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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 28 novembre 2013

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Rétablissement des avantages liés aux heures supplémentaires

Suite de la discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires (nos 1469, 1559).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, monsieur le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, monsieur le rapporteur, c’est devant une assistance à la mesure de l’importance du sujet (Sourires),

M. Gérald Darmanin. C’est la qualité qui compte !

M. Denys Robiliard. …que je prends la parole pour donner la position du groupe SRC sur la proposition de loi déposée par M. Borloo et les membres du groupe UDI.

D’abord un point de clarification, puisque dans le propos de M. Borloo, on pouvait penser que ce qu’avait modifié la loi de finances rectificatives de juillet-août 2012, c’était le régime des heures supplémentaires. Absolument pas : c’était le régime fiscal et social, mais pas celui du droit du travail, auquel nous n’avons pas touché. Il faut peut-être l’examiner ; en tout cas, ce n’était pas le propos de la réforme adoptée. Les employeurs peuvent donc continuer d’y recourir dans les mêmes conditions qu’antérieurement – c’est un point qui me paraît devoir être rappelé.

Ensuite, quand on veut restaurer un dispositif, peut-être faut-il se pencher sur ses résultats. De ce point de vue, reprenons les objectifs qui étaient assignés à la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, s’agissant de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Je n’ai pas, me semble-t-il, de meilleur auteur pour fixer ces objectifs que Mme Lagarde qui avait présenté ce texte conformément à son exposé des motifs : « L’augmentation de la durée moyenne du travail est une condition essentielle à une baisse durable du chômage et à l’augmentation de notre rythme de croissance ». Sur les années du quinquennat, pour lesquelles cet objectif était assigné, on connaît malheureusement les résultats, qui sont de mauvais résultats : un million de chômeurs en plus, 50 % de chômeurs de catégorie A en plus.

M. Arnaud Richard, rapporteur de la commission des affaires sociales. Depuis votre arrivée, c’est déjà 400 000 de plus !

M. Denys Robiliard. M. Borloo nous taxait tout à l’heure d’erreur idéologique. Eh bien, il me semble que c’est vous qui êtes dans l’idéologie, une idéologie dont vous savez pourtant qu’elle est erronée, puisque vous avez eu tous les éléments pour vous en assurer et vous les avez eus extrêmement vite. Je m’en explique.

Le projet de loi TEPA prévoyait que le Gouvernement dépose un rapport sur son application à la fin de l’année 2008. Le Gouvernement a attendu que soit adopté le projet de loi de finances pour l’année 2009 avant de rendre ce rapport, en janvier 2009. Et que disait-il, ce rapport, au sujet des heures supplémentaires et du régime qui leur avait été donné ? Il constatait l’inefficacité totale de ce dispositif.

Pourquoi ? Parce qu’il indiquait que ce dispositif avait procuré 0,15 point de croissance, mais que dans le même temps, il avait coûté 0,23 point de croissance. Autrement dit, il aurait été plus intelligent de distribuer directement 0,15 point en termes de pouvoir d’achat à des cibles qu’il vous appartenait de désigner, plutôt que de défiscaliser et d’exonérer de cotisations sociales les heures supplémentaires. Cela, vous le savez depuis janvier 2009. C’est un rapport du Gouvernement. Malgré cela, vous continuez. Pourtant, ce rapport va être confirmé par tous ceux qui vont se succéder.

D’abord, celui du Conseil des prélèvements obligatoires. Dans son rapport sur les entreprises et les niches fiscales et sociales publié en octobre 2010, il confirme ce que je vous ai dit. Ensuite, les deux rapports publiés en juin 2011, celui du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, et celui du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

C’est nous qui serions dans l’idéologie, mais c’est vous qui, malgré tous les dispositifs d’évaluation qui concordent à montrer l’inefficacité économique totale du texte adopté, continuez, persistez dans la conduite d’une politique dont le caractère absurde est démontré, établi, par les faits.

À cette inefficacité s’ajoute une mesure de redistribution régressive, par construction puisqu’elle est fonction du taux horaire du salarié. Comme vous le savez, les taux horaires peuvent être importants, puisque les cadres, même si beaucoup pensent le contraire, font des heures supplémentaires : juridiquement, c’est possible.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ah !

M. Denys Robiliard. Cette construction aboutissait à des économies d’impôts tout de même très importantes : 8000 euros d’économie fiscale pour les mille foyers les plus avantagés, cela ne me paraît pas tout à fait anodin !

M. Arnaud Richard, rapporteur. C’est vrai.

M. Denys Robiliard. Et puis vous indiquez vous-même, monsieur Richard, dans votre rapport que si le gain annuel moyen par salarié se monte à 500 euros, le gain médian n’est pas de 500 euros, mais, selon les éléments repris du CEC, de 350 euros. Or nous savons, vous comme moi, la différence entre la moyenne et la médiane. Quand la médiane est nettement inférieure à la moyenne, c’est que ce sont les plus hauts revenus qui bénéficient de la mesure, beaucoup plus que les bas revenus.

En définitive, le dispositif favorisait ceux qui ont du travail au détriment de ceux qui n’en ont pas et avait pour effet de redistribuer en indexant sur le taux horaire. Plus l’heure supplémentaire était chère payée, plus elle était subventionnée, le tout dans un contexte de chômage massif.

Alors, monsieur le rapporteur, vos mesures n’ont pas « surtout bénéficié » aux salariés modestes. Certes, vous proposez de limiter le bénéfice de l’exonération à deux fois le SMIC ; vous m’avez dit, avant que je monte à la tribune, que vous présenteriez un amendement visant à plafonner l’exonération au titre du bénéfice fiscal et pas du bénéfice social. Il reste qu’avec votre proposition, vous continueriez à subventionner chaque Smic à hauteur d’un euro par heure supplémentaire et à deux euros pour une rémunération à deux fois le Smic. On reste dans la redistribution négative.

En définitive, qu’a-t-on ? Une mesure inefficace et une redistribution régressive, qui donne plus à ceux qui ont plus. Alors que cette analyse est faite dès janvier 2009, qu’elle est confirmée à deux reprises en juin 2011, vous ne faites rien : il a fallu que nous revenions au pouvoir pour mettre fin à cette absurdité.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Heureusement, vous êtes là !

M. Denys Robiliard. En fait, je crois que vous ne saviez pas comment vous sortir de ce non-sens, parce que vous refusiez d’assumer les conséquences en termes de pouvoir d’achat. Et vous avez le cynisme de nous critiquer pour avoir eu le courage dont vous avez manqué ! Vous persistez dans ce cynisme avec cette proposition.

Parlons-en, du pouvoir d’achat, et regardons vos résultats : mes chiffres, je les tire de l’édition 2013 de l’ouvrage Les Revenus et les Patrimoines des ménages, publié par l’INSEE le 23 avril de cette année. Le niveau de vie médian a diminué de 0,5 % en 2010. Le niveau de vie des 40 % des Français aux revenus les plus modestes, ceux des quatre premiers déciles, a baissé en 2009 et encore en 2010. Et plus les revenus étaient modestes, plus ils baissaient : premier décile, 1,2 ; deuxième décile, 1,3 ; troisième 0,8 ; quatrième, 0,5. Plus le revenu monte, moins ça baisse ! En 2010, seuls ont progressé les revenus des 5 % des Français les plus aisés.

Comprenez que nous ayons dès lors un peu de mal à croire la sincérité de vos tirades sur le pouvoir d’achat. Comprenez que nous n’acceptions pas votre double discours : vous nous critiquez pour ne pas faire d’économies et quand nous économisons 4,5 milliards par an en ordre de grandeur, vous nous éreintez.

M. Gérald Darmanin. Vous économisez mal. Vive la hausse de la TVA !

M. Denys Robiliard. Comprenez que nous n’ayons pas votre politique : la vôtre était objectivement contre les chômeurs. La nôtre consiste à tout faire pour donner du travail à ceux qui n’en ont pas, du pouvoir d’achat à ceux qui n’en ont pas. Les emplois d’avenir, c’est ça.

M. Lionel Tardy. Les vrais chiffres seront connus ce soir !

M. Denys Robiliard. Leurs bénéficiaires sont sortis de l’école sans formation valable sur le marché de l’emploi. Quelques-uns seulement bénéficient du RSA. Je préfère que notre effort leur donne un emploi pour trois ans, une formation, une perspective d’insertion durable. Les contrats de génération visent le même objectif pour les jeunes, quel que soit leur niveau de formation, et pour nos seniors.

M. Jean-Louis Borloo. Ce soir, il y aura de bons chiffres !

M. Denys Robiliard. Cette politique semble commencer à porter ses fruits. C’est visible depuis cinq mois maintenant sur le chiffre du chômage des jeunes. Elle pèsera nécessairement sur les chiffres du chômage dans leur globalité.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je souhaite que vous ayez raison.

M. Denys Robiliard. Votre proposition de loi est une pure opération de communication. Elle est à désespérer de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je tenais tout d’abord à saluer l’excellent travail de notre rapporteur – cher Arnaud Richard – dont tout le monde ici connaît la force de travail ainsi que l’intérêt qu’il a toujours porté aux questions d’emploi et de pouvoir d’achat. Je crois que nous pouvons collectivement le saluer : ce rapport est de grande qualité.

Cette proposition de loi à l’initiative du groupe UDI et du président Borloo – qui fait d’ailleurs suite à celle déposée au nom de l’UMP par M. Le Maire, M. Bertrand et M. Lefebvre, proposition à laquelle je me suis associé tout comme mes collègues Larrivé et Tardy notamment – revêt pour moi un intérêt tout particulier.

Bien sûr, nous sommes des élus nationaux, monsieur le ministre, mais je suis issu d’un territoire industriel, le Nord-Pas-de-Calais, plus particulièrement de l’agglomération lilloise et d’une ville, Tourcoing, qui a donné tant de richesses à la France, grâce bien sûr à ses chefs d’entreprise et aussi à ses ouvriers. Aussi, devant les difficultés qui ont aujourd’hui succédé à ce prodigieux essor économique, la puissance publique se doit de se souvenir du travail de ces salariés et de ces ouvriers. Beaucoup d’usines sont fermées, mais il en reste encore de nombreuses où ouvriers et salariés profitaient du fruit de leur travail et des heures supplémentaires dues au « travailler plus pour gagner plus » – vous pouvez d’ailleurs constater concrètement le travail des ouvriers de ma circonscription, monsieur le ministre, puisque c’est l’usine Catry, à Roncq, qui a fabriqué pour notre hémicycle ces beaux fauteuils et cette belle moquette. Or ces salariés, dont j’ai l’honneur d’être en quelque sorte le porte-parole à l’Assemblée nationale, m’ont dit à quel point il était pour eux désastreux de perdre 150 ou 200 euros de pouvoir d’achat à cause de la majorité socialiste, non seulement pour leurs vacances, mais aussi pour payer des cours du soir à leurs enfants.

M. Guy Delcourt. N’importe quoi !

M. Gérald Darmanin. Ne riez pas, monsieur : ils ne méritent pas les quolibets.

L’industrie française connaît de grandes difficultés, de même que ma région. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires au lendemain de l’élection de François Hollande est ressentie comme une trahison et une tache indélébile sur la feuille de paie des ouvriers et des salariés français.

Sans vouloir vous faire de mauvais procès, monsieur le ministre – nous connaissons tous votre fibre sociale, que nous pouvons tous respecter, et d’autant plus, en ce qui me concerne, que j’ai adhéré au RPR après avoir entendu un très beau discours de Philippe Séguin –, je crois que vous vous êtes laissé embarquer par la technocratie de Bercy. Tout à l’heure, nous n’avons pas très bien compris si c’était M. Moscovici qui s’exprimait, le porte-parole de Bercy, ou l’homme de gauche. Vous avez finalement réussi à défendre Friedman contre Keynes, vous avez réussi à parler par acronymes, mais j’espère que vous ne tenez pas le même discours dans les Yvelines. Je ne crois pas que, tous autant que nous sommes, nous ayons été élus à partir de celui que vous venez de faire.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je confirme ! Il n’y tient pas le même discours.

