Accueil > Travaux en commission > Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Jeudi 1er décembre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Audition de M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, et discussion générale sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212) (MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Patrick Mennucci, rapporteurs)

La réunion débute à 9 heures 40.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission procède à l’audition de M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, et à la discussion générale du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212) (MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Patrick Mennucci, rapporteurs).

M. le président Dominique Raimbourg. Nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. J’ai le plaisir d’accueillir M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

Je rappelle que, la semaine dernière, la Commission a procédé à l’audition de Mme Anne Hidalgo, maire de Paris, de M. Michel Cadot, préfet de police de Paris, et de M. Jean-François Carenco, préfet de la région Île-de-France.

Nous allons aujourd’hui entamer la discussion générale.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je vais vous présenter les grands axes du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, adopté par le Sénat le 9 novembre dernier – non sans avoir été passablement modifié.

Le texte se divise en deux titres : le premier est consacré à la réforme du statut de Paris, le second aborde les thématiques relatives à l’aménagement, aux transports et à l’environnement. Les chapitres I à III du titre II relèvent des attributions de ma collègue Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable, qui les défendra au banc du Gouvernement comme elle l’a fait devant le Sénat. Je répondrai bien évidemment aux principales questions que vous pourriez vous poser sur ces articles, cela dans la mesure de mes moyens, mais je laisserai à Mme Cosse le soin de vous répondre dans le détail sur ces mesures. Quant au chapitre IV, il aborde l’élargissement du statut des métropoles qui sera largement évoqué, je n’en doute pas, au cours de cette audition.

Sans reprendre le récit détaillé de l’histoire mouvementée de Paris, il est essentiel d’appréhender ce texte comme une étape majeure du rapprochement du statut de cette ville si particulière du droit commun.

De 1789 à 1975, et à l’exception de brèves périodes, Paris est placée directement sous la tutelle de l’État. La commune est amoindrie, surveillée de près par le pouvoir central qui se méfie de cette ville et de son peuple aux inclinations révolutionnaires.

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, ce « statut particulier » sera progressivement amendé, notamment par la loi de 1964 qui supprime le département de la Seine et crée les départements de Paris et de la petite couronne. Paris acquiert de ce fait un statut unique en France en devenant une ville-département.

Puis la loi de 1975 supprime notamment la tutelle de l’administration préfectorale et instaure l’élection du maire de Paris au suffrage universel indirect dès les élections municipales de 1977.

Par ailleurs, la loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, appelée communément loi « PML » ou « PLM », organise les élections municipales dans le cadre des arrondissements. Parallèlement, en matière de pouvoirs de police, plusieurs textes – de 1986 et 2002 – transfèrent certaines compétences du préfet de police au maire de Paris.

Le présent projet de loi vise pour sa part à prolonger voire à faire aboutir cette évolution institutionnelle et historique. Je vais vous en exposer les objectifs principaux en vous indiquant quelle est la volonté du Gouvernement à la suite des modifications apportées par le Sénat.

Le texte poursuit tout d’abord un objectif de simplification et de lisibilité avec la fusion de la commune et du département de Paris. La superposition de ces deux entités administratives distinctes sur un même territoire – siégeant soit en formation de conseil municipal, soit en formation de conseil départemental – est en effet une survivance héritée de l’histoire. La chambre régionale des comptes d’Île-de-France, dans son rapport de 2015, soulignait l’absence de réalité, tout autant que de notoriété pour les Parisiens, du département de Paris. Elle proposait une fusion destinée à mettre un terme à cette « fiction institutionnelle » coûteuse sur le plan budgétaire et illisible sur le plan démocratique.

Le Gouvernement a donc décidé d’engager cette réforme, qui facilitera la vie des Parisiens, des entreprises et des associations et qui, à terme, générera des facilités de gestion, par la suppression des deux budgets et l’unification des procédures de marchés publics. Cette nouvelle collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », exercera donc les compétences de la commune et du département à compter du 1er janvier 2019.

Le Sénat a accepté le principe de cette fusion et a même formulé certaines remarques d’ordre légistique plutôt intéressantes et que votre Commission pourra, si elle le souhaite, examiner en lien avec mes services. En revanche, la Haute assemblée a opéré d’autres modifications substantielles à la suite desquelles le Gouvernement souhaite rétablir le texte initial. Elles portent sur quatre aspects qui doivent accompagner le processus de fusion : les modalités de désignation des représentants de la Ville de Paris au sein des organismes extérieurs ; le règlement intérieur ; le rétablissement de la commission permanente, comme il en existe dans les conseils départementaux et régionaux ; enfin la suppression de la conférence des maires, instance inutile puisque le conseil de Paris assure la représentation des maires d’arrondissement et puisqu’il existe déjà un comité des arrondissements.

Par ailleurs, le projet de loi initial prévoyait de donner aux maires d’arrondissement davantage de marges de manœuvre en matière contractuelle ou, par exemple, en ce qui concerne les autorisations d’étalage et de terrasse. Sur ce point, le Sénat a opéré un changement de logique qui m’apparaît néfaste. Il repose en effet sur une dépossession massive des pouvoirs de la commune au profit des arrondissements, au mépris même du droit constitutionnel dans la mesure où les arrondissements n’ont pas de personnalité morale. Je souhaite être précis sur ce point et indiquer à votre Commission que le Gouvernement est fermement décidé – si, bien sûr, l’Assemblée en est d’accord – à revenir au texte initial en supprimant les dispositions modifiées par le Sénat qui accroissent les pouvoirs des maires d’arrondissement en ce qui concerne les autorisations d’utilisation du sol, les possibilités d’acquisition et d’aliénation d’immeubles dans le cadre du droit de préemption urbain, l’approbation du plan local d’urbanisme (PLU) par les conseils d’arrondissement à la majorité qualifiée, le versement des subventions aux associations, l’attribution des logements sociaux, l’entretien de la voirie, la possibilité de conclure une convention avec les communes limitrophes des arrondissements, la gestion de la petite enfance, la gestion de la restauration scolaire par les caisses des écoles et les modifications de calcul de la dotation de gestion locale et de la dotation d’animation locale.

Le projet initial comportait en outre la création d’un nouveau secteur électoral réunissant les quatre premiers arrondissements. Cette disposition a été supprimée par le Sénat et le Gouvernement tient vraiment à la rétablir dans les mêmes termes. Il s’agit en effet d’assurer une meilleure représentativité des conseillers de Paris ; cette mesure est cohérente avec les évolutions démographiques de la capitale et permettra à la ville de Paris de se conformer aux règles constitutionnelles en vigueur.

Cette répartition, déjà modifiée en 1982 et en 2013, fait aujourd’hui apparaître des écarts très importants. Aujourd’hui, le premier arrondissement compte un conseiller de Paris pour 17 000 habitants, le rapport étant d’un conseiller pour 11 000 habitants dans le deuxième arrondissement, alors qu’il est d’un pour 13 000 habitants en moyenne. Je m’en expliquerai plus longuement lors du débat en séance publique : le texte propose seulement de corriger ces déséquilibres par la création d’un nouveau secteur qui comptera toujours huit conseillers de Paris, mais pour 101 764 habitants, soit un siège pour 12 720 habitants. Ce faisant, nous nous rapprochons de la moyenne, étant entendu que, pour ce qui concerne les équilibres politiques, cette modification n’entraînera aucun bouleversement, le Gouvernement – et en particulier le ministre de l’Intérieur – y a été particulièrement attentif. Et si tant est que l’on puisse distinguer une incidence, celle-ci serait plutôt favorable à l’opposition qu’à la majorité du conseil de Paris.

Enfin, les pouvoirs de police sont exercés à Paris par le préfet de police depuis l’époque napoléonienne et l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII, toujours en vigueur. L’État souhaite conserver au préfet de police ces prérogatives spécifiques tout en poursuivant le mouvement de décentralisation engagé depuis les années 2000.

D’une part, cela permettra d’améliorer l’efficacité de la police de proximité – qui gagne toujours à être municipale. Le projet de loi prévoit donc de transférer au maire de Paris la police du stationnement, la police des baignades, la réglementation des manifestations sur la voie publique à caractère festif, sportif ou culturel et la police de la salubrité des habitations et hébergements. D’autre part, ce réaménagement substantiel permettra à l’État de rester centré sur ses missions essentielles relatives à la sécurité publique.

Le Sénat a globalement validé cette décentralisation accrue en prévoyant toutefois deux modifications sur lesquelles le Gouvernement souhaite également revenir.

La première est l’attribution de la compétence de police générale au maire de Paris, à laquelle le Gouvernement s’oppose avec force : la capitale est en effet confrontée à des enjeux de sécurité très spécifiques – protection de bâtiments officiels, organisation de très grands événements tels la coupe d’Europe de football, il y a peu, et peut-être bientôt les Jeux Olympiques – qui justifient une organisation particulière, et plus encore dans un contexte de menace terroriste permanente.

Le même souci d’efficacité a conduit le ministre de l’Intérieur à prévoir le transfert de la police des aéroports de Roissy et du Bourget au préfet de police. Le Sénat a voulu y ajouter la plateforme d’Orly, ce que ne souhaite pas le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve ; je m’en tiendrai donc à cette appréciation dès lors que cela relève exclusivement de son ressort. Je suis prêt néanmoins, en lien avec ses services, à répondre à vos interrogations sur le sujet.

J’ajoute, si besoin était, que le Gouvernement est opposé au transfert, adopté par le Sénat, d’une partie de la police de la circulation et du stationnement au profit de la région Île-de-France. Elle ne permettrait en effet en aucune manière d’assurer une meilleure cohérence de la circulation dans la région capitale, même si nous avons bien compris la problématique qui sous-tendait cet amendement.

Quelques mots encore sur les cercles de jeux qui relèvent aussi de la compétence du ministre de l’Intérieur. Le Gouvernement souhaite rétablir l’abrogation de leur statut juridique et mettre en place à titre expérimental, à Paris, une offre légale dans un cadre sécurisé, sur laquelle est revenu le Sénat. Le texte qu’il a adopté laisserait perdurer une structure contraire à la transparence des flux financiers. Vous savez là aussi, quelle que soit votre sensibilité, tout ce qui se cache derrière cette affaire. Si votre Commission en est d’accord, cet article pourrait être rétabli. Je sais, pour m’en être entretenu avec les rapporteurs, qu’il pourrait y avoir d’autres propositions de rédaction de l’article 28. Nous suivons de près cette question sensible.

