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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté »

Mercredi 1er juin 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 06

Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente

– Table ronde sur le thème du renforcement de la lutte contre les diverses formes de discriminations :

Ÿ Association française des managers de la diversité (AFMD) – M. Laurent Depond, premier vice-président et directeur diversité du groupe Orange

Ÿ Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – Mme Christine Lazerges, présidente

Ÿ Conseil représentatif des associations noires (CRAN) – M. Louis-Georges Tin, président

Ÿ Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE fh) – Mme Danielle Bousquet, présidente

– Présences en réunion

COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ »

Mercredi 1er juin 2016

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente)

——fpfp——

La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème du renforcement de la lutte contre les diverses formes de discriminations, avec la participation de M. Laurent Depond, premier vice-président de l’Association française des managers de la diversité (AFMD) et directeur diversité du groupe Orange, Mme Christine Lazerges, présidente du Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), M. Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), et Mme Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE fh)

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous sommes réunis aujourd’hui pour une table ronde thématique consacrée à la lutte contre les discriminations, thème central du titre III du projet de loi « Égalité et citoyenneté », intitulé « Pour l’égalité réelle ». Lutter contre les discriminations, c’est faire reculer l’injustice et, dans le même temps, c’est œuvrer pour l’égalité réelle comme l’indique sans ambiguïté cet intitulé. Si nous nous fixons cet objectif, c’est bien parce que, dans la vie quotidienne, les discriminations, avec leurs multiples facettes, constituent un frein considérable à l’égalité des chances. Nous devons donc tout à la fois les prévenir et les sanctionner plus sévèrement.

Monsieur Laurent Depond, vous êtes directeur de la diversité du groupe Orange et vice-président de l’Association française des managers de la diversité (AFMD), qui apporte son aide aux entreprises désireuses, quelle que soit leur taille, de mettre en place de bonnes pratiques afin de lutter contre les diverses formes de discriminations au travail ou d’obtenir le label Diversité. Votre intervention nous permettra d’avoir une vision précise de la situation dans les entreprises.

Mme Christine Lazerges, vous êtes présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui tient auprès du Gouvernement et du Parlement un rôle de conseil et de proposition dans les domaines des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La question des discriminations est au centre de vos réflexions, comme le montrent vos publications régulières sur ce sujet. Votre analyse et vos propositions nous seront particulièrement précieuses dans notre examen du projet de loi.

M. Louis-Georges Tin, vous êtes président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN). Crée en 2005, le CRAN lutte contre les discriminations que subissent les populations noires en France. Vous nous direz quelles sont les évolutions que vous constatez depuis une dizaine d’années, et quelles mesures de lutte vous paraissent efficaces. Sans doute pourrez-vous aussi nous faire part de vos suggestions.

Mme Danielle Bousquet, vous êtes la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE fh). Le Haut Conseil a pour mission « d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité ». À ce titre, il recueille et diffuse les analyses, études et recherches françaises, européennes et internationales relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il formule des recommandations, publie des avis et propose des réformes au Premier ministre. Vous êtes donc, madame la présidente, une interlocutrice privilégiée pour évoquer avec nous la question des discriminations à l’égard des femmes et des moyens d’y remédier. Notre assemblée peut d’ailleurs s’enorgueillir d’avoir œuvré dans ce domaine en faisant progresser la législation, quand bien même j’ai conscience que bien des choses restent à faire.

Dans un premier temps, je vais vous donner la parole à tour de rôle, puis nous vous poserons des questions plus précises.

Mme Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Je souhaite excuser l’absence de ma collègue Gwénaële Calvès, qui rapporte l’avis que la Commission nationale consultative des droits de l’homme prépare sur le titre III du projet de loi.

La discrimination est au cœur des préoccupations de la Commission qui, depuis 1990, a pour tâche de présenter un rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme la xénophobie. Nombre de nos avis portent d’ailleurs sur la lutte contre les discriminations.

L’avis que la CNCDH publiera le 16 juin prochain sur l’accès au logement rejoint l’un des objets du projet de loi « Égalité et citoyenneté » dont le titre II, consacré à cette question, nous donne toute satisfaction. Notre avis sur le titre III, pour lequel notre appréciation est plus réservée, sera adopté lors de la réunion plénière que nous tiendrons le 2 juillet.

Notre première critique sur le titre III porte sur son intitulé. Nous considérons qu’au lieu des mots « égalité réelle » il est préférable de recourir au terme, plus juste et que vous avez d’ailleurs employé, madame la présidente, de « lutte contre les discriminations ». La notion d’égalité réelle relève de l’utopie. Ce titre est par ailleurs singulièrement lacunaire même s’il met en jeu plusieurs thématiques : le droit de la presse et les infractions à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les conseils citoyens créés par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », ainsi que la question des emplois dans la fonction publique.

Mille autres questions pourraient être évoquées, comme l’action de groupe, pilier de la lutte contre les discriminations, dont le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, en cours d’examen par le Parlement, tend à préciser le cadre légal. Si l’instauration de circonstances aggravantes en cas de crime raciste ou assimilé est parfaitement à sa place dans le titre III, la lutte contre les discriminations en général est malheureusement éclatée entre plusieurs textes. Ainsi la révision de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations demeure-t-elle non codifiée, et personne n’en connaît pleinement la portée.

C’est un reproche que je m’adresse à moi-même en tant qu’ancienne députée. Le temps est venu d’édicter un code des discriminations – si le temps est encore aux codes – car cet éparpillement donne l’impression regrettable d’une ambition faible et d’une réforme à la marge sur les trois sujets que j’ai évoqués.

Aujourd’hui, on se borne à toiletter les textes, à alourdir les sanctions et à simplifier quelques procédures. On s’intéresse bien peu – même si cela concerne moins le Législateur – à l’efficience des textes en aval. Nous autres, Français, sommes champions de la production législative, mais nous le sommes moins lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des mesures que nous adoptons. Je prends l’exemple du dépôt de plainte pour les victimes de discrimination. Il est éminemment compliqué : quantité de postes de police et de gendarmerie ne prennent pas les plaintes pour discrimination, pas même en main courante. Cela fait des années que la CNCDH dénonce cette situation, et nous revendiquons haut et fort la possibilité de porter plainte par internet, ce qui est singulièrement adapté à la discrimination. Dans le cas d’une injure raciste, on imagine mal qu’un jeune « encapuchonné » aille déposer plainte : il risque de ressortir ou de ne pas ressortir, qu’on trouve une raison de l’interpeler ou de le mettre en garde à vue. Quoi qu’il en soit, de lui-même, il aura très peur d’aller déposer plainte.

La question du dépôt de plainte ne relève sans doute pas du Législateur mais, dans notre pays comme dans d’autres, elle n’est pas résolue, surtout quand l’infraction en cause n’est pas un délit classique. Porter plainte constitue une réelle épreuve : dans les faits, si vous n’êtes pas fils d’avocat, et je connais des exemples où il a fallu afficher cette qualité, vous ne pouvez pas déposer plainte. Je donne souvent cet exemple lorsque j’évoque le problème de l’effectivité de la loi, mais je pourrais en évoquer quantité d’autres.

Je tiens toutefois à féliciter l’Assemblée nationale pour les améliorations apportées à la clause générale de dérogation au principe de non-discrimination, que la France avait été conduite à intégrer dans son droit interne en 2008 sous la pression de l’Union européenne. Ce texte prévoit qu’une dérogation n’est pas applicable aux différences de traitement fondées sur l’origine, le patronyme, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une prétendue race. Bravo donc, particulièrement pour avoir adopté l’expression « prétendue race », emprunt bienvenu à la législation belge, car le mot « race » est difficile à éliminer en tant que tel. Cette formulation heureuse constitue une avancée considérable.

L’ajout de la perte d’autonomie comme chef de discrimination illicite est sans doute bienvenu également, mais ce critère, qui venait à peine d’être consacré par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, ne l’est toujours pas par le code pénal : à un an d’intervalle, nous tombons dans la dispersion des dispositifs. Cette situation illustre à l’envi la nécessité absolue de bâtir un droit autonome de la discrimination comme a été bâti un droit de la construction, par exemple.

La suppression des convictions comme chef de discrimination illicite inquiète plusieurs membres de la CNCDH. La préparation de notre avis n’est pas assez avancée pour que j’aille plus loin, mais l’Assemblée nationale a-t-elle conscience de placer la France en situation de manquement à l’égard du droit de l’Union européenne, pour lequel ce chef d’inculpation n’est pas facultatif ?

Depuis des années, nous sommes penchés sur les aspects les plus techniques de la loi sur la presse de 1881. Nous nous réjouissons que le projet de loi ne prévoie pas de faire basculer de la loi de 1881 dans le code pénal le régime de sanction des infractions prévues par ce texte, ce qui avait été envisagé un temps par le Gouvernement dans le cadre de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Dans nos rapports successifs, nous avons exprimé notre hostilité à l’éventualité de la comparution immédiate pour ce type d’infraction. Nous sommes très attachés à ce que la sanction soit éducative et non simplement répressive.

