ont pas été tirées dans l’activité conventionnelle. La question du développement d’un ordre public conventionnel est ainsi rarement posée. Cet amendement va y inciter. C’est fondamentalement sain.

Je regrette que le législateur procède de manière unilatérale – même s’il a le droit de le faire – en considérant que le temps de travail relève de l’accord d’entreprise, au lieu de laisser cette réflexion à la branche. C’est là notre désaccord sur l’article 2.

Quoi qu’il en soit, l’amendement me paraît intéressant.

M. Arnaud Richard. En 2014 et dans le présent texte, le Gouvernement s’est donné la capacité de mettre à mal une branche au motif du faible nombre d’accords conclus par elle. Or, madame la secrétaire d’État, ce texte réduit le champ des accords ; il sera donc difficile de juger de la dynamique d’une branche dès lors que le champ des accords qu’elle peut conclure est restreint.

M. Jean-Patrick Gille. Au fond, cet amendement aurait dû figurer dans le projet de loi initial, car il est conforme à la logique prônée dans le rapport Combrexelle : les branches commencent par dialoguer pour déterminer ce qui relève de leur niveau et de celui de l’entreprise. Certes, il reste l’exception relative à l’article 2, mais cet amendement fondamental instaure une logique et nous verrons à l’usage ce qu’il sera nécessaire d’adapter pour ce qui concerne ledit article.

Il est vrai qu’une autre lecture est possible : certains voudront-ils mettre en péril l’ensemble du dispositif à cause du seul article 2 ? Soulignons tout de même l’évolution concrète qui se produit ici : nous fixons un cadre plus clair, qui fait consensus. La question, en effet, n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre l’accord d’entreprise, mais qui détermine sa primauté, et quand. Il ne me semble pas inacceptable que la loi s’en charge sur certains points – même si la question des heures supplémentaires peut, de ce point de vue, susciter des désaccords. Quoi qu’il en soit, cet amendement représente une réelle avancée et c’est pourquoi je le voterai volontiers.

M. le rapporteur. Permettez-moi de présenter en miroir le raisonnement qui sous-tend le dispositif proposé. Souhaitons-nous la primauté de l’accord d’entreprise dans le domaine des salaires minimaux ? Assurément non, car chacun sait quelles conséquences en découleraient. Veut-on cette primauté dans le domaine des classifications ? Par définition, cela n’aurait pas de sens. Dans le domaine des garanties collectives complémentaires ? Non plus, évidemment. Dans celui de la mutualisation des fonds de la formation professionnelle ? Pas davantage, bien heureusement. La question peut-elle se poser s’agissant de la pénibilité ? À mon sens, non, puisque les travaux que nous avons engagés sur ce sujet ont conclu qu’il appartenait aux branches professionnelles d’établir des référentiels de branche, position que défendue ici. Dans le domaine de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en revanche, le débat peut être légitime.

En tout état de cause, il me semble pertinent de se demander si les règles d’organisation du temps de travail peuvent être fixées dans le cadre d’un accord d’entreprise – même si des désaccords peuvent subsister au sujet de tel ou tel aspect. C’est pourquoi, madame Carrey-Conte, nous avons souhaité réaffirmer la distinction qui existe entre les domaines qui relèvent de l’accord de branche et celui, visé à l’article 2, dans lequel la primauté de l’accord d’entreprise peut s’imposer.

Cette répartition peut certes ne pas recueillir l’assentiment de tous. Il est pourtant justifié de distinguer la question de l’organisation du temps de travail, car c’est sur le terrain qu’elle se pose, et elle répond à l’impératif d’adaptation de l’entreprise. Inversement, il aurait été très grave de ne pas sanctuariser la primauté de l’accord de branche dans les domaines que j’ai cités.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Dans ce cas, ne pourrait-on pas tracer une troisième voie, consistant pour la branche à décider si la primauté de l’accord d’entreprise doit ou non s’appliquer à la question des heures supplémentaires ?

M. le rapporteur. Non. Les heures supplémentaires sont l’un des éléments de l’organisation du temps de travail. Vous estimez que certains de ces éléments doivent faire l’objet d’un accord d’entreprise et d’autres non ; de ce point de vue, nous avons fait le choix que Mme la secrétaire d’État a rappelé à l’article 2.

M. Denys Robiliard. Le sous-amendement AS396 vise à supprimer, au quatrième alinéa, l’adverbe « régulièrement », qui n’apporte rien et, surtout, risque de donner à penser que la commission paritaire pourrait n’être tenue informée des accords conclus que de loin en loin, par exemple une fois par an.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

Mme Isabelle Le Callennec. Ma question sur la restructuration des branches et sur la compatibilité de l’amendement avec le contenu de la lettre adressée au Gouvernement en janvier par les partenaires sociaux est restée sans réponse.

Mme la secrétaire d’État. Il existe en effet une cohérence entre ce contenu et le texte dont nous débattons aujourd’hui. Les auteurs de la lettre en question insistaient sur le fait que les branches doivent être fortes et jouer pleinement leur rôle, et que les partenaires sociaux doivent être associés à leur restructuration. Les amendements en discussion rejoignent ces orientations.

J’ajoute que les partenaires sociaux, non contents d’y être favorables, étaient même demandeurs d’un renforcement des responsabilités de la branche, tant en matière de négociation que de régulation.

Je saisis l’occasion pour répondre à M. Richard : on ne saurait réaffirmer le rôle de négociation, de régulation et de protection des salariés qu’endossent les branches, ce dont nous convenons tous, sans tirer les conséquences du fait que, dans certains cas, les branches ne négocient pas, d’où la procédure de fusion prévue par l’amendement, et que, dans d’autres cas elles ne protègent pas les salariés – je rappelle que quarante-deux branches ont adopté un minimum conventionnel inférieur au SMIC.

M. Arnaud Richard. Sous réserve de la manière dont sera juridiquement définie la branche, qui est un objet très particulier, j’approuve ces amendements.

La Commission adopte le sous-amendement AS396.

Puis elle adopte les amendements identiques AS376 et AS359 ainsi sous-amendés.

Elle adopte l’article 13 modifié.

Article 14 : Restructuration des branches professionnelles

La Commission est saisie de l’amendement AS35 de M. Fernand Siré.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à reporter du 31 décembre 2016 au 31 décembre 2017 la date limite du regroupement des conventions collectives départementales du secteur agricole en une seule convention collective nationale, compte tenu du volume de travail que suppose cette évolution et du nombre élevé de conventions départementales.

M. le rapporteur. Comme le dit Mme Le Callennec, cessons de reporter ; agissons ! Avis défavorable.

M. Gilles Lurton. Comme sur beaucoup d’autres sujets, vous serez bien contraints de reporter tout de même en fin d’année ; j’en fais le pari.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 14 sans modification.

Article 14 bis : Application directe des accords collectifs et des conventions de niveau national dans les départements et certaines collectivités d’outre-mer

La Commission adopte l’article 14 bis sans modification.

CHAPITRE III

Des acteurs du dialogue social renforcés

Article 15 : Locaux mis à la disposition des syndicats par les collectivités territoriales

La Commission examine l’amendement AS190 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le Sénat a supprimé une disposition du projet de loi initial prévoyant que, lorsqu’un local a été mis à la disposition d’une organisation syndicale pendant au moins cinq ans, la collectivité territoriale qui souhaite lui en retirer le bénéfice doit lui verser une indemnité. Cette indemnité est nécessaire pour permettre à l’organisation syndicale concernée d’assurer la continuité de son activité. L’amendement vise à rétablir cette disposition.

Mme Karine Berger. Nous avions déposé, en première lecture, un amendement visant à soutenir le développement syndical, dans l’esprit de l’article 15 ; hélas, il a été rejeté en deuxième lecture en raison de la terrible règle dite « de l’entonnoir ». Il prévoyait que tout salarié pourrait faire une déclaration vis-à-vis d’un syndicat. Nous y tenions beaucoup, mais l’article 49, alinéa 3 de la Constitution a été plus fort que nous. Dans un monde meilleur, nous aurions défendu cet amendement avec le plus grand intérêt !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

Article 16 : Augmentation des heures de délégation des délégués syndicaux

La Commission est saisie de l’amendement AS191 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’augmentation légale de 20 % du nombre d’heures de délégation mises à la disposition des délégués syndicaux, que le Sénat a renvoyée à la négociation collective.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

Article 16 bis : Augmentation des heures de délégation des délégués syndicaux à Mayotte

La Commission examine l’amendement AS192 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement semblable au précédent concerne Mayotte.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 16 bis est ainsi rédigé.

Article 16 ter : Rapport au Parlement sur l’état des discriminations syndicales en France

La Commission adopte l’article 16 ter sans modification.

Article 17 : Contestation de l’expertise du CHSCT

La Commission examine l’amendement AS197 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AS404 de M. Denys Robiliard.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la possibilité offerte au comité d’entreprise de couvrir, au titre de sa subvention de fonctionnement, les frais d’une expertise du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) annulée définitivement par le juge, et à rétablir la rédaction de l’article 17 qu’avait adoptée par l’Assemblée nationale. Le Sénat a en effet cru devoir introduire une règle soumettant le choix de l’expert-comptable à la présentation préalable d’au moins trois devis, et une autre obligeant le comité d’entreprise et l’employeur à rémunérer conjointement l’expert assistant le CHSCT.

M. Denys Robiliard. Mon sous-amendement vise à compléter le dispositif. En effet, aux termes de l’article tel qu’il serait rédigé si cet amendement était adopté, les effets de la décision du CHSCT seraient suspendus tant qu’un jugement ne serait pas notifié. Or, celui-ci peut être suivi d’un pourvoi en cassation et, dans l’intervalle, la décision reprendrait son emprise. Autrement dit, l’expert exposerait des frais et serait éventuellement payé, mais, si la Cour de cassation règle le problème ou le renvoie devant un juge qui s’incline, l’expert en question n’aura plus que ses deux yeux pour pleurer puisqu’il devra rembourser les sommes qui lui ont été versées.

De deux choses l’une : soit nous définissons le régime de recours, ce que je propose, en suspendant la décision jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit prononcé, ce qui suppose que les délais de recours soient très brefs, soit nous maintenons cette suspension en attendant un règlement définitif à moins que le comité d’entreprise s’engage à régler les frais. En tout état de cause, nous avons créé un régime inachevé ; mon amendement vise à y remédier.

M. le rapporteur. J’entends votre proposition, mais elle pourrait aboutir à l’effet inverse, c’est-à-dire se traduire par un allongement significatif des délais. Les questions traitées par le CHSCT peuvent être très complexes. Ce sous-amendement me pose deux difficultés. Tout d’abord, il n’est pas d’usage d’imposer des délais à la Cour de cassation. D’autre part, le délai sera allongé d’au moins trois moins, en sus des dix jours initiaux. Je veux bien réfléchir à une solution, mais je ne peux émettre un avis favorable à celle que vous proposez.

M. Denys Robiliard. Il nous faut pourtant tenir compte des conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel qui, objectivement, pose un véritable problème auquel le texte n’apporte qu’une solution imparfaite. Dans l’hypothèse où la demande d’annulation de la décision du CHSCT serait rejetée, nous nous trouverions dans la situation que nous cherchons précisément à résoudre. Il est fort probable que le comité d’entreprise accepte d’avancer les frais si le CHSCT en a décidé ainsi, mais certains comités d’entreprise n'ont pas les moyens suffisants. Dans ce cas, il faut définir un régime de recours.

Après réflexion, j’ai donc proposé d’imposer à la Cour de cassation un délai très bref de trois mois, qui est celui qui s’applique lorsque la Cour est saisie pour avis – auquel cas elle a beau ne pas fixer la jurisprudence en droit, elle la fixe tout de même dans les faits, par l’intermédiaire d’une assemblée spéciale, réunissant des membres des différentes chambres, qui donne la position de la Cour sur telle ou telle question juridique n’ayant pas encore été tranchée. Dans ce cas, elle a trois mois pour statuer, et elle respecte ce délai.

Nous devons donc pouvoir envisager ce même délai dans des cas exceptionnels – à condition de ne pas en abuser – dans le cas présent, quitte à en discuter davantage d’ici à la séance. Autrement, nous ne résoudrons pas le problème posé par la décision du Conseil constitutionnel.

