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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 14 octobre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Examen pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (n° 3106) (M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis)

–  Information relative à la commission

–  Présences en réunion

La commission examine, pour avis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (n° 3106) (M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis).

Comme de coutume, la commission des finances s’est saisie pour avis de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) : le budget de la sécurité sociale est, en volume, beaucoup plus important que celui de l’État. Cette année, de nombreuses mesures importantes, en particulier des baisses de prélèvements obligatoires des entreprises, figurent dans le PLFSS et non dans le projet de loi de finances (PLF).

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est relativement court – il ne compte que 61 articles. C’est le quatrième de cette législature, et c’est un texte qui s’inscrit dans la continuité des précédents. Il n’y a là aucun bouleversement majeur du financement de notre protection sociale.

Mon rapport, qui sera mis en ligne à la fin de cette semaine, apportera des éclairages qui me paraissent vraiment intéressants. Il comprendra un développement sur la dette sociale, mais aussi sur le financement des allégements de cotisations sociales ; il se penchera par exemple sur l’effet sur le coût du travail des mesures prises depuis les années 1990 – cette perspective historique m’a paru nécessaire. Il examinera également l’évolution des mesures de régulation de la dépense prises notamment depuis le début de cette législature.

Les masses financières en jeu sont importantes, notre président l’a rappelé. Les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) représentaient en 2014 575 milliards d’euros, c’est-à-dire 46,9 % des dépenses publiques et 27 % du PIB. Ce niveau nous distingue des autres pays européens, puisque nos dépenses de protection sociale, au sens large, sont supérieures de près de 4 points de PIB à celles de l’ensemble de nos partenaires. Bien sûr, les comparaisons sont difficiles entre ce qui est obligatoire, facultatif, de base, complémentaire… L’Allemagne, par exemple, dispose souvent d’accords d’entreprise : ces sommes relèvent sans doute plutôt de la contribution obligatoire, mais elles n’entrent pas dans les comptes publics.

Il n’est néanmoins contesté par personne que notre niveau de dépenses sociales est particulièrement élevé. Nous devons nous demander s’il en résulte un niveau de protection plus important et si cette dépense est véritablement efficiente.

Depuis la fin des années 1970, l’évolution des dépenses sociales explique les deux tiers de l’augmentation de la dépense publique en France : elles ont progressé davantage que les dépenses de l’État, des organismes divers d’administration centrale (ODAC) et des collectivités territoriales. La cause principale de ce phénomène est le vieillissement de la population, qui entraîne à la fois le versement de pensions plus nombreuses et une hausse des dépenses de santé. Au début des années 1960, les dépenses de santé étaient d’environ 4 points de PIB ; elles s’élèvent aujourd’hui à 11,7 points de PIB. Les dépenses de retraite sont, elles, passées de 10,3 points à 13,9 points. Les dépenses de santé représentent 45 % de l’augmentation de la dépense sociale, et les dépenses de retraite 40 %.

Il faut, en matière de finances sociales, faire attention aux différentes notions que nous utilisons. Les administrations de sécurité sociale englobent l’ensemble des organismes, y compris les régimes complémentaires, et Pôle Emploi… La sécurité sociale proprement dite, ce sont essentiellement les régimes obligatoires de base – nous avons depuis 1945, je le rappelle, une pléiade de régimes, simplifiés au fil du temps. En 2014, leurs dépenses représentaient 472,9 milliards d’euros ; on passera à 475,9 milliards en 2015. Elles se décomposent de la façon suivante : environ 198 milliards pour la maladie, 224 milliards pour la vieillesse, 54 milliards pour la famille et 13 milliards pour les accidents du travail. L’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale présente en 2015 un déficit prévisionnel de 8,5 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter le déficit de 3,8 milliards du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce dernier étant extrêmement dépendant de la conjoncture économique. Au total, le déficit est donc de 12,4 milliards.

Certains des régimes obligatoires de base seront très prochainement en excédent ; le régime général stricto sensu pèse 348,3 milliards en 2015 : 174 milliards pour la maladie, 120 milliards pour la vieillesse, de 54 milliards pour la famille, 12 milliards pour les accidents du travail. Son déficit prévisionnel en 2015 est de 9 milliards.

La question du déficit des régimes obligatoires de base, aujourd’hui, se concentre donc exclusivement sur le régime général.

Le solde des régimes de sécurité sociale s’améliore incontestablement. La trajectoire financière de la sécurité sociale est de longue date dégradée : depuis 1990, c’est-à-dire depuis vingt-cinq ans, ses comptes n’ont été excédentaires – très légèrement – qu’à trois reprises. À partir de 2003, ce déficit s’est aggravé : il n’a plus été inférieur à 5 milliards d’euros, et a régulièrement dépassé les 10 milliards d’euros – niveau auquel nous sommes aujourd’hui revenus. Ces déficits sont pour l’essentiel dus aux branches maladie et vieillesse ; la branche accidents du travail-maladies professionnelles a connu quelques années de déficit, de même que la branche famille.

Les causes de ces déficits sont multiples. La conjoncture compte, bien sûr, mais il faut surtout incriminer les errements de la gouvernance publique, qui a été le fait de tous les gouvernements pendant longtemps. On construisait notamment des budgets sur des prévisions macro-économiques trop optimistes ; les réformes, sur ce point, ont été menées à bien : l’existence du Haut Conseil des finances publiques et les procédures européennes rendent beaucoup plus difficile l’utilisation de prévisions de croissance farfelues. Or être raisonnable sur les prévisions de recettes incite à une certaine rigueur dans la gestion des dépenses… Ce sont là toujours des choix politiques complexes.

Le résultat de ces déficits, c’est une dette sociale, transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), qui s’élève à près de 270 milliards, c’est-à-dire 13,5 points de PIB. Cette dette nous coûte extraordinairement cher, même si les taux moyens de la CADES sont aujourd’hui à peine supérieurs à 2 %, et même si elle est très bien gérée. Le paradoxe, vous le verrez dans le rapport, c’est que l’ACOSS, qui aura plus emprunté sur les marchés en 2015 qu’en 2014, aura gagné de l’argent en 2015 : ses emprunts à court terme avaient en effet des taux d’intérêt négatifs. Pour autant, il ne faudrait pas que cela dure !

Nous avons amorti, depuis la création de la CADES en 1996, un peu moins de 100 milliards d’euros de dette sociale : nous avons ainsi payé, sur la même période, près de 45 milliards d’euros d’intérêts. Le report du retour à l’équilibre des comptes sociaux a donc un coût, important, ce que nos concitoyens constatent sur leur feuille de paye, puisque la CADES est aujourd’hui principalement financée par la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Venons-en maintenant aux résultats obtenus durant cette législature. En 2011, le déficit s’est élevé à près de 17 milliards d’euros. Depuis lors, il n’a cessé de se réduire, pour atteindre 9,7 milliards d’euros en 2014. Pour 2015, la prévision de déficit s’établit à 9 milliards d’euros. Sur les trois derniers exercices, les résultats ont été meilleurs que les prévisions, même si ce n’est parfois que de quelques centaines de millions d’euros.

Cet incontestable retour à l’équilibre est inégal selon les différentes branches de la sécurité sociale. La branche accidents du travail et maladies professionnelles est excédentaire, ce qui a fait naître d’ailleurs des revendications du MEDEF. La branche famille présente également un déficit – qui est sans doute le déficit le moins acceptable – mais celui-ci se réduit. La branche vieillesse a divisé son déficit par cinq depuis 2013, sous l’effet des mesures prises par les gouvernements successifs.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est grâce à la réforme de 2010 !