La CNCDH est, par ailleurs, partagée au sujet de la possibilité de requalification au cours du processus judiciaire. La loi de 1881 l’interdit radicalement aujourd’hui, ce qui est protecteur des droits de la défense, car le prévenu d’injure ne se défend pas de la même manière que dans un contexte de diffamation. Permettre la requalification est considéré comme un abaissement de la protection de la liberté d’expression. Jusqu’à présent, la Commission refusait absolument cette perspective, mais elle est désormais plus divisée, et j’ignore quel parti l’emportera au moment de l’adoption de notre avis. Le sujet est plus délicat qu’il n’y paraît : faut-il préserver les droits de la défense ou privilégier une procédure rapide ?

Enfin, je souhaite préciser qu’il n’y a pas lieu d’unifier le quantum des peines encourues pour les infractions à caractère raciste. L’injure n’est pas la diffamation. Or, l’article 37 du projet de loi prévoit les mêmes peines en matière de diffamation, d’injure et de provocation à caractère raciste. C’est mettre dans le même sac des choses très différentes : une injure est vite jetée, surtout si vous êtes adolescent. Ce serait par ailleurs contrarier les deux grands principes qui gouvernent le code pénal : nécessité et proportionnalité, le second faisant échec à toute unification des sanctions.

M. Laurent Depond, vice-président de l’Association française des managers de la diversité, directeur de la diversité du groupe Orange. Nous sommes plus attachés à la prévention des discriminations qu’à leur répression. Par ailleurs, nous ne constituons pas seulement un collectif d’entreprises : nous regroupons aussi des établissements d’enseignement supérieur ainsi que des institutions, dont des ministères. Nous travaillons sur les racines de la discrimination, pas uniquement sur ses conséquences.

Nous partageons avec nos membres le parti pris selon lequel la diversité est une chance pour la France. Elle doit être appréhendée de façon positive car elle constitue un levier de performance pour les organisations. Ce regard tourné vers la performance, et non pas uniquement vers l’éthique, nous aide à convaincre plus largement nos adhérents du fait qu’il y a urgence, en démontrant qu’une bonne prise en compte de la question de la diversité et une bonne prévention des discriminations sont un facteur de bon fonctionnement des organisations.

Nous faisons un constat inquiétant : les discriminations ne sont pas en régression. En cela, nous sommes en communauté d’esprit avec le Défenseur des droits, dont nous consultons le baromètre, qui nous semble toutefois en deçà de la réalité. De fait, les phénomènes d’autocensure sont nombreux et, comme l’a dit Mme Lazerges, un certain nombre de personnes ne parlent pas des discriminations dont elles sont victimes. Elles sont réticentes à le faire, soit par peur, soit parce qu’elles n’ont pas conscience d’être victimes.

Des personnes peuvent faire l’objet de discrimination du fait de leur adresse de résidence, de leur situation de famille ou – sujet plus aisément abordé aujourd’hui – de leur origine, mais aussi de considérations moins évidentes comme l’âge. Ainsi, l’apparence physique est aujourd’hui devenue un critère discriminatoire – je pense, par exemple, à l’obésité. L’AFMD prend en compte l’ensemble des critères, et pas seulement ceux pour lesquels les victimes osent se signaler.

Nous travaillons avec des organes académiques afin de produire des travaux de recherche et de mettre à la disposition de nos adhérents un ensemble de bonnes pratiques, de moyens de lutter contre les stéréotypes, de recettes qui permettent à un manager opérationnel ne disposant ni d’une connaissance du sujet, ni d’une culture juridique très développée, de faire néanmoins de la diversité quelque chose de positif pour son « écosystème ».

Nous ne souhaitons surtout pas réduire notre champ d’action aux questions de recrutement, qui ne représentent qu’une faible partie du sujet. La prévention des discriminations doit concerner la totalité de la carrière. Nous avons ainsi constaté que, dans un certain nombre d’organisations, le recrutement est certes diversifié, mais que les intéressés sont cantonnés à certaines activités sans possibilité d’évolution. Notre propos est de trouver des façons de les aider à progresser car, si ce n’est pas possible, apparaît un sentiment de discrimination contraire à l’objectif de qualité de vie au travail et de performance auquel nous aspirons.

Depuis la création de notre association, il y a huit ans, les choses ont évolué. L’obligation de négocier sur un certain nombre de sujets, comme l’égalité professionnelle, le handicap ou la question intergénérationnelle, a conduit à une meilleure prise en compte de la question de la diversité. D’autres sujets se sont faits jour : l’origine, au sujet de laquelle on ne négocie pas, mais surtout des questions plus latentes, comme l’apparence physique, les orientations sexuelles minoritaires ou encore le fait religieux dans l’entreprise.

Nous avons privilégié une réflexion sur le cadre sans nous limiter à la seule discrimination illégale. Nous sommes allés plus loin, vers la question des parcours atypiques, vers celle des diplômes, toutes choses marquantes dans la société française et susceptibles de provoquer le sentiment de discrimination. Beaucoup de signalements me revenant concernent des parcours atypiques et, donc, de mauvaises évaluations des potentiels des individus.

Malgré les progrès réalisés et le fait que le « politiquement correct » impose de considérer qu’il n’y a pas de sujet, donc pas de discrimination, certains préjugés, très ancrés, portent toujours sur l’origine et sur l’âge. Aussi travaillons-nous, en particulier, sur la question des origines, avec des partenaires tels que la fondation Agir contre l’exclusion, le Défenseur des droits, ou des chercheurs, afin d’extirper les racines du mal et de débusquer ce qui provoque ces comportements délétères.

Nous avons remarqué que, dans bien des cas, la discrimination n’est pas volontaire. Elle est le fait de fonctionnements machinaux, de stéréotypes, de conditionnements dont les individus n’ont pas conscience. À titre d’exemple, j’évoquerai le sujet, émergent aujourd’hui, de l’orientation sexuelle en entreprise : une étude a montré que la plupart des salariés ne voyaient pas de discrimination alors même qu’ils étaient placés en face d’un cas typique à travers un scénario.

On tente toujours de justifier et de rationaliser les comportements discriminatoires. C’est ce sur quoi nous devons travailler afin de faire prendre conscience d’une anomalie. Une fausse bonne idée consiste à réserver certains postes opérationnels aux salariés résidant à proximité en considérant que cela leur sera commode et qu’ils ne seront pas en retard : cette pratique est vue aujourd’hui comme discriminatoire, car l’adresse est considérée comme un critère majeur d’exclusion. Il nous revient de faire réaliser l’ensemble de ces aspects à nos managers de la diversité.

L’engagement des dirigeants constitue le vecteur de la lutte contre la discrimination et pour la promotion de l’égalité ; il convient ensuite de désigner un référent aisément identifiable vers lequel chacun doit pouvoir se tourner. Cette seule mesure limite le sentiment de discrimination : les intéressés savent qu’ils ont un recours, qu’ils peuvent « briser la vitre », appeler au secours et faire part de leur sentiment d’être brimé, que celui-ci soit fondé ou non. Quelqu’un va instruire le dossier ; c’est déjà un apaisement.

Un diagnostic doit être établi afin d’objectiver les situations et de dresser un constat bâti sur les perceptions des individus et sur des tests permettant de caractériser des situations ainsi que le climat d’une organisation. La sensibilisation est fondamentale, car les individus sont souvent inconscients du caractère discriminatoire de certaines décisions, de certains recrutements ou de certaines promotions. Ils subissent les choses sans discernement.

Il convient d’analyser et de réviser tous les processus de gestion de ressources humaines, mais pas uniquement en matière de recrutement. À une certaine époque, il était considéré que les « talents » se trouvaient uniquement parmi les salariés âgés de moins de trente-cinq ans. Ce préjugé était parfaitement discriminatoire et, de facto, excluait les jeunes mères de famille. Le système doit être nettoyé des scories du passé afin que ces discriminations ne puissent pas perdurer.

Une organisation vertueuse se doit, par ailleurs, d’irriguer l’ensemble de son système, et non pas simplement son seul corps social ; elle doit travailler avec ses fournisseurs et l’ensemble de ses partenaires. C’est à cette fin que l’AFMD prépare un guide des achats responsables.

Certes, nous ne parviendrons pas à réduire toutes les difficultés, mais nous avons au moins deux recommandations à formuler.

La première porte sur la création d’un « référent égalité », afin qu’un individu clairement identifié, dont le rôle est fondamental, soit en capacité de prendre la parole et d’aider au traitement des discriminations.

La seconde concerne la sensibilisation au sein de l’entreprise, qui ne doit pas être de façade, mais en profondeur, sans être pour autant stigmatisante pour les individus, car chacun est porteur d’une histoire personnelle. Nous contribuons à changer les comportements par nos productions gracieusement mises à la disposition de tous sur notre site internet.

M. Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN). « Malheur aux longues dissertations », disait Voltaire, et puisque je dispose de peu de temps, je formulerai sept propositions. Je n’évoquerai pas uniquement le CRAN, même si nous avons beaucoup travaillé sur les discriminations et si nous sommes à l’origine de la campagne sur les actions de groupe, soutenue par votre rapporteur général Razzy Hammadi, que je remercie. Je ne m’exprimerai pas seulement au sujet des populations noires, même s’il faut reconnaître qu’elles sont à la fois visibles et invisibles puisque la Décennie internationale des descendances africaines, proclamée par l’Organisation des Nations unies (ONU) et ratifiée par la France, n’est jamais évoquée. Je déplore que la question des Noirs ne soit pas prise en compte de façon particulière dans le rapport de la CNCDH, alors qu’une partie importante de ce rapport est consacrée à l’islamophobie – ce qui est nouveau et dont je la remercie – ainsi qu’à l’antisémitisme et au racisme dont souffrent les Roms. Il n’empêche que la question de la négrophobie n’apparaît jamais alors même que, sur le plan international, la France se flatte de soutenir des textes de cette nature.

La vérité est que 100 % des Français sont susceptibles de faire l’objet de discrimination. Tout un chacun peut être stigmatisé au titre de ses convictions politiques, de son genre, de ses origines, de son âge – chacun a été jeune et chacun sera vieux, et l’on peut être entre deux âges, mais déjà trop vieux pour quelque chose ou pas assez jeune pour une autre. Ainsi la discrimination ne concerne-t-elle pas les seules minorités, mais bien l’ensemble de la population.

Ma première proposition concerne la police. Vous avez peut-être à l’esprit le rapport de l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), qui démontre à quel point les minorités visibles sont surreprésentées parmi les personnes tuées dans un contexte policier. Ces personnes sont sept à huit fois plus présentes au sein de cette mortalité que le reste de la population ; ces chiffres sont strictement corrélés avec ceux du contrôle au faciès.

Selon nous, la solution consisterait à établir une parité entre la police et la société civile au sein des instances de contrôle de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui ne nous apparaît pas comme une autorité indépendante. Il s’agit de restaurer la transparence et la confiance nécessaire – car on parle beaucoup, ces jours-ci, de violences policières – entre la police et la société.

Je suggère aussi de réfléchir à la réforme du système de points en vigueur dans la police, dont se plaignent les syndicats eux-mêmes. Le barème est ainsi défini qu’il pousse les policiers à cibler la petite délinquance, c’est-à-dire les petites gens et donc bien souvent les minorités visibles, et à ne pas se focaliser sur les grosses infractions ou la délinquance en col blanc. Il suffirait de réviser le barème pour que les policiers ne soient plus tentés de viser un certain type de population, celle des jeunes stationnant au pied des immeubles et dans la poche desquels ils savent trouver 20 grammes de cannabis – ce qui leur donnera quatre points acquis en dix minutes. Enquêter sur d’autres types de délits infiniment plus violents pour la société demande plus de temps et d’investigations ; on va donc au plus simple pour avoir les primes de fin d’année. Voilà pourquoi il y a un profilage ethnique même par des policiers qui, dans leur majorité, ne sont pas racistes ; quand ils le sont, évidemment, les choses s’aggravent. Une réforme est cruciale.

Ma troisième proposition a trait à la musique. Je suggère d’instaurer un quota de 10 % de diffusion de musiques et de chansons en langues régionales – en créole, en breton, en alsacien… Des pans entiers du patrimoine culturel français, ignorés, passent à la trappe alors que les musiques et les musiciens diffusés sont toujours les mêmes. La diversité culturelle est la culture elle-même : il n’y a pas de culture dans l’uniformité. Or, nous promouvons une culture française rétrécie et rabougrie. Ce n’est pas ma vision dans un pays qui ne se limite pas à quelques arrondissements parisiens.

Il serait opportun d’ouvrir aux étrangers les nombreux emplois qui leur sont fermés sans raison. Si l’impératif de sécurité impose parfois de réserver certains emplois à des Français, dans de nombreux autres cas aucune raison objective ne le justifie, sauf à admettre une préférence nationale qui ne me semble pas être défendue ici.

Je propose encore de créer un observatoire de la négrophobie sur le modèle des observatoires de l’islamophobie et de l’antisémitisme, qui ont fait mieux comprendre ces phénomènes. La compréhension, la connaissance et la reconnaissance de la négrophobie font défaut. Il y a pourtant des évidences : la traite négrière concernait une population particulière, celle que visent aussi les insultes et comparaisons simiesques que subissent tous les jours non seulement Mme Christiane Taubira mais tant d’autres Français avec elle, dans les stades et dans les cours de récréation. Seuls ceux qui n’ont jamais étudié la question ignorent ces spécificités.

Je suggère aussi que l’on revoie la péréquation territoriale. Actuellement, 5 % des collectivités territoriales représentent 80 % des bases de ce qui a remplacé la taxe professionnelle. On croit souvent que les quartiers pauvres, bénéficiant de politiques sociales et d’aides, sont « assistés ». En réalité, on paye dans ces quartiers plus d’impôts, notamment indirects, que l’on ne reçoit des services publics. Des calculs concernant quelques banlieues emblématiques permettraient de vérifier que leurs habitants ne sont pas des assistés mais, en quelque sorte, des exploités. Une nouvelle péréquation permettrait de leur rendre justice, qu’ils habitent des zones rurales, urbaines ou péri-urbaines. Je ne sais si cette proposition entre dans le champ de ce texte mais elle relève incontestablement de la puissance publique. La péréquation doit viser au minimum à ce que les gens reçoivent autant que ce qu’ils payent ; la vérité est que l’on donne moins aux plus pauvres et plus aux plus riches, si bien que les pauvres n’en finissent pas de s’appauvrir et que les riches de s’enrichir. Le mécanisme de péréquation n’a pas été révisé depuis fort longtemps ; cela a conduit à des abus. Il faudrait le réformer.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. À quels impôts ou taxes faites-vous précisément référence ?

M. Louis-Georges Tin. À ce que les gens payent en impôts directs et surtout indirects, notamment sur leurs achats.

Militant antiraciste et anti-homophobe, je rappelle que l’on a commencé à parler du sida au début des années 1980, mais que l’on a mis longtemps à s’y intéresser vraiment
– parce que l’on croyait que la maladie touchait principalement les Noirs et les homosexuels. Le temps que l’on définisse des politiques de santé publique adéquates, après s’être rendu compte que le VIH touchait aussi de nombreux Blancs et hétérosexuels, beaucoup de gens étaient morts, victimes de préjugés. Le préjugé, ce n’est pas seulement un regard condescendant porté sur le voisin, c’est un comportement qui peut avoir des conséquences fatales. Il a aussi un coût économique, si cet argument est plus éloquent. Il faut mesurer ce qu’implique la discrimination en termes de droit, d’éthique mais aussi d’intérêt pour l’entreprise, comme vient de le souligner M. Depond. Le sujet est universel : tous les Français et toutes les Françaises peuvent être concernés.

Mme Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Nos travaux croisent les discriminations et les inégalités à raison du sexe avec les autres formes de discrimination. Ce fut particulièrement le cas pour le rapport EGALiTER consacré aux territoires de la politique de la ville et aux territoires ruraux fragilisés. Dans cet écrit publié en juin 2014, le Haut Conseil alertait les pouvoirs publics sur le fait que les fractures territoriales entravaient les libertés et l’autonomie des femmes, faisaient le lit des extrémismes et des replis, laissaient prospérer les peurs et l’obscurantisme, et contribuaient à affaiblir les principes républicains, au premier rang desquels l’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous saluons ce projet de loi qui tend à combler le fossé entre les promesses républicaines et la réalité que connaissent celles et ceux qui rencontrent le plus de difficultés. Nous souscrivons à l’approche générale : affirmer la volonté de l’État tout en soutenant le pouvoir d’agir et l’engagement des citoyens.

Nous avons relevé avec satisfaction l’intégration des femmes victimes de mariages forcés aux publics prioritaires pour l’accès au logement social. Les femmes constituant la grande majorité des personnes dans la précarité, nous nous réjouissons aussi des mesures visant à favoriser l’engagement citoyen, l’autonomie des jeunes et la mixité sociale dans l’habitat.

Toutefois, nous nous inquiétons de la faible prise en compte dans le texte des obstacles spécifiques que rencontrent les femmes dans l’accès à l’emploi et à la citoyenneté. C’est pour nous un souci de justice autant qu’un impératif d’efficacité des politiques publiques. En effet, sans juste diagnostic – et nous parlons de discriminations qui concernent potentiellement la moitié de la population –, les mesures prises risquent d’être inadaptées et, après quarante ans de politiques publiques dans les territoires concernés par la politique de la ville, de manquer une nouvelle fois leurs objectifs.

Je veux bousculer deux idées reçues. La première est que, dans les quartiers, les jeunes filles s’en sortent mieux que les jeunes hommes. Il est vrai que, là comme ailleurs, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons dans l’enseignement secondaire. Mais cette performance occulte la suite de leur parcours, caractérisé par une présence dans l’espace public et une insertion professionnelle beaucoup plus difficiles pour elles en raison des discriminations croisées. On peut voir et entendre les garçons des quartiers au pied des immeubles, sur les terrains de football et ailleurs. On ne voit pas les adolescentes : comme le montre le géographe Yves Raibaud, à partir de la puberté, elles sont effacées des espaces publics, en particulier les espaces de sport et de loisirs.