M. Gérald Darmanin. Je n’en doute pas, monsieur le rapporteur, vous qui pouvez en témoigner.

En actant la fin de ce dispositif, François Hollande a choisi de faire primer l’idéologie, comme cela a été dit, plutôt que le pragmatisme. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de dire que la question des heures supplémentaires relevait du combat idéologique et de demander à l’opposition si elle était pour ou contre la suppression des 35 heures. C’est en effet, pour être tout à fait honnête, une vraie question.

M. Gérard Sebaoun. On attend la réponse !

M. Gérald Darmanin. J’ai visité hier après-midi une usine de plastique dans l’Ain.

M. Arnaud Richard, rapporteur. À Oyonnax.

M. Gérald Darmanin. Exactement, chez notre collègue Damien Abad.

Un chef d’entreprise m’a dit que les 35 heures représentaient 35 bonnes raisons pour robotiser son usine. Nous devrions entendre, en effet, que la durée du temps de travail telle qu’elle a été prévue par Mme Aubry a été catastrophique, non seulement pour l’hôpital mais pour notre industrie.

En revanche, monsieur le ministre, pour répondre concrètement à votre question, je suis de ceux qui, à l’UMP, souhaitent que si nous revenions un jour sur le temps de travail, tout retour aux 39 heures ne devra pas entraîner une perte de pouvoir d’achat pour les salariés français.

Vous avez donc raison : l’opposition doit prendre toute la mesure de cette importante question qui est celle du temps de travail. Il n’en reste pas moins que vous avez assumé un choix idéologique : la baisse du pouvoir d’achat des salariés, des ouvriers, en échange d’une hypothétique remontée du plein-emploi dans notre pays.

Vous constatez, monsieur le ministre, que 400 000 personnes de plus sont au chômage. À l’UMP, nous n’avons jamais cru que M. Président de la République, après quelques ennuis avec SFR (Sourires), parviendrait à inverser la courbe du chômage. Nous pensions que M. le Président de la République était un habile politique, un adepte des tours de magie de M. David Copperfield alors que ses volte-face de la matinée même témoignent qu’il est plus proche des facéties de Garcimore.

M. Gérard Sebaoun. Du très haut niveau…

M. Gérald Darmanin. À cet effet, je voulais vous faire part des témoignages de salariés, d’ouvriers, de fonctionnaires de la circonscription dont j’ai l’honneur d’être l’élu. Les salariés français ne demandent qu’une seule chose : pouvoir travailler et vivre du fruit de leur travail.

Lorsque l’on assume ces rôles importants que sont celui de législateur ou de ministre, il faut savoir tirer les conclusions des mauvaises mesures que l’on a prises. Le président Borloo a très justement fait allusion au sparadrap du Capitaine Haddock : il est temps de vous en rendre compte, monsieur le ministre !

Vous parliez tout à l’heure de preuves et de rapports. Il suffit d’écouter les salariés et les ouvriers français vous dire qu’ils perdent entre 150 et 200 euros de pouvoir d’achat et parfois plus puisque le passage du forfait social de 8 % à 20 % a constitué une double peine.

Encore moins de pouvoir d’achat alors que le chômage continue à augmenter, mois après mois, année après année, ce n’est pas de bonne politique ! Ce n’est pas de bonne politique que d’avoir mis un terme à la défiscalisation des heures supplémentaires car si des économies doivent être réalisées, elles ne peuvent l’être sur le dos des ouvriers et des salariés. Je souscris aux propos de notre collègue Lefebvre : la défiscalisation constituait bien un acquis social pour les ouvriers et les salariés de France.

Tous s’indignent, monsieur le ministre, contre le principe : « Travailler plus pour être taxé plus ! ».

Concernant le pouvoir d’achat des salariés, il faut rappeler que ce n’est pas une minorité de gens qui est touchée – il ne s’agit pas du bouclier fiscal –, mais de 9 millions de salariés, d’ouvriers, de familles qui de surcroît, pour une grande partie d’entre eux – comme le montrent toutes les études d’opinion – ont voté pour vous en 2012.

L’espoir que vous avez porté est démenti. Ces personnes ont cru que la gauche avait changé, qu’elle parlait désormais aux ouvriers, mais cela fait bien longtemps que les hiérarques du Parti socialiste préfèrent les dîners en ville…

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Fouquet’s !

M. Gérald Darmanin. …aux dîners avec les ouvriers de France.

M. Guy Delcourt. Gardez vos insultes pour vous !

M. Gérald Darmanin. Il faut savoir…

M. Gérard Sebaoun. Il s’enfonce, le camarade !

M. Gérald Darmanin. …distinguer très concrètement l’idéologie du pragmatisme.

Je ne suis pas votre camarade mais, éventuellement, votre compagnon, cher ami. Gardez ces effets de manche pour vos camarades qui en ont besoin à l’approche des élections municipales.

Monsieur le ministre, c’est également les entreprises que vous punissez, et je ne parle pas ici des patrons du CAC 40 ou des cadres mais des 2,5 millions de PME qui font vivre la France.

Comme le précisent Xavier Bertrand, Bruno Le Maire et l’excellent Jean-Louis Borloo dans l’exposé des motifs de leur proposition de loi, « la défiscalisation des heures supplémentaires a fonctionné comme un mini-plan de relance » – à laquelle je crois que vous y êtes attaché en tant que keynésien – « et a contribué à atténuer les effets du ralentissement économique dans les premiers mois de la crise ».

Enfin, tout en améliorant le niveau de vie des salariés et en luttant contre le chômage, ce dispositif permettait de réhabiliter la valeur travail.

Vous qui aimez les sondages et qui les citez sans cesse, référez-vous à celui de l’IFOP réalisé au mois de septembre 2013, dans lequel 71% des Français se disent favorables à un retour à la défiscalisation des heures supplémentaires. Parmi eux, vous le savez bien, monsieur le ministre, figurent un très grand nombre de vos électeurs.

Mais les électeurs socialistes ne sont pas les seuls à douter de cette disposition prise par le Gouvernement de M. Ayrault. Thierry Mandon lui-même, porte-parole du groupe SRC à l’Assemblée nationale, a déclaré que vous êtes allés trop vite. Son collègue Laurent Grandguillaume, votre camarade, cher monsieur Sebaoun, a partagé ce constat-là. Même les responsables syndicaux, dont Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, qui à l’époque avait signé une pétition contre la défiscalisation des heures supplémentaires, a demandé un réexamen du dossier.

C’est en effet un cadeau que vous font Arnaud Richard et l’opposition en vous proposant de revenir sur une erreur, monsieur le ministre.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ils ne veulent pas l’accepter !

M. Gérald Darmanin. Au mois de janvier prochain nous aurons l’occasion avec d’autres collègues, dont Frédéric Lefebvre, de rappeler que l’opposition n’est pas la seule à dénoncer l’erreur que vous faites mais que les salariés et les ouvriers français font de même. Si, toutefois vous ne deviez pas en prendre conscience, c’est l’ensemble des électeurs qui se chargera de vous le montrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

M. Denys Robiliard. On va changer de dimension !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, avec cette proposition de loi visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires, l’opposition revient sur l’un de ses thèmes de prédilection,…

M. Jean-Louis Borloo. La défense des ouvriers français !

Mme Fanélie Carrey-Conte. …celui de l’encadrement du temps de travail et de ses prétendus effets néfastes sur l’activité économique, et donc sur l’emploi,…

M. Arnaud Richard, rapporteur. Oui, camarade !

Mme Fanélie Carrey-Conte. …ce qui nous permettra de développer en quoi, une nouvelle fois, nous sommes résolument en désaccord avec cette vision.

En faveur de la défiscalisation des heures supplémentaires, les deux arguments le plus souvent avancés sont les suivants : d’une part, cela favoriserait la souplesse dont disposent les entreprises, ce qui stimulerait l’activité économique et serait donc bénéfique pour l’emploi ; d’autre part, cela redonnerait du pouvoir d’achat aux Français.

Sur le premier point, l’exposé des motifs de la loi TEPA était clair et le raisonnement n’a guère évolué depuis : il s’agissait d’encourager l’augmentation de la durée du travail pour « libérer » la croissance et donc l’emploi, les politiques visant à promouvoir le « partage du travail », au premier rang desquelles les 35 heures, étant désignées comme principales responsables du chômage dans notre pays, comme cela vient à nouveau d’être répété.

Peu importe si la durée moyenne de travail des salariés français est supérieure à celle des salariés allemands, souvent cités en exemple !Peu importe si la quasi-totalité des études ont démontré que les 35 heures et donc le partage du travail, que vous dénoncez, ont créé des dizaines de milliers d’emplois – il me semble important de rétablir cet élément objectif ! Peu importe encore si les rapports d’évaluation sur la défiscalisation des heures supplémentaires ont établi que cette mesure avait des effets au mieux indéterminés, au pire, négatifs sur l’emploi ! Peu importe, enfin, si le chômage a augmenté d’un million durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce qui démontre en matière de lutte contre le chômage l’inefficacité de cette mesure prise dès 2007 !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Parole d’expert !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Le rapporteur, M. Richard, semble avoir reconnu que l’efficacité de la mesure sur l’emploi était discutable et semble aujourd’hui davantage argumenter sur la question du pouvoir d’achat.

S’agissant justement de ce second point, qui nous mobilise tous, nous considérons que la défiscalisation des heures supplémentaires constitue une mauvaise réponse.

Le coût de l’ensemble du dispositif fiscal et social relatif aux heures supplémentaires s’est élevé à 4,8 milliards pour la seule année 2011, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises. Qui a le plus bénéficié de cette somme ?

M. Arnaud Richard, rapporteur. Les ménages les plus modestes !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Par construction, non pas les plus modestes, qui ne paient pas d’impôts, mais, au contraire, les plus aisés, pour qui le salaire horaire est plus élevé.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ce n’est pas vrai.

M. Gérald Darmanin. Parce que lorsque l’on paie des impôts, on est aisé !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Pour les mille foyers fiscaux auxquels elle a le plus profité, vous le savez, cette mesure a procuré 8 000 euros d’économies d’impôt. La défiscalisation des heures supplémentaires telle qu’elle a été mise en place entre 2007 et 2012, c’était donc de l’anti-redistribution.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ce n’est pas vrai.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Votre proposition de limiter la défiscalisation à deux SMIC ne constitue pas pour nous une réponse satisfaisante car il ne s’agit pas que d’une question de seuil : on ne saurait mettre en œuvre une politique de redistribution à travers un dispositif qui, d’une part, mettra de côté les personnes non imposables et qui, d’autre part, est contre-productif face au défi majeur auquel nous sommes confrontés : celui de la lutte contre le chômage.

En relisant nos débats en commission, une phrase prononcée par notre collègue Vercamer m’a particulièrement marquée car elle résume bien, je crois, combien nos visions politiques diffèrent : "Le partage du travail, auquel les socialistes croient toujours, n’est qu’un leurre : le travail est d’abord affaire de compétence, de qualification et de motivation des salariés."

Non, chers collègues, nous ne croyons pas que les 3,3 millions de chômeurs soient des personnes incompétentes, non-qualifiées ou pas motivées pour travailler. Oui, nous pensons qu’augmenter le temps de travail quand des millions de personnes sont au chômage est un non-sens économique car, évidemment, cela n’encourage pas l’embauche.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Descendons aux 32 heures !

Mme Fanélie Carrey-Conte. C’est pourquoi nos réponses en matière de pouvoir d’achat et de lutte contre le chômage sont différentes des vôtres.

M. Arnaud Richard, rapporteur. C’est sûr !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Nous vous le disons résolument une nouvelle fois : ce n’est pas en subventionnant des heures supplémentaires pour ceux qui ont un travail que nous ferons reculer le chômage pour les millions de personnes qui souffrent de ne pas en avoir.

Pour nous, il est nécessaire d’utiliser autrement les 4,8 milliards annuels que le dispositif a coûté à la puissance publique pour aider à la création d’emplois au moyen des emplois d’avenir et des contrats de générations, par exemple.