M. le rapporteur pour avis. J’ai bien compris qu’il y avait un débat pour s’attribuer la paternité de ce résultat.

M. Olivier Carré. Ah non, il n’y a pas de débat ! C’est bien grâce à la réforme de 2010 !

M. le rapporteur pour avis. Comme responsable de ces questions au cabinet de Michel Rocard, j’ai rédigé en 1991 le Livre blanc sur les retraites, intitulé « Un contrat entre les générations ». Ce travail a servi à tous les gouvernements suivants. Michel Rocard disait, je vous le rappelle, que le dossier des retraites pouvait faire sauter n’importe quel gouvernement…

Mme Marie-Christine Dalloz. Il fallait du courage pour agir en 2010 et nous l’avons fait !

M. le rapporteur pour avis. Les mesures prises en 2010 étaient insuffisantes ; au cours de cette législature, nous avons pris des mesures sur les dépenses, mais aussi sur les recettes – celles-ci ayant d’ailleurs porté uniquement sur les salariés, puisque les augmentations de cotisations à la charge des entreprises ont été compensées par une baisse des cotisations familiales patronales. C’est l’action cumulée de toutes ces mesures qui permet d’envisager le retour à l’équilibre.

Nous connaissons bien maintenant tous les leviers de maîtrise des comptes des régimes de retraite. Aujourd’hui, tout doit nous mener à une hausse progressive de l’âge moyen de départ à la retraite – un graphique sera consacré dans mon rapport à l’évolution de ce facteur, indicateur principal de l’évolution de la dépense. Pour cela, il faudra jouer tant sur l’âge légal de départ que sur l’augmentation de la durée de cotisation requise. Pour 2015, le nombre d’assurés du régime général partant à la retraite serait réduit de 7,2 % par rapport à 2014, malgré l’accélération du nombre de départs anticipés d’assurés bénéficiant du dispositif relatif aux carrières longues.

En ce qui concerne la branche famille, le déficit se réduit également, pour atteindre 1,6 milliard d’euros en 2015 : là encore, le retour à l’équilibre est proche. Cette situation est le résultat de la réforme de la politique familiale décidée par l’actuelle majorité. Deux mesures principalement ont fait débat entre nous : la mise sous condition de ressources des allocations familiales permet d’améliorer les comptes de la branche de près de 800 millions d’euros en année pleine ; le plafonnement du quotient familial, qui est une forme de redistribution, a permis de dégager en 2014 environ un milliard d’euros, somme qui a été affectée à la branche famille.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP) dégagera en 2015 un excédent de 600 millions d’euros. C’est la seule branche qui demeure presque purement contributive : cette nature assurantielle impose un objectif d’équilibre annuel. Les gouvernements ont parfois reculé le moment d’ajuster les taux de cette branche, pour profiter des excédents dégagés…

Cela doit nous rappeler que s’il est intéressant de raisonner en solde par branche, il est aussi nécessaire de raisonner en solde global : le solde par branche est très largement une construction, puisqu’il dépend de la façon dont on affecte des ressources qui peuvent évoluer et être réaffectées, année après année.

La branche maladie représente toujours un enjeu essentiel, puisqu’elle pèse pour près de 40 % dans la dépense de protection sociale. En 2015, elle présenterait un déficit de 7,5 milliards d’euros, en augmentation de 0,9 milliard d’euros par rapport à 2014 – paradoxalement, alors que l’ONDAM non seulement diminue, mais n’a jamais été aussi bien respecté. Cette situation est due à la dynamique des dépenses de soins de ville et à l’augmentation des dépenses hors du champ de l’ONDAM, notamment les prestations d’invalidité.

Les facteurs d’évolution des dépenses de santé sont bien connus. D’une part, la demande croît, car la population augmente et vieillit. D’autre part, l’offre s’améliore : des progrès techniques sont réalisés, de nouveaux médicaments inventés – nouveaux médicaments dont le coût doit être régulé, car il est parfois parfaitement irrationnel ; la démographie médicale est également un facteur connu d’augmentation de la dépense. Plus il y a de médecins, d’infirmières, de masseurs-kinésithérapeutes, de dentistes… plus les dépenses sont importantes. Nous n’échapperons donc pas à une réflexion sur la démographie médicale et sur la rationalisation du parcours de soins.

Il convient de signaler que l’exécution prévisionnelle de l’ONDAM en 2015 aboutirait à une hausse de seulement 2 %, soit un niveau historiquement faible, le plus bas depuis 1998.

Au cours de cette législature, le choix de la majorité et du Gouvernement a été d’accorder de nouveaux droits, mais aussi d’améliorer le taux de prise en charge par la sécurité sociale. Même la Cour des comptes considère que ce second objectif est important ; abaisser le taux de prise en charge, en effet, ne peut mener qu’à une maîtrise purement financière des dépenses de santé. Certains diront qu’une amélioration de la prise en charge fait déraper les dépenses ; or, au contraire, je ne sache pas que l’augmentation des dépenses à charge, qui se traduit d’abord par un transfert vers les régimes complémentaires, ait jamais entraîné de rationalisation ou d’optimisation de l’offre de soins, hospitalière ou de ville. Nous devons plutôt responsabiliser les professionnels de santé et les patients.

Les projections pour l’avenir confirment cette tendance au rétablissement des comptes à l’horizon 2020, horizon qui reste pertinent pour des prévisions macro-économiques.

Pour 2016, la branche vieillesse retrouverait un solde positif, pour la première fois depuis 2004. La branche ATMP enregistrerait un excédent pour la quatrième année consécutive, et la branche famille serait à l’équilibre dès 2018. Le Gouvernement prévoit donc un excédent du régime général dès 2019. Dans ce tableau, le FSV fait exception, du fait de la structure même de ses dépenses, étroitement liées à la conjoncture économique. Le FSV souffre d’une insuffisante affectation de recettes, et il a parfois été victime – certains ici s’en souviennent – de sapeurs Camember qui déplacent ses ressources pour les mettre ailleurs… Retirer des recettes au régime structurellement déficitaire qu’est le FSV pour les attribuer à la CADES n’est pas une bonne idée. Le FSV finance principalement le minimum vieillesse, aujourd’hui appelé allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ; il finance également des validations de trimestres pour la retraite de certaines périodes comme le chômage ou la maternité… ; il finance encore, par exemple, une partie des dépenses du minimum contributif (MICO). Il est donc extrêmement dépendant de la conjoncture, et notamment du niveau du chômage. Aujourd’hui, son déficit s’élève à presque 4 milliards d’euros ; il devrait être ramené en fin de période à 2,8 milliards.

Au-delà de 2019, le maintien à l’équilibre de notre système de protection sociale dépendra bien évidemment d’hypothèses macroéconomiques qu’il serait hasardeux d’anticiper. Je veux insister sur la mise en place, depuis vingt-cinq ans, d’outils de pilotage efficaces : le Haut Conseil des finances publiques, qui impose la construction des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale sur des hypothèses réalistes ; le Conseil d’orientation des retraites (COR), avec des mécanismes de régulation quasi automatique qui empêchent de laisser filer les déficits, ce qui ne nous dispensera pas de prendre d’autres mesures, mais permettra de le faire moins brutalement et plus régulièrement ; le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, dont le travail sur la gouvernance et le suivi des dépenses est très important pour nous tous. Ainsi, le COR a prévu différents scenarii d’évolution du système de retraites : il s’agit là de choix de société, qui devront être débattus lors de la prochaine élection présidentielle, en 2017.