Les inégalités entre les sexes sont renforcées dans les quartiers. Les données recueillies en attestent. Ainsi, les femmes y sont mères plus tôt : une femme de moins de 25 ans sur cinq a déjà un enfant, une proportion de plus du double de celle qui prévaut hors des quartiers. Les familles monoparentales représentent 25 % des familles pour une moyenne française de 17 % ; ces ménages, dont les chefs de famille sont neuf fois sur dix des femmes, vivent deux fois plus souvent sous le seuil de pauvreté qu’en dehors des zones urbaines sensibles.Autre chiffre alarmant : depuis la crise de 2008, on observe le décrochage progressif du marché de l’emploi des femmes vivant dans les quartiers. Près d’une sur deux n’est ni employée ni au chômage, contre 30 % pour les femmes vivant hors des quartiers. L’inégalité de taux d’activité entre les femmes et les hommes est deux fois plus forte que sur le reste du territoire.Qu’il s’agisse de sport, de santé ou de maîtrise de la langue, les chiffres fournis par le dernier rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) illustrent les violentes inégalités dont sont victimes les filles et femmes des quartiers.

La deuxième idée reçue est que les inégalités sociales sont si fortes que l’action en faveur de l’égalité entre hommes et femmes serait un luxe et que, d’ailleurs, on a déjà tant fait pour elles que tout l’arsenal juridique nécessaire existe déjà. Au cours des auditions que nous avons menées, nous avons relevé les résistances coriaces auxquelles se heurte l’objectif d’égalité chez les professionnels de la politique de la ville. Elles s’expliquent par deux raisons. La première est que les inégalités socio-économiques sont fortement accrues dans les quartiers considérés. La seconde tient à la crainte de courir le risque d’une instrumentalisation tendant à stigmatiser l’origine des populations des quartiers considérés en mettant l’accent sur les inégalités subies par les femmes en ces lieux. L’action en faveur de l’égalité entre hommes et femmes dans les quartiers est ainsi perçue au mieux comme un « supplément d’âme », au pire comme une concurrence envers la lutte contre les inégalités sociales.

Le Haut Conseil souhaite que deux priorités soient prises en compte dans la loi. La première est le soutien à la liberté et à l’autonomie des femmes, en particulier les plus jeunes et celles qui vivent dans la plus grande précarité. Plusieurs leviers peuvent être actionnés. À l’article 17, qui porte sur l’information à la santé pour les jeunes, nous proposons d’ajouter un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse : c’est indispensable dans un contexte de violences sexistes. À l’article 18, qui concerne la Grande École du numérique, il est dit que 30 % des étudiants doivent être de sexe féminin. Le Haut Conseil considère que ce pourcentage doit être un minimum et l’objectif de parité explicitement mentionné, sans quoi le risque de décrochage des filles sera très élevé. Il convient aussi d’insérer au chapitre II du titre Ier, consacré à l’autonomie des jeunes, une disposition complétant les ambitions assignées aux missions locales en y ajoutant l’objectif d’égalité entre femmes et hommes. À l’article 34, relatif aux conseils citoyens, nous proposons de prévoir la présentation d’un rapport annuel sur les actions menées en faveur de l’égalité entre femmes et hommes dans le cadre des contrats de ville. Enfin, l’objectif pourrait être ajouté aux missions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

La deuxième priorité doit être de mener une lutte contre le sexisme aussi implacable que contre le racisme et l’homophobie ; c’est une condition nécessaire pour atteindre l’égalité entre les citoyens et permettre l’exercice de la citoyenneté à tous et toutes. Or, l’article 38, dans sa rédaction actuelle, propose de modifier le code pénal afin de généraliser les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie à l’ensemble des crimes et délits, mais ne dit mot du sexisme. Historiquement, la lutte juridique contre le sexisme s’est construite en décalage avec celle contre le racisme. Le Haut Conseil considère que l’occasion est donnée par ce véhicule législatif de reconnaître en droit pénal – en non plus seulement en droit civil – que le sexisme tue. Rappelez-vous le meurtre de Sohane Benziane, brûlée vive à dix-sept ans, en 2002 ; ce meurtre comportait, selon le procureur lui-même, une dimension sexiste. Quant au point commun des victimes des tueurs en série Guy Georges ou Patrice Alègre, c’était d’être des femmes. Parce que le sexisme tue, le Haut Conseil propose l’introduction d’une circonstance aggravante sur ce fondement.

Enfin, parce que le sexisme est un phénomène mal connu et mal mesuré, nous proposons que le Haut Conseil, dont le Président de la République a souhaité le 8 mars dernier la « consécration par l’inscription dans la loi », soit chargé d’élaborer un rapport régulier sur l’état de la lutte à son encontre, comme le fait la CNCDH pour le racisme.

Le temps me manque pour détailler nos autres propositions ; je vous en dirai davantage en répondant à vos questions.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. L’article 38 du projet de loi tend à généraliser les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie, ce qui se traduit par des peines d’emprisonnement plus longues. Ne pourrait-on envisager de faire une place aux peines éducatives ou de substitution, puisque c’est bien par l’éducation que l’on modifiera les comportements ?

Puisqu’il est souvent dit que, faute d’indicateurs, on ne parvient pas à mesurer objectivement la discrimination, le temps n’est-il pas venu d’autoriser le recueil de statistiques ethniques ? Est-il judicieux d’inscrire le testing dans la loi ?

Dans la fonction publique, plus on s’élève dans la hiérarchie et plus les titulaires des emplois sont blancs et masculins. Quelles pistes juridiques explorer pour permettre aux jeunes des quartiers de réussir les concours correspondants, ce qui est malheureusement très peu souvent le cas, et aussi pour faire changer les mentalités à ce sujet ?

Le traitement de la diversité par les médias pèche. Cela commence par la qualification négative donnée à certains quartiers avant même que l’on en vienne aux articles de fond ; on n’imaginerait pas donner une telle connotation à propos du centre de Paris. Avez-vous étudié cette question ?

On ne parle jamais de la discrimination dans les loisirs ; des études à ce sujet ne seraient-elles pas utiles ? La question des emplois fermés nous préoccupe également, monsieur Tin. Enfin, pour faire écho au Défenseur des droits, que pensez-vous des lois mémorielles ? Devoir inscrire des vérités historiques dans la loi, n’est-ce pas les affaiblir ?

Mme Brigitte Bourguignon. Nous avons noté qu’après plusieurs années de politiques publiques de lutte contre les discriminations, l’égal accès aux droits demeure très compliqué. Je fais mien le constat d’inégalités renforcées, notamment pour les pratiques sportives, aussi bien dans les quartiers sensibles que dans les zones rurales, bien souvent pour des raisons culturelles. Je suis d’accord avec les dispositions du projet de loi, propres à améliorer la situation. Mais je déplore l’absence de mention des réseaux sociaux, nouvelles sources de propagation du sexisme et du racisme « ordinaires » et, en conséquence, qu’aucune mesure ne soit prévue pour prévenir et réprimer ces manquements. Je n’ignore pas que cela pose un problème au regard du droit européen mais, dans un texte visant à lutter contre les discriminations, il serait nécessaire de définir le dispositif que nous pourrions appliquer ensemble, puisque nous sommes tous concernés, pour contraindre a minima les opérateurs à modérer les propos tenus par le biais des canaux qu’ils mettent à disposition.

Mme Isabelle Le Callennec. J’aimerais, comme Mme Chapdelaine, connaître votre sentiment sur les statistiques ethniques, sujet polémique. Les jugez-vous utiles ? Peut-être est-ce l’appellation qui choque, mais on a effectivement besoin d’indicateurs pour savoir si une évolution favorable est en cours.

Le rapport que le comité Badinter a remis au Premier ministre contenait un « article 6 » relatif aux manifestations par les salariés de convictions religieuses au sein de l’entreprise. Avant d’être privés de la suite de l’examen du projet de loi « travail », nous avions commencé à en examiner les dispositions, mais la version présentée ne contenait rien à ce sujet. Il doit pourtant être traité. Je ne doute pas, monsieur Depond, que vos adhérents en parlent, car les chefs d’entreprise ne savent pas ce qu’ils sont en droit de faire. Il aurait été intéressant de trancher dans le cadre de la loi « travail » ; pour l’instant, on peut assez vite tomber sous le coup d’une accusation de discrimination. D’autre part, les consultants en recrutement avec lesquels je me suis entretenue considèrent que les embauches se faisant désormais par le biais d’internet, le curriculum vitae (CV) anonyme est une pratique dépassée. Il y a quelque mois, madame la ministre du Travail a annoncé une campagne de testing ; à votre avis, est-ce efficace ?

Vous avez mentionné, monsieur Tin, des postes fermés aux Noirs ; lesquels ?

M. Louis-Georges Tin. J’ai parlé de postes fermés aux étrangers.

Mme Isabelle Le Callennec. Alors, je me suis heureusement méprise. Il aurait été grave que des postes soient fermés à des Français noirs. Police mise à part, quels sont les postes fermés aux étrangers ?