En ce qui concerne le titre II sur les métropoles, j’entends m’attarder sur deux sujets essentiels. Au-delà des quinze métropoles existantes, le Gouvernement souhaite l’extension de ce statut aux agglomérations qui figuraient dans la version initiale du projet de loi à l’article 41, à savoir la communauté urbaine de Dijon et la communauté d’agglomération d’Orléans, qui réunissent la double condition de constituer une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants et d’être chef-lieu de région. Nous entendons également étendre le statut de métropole à la communauté urbaine de Saint-Étienne et à la communauté d’agglomération de Toulon qui sont des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 400 000 habitants. Le Gouvernement est en outre favorable aux amendements visant à accepter les communautés d’agglomération de Tours, Metz et Clermont-Ferrand dans le concert des métropoles. Ces dernières réunissent en effet la double condition, d’une part, de disposer d’une zone d’emploi de plus de 400 000 habitants et, d’autre part, de constituer un EPCI de plus de 250 000 habitants ou d’avoir été une capitale régionale avant la loi de janvier 2015.

Je sais qu’un tel élargissement – qui portera le nombre de métropoles à vingt-deux – ne fait pas consensus. Je soulignerai cependant que la loi de janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », n’entendait pas réserver ce statut aux trois seuls territoires urbains les plus peuplés, mais qu’elle l’a largement étendu, dès le départ, à des EPCI ayant des fonctions métropolitaines au sein de leur bassin de vie. Or les caractéristiques démographiques et économiques des sept territoires que je viens de mentionner les rendent accessibles à ce statut dans des conditions similaires à celles prévues par la loi MAPTAM. Cette extension permettra un maillage métropolitain sur l’ensemble du territoire et donc un rééquilibrage par rapport à la situation actuelle.

J’aborde pour finir un sujet ô combien sensible : l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains.

Je connais l’attachement de certains d’entre vous à cette réforme qui figure d’ailleurs dans la loi MAPTAM, laquelle prévoyait qu’une décision sur le mode de scrutin devait être prise avant le 1er janvier prochain, laquelle devait être éclairée par un rapport gouvernemental qui n’a pas été à ce jour réalisé. J’ai donc demandé qu’il le soit – le ministère de l’Intérieur s’y est engagé : vous l’aurez tout début janvier, et nous pouvons même espérer que vous le receviez comme cadeau de Noël fin décembre…

Il n’empêche que nous ne sommes pas, me semble-t-il, à même de trancher dans les délais impartis par la loi, et je tiens également compte, ce disant, des positions des présidents de métropoles qui, même s’ils m’ont affirmé être très majoritairement favorables à l’élection de tout ou partie des conseils métropolitains au suffrage universel, ne me semblent pas pressés – pour parler poliment – qu’une décision soit prise concernant une élection qui n’aura lieu qu’en 2020. Ils considèrent qu’il convient de prendre le temps d’examiner ce sujet de près. La question de la représentativité de l’ensemble des communes se pose avec force pour les présidents de métropole.

Lors de la discussion au Sénat j’ai fait mien un amendement présenté par Mme Benbassa, qui proposait un report de deux ans, ce qui me semblait plus réaliste compte tenu des échéances électorales de 2017. Je vous propose donc de reporter l’entrée en vigueur de l’article 54 de la loi MAPTAM au 1er janvier 2019.

Voilà, rapidement brossés, les principaux points que je souhaitais mentionner avant que nous n’engagions le débat. Le Gouvernement attache une grande importance à ce projet de loi qui simplifie l’action administrative locale, renforce la décentralisation et la déconcentration et qui s’inscrit dans l’ensemble des réformes institutionnelles du quinquennat.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Nous vous remercions pour votre présence, monsieur le ministre, et pour votre volonté de faire aboutir ce texte important. Je ne répéterai pas ce que vous venez d’exposer parfaitement ; aussi m’en tiendrai-je à une série de questions portant sur les points saillants du projet de loi.

Chacun ici le sait, le statut de Paris a toujours présenté des spécificités fortes par rapport à celui des autres grandes villes françaises, même si l’une des lois Defferre de 1982 a lié Paris, Lyon et Marseille en prévoyant pour ces trois villes une administration déconcentrée par arrondissements. La particularité de Paris tient à des considérations politiques, et notamment au souhait de maîtriser une ville qui s’est longtemps distinguée dans tous les mouvements révolutionnaires et qui reste un lieu d’expression, sinon de manifestation et de contestation privilégié du fait notamment de la concentration des pouvoirs sur son territoire.

Les spécificités de Paris tiennent aussi à sa démographie très dense. La ville regroupe 2,24 millions d’habitants sur 105,4 kilomètres carrés – soit trois fois plus que la ville de Marseille qui ne compte que 800 000 habitants. La densité parisienne – de 21 300 habitants par kilomètre carré – est l’une des plus fortes d’Europe, loin devant Londres – 5 400 habitants par kilomètre carré – et Berlin – 4 000 habitants par kilomètre carré. Dans ce contexte, les enjeux de sécurité, de mobilité, de logement ou encore d’accès aux services publics ne se posent pas dans les mêmes conditions que sur le reste du territoire. Cela me paraît important à rappeler tant nous avons parfois le sentiment de vivre, dans ce pays, sur un territoire plutôt homogène, alors qu’il n’en est rien.

Enfin, la capitale française, qui représente, avec Londres, l’une des grandes métropoles internationales – il y en a très peu en Europe –, est engagée dans une forte compétition pour mettre en valeur ses atouts, attirer les talents et donc stimuler le développement du pays. L’un des objectifs poursuivis par ce texte, comme l’ont souligné les élus de tous bords que nous avons pu auditionner au cours des dernières semaines, est d’aller plus loin et de soutenir la dynamique nationale et internationale de la capitale, bien réelle comme l’ont rappelé Mme Hidalgo, maire de Paris, et M. Carenco, préfet de région, que notre Commission a auditionnés la semaine dernière.

Pour cela, monsieur le ministre, nous vous soutiendrons dans la mise en œuvre des réformes permettant de rationaliser le fonctionnement de la ville de Paris.

Le texte contient par ailleurs un volet dédié à l’aménagement du territoire – qui repose désormais pour partie sur les métropoles. Vos propositions en la matière conviennent aux rapporteurs. En outre, des précisions pourront être demandées et des améliorations suggérées par nos collègues par voie d’amendement et les rapporteurs ne se priveront pas de cette possibilité, pour peu que leurs propositions se révèlent utiles à telle ou telle partie du territoire et recueillent un consensus local.

Je reviens sur les cercles de jeux. À l’occasion d’un texte qui pourrait paraître anecdotique, voire amusant, nous touchons à la fin d’un système né en 1923 et dont nous savons qu’il a été profitable à de nombreuses organisations relevant du banditisme, mais aussi à d’autres. Avec Jean-Yves Le Bouillonnec, les services de l’Assemblée et le service central des courses et jeux, nous avons visité le dernier grand cercle parisien, celui de Clichy-Montmartre, il y a deux jours. Nous avons pu alors mesurer toute l’incongruité d’un système qui permet à des entreprises réalisant quelque 13 millions d’euros de chiffre d’affaires de ne pas être soumises à l’impôt sur les sociétés puisqu’il s’agit d’associations. C’est dire le travail qui nous attend ici et dans l’hémicycle…

Parallèlement, nous souhaitons aussi, concernant les clubs de jeux, que l’expérimentation parisienne puisse être étendue aux autres territoires. En effet, le jeu clandestin existe partout et ce système est un moyen de limiter les parties clandestines et de permettre à l’État et aux collectivités de tirer des recettes fiscales de ces activités. C’est une proposition que Jean-Yves Le Bouillonnec et moi vous soumettrons et dont nous discuterons avec vous.

J’évoquerai un autre élément qui, je le sais, ne relève pas directement de votre responsabilité, monsieur le ministre ; mais comme vous l’avez dit, vous êtes entouré de collaborateurs d’autres ministères. Nous souhaiterions avoir l’ordonnance que prépare le ministère de l’Intérieur. Je l’ai déjà dit une dizaine de fois : si nous ne l’avons pas, nous écrirons nous-mêmes le texte.

Pour ce qui est de l’élection des élus communautaires au suffrage universel direct, nous prenons acte de ce que vous nous avez dit, mais nous regrettons d’en être réduits à cela. Vous nous dites avoir besoin de temps pour répondre à cette question ; mais cela fait deux ans que l’article 54 de la loi MAPTAM est en vigueur. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il n’y a guère eu de volonté d’avancer en ce domaine : beaucoup ne souhaitaient pas que le suffrage universel direct s’applique aux métropoles. Or nous maintenons que les structures qui, à l’avenir, géreront le plus d’argent et qui auront au fond le plus de responsabilités à l’égard de nos concitoyens, devraient quand même passer par le suffrage universel pour valider leur programme. Cela étant, nous avons entendu vos propos et attendons donc avec intérêt le rapport que vous allez nous fournir – avant Noël, avez-vous dit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je prolongerai l’énoncé des questions que les deux rapporteurs souhaitent vous adresser, monsieur le ministre.

Le projet initial du Gouvernement prévoit la délégation de nouvelles compétences de la mairie centrale au profit des mairies d’arrondissement, notamment en matière de gestion des équipements de proximité. Le Sénat est allé beaucoup plus loin – peut-être même plus loin que ne l’envisageait l’opposition parisienne – en leur déléguant une nouvelle série de compétences, ce qui a pour effet, aux yeux des rapporteurs de la commission des Lois, de déséquilibrer les rapports entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement et de porter gravement atteinte à l’exigence de cohérence de la politique communale. Nous proposerons à notre Commission de revenir sur ces modifications qui ne semblent satisfaire personne. Toutefois, nous avons constaté que le dispositif parisien appliqué d’une manière plutôt informelle était sûrement, parmi les dispositifs en vigueur dans les trois grandes métropoles, celui qui allait le plus dans le sens de la loi PLM. Dès lors, serait-il possible d’étendre aux deux autres grandes métropoles, Lyon et Marseille, les nouvelles compétences confiées aux mairies d’arrondissement à Paris, qu’elles semblent pouvoir exercer de manière assez efficace ?