Pour nous, la redistribution du pouvoir d’achat passe par la remise à plat de notre système fiscal, annoncée par le Premier ministre, pour aller vers un système d’imposition plus juste qui redonne du pouvoir d’achat à nos concitoyens les plus précaires.

Pour nous, enfin, la redistribution du pouvoir d’achat passe aussi par un renforcement de notre système de protection sociale, que vous avez contribué à affaiblir en proposant toujours plus d’exonérations pour les entreprises, en diminuant le périmètre de prise en charge par la puissance publique, donc en faisant supporter l’effort sur les ménages.

En bref, nous persistons et signons : la défiscalisation des heures supplémentaires est une mesure contre-productive pour l’emploi et ce n’est pas une bonne solution pour redistribuer du pouvoir d’achat.

Nous la rejetterons aujourd’hui, tandis que nous continuerons à concentrer nos efforts sur les politiques qui ont à ce jour créé 80 000 emplois pour les jeunes – voilà du concret, du réel – et qui devront encore monter en puissance : nous y travaillons au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Michel Issindou. Ce sera déjà moins bien.

M. Guillaume Larrivé. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur – cher Arnaud Richard –, mes chers collègues, le Président Hollande avait juré aux Français, les yeux dans les yeux, que grâce à lui la courbe du chômage serait inversée aux mois de novembre ou de décembre 2013.

Cet engagement ne peut être, hélas, tenu, sauf à manipuler les chiffres, et pour une raison simple : M. Hollande est aujourd’hui en situation d’échec total.

Il faut regarder la réalité économique en face, telle qu’elle est vécue sur le terrain par les chefs d’entreprise, les artisans, les commerçants, les salariés, les demandeurs d’emploi. Depuis que M. Hollande est aux responsabilités, tous les indicateurs sont au rouge.

La croissance est nulle, ou presque, en 2012 comme en 2013. Le chômage, hélas, a explosé : il a augmenté de 8,8 % en 2012 et de 7,3 % en 2013. Le pouvoir d’achat des Français a reculé pour la première fois depuis 1984. Chaque jour, chaque mois, ce sont des centaines et des centaines de Français qui rejoignent les rangs des demandeurs d’emploi. Chaque jour, chaque mois, les Français doivent faire face aux nouvelles augmentations d’impôts, de taxes et de charges. Chaque jour, chaque mois, l’économie française décroche dans une économie mondialisée qui ne nous attend pas.

Ces résultats extrêmement préoccupants ne sont pas dus au hasard : les Français paient le prix des graves erreurs de politique économique que vous avez commises. Depuis dix-huit mois, chers collègues, vous cassez systématiquement toute amorce de croissance en pratiquant un bombardement fiscal dément et sans précédent de 60 milliards sur les ménages et sur les entreprises. Vous découragez les efforts, vous démotivez les hommes et les femmes de bonne volonté qui veulent  travailler, progresser.

Monsieur le ministre, écoutez les chefs d’entreprise, écoutez les artisans, écoutez les salariés ! Venez dans l’Yonne, à Auxerre ou en Puisaye, et je vous en présenterai. Ils n’en peuvent plus.

Oui, monsieur le ministre, il y a urgence à changer de politique. C’est pourquoi, avec le président Borloo, avec l’ensemble des groupes UMP et UDI, notamment les excellents Gérald Darmanin et Lionel Tardy, nous vous demandons aujourd’hui de revenir sur ce qui a été la première erreur de M. Hollande, sur le péché originel de ce quinquennat raté, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, que votre obsession antisarkozyste pathologique vous a amenés à effacer.

Vous avez commis une triple faute, à la fois sociale, économique, et morale.

Une faute sociale, d’abord, qui coûte cher aux Français, puisqu’elle diminue fortement leur pouvoir d’achat : 9 millions de salariés du secteur privé – le chiffre est connu – ont en effet perdu le bénéfice des heures supplémentaires, qui pouvait représenter 1 200 à 1 800 euros par an…

M. Arnaud Richard, rapporteur. Et même davantage pour certains !

M. Guillaume Larrivé. …soit un véritable treizième mois pour beaucoup d’entre eux.

C’est ensuite une faute économique, qui pénalise la compétitivité de nos entreprises, puisqu’elle consiste à les enfermer de nouveau dans le carcan des 35 heures, alors que la défiscalisation avait introduit la souplesse qui est indispensable pour répondre aux variations d’activité.

C’est une faute morale, enfin, puisque François Hollande avait fait croire, en trompant certains électeurs de bonne foi, que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires allait créer des milliers et des milliers d’emplois. Hélas, c’était, tristement, un mensonge. La vérité, c’est que cette mesure funeste n’a pas créé d’emplois.

M. Gérard Sebaoun. Les 35 heures ont tout de même créé 350 000 emplois !

M. Guillaume Larrivé. Si vous êtes fiers de votre bilan en termes de lutte contre le chômage, dites-le !

La vérité, disais-je, c’est que cette mesure n’a pas créé d’emplois, mais qu’elle a appauvri les Français. C’est une évidence.

Prétendre résoudre le chômage par la réduction du temps de travail, c’est prendre le problème à l’envers. Réduire le travail, limiter le travail, contraindre le travail, décourager le travail, cela ne fait, hélas, que détruire des emplois.

M. Gérard Sebaoun. Vous enfilez des perles !

M. Guillaume Larrivé. Alors oui, monsieur le ministre, nous vous appelons à défiscaliser à nouveau les heures supplémentaires. Ayez l’audace de définir un nouveau cap ! Ayez l’audace de changer de politique ! D’autres présidents de la République, d’autres majorités ont su le faire : il y a trente ans, sur ces mêmes bancs, le gouvernement de Pierre Mauroy a su faire un vrai virage et changer considérablement sa politique économique sous l’autorité de François Mitterrand. Plus tard, à l’automne 1995, le gouvernement Juppé a lui aussi corrigé sa politique économique, quelques mois après l’élection du président Chirac.

M. Gérard Sebaoun. Il n’a pas corrigé grand-chose !

M. Guillaume Larrivé. Corriger un cap, c’est faire œuvre d’intérêt général lorsqu’il y a urgence, comme c’est le cas aujourd’hui.

Ayez le courage, monsieur le ministre, d’assumer enfin les choix qui sont nécessaires à l’avenir de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Michel Issindou. Cela va redevenir sérieux !

M. Jean-Patrick Gille. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « travailler plus pour gagner plus », voilà ce que martelait en 2007 l’ancienne majorité de droite…

M. Michel Issindou. Ah oui, c’était beau !

M. Jean-Patrick Gille. …qui croyait alors à l’effet multiplicateur des heures supplémentaires, comme d’autres croient à la multiplication des pains. (Sourires)

À l’occasion de sa niche parlementaire, le groupe UDI veut réintroduire ce dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires, en reprenant presque exactement les mécanismes de l’article 1er de la funeste loi TEPA de 2007 : abattement sur les cotisations patronales, exonération quasi-totale des cotisations salariales et défiscalisation complète des heures supplémentaires – je note au passage, monsieur Larrivé, que l’UMP est revenu sur tous ces points au cours de la précédente législature, à l’exception, précisément, de la mesure relative aux heures supplémentaires.

Six ans plus tard, nos collègues de l’opposition ne semblent toujours pas avoir compris que ce dispositif est inefficace, et ce pour une raison simple : les vraies heures supplémentaires, celles qui s’ajoutent au travail existant, sont le fruit de la croissance, et non sa cause.

Dans la récente charte que vous avez signée avec le Modem, chers collègues de l’UDI – qui semblez d’ailleurs avoir disparus –,…

M. Yannick Favennec et M. Bertrand Pancher. Nous sommes pourtant bien là !

M. Jean-Patrick Gille. …vous affirmez que « la France a besoin d’une vision nouvelle, d’un renouvellement intellectuel qui dépasse les idéologies usées. » Mais où donc se trouve cette vision nouvelle, dans ce que vous proposez aujourd’hui ?

M. Michel Issindou. On la cherche !

M. Jean-Patrick Gille. Cela tient beaucoup moins de l’alternative que de la restauration, puisque vous ne faites que reprendre un dispositif coûteux et inefficace, qui vise en fait – vous l’avez reconnu en fait – à contourner les 35 heures.

Je rappelle que l’impact de la défiscalisation des heures supplémentaires sur l’emploi a été négatif. Abaisser le coût de l’heure supplémentaire favorise la situation des insiders, les salariés bien intégrés, au détriment des outsiders, les travailleurs précaires, les jeunes, les chômeurs, bref, tous les exclus du marché du travail. Quand on l’abaisse, comme vous l’avez fait, au point que l’heure supplémentaire devient moins chère que l’heure normale – ce qui est unique au monde – l’effet est maximum !

M. Michel Issindou et M. Gérard Sebaoun. Évidemment !

M. Jean-Patrick Gille. Dès lors, tout employeur a intérêt à recourir au maximum d’heures supplémentaires, plutôt que d’embaucher. Si, en période de croissance, les heures supplémentaires sont une variable d’ajustement de la production, en période de crise, elles sont une machine à créer des chômeurs, particulièrement avec un dispositif d’exonérations aussi avantageux.

Les différents rapports publiés ces dernières années ont bien mis en lumière le coût exorbitant de cette défiscalisation pour l’État. La baisse des charges salariales et patronales, ainsi que l’exonération d’impôt sur le revenu, coûtaient 4,5 milliards d’euros par an et, surtout, n’étaient pas financées. Si l’on tient compte, en outre, du coût pour les finances publiques de la dégradation du marché du travail qui en a résulté, cette mesure a creusé le déficit public de 6,8 milliards d’euros, rien qu’en 2011.

Selon le rapport d’information de MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, à la préparation duquel j’avais participé, « le nombre annuel d’heures supplémentaires n’a pas connu de hausse significative ».

M. Arnaud Richard, rapporteur. En effet.

M. Jean-Patrick Gille. « L’application du dispositif est marquée par un fort effet d’aubaine, un certain nombre d’heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ayant bénéficié des allégements fiscaux et sociaux. »

M. Michel Issindou. Et voilà !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ceci reste à prouver !

M. Jean-Patrick Gille. Alors que l’heure supplémentaire correspond à un surcroît de production lorsque le système productif tourne à plein, et que c’est donc elle qui rapporte le plus, c’est précisément celle-ci que l’ancienne majorité a choisi de subventionner par l’État, à hauteur de 6 à 7 euros de l’heure en moyenne. C’est une aberration économique, qui coûte plus qu’elle ne rapporte.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Nous avons seulement voulu soutenir nos entreprises !

M. Jean-Patrick Gille. Les auteurs du rapport ont en effet montré que le dispositif avait coûté 0,23 % du PIB et n’avait rapporté que 0,15 % de croissance.

En somme, vous voulez réamorcer un moteur économique à rendement négatif, une aide publique à crédit, qui produit moins de croissance qu’elle ne produit de dette. Réintroduire ce dispositif, c’est en effet donner du pouvoir d’achat par la puissance publique, et non par les entreprises. Ce n’est pas une politique d’emploi, mais un substitut de politique salariale financé par l’État, et en définitive par la dette.

C’est donc à cette hérésie économique que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a mis fin avec le projet de loi de finances rectificative de 2012, une gabegie dont tous les socialistes, ou quasiment tous, dénonçaient l’effet négatif sur l’emploi et sur les finances publiques.

M. Arnaud Richard. Pas tous !

M. Gérard Sebaoun. Tous, sauf un !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Sauf trois dont le porte-parole du groupe !

M. Jean-Patrick Gille. Pour autant, les heures supplémentaires n’ont pas été supprimées dans notre pays depuis dix-huit mois. Ce qui a disparu, c’est seulement, l’exonération des charges pour les salariés et l’exonération des charges patronales pour les entreprises de plus de vingt salariés. Et conformément aux prévisions formulées, cette réforme n’a pas conduit à un effondrement du volume d’heures supplémentaires. La suppression de ce dispositif a même un impact positif sur les finances, puisqu’elle permet d’économiser 2,6 milliards d’euros d’exonération de charges sociales et d’engranger 1,3 milliard d’euros d’impôt sur le revenu, sommes que nous avons choisi de consacrer à la mise en place et à la montée en charge des dispositifs en faveur de l’emploi…

M. Michel Issindou. C’est bien mieux !

M. Jean-Louis Borloo. Les ouvriers français vous remercient !

M. Jean-Patrick Gille. …avec les 150 000 emplois d’avenir, dont la moitié est déjà réalisée, et les contrats de génération. Nous finançons également l’activité partielle.