M. Jean-Louis Bricout. À propos de l’élargissement du vivier des candidats aux concours de recrutement dans la fonction publique dits de la « troisième voie », le Conseil d’État, dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi, regrette que le Gouvernement n’ait fourni aucune estimation « sur les effets attendus d’une telle disposition […] ni fourni d’éléments précis permettant d’apprécier dans quelle mesure cet élargissement […] ouvrirait effectivement les corps et cadres d’emplois sur des parcours professionnels, des compétences acquises et des profils nouveaux. » Quelle est votre opinion sur l’impact réel de cette mesure sur la nécessaire diversification des profils dans la fonction publique ?

D’autre part, il est important de favoriser l’apprentissage du français pour renforcer l’insertion et l’autonomie des femmes d’origine étrangère. Mais beaucoup d’entre elles vivent isolées. Comment renforcer les dispositions prévues pour leur permettre d’en bénéficier ?

M. Christophe Premat. Lorsque l’on évoque les discriminations, on pense d’abord à l’école et à l’éducation civique. Mais, avec ce projet de loi, on passe de l’éducation civique à l’éducation citoyenne. Et, de fait, la réserve citoyenne dont il est question au titre Ier vise à mobiliser les énergies autour des questions liées aux discriminations.

Ma première question s’adresse à M. Louis-Georges Tin. L’approche de la fondation de Lilian Thuram, auteur du livre Mes étoiles noires, consiste à partir de nos perceptions et de notre déficit de connaissances, agir très tôt et sur le long terme. Comment articulez-vous vos travaux avec ceux de cette fondation, qui est totalement dédiée à l’éducation contre le racisme ? Je précise que Lilian Thuram est clairement opposé à l’utilisation des statistiques ethniques car il estime que celles-ci n’ont pas d’influence de long terme sur les politiques publiques que l’on pourrait mettre en œuvre.

Ma deuxième question concerne la langue française. Dans le cadre, notamment, de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, on a mis en place, pour favoriser la connaissance de nos valeurs et la pratique du français, langue de la République, des diplômes comme le diplôme initial de langue française. On a ouvert des classes d’accueil, des classes migrantes, etc. Le problème est que l’on recourt bien peu aux langues d’origine des migrants. On avait déjà soulevé la question dans le cadre de la loi « liberté de création, architecture et patrimoine » en s’intéressant cette fois aux langues parlées en France à côté du français – langues des Caraïbes, de Guadeloupe, etc. Comment voyez-vous donc l’articulation entre langue française et langues d’origine des migrants ?

Ma troisième question s’adresse à Mme Bousquet. La liaison que vous faites entre les luttes contre le sexisme et contre le racisme est intelligente – d’autant que, parfois, les discriminations sexistes et racistes se cumulent. Je remarque que l’on a déjà abordé cette question de manière transversale dans de nombreux projets de loi. Est-ce que vous pensez que celui-ci doit être le « curseur » de tous les projets de loi relatifs à la lutte contre les discriminations ? Comment préciser cette articulation de manière plus fine ?

Mme Anne-Christine Lang. Je voudrais revenir sur la question de l’égalité entre femmes et hommes et sur les fractures territoriales qui pèseraient majoritairement sur les femmes. Vous indiquez dans votre rapport d’activité, madame Bousquet, que les jeunes filles s’en sortent mieux à l’école, qu’elles ont de meilleurs résultats scolaires, qu’elles obtiennent davantage le baccalauréat, qu’elles font davantage d’études supérieures que les garçons – à telle enseigne qu’on pourrait se demander si l’on arrivera bientôt à la situation des pays scandinaves qui mettent en place une discrimination positive en direction des garçons. Et je ne dis pas cela en plaisantant : c’est un sujet difficile et intéressant. En revanche, les filles ont des difficultés à s’intégrer dans le marché de l’emploi et à trouver un premier emploi en raison, écrivez-vous, de « discriminations ». Cette dernière assertion me semble relativement peu étayée.

Selon vous, la difficulté à s’insérer dans le monde du travail est certainement liée au fait que, dans les quartiers, les femmes ont des enfants plus jeunes, et en général davantage d’enfants qu’ailleurs. Or on sait qu’en France, le nombre d’enfants est un obstacle majeur à la progression de la carrière des femmes, indépendamment de la question des quartiers. Je ne suis pas sûre que les discriminations soient liées au fait que ce sont de jeunes femmes. Je crois que cela tient plus au fait que ce sont de jeunes mères.

À cet égard, je regrette que cette présentation des fractures territoriales qui pèseraient majoritairement sur les femmes ne soit pas exposée de façon dynamique. Vous citez un certain nombre de chiffres liés à l’emploi, à la citoyenneté, etc., mais vous ne faites pas l’historique de ces discriminations. On ne sait pas quelle était la situation il y a cinq, dix ou quinze ans. On ne sait pas si, par exemple, les jeunes filles sont de mieux en mieux intégrées dans l’emploi, ou non. Bref, on ne sait pas si l’on progresse.

Enfin, je ne sais pas si vous avez fait un tableau par âge s’agissant de la discrimination à l’emploi. En effet, il serait intéressant de savoir si les jeunes femmes sont autant discriminées que les celles un peu plus âgées et, là encore, si la situation s’est améliorée ou non.

J’aimerais être éclairée sur ces questions. Si d’aventure on progresse, c’est-à-dire si les jeunes femmes dans les quartiers sont de moins en moins discriminées, si elles s’intègrent de mieux en mieux dans le marché de l’emploi, il faudrait le dire, et le dire à nos filles.

M. Mathieu Hanotin. Je suis député de Saint-Denis, et je voudrais faire quelques remarques par rapport aux interventions et au projet de loi. Bien des choses ne relèvent pas de la loi, mais dépendent des actions que l’on mène ainsi que de la façon dont on les présente, notamment auprès des entrepreneurs. Il convient donc d’être positif.

Par exemple, le fait qu’une personne issue d’un quartier très populaire ait dû s’accrocher plus que d’autres pour obtenir le même diplôme constitue un avantage pour l’entreprise ; cette force doit être reconnue. Or, aujourd’hui, on ne le fait pas suffisamment. De la même manière, on ne valorise pas le potentiel linguistique des jeunes issus de l’immigration. D’ailleurs, ce bilinguisme naturel n’est même pas considéré comme une force par les jeunes eux-mêmes lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail. Il y a donc beaucoup d’actions positives à mener en la matière. Ce projet de loi est l’occasion d’en parler et de faire avancer ce combat culturel.

Je voudrais souligner deux lacunes du texte. Tout à l’heure, vous avez évoqué la discrimination et la fracture territoriale. Je pense que nous aurions besoin d’objectiver l’action de la puissance publique vis-à-vis de certains quartiers, de certains départements ou de certaines communes. De la même manière que l’on doit établir tous les ans un rapport sur les services de l’État dans les départements, on pourrait imaginer un rapport budgétaire retraçant les crédits de fonctionnement affectés par l’État, département par département et commune par commune. Je parle des crédits de fonctionnement parce que, pour les crédits d’investissement, chacun comprendra qu’il y a des différences mécaniques en fonction des départements et des communes.

Ensuite, on n’a fait qu’ébaucher la question des rapports avec la police. Je suis convaincu qu’il faudra reprendre le débat sur la délivrance – au moins à titre expérimental – d’un récépissé en cas de contrôle d’identité, ou sur d’autres solutions permettant de recréer un lien positif entre les forces de l’ordre et toute une partie de la population qui se sent visée par la discrimination.

Mme Maud Olivier. Nous avons entendu hier soir M. Jean Daubigny, président de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), qui a constaté la situation absolument catastrophique des femmes dans les quartiers face à la précarité. Je suis heureuse de pouvoir le citer, puisque nous avons évoqué cette question des discriminations dont souffrent les femmes. Je crois qu’il y a un travail énorme à faire dans leur direction.

On sait, entre autres, que très peu de femmes – 6 % – bénéficient des clauses d’insertion sociales mises en œuvre. Pourtant, c’est une réelle possibilité d’accéder à un emploi. Comment analysez-vous ce phénomène ? Quels dispositifs pourrait-on mettre en place, par ce projet de loi, pour y remédier ?

Je reviendrai ensuite sur le curriculum vitae anonyme que nous avons testé dans le département de l’Essonne. Bien qu’il n’ait pas été généralisé, il était salutaire pour les femmes. En fait, l’expérience a montré que les femmes étaient davantage convoquées à des rendez-vous qu’auparavant. Ainsi, on a noté une progression de l’ordre de 16 % au conseil général de l’Essonne – je reconnais qu’il s’agissait d’emplois de fonctionnaires.

Toujours à propos des discriminations dont sont victimes les femmes, je voudrais parler de l’accès à la cantine scolaire – sujet sur lequel je crois que M. Roger-Gérard Schwartzenberg a déposé une proposition de loi. En effet, certaines municipalités mettent en avant le fait que certaines femmes ne travaillent pas pour refuser à leurs enfants une inscription à la cantine. C’est un cercle vicieux qui ne permet pas à ces mères de retrouver le chemin de l’emploi. Je voudrais avoir votre avis à ce propos.