M. le rapporteur. Le véritable problème tient au fait qu’il n’existe pas de réelle solution à la décision du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi j’ai proposé que le comité d’entreprise apporte son soutien au CHSCT – en dépit des aléas que vous évoquez, et que je ne sous-estime pas. Néanmoins, je ne crois pas que ce sous-amendement résoudra le problème ; au contraire, il l’aggravera. Je maintiens donc mon avis défavorable.

La Commission rejette le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement AS197.

En conséquence, l’article 17 est ainsi rédigé, et les amendements AS93 de M. Gérard Sebaoun, AS157 et AS158 de M. Denys Robiliard tombent.

Article 18 : Renforcement de la formation des acteurs de la négociation collective

La Commission adopte l’article 18 sans modification.

Article 18 bis : Affectation de l’excédent du budget de fonctionnement du comité d’entreprise au budget dédié aux activités culturelles et sociales

La Commission examine l’amendement AS198 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 18 bis, introduit par le Sénat, qui permet au comité d’entreprise de prévoir que l’excédent de son budget de fonctionnement soit affecté aux activités sociales et culturelles.

M. Arnaud Richard. L’utilisation de l’excédent du budget de fonctionnement du comité d’entreprise est un sujet délicat. Il existe en effet des transferts de fonds possibles entre le CHSCT et le comité d’entreprise, dans le respect de chacune de ces instances. De ce point de vue, vous faites un choix différent de celui du Sénat, qui me semblait aller davantage dans le sens de l’intérêt des salariés et mieux correspondre à l’esprit des lois portant création de ces deux instances.

M. le rapporteur. En effet, nous avons fait un choix : celui que l’excédent du budget de fonctionnement puisse contribuer au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise.

M. Arnaud Richard. Est-ce là le rôle du comité d’entreprise ?

M. le rapporteur. Qu’une partie de son budget soit consacrée au financement de la formation des délégués du personnel ne me semble pas contraire à ses missions.

M. Arnaud Richard. Il va de soi que la formation des délégués du personnel est indispensable, mais je ne sais si le législateur, lorsqu’il a voté les lois Auroux qui ont créé ces instances, souhaitait que le budget des comités d’entreprise y soit consacré.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 18 bis est supprimé.

Article 18 ter : Modalités de répartition de la subvention pour les activités sociales et culturelles du comité d’entreprise entre établissements distincts

La Commission adopte l’article 18 ter sans modification.

Article 19 : Mesure de l’audience patronale

La Commission adopte l’article 19 sans modification.

Article 20 bis : Abaissement à 16 % du forfait social sur la participation et l’intéressement

La Commission examine l’amendement AS228 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 20 bis, introduit par le Sénat, qui abaisse de 20 % à 16 % le forfait social applicable aux sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement.

Mme Isabelle Le Callennec. Je regrette cette suppression. C’est votre majorité qui a augmenté le taux du forfait social applicable aux sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement, alors que ce dispositif permet aux salariés de s’intéresser aux résultats de leur entreprise – quelle que soit sa taille – et d’avoir le sentiment qu’ils en sont partie prenante et en constituent le capital humain. J’ai regretté cette augmentation, et je regrette de même la suppression de l’abaissement décidé par le Sénat pour redonner du sens à l’intéressement et à la participation, auxquels nous sommes très attachés.

M. le rapporteur. Rappelons tout de même que l’abaissement proposé était financé par une taxe additionnelle à la TVA pour un montant de 800 millions d’euros.

Mme Isabelle Le Callennec. Je suis, pour ma part, favorable à la TVA sociale.

M. le rapporteur. Le Sénat n’en justifiait pas moins son choix en faisant valoir qu’il s’agissait d’une mesure de soutien au pouvoir d’achat…

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le principe de solidarité nationale veut que tout revenu soit taxé de manière égale.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 20 bis est supprimé.

Article 20 ter : Évaluation de l’impact des accords d’entreprise sur les résultats et les performances de l’entreprise, et sur les conditions de travail des salariés

La Commission adopte l’article 20 ter sans modification.

Article 20 quater : Bilan quinquennal de l’état du dialogue social en France

La Commission adopte l’article 20 quater sans modification.

TITRE III

SÉCURISER LES PARCOURS ET CONSTRUIRE LES BASES D’UN NOUVEAU MODÈLE SOCIAL À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE

CHAPITRE IER

Mise en place du compte personnel d’activité

Article 21 : Création du compte personnel d’activité

La Commission examine l’amendement AS329 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement important vise à rétablir le compte d’engagement citoyen, supprimé par le Sénat.

Mme Isabelle Le Callennec. À mon sens, le compte d’engagement citoyen aurait davantage trouvé sa place dans le projet de loi « Egalité et citoyenneté ». J’ai interrogé hier M. Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la manière dont le Gouvernement entend articuler les dispositions concernant le compte d’engagement citoyen dans les deux textes ; des ajustements seront sans doute nécessaires pour donner de la cohérence au dispositif…

La Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AS330 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’ouverture aux retraités du compte personnel d’activité (CPA).

M. Arnaud Richard. Il avait été, en première lecture, adopté nuitamment dans la joie et l’allégresse, et j’étais convaincu qu’il ne serait pas retenu in fine. Il ne me semble pas souhaitable de l’adopter de nouveau, car nous sommes loin du sujet qui nous préoccupe.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous avons en effet eu ce débat en première lecture. Le compte d’engagement citoyen ouvrira des droits, notamment à la formation. Vous permettrez aux retraités d’en bénéficier alors qu’ils auront, par définition, achevé leur vie professionnelle : c’est incompréhensible et incohérent ! Vous justifiez ainsi l’argument selon lequel ce compte d’engagement citoyen aurait eu sa place ailleurs, mais surtout pas dans ce projet de loi de modernisation du droit du travail !

M. Gérard Cherpion. Cet amendement occulte le débat relatif à la fongibilité des différents droits liés au CPA. Il va de soi que les retraités bénéficiaires de ce compte d’engagement ne suivront pas de formations, puisque cela ne correspond pas à leur projet ; ils pourront donc transformer ce droit autrement. C’est absurde ! Vous ouvrez ainsi la voie à des formations inadaptées – à la préparation aux voyages, au golf ou que sais-je encore – qui ne correspondent pas aux besoins économiques réels.

M. le rapporteur. J’ose espérer que votre démonstration, monsieur Cherpion, n’a pas pour but de faire croire que les droits ouverts aux retraités dans le cadre du CPA sont les mêmes que pour l’ensemble des autres titulaires. Mieux vaut lire le texte avant d’intervenir : en réalité, les droits acquis par les retraités le sont au titre du compte d’engagement citoyen, qui leur donneront des heures pouvant être inscrites sur le compte personnel de formation (CPF), et exclusivement financées par des fonds publics. Il est donc inexact de prétendre qu’il existe une fongibilité entre les différents droits, et vous le savez pertinemment. Votre objectif, au fond, est de troubler la mise en place du CPA. Vos propos participent d’une confusion que je dois clarifier.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS331 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’inclusion des jeunes de seize ans dans le dispositif du CPA.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle se penche sur l’amendement AS332 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de cohérence vise à rétablir la disposition visant à fermer le CPA au décès de son titulaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement AS333 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de rétablir l’alinéa 22 dans sa version issue des travaux de l’Assemblée.

La Commission adopte l’amendement AS333.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement AS253 de M. Jean-Patrick Gille.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS346 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS334 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AS399 de M. Jean-Patrick Gille, et AS243 et AS244 de Mme Valérie Rabault.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la section relative au compte d’engagement citoyen dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, tout en apportant une modification rédactionnelle en vue de préciser que les jours de congé seront retracés, et non pas inscrits, sur le compte.

Mme Isabelle Le Callennec. Qu’est-ce qu’un retraité fera des heures de formation qui auront été comptabilisées sur le compte personnel de formation ?

M. Jean-Patrick Gille. Mon sous-amendement vise à supprimer le dernier alinéa de l’amendement, l’inscription des jours de congé payé consacrés à l’activité bénévole dans le compte n’ayant aucun sens puisque ces jours doivent être utilisés dans le cadre du contrat qui lie l’employé et l’employeur, mais, ayant cru comprendre que le rapporteur a déjà pris en compte ma préoccupation, je le retire.

Le sous-amendement est retiré.

Mme Karine Berger. L’amendement AS243 rétablit la rédaction de l’Assemblée en ajoutant un alinéa afin que l’activité de sapeur-pompier volontaire au sens des articles L. 723-3 et suivants du code de la sécurité intérieure entre dans le compte personnel d’activité. C’est une mesure à laquelle nous tenions beaucoup en première lecture. Il s’agit de traiter les sapeurs-pompiers de la même manière que les armées ou les jeunes en service civique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. L’amendement AS244 est un amendement de repli.

M. le rapporteur. L’amendement AS243 me pose deux difficultés. Tout d’abord, ce serait le seul dispositif, dans le cadre du compte d’engagement citoyen, qui serait financé par autre chose que des fonds publics – mais, dans le même temps, on ne peut prévoir des financements publics dans le cadre de cet amendement, en raison de l’article 40. Ensuite, l’amendement prévoit une majoration de vingt à quarante heures alors que l’idée du compte n’est pas de faire des distinctions. J’en demande le retrait.

Mme Karine Berger. Est-il possible de sous-amender votre amendement ? Sans réponse du Gouvernement sur cette demande de lever l’option, je n’ai pas d’autre solution constitutionnelle.

Mme Isabelle Le Callennec. Je vous relis la définition du compte personnel de formation : il « permet à toute personne active, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à sa retraite, d’acquérir des droits à la formation mobilisables tout au long de sa vie professionnelle. L’ambition du CPF est de contribuer, à l’initiative de la personne elle-même, au maintien de l’employabilité et à la sécurisation du parcours professionnel. » En outre, « une personne à la retraite qui reprend une activité professionnelle et se trouve en situation de cumul emploi-retraite capitalise de nouveau des droits à la formation et peut utiliser son compte personnel de formation », mais en aucun cas le compte ne peut continuer à être utilisé quand des droits à la retraite sont perçus.

M. Gilles Lurton. J’avais déposé exactement le même amendement que l’AS244 en première lecture et il avait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Il y a deux poids deux mesures.

M. le rapporteur. Non, votre amendement a été déclaré irrecevable car il était assis sur des financements publics, tandis que Mme Berger, pour éviter l’écueil de l’article 40, assoit le sien sur un financement d’entreprise, ce qui me pose un problème. Le Gouvernement m’a indiqué qu’il y était favorable mais je ne peux m’engager dans cette voie sans subir la même sanction que vous, monsieur Lurton. Il faut réinterroger le Gouvernement, afin qu’il aille jusqu’au bout.

Mme Monique Iborra. Ce sont les départements qui prendront cela en charge !

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, qui applique l’article 40, et je ne le vois pas donner une préférence à Mme Berger au détriment de M. Lurton.

M. le rapporteur. Pour répondre à Mme Le Callennec, nous avons modifié les conditions du CPF : il était fermé à la retraite, nous l’avons étendu. C’est aussi simple que cela.

M. Gilles Lurton. J’entends Mme Iborra dire que c’est aux départements de le prendre en charge. Je suis tout à fait d’accord avec cela et je l’ai d’ailleurs proposé. Nous pourrions le prévoir à titre expérimental, au choix des départements. C’est un amendement que j’avais déposé en vue de la séance et qui, en raison de l’application de l’article 49 alinéa 3, n’a pas été examiné.

Mme Monique Iborra. Nous pouvons toujours dire que nous y sommes favorables, et le Gouvernement aussi, mais ce sont les conseils départementaux qui devront le prendre en charge car les sapeurs-pompiers sont décentralisés sur les départements. Il faudrait donc poser la question à l’Association des départements de France (ADF) pour voir si ces derniers sont d’accord.

M. Gilles Lurton. L’amendement que j’avais déposé pour la séance proposait une expérimentation à la volonté des départements.

Mme Karine Berger. L’amendement propose en même temps un crédit d’impôt pour compenser la charge. C’est finalement l’État qui finance la mesure.

Mme Monique Iborra. Nous pouvons tous approuver ce qui est écrit dans l’amendement : ce n’est pas le problème. Si c’est l’État qui finance, il faut avoir l’avis du Gouvernement. Réinterrogeons-le.

L’amendement AS334 est adopté.

En conséquence, les amendements AS243 et AS244 tombent.