Je reste persuadé pour ma part que l’équilibre repose sur un allongement de la durée de l’activité et un relèvement progressif de l’âge moyen de départ à la retraite, qui dépasse aujourd’hui à peine 62 ans – quels que soient les théories et les fétiches des uns et des autres, nous ne sommes donc ni à 60 ans pour tous, ni à 65 ans pour tous.

Quelles sont les mesures importantes de ce PLFSS ?

L’article 7 prévoit une extension du champ de la réduction des cotisations patronales familiales jusqu’à 3,5 SMIC, à partir du 1er avril 2016. Christophe Caresche a déposé un amendement sur cet article, nous y reviendrons donc. Mon rapport, je l’ai dit, présentera un historique de ces mesures de réduction du coût du travail.

L’article 8 met en œuvre la deuxième étape du pacte de responsabilité et de solidarité, avec le relèvement de l’abattement d’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) à 19 millions d’euros. Il n’y aura donc plus en 2016 que 20 000 entreprises redevables.

Différentes mesures de rationalisation de la dépense publique sont mises en œuvre par ce texte ; elles ne représentent toutefois que 80 millions d’euros d’économies en 2016. L’efficience des exonérations de cotisations sociales spécifiques à l’outre-mer sera améliorée ; trois dispositifs – les bassins d’emplois à redynamiser (BER), qui n’étaient qu’au nombre de deux, les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les zones de restructuration de la défense (ZRD) – seront progressivement supprimés.

Les dates et les mécanismes de revalorisation des prestations sont simplifiés. Le seul défaut de cette mesure de simplification intelligente, c’est qu’elle permet une économie de trésorerie en 2016 : elle peut donc paraître suspecte ; mais, à long terme, elle est neutre pour la dépense sociale.

L’ensemble des mesures qui entraînent une perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale en 2016, soit 5,29 milliards d’euros, seront compensées à l’euro près – ce qui explique d’ailleurs la faible réduction du déficit de l’État.

Je voudrais maintenant aborder la question de la clarification des flux financiers entre l’État et la sécurité sociale. Le modeste rapporteur pour avis que je suis ne peut pas vous faire une présentation limpide d’une situation très complexe. Mais je veux insister sur le fait que deux faits conduisent à une clarification des relations entre l’État et la sécurité sociale et de l’affectation des ressources entre les différentes branches.

D’une part, la compensation par l’État des pertes de recettes de sécurité sociale aboutit naturellement à une baisse tendancielle du poids des cotisations par rapport à l’impôt dans le financement de la protection sociale. Vous verrez dans le rapport des tableaux qui, branche par branche, distinguent ce qui relève des cotisations – qui ne sont quasiment plus des cotisations salariales, mais essentiellement des cotisations patronales, sauf pour la branche vieillesse – de ce qui relève de l’impôt. Un débat nous attend sur la fusion entre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG) : c’est un débat sur la redistribution ; mais il faut aussi, je crois, connaître l’histoire de chaque prélèvement, et de leur affectation. La CSG n’est pas un impôt unique : il en existe quatre, la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, la CSG sur les revenus du patrimoine, la CSG sur les revenus de placements et la CSG sur les jeux, dont les taux diffèrent. C’est de la première que l’on parle en général : or, je vous rappelle qu’elle a pour l’essentiel remplacé des cotisations maladie. La CSG n’a pas été conçue, à l’origine, pour fiscaliser le financement de l’assurance maladie, ni même pour financer l’assurance maladie au moyen d’un impôt progressif ; il s’agissait uniquement d’élargir le financement de la protection sociale.

Permettez-moi une petite digression. Faut-il financer l’assurance maladie par un impôt progressif ? C’est une question qui se pose depuis longtemps. Mais c’est à mon sens le meilleur moyen d’inciter ceux qui ont les revenus les plus élevés à demander, de plus en plus fortement, la fin de l’affiliation obligatoire à la sécurité sociale – en Allemagne, vous le savez, il est possible de renoncer aux assurances de base. Il faut donc toujours réfléchir, lorsque l’on met en place un mécanisme de financement, à ce que l’on finance, et à la légitimité de ce mécanisme. L’assurance maladie, c’est bien une assurance, donc une redistribution entre bien portants et malades ; si on la finance par un impôt progressif, les hauts revenus seront conduits à refuser peu à peu ce système. Je dis à ceux qui tiennent au régime obligatoire de sécurité sociale que plus les dépenses de protection sociale seront financées par un impôt progressif, plus le système obligatoire sera remis en cause. Bien sûr, on peut résister à ces revendications. Mais il y a d’autres moyens de redistribuer les revenus : l’impôt, mais surtout le versement de prestations. C’est là un point de vue personnel, qui m’oppose, sur le plan théorique, à notre collègue Pierre-Alain Muet en particulier.

D’autre part, le Gouvernement, plutôt que de transférer des recettes de l’État aux régimes de sécurité sociale, fait le choix – cohérent, selon moi – d’achever le mouvement enclenché l’an dernier avec la rebudgétisation de l’intégralité des aides au logement. Ainsi, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) verse environ 85 milliards d’euros de prestations, mais le budget de la branche famille stricto sensu se réduit, pour s’établir à 50 milliards d’euros pour 2016.

Le reclassement s’explique ensuite par les effets de l’arrêt de principe, dit arrêt « de Ruyter », de la Cour de justice de l’Union européenne. M. de Ruyter, citoyen néerlandais et résident fiscal français, affilié à un régime de protection sociale aux Pays-Bas, percevait un revenu lié à un patrimoine situé dans ce pays. S’il a déposé un recours, c’est pour contester le fait qu’il payait un impôt affecté à la protection sociale française alors qu’il n’en bénéficiait aucunement. La Cour de justice lui a donné raison car, selon elle, le facteur décisif n’est pas la distinction que nous faisons entre cotisation sociale et impôt, mais l’affectation du produit du prélèvement quel qu’il soit. Je rappelle que la CSG sur les revenus d’activité n’est due que par les résidents fiscaux en France qui sont affiliés à un régime de protection sociale français.

Dès lors, la solution est toute trouvée : les résidents étrangers dont les revenus du patrimoine ont été soumis à la CSG, voire à la CRDS, seront remboursés des sommes ainsi acquittées depuis 2012 – soit environ 250 millions d’euros par an, alors que la taxation des revenus du patrimoine contribue à hauteur de 18,6 milliards d’euros au financement de la protection sociale. L’exonération de CSG des revenus du patrimoine des résidents français à l’étranger non affiliés en France, comme l’ont d’ailleurs souhaité nos onze députés représentant les Français établis hors de France, ne favorise guère les finances publiques, convenons-en. Le nécessaire reclassement des dépenses qui en découle consiste à ne réaffecter le produit de la fiscalisation des revenus du patrimoine et des revenus de placement jusque-là consacré aux quatre branches du régime général qu’aux seules prestations sociales non contributives.

Le long article 15 du PLFSS qui en résulte prévoit un reclassement d’ensemble qui suppose des transferts de recettes entre organismes et régimes de sécurité sociale, ainsi que la modification du taux de certaines taxes. In fine, le compte est bon. Actuellement, la CSG est pour l’essentiel affectée au financement de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et, dans une moindre mesure, de la CNAF ; elle sera réaffectée au financement quasi intégral de la CADES et, surtout, à celui du FSV. Le texte de l’article est certes ardu, mais il est logique et simplifie le dispositif – un mouvement qui n’est pas encore achevé.