Enfin, je vous rejoins tout à fait concernant le sexisme que l’on observe partout, sous forme de violences, de discriminations, et je pense qu’il faudrait absolument le nommer dans la loi.

M. Victorin Lurel. Je suis à l’origine, avec deux ministres, d’un projet de loi sur l’égalité réelle outre-mer. Comme on ne pourra pas tout y faire figurer, ce projet « égalité et citoyenneté » revêt une importance d’autant plus fondamentale. Je me suis d’ailleurs inscrit spécifiquement sur le titre III relatif aux discriminations et à la lutte contre le racisme.

Une difficulté de notre culture française est l’impensé de la négrophobie, évoqué par M. Tin, et l’impensé de la « mixophobie », évoqué par Mme Chapdelaine. Plus on monte dans la hiérarchie, plus on se heurte à un plafond de verre sans avoir toujours les preuves pour en parler et le faire valoir devant les tribunaux. Les cas sont nombreux, notamment dans le journalisme, dans les grands médias, dans les grandes entreprises. La législation européenne a renversé la charge de la preuve mais notre pays n’en tient pas toujours compte.

Il y a un impensé racial ici. On peut même parler de tabou. Pour ma part, je serais tout à fait d’accord pour créer un observatoire de la négrophobie – malgré la charge émotionnelle et symbolique du terme. Je pense qu’il faut avancer.

Mais j’en viens aux statistiques ethniques. Avec M. Christophe Caresche et Mme George Pau-Langevin, qui était à l’époque au Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), nous avions tenté de faire quelque chose. Tous les groupes nous ont opposé un refus alors qu’il ne s’agissait que d’utiliser ces données pour la recherche. De fait, cela ne correspondait pas aux fondamentaux de notre culture française de l’égalité, fondée sur l’égalité devant la loi quelles que soient l’origine, la couleur de peau, la religion, etc. Tout en restant prudent, peut-être pourrait-on saisir l’occasion de ce texte ?

Ensuite, à propos des lois mémorielles, comment donner une force normative et coercitive à la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, dite « loi Taubira »? J’observe que l’on s’est fait récemment « retoqué » par la Cour de cassation, après une condamnation en Martinique pour « apologie de l’esclavage et atteinte à l’honneur des descendants des victimes de l’esclavage ». Il y a aujourd’hui une impasse juridique au-delà de la loi Gayssot, qui n’a pas été déférée et qui n’a pas fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Il semble que l’on soit incapable de légiférer en la matière alors que, tous les jours, des gens peuvent dire ce qu’ils veulent sur l’esclavage et les esclavagistes – sur leur humanisme, leur bonté, leur bienveillance, le bonheur des Noirs, etc. Il y a manifestement là un sujet, et je déposerai des amendements pour renforcer cette loi.

Et puis, comment peut-on laisser coexister dans le droit français la loi du 21 mai 2001, qui reconnaît l’esclavage comme crime contre l’humanité, avec la loi du 30 mars 1849 de suppression de l’esclavage et son décret d’application de novembre 1849, portant indemnisation des colons propriétaires d’esclaves ? Comment peut-on laisser vivre dans le même corpus juridique un crime contre l’humanité et une indemnisation pour ceux qui en ont tiré profit ? C’est une question de cohérence. Symboliquement, c’est très fort.

Au moment où je vous parle, des QPC ont été déposées, et des plaintes sont pendantes devant les tribunaux. De mon côté, j’ai fait déposer des amendements sur ces deux sujets.

M. Louis-Georges Tin n’a pas évoqué ce qui est arrivé en 1825 en Haïti, ce qui a fait dire au président de la République que nous avions envers ce pays une dette dont nous nous acquitterions. Avec le président Michel Martelly, lors d’une réunion à trois, nous avons dit : « Ne parlez pas argent en Haïti, parlez de l’aide de la France qui se fera sous forme d’écoles, de collèges, de lycées et de bibliothèques, d’ordinateurs, de cours en ligne, car si vous parlez d’argent, il y aura une guerre civile en Haïti ! » Ce qui s’est passé en 1825 relève de l’Histoire.

Comment évoquer cela sans diviser les Français ? La question est taboue et divise plus dans ma circonscription qu’ici, sur le sol européen, mais elle se pose. Si on lutte contre les discriminations, contre le racisme, la souffrance n’en est pas moins là. Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas une obsession chez les Français des outre-mer ou d’origine étrangère qui ont cette ascendance. Mais peut-être, à la faveur de cette loi, pourrait-on faire un pas, d’autant plus que la question est devenue internationale : l’Union africaine s’en est emparée, tout comme l’Association des États de la Caraïbe et l’UNESCO.

Même si cela coûte cher – j’en sais quelque chose, étant à l’origine du Mémorial ACTe, centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage –, il faut peut-être oser, en France, évoquer ce sujet et créer un observatoire. Si l’idée d’une Haute Autorité de l’égalité est intéressante, j’aimerais pour ma part que les outre-mer fassent l’objet d’un rapport spécifique car, dans les onze territoires habités qui les constituent, les discriminations et les inégalités entre hommes et femmes sont encore plus fortes qu’ici.

M. Michel Heinrich. Ma question porte sur la discrimination entre hommes et femmes en termes de rémunération et de carrière. J’avais commis un rapport, avec notre collègue Régis Juanico, sur la performance des politiques sociales en Europe, pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC). Nous avions mis en évidence le fait que, plus les congés parentaux étaient longs, plus la disparité des carrières, et surtout des salaires, était grande, et ce à diplôme égal, quel que soit le niveau de celui-ci. Qu’en pensez-vous ?

M. Arnaud Richard. Je suis très frappé par le fait que, en 2016, on en soit encore à se féliciter qu’une personne issue de l’immigration accède à des responsabilités importantes. Cela me semble hallucinant !

Je ne suis peut-être pas dans mon rôle d’opposant en disant cela, mais je trouve que le Gouvernement a raison de proposer ce texte. Certains de ses aspects, notamment ce qui concerne le logement, ont fait l’objet d’une grande concertation. Mais, sur le sujet sensible qu’est l’égalité des chances, domaine dans lequel notre pays a failli, la concertation a-t-elle été suffisante ? Je l’espère.

M. Louis-Georges Tin. Je suppose que les questions sur les statistiques ethniques m’étaient adressées. C’est Thomas Legrand qui, en 2007, a relancé le débat en France. La vérité, c’est qu’elles sont déjà légales. La question n’est pas de savoir s’il faut les autoriser, puisqu’elles le sont, mais s’il faut les généraliser. De fait, les gens confondent les statistiques ethniques et le fichage ethnique. La différence est simple : une statistique ethnique est anonyme ; le fichage ethnique est nominatif  puisqu’il indique que telle personne a telle couleur, telle origine.

Les statistiques anonymes ne remettent pas en cause les principes constitutionnels. Elles sont possibles. C’est pour cela que nous avons pu en faire. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), depuis cinq ans maintenant, produit un rapport annuel sur l’égalité entre hommes et femmes, sur le handicap, etc., mais il peut également vous dire, en regardant les écrans de télévision pendant un mois, comment se répartissent les personnes perçues comme blanches ou non blanches. Nous avons fait campagne auprès du CSA pour qu’il accepte enfin cet outil qu’il a effectivement mis en place. Le diagnostic a été clair et, fort des chiffres, le CSA a pu aller voir les chaînes en leur disant : « on ne vous demande pas d’atteindre un quota, par exemple 8,344 % d’Arabes, d’Africains ou d’Asiatiques ; en revanche, quand vous êtes à zéro, vous ne pouvez que progresser, et d’ailleurs vous le devez. »

Il est donc important, et légal, de pouvoir disposer de ces données. Aujourd’hui, en termes quantitatifs, il y a environ 13 % de personnes non blanches à la télévision. C’est tout à fait satisfaisant. La prochaine bataille est bien entendu qualitative, comme on l’a souligné. Car on peut aussi montrer beaucoup de Maghrébins, beaucoup de Noirs, etc., et les stigmatiser d’autant plus : tout dépend de l’image que l’on en donne. Mais enfin, on a beaucoup avancé, en France, dans le domaine des médias, grâce à l’outil statistique, et c’est extrêmement appréciable.

Cela se vérifie également dans la vie politique. Nous avons pris notre bâton de pèlerin et critiqué les partis politiques qui se mettaient en défaut pendant les élections. Nous avons beaucoup de choses à dire contre le Gouvernement, mais force est de constater que, depuis 2012, il comprend toujours entre 15 et 20 % de personnes issues de la diversité. Enfin, nous avons établi des statistiques à tous les niveaux, notamment à celui des municipales.

La situation progresse donc. Je remarque que, lorsque les chiffres étaient mauvais, on nous disait qu’il était interdit de faire de telles statistiques, mais que, lorsque les chiffres sont bons, on est tout heureux de les publier…

Cela étant, la situation n’a pas progressé partout. Alors que, parmi les adjoints au maire des cinquante plus grandes villes de France, il y a à peu près 9 ou 10 % de personnes issues de la diversité, le pourcentage tombe à 0,5 % dans les conseils départementaux. Cela signifie que le plafond de verre se situe entre le niveau municipal et celui du Gouvernement, où la situation s’améliore parce que la visibilité est importante.