La Commission examine l’amendement AS335 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement vise à supprimer les alinéas qui restreignent le champ du compte personnel de prévention de la pénibilité et rigidifient le dispositif dans la loi. En outre, l’article 21 du projet de loi a vocation à intégrer le compte pénibilité dans le compte personnel d’activité et non à modifier son fonctionnement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS336 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rétablit les deux alinéas adoptés en première lecture qui complètent la liste des institutions pouvant effectuer des abondements complémentaires. Il s’agit du quatrième et dernier amendement de rétablissement des dispositions relatives au compte d’engagement citoyen.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS338 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les actions d’évaluation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences sont éligibles au compte personnel de formation, qu’elles interviennent en amont ou en aval de la formation.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS339 du rapporteur.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS340 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux titulaires d’un compte personnel d’activité (CPA) ayant acquis des heures du fait d’un engagement citoyen de financer des formations en lien avec leurs activités associatives. Seules les heures acquises au titre du compte d’engagement citoyen permettront de financer ces actions.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS357 du rapporteur et AS75 de M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Nous avons adopté en première lecture un amendement permettant d’utiliser le CPA pour des formations au sein de l’Union européenne. Il serait pertinent d’élargir cette disposition à l’ensemble des formations à l’étranger, notamment pour ceux de nos compatriotes qui sont frontaliers avec un pays non membre de l’Union européenne.

Mme Isabelle Le Callennec. Que se passera-t-il pour la Grande-Bretagne ?

M. Philip Cordery. Le Royaume-Uni reste a priori un pays étranger.

La Commission adopte les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques AS341 du rapporteur et AS66 de Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. En général, le temps partiel n’est pas choisi. Ces salariés, pour pouvoir progresser ou avoir des métiers à temps plein, ont besoin de formation. Nous souhaitons donc que le compte de formation soit, par décision unilatérale de l’employeur, abondé à temps plein. Nous l’avons demandé, et c’est dans la loi, pour les retraites : lorsqu’un salarié est à temps partiel, il ne cotise que partiellement à sa retraite, mais nous avons prévu que l’employeur pouvait abonder son compte comme pour un temps plein.

Mme Isabelle Le Callennec. A-t-on un retour d’expérience sur cette disposition ?

Mme Catherine Coutelle. Non, cela n’a pas encore été quantifié, mais M. Issindou est en train de procéder à une évaluation de loi sur les retraites et je pense que cet élément pourrait y être inclus.

M. Jean-Patrick Gille. Qui paye ? Le principe, c’est le prorata du nombre d’heures travaillées. L’employeur qui recourt beaucoup au temps partiel bénéficierait grâce à cet amendement de plus de formations : c’est donner un avantage aux entreprises qui abusent du temps partiel. Dans tous les cas, il faut que ce soit l’employeur qui finance.

Mme Catherine Coutelle. C’est une décision de l’employeur et c’est lui qui finance. Cela lui coûte donc plus cher. Le compte est déjà abondé de manière plus importante pour les personnes très éloignées de l’emploi ou les jeunes en échec scolaire, par un financement public. Il s’agit là d’un financement privé, comme nous l’avons prévu pour les retraites en proposant qu’une personne qui travaille à temps partiel puisse voir son compte abonder à temps plein. Nous souhaitons rendre le temps partiel le plus cher possible car il y a des abus, lesquels sont subis par des salariés qui sont à 80 % des femmes.

La Commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS241 de Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Cet amendement vise à tirer les conséquences de la création du CPA pour les grands décrocheurs. Notre majorité est attachée à trouver des solutions pour tous les élèves qui sortent du système scolaire sans diplôme et c’est une priorité de la ministre de l’éducation nationale. Nous proposons ici d’augmenter le plafond de formation pour les grands décrocheurs de 400 à 1 500 heures par an.

M. le rapporteur. Nous avons déjà adopté en première lecture un amendement de Jean-Patrick Gille prévoyant un doublement, de vingt-quatre à quarante-huit heures par an, de l’alimentation du compte, ainsi qu’un quadruplement du plafond. Je propose d’en rester là.

Mme Isabelle Le Callennec. Qu’est-ce qui différencie un « grand décrocheur » d’un décrocheur ?

M. Jean-Patrick Gille. Le compte comporte deux éléments. Il y a tout d’abord le nombre d’heures dont le compte est crédité proportionnellement au travail effectué, et mon amendement a doublé ce nombre pour les personnes en grande difficulté. Il y a ensuite un plafond, de 150 heures pour les salariés, porté à 400 heures par mon amendement pour les personnes en grande difficulté. Ce plafond ne signifie pas que l’on ne peut avoir plus d’heures sur son compte, et la loi dit déjà que toute personne qui n’a pas une qualification de niveau cinq voit son compte abondé de 400 heures, des heures qui ne sont pas comptabilisées pour le plafond. Le plafond reste assez bas afin que les gens dépensent leurs crédits d’heures et ne les thésaurisent pas.

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit de l’amendement AS254 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Il s’est produit un effet collatéral imprévu à la suite de la réforme de l’insertion par l’activité économique (IAE) conjuguée à la réforme de la formation professionnelle. Sur le terrain, il n’y a plus assez d’argent pour financer les personnes en insertion par l’activité économique. Cet amendement prévoit que le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) puisse abonder les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) qui financent l’IAE.

M. le rapporteur. Je partage pleinement l’objectif, mais le débat a eu lieu au Sénat et la ministre a répondu qu’elle devait recevoir d’ici à l’été un état des lieux de la formation des travailleurs en IAE. Ce sera donc un avis de sagesse.

Mme Isabelle Le Callennec. Je siège au Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE), qui a tenu une réunion la semaine dernière au cours de laquelle nous avons longuement discuté de cette question de la formation de personnes qui en ont particulièrement besoin. Des données ont été présentées. Une OPCA qui finance l’économie sociale et solidaire, Uniformation, est submergée de demandes et ne peut plus assumer sa charge. Des chantiers d’insertion sont obligés, pour financer des formations, de se raccrocher non plus à l’OPCA mais à une branche qui aurait un rapport avec les métiers pour lesquels sont formées les personnes en insertion. Je trouve que l’amendement fait une proposition sage, car il existe une vraie demande.

Mme Monique Iborra. Pourquoi les régions ne prennent-elles pas cela en charge ? Certaines le font, par convention avec les OPCA.

M. Jean-Patrick Gille. L’amendement ne crée pas d’obligation. Il rend possible un refinancement des OPCA par le FSPP, sans déclencher d’automaticité puisque cela passe ensuite par une convention. Il est temps de débloquer cette situation que nous traînons depuis un an. Le ministère m’a fait savoir que les services ne parvenaient pas à documenter la question. Je suis remonté au créneau et je ne crois pas m’avancer beaucoup en disant que sa position serait favorable. Sans vouloir leur forcer la main, adopter l’amendement ferait avancer les choses.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS342 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le renvoi de l’amélioration des modalités de prévention de la pénibilité à la concertation entre partenaires sociaux. L’article 21 relatif au compte personnel d’activité n’a pas vocation à servir de support pour modifier les dispositions relatives à la prévention de la pénibilité.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte également l’amendement de conséquence AS345 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS223 de Mme Chantal Guittet.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement concerne les activités de sauveteurs embarqués bénévoles et de nageurs-sauveteurs volontaires. Il s’agit de demander, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport en vue de prévoir l’intégration de ces activités de bénévolat dans le compte personnel de formation, afin de valoriser cet engagement indispensable au dispositif national de sauvetage en mer.

M. le rapporteur. Selon moi, ces personnes sont couvertes par le fait qu’elles sont membres d’associations et font du bénévolat associatif. Elles relèvent de la couverture à ce titre.

Mme Annie Le Houerou. Il serait intéressant de regarder leur situation de plus près.

M. le rapporteur. Je veux bien être favorable à une demande de rapport, mais j’ai en tout cas cette interrogation.

M. Gilles Lurton. Mme Guittet travaille actuellement à un rapport sur la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Elle peut sans doute y introduire cette problématique.

M. le rapporteur. Excellente suggestion !

Mme Annie Le Houerou. Mme Guittet est la première signataire de l’amendement. Je pense qu’il est important d’inscrire celui-ci dans la loi.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 21 modifié.

Article 21 bis A : Élargissement de l’acquisition de blocs de compétences et de l’évaluation préalable à l’acquisition du socle de connaissances et de compétences

La Commission adopte l’article 21 bis A sans modification.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit quarante-cinq.

Article 21 bis B : Unification du recouvrement de la contribution à la formation professionnelle des travailleurs indépendants

La Commission est saisie de l’amendement AS392 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement supprime le plafonnement de la contribution à la formation professionnelle (CFP) des indépendants, versée aux chambres des métiers et de l'artisanat et au fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise. Finançant des droits sociaux individuels, la CFP ne doit pas être limitée à une seule partie des travailleurs indépendants – ici, les artisans. L'objectif est d'assurer la pérennité de la ressource qui finance les droits des artisans, en cohérence avec l'extension du compte personnel de formation à ces travailleurs.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 21 bis B modifié.

Article 21 bis (supprimé) : Ouverture d’une concertation relative à l’élargissement du compte personnel d’activité

La Commission examine l’amendement AS347 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rétablit la concertation relative à l’élargissement du périmètre du CPA. Cette démarche pragmatique vise à garantir la pleine entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2017. Toutefois, la vocation du CPA dépasse le périmètre retenu : à terme, d’autres comptes pourraient y être intégrés et ainsi faciliter les transitions professionnelles.

Mme Isabelle Le Callennec. Avec cet amendement, le compte épargne temps, qui ne touche pas toutes les entreprises actuellement, est réintroduit dans le compte personnel d’activité. Il ouvre la boîte de Pandore. La création du CPA précède la concertation avec les partenaires sociaux, ce qui créera une inquiétude supplémentaire chez les entreprises.

M. le rapporteur. Cet amendement ne prévoit rien d’autre que l’ouverture de la concertation sur le compte épargne temps.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 21 bis est ainsi rétabli.

Article 21 ter : Mise en œuvre du compte personnel de formation pour les travailleurs handicapés accueillis en ESAT

La Commission adopte l’article 21 ter sans modification.

Article 23 : Renforcement de l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et l’autonomie

La Commission se saisit de l’amendement AS393 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir les dispositions relatives à la généralisation de la Garantie jeunes, qui constitue une modalité spécifique du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie. La généralisation de la Garantie jeunes constitue l’une des dispositions clefs du projet de loi, destinée à assurer l’égal accès à ce dispositif de tout jeune répondant à des critères identiques, quel que soit son lieu d’habitation.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination AS348 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

Article 23 bis A : Extension des missions du réseau des œuvres universitaires à la gestion des aides en faveur des jeunes à la recherche d’un premier emploi

La Commission adopte l’article 23 bis A sans modification.

Article 23 bis B : Régime social des volontaires des établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE)

La Commission adopte l’article 23 bis B sans modification.

Article 23 bis C : Application à Mayotte du droit à l’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AS379, l’amendement de cohérence AS394, l’amendement de coordination AS349, l’amendement de cohérence AS395, l’amendement rédactionnel AS350, tous du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 23 bis C modifié.

Article 23 bis D : Création de l’aide à la recherche du premier emploi

La Commission adopte l’article 23 bis D sans modification.

Article 23 bis [supprimé] : Rapport relatif à l’évaluation des emplois d’avenir

La Commission examine l’amendement AS43 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à rétablir l’article supprimé par le Sénat, qui demande au Gouvernement la remise d’un rapport relatif à l’application de la loi portant création des emplois d’avenir, afin de présenter l’impact de ses dispositions sur la politique de l’emploi. Il s’agit aussi de demander que ce rapport étudie l’opportunité d’une prolongation du dispositif au-delà des trois années prévues avec des aides dégressives, ce qui permettrait aux collectivités et les associations de consolider le maximum de contrats, sans rupture financière – je rappelle qu’on passe aujourd’hui de 75 % à 0 % de prise en charge.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement est bienvenu. Il serait également intéressant de prévoir un rapport sur les contrats de génération.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 23 bis est ainsi rétabli.

Article 23 ter : Dispositif d’emploi accompagné pour les personnes handicapées

La Commission adopte l’article 23 ter sans modification.

Article 23 quater : Aménagement de la durée du contrat de travail des salariés en ateliers et chantiers d’insertion

La Commission adopte l’article 23 quater sans modification.