Cela répond à notre priorité en faveur de l’emploi, notamment l’emploi des jeunes, que vous avez sacrifié. Mieux vaut faire travailler plus de monde, que d’amplifier la dualisation du marché du travail et d’en exclure les jeunes. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Gérard Sebaoun. C’est implacable !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, l’UDI et son président Jean-Louis Borloo nous présentent une proposition de loi, visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires.

M. Jean-Louis Borloo. Nous défendons le SMIC !

Mme Annie Le Houerou. La défiscalisation de l’exonération sociale des heures supplémentaires, inscrite à l’article 1er de la loi TEPA du 21 août 2007, a été présentée comme la panacée par la majorité de l’époque, et ce sont ses prétendus avantages que vous souhaitez rétablir. Cette mesure phare, défendue ardemment pendant la campagne présidentielle de 2007 symbolisait la revalorisation du travail et de l’emploi. Personne n’a oublié la chimère « Travailler plus pour gagner plus. »

Quel bilan peut-on tirer de cette expérience de défiscalisation des heures supplémentaires ? Dès janvier 2009, le gouvernement d’alors a admis que l’effet sur l’emploi n’était pas satisfaisant. Or c’est la première de nos préoccupations, et notamment l’emploi des jeunes. En octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait nécessaire la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et préconisait la réintégration de ces heures dans le calcul de la réduction Fillon. En juin 2011, enfin, le député socialiste Jean Mallot et le député UMP Jean-Pierre Gorges ont rédigé un rapport sur le sujet, dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale.

Celui-ci révèle que le recours aux heures supplémentaires défiscalisées n’a pas incité les entreprises à embaucher. Elle a en revanche incité un nombre important d’entreprises à adopter des pratiques d’optimisation fiscalo-sociale en déclarant des heures supplémentaires fictives. Le coût des exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires s’élevait à 3,1 milliards d’euros en 2011, dont 2,4 milliards pour les exonérations salariales et 700 millions pour les exonérations patronales. Quant au coût de la défiscalisation des heures supplémentaires au titre de l’impôt sur le revenu, il s’élevait à 1,4 milliard d’euros. Au total, la mesure a donc coûté à l’État et à la Sécurité sociale, c’est-à-dire au contribuable, 4,8 milliards d’euros en année pleine.

Le dispositif a donc été évalué, et son inutilité, tant sur le plan économique que sur celui de l’emploi, n’est plus à démontrer. Comme le confirment de nombreux experts, cette mesure a limité les créations d’emploi, pesé sur le PIB et créé de la dette. Il est vrai que les heures supplémentaires constituaient un élément stable de rémunération, notamment dans les entreprises de moins de vingt salariés qui n’étaient pas passées aux 35 heures dans les faits. Ainsi, chaque salarié avait systématiquement quatre à cinq heures supplémentaires chaque semaine. Ces pratiques, fréquentes dans les secteurs où les conditions de travail sont difficiles, comme l’industrie, la métallurgie, la restauration ou les transports, se retrouvent également dans l’industrie agroalimentaire, où les conditions de travail sont également très difficiles, les salariés étant souvent atteints de troubles musculo-squelettiques. Ces heures supplémentaires ne font donc qu’accentuer la pénibilité au travail, et ses conséquences sur la santé des salariés.

Dans la plupart des cas, ce ne sont pas les salariés qui choisissaient de faire ces heures supplémentaires mais, leur coût étant plus faible que les heures ordinaires, elles étaient imposées par l’entreprise, et tout le monde semblait y trouver son compte. Les salariés s’en satisfaisaient, car elles constituaient un complément de revenu défiscalisé.

Je veux revenir sur les propos de M. Darmanin, qui regrettait que ces heures supplémentaires ne permettent plus aux salariés de payer les cours du soir à leurs enfants.

M. Gérald Darmanin. J’ai dit qu’elles les payaient en partie, ne caricaturez pas mes propos !

Mme Annie Le Houerou. Pour notre part, nous préférons payer des enseignants dans nos écoles, au service de tous les enfants et de toutes les familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Michel Issindou. C’est beaucoup mieux !

Mme Annie Le Houerou. Ces heures supplémentaires constituaient également un facteur aggravant de la pénibilité au travail et avaient, comme je l’ai déjà dit, un effet négatif sur la création d’emplois. Le maintien du pouvoir d’achat ne doit pas servir de prétexte, le combat en faveur du pouvoir d’achat ne doit pas se faire au détriment de l’emploi et de la santé des salariés.

Notre majorité a une conception différente de la gestion des emplois dans notre pays et nous rejetons fermement, dans ce contexte tendu de l’offre, le mot d’ordre : « Travailler plus pour gagner plus. » C’est pourquoi nous avons mis fin à cette incitation dès notre arrivée, conformément à l’engagement numéro 34 du Président de la République.

En ces temps de crise, où l’on demande à tous nos concitoyens de faire des efforts, nous nous devons de créer toutes les conditions pour gagner la bataille de l’emploi et pour réaliser un meilleur partage du travail.

M. Lionel Tardy. Cela ne se décrète pas, l’emploi !

Mme Annie Le Houerou. Nous devons mobiliser les crédits publics pour soutenir des mesures favorisant la création d’emplois, en particulier l’emploi des jeunes, plus efficaces pour notre économie et pour l’avenir de notre pays. Je rappelle à ce propos le succès des emplois d’avenir.

M. Lionel Tardy. C’est une blague !

Mme Annie Le Houerou. Permettre à nouveau la défiscalisation des heures supplémentaires, alors que la France bat des records en matière de chômage n’aurait aucun sens, et la maîtrise des finances publiques nous impose de toujours bien mesurer les coûts-avantages réels d’une nouvelle mesure.

Je souhaite que nous exprimions notre rejet de cette mesure inefficiente. Nous devons suivre notre cap et concentrer notre action, avec force et vigueur, sur l’emploi, particulièrement l’emploi des jeunes. C’est bien par l’emploi que les Français pourront retrouver un pouvoir d’achat plus important. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. Arnaud Richard, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Arnaud Richard, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je souhaite apporter un certain nombre de réponses montrant combien cette proposition de loi est au cœur du sujet, particulièrement après les propos tenus par le Président de la République ce matin. Nous avons tous vocation à rester humbles face aux chiffres du chômage ; de ce point de vue, je salue l’adresse dont le Président a fait preuve en reconnaissant, après avoir dit qu’il ferait baisser le chômage avant la fin décembre, que cela était certainement illusoire, et je trouve assez honnête de sa part de dire qu’il ne serait pas capable de le faire.

M. Jean-Patrick Gille. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Les socialistes qui m’ont expliqué ses propos ont pourtant bien compris la même chose que moi !

M. Jean-Patrick Gille. Ce sont de mauvais esprits !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Les salariés français ne demandent qu’une seule chose, mes chers collègues : pouvoir vivre des fruits de leur travail. Peut-être nous sommes-nous trompés sur la loi TEPA, peut-être n’était-elle pas parfaite. Pour autant, après qu’elle a été un symbole de l’élection présidentielle et que vous êtes revenus dessus, les propos de MM. Bapt, Mandon, Grandguillaume sur ce sujet – que je ne citerai pas pour rester correct à leur égard – ont montré combien vous êtes allés un peu vite pour mettre à mal ce dispositif peut-être imparfait, je vous l’accorde, monsieur le ministre.

Vous laissez entendre que nous aurions une différence d’appréciation économique sur ce que doit être le marché du travail. À l’évidence, le dispositif en question, je le répète, n’est pas parfait, et nous aimerions pouvoir ne l’appliquer qu’aux seuls secteurs d’activité ou branches en tension. Mais la loi étant ce qu’elle est, et compte tenu du rapport que nos compatriotes ont à l’impôt, cela n’est pas possible. Vous avez d’ailleurs parfaitement posé la question à la tribune, question sur laquelle personne parmi nous n’est vraiment à l’aise : quelle est aujourd’hui la durée légale du travail dans notre pays ?

M. Michel Issindou. 35 heures !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Vous auriez tout intérêt, de ce côté de l’hémicycle, à réfléchir un peu à ce sujet ! La question de la durée légale du travail par branche se trouve devant nous, monsieur Issindou, et vous savez tout comme moi, monsieur le ministre, que nous aurions tous intérêt à être extrêmement modernes en la matière.

Un marqueur existe manifestement, vu la difficulté que nous avons pour nous entendre. En l’occurrence, vous laissez entendre que vous menez une politique active sur le chômage alors que nous aurions été incapables de le faire baisser. N’est-ce pas pourtant Jean-Louis Borloo qui a ramené le taux de chômage à 7,8 % ?

M. Jean-Patrick Gille. C’était il y a longtemps !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Nous n’avons donc de leçon à recevoir de personne, monsieur le ministre. Depuis que vous êtes arrivés aux affaires, ce sont 368 000 chômeurs de plus – et encore, nous n’avons pas encore les nouveaux chiffres ! Alors arrêtez avec les leçons de morale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Bertrand Pancher. Enfin un rapporteur à la hauteur !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le rapporteur, je vais essayer à mon tour d’apporter quelques éléments de réponse aux différentes interventions. Je le répète, car c’est sur cela que repose notre débat, il existe deux options politiques très différentes sur la manière de relancer notre économie : la première consiste à utiliser les moyens de la puissance publique, à travers le budget de l’État, pour relancer l’économie et mettre en place des politiques actives de l’emploi. La seconde, que vous avez choisie, consiste en une politique d’augmentation du pouvoir d’achat, sous la forme d’une défiscalisation des heures supplémentaires, ce qui revient tout simplement à distribuer à partir du budget de l’État un supplément de salaire aux Français. Vous avez choisi de distribuer du salaire à travers le budget de l’État aux salariés du privé, dont acte.

Ces deux options étaient en débat. À dix-huit heures vont tomber les chiffres du chômage, et nous saurons alors si ces chiffres confirment la baisse du chômage ou s’il s’agit à nouveau d’un mauvais mois.

Je veux juste vous décrire la réalité, parce qu’elle est froide et qu’elle concerne des êtres humains qui s’inscrivent à Pôle Emploi. À notre arrivée aux responsabilités, le nombre de chômeurs supplémentaires par jour en France était de 1 000 jusqu’au premier trimestre de cette année : 1 000 chômeurs de plus par jour ! Au deuxième trimestre, ce nombre est passé à 600 chômeurs de plus par jour – encore 600 de trop – et, au troisième trimestre, à 180 chômeurs de plus par jour – toujours 180 de trop.

Je le dis comme membre de ce gouvernement qui, à son niveau, a pour obsession la feuille de route fixée par le Président de la République, dont l’objectif extrêmement volontariste est l’inversion de la courbe du chômage. Vous savez comme moi, puisque vous avez exercé des responsabilités, que le chômage de masse est comme un train lancé à grande vitesse : pour être en capacité d’inverser sa course, il faut un peu de temps, d’abord pour qu’il ralentisse, ensuite pour permettre cette inversion. L’engagement du Président de la République, qu’il a répété aujourd’hui, c’est d’être en capacité d’inverser durablement la courbe chômage.

Mme Bérengère Poletti. Sans doute ; mais n’avez-vous pas dit que « Le changement, c’est maintenant » ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous en prie, les bons mots, réservez-les pour les campagnes électorales !

M. Lionel Tardy. C’est un peu facile !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Jusqu’à présent, monsieur Tardy et madame Poletti, le débat était de bonne qualité ! Alors restons au même niveau plutôt que de se jeter des chiffres de chômeurs au visage, surtout quand on a le bilan qui est le vôtre, là où nous essayons d’améliorer la situation !