L’article 31 du projet de loi règle les modalités financières des transferts de compétences de la préfecture de police, c’est-à-dire de l’État, vers la ville de Paris. Le coût des nouvelles missions octroyées à la ville de Paris est estimé, selon l’étude d’impact, à 111 millions d’euros. Ayant interrogé le préfet de police, nous voudrions avoir des précisions sur les modalités d’évaluation de cette enveloppe. Pourquoi ne pas avoir procédé à une évaluation partagée des charges transférées, comme cela se fait habituellement lors des transferts de compétences, depuis la loi Chevènement relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ?

Le Gouvernement souhaite écarter l’aéroport d’Orly du nouveau dispositif qui place sous l’autorité du préfet de police les aéroports du Bourget et de Roissy. Nous comprenons qu’il faille sans nul doute différer la mise en œuvre d’une telle stratégie pour Orly en raison de l’incapacité de la préfecture de police à assumer la double responsabilité de l’aéroport, dans sa nouvelle configuration, et des territoires. Ne pourrions-nous néanmoins savoir dans quels délais précis le dispositif pourra être normalisé et s’appliquer également à l’aéroport d’Orly ?

L’article 41 du projet de loi initial proposait de créer quatre nouvelles métropoles au bénéfice des communautés urbaines de Dijon et de Saint-Etienne, ainsi que des communautés d’agglomération d’Orléans et de Toulon. Nous approuverons le rétablissement de ce dispositif et nous sommes en train d’évaluer la possibilité de permettre à Metz, Clermont-Ferrand et Tours d’accéder également à ce statut. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quel rôle doivent, selon vous, jouer les métropoles alors que nous nous apprêtons à en étendre fortement le nombre ? Quelles doivent être leurs relations avec la région et les départements concernés ? Ces nouvelles métropoles bénéficieront-elles des pactes État-métropole dont le financement est prévu par le projet de loi de finances pour 2017 en cours d’examen ?

M. le ministre. Je remercie tout d’abord les rapporteurs d’avoir souligné, comme je venais de le faire, la spécificité de Paris et d’avoir donné leur accord à la création de sept nouvelles métropoles. Il me semblerait souhaitable que la création des trois métropoles supplémentaires – Metz, Tours et Clermont-Ferrand – soit portée par un amendement des rapporteurs car au Sénat, je suis arrivé avec un article 41 prévoyant la création de quatre métropoles et c’est par la voie d’un amendement parlementaire, auquel j’ai donné un avis favorable au nom du Gouvernement, qu’ont été proposées les trois autres. Par conséquent, je crois qu’il serait bon de continuer selon la même méthode. Cela étant, est-il besoin que chaque création de métropole nouvelle fasse l’objet d’un amendement différent ? S’il y a un consensus entre le Gouvernement, la Commission et les rapporteurs, je pense que ces derniers pourraient utilement proposer un amendement global incluant les trois métropoles supplémentaires. Bien naturellement, le Gouvernement y sera favorable.

Les rapporteurs ont également évoqué des possibilités d’amélioration des métropoles, en dehors de ce qui est prévu dans ce texte de loi. M. Le Bouillonnec m’a interrogé plus précisément sur le rôle des métropoles et sur leurs relations avec le département. Nous avons effectivement choisi de ne pas nous en tenir à trois, quatre ou cinq métropoles extrêmement puissantes, considérant qu’il était utile pour la France d’avoir un maillage métropolitain qui couvre l’ensemble du territoire. Dès lors, il était souhaitable de créer un certain nombre de métropoles nouvelles. Cela n’est évidemment pas sans conséquence sur les relations avec la région et sur l’équilibre, qu’il faut désormais trouver, entre la région et la métropole. La loi NOTRe a porté création de régions beaucoup plus importantes en termes de taille et de représentativité démographique, mais également en termes de compétences. La création des métropoles aux côtés des régions n’est pas un événement banal et il faudra trouver la complémentarité entre l’État et la métropole ; et la question se pose avec davantage d’acuité encore en ce qui concerne les départements. Vous savez quelles sont mes convictions en la matière – les combats que j’ai menés pour le département – mais force est de constater que lorsqu’il y a une métropole très puissante sur certains territoires, au-delà de la région, il faut trouver les bons équilibres. D’ailleurs, le département où la question se pose le plus est le vôtre, monsieur le rapporteur Mennucci, puisque je crois que seules dix-neuf communes des Bouches-du-Rhône n’appartiennent pas à la métropole.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. C’est exact.

M. le ministre. Cela veut dire que le département n’est spécifiquement compétent que sur dix-neuf communes… Cela demande pour le moins réflexion et chaque dossier doit être instruit, en complémentarité avec la loi NOTRe, dans la tranquillité et en concertation avec l’ensemble des élus concernés – vous savez que c’est ma méthode. Mais vous avez raison, l’un et l’autre, de soulever ce genre de questions.

Concernant les cercles de jeux, le Gouvernement n’est pas, par principe, défavorable à l’idée d’étendre la règle aux territoires après expérimentation à Paris. Mais à ce stade, il est prématuré de l’afficher de manière ostensible. N’oubliez pas qu’en dehors de Paris, beaucoup de villes ont désormais des casinos et qu’une telle mesure ne manquera pas d’entraîner des réactions des casinotiers. Nous sommes donc favorables au principe qui sera énoncé dans l’exposé sommaire de l’amendement de rétablissement de l’article 28. Mais là encore, il faut que cela se fasse dans la tranquillité, la sérénité, la concertation et la discussion.

Le ministère de l’Intérieur s’est engagé à vous transmettre le contenu de l’ordonnance. Il vous fera donc passer – je suis rigoureux quant aux engagements que nous prenons – une fiche présentant les éléments structurants de l’ordonnance, fiche qui n’est pas encore rédigée, mais qui le sera dès demain soir. Je veux préciser que sur ce sujet, le Gouvernement est défavorable à une rédaction « en dur » dans la loi dans la mesure où l’élaboration de l’ordonnance nécessitera, là encore, une concertation avec la profession, qui n’a pas encore été engagée.

Enfin, nous avons évoqué le suffrage universel des élus communautaires lorsque nous nous sommes rencontrés dans les jours qui ont suivi ma nomination. Je n’ai pas à juger de la situation et m’en garderais bien. Mais nous avons constaté ensemble qu’effectivement, les engagements pris dans la loi NOTRe n’avaient pas été respectés. Je vous ai donc dit que je créerai les conditions, en liaison avec mon collègue et ami Bernard Cazeneuve, pour qu’ils le soient. Ce sera le cas, très rapidement, pour le rapport qui sera donc publié. Je vous ai promis que je soulèverai le sujet moi-même si personne ne l’évoquait, lorsque je viendrai présenter ce texte. Je savais que vous l’évoqueriez à l’Assemblée nationale mais je n’en étais pas sûr au Sénat. J’ai donc souhaité que ce soit fait car lorsqu’un problème se présente, le mieux est de l’affronter. La loi prévoit cette élection au suffrage universel : soit nous décidons de l’appliquer et enclenchons la procédure, soit le Parlement considère que la décision a été prise dans un moment d’enthousiasme effréné et qu’il n’était pas souhaitable qu’il en soit ainsi – toute une école soutient qu’il n’est pas opportun d’élire les conseillers communautaires au suffrage universel –, auquel cas il faut abroger l’article en cause. Nous en avons discuté et nous avançons sur le sujet mais, disons-le clairement, nous ne pourrons pas respecter les délais prévus par la loi. C’est pourquoi je propose de les reporter à 2019.

Monsieur le rapporteur Le Bouillonnec, vous avez évoqué les compétences des arrondissements de Paris et la possibilité de les étendre à Lyon et Marseille. La moindre des choses serait d’en parler avec les maires, les exécutifs, les élus de ces villes, c’est-à-dire l’ensemble des conseillers de Lyon et Marseille, et les parlementaires. Lorsque nous verrons quelle orientation se dégage de cette consultation, nous pourrons, si nécessaire, enclencher une évolution dans ce sens ; mais le texte que je vous présente, même s’il nous permet d’aborder d’autres sujets, ne concerne pour l’heure que Paris et les métropoles. Je reste néanmoins ouvert à la réflexion sur le sujet.

Concernant la compensation du transfert de charges de la préfecture de police à la ville de Paris, l’évaluation sera faite par convention selon des modalités particulières car la plus grande partie de la dépense est supportée par le budget spécial de la préfecture de police qui relève de la ville et non par l’État. Il s’agira donc de débaser le budget spécial au profit du budget général.

Enfin, s’agissant d’Orly, Roissy et Le Bourget, le texte est présenté ainsi. Le ministre de l’Intérieur est ouvert et comprend bien que dès lors qu’on fait évoluer les choses pour deux aéroports, le troisième devra lui aussi évoluer à un moment donné – que nous essaierons de préciser d’ici au passage du texte en séance publique. Mais la configuration spécifique de Roissy-Le Bourget, avec une forte urbanisation autour de l’aérogare, justifie cette réforme. À Orly, la configuration est différente ; pour l’heure, le ministre de l’Intérieur considère que la réforme n’y apporte pas de plus-value opérationnelle, ce d’autant plus qu’Orly est très lié aux aéroports de province.

M. Olivier Dussopt. Le groupe socialiste, écologiste et républicain voit avec plaisir arriver à l’Assemblée nationale ce texte important qui était attendu, notamment par les élus parisiens. Je tiens d’emblée à saluer le travail de la ville de Paris, en lien avec le Gouvernement et les parlementaires – notamment Sandrine Mazetier, députée de Paris présente parmi nous – pour faire en sorte que ce texte soit le plus opérationnel possible. Je voudrais aussi saluer le travail des rapporteurs qui ont pris le temps de rencontrer l’ensemble des acteurs politiques de Paris et de la métropole du Grand Paris.