CHAPITRE III
Adaptation du droit du travail à l’ère du numérique

Article 25 : Modalités d’exercice du droit à la déconnexion

La Commission examine l’amendement AS351 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AS410 de Mme Karine Berger.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction du dispositif de droit à la déconnexion issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui avait notamment précisé l’objectif de respect de la vie personnelle et familiale. Le devoir de déconnexion doit se traduire par la mise en place par l’entreprise d’outils de régulation de l’usage des outils numériques. L’amendement précise également l’articulation du dispositif. Le droit à la déconnexion est intégré dans les négociations actuelles sur la qualité de vie au travail. À défaut d’accord, une charte devra être élaborée dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Mme Karine Berger. Mon sous-amendement vise à étendre le droit à la déconnexion aux transports, en l’occurrence à la conduite des voitures de fonction. En effet, la plupart des accidents mortels surviennent à cause de l’utilisation du téléphone portable alors que l’on est au volant.

M. le rapporteur. Défavorable. Le sous-amendement fait référence à la sécurité dans les transports. Il ne me semble pas que cette disposition ait sa place dans ce texte, même si je vois mal, je l’avoue, à quel véhicule législatif on pourrait la raccrocher.

Mme Karine Berger. La sécurité routière constate une augmentation des accidents mortels en raison de l’utilisation des outils numériques dans le cadre des transports personnels liés au travail. Je maintiens mon sous-amendement : il faut protéger les salariés, y compris pendant les transports.

M. le rapporteur. Votre sous-amendement renvoie à la sécurité routière, et non au travail : il est interdit de téléphoner au volant.

Mme Karine Berger. La loi est très claire : en bluetooth, on peut décrocher.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il est tout aussi dangereux de décrocher, même en bluetooth, qu’il s’agisse de répondre à son employeur ou à un ami.

Mme Karine Berger. En l’occurrence, il s’agit de protéger le salarié dans le cadre d’une relation de travail. Je ne prétends pas régler l’ensemble des problèmes de sécurité routière…

Mme la présidente Catherine Lemorton. Votre sous-amendement évoque « la sécurité dans les transports » : quel danger y a-t-il à téléphoner dans les transports collectifs, par exemple ?

Mme Karine Berger. Effectivement, ce sous-amendement aurait dû renvoyer plus précisément à la conduite en voiture. Mais nous sommes dans le cadre d’une nouvelle lecture, et le Gouvernement a fait usage de l’article 49, alinéa 3, en première lecture.

M. Gérard Sebaoun. Les études montrent que même pour les piétons, le téléphone à la main est extrêmement dangereux. Le sujet ne fait donc pas débat. Je m’interroge en revanche sur un autre aspect de la question : en cas d’accident et de procès, la personne aura tout intérêt à invoquer une utilisation du téléphone pour motif professionnel, pour être dans le cadre d’un accident de travail et non plus « domestique ». Ce point doit donc être regardé de près.

La Commission rejette le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS245 de Mme Valérie Rabault.

Mme Karine Berger. Cet amendement vise à prévoir la mise en œuvre des droits des salariés en télétravail et la délivrance annuelle aux salariés d’une information synthétique sur ces droits dans l’entreprise.

M. le rapporteur. Il me paraît compliqué d’inscrire dès à présent dans la loi des éléments qui relèveront de la concertation des partenaires sociaux à laquelle est renvoyée l’adaptation du cadre juridique du travail à distance, comme prévu en première lecture. Je demande le retrait de cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 25 modifié.

Article 25 bis : Mise en accessibilité du poste de travail des salariés handicapés

La Commission adopte l’article 25 bis sans modification.

Article 26 : Ouverture d’une concertation relative au travail à distance

La Commission examine l’amendement AS352 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 26 adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Il s’agit notamment d’intégrer dans le droit la diversité des formes de travail à distance et d’adapter en conséquence les notions de lieu, de charge et de temps de travail.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 26 est ainsi rédigé et les amendements AS6 de Mme Bernadette Laclais et AS 109 de M. Gérard Sebaoun tombent.

Article 27 : Adaptation du dialogue social aux pratiques numériques

La Commission adopte l’article 27 sans modification.

Article 27 bis A : Communication syndicale en ligne dans les chambres d’agriculture

La Commission adopte l’article 27 bis A sans modification.

Article 27 bis [supprimé] : Définition de la responsabilité sociale des plateformes en ligne

La Commission est saisie de l’amendement AS353 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement vise à rétablir l’article relatif à la responsabilité sociale des plateformes numériques, supprimé par le Sénat. L’objectif est que les travailleurs bénéficient d’une assurance en matière d’accidents du travail, d’un droit à la formation professionnelle, de la validation des acquis de l'expérience (VAE), ainsi que de la possibilité de constituer un syndicat pour défendre leurs intérêts.

Deux modifications sont introduites par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. D’une part, il est proposé de permettre aux plateformes de couvrir le risque d’accidents du travail par la souscription de contrats d’assurance de groupe. Ces contrats devront apporter un niveau de protection au moins égal aux garanties offertes par l'assurance volontaire en matière d'accidents du travail. D’autre part, afin d’écarter toute ambiguïté, il n’est plus prévu de disposition sur la nature juridique du lien entre la plateforme et les travailleurs qui utilisent ses services. Il reviendra au juge de se prononcer lorsqu’il est saisi sur la nature de ce lien.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 27 bis est ainsi rétabli.

TITRE IV

FAVORISER L’EMPLOI

CHAPITRE IER

Améliorer l’accès au droit des entreprises et favoriser l’embauche

Article 28 : Droit à l’information des employeurs des entreprises de moins de 300 salariés

La Commission est saisie de l’amendement AS380 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le Sénat a intégralement réécrit cet article pour mettre en place un rescrit en matière de droit du travail. Or, la mise en place d’un rescrit en droit du travail présente plusieurs difficultés. En effet, l’appréciation d’une situation en matière de droit du travail se situe quasi exclusivement dans une relation duale entre l’employeur et le salarié, qui ne peut être complètement analysée par l’administration au moment de sa réponse. Par ailleurs, la mise en place d’un rescrit portant sur l’application de l’ensemble des dispositions du code du travail entraînerait une charge de travail considérable pour les DIRECCTE. Dans son rapport, M. Jean-Denis Combrexelle a d’ailleurs écarté cette piste pour ce motif.

Dès lors, mon amendement adopté en première lecture constituait un compromis satisfaisant. Il permettait à l’entreprise de fournir, en cas de contentieux, le document formalisant la prise de position de l’administration, pour attester de sa bonne foi. Cette disposition permettait d’apporter une plus grande sécurité juridique aux entreprises, sans pour autant créer de droit opposable. Enfin, la suppression du « service public de l’accès au droit » par le Sénat tient à un malentendu, les rapporteurs de la commission des affaires sociales du Sénat considérant dans leur rapport que ce service « paraît accroître le risque de multiplication des dispositifs et d’éparpillement des responsabilités ». Au contraire, ce service public, qui associera les nombreux acteurs déjà chargés d’informer les entreprises, doit permettre d’améliorer la coordination des différentes personnes compétentes, et donc l’efficacité et la lisibilité du service rendu.

Le présent amendement vise par conséquent à rétablir l’article dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Mme Isabelle Le Callennec. Les sénateurs ont eu parfaitement raison de supprimer le service public de l’accès au droit. Cet amendement va accroître les dispositifs et l’éparpillement des responsabilités, alors que les entreprises demandent une information fiable et stable, sur laquelle l’administration s’engage : le rescrit est le meilleur outil en cas de contentieux. Je trouve dommage de passer à côté d’une occasion d’améliorer les relations entre les entreprises et l’administration.

M. Arnaud Richard. Les modifications apportées par le Sénat sur le rescrit permettent de renforcer son efficacité dans l’accès au droit pour les petites entreprises. En effet, la réalisation de démarches légales souvent complexes les expose à des risques juridiques réels en cas de contentieux. Le rescrit social demeure à ce jour peu développé, avec quelques centaines de demandes par an, et ce pour plusieurs raisons : la complexité perçue de la procédure, l’insuffisante publicité des rescrits et la longueur des délais. En outre, ce rescrit porte sur une liste limitative de domaines : exonération des cotisations sociales, contributions patronales, avantages en nature et frais professionnels, exemptions d’assiette, cotisations et contributions sur des rémunérations allouées à une tierce personne.

Aussi soutenons-nous la mise en place d’un rescrit qui permette d’attester de la bonne foi de l’entreprise qui a suivi l’itinéraire procédural prescrit par l’administration en matière de droit du travail pour faire face à une situation donnée, notamment en cas de franchissement d’un seuil de salariés ou de licenciements économiques. Le développement du rescrit social constituait l’une des 52 mesures visant à simplifier la vie des entreprises, présentées en juin 2015 par le Conseil de la simplification.

M. Gérard Cherpion. Lors d’un précédent débat, il m’avait été opposé que le développement du rescrit social tomberait sous le coup de l’article 40 en accroissant la charge de travail des DIRECCTE. Cet argument ne tient pas, car la DIRECCTE est obligée d’intervenir en cas de problème, et lui permettre d’intervenir en prévention facilitera la vie de l’entreprise, mais aussi de toutes les autres. Le refus de développer le rescrit social constituera un nouveau frein à l’embauche.

M. le rapporteur. Lorsque votre majorité était en responsabilité, les moyens des DIRECCTE ont été supprimés au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ! Et vous venez m’expliquer qu’on sera capable de faire fonctionner le dispositif que vous proposez ! Celui que je propose avec mon amendement permettra de formaliser la prise de position de l’administration sur la base de laquelle l’employeur pourra attester de sa bonne foi.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 28 ainsi modifié.

Article 28 bis AA : Mission d’information et de conseil des agents de l’inspection du travail

La Commission adopte l’article 28 bis AA sans modification.

Article 28 bis A : Possibilité pour l’employeur d’assurer par décision unilatérale la couverture complémentaire de certains salariés par le versement santé

La Commission est saisie de l’amendement AS386 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose de revenir à la rédaction de l’article 28 bis A adoptée par l’Assemblée nationale, qui vise à pérenniser la possibilité pour l’employeur de recourir de manière unilatérale à un versement santé plutôt qu’à une couverture collective pour la complémentaire santé des salariés en contrats courts ou temps très partiel.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 28 bis A est ainsi rédigé.

Article 29 : Accords types de branche

La Commission est saisie de l’amendement AS381 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article, dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, prévoyait qu’un accord de branche étendu pouvait contenir des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés. Le Sénat l'a modifié pour rendre obligatoire l’existence de ces stipulations spécifiques dans tous les accords de branche, alors qu’il ne s’agissait que d’une simple possibilité dans la rédaction initiale. Cet amendement propose de revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. En effet, prévoir systématiquement et dans l’ensemble des accords de branche des dispositions spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés n’est pas nécessairement pertinent et peut se révéler très contraignant pour les partenaires sociaux.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS385 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AS405 de M. Denys Robiliard.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à revenir à la rédaction de l’alinéa 4, telle qu’adoptée par notre commission en première lecture. Dans la mesure où l’employeur peut appliquer tout ou partie de l’accord type de manière unilatérale, il est justifié de prévoir que les salariés ainsi que la commission paritaire régionale de branche ou, à défaut, la commission paritaire régionale interprofessionnelle (CPRI), soient informés de l’application de l’accord type par l’employeur.

M. Denys Robiliard. Même si l’accord type résulte d’une négociation collective, il est souhaitable que les représentants du personnel présents dans l’entreprise soient consultés par l’employeur. Tel est l’objet de mon sous-amendement.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Dans la mesure où l’accord est négocié par les organisations syndicales représentatives au niveau de la branche, il est inutile de prévoir en plus une consultation des délégués du personnel. Un accord type de branche a vocation à être décliné ; un accord d’entreprise s’accrochera à l’accord type de branche.

M. Denys Robiliard. Dans la mesure où l’employeur peut choisir de ne retenir que certaines parties de l’accord type, il serait dommage de ne pas prévoir la consultation des délégués du personnel. D’autant qu’en se contentant d’une information, on se prive d’une qualité d’adhésion.

La Commission rejette le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 29 ainsi modifié.

Article 29 bis A [supprimé] : Dialogue social dans les réseaux de franchise

La Commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement AS390 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AS406 de M. Denys Robiliard, et de l’amendement AS161 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Mon amendement, qui a suscité des contestations, a été repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Il vise à doter les réseaux de franchise de plus de 50 salariés d’une instance de dialogue et de différentes institutions. Il est invraisemblable que, dans des réseaux structurés de franchise, les salariés ne soient ni consultés ni informés. Comme dans les entreprises classiques, le personnel des franchisés doit être associé aux grandes orientations du réseau.