Comme vous pouvez le constater, il est très intéressant d’avoir ces chiffres. Cela nous permet de pondérer notre propos : on ne peut pas dire que la vie politique est tout à fait raciste, ni qu’elle ne l’est pas du tout. Cela nous permet de constater des avancées et, vous avez raison, madame Lang, de nous intéresser aux dynamiques.

Depuis 2005, année de création du CRAN, nous avons constaté des évolutions à certains niveaux : comme pour la parité, les blocages se situent aux étages intermédiaires entre le Gouvernement et les conseils municipaux. Sans chiffres, nous ne pourrions établir ces constats. De même, nous avions fait une enquête sur le profilage ethnique. Le CNRS en a réalisé une autre. Aujourd’hui, on ne discute plus, grâce aux statistiques ethniques, de la question de savoir si les jeunes de banlieue sont surexposés aux contrôles lorsqu’ils sont noirs ou arabes. Le débat ne porte plus sur la légalité ou la légitimité des statistiques mais sur leur étendue : je peux vous en donner concernant la télévision et les contrôles de police, mais pas concernant l’accès aux loisirs, à la culture et à la santé. Je n’ai pas les moyens, en tant que président du CRAN, de mener toutes ces enquêtes, et je n’ai d’ailleurs pas vocation à me substituer à la puissance publique. Nous regrettons que beaucoup de ministères et institutions jettent un voile sur ces questions et refusent d’enquêter alors qu’ils pourraient le faire. Comment voulez-vous, par exemple, mesurer l’état de la ghettoïsation en France ? C’est un phénomène ethnique. En général, on constate l’existence de ghettos lorsqu’ils sont constitués. On pourrait – c’est une proposition que je vous soumets – créer un observatoire de la ghettoïsation. Un ghetto se formant de façon progressive, un tel observatoire permettrait de disposer d’indicateurs dynamiques et donc d’anticiper le mouvement grâce à des mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Je remercie M. Victorin Lurel de ses remarques sur la question des réparations, qui a longtemps été taboue en France. Nous avons nous-mêmes mené beaucoup d’actions en ce sens. Il a évoqué à juste titre l’Union africaine et la Communauté caribéenne (CARICOM). J’y ajouterai le Conseil de l’Europe, que nous avons sollicité et qui, dans son rapport de mars 2016, invite M. Hollande à mettre en place une politique de réparation de l’esclavage et de la colonisation. Cette question ne peut plus être pensée, avec une défense paresseuse, comme une question communautariste. C’est une question internationale.

Aujourd’hui, il faut aller plus loin. M. Hollande a proposé la création d’une fondation pour la mémoire de l’esclavage. C’est ce que nous avions demandé au premier chef, donc nous sommes ravis. Mais il y a bien d’autres choses à faire en faveur de l’égalité réelle – concept que je défends autant que M. Lurel. La « loi Taubira » est en train de trouver un contenu au moment même où certaines juridictions essaient de la vider de son sens. Il faudrait la renforcer car on peut très bien dire aujourd’hui que l’esclavage était formidable ou qu’il n’a pas existé sans pour autant être sanctionné. La « loi Taubira » ne nous permet pas de condamner ces propos négationnistes. Je rappelle que l’esclavage n’a pas été aboli en France en 1848, comme le prétend un certain « roman national », mais en 1946. En effet, après 1848, il a été remplacé par le travail forcé auquel ont été soumis des indigènes. En son temps, la Société des Nations (SDN), ancêtre de l’Organisation des Nations unies (ONU), de même que l’Organisation internationale du Travail (OIT), disaient à la France : « quelque nom que vous donniez à cette pratique, ce n’en est pas moins de l’esclavage ». En vérité, il y a eu, dans le contexte français, plus d’esclaves après l’abolition de l’esclavage qu’avant. Je souhaite que l’on célèbre la loi Houphouët-Boigny, qui date du 11 avril 1946, qui a mis fin à cette pratique. Nous aurions voulu que soit fêté son soixante-dixième anniversaire mais, malheureusement, l’Assemblée nationale – ou à tout le moins son président – l’a refusé. C’est, je crois, une grande loi de la République, car ces événements sont à la fois relativement récents et largement méconnus.

Quant aux emplois fermés aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne
– quelle que soit leur couleur –, il y en a cinq à six millions en France. Cette exclusion concerne les métiers de la défense – ce qui se comprend très bien – mais aussi de l’enseignement scolaire, des impôts et même de la SNCF. Dans l’Éducation nationale, les chercheurs étrangers sont acceptés même lorsqu’ils viennent de régions extérieures à l’Europe, mais pas les enseignants du primaire et du secondaire de ces mêmes régions. Il y a là une certaine incohérence.

Enfin, la fondation Thuram est très intéressante. Les programmes scolaires sont souvent mal faits : ils n’intègrent pas l’histoire coloniale, si ce n’est dans un seul chapitre en fin de classe de quatrième, alors que la colonisation représente cinq cents ans d’histoire mondiale. Nous avons travaillé avec les éditeurs de manuels scolaires, compte tenu des blocages existant au niveau du ministère de l’Éducation nationale. Il y a beaucoup à faire. Souvent, les gens ont peur que cela ravive les plaies de l’histoire, alors que c’est l’inverse qui se produit. Je terminerai, à ce propos, par une anecdote. Une collègue professeure d’histoire m’a expliqué qu’il lui était devenu impossible, après l’Intifada, d’enseigner l’histoire de l’Holocauste. Ce n’est plus seulement ce cours-là qui était boycotté et chahuté, mais tous ses cours jusqu’à la fin de l’année, malgré des leçons de morale qui n’y faisaient rien. Cela a duré trois ans. La quatrième année, elle a décidé d’aborder les choses autrement. Le programme de quatrième prévoit un cours sur la colonisation en fin d’année auquel les professeurs ne parviennent jamais. Elle a décidé de commencer son programme de troisième par ce cours. Puis elle a abordé le début du XXe siècle, les guerres mondiales et le monde contemporain. Dès lors, non seulement son cours sur l’Holocauste n’a jamais été censuré, boycotté ni chahuté, mais, dès le début, ses élèves étaient tous impliqués et posaient des questions. Ils voulaient faire des exposés et en redemandaient. Ils ne sont pas tous devenus historiens, mais tous sont devenus citoyens. Ce n’est pas parce qu’on parle de l’histoire coloniale que les gens sont énervés mais, précisément, parce qu’on n’en parle pas. Quand les élèves se sentent inclus dans la classe, au lieu d’être anti-juifs, anti-école, antisystème ou anti-France, ils deviennent inclusifs. En d’autres termes, ces élèves ont reçu une réparation éducative. Or, la réparation mène à la réconciliation. Voilà la conclusion que je voulais vous proposer.

Mme la présidente Annick Lepetit. Très belle conclusion ! J’en profite d’ailleurs pour vous informer – parce que je trouve que l’on entend beaucoup les économistes et pas assez les historiens en ce moment – que nous auditionnerons prochainement Patrick Weil, qui a sur cette question un point de vue extrêmement intéressant.

Mme Danielle Bousquet. Mme Bourguignon a parlé du danger que représentent les réseaux sociaux. J’ai, quant à moi, insisté sur l’éducation à la sexualité : elle doit être égalitaire. Aujourd’hui, les rapports entre filles et garçons sont empreints de fortes violences la plupart du temps. Nous travaillons depuis deux ans sur ces questions et nous allons rendre au Gouvernement, le 15 juin, un rapport dans lequel nous formulons des propositions en termes d’éducation au décryptage de ce que sont, par exemple, le cyber-sexisme et le cyber-harcèlement. La question de la réputation est très importante pour les filles : c’est vrai partout mais bien plus encore dans les quartiers. Il nous faut permettre à ces garçons et filles de mieux vivre ensemble en adoptant une conception égalitaire de leurs rapports. Nous insistons sur l’exigence d’application de la loi pour que tous les jeunes aient un accès effectif à cette information.

M. Bricout a évoqué l’apprentissage du français. Sachez que, dans les quartiers de la politique de la ville en particulier, les femmes d’origine immigrée sont beaucoup plus nombreuses que les hommes – elles sont 30 % – à se déclarer en difficulté en la matière. Il est donc très important de leur permettre de reprendre pied avec la langue française en vue de s’intégrer sur le plan professionnel et par la santé. De nombreux programmes ont été supprimés si bien que, faute de moyens humains et financiers affectés à ces politiques, ces femmes ne parlent à leurs enfants que dans leur langue maternelle. Le français est donc pour ces derniers une langue étrangère. Il convient de rendre ces personnes plus autonomes au quotidien en consacrant à cet apprentissage les moyens nécessaires.