Ce texte permettra de moderniser le statut de la ville de Paris en fusionnant la commune et le département pour créer une collectivité unique à statut particulier, ce qui simplifiera les démarches administratives, améliorera la lisibilité de l’action publique et facilitera la gestion de la ville. Il importe que Paris ait enfin une structure juridique qui soit à la hauteur de sa place en France, en Europe et comme ville-monde, pour reprendre l’expression désormais consacrée.

Le groupe SER, lors de l’examen de ce texte, sera attentif à plusieurs points particuliers.

Il convient tout d’abord que la ville de Paris soit garantie dans toutes ses prérogatives et dans toute sa force. Cela nécessitera, comme cela a été dit par les rapporteurs et par M. le ministre, de rééquilibrer le texte issu du Sénat et de revenir sur certaines dispositions qui déstabilisent beaucoup trop la répartition des pouvoirs entre les mairies d’arrondissement et la mairie centrale. Certains sujets comme l’action sociale, les politiques éducatives, les subventions aux associations et le logement nécessitent, pour la cohésion sociale et le développement de Paris, d’être traités à l’échelle de la ville tout entière et non pas d’être confiés uniquement à l’échelle des arrondissements qui, cela a été rappelé, n’ont pas de personnalité morale. Nous soutiendrons bien évidemment les amendements qui permettront le rétablissement du texte gouvernemental.

Nous porterons également une attention particulière à la modernisation de la répartition des pouvoirs de police entre la préfecture de police de Paris et la ville de Paris. Le fait que le préfet de police ait également compétence sur l’agglomération nécessite de notre part une certaine prudence dans les modifications que nous introduisons de manière à ne pas créer de distorsions entre Paris et les communes voisines. Il nous faut aussi être prudents en matière de gestion des transferts : certaines dispositions prévoient des périodes transitoires, notamment pour le personnel. Il convient également de corriger certains ajouts un peu baroques du Sénat, dont un qui aurait privé et la préfecture de police de Paris et la ville de Paris de la gestion des voies sur berges – car tout le monde aura compris ce qui se cache derrière cet amendement sénatorial.

Autre point important : l’équilibre démocratique. Nous soutiendrons la création d’un secteur unique pour les quatre premiers arrondissements. D’ores et déjà, des coopérations extrêmement fortes se sont instaurées entre ces arrondissements, qui en facilitent la fusion. Surtout, cela nous rapprochera du principe d’égalité des suffrages dans la mesure où l’écart de population entre l’arrondissement le moins peuplé et l’arrondissement le plus peuplé a explosé, passant de 3,9 en 1872 à 13,9 en 2015. L’écart entre conseillers de Paris par arrondissement varie de +24 % pour le 1er arrondissement à -19 % pour le 2e arrondissement, ce qui n’est pas acceptable non plus au regard du principe précité.

Certaines autres dispositions du texte nous semblent très utiles, à commencer par celles qui visent les cercles de jeux. Il faut en effet en finir avec un modèle devenu anachronique – pour user d’un euphémisme – et en venir à un système permettant, d’une part, une expérimentation qui sera sûrement utile à d’autres territoires et, d’autre part, d’assurer une certaine transparence et de faire en sorte que le jeu à Paris puisse se développer dans des conditions acceptables par tous.

Sont également utiles les dispositions relatives à l’aménagement qu’il faut certainement améliorer, conforter et élargir : je pense notamment aux opérations qui doivent être organisées et prévues autour de la gare du Nord. Cela nécessitera peut-être de réfléchir à la capacité, que n’a pas aujourd’hui la SNCF, d’intégrer des sociétés d’économie mixte (SEM) à opération unique, ou encore à la nécessité de prévoir la structure qui portera l’organisation des Jeux Olympiques et, en premier lieu, la candidature parisienne à ces jeux. En matière d’aménagement, il est utile, pour Paris comme pour d’autres territoires comme La Défense, que des dispositions relatives à la maîtrise du foncier et à l’aménagement urbain soient prévues dans ce texte.

En ce qui concerne l’aménagement métropolitain, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra le rétablissement des quatre projets de création de métropoles prévus par le texte gouvernemental à Saint-Étienne, Toulon, Orléans et Dijon. Il soutiendra aussi la création de trois métropoles supplémentaires à Clermont-Ferrand, Metz et Tours. Si nous comprenons le souci de cohérence du Gouvernement, je persiste à penser que le dépôt d’un amendement par ce dernier pourrait être opportun dans la mesure où la création, par amendement parlementaire, de trois nouvelles intercommunalités dotées de prérogatives particulières, telles que le sont les métropoles, pourrait se heurter à un problème de recevabilité financière.

Nous devons – et je sais que c’est l’objectif du Gouvernement et des rapporteurs – déterminer la liste de ces nouvelles métropoles à l’aide de critères suffisamment clairs pour ne pas aller au-delà des vingt et une ou vingt-deux métropoles que nous allons créer dans le cadre de la loi MAPTAM, du décret créant la métropole de Nancy et du sillon Lorrain et de ce nouveau texte. Il serait assez surprenant, pour ne pas dire plus, que la France en vienne à compter plus de métropoles que toute l’Europe réunie ; nous devons aussi faire attention aux autres éléments du statut de métropole. Vous en avez notamment évoqué la relation particulière avec les régions, monsieur le ministre. Le rapporteur de la loi NOTRe, que j’ai été, a en tête que le degré de prescriptibilité des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) n’est pas le même pour les métropoles que pour les autres intercommunalités. Cette remarque vaut aussi pour le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). L’autre spécificité tient au lien entre les métropoles et les départements : en vertu des lois MAPTAM et NOTRe, les métropoles et les départements sont tenus d’arriver à un accord sur la délégation, par les départements aux métropoles, de certains blocs de compétences que la loi a définis. À défaut d’accord, un nombre minimal de blocs sont automatiquement et intégralement délégués. Nous savons qu’en certains points du territoire – je pense notamment à l’Hérault –, le dialogue n’est pas évident entre la métropole et le département. Or la même discussion s’ouvrira inévitablement à chaque fois que nous permettrons la création d’une métropole ; et dès lors que se pose la question d’une délégation de compétences aussi étendue, non plus dans neuf ou quatorze, mais dans vingt et un ou vingt-deux départements sur le territoire, celle de l’homogénéité de l’échelon départemental peut aussi se poser. Il nous faudra donc veiller à ce la liste de métropole puisse être définitivement arrêtée grâce aux critères que nous aurons définis.

Sur la question du suffrage universel direct, enfin, nous regrettons que le rapport prévu par la loi MAPTAM ne soit pas arrivé plus tôt devant le Parlement mais vous avez pris l’engagement, monsieur le ministre, qu’il lui soit présenté bientôt. En tout état de cause, malgré l’attachement très fort – et légitime – de certains de nos collègues à cette question, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra le report que vous proposez – à condition qu’il s’agisse bien d’un report et non d’un enterrement.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, vous avez parlé clair et juste dans la présentation de ce texte en rappelant qu’il s’agissait pour notre ville d’en revenir, pour l’essentiel, au droit commun des collectivités, dans le respect de ses spécificités de capitale. Le Gouvernement souhaite accompagner une déconcentration des pouvoirs et une meilleure organisation entre la ville et les arrondissements, mais aussi entre la préfecture de police et la ville, pour le plus grand bénéfice des Parisiens – de nombreuses actions étant plus efficaces quand elles se décident et se gèrent dans la proximité. Il importe en même temps de rappeler, en particulier dans un contexte où le risque terroriste demeure à un niveau élevé, qu’il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause les prérogatives de sécurité publique du ministère de l’intérieur et de la préfecture de police.

Je vous remercie également d’avoir insisté sur le souci d’équilibre démocratique et politique qui anime cette réforme, et d’avoir souligné cette volonté d’accompagner les mutations et les évolutions démographiques qui ont créé des déséquilibres de représentation démocratique. Cette réforme se fait dans l’apaisement et le respect des équilibres politiques de la capitale. Cette évolution tranquille et de bon sens tranche énormément avec les amendements adoptés au Sénat à l’initiative de la droite et qui seront, j’imagine, repris par certains de nos collègues du groupe Les Républicains au cours des débats de notre assemblée. Le contraste est énorme car la droite propose, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, d’en revenir à de vieilles pratiques que les Parisiens ont condamnées au tournant du siècle, déterminés à se débarrasser du pouvoir discrétionnaire d’attribution de subventions et de logements qui était à la main des maires d’arrondissement dans une opacité qui a entraîné les dérives que l’on sait.

Si nous suivions la logique proposée par la droite sénatoriale, et reprise par une partie de la droite à l’Assemblée, nous serions confrontés aux mêmes dérives. En matière de sécurité, des sommets sont atteints : demander la création d’une police municipale exerçant les mêmes prérogatives que dans d’autres villes est totalement irresponsable, compte tenu des enjeux de sécurité de la capitale et de la densité de la zone. Le préfet de police de Paris a une responsabilité à l’égard non seulement des Parisiens mais aussi de l’ensemble des habitants de l’agglomération et, d’une certaine manière, de l’ensemble des Françaises et des Français ainsi que des millions de touristes qui fréquentent notre ville « belle et rebelle », comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

Pour finir, je vous remercie d’avoir annoncé par avance que le Gouvernement souhaitait revenir à l’équilibre initial du projet de loi.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous nous interrogeons toujours sur les raisons qui ont motivé l’inscription en urgence de ce projet de loi à l’ordre du jour pourtant chargé de notre assemblée, à quelques semaines de la fin de la législature.

Cette raison serait-elle la fusion de la ville et du département de Paris ? Je ne le crois pas puisque cette mesure technique est déjà quasiment en vigueur dans la pratique et ne relève pas véritablement de l’urgence.

Serait-ce le transfert de compétences de l’État vers la ville, pour mieux assurer certaines fonctions au profit des Parisiens, notamment en vue d’améliorer leur sécurité et leur tranquillité ? Je ne le crois pas non plus, tant les compétences transférées sont réduites à la portion congrue, y compris d’ailleurs dans le domaine important de la circulation.