Cela dit, j’ai entendu les critiques qui ont été formulés. Le rapporteur propose un amendement plus léger, mais qui laisse beaucoup de places à un accord collectif, ce qui me semble intéressant. Soucieux d’avancer de façon consensuelle, je retire donc mon amendement au profit du sien. Il importe en tout cas de se préoccuper de ce sujet, car certaines franchises sont si intégrées qu’elles s’apparentent à des succursales.

Mme Isabelle Le Callennec. L’amendement du rapporteur, qui vise à rétablir l’article 29 bis A, continue à susciter de vives réactions sur le terrain de la part des commerçants concernés. Les commerçants franchisés sont d’abord des commerçants indépendants. Or, en créant cette instance de dialogue, vous leur déniez cette qualité. À l’instar de tout salarié de PME ou de TPE, un salarié travaillant pour un commerçant indépendant franchisé relève du code du travail et de la convention collective du secteur considéré. Un entrepreneur franchisé est soumis aux mêmes seuils sociaux que les autres entreprises. On se demande pourquoi vous voulez conférer aux salariés d’une structure franchisée un statut différent de celui des salariés d’une structure équivalente non franchisée. Rien ne justifie la création d’une telle instance de dialogue. Elle inquiète tous ces commerçants, qui restent des commerçants indépendants. Dans un réseau de franchise, la tête de réseau apporte les outils, l’assistance technique et commerciale, mais ce n’est absolument pas elle qui assume les risques que prend l’entrepreneur indépendant. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. Jean-Patrick Gille. Je soutiens la démarche de Denys Robiliard, dont j’avais cosigné l’amendement en première lecture. Nous avons tous été interpellés sur cette question, notamment par messagerie électronique. L’amendement proposé par le rapporteur limite le champ aux réseaux de franchise de plus de 1 000 salariés, ce qui désamorce toute une série d’arguments. Nous sommes attachés au travail réalisé en première lecture, mais la position de sagesse est sans doute de nous rallier à l’amendement du rapporteur. Ce serait déjà une avancée, qui permettrait de mener un travail en la matière sans inquiéter tout le monde, compte tenu des réserves qui sont exprimées.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Pour avoir été commerçant-artisan et présidente d’une association de commerçants, je puis vous assurer, madame Le Callennec, que l’indépendance de nombreux commerçants franchisés est toute relative : les horaires d’ouverture leur sont imposés ; ils ne peuvent pas participer aux éclairages de Noël dans leur rue si le franchiseur a décidé qu’aucun magasin ne devait le faire dans aucune ville… J’ai plusieurs marques bien connues en tête. En outre, les franchiseurs ont des moyens beaucoup plus importants que les commerçants de quartier. Ils nous ont d’ailleurs tous abordés de manière assez massive.

M. Denys Robiliard. Il y a réseaux de franchise et réseaux de franchise. Dans certains réseaux, on se demande s’il y a de l’indépendance, laquelle est pourtant au cœur du contrat de franchise. Les éléments minimaux du contrat passé entre un franchiseur et un franchisé sont, je le rappelle, la mise à disposition d’une enseigne et d’un savoir, et une assistance du franchiseur au franchisé. Il arrive que les réseaux de franchise soient à ce point intégrés que toute la gestion comptable et toute la gestion du personnel, y compris des gérants théoriques des magasins, sont assurées par le franchiseur. Mais il existe aussi des franchises avec de véritables interlocuteurs indépendants, voire des « masters franchisés », qui ont eux-mêmes plusieurs magasins ou centaines de magasins. Le paysage est donc extrêmement complexe.

Dans certains réseaux de franchise, les éléments d’intégration peuvent être extrêmement forts et porter, ainsi que vient de l’expliquer Mme la présidente, sur les conditions de travail, sur les horaires, parfois sur le port de l’uniforme ou sur la façon de se comporter. Dans ces réseaux, le franchiseur peut modifier unilatéralement et de façon importante une stratégie commerciale. On passe alors d’une clientèle à une autre, ce qui a des conséquences sur le personnel, le mode de relation avec la clientèle n’étant plus le même. Alors que les décisions du seul franchiseur peuvent concerner des milliers de salariés des structures franchisées dans leur vie très concrète, à aucun moment il n’y a de consultation dans la mesure où aucune structure franchisée ne dépasse le seuil de dix salariés. C’est tout de même un peu fort de café !

Il est donc souhaitable de mettre en place un lieu à la fois d’information et de dialogue. Cela n’enlève rien à l’indépendance. J’irais même un peu plus loin : il y a parfois, semble-t-il, un manque de dialogue entre franchiseurs et franchisés, même lorsque ces derniers sont indépendants. Dès lors, il ne me paraît pas malsain d’en introduire un peu. Tel est le dispositif prévu. Ce n’est pas cela qui va tuer la franchise en France !

Je reconnais que mon amendement allait plus loin que celui de rapporteur. J’aurais souhaité qu’il soit adopté, mais tel ne sera pas le cas. Mon sous-amendement vise à ce que le dispositif proposé par le rapporteur s’applique à partir non pas de 1 000, mais de 300 salariés : cela me paraît un réseau de taille suffisante pour justifier une instance de dialogue.

M. le rapporteur. Je remercie Denys Robiliard pour la qualité des échanges que nous avons eus entre l’examen du texte en première lecture et aujourd’hui. Personne ne peut ignorer qu’il y a un débat sur la place des franchises, notamment sur l’incidence des relations entre franchiseurs et franchisés, y compris sur les personnels des entreprises franchisées.

Néanmoins, la complexité du monde des franchisés et des franchiseurs est aussi une réalité, et on ne peut pas traiter de la même manière un réseau dans lequel on ne fait que partager un nom et celui dans lequel presque tout est organisé par la tête dudit réseau – et cela existe. J’ai moi-même vécu la situation décrite par Mme la présidente lorsque j’étais maire de Chalon-sur-Saône. Nous voulions mettre en place des dynamiques commerciales, et une partie non négligeable des commerçants nous ont répondu qu’ils voudraient bien, mais qu’ils ne pouvaient pas, parce que la franchise ne le voulait pas. Qu’on ne me dise pas que la relation entre franchiseur et franchisé ne modifie jamais l’organisation du travail des salariés : parfois, le responsable ou le gérant de la structure franchisée n’est pas libre d’ouvrir à tel ou tel moment.

Toutefois, ainsi que je l’ai indiqué à Denys Robiliard, le dispositif qu’il propose est, à ce stade, trop brutal. Je le remercie d’avoir retiré son amendement.

L’amendement que je propose vise à rétablir l’article supprimé par le Sénat. Il tend à la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise de plus de 1 000 salariés, par accord – j’insiste sur cette notion –, sans remettre en cause le modèle commercial d’organisation de la franchise. Cette instance aura pour mission de transmettre les décisions du franchiseur ayant un impact sur les conditions de travail des salariés du réseau et d’échanger sur ces décisions. On verra d’ailleurs, à l’occasion de cette transmission, qu’il existe effectivement de telles décisions.

Le sous-amendement de Denys Robiliard propose d’abaisser le seuil à 300 salariés ; je serais assez tenté d’y donner un avis favorable.

Mme Isabelle Le Callennec. A-t-on mesuré l’impact de l’abaissement du seuil de 1 000 à 300 salariés ?

M. Denys Robiliard. Cela augmentera le nombre de réseaux concernés.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous défie de trouver un franchisé indépendant vendant de la viande dans du pain avec du ketchup dessus, et dont la marque est représentée par un clown – vous voyez de qui je veux parler – qui peut décider de fermer son magasin à dix-neuf heures : cela lui est interdit ; il est obligé de rester ouvert jusqu’à minuit ou une heure du matin. Et il en va de même dans de nombreux réseaux de franchise. En tant que commerçante, j’ai pu constater qu’il y avait plus de franchisés dépendants que de franchisés indépendants, contrairement à ce que les franchiseurs nous ont écrit dans la lettre qu’ils nous ont massivement envoyée.

Mme Isabelle Le Callennec. Certes, mais les salariés ont des protections.

M. le rapporteur. Encore heureux ! Il ne manquerait plus que cela : qu’ils n’aient plus de protections parce qu’ils travaillent dans un réseau de franchise ! Tel n’est pas le sujet : notre objectif, à Denys Robiliard et à moi-même, c’est qu’il y ait un lieu dans lequel on puisse débattre des éléments qui ont un impact sur les conditions de travail des salariés du réseau, par exemple le fait de porter la même tenue dans tout le réseau, les horaires d’ouverture, certaines incitations à la vente qui permettent une rémunération différenciée. Personne ne peut ignorer que ces pratiques sont courantes dans les réseaux de franchise. Mme la présidente l’a très bien dit, et on pourrait multiplier les exemples.

En outre, recourir à un réseau de franchise où le niveau d’intégration est particulièrement élevé peut aussi être un moyen de contourner les règles qui s’appliqueraient à une société organisée sous forme de succursales.

L’amendement initial a suscité des craintes que nous avons entendues, Denys Robiliard le premier. Nous devons veiller à avancer de manière plus progressive, mais il serait très regrettable de ne pas faire ce pas, qui permet de prendre en compte les incidences des relations au sein des réseaux de franchise, qui ont incontestablement des conséquences sur le travail des salariés.

Mme Isabelle Le Callennec. Si on lit votre amendement, monsieur le rapporteur, on constate que c’est un moyen d’ouvrir aux organisations syndicales de salariés le champ des entreprises franchisées, qui ne leur était pas forcément ouvert jusqu’à aujourd’hui. Il faut être très clair : c’est bien l’idée qui est derrière cet amendement. Les salariés de ces entreprises ont déjà des droits et des devoirs, qui sont fonction de la taille de ces entreprises. Il est écrit explicitement que cette instance de dialogue social comprendra des représentants des salariés et des franchisés et qu’elle sera présidée par le franchiseur. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : on fait rentrer les organisations syndicales de salariés dans ce champ. Ainsi que vous l’avez indiqué, on y va progressivement, mais la porte est aujourd’hui ouverte.

Mme la présidente Catherine Lemorton. « Ouverte aux syndicats » : c’est tout de même assez incroyable d’entendre cela !

M. Denys Robiliard. Je rappelle, madame Le Callennec, que toutes les entreprises doivent être ouvertes aux syndicats… Tous les salariés ont le droit de se syndiquer !

Mme Isabelle Le Callennec. Bien sûr ! Mais pourquoi rajouter cette instance ?

M. Denys Robiliard. On constate que, dans les petites entreprises, les salariés ne sont pas représentés. On peut dire tout ce qu’on veut sur le dialogue direct, mais lorsqu’il y a une représentation des salariés, cela change quelque chose : la qualité du dialogue est différente, compte tenu de l’appui et de la compétence des syndicats. Il ne s’agit pas de mettre des syndicats partout : les syndicats ont déjà le droit d’aller partout, et les salariés celui de se syndiquer comme ils l’entendent.

Lorsqu’on cherche à assurer une représentation de tous les salariés, on cherche aussi à ce que cette représentation soit située au bon niveau, afin qu’elle puisse intervenir là où se prennent les décisions. C’est tout l’enjeu, par exemple, lorsqu’on se demande dans quel conseil d’administration il peut y avoir des représentants des salariés ; c’est aussi la raison pour laquelle il existe des comités centraux d’entreprise ou des comités de groupe.

Or, dans un réseau de franchise comptant plusieurs milliers de salariés, à aucun moment il n’y a de consultation sur les grandes orientations prises par le franchiseur, du fait de la taille de chacune des structures franchisées. C’est tout de même un monde ! Et encore, dans le cas dont je parle, s’agit-il de vraies franchises : pour sa part, Mme la présidente évoquait des modes d’organisation qui prêtent à s’interroger sur la réalité de l’indépendance et donc de la qualification juridique de la notion de franchise, qui pourrait n’être qu’un moyen de déguiser des contrats de travail.

Quoi de plus normal que d’associer les salariés, de les informer, de leur demander leur avis avant de prendre de grandes décisions ? Ce n’est pas contre l’entreprise. Au contraire, il est intéressant, d’abord, de créer un sentiment d’appartenance au réseau, mais surtout de savoir ce que pensent les salariés, y compris pour le franchiseur. Tel est le sens de cette instance que nous souhaitons créer. Lorsque nous avons créé les commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour assurer la représentation des salariés des petites entreprises, on s’est récrié alors qu’elles représentent tout au plus 260 personnes en France.

Mme Isabelle Le Callennec. À quoi cela sert-il ?