Je conclurai par le traitement de la dette sociale. L’an dernier, j’estimais que le moment n’était pas venu de transférer à la CADES la dette sociale logée à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui gère la trésorerie des organismes sociaux. Le fait que l’ACOSS ait ainsi pu lever près de 28 milliards d’euros sur les marchés à court terme nous donne raison a posteriori. En 2011, il avait été décidé d’autoriser une reprise de dette à hauteur de 62 milliards ; cette année, il est proposé d’anticiper cette reprise de dette afin que la CADES profite du faible niveau des taux du marché pour consolider cette dette. La durée de vie prévisionnelle de la CADES, censée s’éteindre en 2024, ne s’en trouve pas modifiée. Créée en 1996, elle devait d’abord disparaître en 2009 mais fut prorogée en 1998 jusqu’en 2014, avant que sa durée de vie soit soumise à l’achèvement de sa mission – soit une date indéterminée. La loi organique de 2005 a interdit tout transfert de dette sans compensation par des ressources correspondantes ; à ce jour, néanmoins, aucun texte ne fixe une date d’extinction de la CADES. Plus les taux d’intérêt sont faibles et plus la CADES est en mesure de rembourser du capital plutôt que des intérêts. Le plafond de 62 milliards sera atteint cette année – et c’est une bonne chose. Selon la trajectoire prévisionnelle, il restera le moment venu 29 milliards à transférer pour retrouver l’équilibre, ce qui supposera soit l’augmentation de 0,24 point de la CRDS, soit la prorogation du mandat de la CADES au-delà de 2024. En tout état de cause, la mesure à court terme que nous proposons permet de prémunir la CADES contre une éventuelle remontée des taux d’intérêt.

M. le président Gilles Carrez. Le déficit public consolidé de 3,3 points table sur l’équilibre, voire un léger excédent de 0,1 point des comptes sociaux. Pouvez-vous éclaircir le mystère consistant à passer du déficit que vous venez de nous présenter à l’équilibre ?

D’autre part, l’arrêt de Ruyter pose des problèmes de reclassement. L’honnêteté commande de rappeler que la précédente majorité avait elle aussi envisagé de soumettre à la CSG les revenus du patrimoine de résidents non affiliés, mais qu’elle y a renoncé compte tenu des risques courus. La majorité actuelle l’a fait en décembre 2012, et ce qui devait arriver arriva. Les ressortissants de l’Union européenne vont donc être remboursés des sommes acquittées entre 2013 et 2015, mais pas les ressortissants d’autres pays. Ne s’expose-t-on pas là à un risque de rupture d’égalité qui conduirait le Conseil constitutionnel à se saisir de ce contentieux, par exemple via une question prioritaire de constitutionnalité ? En outre, le contentieux actuel étant perdu, comment les remboursements à venir sont-ils provisionnés ?

L’Union européenne considère la CSG comme une cotisation contributive, alors que nous y voyons une imposition de toute nature : cette divergence est ancienne. Le Gouvernement propose une solution astucieuse qui consiste à affecter la CSG acquittée par des résidents fiscaux sur les revenus du patrimoine qu’ils possèdent non plus à des dépenses contributives, mais à des dépenses de pure solidarité. Croyez-vous vraiment que l’Europe acceptera cette acrobatie, qui explique les multiples reclassements principalement destinés au FSV ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le transfert de la dette sociale à la CADES s’inscrit-il sous le plafond de 62 milliards sans nécessiter une quelconque hausse des taux actuels de CSG et de CRDS ? D’autre part, quel est l’impact financier du basculement dans le champ de l’ONDAM de l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux qui accueillent des personnes handicapées ? Ce transfert s’effectuera-t-il à budget constant et, le cas échéant, comment les augmentations seront-elles financées ?

M. Charles de Courson. Selon la présentation qui nous a été faite du projet de loi de finances, la diminution de 0,5 point, en solde effectif, du déficit public s’explique pour partie – 0,1 point – par la baisse du déficit de l’État et des organismes divers d’administration centrale, et pour l’essentiel – 0,4 point – par celle du déficit du « bloc social ». Or, 0,4 point du PIB correspond à 8,8 milliards d’euros. Pourtant, la diminution du déficit du régime de base, en particulier le FSV, est de l’ordre de 3,1 milliards, à quoi s’ajoute l’effort financier des régimes AGIRC et ARRCO – de l’ordre de 1 milliard – et celui de 800 millions de l’UNEDIC, qu’annonce le Gouvernement. N’est-il pas étrange, d’une part, de préjuger du résultat de négociations qui n’ont pas encore abouti et qui n’aboutiront peut-être pas ? D’autre part, la somme de ces trois estimations équivaut à 5 milliards ; restent donc 3,8 milliards pour justifier la baisse de 0,4 point du PIB. D’où viendront-ils ? Peut-être faut-il chercher la réponse du côté du transfert des allocations de logement, pour un montant de 4,7 milliards : sera-t-il neutre pour les comptes sociaux et pour ceux de l’État ?

Ensuite, l’arrêt de Ruyter pose deux problèmes. La rupture d’égalité entre les ressortissants européens et les autres étrangers, tout d’abord : l’argument exposé par la Cour de justice de l’Union européenne ne risque-t-il pas d’être repris par le Conseil constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité ? Le second problème est symétrique : il concerne les actifs français travaillant à l’étranger tout en étant domiciliés en France, qui demanderont à leur tour le remboursement des cotisations acquittées sur le revenu du patrimoine qu’ils possèdent en France. La solution du Gouvernement consistant à affecter à la CADES une partie des prélèvements sociaux sur les revenus du capital est-elle vraiment si astucieuse ? On pourrait en effet lui opposer que la CADES couvre le déficit des quatre branches du régime général, y compris l’assurance maladie ; c’est pourquoi en affectant le produit de la CSG sur le patrimoine à la CADES, vous ne résolvez aucunement le problème. Ne serait-il pas plus opportun – et moins risqué pour les finances sociales et les finances de l’État – d’affecter l’ensemble de ces fonds à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et au FSV ?

Enfin, l’ACOSS gérait la dette sociale à des taux très faibles, puisqu’elle s’endettait à court terme. Le transfert de cette dette à la CADES entraînera un surcoût, puisqu’elle sera désormais financée à moyen terme. Comment le financera-t-on, et la CADES arrivera-t-elle à l’équilibre à l’issue de ce transfert ? Autrement dit, combien de temps faudra-t-il pour refinancer la dette transférée, qui est de l’ordre de 26 milliards ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Après le projet de loi de finances, voici le projet de loi de financement : bis repetita ! Ce PLFSS de renoncement tâche d’arranger les choses tout en glissant des dettes inéluctables sous le tapis. La Cour des comptes elle-même estime que rien ne bouge vraiment et que la baisse du déficit ralentira encore très nettement en 2015. Autrement dit, le retour à l’équilibre que le Gouvernement promettait à brève échéance est repoussé au-delà de 2020 au mieux !

M. le rapporteur pour avis nous parle de simplification et de clarification, mais l’article 15 n’est pas autre chose qu’une véritable tuyauterie ! Les transferts de recettes que vous nous présentez suscitent de nombreuses incertitudes. Le déficit de 10,4 milliards du FSV qui sera constaté pour les années 2016 à 2018, par exemple, ne sera pas pris en compte dans le plafond de 62 milliards qui est destiné à être consolidé. Pour qu’il y ait simplification, encore faudrait-il présenter des chiffres clairs !

Enfin, puisque vous vous interrogez sur la paternité de la baisse du déficit de la branche vieillesse, permettez-moi de vous la révéler : c’est la réforme des retraites de 2010 ! Elle a en effet réduit le nombre de départs en retraite en les reportant, y compris dans les administrations. Or, c’est la majorité actuelle qui recueille les bénéfices de cette mesure courageuse ! Quant à l’assurance maladie, vous avez estimé que son déficit se creusait du fait de l’augmentation du nombre de médecins et des mises sur le marché de médicaments. Pourtant, vous ne réduirez pas davantage le passif de la branche maladie en supprimant les médecins et les médicaments que vous ne réduirez celui de la branche vieillesse en supprimant les personnes âgées !