Serait-ce le transfert de compétences de la ville vers les arrondissements, afin d’offrir un meilleur service de proximité aux Parisiens ? Pas davantage : les transferts concédés du bout des lèvres par la maire de Paris sont mineurs, ils ne permettent pas d’identifier une ligne directrice dans cette révision du statut de la capitale d’autant que les pratiques décentralisatrices constatées sur le terrain contredisent chaque jour un peu plus le discours décentralisateur qu’elle tient.

Serait-ce la simplification de l’architecture institutionnelle francilienne qui enchevêtre les compétences des différentes collectivités, pour plus d’efficacité et moins de dépenses de fonctionnement ? Malheureusement non, puisque ce projet ne concerne ni la région ni la métropole du Grand Paris.

Quelle est donc la raison qui motive l’inscription de ce texte à notre ordre du jour ?

Concrètement, la seule mesure significative du projet est la fusion des quatre arrondissements centraux. Une mesure qui n’a pas pour objet l’intérêt communal ou l’intérêt des Parisiens mais qui permet à l’exécutif de ménager et de contenir une « gauche de la gauche » potentiellement rivale, en offrant à Mme Hidalgo une circonscription redécoupée sur mesure dans laquelle elle pourra nourrir l’espoir d’emporter en 2020 la mairie avec la majorité des voix des Parisiens – ce qui n’avait pas été le cas lors de son élection de 2014.

Fusionner dans un secteur unique les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements n’a rien de neutre politiquement, contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire. Cela revient à transformer le centre de la capitale en forteresse du socialisme municipal. En 2014, il n’aura manqué que 55 voix à la droite pour remporter le 4e arrondissement – et dans des conditions telles qu’elles ont fait l’objet d’un recours ; en 2020, à périmètre constant, ce sont près de 3 000 voix qui manqueront à la droite pour l’emporter dans le nouveau secteur unique ! Preuve que cette fusion n’a d’autre but que de bétonner politiquement le centre de Paris.

C’est donc d’une réformette électorale et partisane que le Parlement a été saisi. Et c’est ce qui a amené nos collègues du Sénat, début novembre, emmenés par le sénateur de Paris Pierre Charon, à corriger et muscler le texte par des modifications qui nous paraissent pertinentes. Je voudrais revenir brièvement sur trois d’entre elles.

Premièrement, les sénateurs ont, comme nous le souhaitions, supprimé la fusion des quatre arrondissements du centre en un secteur unique, la jugeant motivée, on l’a bien compris, par des fins politiques personnelles. La répartition actuelle des conseillers de Paris entre arrondissements a été explicitement validée par le Conseil constitutionnel : que l’on ne nous parle donc pas d’un problème qui n’existe pas. Et si le Gouvernement et sa majorité étaient si soucieux de remettre à plat les questions de représentativité, ils ne se préoccuperaient pas seulement des arrondissements de Paris. Auraient-ils donc l’intention de fusionner toutes les communes de la métropole dont la population est inférieure à 20 000 habitants ? La question est posée ; et naturellement, les maires devraient en être informés…

Deuxièmement, les sénateurs ont cherché à mettre les compétences au bon niveau, pour résoudre les problèmes réels auxquels sont confrontés les Parisiens tous les jours. C’est dans cet esprit qu’ils ont proposé l’attribution aux arrondissements d’une compétence sur les sujets de proximité tels que le nettoyage, l’entretien et la réfection des voiries, la mise en œuvre des actes d’acquisition et de préemption, la délivrance des permis de construire ainsi que des autorisations relatives aux élagages et aux terrasses, les services de la petite enfance et de la restauration scolaire, l’attribution des logements sociaux ainsi que des subventions aux associations concernant le seul arrondissement.

Pourquoi cela ? Non pour faire plaisir aux maires d’arrondissement, mais parce que c’est à cette échelle-là que les choix sont les plus pertinents ; et c’est d’ailleurs à cette échelle-là que les Parisiens interpellent leurs élus en se tournant naturellement vers leur maire d’arrondissement. Certes, il faut trouver le bon dosage et la bonne méthode ; ce pourrait être un bel exercice pour notre Commission que de prolonger le travail entamé au Sénat : entre la situation actuelle où les arrondissements n’ont strictement aucun pouvoir, et leur transformation en communes de plein exercice, il y a suffisamment d’espaces pour trouver un équilibre. À cet égard, l’évolution proposée par le Sénat est encourageante.

Troisièmement, la même approche a prévalu en ce qui concerne la police. La préfecture de police est aujourd’hui mobilisée en priorité, et c’est bien normal, par les questions de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme, ce parfois au détriment de ce que l’on pourrait appeler la police quotidienne – la lutte contre les dégradations volontaires ou les petits trafics, les tapages, la vente à la sauvette, la mendicité agressive, la gestion de la circulation. Je veux parler d’infractions qui se situent dans un entre-deux, allant plus loin que les incivilités dont la maire de Paris a parlé dans son audition et moins loin, bien sûr, que le terrorisme. Elles ne sont pas prises en compte et les Parisiens ne reçoivent pas les services auxquels ils ont droit. La priorité va être donnée aux PV, ce qui permettra sans doute de renflouer pour partie les caisses de la ville, mais ne répondra pas aux urgences des Parisiens.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons le dispositif adopté par le Sénat, un dispositif semblable à celui appliqué en petite couronne. Le préfet de police de Paris conserverait une compétence en matière de sécurité intérieure, mais la ville de Paris disposerait d’une police municipale, qui compléterait l’action de la préfecture de police pour le type d’infractions que j’évoquais.

Je pourrais aborder bien d’autres sujets encore. La vérité, c’est qu’une grande loi sur le statut de Paris devrait forcément intégrer une réflexion sur la région, sur la métropole et d’importants transferts, aussi de bien de l’État vers la ville de Paris que de la ville vers les arrondissements. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec un texte sans périmètre approprié, sans contenu autre qu’une mesure politique destinée à des fins personnelles.

M. Philippe Briand. Monsieur le président, nous vous remercions, avec Serge Grouard, de nous accueillir au sein de votre Commission. Nous remercions aussi M. le ministre pour le travail important que nous avons pu mener avec lui autour de nos projets.

Je tiens à souligner l’extraordinaire mobilisation de tous les acteurs d’un territoire. On oppose souvent la métropole aux territoires ruraux. En Touraine, le projet métropolitain a été voté à l’unanimité non seulement par la communauté d’agglomération, mais aussi par le conseil général, droite et gauche, monde urbain et monde rural confondus. Il a été également approuvé par tous les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, qui ont vu là une chance formidable pour le département de trouver un moteur de croissance et un levier pour l’aménagement du territoire dans la région Centre : jusqu’à présent, les métropoles sont principalement périphériques – elles partent de Lille, elles suivent la mer, elles descendent vers Marseille et elles remontent le sillon rhodanien. En termes d’aménagement du territoire, il y avait un travail à faire pour le cœur de la France. C’est ce que nous avons fait chez nous : nous avons adopté notre projet métropolitain, puis nos chartes de gouvernance. La mobilisation a été impressionnante.

À l’issue de l’adoption du présent projet de loi, la région Centre comptera selon toutes probabilités deux métropoles : Orléans et Tours, deux territoires qui s’entendent, et qui ont la bénédiction du conseil régional.

J’aurai une question, monsieur le président : au lieu de laisser chacun déposer son petit amendement, ne serait-il pas mieux qu’un amendement général soit présenté, qui reprendrait les quatre métropoles de Dijon, Orléans, Saint-Etienne et Toulon, et les trois dernières, Tours, Metz et Clermont-Ferrand ? Il pourrait émaner soit des rapporteurs, soit du ministre lui-même, ce qui aurait une portée symbolique forte.

M. Serge Grouard. À mon tour, monsieur le président, de vous remercier d’accueillir deux membres de la commission de la Défense dans votre réunion de la commission des Lois. À mon tour aussi de vous remercier, monsieur le ministre, pour votre esprit d’ouverture et de cohérence pour la partie qui nous concerne, nous provinciaux : la question des métropoles. Cela fait des années – M. Dussopt s’en souvient – qu’Orléans souhaite bénéficier du statut de métropole et j’ai été très heureux d’entendre vos propos positifs.

La création de nouvelles métropoles permet une mise en cohérence à l’échelon régional : Orléans et Dijon, par leur nouveau statut, pourront être à parité avec les capitales de leur région respective.

En outre, dans la région Centre, elle permet un rééquilibrage des territoires. Le très grand centre français était jusqu’à présent dépourvu de métropoles, qui se situent avant tout en périphérie comme l’a souligné Philippe Briand – la carte est très parlante. Le maillage territorial sera désormais plus harmonieux.

Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’avoir bien voulu rétablir l’article 41 supprimé par nos collègues du Sénat.

Quant à la proposition que vous avez formulée pour l’article 42 nouveau, elle me paraît très pertinente. Orléans et Tours sont des villes jumelles : si l’une avait le statut de métropole et l’autre pas, me mettant à la place de nos amis tourangeaux, je trouverais quelque injustice à cette situation. Vous prenez en compte les demandes qui ont été formulées. Dans nos territoires respectifs, nous souhaitons faire vivre ce statut et mettre à profit la dynamique qui en résultera, une envie qui dépasse largement les clivages politiques.

Je terminerai par l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution évoquée par M. Dussopt. Je ne voudrais pas que tout vienne à s’effondrer au dernier moment après un si long cheminement et tant d’énergie dépensée. Si vous pouviez nous rassurer sur ce point, monsieur le président, nous ressortirions de cette réunion totalement détendus et sereins. Nous souhaitons que le processus aille à son terme et nous veillerons à l’accompagner.

M. Philippe Goujon. Le modeste maire d’arrondissement que je suis prend la parole en dernier ; c’est à peu près le même sort qui nous est réservé dans le projet de loi qui nous est soumis… Nathalie Kosciusko-Morizet a d’ailleurs fort bien démontré que ce texte n’avait pour seul objet que des préoccupations électoralistes et politiciennes.

Il répond à une injonction adressée par la maire de Paris au Président de la République et au Gouvernement, car voyant la situation politique se dégrader au niveau régional et national, elle cherche à se « bunkériser » dans son beffroi de l’Hôtel de Ville – pas très efficacement d’ailleurs.