M. Denys Robiliard. Mais si, cela peut servir à quelque chose !

S’agissant des réseaux de franchise, je vois bien l’intérêt de cette instance de dialogue pour les salariés et même pour le franchiseur, qui va écouter ce que les salariés ont à lui dire – et ils ont des choses à lui dire. Je m’étonne que la mise en place d’une telle instance suscite de telles réactions dans la France du XXIe siècle. Où en est-on ? Ne comprend-on pas que le dialogue social, c’est aussi la pérennité de l’entreprise, l’amélioration de sa qualité et le fait de mieux travailler ensemble ? J’entends dire que nous opposons les salariés et les syndicats aux employeurs. En tout cas, cette opposition est bien présente dans votre discours, madame Le Callennec !

M. Gérard Cherpion. Il faut bien distinguer deux étages dans cette affaire. Il y a l’étage de l’entreprise franchisée, où un dialogue social peut et doit s’instaurer, conformément au droit du travail en vigueur, en fonction du nombre de salariés. Mais avec cet amendement, vous voulez ajouter un étage supplémentaire en regroupant les entreprises à un niveau supérieur, sous prétexte de calquer les choses sur un groupe. Or nous avons affaire non pas à un groupe, mais à des gens qui sont responsables sur leurs biens personnels, dans leur entreprise. Il faut bien faire attention à cette différence.

Je partage en partie ce qui a été dit tout à l’heure : j’ai vécu, moi aussi, la même expérience. Il y a effectivement des difficultés. Mais, en créant ce nouvel étage, on va complexifier les choses et on risque même d’avoir un décalage, voire des incompatibilités ou des interférences, entre le niveau de l’entreprise et le niveau du réseau de franchise.

Mme Isabelle Le Callennec. Les salariés des structures franchisées dépendent d’une branche. Les franchiseurs sont membres d’une branche professionnelle en fonction du secteur d’activité dans lequel ils interviennent. Cela apparaît d’ailleurs explicitement dans l’amendement : ce sont les « organisations syndicales représentatives au sein de la branche » qui peuvent demander la création de l’instance de dialogue. Donc, les salariés sont déjà protégés par des accords de branche.

De plus, il faut savoir que les franchiseurs rencontrent, au moins une fois par an, les franchisés, qui sont, je le répète, des chefs de petites entreprises. Et ces derniers ont tout intérêt à ce que les choses se passent bien dans leur entreprise. Pour avoir discuté avec des franchisés, je sais que, lorsque des difficultés sont soulevées par les salariés, ils sont en mesure de les faire remonter au franchiseur. On ne voit donc pas ce que cette instance de dialogue social va ajouter par rapport à ce qui existe déjà aujourd’hui. Et on ne va pas faire croire aux salariés qu’ils seront mieux protégés grâce à l’existence de ces instances de dialogue : ils le sont déjà par les accords de branche.

Nous voterons contre cet amendement. Nous ne réussirons pas à vous convaincre, et vous non plus. Nous avions déjà eu ce débat à propos des commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Pour nous, dans les TPE, le dialogue se fait au plus près de l’entreprise. Et vous avez raison : un salarié qui n’est pas satisfait est tout à fait en mesure, et c’est très bien ainsi, de se retourner vers les organisations syndicales.

L’amendement AS161 est retiré.

La Commission adopte le sous-amendement AS406.

Puis elle adopte l’amendement AS390 sous-amendé.

En conséquence, l’article 29 bis A est ainsi rétabli.

Article 29 bis : Provision pour risque lié à un contentieux prud’homal pour les entreprises de moins de cinquante salariés

La Commission adopte l’article 29 bis sans modification.

Article 29 ter [supprimé] : Caractère libératoire du Titre Emploi-Service Entreprise (TESE)

La Commission examine l’amendement AS387 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de rétablir l’article relatif au Titre Emploi-Service Entreprise (TESE), qui a été supprimé par le Sénat. Cet article tend à lever l’un des freins à l’usage du TESE. En effet, il est fréquent que des employeurs recourant au TESE se voient demander des déclarations supplémentaires par des organismes de protection sociale. Il renforce le caractère libératoire du TESE à l’égard de toutes les déclarations relatives aux cotisations et contributions sociales obligatoires. Par ailleurs, la rédaction proposée renforce la portée juridique de la disposition par rapport à la version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture : les demandes supplémentaires des organismes de protection sociale seront nulles de plein droit.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 29 ter est ainsi rétabli.

Article 30 : Critères du licenciement économique

La Commission est saisie de l’amendement AS95 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. L’article 30 nous a beaucoup occupés en première lecture et a été modifié significativement par le Sénat, dans le mauvais sens. Il réécrit l’article L. 1233-3 du code du travail, en multipliant les motifs de licenciement économique, qu’il redéfinit de façon très large. Qui plus est, en vertu du droit positif, le juge envisage actuellement le groupe dans sa dimension internationale : il ne se limite pas au seul périmètre national. Si tel était le cas, cela pourrait permettre à un groupe de mettre en difficulté l’une de ses filiales sur le territoire national et de pratiquer ainsi des licenciements.

Par ailleurs, dans le texte adopté en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, le rapporteur avait introduit des paliers qui visaient à répondre aux préoccupations des PME en difficulté : la baisse de leurs commandes ou de leur chiffre d’affaires devait être constatée sur une durée différente en fonction du nombre de salariés, allant d’un trimestre pour les entreprises de moins de onze salariés jusqu’à quatre trimestres pour les entreprises de plus de trois cents salariés. D’où un autre risque, qu’avait d’ailleurs pointé M. Poisson en première lecture : une entreprise pourrait renoncer à une embauche pour ne pas franchir un seuil.

Nous considérons que le juge doit avoir toute latitude pour apprécier la réalité du licenciement économique. Et pour ce qui est du périmètre, il doit apprécier l’ensemble des difficultés de l’entreprise au niveau du secteur d’activité, au-delà du seul niveau national.

Compte tenu de tous les éléments introduits en première lecture et de sa réécriture, dans un sens tout à fait négatif, par le Sénat, nous demandons, en tout cas à ce stade, la suppression de l’article 30, en espérant que des éléments plus favorables apparaîtront au cours de la discussion.

M. le rapporteur. Je comprendrais que l’on veuille supprimer l’article tel qu’il a été amendé par le Sénat car, à l’évidence, celui-ci est revenu sur de nombreux éléments, que l’Assemblée nationale avait d’ailleurs parfois elle-même modifiés – je pense en particulier au périmètre. Mais, dès lors que je propose un amendement qui rétablit et complète la version adoptée par l’Assemblée en première lecture, en apportant des modifications non négligeables, je donne un avis défavorable à cet amendement de suppression.

Mme Isabelle Le Callennec. Je tiens à rappeler les propositions faites par le Sénat.

L’amendement du Sénat a rétabli le principe de la réunion de plusieurs critères pour caractériser les difficultés économiques de l’entreprise : une baisse de 30 % durant deux trimestres serait considérée comme un motif suffisant. Mais dans votre amendement, monsieur le rapporteur, vous « re-saucissonnez » ces critères, comme vous l’aviez fait en première lecture. Dès lors, nous allons être confrontés à ce que nous dénonçons régulièrement, à savoir des effets de seuil.

Le Sénat a également précisé que le critère d’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité pouvait être pris en compte, la perte d’un marché représentant au moins 30 % des commandes ou du chiffre d’affaires étant un motif suffisant pour justifier une telle réorganisation.

Enfin, le Sénat a ajouté à la liste des critères du licenciement économique un nouveau critère : une procédure de sauvegarde, un plan de redressement ou une liquidation de l’entreprise prononcée par le juge serait désormais constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique.

La rédaction du Sénat nous convenait, mais vous souhaitez la modifier par votre amendement, monsieur le rapporteur. Nous ne pourrons donc pas le voter.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS356 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les modifications apportées par le Sénat à l’article 30, en retenant toutefois la condition de la réunion de plusieurs critères pour fonder un licenciement économique, point sur lequel nous avions eu un débat en première lecture.

D’autre part, cet amendement tend à rétablir la distinction en fonction de la taille de l’entreprise. Je continue à penser que ce n’est pas tout à fait la même chose d’examiner la situation d’une entreprise artisanale et celle d’une entreprise de 500 salariés. Nous devons avoir cet élément en tête.

Quant au critère d’une diminution de 30 % des commandes ou du chiffre d’affaires retenu par le Sénat, il suscite d’emblée une interrogation : par rapport à quelle période cette diminution doit-elle être appréciée ? On sait très bien qu’une baisse de 30 % peut être le reflet d’une situation difficile dans certains cas, mais être tout à fait supportable dans d’autres. Selon moi, cette approche est un peu trop simpliste.

La rédaction initiale que j’avais proposée, dans laquelle nous prévoyions un critère qui pouvait justifier à lui seul le licenciement économique, présentait probablement un risque : la distinction en fonction de la taille des entreprises pouvait effectivement créer des effets de seuil, ainsi que l’a relevé Mme Le Callennec. Tel n’est plus le cas avec la présente formulation : ce risque est atténué dans la mesure où j’ai retenu la condition de la réunion de plusieurs critères pour fonder le licenciement économique.

Compte tenu de ces éléments, j’espère que mon amendement obtiendra votre assentiment.

M. Denys Robiliard. Je confirme que cette nouvelle rédaction constitue, de mon point de vue, un progrès, non seulement par rapport au projet de loi initial, mais aussi par rapport au texte sur lequel le Gouvernement avait engagé sa responsabilité, notamment en ce qui concerne le périmètre retenu pour l’appréciation des difficultés économiques.

Cela étant, je m’interroge sur la constitutionnalité du dispositif : est-il possible de distinguer en fonction de la taille de l’entreprise, et de faire dépendre étroitement de cette taille le nombre de trimestres qui doivent être pris en considération ? Pour une entreprise de plus de 300 salariés, il faut une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires sur quatre trimestres consécutifs. Or une baisse très importante ou une absence de commandes pendant un seul trimestre peut remettre en cause le chiffre d’affaires de toute une année.

Certes, la rédaction a été améliorée, dans la mesure où il faut désormais que plusieurs critères soient réunis pour que le licenciement économique soit justifié. Mais, ce qui me gêne, c’est l’aspect mécanique des choses, le fait que l’on dise qu’il y a cause réelle et sérieuse à partir du moment où tel ou tel critère est satisfait. Par exemple, une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est un critère que je peux admettre, mais de là à dire qu’une baisse significative est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à tant de trimestres, c’est un pas que je ne peux franchir : le caractère « significatif » de la baisse dépend non seulement de sa durée, mais aussi de son importance. Une petite baisse sur trois mois peut être beaucoup moins ennuyeuse qu’une baisse significative sur un seul mois qui aura un impact sur le chiffre d’affaires de l’ensemble de l’année.

Je comprends qu’on veuille clarifier les choses, mais les choses ne sont-elles pas claires aujourd’hui ? D’abord, je constate que le licenciement économique ne représente que 2,5 % du contentieux du licenciement, le licenciement pour motif personnel 40 %. Pourquoi changer les règles d’une institution qui fonctionne ? Car je tiens le faible volume du contentieux comme la preuve d’un bon fonctionnement.

Ensuite, y a-t-il véritablement un danger lié au mode d’appréciation des motifs économiques du licenciement ? Lorsqu’ils sont en face d’un effondrement du chiffre d’affaires ou même d’une baisse significative des commandes, et qu’ils n’ont pas le sentiment que les choses sont manipulées – car il peut se produire des cas de fraude, mais cette question a été réglée –, les juges, tant ceux des conseils de prud’hommes que ceux des chambres sociales des cours d’appel, refusent de considérer qu’il n’y a pas de cause réelle et sérieuse si celle-ci est contestée.

Quel est le vrai problème du licenciement économique du point de vue juridique ? C’est la complexité des choses : il faut prendre en considération d’abord les motifs économiques, puis la notion de suppression de postes ou de restructuration, ensuite l’obligation de reclassement, enfin la question de l’ordre des licenciements. Autrement dit, quatre éléments successifs qui ont chacun leur périmètre et doivent être appréciés à des moments différents… C’est une source de problèmes, car les petits employeurs notamment peuvent se tromper dans la rédaction de la lettre de licenciement. Parfois, la sanction est motivée non pas par l’absence de cause économique, mais par l’oubli d’un critère essentiel dans la lettre.