Mme Karine Berger. Le déficit du régime général se réduit : c’est une bonne nouvelle et l’on ne peut qu’espérer que notre système de protection sociale se trouve au plus vite dans une situation de sécurité financière. Toutefois, l’une des mesures prises pour parvenir à ce redressement nécessite un éclaircissement : elle concerne la revalorisation des prestations sociales, dont la date et l’indice de référence sont modifiés – en l’espèce, on substitue le glissement des prix sur les douze derniers mois à leur évolution prévisionnelle en moyenne annuelle. Quelle est la part des économies prévues en 2016 liée à ce changement du mode de calcul de la revalorisation des prestations sociales ?

M. Éric Woerth. Les chiffres qui nous sont communiqués le démontrent ; le système est à bout de souffle, la tuyauterie d’une complexité et d’une opacité excessives. Les problèmes, eux, demeurent. La remise à plat qui s’impose est d’une tout autre ampleur.

Ainsi, il est tout à fait anormal de conserver un tel déficit au sein de l’ACOSS alors que la CADES a été créée pour en reprendre la gestion. On aura beau utiliser ces périodes d’attente, sortes de sas de décompression de la dette sociale, il faudra bien un jour s’attaquer au véritable problème. Le déficit de l’assurance maladie continue d’augmenter : on peut comprendre la hausse de ses dépenses, même si l’ONDAM est plutôt maîtrisé, mais l’accumulation de tels déficits n’est pas viable – sauf à réformer le fonctionnement de la branche maladie. Le temps n’est plus aux mesures comptables mais aux réformes de fond. C’est sans doute aussi le rôle de la commission des finances que de veiller à sous-tendre les chiffres par des politiques concrètes.

S’agissant des régimes de retraites, la hausse de l’âge de départ est évidemment la solution la plus efficace : chaque année de prolongation se traduit par une économie de 7 à 8 milliards d’euros. Certes, la mesure n’est pas facile à prendre, même si elle est juste. Il faut donc poursuivre cette démarche, y compris dans les régimes complémentaires qui, en la matière, prennent souvent davantage de libertés que le régime général. Enfin, on ne comprend guère comment vous pouvez boucler les 16 milliards d’économies annoncées, sachant qu’elles incluent les comptes sociaux.

En clair, le modèle ne fonctionne plus. On ne saurait continuer d’augmenter sans cesse la CSG et la CRDS, car les revenus du capital – si le mot vous gêne, préférez-lui « épargne » – ont un intérêt évident pour l’économie française. Ces hausses, qui font suite à celle des cotisations sociales, sont devenues insupportables.

M. Alain Rodet. Il est possible de réaliser des économies dans le secteur du médicament. L’an dernier, par exemple, Mme Touraine a autorisé l’utilisation, pour traiter la dégénérescence maculaire liée à l’âge, de l’Avastin, un médicament fabriqué par le laboratoire Roche, à la place du Lucentis, distribué par laboratoire Novartis mais mis au point par une filiale de Roche et trente fois plus cher. Roche s’y est naturellement opposé, mais Mme la ministre tient bon, et pour cause : l’emploi de l’Avastin permettrait de réduire le déficit de 5 % ! Il y a là des pistes à explorer.

M. Charles de Courson.  A-t-on idée de l’évolution du déficit prévisionnel brut et net des hôpitaux ?

M. Alain Fauré. Et que nous coûtent les cliniques ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Quel est le taux de chirurgie ambulatoire dans les hôpitaux ?

M. Alain Fauré. Autrefois, les décisions de report de la date de départ à la retraite étaient prises par étapes en fonction de la date de naissance. Peut-on déjà mesurer les incidences de la réforme de 2010 ?

M. le rapporteur pour avis. En solde réel, le déficit de 9 milliards d’euros des régimes obligatoires se transforme en compte excédentaire en comptabilité nationale parce que certains régimes – y compris des régimes complémentaires – peuvent être excédentaires à court terme même s’ils sont encore déficitaires aujourd’hui. Tout dépend en outre de la manière dont les dépenses, comme les recettes, sont reclassées. La question demeure pertinente, toutefois : « quand c’est flou, il y a un loup », selon la formule que connaît bien Dominique Baert...

Le débat démocratique concernant la comptabilisation des mesures d’économie est intéressant car, lorsque les économies ne sont pas documentées, c’est, de deux choses l’une, que l’on ne veut pas en parler ou que l’on ne veut pas les faire. Or, c’est l’état des comptes qui fait office de juge de paix et qui attestera à la fin 2015 de la maîtrise des dépenses. Il importera pour l’avenir de constater si, pour y parvenir, les reports de charges n’ont pas été excessifs ; tous les documents fournis pourront en faire état.

Il est vrai qu’au cours des dernières années, une partie de la dette des régimes sociaux a été externalisée vers les hôpitaux. Cette dette, aujourd’hui stabilisée, s’élève à 29 milliards d’euros, alors que le déficit des hôpitaux est stabilisé aux alentours de 200 millions. En réalité, la situation financière des hôpitaux varie selon les cas – tantôt redressée, tantôt aggravée – mais le déséquilibre global s’explique en partie par les difficultés d’un petit nombre d’entre eux. Je fais pleinement confiance à nos collègues de la commission des affaires sociales pour maîtriser la dépense. Certes, le dispositif de régulation est vaste et complexe mais, monsieur Woerth, je ne peux croire que vous, entre tous, n’y compreniez rien. Nous maîtrisons aujourd’hui l’ONDAM comme nous maîtrisons le budget de l’État : par une régulation infra-annuelle et grâce aux recommandations du comité d’alerte, qui incitent l’État à moduler certaines enveloppes. Tous ces éléments doivent être connus car, s’ils permettent de préserver le solde à court terme, ils peuvent s’avérer moins pertinents pour régler les problèmes à long terme. Autrement dit, il nous faut jongler entre mesures structurelles et mesures conjoncturelles. S’agissant de l’assurance maladie, qu’il s’agisse de la dépense hospitalière mais aussi de la médecine de ville, il nous faut recourir à des mesures ponctuelles qui devront être ajustées en cours d’année en fonction de la dérive des dépenses. En effet, ces paquebots massifs ne changent pas aisément de cap.

Si nous faisions tous preuve de responsabilité collective, le débat sur l’évolution de la dépense sociale porterait uniquement sur les branches maladie et vieillesse. En effet, quiconque a mis en déficit la branche famille – par essence un mécanisme de redistribution dont rien ne justifie qu’il soit déficitaire – a sa part de responsabilité, soit qu’il n’ait pas affecté les ressources complémentaires à politique familiale égale, soit qu’il n’ait pas ajusté les dépenses avec les recettes.

Les paramètres et les instruments de pilotage du système de retraites sont aujourd’hui très bien balisés. Les uns et les autres peuvent faire des choix divergents mais, s’ils cessent de brandir leurs totems, en particulier celui de l’âge de départ, chacun constatera que toutes les mesures prises par-delà les majorités – je l’assume en tant que socialiste – concourent à reporter l’âge moyen de départ à la retraite. D’aucuns pensent que cela ne suffira pas, et qu’une mesure générale mettant fin au départ à soixante ans est nécessaire. Ce débat nous oppose : qu’il s’agisse de la longueur des carrières ou de la pénibilité des métiers, plusieurs facteurs expliquent que tous ne sont pas égaux devant la retraite. On ne saurait reporter l’âge de départ à la retraite de manière indifférenciée sans tenir compte de l’état dans lequel les gens y parviennent. Pourtant, je pense aussi, comme vous, que l’on peut travailler plus longtemps – certains plus que d’autres. À cet égard, nos concitoyens ont une opinion très contrastée.