Ce texte est une occasion manquée : on ne réforme pas le statut de Paris sur un coin de table après l’examen d’un simple vœu, examiné à la va-vite, suivi d’un projet de loi voté en catimini, en fin de législature, après un engagement de la procédure accélérée que vous aurez beaucoup de mal à justifier. Ce texte est un fourre-tout, qui va d’une énième modification du statut de la métropole du Grand Paris – comme si nous n’en avions pas eu assez depuis quelques mois – et des métropoles en général, jusqu’à la création de casinos dans la capitale ! Si c’est cela, le principal fondement du texte, c’est assez pathétique.

Nouvelle occasion manquée pour sortir Paris de sa tutelle, ce projet de loi ne s’attaque pas au bon sujet ; il ne va pas assez loin. Bref, beaucoup de bruit pour rien !

Faire vivre à Paris la démocratie locale aurait exigé que son statut particulier, inhérent à toute capitale, n’empêche pas la ville de fonctionner démocratiquement au niveau local. Un deuxième niveau de décentralisation aurait été nécessaire : cela aurait supposé d’attribuer des compétences aux maires d’arrondissement. Or celles-ci sont pratiquement absentes du texte. Ils sont pourtant devenus en trente-cinq ans les véritables interlocuteurs des habitants, et c’est sans doute l’une des principales réussites de la loi PLM que d’avoir su les faire exister.

Les maires d’arrondissement sont pleinement reconnus comme échelon principal de proximité mais ils sont pris en étau : les Parisiens les considèrent comme des maires de plein exercice alors qu’ils n’ont pas les pouvoirs de répondre à toutes les questions du quotidien et sont de surcroît frappés par la règle du non-cumul des mandats. C’est la double peine… Pourtant, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée sur mon amendement visant à ce que les maires d’arrondissement échappent à cette règle. Comprenne qui pourra !

Pour que les maires d’arrondissement ne soient plus des « géants politiques et des nains administratifs », selon les termes du professeur Michel Verpeaux, il est temps aujourd’hui d’en faire vraiment les « interlocuteurs naturels des habitants », pour reprendre la formule qu’utilisait Bertrand Delanoë lorsqu’il était maire – sans avoir fait beaucoup pour la rendre effective.

Nous nous réjouissons des avancées sénatoriales. Notre assemblée doit les maintenir, même si elle peut apporter aussi des améliorations au texte : nous sommes tout prêts à ouvrir le débat, si toutefois il n’est pas censuré par avance.

Ce projet de loi doit être l’occasion de confirmer les compétences nouvelles qui sont données aux maires d’arrondissement, au-delà de la réforme a minima contenue dans le projet de loi initial.

Il importe d’élargir aux maires d’arrondissement la délégation par la mairie centrale de la compétence « propreté » et « voirie » – on se demande vraiment pourquoi la maire de Paris devrait décider du coin de rue à balayer –, et de leur transférer l’attribution des subventions aux associations et des logements – c’était d’ailleurs un projet de Bertrand Delanoë, qui n’a pas pu aboutir. À ce propos, je n’ai pas compris la diatribe de Mme Mazetier qui, n’ayant jamais été maire d’arrondissement, ne connaît pas forcément ce sujet. Depuis la loi PLM, l’attribution des logements suit la même procédure.

Mme Sandrine Mazetier. Bien sûr, la procédure d’attribution des logements est connue pour être totalement transparente dans le 15e arrondissement…

M. Philippe Goujon. Adressez plutôt vos critiques à mon prédécesseur. Nous ne remettons pas en cause les commissions d’attribution de logements, nous voulons aller vers plus de décentralisation en permettant aux maires d’arrondissement de disposer réellement d’un contingent de logements à attribuer. Les dérives que vous avez évoquées viennent sans doute davantage de la mairie centrale que des maires d’arrondissement qui n’ont jamais eu davantage de pouvoirs en ce domaine.

Mme Sandrine Mazetier. M. Tibéri le confirmera !

M. Philippe Goujon. Dans ce périmètre élargi, pensons encore à la compétence des services de la petite enfance situés dans l’arrondissement ou encore à la confirmation de la possibilité pour les caisses des écoles de gérer la restauration scolaire, tous domaines qui font l’objet d’une volonté effrénée de recentralisation de la part de la mairie de Paris. Il en va de même pour les centres d’action sociale d’arrondissement, les conservatoires de musique et j’en passe.

Les amendements sénatoriaux procèdent également à une réforme opportune du calcul de la dotation de gestion locale à l’article 16 bis et de la dotation d’animation locale. Ils ont permis la suppression de la commission permanente, instance qui a pour seul objet de retirer tous ses pouvoirs au Conseil de Paris afin de les confier à quelques happy few regroupés autour de la maire de Paris.

J’en viens aux pouvoirs de police. La frilosité dont fait preuve le texte est remarquable. Avez-vous donc peur, monsieur le ministre, que de nouveaux sans-culottes marchent sur l’Élysée ou Matignon ? Comment pouvez-vous vous prétendre décentralisateurs et maintenir l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII qui continue d’organiser les pouvoirs de police à Paris ? Plus de deux siècles après, les Parisiens se sont calmés… Ils n’ont sans doute pas l’intention de brandir des fourches et des piques pour faire trembler le pouvoir central. Ils ont à leur disposition des moyens plus démocratiques pour cela.

Une police municipale est aujourd’hui indispensable, comme dans les autres capitales mondiales ou les plus importantes villes de province, pour assurer une mission qui ne l’est plus : garantir la tranquillité publique, qu’il faut distinguer de la sécurité générale. La préfecture de police est totalement accaparée, et personne ne l’en critique, par sa mission première : la lutte contre la criminalité et le terrorisme et le maintien de l’ordre public. La création de cette police municipale est d’autant plus urgente que la préfecture de police ne peut plus assumer vraiment sa mission de veiller à la tranquillité publique : l’îlotage a disparu et les désordres de voie publique sont récurrents.

J’appelle l’attention sur une mission qui n’est plus assurée depuis des années par la préfecture de police – et je ne vois pas comment elle voudrait conserver une fonction qu’elle n’exerce plus. Je veux parler de la circulation.

Les conditions de circulation à Paris sont devenues inextricables et la récente fermeture de la voie sur berges n’a pas arrangé les choses. Il est indispensable de mettre en place une police de la circulation, à l’instar de celle qui existe dans la plupart des capitales où c’est le rôle de la police municipale. Or l’article 21 instaure une répartition kafkaïenne des compétences liées à la réglementation de la circulation et du stationnement, totalement impraticable tant elle est devenue confuse.

La solution pour à la fois restaurer la tranquillité des Parisiens et tenir compte du statut particulier de la capitale a été trouvée par le rapporteur du Sénat : la préfecture de police conserverait ses missions de maintien de l’ordre public, de lutte contre la criminalité et le terrorisme tandis que le maire de Paris aurait la compétence de la tranquillité publique, déjà dévolue aux maires de province par la loi relative à la prévention de la délinquance. Les agents de surveillance de Paris seraient ainsi amenés à assurer des fonctions comparables à celles des policiers municipaux des villes de petite couronne et constitueraient une police municipale armée à l’instar de celle des grandes villes françaises et des capitales européennes.

Enfin, transférer les agents de surveillance de Paris à la ville de Paris est une opération lourde, qui ne pourrait se justifier que par la création d’une police municipale formée par ces ASP et les quelque 2 000 agents municipaux – inspecteurs de sécurité de la ville de Paris (ISVP), agents d’accueil et de surveillance (AAS), etc. – relevant de la direction de la prévention, de la sécurité et de la protection. Cela éviterait à la mairie de Paris et à la préfecture de police d’engager un budget supplémentaire puisque ces personnels existent déjà.

Je conclurai, mes chers collègues, en vous exhortant à ne pas mettre en péril l’équilibre satisfaisant auquel le Sénat, dans sa sagesse, est parvenu en améliorant très judicieusement ce texte, grâce aux amendements de notre collègue Pierre Charron, pour le doter de l’esprit réformateur qui lui manquait, sans aller aussi loin que Gaston Defferre qui avait proposé dans la première version de la loi PLM de faire des mairies d’arrondissement de Paris des mairies de plein exercice.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Donnez-nous donc le nom du coupable qui a refusé cette réforme ? Il s’agit du très respecté Jacques Chirac !

M. Philippe Goujon. Il est tout de même étonnant de vous entendre dire que c’est le maire de Paris de l’époque qui a obligé l’actuel gouvernement de François Hollande à reculer… C’est vraiment lui donner beaucoup d’importance.

M. le président Dominique Raimbourg. Je vous invite à prendre la parole, monsieur Le Bouillonnec, pour apporter une précision à propos de l’article 40 de la Constitution.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. M. Briand et M. Grouard ont fait part de leurs inquiétudes. Le Gouvernement vient de réitérer son intention de créer les quatre premières métropoles et de donner son accord pour la création des trois autres, le problème de l’article 40 ne se pose donc plus. Il n’y a donc aucune ambiguïté là-dessus. Qu’ils soient donc rassurés.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Compte tenu de la notoriété de M. Goujon et du sérieux qu’on lui accorde généralement, je ne voudrais pas que ses propos sur les cercles de jeux soient repris. Je tiens à le dire avec la plus grande fermeté : le projet de loi n’a aucunement vocation à créer des casinos dans Paris ; il se borne à modifier le régime des cercles de jeux. Leur statut associatif leur permet à la fois d’échapper à tout prélèvement au titre de l’impôt sur les sociétés et d’organiser une fuite de leurs capitaux. Nous voulons qu’ils puissent être contrôlés par le service central des courses et des jeux de la même manière que les casinos. En votant ces dispositions, notre assemblée fera œuvre de salubrité. Je suis d’ailleurs un peu surpris que le Sénat ait traité cette affaire aussi légèrement. Je vous conseille de faire un tour dans ces cercles pour voir comment les choses se passent – nous y sommes allés avec le service central des courses et jeux. Il ne faudrait pas que les maires des communes où sont implantés des casinos aient le sentiment que nous voulons leur créer une quelconque concurrence alors que nous essayons seulement d’assainir le système et de limiter les parties clandestines qui se multiplient dans tout le pays, y compris à Paris. Quand vous saurez que, dans un seul cercle de jeux parisien, plus de huit cents personnes jouent au cours d’une même soirée, vous comprendrez que la question n’est pas uniquement anecdotique !