D’une manière générale, les condamnations sont surtout obtenues pour insuffisance de l’employeur au regard de son obligation de reclassement. Mais sur la cause économique elle-même, très peu de condamnations sont prononcées : la jurisprudence est désormais stabilisée et les périmètres bien arrêtés.

On veut envoyer un message positif aux PME et aux TPE, mais on est en train de donner un coup d’épée dans l’eau et de rendre plus compliqué encore ce qui l’était déjà beaucoup. Je suis très réticent non pas sur l’amendement – car il faut évidemment revenir sur ce qu’a fait le Sénat –, mais sur l’opportunité même de toucher au droit du licenciement économique.

M. le rapporteur. Si j’entends ce que dit Denys Robiliard, je ne suis pas d’accord pour considérer qu’une jurisprudence constante soit un gage de lisibilité pour l’employeur. Le vrai problème, c’est l’incertitude dans laquelle se trouve l’employeur par rapport à l’appréciation du juge : ce n’est pas parce que la jurisprudence est constante qu’elle vous dira ce qu’il en est au regard de la situation spécifique de votre entreprise. Tout l’enjeu de mon amendement est donc de donner des repères à l’employeur non pas pour licencier plus facilement – l’argument est un peu facile et vous ne l’avez du reste pas utilisé : l’employeur n’a pas en permanence en tête l’idée de débarrasser de ses salariés –, mais pour lui donner de la lisibilité quand certains motifs le conduisent malheureusement à prendre la décision de licencier.

La rédaction que j’avais moi-même initialement proposée avait un caractère très automatique dans la mesure où un seul des deux critères pouvait suffire à fonder un licenciement économique. Après avoir entendu les uns et les autres, j’ai abouti à une rédaction dont le caractère automatique se trouve très atténué puisqu’elle introduit la possibilité de prendre en compte d’autres éléments.

Nous ne devons pas perdre de vue l’objectif : permettre à nos entreprises de perdurer, y compris quand elles sont confrontées à une situation économique difficile pouvant conduire à engager une procédure de licenciement. De mon point de vue, mon amendement AS356 répond parfaitement à cet objectif.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 30 est ainsi rédigé, et les amendements AS239 de Mme Karine Berger, AS164 de M. Philippe Kemel, AS266 de M. Daniel Goldberg, AS94 de M. Gérard Sebaoun, AS96 de M. Gérard Sebaoun, AS232 et AS231 de Mme Marie-Lou Marcel tombent.

Article 30 bis A : Plafonnement du montant des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

La Commission est saisie de l’amendement AS377 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 30 bis A adopté par le Sénat rétablit le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont permis de souligner les limites de ces dispositions. Certains évoquent le haut niveau des indemnités versées par l’employeur : or, les indemnités versées au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ne constituent qu’une part du coût global de la rupture, ce coût résultant en réalité de la somme de tous les versements dus par l’employeur au titre des indemnités légales et conventionnelles, des salaires impayés et des heures supplémentaires. D’autres évoquent l’importance des écarts d’une décision à une autre : or, les données chiffrées rassemblées par la chancellerie mettent en évidence une réalité différente, à savoir un resserrement autour de valeurs centrales – dix mois de salaire en moyenne au titre de l’article L. 1235-3 du code du travail. Dans ces conditions, le plafonnement conduirait uniquement à harmoniser vers le bas.

L’article 30 bis A ne propose pas un encadrement des indemnités prud’homales, mais uniquement un plafonnement, dès lors qu’il n’y a pas de plancher. Enfin, il conduirait à ce que trois barèmes coexistent : le barème prévu au stade de la conciliation, le référentiel indicatif prévu au stade du jugement et le plafonnement prévu par le présent article. Cela introduirait beaucoup de complexité dans la prise de décision par le juge sans résoudre la question qui devrait nous préoccuper, à savoir comment favoriser la conciliation et réduire les délais de traitement.

L’amendement AS377 vous propose donc de supprimer l’article 30 bis A.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 30 bis A est supprimé.

Article 30 bis B : Modulation dans le temps des décisions du juge judiciaire

La Commission examine l’amendement AS378 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 30 bis B adopté par le Sénat.

La modulation dans le temps des effets d’une décision juridictionnelle est une faculté aujourd’hui déjà offerte au juge par voie jurisprudentielle, et pratiquée dans le respect du principe de légalité.

La généralisation de cette faculté au juge judiciaire voulue par les auteurs de cet article – au même titre que la modulation pratiquée par le juge administratif – n’a toutefois pas vocation à figurer dans cette section du code du travail consacrée à la seule matière prud’homale. Une telle restriction créerait des risques d’a contrario pour le juge judiciaire ne statuant pas dans cette matière.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 30 bis B est supprimé.

Article 31 : Ratification de l’ordonnance relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l’administration, sur l’application d’une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur

La Commission adopte l’article 31 sans modification.

Article 31 bis : Suppression de l’obligation d’information des salariés avant la vente d’une entreprise

La Commission est saisie de l’amendement AS382 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 31 bis introduit par le Sénat supprime l’obligation pour l’employeur d’informer les salariés avant la vente de l’entreprise, mise en place dans les entreprises de moins de 250 salariés par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Mon amendement vise à supprimer cet article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 31 bis est supprimé.

Article 31 ter : Constitution des coopératives d’activité et d’emploi (CAE) sous forme de société coopérative

La Commission adopte l’article 31 ter sans modification.

CHAPITRE II
Développer l’apprentissage comme voie de réussite
et renforcer la formation professionnelle

Article 32 A : Pacte national pour l’apprentissage

La Commission examine l’amendement AS17 du rapporteur.

M. le rapporteur. Si elle a bien évidemment vocation à préparer les jeunes adultes à entrer sur le marché de l’emploi, la voie de l’apprentissage reste avant tout une voie éducative. Par ailleurs, le présent article est source de complexité du fait de l’obligation de signer un pacte qui fixerait des objectifs que personne ne sera en mesure de contrôler, ni de sanctionner de quelque manière que ce soit. C’est pourquoi le présent amendement propose de supprimer l’article 32 A.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 A est supprimé.

Article 32 B : Information sur l’apprentissage et découverte des métiers

La Commission est saisie de l’amendement AS18 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article, introduit par le Sénat en commission des affaires sociales, modifie le chapitre du code de l’éducation relatif à l’information et l’orientation afin d’assurer une plus grande visibilité à l’apprentissage. Il remet ainsi en cause des éléments qui me paraissent extrêmement importants ; c’est pourquoi je vous propose de le supprimer.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 B est supprimé.

Article 32 C : Formation des enseignants au monde de l’entreprise

La Commission examine l’amendement AS19 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article, introduit par le Sénat en commission des affaires sociales, vise à intégrer dans la formation des enseignants un volet consacré au fonctionnement de l’économie.

Les auteurs du présent article partent du principe que le système éducatif en général et les enseignants en particuliers seraient « déconnectés de la réalité de l’entreprise » et véhiculeraient « une méfiance à l’égard de celle-ci ». Une telle approche me paraît inappropriée ; c’est la raison pour laquelle je propose de supprimer l’article 32 C.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 C est supprimé.

Article 32 D : Présidence du conseil d’administration des lycées professionnels

La Commission est saisie de l’amendement AS20 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat confie la présidence du conseil d’administration des lycées professionnels à l’une des personnalités extérieures siégeant en son sein. Le fonctionnement des lycées agricoles est très spécifique, puisque ces derniers n’ont vocation à former qu’aux métiers recouvrant un seul secteur d’activité, ce qui n’est pas le cas des lycées professionnels généralistes. Par conséquent, il est proposé de supprimer l’article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 D est supprimé.

Article 32 E : Association du maître d’apprentissage au jury d’examen de son apprenti

La Commission examine l’amendement AS21 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat vise à généraliser la participation du maître d’apprentissage aux jurys d’examen des apprentis. On connaît l’importance du rôle du maître d’apprentissage, qui a accueilli et formé le jeune apprenti tout au long de son contrat d’apprentissage. Cela dit, rien ne lui interdit de participer au jury. Il convient de laisser de la souplesse à la composition d’un jury, et la loi n’a pas vocation à intervenir à ce niveau. En conséquence, il est proposé de supprimer l’article 32 E.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 E est supprimé.

Article 32 F : Assouplissement des conditions d’accès au dispositif d’initiation aux métiers de l’alternance

La Commission est saisie de l’amendement AS22 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat permet aux jeunes de moins de 15 ans de bénéficier d’un dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA). La loi du 28 juillet 2011 avait autorisé les élèves n’ayant pas encore quinze ans et ayant accompli leur scolarité au collège de s’inscrire à ce dispositif. La loi du 8 juillet 2013 est revenue sur cette dernière disposition, car il est quelque peu contradictoire de prétendre que « l’entrée en apprentissage ne doit pas être un choix d’orientation par défaut, subi par l’élève, mais une décision mûrement réfléchie », tout en confiant la responsabilité d’une telle décision à des enfants de moins de quinze ans chez lesquels la notion de « mûrement réfléchi » est toute théorique. Je propose donc de supprimer cet article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 F est supprimé.

Article 32 GA : Assouplissement des conditions d’accès au dispositif d’initiation aux métiers en l’alternance

La Commission adopte l’article 32 GA sans modification.

Article 32 G : Condition d’exécution et de rupture du contrat d’apprentissage

La Commission examine l’amendement AS24 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat apporte plusieurs modifications aux règles relatives à l’exécution du contrat d’apprentissage.

Il crée un principe de médiation dès qu’apparaissent des difficultés entre l’employeur et l’apprenti, et supprime l’intervention du conseil des prud’hommes au profit d’un médiateur consulaire sans pour autant préciser que la rupture est décidée par ledit médiateur – ce qui, me semble-t-il, vient perturber assez fortement un dispositif qui ne semblait pas poser de difficultés jusqu’à présent. Je vous propose donc de supprimer cet article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 G est supprimé, et l’amendement AS1 de Mme Karine Berger tombe.

Article 32 H : Formation des maîtres d’apprentissage

La Commission est saisie de l’amendement AS25 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat rend obligatoire la formation des maîtres d’apprentissage. Il supprime les mots : « l’employeur veille à ce que » afin de rendre obligatoire la formation. Si cette disposition part sans doute d’une bonne intention, elle me semble comporter le risque de voir fragiliser la position des maîtres d’apprentissage s’occupant actuellement d’apprentis et qui n’ont pas reçu de formation. Je vous propose donc de supprimer l’article 32 H.

M. Gérard Cherpion. Si je ne suis pas intervenu jusqu’à présent, je veux tout de même souligner que toutes ces suppressions d’articles adoptées sur proposition du rapporteur montrent que la majorité n’a pas compris l’importance de la formation en apprentissage dans notre pays. Plusieurs de ces articles étaient très utiles et auraient pu ouvrir l’apprentissage à nos métiers. En supprimant toutes ces dispositions, vous êtes en train de refermer complètement les portes de l’apprentissage, qui est une voie de formation tout à fait remarquable. Il me paraît dommage de priver les jeunes d’un dispositif qui les aide à démarrer et leur fournit ensuite des passerelles leur permettant de s’orienter au cours de la vie active.

M. Denys Robiliard. Quand on discute avec les maîtres d’apprentissage et la chambre des métiers, on se rend compte que c’est avant tout de stabilité qu’ils ont besoin : c’est ce qui conduit une majorité digne de ce nom à prendre des décisions allant toujours dans le même sens, car le fait de changer tout le temps de direction produit de l’insécurité.

M. Gérard Cherpion. C’est précisément ce que vous faites !

M. Denys Robiliard. Enfin, contrairement à ce que vous affirmez, on ne ferme aucune porte, puisqu’on ne restreint rien. L’apprentissage reste extrêmement ouvert, et ce sont désormais tous les niveaux de formation qui peuvent prétendre à l’apprentissage. Les critiques que vous formulez me semblent donc davantage inspirées par l’idéologie que par le souci de voir l’apprentissage mieux se porter.

M. Gérard Cherpion. Les chiffres vous répondent d’eux-mêmes : on a assisté à une diminution de l’apprentissage, même si le mouvement semble s’être désormais stabilisé. Si je suis d’accord sur le fait que nous avons besoin d’améliorer la lisibilité fiscale et juridique, mais qu’avez-vous fait depuis 2012, si ce n’est sans cesse changé de direction ? Ne me dites pas que vous avez apporté de la stabilité…

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 H est supprimé.