Ce débat concerne naturellement l’État, mais aussi les corps intermédiaires. Aujourd’hui, les régimes complémentaires sont heureusement placés sous l’entière responsabilité des partenaires sociaux – depuis le schéma imaginé par Pierre Bérégovoy. À titre personnel, je ne crois pas que le fait de dessaisir les partenaires sociaux pour les remplacer par l’État, comme le propose M. Sarkozy, soit une solution d’avenir pour la France. En revanche, je serai très attentif aux mesures négociées par les partenaires sociaux – en particulier le MEDEF, la CFDT et FO – et je veillerai surtout à ce qu’ils ne décident d’aucune mesure dont ils souhaitent qu’elles ne soient jamais appliquées dans l’espoir que les pouvoirs publics modifient l’âge de départ à la retraite. Nous verrons si les partenaires sociaux prennent pleinement leurs responsabilités en négociant des mesures sans tenir compte d’aléas politiques liés à une éventuelle alternance.

S’agissant de la branche maladie, madame Dalloz, tous les chiffres montrent que l’augmentation tendancielle de la dépense de santé est estimée à 3,6 % pour 2016.

M. le président Gilles Carrez. Augmentation qu’il convient de corréler à la hausse du nombre d’affections de longue durée et à la prise en charge à 100 % : ce diagnostic est ancien !

M. le rapporteur pour avis. Soit, mais je ne crois pas que l’augmentation annuelle moyenne du reste à charge des assurés améliore l’efficience du système. En 1989, lors de la négociation des conventions médicales, le président de la Confédération des syndicats médicaux français de l’époque nous demandait de « responsabiliser les patients » autrement dit, d’augmenter le ticket modérateur pour réguler par la demande ! Certes, le problème de la demande existe et la prise en charge des soins n’est pas toujours cohérente. Comment prétendre, toutefois, que le système est aujourd’hui régulé de manière responsable ?

Le dérapage budgétaire n’est pas lié au secteur hospitalier. Chacun connaît les mouvements de création des groupements hospitaliers, de rationalisation – qui a provoqué la fermeture des structures les moins performantes, qu’il s’agisse de maternités ou de petits blocs opératoires – et de restructuration des services d’urgences. Tout cela est poli, et vaut aussi pour la médecine de ville. Le président de la Fédération de l’hospitalisation privée dénonçait récemment le projet de loi de Mme Touraine – comme, en son temps, le projet de loi dit « HPST » fut dénoncé par les médecins hospitaliers – en prétendant que l’on sauverait le système en donnant davantage de liberté aux médecins. Il n’y a pourtant pas de liberté sans responsabilité : nous avons fait le choix d’une maîtrise médicalisée de la dépense. De ce point de vue, un amendement pourrait, je l’espère, être déposé pour donner au Gouvernement la base légale lui permettant de sécuriser des conventions de régulation démographique, ou d’en conclure avec les professions qui n’en ont pas encore passé.

Dans ces conditions, nul ne saurait prétendre que l’on peut réguler un système fondé sur le libre choix de l’installation, de la prescription et du médecin par une opération du Saint-Esprit – en l’espèce, un tiers payeur. La Cour des comptes nous demande s’il sera possible de garantir la maîtrise de la dépense dans un contexte où les territoires ruraux sont sous-médicalisés tandis qu’ailleurs existe une « surdémographie » médicale qui explique la croissance de la dépense. De même, on entend souvent dire que l’on prescrit trop de médicaments, mais l’augmentation de la dépense en médicaments n’est pas tant liée au volume qu’au coût du panier, même si certains pharmaciens jouent le jeu du générique, dont le prix est parfois moitié moindre que celui d’un médicament breveté.

En clair, il faut conclure des contrats de régulation avec les professions de santé. Certes, l’enjeu se politise à l’approche d’élections, comme en ce moment, et ce n’est pas nouveau. S’il advenait néanmoins que l’opposition actuelle redevienne majoritaire en 2017, elle se trouverait dans la situation qui a été la nôtre lorsqu’il a fallu faire évoluer la loi « HPST », et elle s’inscrirait dans la droite ligne de la future « loi Touraine » – dénoncée par les médecins – car elle ne parviendrait pas à stabiliser le système autrement qu’en diminuant le taux moyen de prise en charge, ce qui entraînerait un transfert vers les mutuelles et susciterait une inégalité devant les soins.

Le transfert vers la branche ATMP d’une couverture « accidents du travail » pour les établissements et services d’aide par le travail, madame la rapporteure générale, représente environ 0,1 million d’euros en 2016. Je confirme d’autre part que le transfert à la CADES de la dette gérée par l’ACOSS respecte le plafond, puisque la loi l’impose. Les résultats actuels de la CADES, qui sont bons, permettent de reprendre cette dette – capital et intérêts – par anticipation tout en maintenant la date d’extinction à 2024. Je l’ai dit au président de la CADES : si la trajectoire est respectée, il restera à l’ACOSS une dette de 29 milliards d’euros que nous ne pourrons transférer en l’état actuel des choses à la CADES et qui, si elle devait être transférée en 2019, représenterait 0,24 point de la CRDS.

J’insiste sur un point : pour la première fois, la dette sociale diminue en 2015 – et cette tendance devrait se confirmer en 2016. Autrement dit, l’amortissement réalisé par la CADES est supérieur à la dette produite par les régimes sociaux. Elle perçoit en effet 16 milliards d’euros de recettes annuelles ; le déficit atteindra 10 milliards, mais la CADES pourra en rembourser 13 milliards, soit une réduction nette de 3 milliards de la dette sociale – qui reste néanmoins importante.

Dernier point : je comprends les interrogations exprimées au sujet de l’arrêt de Ruyter et du montant de 250 millions d’euros par an qu’il implique pour notre budget. De deux choses l’une : soit ce montant est remboursé et, dans ce cas, une recette ou une économie supplémentaire doit être réalisée, soit il ne l’est pas. La situation financière inciterait plutôt à conserver ces fonds.

M. le président Gilles Carrez. Le passé nous y encourage, en effet…

M. le rapporteur pour avis. Nous saisissons au contraire cette occasion pour poursuivre la simplification – à défaut de l’achever, madame Dalloz. En effet, le produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital était jusqu’à présent réparti de manière inexplicable entre les quatre branches du régime général ainsi que la CADES et le FSV. Il sera désormais affecté dans les proportions suivantes : 15,5 milliards au FSV, 1,3 milliard à la CADES et 1,8 milliard à la CNSA. Sans ce reclassement, d’autres prélèvements pourraient être remis en cause au motif qu’ils sont, pour l’essentiel, contributifs.

Quant au risque constitutionnel, la divergence est ancienne entre la Cour de justice de l’Union européenne et le Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence ad hoc ne remet aucunement en cause la CSG – même s’il demeure attentif à la vocation contributive des régimes. L’Europe peut-elle nous imposer que des dépenses de solidarité ne relevant pas d’une logique contributive ne peuvent pas être financées par l’impôt, qu’il s’agisse de cette CSG ou d’un autre ? Je ne le crois pas. Il faut néanmoins tenir bon, faute de quoi l’affectation d’autres impôts – taxation des produits du tabac, TVA – au financement de la protection sociale pourrait être mise en cause.