M. Philippe Goujon. Que ce soit bien clair : nous ne voulons ni des uns ni des autres !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Fraternellement, je veux par ailleurs faire remarquer deux choses au ministre qui a mis en avant la nécessité du consensus. Premièrement, pour qu’il y ait consensus, encore faut-il que les acteurs concernés manifestent la volonté de discuter ensemble. Ceux qui sont convoqués devant la commission des Lois, doivent venir devant elle. Certains font comme si cette affaire n’existait pas. Ils auront encore une chance de s’exprimer devant nous mardi prochain ; mais s’ils ne viennent pas, ils ne pourront pas ultérieurement arguer du fait qu’il n’y aurait pas eu de discussions, car, depuis un mois, nous leur avons envoyé des convocations à plusieurs reprises.

D’autre part, monsieur le ministre, parmi les dispositions que vous proposez que l’Assemblée nationale vote s’agissant de la ville de Paris, certaines, minoritaires, relèvent de la loi PLM et non des dispositions de police spécifiques à Paris. La plupart d’entre elles sont tout à fait normales et acceptables pour tout le monde. Après tout, après trente ans d’application de la loi, il semble tout à fait normal que les maires d’arrondissement puissent donner leur avis sur l’installation d’une terrasse de café. Sur ces questions, les parlementaires sont unanimes. Quant aux municipalités qui répugnent à discuter avec nous parce qu’elles estiment qu’il ne faut pas parler avec ceux qui ont perdu les élections municipales, elles devraient prendre exemple sur Mme Nathalie Kosciusko-Morizet qui n’a jamais hésité à exprimer ses positions, même devant Mme Anne Hidalgo – ce qui correspond à l’idée que je me fais de la démocratie.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Patrick Mennucci a parlé d’assainir le système des jeux ; c’est peut-être l’occasion de purger une question un peu sensible, mais sur laquelle nous n’avons pas pu obtenir de réponse de la part de la maire de Paris. Au groupe Les Républicains du Conseil de Paris, avec mon collègue, Jean-François Legaret, nous avons reçu le préfet Duport qui avait été chargé par le ministre de l’Intérieur de rédiger un rapport relatif à l’offre légale des jeux à Paris. Au moment de nous quitter, il nous a laissé sa carte de visite, mais il s’est trompé… Il nous a en remis une qui mentionnait : « Conseiller d’Unibail ». Comme Unibail est impliqué dans l’exploitation du Forum des Halles et dans le projet de la Tour Triangle, et que nous apprenons maintenant que ce groupe s’occupe des casinos, nous nous sommes demandé si cela entrait dans la grande opération d’assainissement et de salubrité souhaitée par le Gouvernement.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je ne connais pas M. Duport. J’ai lu son rapport que j’ai trouvé plutôt intéressant. En tout cas, je vous prie de croire que nous ne cherchons qu’à assainir la situation afin que seules des sociétés qui auront reçu une validation du ministère de l’intérieur puissent gérer les cercles de jeux. Ce n’est pas que nous désirions que les gens jouent, mais nous constatons qu’il y a partout des tables clandestines…

M. Philippe Goujon. Il suffit de les fermer !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il vaut mieux qu’une partie des gains de ces cercles se retrouve dans les caisses de l’État ou de la ville de Paris grâce à l’impôt sur les sociétés, plutôt qu’entre les mains du grand banditisme ou de la mafia.

M. Philippe Goujon. Avec ce raisonnement, vous légalisez le cannabis !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Justement, je suis pour !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Autrement dit, le groupe Unibail, qui s’occupait jusqu’à maintenant de surfaces commerciales et d’immobilier, fait désormais dans l’assainissement des jeux : on saura qu’il faut le changer de catégorie !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Ce n’est pas bien de dire cela, madame Kosciusko-Morizet !

M. le président Dominique Raimbourg. De l’extérieur vos échanges et vos sous-entendus ne sont pas compréhensibles.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je ne comprends pas cette histoire d’Unibail, et je ne sais pas de quoi parle Mme Kosciusko-Morizet, mais je connais le préfet Duport que tout le monde a connu comme préfet de la région Île-de-France. Nous parlons d’un très haut fonctionnaire que tous les gouvernements ont, depuis, sollicité pour qu’il donne son avis d’expert, quelles que soient les majorités.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Manifestement, il n’est pas sollicité seulement par les gouvernements !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Madame, je ne connais pas cette histoire, mais je regrette que vous portiez atteinte à l’honorabilité d’un très haut fonctionnaire avec lequel je n’ai pas eu d’autre rapport que ceux que tous les élus d’Île-de-France entretenaient avec lui lorsqu’il était préfet de cette région. Je trouve que cette manière de procéder, fondée sur une histoire de carte de visite, n’est pas acceptable !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je pose une question, et vous ne voulez pas y répondre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Mais je n’ai aucune idée sur ce sujet, et je ne connais pas cette histoire !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’était dans la presse !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je vous assure que la carte de visite de M. le préfet Duport n’est pas l’élément qui a conduit vos rapporteurs à travailler afin d’aller au terme de la démarche initiée par le Gouvernement visant à assainir les pratiques des jeux de cartes et des cercles pour qu’elles soient conformes à la moralité et la probité publique.

M. le président Dominique Raimbourg. Je propose de clore ce débat. Madame Nathalie Kosciusko-Morizet, si vous avez des doutes, vous pourrez bien sûr poser les questions que vous souhaitez et nous en reparler.

M. le ministre. Monsieur Mennucci, l’évocation du consensus me ravit toujours : par goût personnel, je suis plus porté à cultiver les convergences que les divergences. Cela étant, je n’ai jamais dit qu’il était indispensable d’obtenir le consensus pour faire avancer les choses, y compris sur le plan législatif ; j’ai seulement rappelé qu’il était nécessaire de mener la concertation. Tout un chacun doit être entendu, s’il le souhaite évidemment ; ceux qui n’ont rien à dire ou qui considèrent qu’ils sont d’accord peuvent choisir de ne pas s’exprimer. La bonne méthode pour mener des réformes reste toutefois de commencer par la consultation la plus large, et par la concertation. Le temps du débat parlementaire vient ensuite. Lorsque la décision est prise, c’est-à-dire lorsque le Parlement a tranché, elle s’applique à toutes et à tous, partout et dans toute sa rigueur.

Monsieur Olivier Dussopt, je vous remercie d’avoir souligné que ce texte était attendu. Il fallait garantir la ville dans ses pouvoirs, y compris ceux de la maire de Paris. Sous les dehors positifs d’un discours convaincant, on ne peut pas déposséder le maire d’une commune, et pas n’importe laquelle, de ses compétences et de ses attributions – encore moins la maire de la première commune de France. Paris, Lyon et Marseille sont découpés en arrondissements, mais les arrondissements, ce ne sont pas les Balkans ! Il y a un pouvoir central, et il y a ceux qui sont dévolus aux maires d’arrondissement par la loi. Le maire de Paris, comme celui de Marseille ou Lyon, reste globalement responsable de ce qui se passe sur le territoire de sa commune.

Moi aussi, j’ai bien compris le débat qu’il y a derrière les questions posées sur la répartition des pouvoirs de police entre la préfecture de police de Paris et la ville. Cela dit, vouloir modifier l’équilibre actuel dans le seul but de régler des affaires de voies sur berges, c’est tout de même, me semble-t-il, prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette…

Comme plusieurs autres orateurs, vous avez évoqué les fusions d’arrondissements. Nous avons été extrêmement vigilants, prudents et précis dans notre volonté sourcilleuse de ne pas créer de déséquilibres. Même s’il est exact que le découpage en vigueur a été validé par le Conseil constitutionnel, il est clair que les déséquilibres continuant de s’amplifier, cette validation ne vaudra pas pour l’éternité. Nous avons donc procédé à un rééquilibrage sans aucune conséquence politique. Je sais gré, aux uns et aux autres, de ne pas avoir utilisé l’argument du découpage politique, qui n’aurait pas été fondé. La réforme est politiquement neutre – si elle devait avoir des conséquences politiques, elles seraient même plutôt favorables à l’opposition.

Monsieur Dussopt, je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il ne faut pas aller plus loin en termes de création de métropoles. J’ai moi-même été amené à dire que nous avions déjà plus de communes que tout le reste de l’Europe, et qu’il n’était pas utile de chercher à atteindre le même record avec les métropoles pour en avoir plus que le reste du monde entier… Si l’Assemblée valide le texte que le Gouvernement a proposé, nous aurons vingt-deux métropoles, ce qui permettrait d’assurer un bon maillage du territoire. Il est utile d’affirmer clairement que nous n’irons pas au-delà.

Plusieurs d’entre vous se sont demandé qui devait présenter l’amendement créant trois métropoles supplémentaires. Par souci de cohérence, j’avais pensé que les rapporteurs pourraient s’en charger. Au passage, je vous confirme qu’il n’y a pas de souci à se faire avec l’application de l’article 40 de la Constitution. Si les députés considèrent qu’il est préférable de réunir les sept nouvelles métropoles dans un amendement gouvernemental afin d’afficher la volonté de l’exécutif, je n’y suis pas hostile. Je m’entretiendrai sur ce point ultérieurement avec les rapporteurs.

Vous avez parfaitement raison, monsieur Dussopt : il faut rester attentif aux équilibres entre la métropole, le département et la région. S’agissant de la répartition des compétences entre les métropoles et les départements, globalement, les choses se passent bien. Généralement, les métropoles ne sont pas très demandeuses de compétences supplémentaires au-delà des trois obligatoires. Vous avez cité le cas particulier de Montpellier ; j’ai reçu le président de Montpellier Méditerranée Métropole il y a quelques jours, et je suis en contact permanent avec le préfet du département de l’Hérault. Les problèmes se cristallisent autour d’un équipement culturel, et il est vrai que s’il n’y avait pas d’accord avant le 1er janvier 2017, c’est l’ensemble des huit groupes de compétences qui seraient transférés vers la métropole. Toutefois, j’espère encore que, d’ici à cette date, nous parviendrons à faire évoluer les choses.