Article 32 I : Travail de nuit des apprentis mineurs

La Commission examine l’amendement AS26 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat est important, puisqu’il a pour objet d’ouvrir la voie au travail de nuit des apprentis de moins de dix-huit ans, dès lors que ce travail a un lien direct avec le métier auquel ils se forment et à la supervision directe du maître d’apprentissage.

Je rappelle qu’aux termes de l’article L. 3163-2 du code du travail, le travail de nuit est interdit pour les jeunes travailleurs, sous réserves de quelques dérogations. Cette interdiction se justifie par le fait que le travail de nuit pour les êtres en formation n’est pas anodin : il peut gravement nuire à leur santé, comme les débats sur la pénibilité nous l’ont rappelé. En conséquence, je propose de supprimer l’article 32 I.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 I est supprimé.

Article 32 J : Représentation institutionnelle des apprentis

La Commission est saisie de l’amendement AS27 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article, introduit par le Sénat en commission des affaires sociales, prévoit la participation des représentants des apprentis au Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) et aux comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP). Ces deux organismes comprennent un nombre très important de membres, notamment des représentants des réseaux consulaires de l’Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA). Il ne me paraît pas opportun d’alourdir encore ces instances, c’est pourquoi je propose de supprimer l’article 32 J.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 J est supprimé.

Article 32 K : Information sur le bilan des dépenses régionales en faveur de l’apprentissage

La Commission examine l’amendement AS28 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat dispose que les CREFOP transmettent chaque année au CNEFOP un bilan des dépenses régionales en faveur de l’apprentissage. Cette obligation est justifiée par les rapporteurs de la commission des affaires sociales du Sénat par le fait que « certains conseils régionaux utiliseraient une partie des crédits attribués par l’État à d’autres fins que le financement de l’apprentissage ». Si cela est le cas, l’État possède déjà suffisamment de moyens de contrôle et n’a pas à mettre les CREFOP à contribution. Je propose donc de supprimer l’article 32 K.

M. Gérard Cherpion. Dans la réalité, il arrive que des fonds destinés à l’apprentissage soient fléchés différemment. Dans la mesure où les conseils régionaux ont la responsabilité de la carte des formations et des CFA, il me paraît légitime que le CREFOP ou le conseil régional rende compte au niveau national de l’utilisation des fonds de l’apprentissage.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 K est supprimé.

Article 32 L : Suppression du contrat de génération

La Commission est saisie de l’amendement AS29 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par le Sénat est important, puisqu’il vise à abroger les dispositions relatives au contrat de génération institué par la loi du 1er mars 2013. Le contrat de génération a montré sa pertinence et, au 1er février dernier, 9 millions de salariés répartis dans près de 400 000 entreprises étaient couverts par un accord ou par un plan d’action au titre du contrat de génération. Il me semble donc assez inopportun de proposer la suppression de ce type de contrat ; c’est pourquoi je vous invite à supprimer l’article 32 L.

M. Gérard Cherpion. Le fait que ces contrats aient vu leurs moyens financiers réduits montre que nous sommes arrivés à un moment où ils sont moins utiles. Leur suppression par le Sénat était donc tout à fait justifiée.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 L est supprimé.

Article 32 : Apprentissage

La Commission examine l’amendement AS44 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le Sénat a introduit en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, une disposition visant à élargir la liste des établissements qui peuvent bénéficier de la part « hors quota » de la taxe d’apprentissage en incluant les établissements mettant en œuvre le dispositif d’initiation aux métiers en alternance. Cette mesure trouve sa philosophie dans la volonté d’encourager l’entrée en apprentissage ou en préapprentissage dès quatorze ans ; nous nous sommes déjà positionnés sur cette question. C’est pourquoi le présent amendement vise à supprimer les alinéas 9 à 11 de l’article 32.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 32 modifié.

Article 32 bis AA : Collecte de la taxe d’apprentissage

La Commission est saisie des amendements identiques AS45 du rapporteur, AS49 de M. Gilles Lurton et AS258 de M. Jean-Patrick Gille.

M. le rapporteur. L’article 32 bis AA introduit par le Sénat prétend garantir la pleine effectivité de la règle posée à l’article L. 6242-3-1 du code du travail selon laquelle les entreprises versent à un organisme collecteur unique de leur choix l’intégralité de la taxe d’apprentissage dont elles sont redevables, en ajoutant les mots : « quel que soit [le] champ de compétence [de l’entreprise] ». L’article précité étant très clair et ne posant aucune restriction à la liberté de choix de l’entreprise, la disposition adoptée par le Sénat est inutile. L’amendement AS45 vise donc à la supprimer.

La Commission adopte ces amendements.

En conséquence, l’article 32 bis AA est supprimé.

Article 32 bis AB : Exonération de cotisations patronales pour les entreprises qui concluent un premier contrat d’apprentissage

La Commission examine l’amendement AS46 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 32 bis AB adopté par le Sénat vise à exonérer de toute cotisation et contribution sociales toute entreprise qui conclut un premier contrat d’apprentissage et ce, durant toute la durée du contrat. Depuis 2012, le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale ont fait un effort significatif en direction des entreprises. En effet, à la suite du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et du pacte de responsabilité et de solidarité, les cotisations patronales ont été réduites de près de 80 % en quatre ans.

Il est donc proposé de supprimer cet article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 bis AB est supprimé.

Article 32 bis AC : Collecte de la taxe d’apprentissage

La Commission est saisie de l’amendement AS47 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article adopté par le Sénat permet aux branches professionnelles et aux régions, non plus de donner un avis sur les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l’État, mais de définir ceux-ci conjointement avec les ministères compétents, le Sénat estimant que les diplômes sont déconnectés du monde de l’entreprise.

En l’état actuel du droit, les commissions professionnelles consultatives (CPC) donnent un simple avis. J’estime qu’il convient de laisser à l’État la compétence de définir les diplômes ; c’est pourquoi je vous propose de supprimer l’article 32 bis AC.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 bis AC est supprimé.

Article 32 bis A : Possibilité de signer un contrat d’apprentissage avant 15 ans

La Commission examine l’amendement AS51 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par la commission des affaires sociales du Sénat abaisse à quatorze ans l’âge auquel un jeune peut entrer en apprentissage. Je propose la suppression de cette disposition dont nous avons déjà débattu à maintes reprises.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 bis A est supprimé.

Article 32 bis C : Durée du travail des apprentis mineurs

La Commission est saisie de l’amendement AS52 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet article introduit par la commission des affaires sociales du Sénat permettrait de porter la journée de travail des apprentis mineurs à dix heures dans certains secteurs. La législation existante me paraissant suffisante pour couvrir les besoins dans ce domaine, je propose de le supprimer.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 bis C est supprimé.

Article 32 ter A : Pérennisation de l’apprentissage dans la fonction publique

La Commission adopte l’article 32 ter A sans modification.

Article 32 ter : Écoles de production

La Commission examine l’amendement AS53 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 32 ter introduit par le Sénat vise à faire bénéficier les écoles de production d’une part de taxe d’apprentissage au titre du quota. Ces établissements bénéficiant déjà de la part de taxe d’apprentissage au titre du « hors quota », il est proposé de le supprimer.

M. Jean-Patrick Gille. Si l’argument financier peut se comprendre, l’article 32 ter présentait tout de même l’intérêt de consacrer les écoles de production, dont tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elles constituent un modèle intéressant.

M. le rapporteur. J’appelle votre attention sur le fait qu’il ne s’agit pas d’apprentissage : les jeunes concernés participent pleinement à la production de l’entreprise.

Mme Monique Iborra. Il s’agit encore de faire travailler des enfants de quatorze ans : je ne suis pas d’accord avec ça !

M. Denys Robiliard. Reste à savoir si l’école de la vie est éligible à ce dispositif…

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 32 ter est supprimé.

Article 33 : Expérimentation du contrat de professionnalisation pour les demandeurs d’emploi

La Commission est saisie de l’amendement AS259 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. L’article 33 vise à expérimenter, jusqu’au 31 décembre 2017, la possibilité pour les demandeurs d’emploi de conclure un contrat de professionnalisation – une convention similaire au contrat apprentissage en alternance, mais plus souple – visant à acquérir des compétences professionnelles qu’ils auront préalablement identifiées avec un employeur, sans pour autant que celles-ci correspondent à des qualifications dûment répertoriées.

J’ai d’abord envisagé de proposer la suppression de cet article, avant de considérer qu’il serait dommage d’empêcher une expérimentation. Cela dit, le fait qu’une formation ne débouche pas sur une qualification me semble constituer un vrai problème pour les plus jeunes, d’autant que pour eux, ce type de contrat va se trouver en concurrence avec l’apprentissage, qui prévoit des heures de formation destinées à permettre l’obtention d’un diplôme : on peut craindre que l’employeur ait tendance à préférer conclure un contrat ne prévoyant aucune obligation de préparer une qualification. Comme c’est souvent le cas, sans doute les choses se passeront-elles bien durant l’expérimentation, avant que des dérives ne commencent à apparaître une fois le dispositif généralisé.

Je rappelle qu’avant le contrat de professionnalisation, les jeunes pouvaient conclure un contrat d’adaptation, qui ne débouchait sur aucune qualification ou certification, et auquel les partenaires sociaux ont souhaité mettre fin : il ne me paraît pas opportun de le recréer sous une autre forme. Je propose donc de permettre une extension expérimentale du contrat de professionnalisation, mais en en limitant l’accès aux personnes de plus de quarante-cinq ans. Cela permettra peut-être de populariser et de développer le contrat de professionnalisation destiné aux adultes, qui reste par trop méconnu.

M. le rapporteur. Nous avons déjà débattu de cette proposition en première lecture, sur laquelle j’avoue être très réservé. Premièrement, je ne vois pas en quoi l’expérimentation qu’il est proposé de mettre en place serait hasardeuse. Deuxièmement, à supposer que le fait de mettre en place une formation ne débouchant pas sur une qualification soit hasardeux, je ne vois pas pourquoi cela le serait moins pour les personnes de plus de quarante-cinq ans : en d’autres termes, je ne vois pas l’intérêt d’introduire une barrière d’âge. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jean-Patrick Gille. Mon argument essentiel consiste à dire qu’une telle mesure populariserait le contrat de professionnalisation pour adultes, qui a du mal à démarrer. En revanche, permettre l’application de l’expérimentation aux jeunes aurait à mon sens des effets pervers : pour eux, j’estime nécessaire de conserver l’objectif d’une qualification. Sous cette réserve, je suis favorable à une expérimentation tendant à introduire de la souplesse et du pragmatisme dans les dispositifs de formation.

Mme Monique Iborra. Si les contrats de professionnalisation ne marchent pas, c’est pour une raison très pratique : ils sont financés par l’État, tandis que les contrats d’apprentissage sont financés par les régions. Je ne pense pas que les uns et les autres soient réellement en concurrence.

Par ailleurs, il me semble discutable de catégoriser les gens en fonction de leur âge : les jeunes auraient droit à un contrat de qualification, les plus de quarante-cinq ans, on les occupe… Cela ne me paraîtrait pas très normal ni très éthique.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement est intéressant en ce qu’il vise à répondre aux difficultés que connaît le contrat de professionnalisation – même si le dispositif monte en puissance, je tiens à le préciser. Les personnes de quarante-cinq ans qui ont été confrontées à des problèmes dans leur parcours professionnel ou personnel ont généralement des difficultés à reprendre une formation et à retrouver un emploi. Le dispositif proposé doit leur permettre de renouer avec un emploi, même si celui-ci ne débouche pas forcément sur une qualification. Je suis persuadé que, parmi les gens qui bénéficieront de l’expérimentation, certains finiront par obtenir une qualification s’ils sont accompagnés dans leur démarche. Les autres se seront au moins vu offrir une chance.

Évidemment, cela reste une expérimentation, dont on ne peut connaître les résultats à l’avance : on l’a vu avec les contrats de transition professionnelle, qui fonctionnaient très bien sur des bassins à titre expérimental, mais qui se sont révélés décevants lorsqu’on les a généralisés. Cela étant, je crois que cette expérimentation mérite d’être menée.

Mme Monique Iborra. Je ne suis pas d’accord !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 33 sans modification.

La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du jeudi 30 juin 2016 à 14 heures 30

Présents. – M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Jean-Patrick Gille, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Marie-Thérèse Le Roy, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Gilles Lurton, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue

Excusés. - Mme Gisèle Biémouret, M. Christian Hutin, Mme Dominique Orliac, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumégas, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistaient également à la réunion. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Karine Berger, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Catherine Coutelle, Mme Chantal Guittet, M. Guillaume Larrivé