Mme Bérengère Poletti. C’est vous qui faites de la polémique, monsieur le ministre !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Répétons-le : tous ces chômeurs supplémentaires par jour, c’est la froide réalité. Que se passe-t-il ? Ce nombre diminue, et nous espérons ou plutôt nous travaillons – et nous verrons si ce soir les chiffres le confirment ou non – pour faire en sorte qu’à la fin de l’année nous inversions la courbe du chômage.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Vous ne semblez pas très serein !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Tardy, vous avez fait le choix, tout comme Arnaud Richard que j’écoutais à l’instant, de défiscaliser les heures supplémentaires, c’est-à-dire de parier sur l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés. Pour tous ceux qui en ont bénéficié, même 200 euros par an, c’était un bonus : je ne l’ai pas contesté, et je l’ai même dit ici. Mais le choix politique que nous faisons, c’est de consacrer ces moyens à la création d’emplois en faveur des jeunes,…

M. Lionel Tardy. Avec des emplois aidés ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …et l’inversion de la courbe du chômage des jeunes depuis cinq mois n’est contestée par personne sur ces bancs.

La vraie question qui vous est posée, comme elle nous est posée à l’instant par M. Arnaud Richard, même si pour notre part nous y avons répondu depuis longtemps, est la suivante : quelle est la durée légale du travail ? Pour nous, c’est 35 heures, tout comme le seuil de déclenchement des heures supplémentaires est à 35 heures. Chez vous, il y a M. Fillon qui pense une chose, M. Bayrou qui en pense une autre, M. Darmanin une autre encore…

M. Gérald Darmanin. Je vous remercie pour cette comparaison !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Comme vous le voyez, monsieur Darmanin, je vous prête un destin considérable : celui peut-être d’être candidat à une primaire au sein de l’UMP !

M. Borloo pense autre chose encore, tout cela au sein de la même famille politique ! Vous avez eu le temps d’y réfléchir pendant treize ans, dont dix ans d’exercice du pouvoir, et nous serons très attentifs aux conclusions que vous allez enfin tirer de votre réflexion ! Il serait temps que vous disiez aux Français si vous considérez, oui ou non, que les 35 heures doivent rester la durée légale hebdomadaire du travail. Voilà dix ans que l’on attend de savoir, et je suis désolé de ne pas avoir encore de réponse ni de l’UMP ni de l’UDI – ni de l’Alternative, monsieur Borloo !

J’aimerais conclure avec deux ou trois commentaires. Vous évoquiez les services à la personne, monsieur Borloo : beau sujet ! Mais la plupart des femmes qui, aujourd’hui, sont obligées de fractionner leur temps de travail ne font aucune heure supplémentaire ! Quand vous faites trois heures de ménage ici, quatre heures de nounou là, etc., il n’y a pas d’heure supplémentaire. Ces femmes n’ont absolument pas bénéficié de ce dispositif ! Des ouvriers, des cadres en ont effectivement bénéficié, mais, encore une fois, le régime fiscal et social n’est pas le régime du droit du travail pour les heures supplémentaires, dont je vous rappelle qu’elles sont toujours majorées de 25 %.

En outre, et c’est le point qui nous posait problème, ce ne sont pas les salariés qui décident de faire des heures supplémentaires : c’est l’employeur qui décide si, oui ou non, il y aura des heures supplémentaires et si ses salariés en feront ou pas, selon son propre choix. Voilà la réalité du monde du travail ! Ceux qui, comme vous ou comme moi, ont travaillé dans le privé ou créé une entreprise, le savent !

M. Lionel Tardy. Les salariés sont bien contents de faire des heures supplémentaires, surtout les jeunes !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous le dis simplement, le choix du Gouvernement, et nous l’assumons totalement, c’est de préférer utiliser ces milliards pour la création d’emplois.

Je souffre à cet égard que vous n’ayez pas clarifié un point, notamment vous, monsieur Borloo : comment financez-vous votre proposition ?

M. Jean-Marc Germain. S’ils savaient équilibrer les finances publiques, cela se saurait !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’écoute les propositions de l’UDI dans le débat sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises : elles consistent, si je comprends bien, à substituer au crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE – dispositif qui ne serait pas optimal en termes d’efficacité –, une baisse des cotisations patronales et un allégement de charges. Vous savez parfaitement que les charges sont déductibles du résultat imposable et que, de facto, si l’on veut obtenir le même effet pour les entreprises qu’avec le CICE, soit 20 milliards, il faudrait jusqu’à 27 milliards d’allégements de charges ! Si ce montant était compensé par l’État, il faudrait augmenter la TVA de cinq points ! Je veux donc que vous nous disiez comment vous financez ces 4,5 milliards ! Si on promet aux Français d’augmenter leurs salaires par la défiscalisation des heures supplémentaires sans leur dire comment on la finance, alors ce n’est pas sérieux ! Ce n’est pas sérieux de ne pas répondre à ces questions !

Je regrette qu’aujourd’hui, vous ne soyez pas capables de dire comment vous financez cela ; c’est la raison pour laquelle je considère, hélas, que cette proposition de loi est, pour l’essentiel, démagogique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Le propre de la démocratie, c’est de pouvoir se parler ! Monsieur le ministre, soit vous avez eu un moment d’inattention, ce qui peut nous arriver à tous, soit vous avez fait semblant de ne pas comprendre. La question des heures supplémentaires n’est pas seulement la question du pouvoir d’achat, que vous avez traitée à l’instant de sujet démagogique – les salariés gagnant deux fois le SMIC apprécieront d’ailleurs vos propos : c’est la question de l’activité.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mais non ! Quand on est un candidat comme vous, il faut être sérieux !

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas interrompu : ayez la courtoisie de vous rappeler que vous êtes à l’Assemblée nationale !

Savez-vous ce que c’est, un déficit ? C’est le rapport entre les entrées et les sorties ; ce n’est pas une réponse à l’accumulation de la surfiscalisation ! Lorsque vous supprimez le forfait social sur les services à la personne, alors que tous les experts, toutes les associations vous disent que cela va détruire 100 000 à 150 000 emplois cette année, c’est de la réduction d’activité et de la réduction de recettes ! Lorsque l’INSEE vous dit qu’en raison de cette décision, nous sommes obligés d’intégrer dans les chiffres du chômage le travail au noir non déclaré, c’est la même réponse ! De même lorsque vous augmentez la TVA à la suite d’une première augmentation de 100 % sur un certain nombre de secteurs qui créent, eux, immédiatement de l’emploi ! La crise du bâtiment en France et les 120 000 emplois détruits depuis dix-huit mois sont pourtant bien là ! Aussi, tout ce que nous vous demandons, c’est de faire attention à l’activité économique.

Les heures supplémentaires sont des variables d’activité, et je dois dire, monsieur Hamon, que je suis très surpris, car je pensais que le parti socialiste allait évoluer : lorsque vous expliquez que le principal problème, c’est le méchant patron qui choisirait le bon ouvrier pour favoriser son pouvoir d’achat marginal, j’ai malheureusement l’impression que nous régressons !

Comment finançons-nous ? Je vous réponds : par la variation d’activité ! C’est l’activité qui réduit les déficits et qui finance le pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Jean-Marc Germain. Vous avez dit cela pendant dix ans !

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Sans surprise, je suis très favorable à cette proposition de loi de l’UDI. J’aimerais, au nom de mes collègues du groupe UMP, saluer la qualité des textes que nous examinons aujourd’hui : cela nous change du texte sur la coprésidence des groupes à l’Assemblée nationale présentée par le groupe écologiste lors de sa première niche parlementaire !

M. Gérard Sebaoun. Le rapport entre les deux est évident !

M. Lionel Tardy. Le présent texte est similaire à la proposition de loi de Xavier Bertrand et Bruno Le Maire, que j’ai cosignée comme beaucoup de mes collègues UMP ici présents, Gérald Darmanin, Guillaume Larrivé ou Bérengère Poletti. Cette dernière proposition de loi a été déposée quelques semaines après les propos du porte-parole du groupe SRC, Thierry Mandon, qui affirmait que le Gouvernement était allé trop vite sur la suppression de la défiscalisation. Celle-ci a été supprimée dès le projet de loi de finances rectificative de 2012, un peu comme un symbole qu’il fallait sacrifier.

Je trouve cela particulièrement déplorable car, objectivement, cette défiscalisation a eu des effets positifs dont mes collègues ont largement parlé en commission et ici même. Cette disposition a eu des effets sur le pouvoir d’achat et sur la compétitivité, c’est-à-dire sur tout ce qui manque au pays à l’heure actuelle et que le Gouvernement peine – pour ne pas dire patine totalement ! – à lui donner.

Son rétablissement aurait un impact positif sur les classes moyennes, grandes oubliées de la politique socialiste. De plus, il faut le souligner, l’article premier contient une petite disposition qui limite le rétablissement des avantages liés à la défiscalisation des heures supplémentaires aux salariés modestes gagnant moins de deux fois le SMIC. Cela devrait balayer les réserves de la majorité et l’inciter à voter ce texte. Nous avons là une belle occasion d’entamer enfin cette pause fiscale dont ont besoin le pays et ses entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je remarque que le groupe UDI persiste…

M. Arnaud Richard, rapporteur. Et signe !

M. Pierre-Alain Muet. …dans l’erreur en réintroduisant ce qui est à la fois une aberration économique et une arme de destruction massive de l’emploi.

Lorsque nous avons débattu de ce sujet dans cet hémicycle, j’ai toujours dit que, dans la situation actuelle, la défiscalisation des heures supplémentaires était une arme de destruction de l’emploi qui n’aurait aucun effet sur l’ensemble du revenu. Dans une situation de plein emploi, nous pourrions nous poser la question : dans la France des années 1950 qui connaissait une pénurie de travailleurs, nous aurions pu subventionner les heures supplémentaires, mais cela n’était pas nécessaire puisqu’elles augmentaient spontanément ! En revanche, dans une situation de chômage, c’est aberrant : en effet, le seul effet de la subvention à l’heure supplémentaire est de conduire les entreprises à utiliser des heures supplémentaires, quand elles le peuvent, au détriment de l’emploi.

M. Gérald Darmanin. Pas du tout : elles ne peuvent pas embaucher ! C’est absurde !

M. Pierre-Alain Muet. On déplace l’équilibre. Il s’agit d’une politique de partage du travail qui consiste à concentrer le travail, qui est rare, sur ceux qui ont déjà la chance d’avoir un emploi en oubliant les autres. Quel est le résultat ? On détruit, selon les simulations, entre 70 000 et 90 000 emplois.

Certes, les salariés qui réalisent des heures supplémentaires gagnent plus, mais ceux qui perdent leur emploi gagnent moins. Au total, le dispositif est complètement neutre : il n’a aucun effet sur le revenu global.

Nous ne partons pas de n’importe quelle situation. Comme l’Europe, notre pays connaît depuis six ans une croissance nulle. Qu’ont fait les Allemands en 2008 et 2009, au plus fort de la crise ? Ils ont instauré le Kurzarbeit, la réduction du temps de travail : ils ont fait en sorte que les salariés continuent à être rémunérés en travaillant moins, puisqu’ils n’avaient pas la possibilité de travailler plus. Voilà une politique intelligente qui a permis à l’Allemagne de réduire son taux de chômage malgré la crise.

Chers collègues de l’opposition, votre proposition va complètement à l’encontre de ce qu’il faudrait faire. Réintroduire cette mesure aujourd’hui est une aberration : certes, elle donne l’impression d’augmenter le pouvoir d’achat, car les salariés qui bénéficient de cette augmentation la perçoivent, mais ceux qui perdent leur salaire, leur emploi et se retrouvent au chômage à cause de cette mesure sont pénalisés.

Dans la situation actuelle, la seule mesure intelligente consiste à subventionner la première heure de travail, celle que réalise le salarié qui retrouve un emploi. La façon la plus simple de le faire, c’est de mettre en place des emplois aidés, les emplois d’avenir, comme nous le faisons. En donnant de l’emploi à ceux qui n’en ont pas, on distribue du salaire, du revenu, et on aide l’économie à repartir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, lorsque nous avons décidé de défiscaliser les heures supplémentaires il y a plus de six ans, nous poursuivions deux objectifs. Le premier était de soutenir le pouvoir d’achat des salariés modestes : cet objectif a été atteint. Les bénéficiaires de la part des 6 milliards d’euros revenant aux salariés sont des salariés modestes, et non des cadres supérieurs ou des salariés qui gagnent très bien leur vie,...