Je vous remercie d’avoir compris mon souhait de reporter la décision sur le choix du suffrage universel métropolitain à 2019.

S’agissant des cercles de jeux, il me semble indispensable qu’ils soient organisés de façon plus vertueuse. Tout le monde connaît leur histoire qui remonte à 1945, mais ce qui était acceptable à l’époque ne l’est plus aujourd’hui, surtout lorsque l’on connaît l’évolution de ces établissements. Il n’en reste plus que deux à Paris. Il faut absolument trouver une solution ; elle tient dans ce qui est proposé par le ministre de l’Intérieur. Si on supprimait tout, cela ne ferait que favoriser la multiplication des salles de jeu clandestines…

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’argument se discute ; c’est comme pour la prostitution !

M. Philippe Goujon. On peut dire la même chose du trafic de drogue !

M. le ministre. C’est la raison pour laquelle je suis pour la dépénalisation du cannabis…

Madame Sandrine Mazetier, vous avez, à juste titre, relevé que le projet de loi permettait une meilleure répartition des pouvoirs en insistant sur la nécessité de préserver les prérogatives de la préfecture de police de Paris et du ministère de l’intérieur dans la capitale. On peut dire ce que l’on voudra, Paris n’est pas une ville comme les autres : des événements très importants s’y déroulent, et elle abrite la présidence de la République, Matignon, les ministères, l’Assemblée nationale, le Sénat, les ambassades, etc., tout cela justifie une organisation un peu particulière.

Je vous confirme qu’au Sénat nous n’avons jamais vraiment pu entrer dans le débat. Je le regrette. Nous étions confrontés à des a priori, et les interventions étaient prêtes avant même que le Gouvernement ait pu expliquer son projet de loi. Un certain nombre de sénateurs de Paris ne voulaient entendre parler de rien – M. Pierre Charon n’était pas le plus à l’offensive en la matière, et je lui en suis reconnaissant. Le débat n’a pas eu lieu ; ça n’a été qu’un dialogue de sourds. Je ne conçois pas ainsi le travail que le législateur peut mener avec l’exécutif : au moins faut-il essayer de s’écouter puis de se comprendre. Bien sûr, on peut être en désaccord, mais si on met ce désaccord en avant sans avoir même écouté l’autre, cela ne facilite pas les choses.

C’est du reste ce que vous avez largement fait lors de vos interventions ce matin, madame Kosciusko-Morizet, monsieur Goujon… Vous me demandez pourquoi ce projet de loi fait l’objet d’une procédure accélérée. Je dis les choses franchement et droit dans les yeux. Dans la mesure où ce texte complète les lois NOTRe et MAPTAM, nous devions attendre que ces dernières soient définitivement adoptées pour travailler sur le statut de Paris. Or nous savons tous très bien que la fin du quinquennat approche – vous le claironnez suffisamment. En conséquence, nous devions engager la procédure accélérée sur ce projet de loi si nous voulions qu’il ait une chance d’être adopté. Autrement dit, à partir du moment où nous considérions que nous proposions un texte utile, nous ne pouvions que choisir la procédure qui permettra son adoption.

J’ai procédé de même avec le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, déposé devant votre assemblée au mois de septembre dernier. J’ai bénéficié sur ce sujet de davantage d’écoutes dans votre camp. Mon principal interlocuteur, M. Laurent Wauquiez, n’est pourtant pas réputé pour avoir le tempérament le plus doux du monde. Nous nous sommes rencontrés, et nous sommes convenus qu’à défaut d’engager cette procédure nous ne parviendrions pas à faire adopter un projet de loi que nous jugions nécessaire. Nous avons donc estimé ensemble qu’il devait être examiné selon la procédure accélérée. Les choses se sont finalement passées pour le mieux puisque l’Assemblée l’a adopté en première lecture à l’unanimité. Croyez bien que j’ai été sensible à votre soutien, que je ne retrouve pas tout à fait sur le projet de loi relatif au statut de Paris… Sans la procédure accélérée, la loi montagne n’aurait eu aucune chance d’être adoptée. Il appartient au Gouvernement, qui présente des projets de loi qu’il estime utiles, de créer les conditions pour qu’ils entrent en vigueur. Toute autre attitude reviendrait à se moquer des parlementaires.

Madame Kosciusko-Morizet, nous n’avons pas l’intention de fusionner toutes les communes de la métropole. Vous évoquez une prétendue faiblesse des transferts de compétences entre la préfecture de police et la mairie de Paris ; ces transferts s’opèrent pourtant dans des domaines essentiels pour le quotidien des Parisiens, comme le stationnement. Sur cette seule compétence, 1 500 agents sont concernés. Lorsque j’entends que c’est quantité négligeable, je trouve cela un peu offensant pour eux, permettez-moi de vous le dire avec beaucoup d’amabilité.

En matière de police de la circulation, le texte ménage une grande autonomie du maire tout en garantissant la sauvegarde de ses compétences régaliennes.

À mon sens, votre perception et votre vision du texte relèvent plus de l’idéologie que de la réalité du projet de loi.

Monsieur le député Goujon, pardon, monsieur le maire d’arrondissement, vous ne pouvez pas reprocher à Mme Mazetier d’émettre un avis sur ce texte au motif qu’elle n’est pas maire d’arrondissement – cela signifierait que ce droit serait réservé aux seuls spécialistes du sujet ou aux élus directement concernés. Les maires d’arrondissement ne sont en rien méprisés ; c’est au contraire par respect que nous avons voulu examiner ce texte en urgence pour voir s’il était nécessaire de l’adapter ou non.

Quant aux « injonctions » que j’aurais reçues, je vous rassure, ce n’est pas vraiment dans mon tempérament ! En tant que membre du Gouvernement, je suis loyal à l’égard du Président de la République et du Premier ministre. Cela dit, ni votre tempérament, madame Kosciusko-Morizet, ni le mien ne nous amènent à recevoir des injonctions. Nous faisons simplement notre travail, de la meilleure façon possible.

Il est encore moins question que nous fassions voter un texte « en catimini », comme vous l’avez dit. Est-ce procéder en catimini que de présenter un texte en commission puis en séance publique au Sénat et à l’Assemblée nationale ? Si c’est cela, alors je ne sais pas ce qu’est le véritable débat public et transparent. Non seulement ce que vous dites n’est pas vrai, mais cela ne correspond pas à la réalité du travail parlementaire ; vous vous laissez emporter par votre hostilité passionnée envers ce texte.

Vous avez employé le mot « pathétique » s’agissant des dispositions relatives aux cercles de jeux. À mon avis, c’est plutôt votre discours qui est pathétique. Au fond, je suis sûr que nous sommes d’accord sur la nécessité absolue de mettre de l’ordre dans les salles de jeux. Je ne saurais émettre d’avis plus autorisé que le ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, dont c’est la compétence, mais nous savons bien tout ce qui se passe dans ces lieux.

M. Philippe Goujon. Alors, fermons-les au lieu d’en ouvrir d’autres !

M. le ministre. Quant aux compétences des maires d’arrondissement, j’ai bien compris que vous souhaitiez qu’elles augmentent le plus possible et que la maire de Paris en ait le moins possible. Je vous rappelle cependant qu’elles ont une limite juridique par le fait que les mairies d’arrondissement n’ont pas la personnalité morale.

Dans un autre état d’esprit, alors qu’ils ne sont pas élus de la majorité, M. Philippe Briand et M. Serge Grouard se sont félicités qu’Orléans et Tours travaillent la main dans la main – ce qui nous ravit, d’autant que l’on a toujours cherché à opposer ces deux agglomérations. Ils se satisfont de la position du Gouvernement. Monsieur Briand, je n’ai qu’une parole : vous étiez le premier à venir me voir pour créer une métropole, et vous m’aviez, je vous l’ai dit, convaincu. À l’époque nous ne voulions pas vraiment créer plus de quatorze métropoles. J’ai aussi été convaincu par les arguments d’Orléans, puis de Metz, ce qui m’a amené à adopter une autre approche du fait métropolitain. La carte de l’implantation périphérique des métropoles, que vous nous avez présentée, m’avait aussi beaucoup frappé. J’ai pris conscience qu’il fallait retenir de nouveaux critères. Je suis finalement heureux d’avoir pu vous satisfaire. Je crois que Tours et Orléans travailleront bien ensemble. Si je me permettais, je vous encouragerais à élaborer un pacte métropolitain – j’ai tenu les mêmes propos aux présidents de métropole de Metz et Nancy, qui ont déjà un pacte métropolitain, même si Metz n’est pas encore une métropole.

M. Serge Grouard. Une réflexion sur ce sujet est déjà en cours entre les maires de Tours et d’Orléans.

M. le ministre. C’est une excellente chose. Je suis heureux d’avoir pu vous accompagner dans cette démarche remarquable que vous avez menée de manière consensuelle, Patrick Mennucci en conviendra… De Tours et d’Orléans, les élus de gauche et de droite sont venus la main dans la main pour me convaincre, et avec moi le Premier ministre et le Gouvernement, qu’il était indispensable de créer des métropoles ; ils y sont parvenus. Je ne doute pas que l’Assemblée nationale vous suivra, et je me félicite aussi de cette façon de travailler, car on ne peut pas toujours être dans l’affrontement, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de l’intérêt général et de l’intérêt de nos concitoyens au travers des institutions communales et métropolitaines.

M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le ministre, nous vous remercions. La discussion des articles du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain aura lieu mercredi prochain.

La réunion s’achève à 11 heures 30.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Olivier Dussopt, M. Philippe Goujon, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Dominique Raimbourg

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, M. Erwann Binet, M. Sergio Coronado, Mme Laurence Dumont, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. François Vannson

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Briand, M. Jean-Patrick Gille, M. Serge Grouard, M. Christophe Léonard, Mme George Pau-Langevin