On peut prétendre que la taxation du capital est trop élevée en France, mais c’est vous, monsieur le président, qui avez augmenté les prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

M. le président. En effet : entre 2004 et 2012, le taux a été relevé de 5,5 % à 15,5 %.

M. le rapporteur pour avis. Enfin, si la CADES – financée pour 2 milliards d’euros par an par le Fonds de réserve pour les retraites, comme l’a souhaité la précédente majorité – est sollicitée, c’est parce qu’elle reprend à proportion une partie des déficits du FSV. Je précise également qu’à partir de 2016, le compte du FSV sera modifié et réparti en deux sections afin de distinguer entre droits contributifs et droits non contributifs. Le produit de la CSG sur les revenus du capital sera affecté à la section finançant notamment les droits des personnes se trouvant en situation de chômage, de maladie ou d’invalidité, car l’objectif visant à ce qu’elles ne perdent pas leurs droits à la retraite relève d’une politique de solidarité nationale et ne correspond donc pas à des cotisations contributives. On peut certes s’attendre à quelques contentieux dans les prochaines années, et l’amortissement des 250 millions d’euros à rembourser s’étalera au rythme des demandes – tous les intéressés ne demanderont d’ailleurs pas le remboursement des sommes acquittées. Chacun sait que de majorité en majorité, les contentieux s’étalent dans le temps. À ce stade, je ne suis donc pas en mesure de vous indiquer le coût de la mesure : sans doute moins de 750 millions, peut-être la moitié, dont le paiement se répartira sur trois ans.

La Commission en vient à l’examen des articles.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2014

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 1er et 2, sans modification, puis de la première partie du projet de loi, sans modification.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2015

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 3, 4, 5 et 6, sans modification, puis de la deuxième partie, sans modification.

TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2016

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES,
AU RECOUVREMENT ET A LA TRÉSORERIE

Chapitre Ier
Dispositions relatives au pacte de responsabilité et de solidarité et évolutions
de certains dispositifs particuliers en découlant

Article 7 : Élargissement du champ de la réduction de cotisation patronale famille

La Commission examine l’amendement CF1 de M. Christophe Caresche. 

M. Christophe Caresche. Le Gouvernement a décidé, dans le cadre de la deuxième étape du pacte de responsabilité et de solidarité, d’alléger les cotisations familiales à la charge des entreprises pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. Mon amendement vise à abaisser le plafond de 3,5 à 2,5 SMIC et à augmenter à due proportion le taux de la réduction des cotisations.

Des économistes ont montré que plus les allégements ciblaient les salaires proches du SMIC, plus grande était leur efficacité en termes d’emploi. Le rapport annexé au projet de loi indique ainsi que l’élasticité de la demande de travail par rapport à son coût se trouve proche de 1 à des niveaux de salaires proches du SMIC contre 0,33 pour la moyenne des rémunérations. Le Gouvernement reconnaît donc que les allégements perdent de leur efficacité à mesure de leur éloignement du SMIC. Compte tenu de la situation économique et de l’emploi, ne faudrait-il pas davantage concentrer notre action sur les niveaux de salaire où l’effet sur l’emploi s’avère le plus fort ?

Le président de la République souhaite fusionner le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) avec les allégements de cotisations. Il me paraît opportun d’aligner dès à présent les deux assiettes et régler ainsi la question du niveau – 2,5 SMIC comme pour le CICE ou 3,5 comme pour les allégements – auquel s’opérera la fusion. Le montant de 3,5 me paraît trop élevé, et mon amendement suggère de retenir le chiffre de 2,5.

M. le président Gilles Carrez. Je vous propose de donner la parole à M. de Courson pour qu’il nous présente l’amendement CF2 de M. Philippe Vigier après l’article 7, qui porte sur la même question.

M. Charles de Courson. L’Union des démocrates et indépendants (UDI) a toujours plaidé pour la baisse des cotisations sociales, mesure simple dont tout le monde bénéficie. Le Gouvernement va donc dans la bonne direction, mais Christophe Caresche a raison de souligner que les seuils ne sont pas harmonisés. Le rapport de M. Louis Gallois a montré que l’efficacité économique commandait de concentrer la réduction des cotisations sur les salaires moyens, et non sur les bas salaires comme la classe politique, toutes tendances confondues, l’a longtemps pensé. En effet, les salaires dans les industries exportatrices sont supérieurs aux niveaux ciblés par les allégements actuels. Il faut choisir entre une mesure d’apparence sociale – celle proposée par notre collègue – et une disposition économiquement efficace.

M. le rapporteur pour avis. Je vous invite à lire la partie de mon rapport consacrée à l’historique de la baisse des charges. Il renvoie tout d’abord à la question du reclassement, posée par la Cour des comptes et à laquelle M. le ministre des finances et des comptes publics souhaite répondre positivement ; il faudra procéder à une consolidation et cesser de parler d’allégements. Pour ce faire, il convient de maîtriser les impacts des allégements pour chaque niveau de revenu, et notamment les effets de seuil de ces dispositifs. Le rapport montre également que les allégements « Aubry I », « Aubry II », « Fillon », « Woerth » et les autres effacent au total les deux tiers des cotisations patronales, montant auquel nous devons ajouter les 6 % de crédit d’impôt sur la masse salariale du CICE : au total, il n’y a plus de charges patronales pour les salariés rémunérés au SMIC. La question politique s’accompagne ici d’un enjeu économique de court, de moyen et de long terme.

La transformation du CICE pour procéder à la consolidation du système interviendra un jour, mais il est aujourd’hui trop tôt ; la Cour des comptes considère que ce bouleversement aura lieu en 2017, puisque le président de la République l’a évoqué, mais les contraintes budgétaires ne permettront pas d’engager une telle évolution à cette date. Le sujet porté par ces amendements n’étant pas d’actualité, j’émets un avis défavorable à leur adoption. La trentaine de milliards d’euros de cotisations patronales continuant de financer la branche famille devra bien être remplacée si l’on décidait de la supprimer, et les 20 milliards d’euros du CICE laissent tout de même un trou de 10 milliards d’euros !

J’ai toujours assimilé la controverse portant sur la date du 1er avril à une tempête dans un verre d’eau, car c’est la mise en place de la mesure de simplification qui importe. Monsieur Caresche, le débat doit avoir lieu en séance publique, car le Gouvernement et nos collègues des commissions des affaires économiques et sociales doivent s’exprimer sur ce sujet. Il y a deux dimensions, celle de la confiance politique et celle de la maximisation de l’effet sur l’emploi à court terme par rapport à l’impact à moyen terme. Chacun a lu les appréciations de M. Louis Gallois et de La Fabrique de l’industrie sur ce thème. Quelle que soit l’option retenue, je doute de l’impact à très court terme sur l’emploi et je perçois les problèmes à plus long terme. Le MEDEF se montre très sensible sur cette question, et je suggère, pour cette année, de rester à un plafond de 3,5 SMIC.

Le débat sur le redéploiement des 41 milliards d’euros se concentre autour des 3,5 milliards d’euros de C3S pour 20 000 entreprises l’année prochaine. On pourrait reprendre cette question sous l’angle d’une baisse du taux de moyen de l’impôt sur les sociétés (IS) à l’automne 2016, période à laquelle une telle évolution aura moins d’impact économique à court terme. Je vous demande de retirer votre amendement, monsieur Caresche, et, si vous le maintenez, je demanderais à la commission de le rejeter.