Une question a été posée concernant l’articulation entre ce texte et la question du sexisme. J’ai évoqué cette dernière à propos des circonstances aggravantes et j’ai insisté sur la nécessité d’un rapport sur le sujet. Il est important de suivre l’évolution dans le temps du sexisme grâce à des indicateurs comme il en existe pour le racisme, plutôt que de n’en connaître la situation qu’à un instant donné.

S’agissant des différences pouvant exister entre garçons et filles en termes de difficultés d’insertion et d’échec scolaire, ce n’est pas seulement dans les quartiers de la politique de la ville, mais partout en France, que les filles réussissent mieux à l’école que les garçons. Pour autant, elles ont infiniment plus de difficultés à s’insérer professionnellement lorsqu’elles sont dans ces quartiers, sans doute parce que la non-activité des femmes y est beaucoup plus tolérée que sur le reste du territoire – où l’on éduque aujourd’hui les filles à l’idée qu’elles vont travailler. En outre, une femme sur quatre dans ces quartiers a un enfant avant l’âge de vingt-cinq ans – ce qui est indiscutablement un frein à l’insertion professionnelle. En revanche, lorsque ces femmes sont dans une famille monoparentale, le fait d’avoir un enfant n’est pas un frein, bien au contraire. Elles sont alors dans l’obligation de gagner leur vie et donc moins en situation d’inactivité. Malheureusement, les évolutions en la matière – sur lesquelles vous m’avez interrogée – sont négatives puisque la situation a empiré depuis 2008. Le taux d’inactivité des femmes en zone de politique de la ville a augmenté de cinq points en quatre ans.

Je répondrai à présent à Mme Olivier. La situation des femmes est indiscutablement catastrophique dans les quartiers de la politique de la ville, que ce soit en termes de pauvreté ou d’accès au travail, au sport et à tout ce qui fait une vie citoyenne.

Vous avez raison en ce qui concerne la clause d’insertion : 320 000 emplois vont être créés grâce aux nouveaux projets de rénovation urbaine. Aujourd’hui, 6 % des personnes embauchées grâce à cette clause d’insertion sont des femmes. Si ce pourcentage pouvait augmenter, un grand nombre d’emplois leur seraient accessibles. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous proposons de modifier les stipulations des projets soutenus par l’ANRU afin qu’y soit visé un objectif d’égalité professionnelle, que soit exigée la remise d’un rapport annuel sur ce qui aura été accompli en matière d’égalité entre femmes et hommes, et qu’il puisse être rendu compte de cette question dans les conseils citoyens. Cela permettrait d’évaluer chaque année ce qui est fait.

Beaucoup de communes ne rendent pas leur cantine scolaire accessible aux enfants dont l’un des parents ne travaille pas. Il s’agit la plupart du temps des mères, qui se trouvent donc freinées dans leur insertion professionnelle : lorsque leur enfant n’est pas accepté à la cantine, elles doivent faire quatre allers-retours par jour entre l’école et leur domicile. Nous proposons que soient repris les termes de la proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire. Si ce texte était jugé quelque peu intrusif vis-à-vis des communes, peut-être pourrait-on envisager une expérimentation qui rendrait l’inscription automatique et limiterait la désinscription à la demande des parents.

Il est vrai que les statistiques permettent de rendre visibles les inégalités et leurs évolutions. Vous parliez des statistiques ethniques mais il importe aussi que nous puissions avoir des données relatives aux parts respectives des femmes et des hommes dans tous les domaines, y compris en politique.

Enfin, pour répondre à M. Heinrich, nous ne sommes pas spécialistes des questions professionnelles. Mais nous observons que, chaque fois qu’il y a éloignement du travail, en particulier en cas de congé parental d’éducation, la carrière professionnelle en subit un contrecoup important, a fortiori pour les femmes.

M. Laurent Depond. Je confirme que nous pouvons utiliser des statistiques pour objectiver les choses, notamment sur la question des origines. Plusieurs méthodes sont compatibles avec les directives de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Nous avons aujourd’hui des outils permettant d’utiliser les patronymes pour faire des tests et vérifier si le recrutement est diversifié, qui a accès aux responsabilités. Simplement, comme le soulignait M. Tin, il ne faut pas conserver de données personnelles.

Nous utilisons aussi des méthodes que nous proposons aux managers de la diversité. On a cité le CV anonyme, le testing et autres dispositifs de CV vidéo. Il est vrai que ce sont aujourd’hui les compétences et la personnalité qui se vendent le mieux, et c’est ce qui doit être le plus utile avec la transition numérique. Quelqu’un a dit tout à l’heure que de nombreuses autres qualités n’étaient pas prises en compte – compétences linguistiques et comportementales, engagements externes ou associatifs... Ces compétences peuvent être mises en valeur à l’aide de nouveaux dispositifs comme le CV vidéo, qui permet aux entreprises de choisir les candidats ayant les compétences dont elles ont besoin. D’autres méthodes répondent à des enjeux précis à un instant donné, mais aucune d’entre elles n’est une panacée. Le CV anonyme est utile quand certains types de profil ne passent pas le premier stade de l’embauche, mais il ne garantit absolument pas un recrutement équitable. Nous proposons donc des méthodes à nos adhérents pour résoudre leurs problèmes sur ce point. Nous travaillons bien sûr avec des entreprises engagées qui veulent diversifier les profils car, encore une fois, elles ont la certitude que c’est un moyen pour elles d’être plus performantes, plus agiles et plus à l’écoute de leur marché. S’agissant des concours, nous recommandons de revenir à une définition claire des compétences nécessaires à chaque poste. Il convient de repenser complètement les critères de sélection afin de ne pas se contenter de sélectionner sur diplôme.

Nous avons commis, sur les signes religieux dans le monde de l’entreprise, un ouvrage qui récapitule l’état du droit – jurisprudence incluse puisque nous sommes soumis à un contexte européen qui nous impose certaines règles. Nous y rappelons que l’on peut interdire ces signes pour des raisons d’hygiène ou de sécurité mais que, ces éléments mis à part, ils peuvent être portés, y compris dans la relation avec la clientèle. Peut-être y aura-t-il des évolutions jurisprudentielles mais, pour l’instant, tel est l’état du droit.

L’AFMD rappelle également à ses adhérents un certain nombre de règles de base, en particulier que, dans les entreprises privées, la laïcité, telle qu’elle est comprise par le grand public, ne s’applique pas. Nous devons accepter l’expression religieuse et n’avons pas à l’interdire – ce dont beaucoup de nos adhérents sont encore inconscients. Il nous faut favoriser le « bien-travailler ensemble » car nous avons constaté en 2015 une forme de clivage, au sein du corps social, entre ceux qui acceptent une expression religieuse sur le lieu de travail et ceux qui, au contraire, voudraient sa neutralisation totale. Ces convictions difficilement réconciliables, il nous faut travailler sur la manière de revenir au but premier de toute organisation : travailler ensemble et atteindre les objectifs fixés en évitant les discussions conflictuelles. S’agissant de ces dernières, je déplace volontiers la question en dehors du champ religieux pour parler du débat sur le mariage des personnes du même sexe – qui a provoqué le même type de clivage. Quant à l’article qui a été retiré du projet de loi « travail », il présentait l’inconvénient de ne concerner que la religion sans englober l’ensemble des questions de diversité, mais il ne faisait que rappeler la jurisprudence existante relativement méconnue.

M. Louis-Georges Tin. Je ne sais pas si cette question est à l’ordre du jour, mais je voudrais attirer l’attention de votre Commission sur la situation de Mayotte, qui se trouve au bord de la catastrophe humanitaire. J’ai cru comprendre qu’un projet de loi sur l’outre-mer allait être examiné prochainement, mais l’État est en carence sur ce territoire, et l’on ne saurait attendre pour réagir à la situation d’enfants qui peuvent mourir du jour au lendemain. Une interpellation du Gouvernement par l’Assemblée nationale serait véritablement appréciée.

Mme Danielle Bousquet. Je terminerai par une brève remarque. L’alinéa 16 de l’article 41 du projet de loi ne revient pas sur la possibilité, prévue depuis 2008, d’organiser les classes en y regroupant les élèves par sexe. Quand on sait la pression qui existe à certains endroits pour séparer les garçons des filles, je pense qu’il serait important de ne pas autoriser l’existence de classes non mixtes. Ce n’est absolument pas contraire aux directives européennes que l’on avait invoquées pour faire adopter ce texte de 2008.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je remercie nos invités d’avoir répondu aux questions de nos collègues. S’ils le souhaitent, ils pourront assister à nos travaux dans l’hémicycle pendant la dernière semaine de juin.

La séance est levée à dix-huit heures vingt.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté »

Réunion du mercredi 1er juin 2016 à 16 heures 30

Présents. – M. Yves Blein, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Razzy Hammadi, M. Michel Heinrich, Mme Gilda Hobert, M. Laurent Kalinowski, Mme Anne-Christine Lang, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Lesterlin, M. Victorin Lurel, M. Philippe Naillet, Mme Maud Olivier, M. Arnaud Richard

Excusés. – M. Philip Cordery, Mme Lucette LousteauAssistaient également à la réunion. – M. Mathieu Hanotin, M. Christophe Premat, M. Marcel Rogemont