M. Michel Issindou et M. Denys Robiliard. Si !

M. Charles de Courson. …et c’est bien ce qui vous gêne !

Le deuxième objectif était économique. Monsieur Muet, nous avons débattu de cette question pendant des heures. Une petite minorité de la gauche commence à ouvrir les yeux. Quant à vous, vous croyez à la substituabilité des êtres humains, mais vous vous trompez totalement !

M. Gérald Darmanin. Exactement !

M. Lionel Tardy. C’est un rêve !

M. Charles de Courson. En situation de chômage élevé, certains secteurs connaissent une pénurie de main d’œuvre.

M. Lionel Tardy. En effet, 400 000 emplois ne sont pas pourvus !

M. Charles de Courson. Je pourrais vous donner des exemples dans ma propre circonscription. Cela peut s’expliquer par de nombreuses raisons, notamment par des problèmes de formation ou de mobilité géographique. Ainsi, le deuxième objectif économique de la mesure était de permettre une meilleure gestion.

Certes, cette mesure aurait mieux fonctionné dans un contexte de reprise économique : moins d’un an plus tard, la grande crise financière s’est déclenchée. Mais vous ne pouvez pas nier ces deux objectifs.

M. Denys Robiliard. Si, nous pouvons les nier !

M. Charles de Courson. Le premier objectif a d’ailleurs été atteint. Or, chers collègues de la majorité, vous avez supprimé cette mesure sèchement, et vous vous étonnez de vous faire engueuler partout dans vos circonscriptions.

M. Jean-Louis Borloo. Vous avez favorisé la montée du Front national !

M. Charles de Courson. Vous avez amputé le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres ou modestes. Lors de la discussion générale, les différents orateurs ont indiqué que le pouvoir d’achat par ménage avait baissé de 1,9 point. Étonnez-vous, mes chers collègues : c’est la première fois depuis 1983 ou 1984 que nous connaissons un tel phénomène ! Souvenez-vous, monsieur Muet, même si vous étiez un peu jeune, à l’époque. (Sourires.)

Enfin, monsieur Hamon, vous nous posez la question du financement. Puis-je vous rappeler comment vous avez prétendu financer le CICE ? Les 20 milliards d’euros nécessaires sont financés par des économies, à hauteur de 10 milliards d’euros sur deux ans, et des augmentations des prélèvements obligatoires, à hauteur de 10 milliards également – par ailleurs, ces augmentations concernent de façon très injuste le taux intermédiaire de la TVA, et non le taux normal. Nous pouvons vous faire la même réponse, mes chers collègues ! Nous cherchons toujours où se trouvent vos 15 milliards d’euros d’économies : nous n’en avons trouvé que 6 à 7 milliards, soit à peine la moitié, en comptant large. De même, sur les 10 milliards d’euros d’économies annoncés pour 2013, nous en avons trouvé à peine 6 milliards. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes. Nous sommes donc un peu perplexes quant à votre politique économique !



Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que les interventions sur l’article peuvent durer deux minutes, au maximum.

La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Deux minutes pour parler des 35 heures, ce n’est pas beaucoup, madame la présidente, mais j’essaierai de respecter le temps imparti.

M. Francis Vercamer. Faites donc quelques heures supplémentaires ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Germain. Je m’adresse à M. Borloo, même s’il est en train de quitter l’hémicycle.

M. Jean-Louis Borloo. Non, je suis là !

M. Jean-Marc Germain. Vous nous avez appelés à un débat de fond, monsieur Borloo, mais je ne doute pas qu’Arnaud Richard incarnera votre pensée avec le talent qu’on lui connaît.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je ne vais pas me gêner ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand et M. Jean-Louis Borloo. Fait personnel ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Germain. Monsieur Borloo, existe-t-il un autre pays où l’on a osé subventionner le chômage plutôt que l’emploi ? C’est cela, le dispositif de subvention des heures supplémentaires !

Je ne reprendrai pas la brillante intervention de Pierre-Alain Muet. Vous venez d’ailleurs, monsieur de Courson, d’évoquer le début des années 1980 : à cette époque, j’avais la chance d’avoir Pierre-Alain Muet comme professeur d’économie, et il avait parfaitement analysé la situation ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Charles de Courson. Le Gouvernement ne serait pas au fond du trou s’il avait écouté Pierre-Alain Muet ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Germain. Par ailleurs, y a-t-il une seule raison de faire payer à une entreprise moins d’impôts pour le salarié qui fait sa trente-sixième heure que pour l’ancien chômeur qui commence sa première heure ? Non, il n’y a aucune raison. Ce système est absurde ! Pierre-Alain Muet a parlé d’une arme de destruction massive de l’emploi : c’est la réalité. Dans ce pays, on a subventionné le chômage pendant cinq ans : nous avons été les seuls au monde à agir ainsi !

Bien sûr, la suppression de ce dispositif crée une difficulté en matière de pouvoir d’achat, mais ne nous dites pas, chers collègues de l’opposition, que vous avez soutenu le pouvoir d’achat au cours des dix dernières années ! Nous venons de vivre la pire décennie que notre pays n’ait jamais connue en termes d’augmentation du pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Lionel Tardy. Avec vous, le pouvoir d’achat est en baisse !

M. Charles de Courson. Deux années de baisse consécutive !

M. Jean-Marc Germain. Pour nous, les problèmes de pouvoir d’achat ne se règlent pas de cette façon mais, par exemple, en réindexant le barème de l’impôt sur le revenu, en augmentant le seuil du revenu fiscal de référence et en procédant bientôt à la réforme fiscale annoncée par le Premier ministre.

Au fond, que faisiez-vous en instaurant ce système ? Vous étiez en train de rendre les heures supplémentaires indispensables pour vivre. Or, en termes de droit du travail, les heures supplémentaires sont des heures sans contrat de travail.

M. Charles de Courson. Des heures sans contrat de travail ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Jean-Marc Germain. Les propos tenus tout à l’heure par Benoît Hamon sont très importants, mais vous les avez caricaturés. Tous les employeurs le savent : les heures supplémentaires, cela se donne.

M. Bertrand Pancher. Good bye Lenin !

M. Jean-Marc Germain. Je ne dis pas que tous les employeurs sont malicieux,…

M. Charles de Courson. Ah, quand même !

M. Jean-Marc Germain. …mais les heures supplémentaires se donnent et se reprennent comme elles ont été données, sans aucune raison :…

M. Charles de Courson. Non, ce n’est pas un don !

M. Xavier Bertrand. Elles se donnent s’il y a du travail à donner, tout simplement !

M. Jean-Marc Germain. …« Si tu ne t’es pas bien comporté, si tu n’as pas été gentil avec moi, alors je suis désolé, je n’ai plus d’heure à te donner, mais ton collègue en aura. » (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Lionel Tardy. C’est Germinal, chez vous !

M. Jean-Marc Germain. Vous le savez tous : dans les entreprises, les salariés ne comprennent pas pourquoi certains obtiennent des heures supplémentaires tandis que d’autres n’en ont pas. Il n’y a aucune raison d’accorder à tel ou tel salarié des heures supplémentaires et d’en refuser à tel autre. Ce sont des heures sans contrat de travail ; parce que nous défendons le contrat de travail, nous voulons que le salaire soit déterminé par ce dernier, et non par les heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérald Darmanin. C’est L’Assommoir !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Monsieur Germain, nous parlons d’une dépense de 4,5 milliards d’euros par an, dont 3,5 milliards pour les salariés et 1,5 milliard pour les entreprises.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cela fait 5 milliards !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Cela fait 4,5 milliards : 3,5 milliards pour les salariés et 1 milliard pour les entreprises.

M. Lionel Tardy. Les contrats de génération coûtent 3,4 milliards d’euros !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Monsieur le ministre, qu’avez-vous fait de ces 3,5 milliards d’euros pour les Français ? Je ne reconnais par le Benoît Hamon que j’ai connu pendant de nombreuses années, l’homme de la gauche de la gauche :…

M. Xavier Bertrand. On nous l’a changé : il s’est technocratisé !

M. Gérald Darmanin. C’est Moscovici !

M. Arnaud Richard, rapporteur. …il a transféré 3,5 milliards d’euros pour les Français vers les entreprises. Je ne vous reconnais pas, monsieur Hamon ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Où êtes-vous ? Sortez de ce corps !

M. Gérald Darmanin. Bercy, ça change un homme !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ces 3,5 milliards d’euros pour les Français ont été transférés au profit des entreprises.

Mme la présidente. Merci, monsieur le rapporteur.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Encore quelques mots, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, vous vous êtes exprimé dans le cadre de la présentation de votre proposition de loi. Vous avez la parole, mais pas pour huit heures ! (Sourires.)

M. Arnaud Richard, rapporteur. Un dernier point, madame la présidente. Je viens de faire le procès de M. Hamon : je vous l’accorde, cela m’a fait plaisir, mais ce deuxième point est beaucoup plus sérieux et il nous concerne tous, mes chers collègues. Effectivement, monsieur Muet, les Allemands ont mieux géré la situation que nous en mettant en œuvre le Kurzarbeit.

M. Jean-Marc Germain. Ils ont fait exactement le contraire de vous, et cela a fonctionné !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Mais si nous étions capables d’appliquer ce dispositif à un certain nombre de secteurs connaissant une situation tendue, nous agirions de manière efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Après les propos de Jean-Marc Germain,…

M. Charles de Courson. Qui démontrent une connaissance fine de l’entreprise !

M. Francis Vercamer. …je me fais un devoir de prendre la parole : j’ai l’impression de revenir vingt ans en arrière.

M. Charles de Courson. Trente ans !

M. Francis Vercamer. Mais quand j’apprends, monsieur Germain, que votre enseignant était Pierre-Alain Muet, je comprends tout : vous vous formez entre vous, ce qui explique que vous soyez restés depuis vingt ans sur la notion de partage du travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Richard, rapporteur. Rendez-nous Jospin !

M. Francis Vercamer. Je suis toujours assez surpris d’entendre que pour créer du travail, il faut le partager.

M. Lionel Tardy. Avant de le partager, il faut le créer !

M. Francis Vercamer. Nous ne partageons pas du tout ce point de vue : si c’était le cas, puisque vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires il y a dix-huit mois, nous aurions dû voir la courbe du chômage s’inverser depuis longtemps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Or, depuis dix-huit mois, le Président de la République fait des incantations pour obtenir l’inversion de la courbe sans en voir le début du commencement !

Le parti socialiste est resté sur la notion de partage du travail. Nous, nous considérons que le travail crée la croissance. Plus il y aura de travail, plus il y aura de croissance, et plus il y aura de croissance, plus il y aura d’emplois. Si vous supprimez le travail, vous supprimez la croissance, et donc l’emploi. Cela se voit : depuis deux ans que vous êtes aux responsabilités, le pouvoir d’achat diminue, donc la consommation baisse, la croissance est atone et il n’y a pas d’emplois. Voilà la conséquence de votre politique !

Avec cette proposition de loi, nous souhaitons que les plus bas salaires – moins de deux SMIC, ce n’est quand même pas le bout du monde ! – puissent continuer à bénéficier d’heures supplémentaires défiscalisées, afin que leur pouvoir d’achat ne régresse pas, comme c’est malheureusement le cas du fait de la politique menée par le Gouvernement.

Je pense donc que vous allez réfléchir, monsieur Germain, au lieu d’écouter votre ancien professeur, et que vous allez changer d’avis.

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements.

Sur l’amendement n1, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

M. Gérald Darmanin. Très bien !

M. Lionel Tardy. Chacun est mis devant ses responsabilités !

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n1 tendant à supprimer l’article 1er.