M. le président Gilles Carrez. La politique de réduction des cotisations patronales, plafonnée pour un certain niveau de salaire au-delà du SMIC, est maintenant ancienne, puisqu’elle a été inaugurée en 1993 par la « ristourne Juppé », qui jouait jusqu’à 1,33 SMIC. Après la compensation de la réduction du temps de travail, elle s’est transformée en système dit « Fillon » qui prévoyait un allégement jusqu’à 1,6 SMIC. En mars 2012, la précédente majorité a essayé de mettre en place la « TVA sociale », qui entraînait une baisse des cotisations jusqu’à 2,4 SMIC. Enfin, le CICE a porté le plafond à 2,5 SMIC. Cet historique montre que nous menons depuis plus de vingt ans une politique structurelle qui coûte aujourd’hui 2 points de PIB, soit 40 milliards d’euros, dont une moitié provient des mesures prises jusqu’en 2012 et une autre du CICE. Au bout de vingt ans, cette politique a obligatoirement des conséquences sur l’organisation de notre économie et de nos entreprises. La distribution de ces allégements favorise des activités domestiques comme la grande distribution et la sécurité.

Tous les économistes affirment que cette politique lourde et coûteuse est la bonne pour l’emploi, mais on met pour une fois en œuvre une autre orientation en allant jusqu’à 3,5 SMIC. Il ne faut pas revenir sur cette mesure, car, comme le dit Dominique Lefebvre, on n’obtiendra pas de résultat à court terme. Il importe de faire autre chose que ce que l’on a fait depuis vingt ans, et il est bon de donner un petit avantage aux entreprises qui luttent dans la compétition internationale.

Mme Monique Rabin. Je soutiens l’amendement proposé par Christophe Caresche. Quel est le coût du relèvement de 2,5 à 3,5 SMIC du plafond de l’allégement des cotisations patronales ? Ne serait-il pas plus intéressant de réfléchir à un mode de calcul reposant sur des progressions logarithmiques qui favoriseraient graduellement les entreprises ?

Nous sommes globalement attachés au pacte de responsabilité, mais la conjoncture devrait nous inciter à répondre à d’autres demandes des entreprises, car la mission Économie du PLF supprime de nombreux dispositifs de soutien. Les chefs d’entreprise que nous rencontrons n’ont pas toujours l’impression de bénéficier d’un allégement de charges, mais ils perçoivent clairement la disparition des mécanismes d’aide.

Si l’amendement de Christophe Caresche était retiré, il faudrait le redéposer pour la séance publique afin que le débat ait lieu.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, votre position rejoint celle de M. Louis Gallois. Je ne nie pas le problème de compétitivité, mais nous devons le régler autrement que par des allégements de cotisations. Ceux-ci, pour des salaires représentant 3,5 SMIC, sont utilisés, selon plusieurs économistes, pour augmenter les rémunérations et ne stimulent pas l’investissement et la recherche ; nous subventionnons ainsi des hausses de salaire, puisque le plein-emploi règne dans les branches industrielles exportatrices.

Je ne nie pas les effets négatifs de trappe à bas salaires induits par les allégements de cotisations sociales pour les salaires proches du SMIC, mais il faut continuer à cibler notre effort sur les bas salaires au vu de la situation de l’emploi.

M. Alain Fauré. Je partage les observations de Christophe Caresche sur les augmentations de salaire liées à l’allégement des cotisations sur les salaires bien supérieurs au SMIC. Il s’agit bien d’une subvention de la hausse des salaires.

La croissance de la production conduit les entreprises à faire appel à de la sous-traitance. Les agences d’intérim font payer aux entreprises le coût de la gestion des salariés qu’elles mettent à leur disposition. Il faut accroître la souplesse et la confiance, et ne pas limiter notre réflexion au coût salarial.

M. le rapporteur pour avis. Le débat doit avoir lieu en séance publique. L’amendement de Christophe Caresche vise à réduire le plafond à 2,5 SMIC, niveau auquel le crédit d’impôt à 6 % joue. Le taux réduit de cotisations tomberait à 2,75 % et, au-dessus de cette limite, on passerait à 5,25 % de taux de cotisation et les 6 % du CICE disparaîtraient, cela créerait un effet de seuil. Je doute que cela ait le moindre effet sur l’emploi à très court terme.

Les allégements ciblés concernent des catégories d’emploi, des secteurs économiques ou des types d’entreprise. Monsieur Caresche, on pourrait mettre de côté le message politique de soutien aux entreprises exportatrices si votre proposition avait un effet à court terme très puissant sur l’emploi. Après la campagne menée par le MEDEF sur le report du 1er janvier au 1er avril 2016 de l’augmentation du plafond, les chefs d’entreprise ne croiraient plus au déploiement de cette mesure en cas de nouveau recul. Nous aurons ce débat l’année prochaine sur la C3S, et ne revenons pas sur cette orientation d’ici là.

M. Christophe Caresche. Je vais retirer mon amendement, mais je me permets de dire quelque chose de très politiquement incorrect : nous sommes le seul pays où les salaires ne se sont pas ajustés avec la crise, et ce à cause des mécanismes qui soutiennent les rémunérations. On constate le même phénomène dans le logement où les aides ont eu un effet inflationniste. Continuons à étudier les effets de ces allégements sur l’emploi et sur les salaires !

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CF3 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. Je maintiens l’amendement, car il s’agit d’une question d’affichage pour les entreprises. On peut prévoir un taux inférieur la première année pour que le coût soit nul, mais le Gouvernement doit montrer qu’il tient ses promesses.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

Après l’article 7

La Commission étudie l’amendement CF2 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. Déjà défendu. 

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 8 : Suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (étape 2 du pacte de responsabilité et de solidarité)

La Commission est saisie de l’amendement CF4 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. L’UDI a déjà dit à M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, que la priorité n’était pas de baisser la C3S, mais de diminuer l’IS pesant sur les petites et les moyennes entreprises (PME). Notre amendement va dans le sens inverse afin de prouver par l’absurde que la réduction de la C3S ne constitue pas la première mesure à prendre. M. le ministre m’avait expliqué qu’il s’agissait d’une demande du MEDEF, et je m’étais étonné auprès de lui de voir le patronat élaborer la politique fiscale de ce pays.

M. le rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement, car nous avons fait le choix de voter les mesures du pacte de responsabilité jusqu’à l’année prochaine. En outre, 3,5 milliards d’euros pour 20 000 entreprises méritent un débat de fond, notamment avec le patronat qui se révèle divisé sur cette question. Quelle mesure sera la plus pertinente sur le plan économique dans un an ? S’il s’avère possible de mieux utiliser les ressources publiques pour l’ensemble des entreprises, nous adapterons notre politique. De mon côté, je plaiderai pour une substitution de cette mesure ciblée par une baisse du taux de l’IS. En effet, une baisse de 2,5 milliards d’euros de l’IS est prévue, et on pourrait la compléter par ces 3,5 milliards d’euros pour mettre en œuvre une diminution significative du taux moyen de l’IS en France, ce qui serait psychologiquement important.

La Commission rejette l’amendement.

Elle émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 8 à 30, sans modification, puis à l’adoption de la troisième partie, sans modification.

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2016

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 31 à 61, sans modification, puis à l’adoption de la quatrième partie, sans modification.

Enfin, elle émet enfin un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, sans modification.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu en application de l’article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) :

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 63 000 000 euros en autorisations d’engagement (AE) et 50 000 000 euros en crédits de paiement (CP), du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense de la mission Défense à destination du programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Ce mouvement est destiné :

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 14 octobre 2015 à 9 heures 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Marc Francina, M. Joël Giraud, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Michel Vergnier, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean Lassalle, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Christophe Léonard, M. François Vannson

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