M. Denys Robiliard. Les membres du groupe SRC ont déposé un amendement de suppression sur chaque article, mais nous n’allons pas reprendre la discussion générale – d’autant que nous en avons déjà eu deux, sur l’ensemble du texte et sur l’article 1er !

Chers collègues de l’opposition, nous vous avons opposé de façon claire quatre rapports successifs : le rapport du Gouvernement sur la mise en œuvre de la loi TEPA, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, et le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale cosigné par Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot. Nous avons cité les éléments, les résumés et les chiffres présentés dans ces rapports, qui constatent tous l’inefficacité du dispositif par rapport aux objectifs qui lui étaient assignés dans l’exposé des motifs du projet de loi TEPA. Vous ne voulez pas l’entendre.

M. Jean-Louis Borloo. Entendez la voix des travailleurs !

M. Denys Robiliard. Des rapports présentés par la Cour des comptes ou rédigés par des parlementaires indiquent clairement que votre politique est inefficace, mais vous n’en tirez aucune conséquence.

Par ailleurs, vous tenez un double discours. L’économie que nous réalisons n’est pas mince, puisqu’elle s’élève à 4,5 milliards d’euros – je rappelle que le coût de votre dispositif était de 4,8 milliards d’euros en 2011.

Nous le reconnaissons, cette économie a des conséquences en termes de pouvoir d’achat. Mais nous, nous transférons ce pouvoir d’achat à ceux qui n’en ont pas. Or sur ce point nous n’avons aucune réponse de  votre part. J’attends donc que vous nous disiez en quoi votre politique aurait été efficace hormis le fait d’avoir redistribué du pouvoir d’achat à ceux qui en ont déjà !

M. Maurice Leroy. C’était laborieux !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Richard, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à cet amendement. En cela, sa majorité a refusé le cadeau politique qui lui était fait et a gardé les mêmes postures.

M. Robiliard a cité nos collègues Gorges et Mallot – M. Mallot n’appartient plus pour l’heure à notre assemblée, mais je ne doute pas qu’il en soit à nouveau membre un jour prochain. Pour ma part, j’aurai pu citer M. Mandon, M. Grandguillaume ou M. Bapt qui ont tenu des propos critiques. M. Mandon qui est tout de même votre porte-parole, mes chers collègues,…

M. Gérald Darmanin. Eh oui ! Mais il n’est pas là…

M. Arnaud Richard, rapporteur. …n’a-t-il pas déclaré : « Nous sommes allés un peu vite. Cela a eu un réel impact pour des salariés qui réalisaient un faible niveau d’heures supplémentaires, souvent d’ailleurs avec des rémunérations modestes et que l’on ne pouvait accuser de détruire l’emploi » ? Je n’en dirai pas plus, mais ces propos sont éloquents. Vous voilà face à vos propres incohérences et au dogme qui est le vôtre.

J’ajoute, monsieur Hamon, que vous faites le choix de transférer 3,5 milliards d’euros au profit des Français pour les entreprises par le biais du CICE avec ce dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais je vais essayer de faire mûrir tout cela dans ma tête. Quoi qu’il en soit, l’avis du Gouvernement est favorable à l’amendement de suppression. Le débat a largement eu lieu sur le sujet et nous sommes fondamentalement en désaccord sur le bon usage de l’argent public…

M. Maurice Leroy. C’est sûr !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …que ce soit pour lutter contre le chômage ou pour distribuer du salaire en lieu et place des entreprises aux salariés. Je le répète, nous pourrions nous entendre sur la question du chômage, qui est une grande cause. Nous aurions aimé avoir votre soutien au moment de ce choix politique favorable à l’emploi. Nous ne l’avons pas obtenu et nous le déplorons.

M. François Sauvadet. Le choix est si favorable que la courbe du chômage s’inverse !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Chacun ses références, monsieur Robiliard ! Vous citez des rapports, vous faites dans la technicité. Permettez-moi, pour ma part, de citer les chefs d’entreprise, les ouvriers, les fonctionnaires et même les élus locaux. Je commencerai par citer ces propos d’un chef d’entreprise qui constate que les ouvriers refusent désormais de faire des heures supplémentaires…

M. Denys Robiliard. Ils n’ont pas le choix. N’importe quoi !

M. Gérald Darmanin. …car maintenant ils sont taxés :…

M. Maurice Leroy. C’est la réalité, monsieur Robiliard !

M. Gérald Darmanin. …« Comme je n’ai pas les moyens » – écoutez, monsieur Muet – « en raison de la crise d’embaucher deux personnes supplémentaires, alors je refuse des commandes qui partent à l’étranger ».

M. Maurice Leroy. C’est vrai.

M. Gérald Darmanin. Voilà ce que m’a dit un chef d’entreprise de la circonscription dont je suis l’élu. Je citerai un autre exemple, celui d’un fonctionnaire, professeur d’histoire-géographie : « Je faisais des heures supplémentaires considérant que c’était un effort important pour moi-même et pour répondre aux demandes de mon administration, je refuse désormais de les faire, préférant le loisir. On n’a pas embauché davantage dans l’école. »

M. Yves Durand. Il ne s’agit pas d’heures supplémentaires !

M. Gérald Darmanin. Calmez-vous et venez le dire à l’école Saint-Thomas à Roncq, monsieur Durand !

M. Pascal Popelin. Assez d’arrogance !

M. Gérald Darmanin. Un maire d’une commune de ma circonscription, qui n’est pas de ma couleur politique, me disait que la défiscalisation des heures supplémentaires lui permettait de trouver des volontaires pour les astreintes diverses et que désormais, il en trouve difficilement moitié moins parce que ses employés ne souhaitent pas faire des heures supplémentaires.

Je conclus, madame la présidente, en citant le cas d’un ouvrier du textile de ma commune de Tourcoing qui explique très simplement qu’il était extrêmement content d’avoir 200 euros supplémentaires pour répondre au carnet de commandes. Avoir deux ou trois jours de repos ne l’intéresse pas, car il veut seulement travailler et vivre du fruit de son travail.

Plusieurs députés du groupe UDI. Eh oui !

M. Gérald Darmanin. Nous voterons donc contre la suppression de l’article 1er proposée par le groupe socialiste.

Mme la présidente. Nous allons procéder au scrutin.

M. Jean-Marc Germain. M. Vigier n’est pas là ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n1.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants89
Nombre de suffrages exprimés89
Majorité absolue45
Pour l’adoption53
contre36

(L’amendement n1 est adopté et l’article 1er est supprimé.)

M. Christian Paul. Est-ce que M. Vigier est là ?

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n2 tendant à supprimer l’article 2.

M. Gérard Sebaoun. Avec une assez grande lucidité, le rapporteur a déclaré : peut-être nous sommes-nous trompés sur la loi TEPA.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Comme vous !

M. Gérard Sebaoun. Fort de cette affirmation, j’ai envie de lui suggérer de faire un pas supplémentaire vers nous en l’encourageant à dire : oui, nous nous sommes trompés sur la loi TEPA ! Oui, le régime applicable aux heures supplémentaires n’a pas eu les résultats escomptés – je cite à mon tour le rapport Gorges-Mallot. Oui, le régime a proportionnellement avantagé les salariés aux revenus les plus élevés. Oui, cela a eu un coût exorbitant pour les finances publiques, payé par la dette. Nos collègues du groupe socialiste ont rappelé tout cela à la tribune lors de la discussion générale, et pour toutes ces raisons, et parce que tout a été dit à ce stade, j’invite l’Assemblée à voter l’amendement de suppression de l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Richard, rapporteur. Oui, monsieur Sebaoun, il faut faire preuve de beaucoup d’humilité sur ce sujet, ce qui n’a pas l’air d’être votre cas.

M. Michel Issindou. Oh !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Vous avez cité un extrait de mon propos dans lequel j’affirmais avec honnêteté que personne en la matière n’avait vocation à se féliciter des politiques publiques qui ont été menées depuis quelques années. Le seul qui puisse le faire, c’est Jean-Louis Borloo – il l’a du reste rappelé à la tribune – car il a ramené le taux de chômage à 7,8 %, et même 7,7 %.

Plusieurs membres du groupe UDI. Eh oui !

M. Jean-Patrick Gille. C’était avant la loi TEPA. Cela n’a rien à voir !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Monsieur Sebaoun, votre amendement vise à supprimer les exonérations de cotisations sociales pour les salariés sur les revenus tirés des heures supplémentaires, dispositif qui a touché 40 % des salariés.

Plusieurs députés du groupe UDI. Eh oui !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je vous le redis, monsieur Sebaoun : 40 % des salariés de votre circonscription ont profité du dispositif !

M. Philippe Vigier. Eh oui ! Ils n’aiment pas les travailleurs.

M. Maurice Leroy. Les classes laborieuses !

M. Arnaud Richard, rapporteur. À votre place, je ne serai donc pas fier de cet amendement. Alors que nombre de nos compatriotes ont du mal à joindre les deux bouts, je ne comprends pas. Alors que ce sont les classes moyennes et modestes qui ont été le plus touchées, votre formation politique semble penser que ce sont les Français les plus aisés qui ont profité de ce dispositif.

M. Gérard Sebaoun. En proportion. Lisez le rapport !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Vous vous êtes trompé, monsieur Sebaoun, et en faisant ce choix, vous touchez les salariés les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Gérald Darmanin. Très bien.

Mme la présidente. Sur l’amendement n2, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n2 ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. On l’a bien compris, le parti socialiste par la voix de son rapporteur a choisi de supprimer un à un les articles de ce texte pour en empêcher l’adoption. Ce détricotage n’a rien de surprenant, mais est tout de même décevant. L’exposé sommaire de vos amendements de suppression s’applique à lister les quelques rapports indiquant quelques désavantages de la défiscalisation. La liste est maigre, mais c’est de bonne guerre. Vous oubliez notamment le travail dissimulé qui a pu être créé par la suppression de cette mesure.

M. Maurice Leroy. Eh oui.

M. Lionel Tardy. Je regrette que, depuis les 35 heures, la vision du travail erronée que porte le parti socialiste n’ait pas évolué en dépit de vos échecs. Le travail n’est pas un gros gâteau qu’il faudrait partager en parts les plus petites possibles pour que tout le monde ait la sienne. Avant de partager le travail, il faut le créer. Ce n’est pas parce que l’on pousse les salariés à faire plus d’heures supplémentaires, rémunérées bien sûr, que cela empêche l’embauche d’un autre salarié. C’est ce point de vue qui est derrière votre rejet de nature idéologique, point de vue erroné. Cela vous gêne de lier les mots « défiscalisation » et « entreprise », mais ces avantages bénéficient bel et bien aux salariés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n2.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants79
Nombre de suffrages exprimés79
Majorité absolue40
Pour l’adoption48
contre31

(L’amendement n2 est adopté et l’article 2 est supprimé.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n3.

J’indique à l’Assemblée que sur cet amendement, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Denys Robiliard. Cet amendement propose, ce qui ne surprendra pas, la suppression de l’article 3.

Il me permet de revenir sur quelques propos selon lesquels il serait plus difficile aux employeurs publics comme aux employeurs privés d’avoir aujourd’hui recours aux heures supplémentaires.

Rappelons que selon le régime juridique des heures supplémentaires qui prévaut dans le secteur public et dans le secteur privé, c’est toujours l’employeur qui, aux termes du contrat de travail, décide s’il y aura des heures supplémentaires ou pas.

M. Maurice Leroy. Hors sujet !

M. Denys Robiliard. Il est soumis à un encadrement portant sur le volume d’heures – par journée, par semaine, par an – mais c’est lui seul qui maîtrise la décision.

Je vous renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation : un salarié n’a pas le droit de refuser de faire des heures supplémentaires. Si vous tenez à me contredire, nous irons ensemble chercher le Lamy à la bibliothèque : les arrêts y sont cités. Je ne vais pas citer de mémoire les dates !

Arrêtez donc de dire n’importe quoi pour servir une cause qui est mauvaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour ce qui est des employeurs publics, je sais comment sont établies les astreintes, car je suis élu local moi aussi : elles le sont de la même manière aujourd’hui qu’hier.

Nous assumons, nous, contrairement à vous, la politique qui est la nôtre. Nous connaissons ses conséquences en termes de pouvoir d’achat. Benoît Hamon a commencé son intervention en reconnaissant de manière très claire ces effets pour ceux qui bénéficiaient de la défiscalisation des heures supplémentaires,…

M. Arnaud Richard, rapporteur. Ah !

M. Denys Robiliard. …mais il a indiqué ensuite qu’à travers les emplois d’avenir, nous donnions une autre forme de pouvoir d’achat, très importante pour ceux qui en sont titulaires, pour nos quartiers, pour la société et pour l’avenir.

Vous ne voulez pas l’entendre. Après vous avoir renvoyés à l’inefficacité de votre politique, nous pourrons bientôt vous opposer l’efficacité de la nôtre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Richard, rapporteur. Malheureusement, la commission a adopté cet amendement qui vise à supprimer l’article 3. Elle refuse ainsi le rétablissement de la déduction forfaitaire des cotisations sociales patronales au titre des heures supplémentaires pour l’ensemble des entreprises.

Ce qui est en jeu, c’est la compétitivité de nos entreprises qui, dans notre pays, est au plus mal. Leur taux de marge est tombé à son niveau le plus faible depuis 1986. En supprimant la TVA compétitivité, vous avez privé, chers collègues, les entreprises de 13 milliards d’allégements de charges.

M. Thomas Thévenoud. Vous n’avez pas voté en faveur du CICE !

M. Arnaud Richard, rapporteur. Qui plus est, vous leur avez infligé 14 milliards d’impôts nouveaux en 2013. Ce sont donc au total 27 milliards d’euros d’impôts qui ont pesé sur les entreprises et qui ont mis à mal leur compétitivité.

En 2014, point de pause fiscale : vous réussissez l’exploit de porter le taux d’impôt sur les sociétés à 38,1 %, soit le taux le plus élevé d’Europe.

Je ne vois pas comment nous pourrions être d’accord avec la création du CICE qui est un dispositif complexe et mal ciblé.

À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, qui prive les entreprises d’une bouffée d’oxygène.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet article 3 prévoit d’appliquer la déduction des cotisations sociales patronales y compris pour l’année 2013. Vous avez considéré, monsieur le ministre, qu’il fallait supprimer en urgence cette mesure dès votre arrivée. Nous considérons, nous, qu’il est urgent de la rétablir. Le report, ce matin, de l’inversion de la courbe du chômage à « dès que possible » ne fait que le confirmer, comme l’a indiqué notre excellent rapporteur.

Il y a bien eu une hausse du pouvoir d’achat pour les salariés qui ont bénéficié de cette mesure. C’est un choix politique de vouloir privilégier les emplois aidés, contrats de génération ou autres emplois d’avenir qui ne fonctionnent pas plutôt que d’autres mesures qui ont fait leur preuve comme celle-ci.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n3.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants71
Nombre de suffrages exprimés71
Majorité absolue36
Pour l’adoption48
contre23

(L’amendement n3 est adopté et l’article 3 est supprimé.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n3.

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n4.

M. Denys Robiliard. Il s’agit d’éviter la rétroactivité d’un dispositif que nous venons de supprimer : c’est un amendement de pure conséquence.

En tout état de cause, je considère qu’il n’est pas satisfaisant, y compris lorsqu’on est dans l’opposition, de proposer une rétroactivité d’effet, compte tenu des budgets qui sont les nôtres, surtout lorsqu’une telle mesure a un coût de 5 milliards d’euros et que l’on défend par ailleurs la règle d’or.

M. Maurice Leroy. Monseigneur est trop bon !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Richard, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à cet amendement auquel je suis, à titre personnel, défavorable. Et je donne raison à M. Robiliard de donner un avis défavorable à une disposition qu’il ne souhaite pas voir adoptée !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Favorable.

(L’amendement n4 est adopté et l’article4 est supprimé.)

Article 5

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n5.

M. Denys Robiliard. C’est un amendement du pure conséquence : point n’est besoin de gager une mesure qui a été supprimée.

M. Maurice Leroy. Par les temps qui courent, vous auriez au moins pu garder le gage !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Richard, rapporteur. La commission a donné un avis favorable.

Comme l’a souligné M. le ministre, le gage porte toujours sur le prix des cigarettes et cet article, s’il était adopté, le rendrait extrêmement élevé. Je comprends donc l’avis de notre collègue Robiliard. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Favorable, madame la présidente.

(L’amendement n5 est adopté et l’article 5 est supprimé.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen de la proposition de loi.

L’Assemblée ayant supprimé tous ses articles, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la conférence des présidents.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Expérimentation des maisons de naissance

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, autorisant l’expérimentation des maisons de naissance (nos 1560, 1157).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la naissance concerne chacune et chacun d’entre nous ; elle touche évidemment à ce qu’il y a de plus intime pour des centaines de milliers de femmes et d’hommes chaque année. Il n’y a sans doute pas de moment plus important que celui-ci dans la vie, d’abord, parce qu’une naissance vient le plus souvent consacrer un engagement, quelle que soit la forme qu’il peut revêtir, mais aussi parce qu’elle représente une responsabilité nouvelle.

Au-delà de son aspect intime, la naissance est un enjeu collectif, un enjeu de société. La natalité, parce qu’elle détermine l’équilibre démographique de notre pays et parce qu’elle est un facteur de dynamisme important, mérite une attention particulière. Notre pays connaît l’un des plus forts taux de natalité parmi les pays développés. C’est un atout considérable dans une Europe qui vieillit.

En outre, le débat qui, je l’espère, va nous rassembler, se tient à un moment particulier, celui de la mobilisation des sages-femmes. Premières interlocutrices des femmes pendant la grossesse et l’accouchement, même si leur rôle ne se limite pas à cela, les sages-femmes expriment d’importantes revendications que j’ai eu l’occasion de relayer ici même il y a quelques jours et dont je veux répéter que je les ai entendues. Les sages-femmes veulent être mieux reconnues. Ce sujet renvoie notamment – mais pas seulement – à la question de leur statut à l’hôpital. Elles souhaitent également trouver toute leur place dans la stratégie nationale de santé comme professionnelles médicales de premier recours.

Pour répondre à l’ensemble de ces attentes, j’ai présidé le 19 novembre dernier avec Geneviève Fioraso une table ronde réunissant les représentants des sages-femmes dans leur diversité, ainsi que d’autres acteurs du monde de la santé. Pour la première fois dans notre pays, des travaux sont lancés en vue de reconnaître la place et le rôle des sages-femmes dans notre système de soins. Je souhaite qu’ils avancent vite. Les premières recommandations nous seront d’ailleurs remises avant la fin de l’année.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable de proposer une approche globale de la naissance, ce qui passe par une politique ambitieuse en matière de périnatalité. Pour conduire un débat éclairé sur les maisons de naissance, il est nécessaire que nous partagions certains constats.

Le premier est celui de la transformation profonde de l’offre de soins obstétriques depuis une vingtaine d’années. Le mouvement s’est engagé dans les années quatre-vingts et s’est ensuite accéléré. Au cours de cette période, le nombre de maternités a considérablement diminué, puisqu’il est passé de plus de 800 au milieu des années quatre-vingt-dix à 550 en 2009.

Deuxième constat, pendant la même période, le nombre de maternités réalisant plus de 1 500 accouchements par an a presque triplé. Le dynamisme de notre démographie explique en partie ce phénomène. Les réorganisations hospitalières ont évidemment contribué à ce mouvement. Il faut souligner que la proportion de femmes prises en charge dans des maternités de haute technicité – niveaux 2 et 3 – a lui aussi fortement augmenté.

Le troisième constat, qui va à l’encontre des idées reçues, concerne la durée élevée des séjours après une naissance. En moyenne, elle est supérieure d’une journée à ce que l’on constate dans les autres pays membres de l’OCDE, même si elle a diminué au cours des dernières décennies.

Par ailleurs, malgré les progrès qui ont été réalisés, je veux souligner que les indicateurs de santé périnatale ne sont pas satisfaisants. La France fait moins bien dans ce domaine que les autres pays. La mortalité maternelle demeure particulièrement élevée, avec huit à douze décès pour 100 000 naissances. Cela signifie concrètement que, chaque année, soixante-dix femmes meurent en accouchant. La première cause de mortalité maternelle est liée à l’hémorragie de la délivrance. Des dysfonctionnements expliquent ce constat ; ils ne sont évidemment plus acceptables. Nous estimons que la moitié de ces décès pourraient être évités.

Le dernier constat concerne les inégalités territoriales et sociales en matière de santé. Aujourd’hui, en France, on ne naît pas dans les mêmes conditions de sécurité selon que l’on vit en centre-ville ou dans des quartiers sensibles, en zone rurale ou à la montagne. De nombreuses études sont venues confirmer que les femmes jeunes ou de classes sociales défavorisées souffrent d’un suivi insuffisant pendant leur grossesse. Les femmes sans emploi sont ainsi deux fois plus nombreuses à déclarer leur grossesse hors délai. Il est désormais établi qu’un niveau d’études élevé est synonyme de suivi régulier.

La France occupe aujourd’hui le dix-septième rang européen en termes de mortalité néonatale. Nous avons régressé depuis 2005. Cette défaillance de notre système de santé est inacceptable ; nous devons la combattre. Ce sera l’un des enjeux de la loi sur la stratégie nationale de santé qui sera présentée l’année prochaine.

Je ne doute pas que nous partagions ces constats et que nous ne puissions nous en satisfaire, quel que soit le banc sur lequel vous siégez. Certaines priorités doivent donc guider nos choix.

La première d’entre elles est celle de la sécurité des naissances. Encore une fois, il est inacceptable qu’une femme ou que son enfant décède pendant l’accouchement. En raison des faits que j’ai rappelés, nous ne pouvons pas transiger en la matière. Il est urgent que la France entre à nouveau dans une dynamique positive. Pour ce faire, un certain nombre de décisions devront être prises. Dans le débat qui nous occupe aujourd’hui, nous ne pouvons pas oublier cet impératif de sécurité.

Ma seconde priorité a trait à la qualité du moment de la naissance, ce qui concerne directement et précisément les maisons de naissance.

Le moment de la naissance doit préserver un équilibre subtil – et qu’il n’est pas toujours facile d’atteindre – entre l’impératif de sécurité et le bien-être de la future mère, entre le libre choix pour chaque femme de vivre la naissance selon ses convictions profondes et l’exigence d’une organisation médicale structurée.

Certains considèrent que nous sommes allés trop loin dans la technicisation et la médicalisation des accouchements. On ne peut assurément considérer le lieu de la naissance comme un simple espace de soins. La technique est évidemment indispensable, mais il nous faut respecter le choix des femmes qui ne désirent pas accoucher de cette manière. En même temps, je veux dire très clairement que les progrès liés à la technique et à l’accompagnement médicalisé de l’accouchement ont permis des conquêtes importantes pour les femmes. L’accouchement sans douleur, ou avec moins de douleur, la péridurale et l’encadrement médicalisé ne doivent pas être relégués au rayon des évidences, voire être considérés comme appartenant à une autre époque sous prétexte que certaines femmes souhaitent pouvoir accoucher avec un encadrement plus rassurant et confortable. Nous ne pouvons en aucun cas, et je veux le dire très fermement, opposer la volonté de faire en sorte que l’accouchement soit, autant que faire se peut, un moment de plénitude et non de souffrance, de difficulté et de résignation à celle qui consiste à mieux accompagner la naissance, d’une façon plus respectueuse des attentes des femmes.

De la même façon, et tout en sachant, monsieur le rapporteur, que tel n’est pas votre propos, nous ne pouvons pas confondre l’attente d’un nombre important de femmes d’un accouchement plus conforme à leurs désirs de bien-être avec l’injonction qui monte dans certaines associations d’accoucher comme on le faisait il y a des décennies. Nous ne saurions accepter que certains milieux, au nom d’une idéologie, cherchent à récupérer le mouvement des maisons de naissance.

La proposition de loi de Mme Muguette Dini, qui a été adoptée en première lecture au Sénat, tend précisément à permettre la mise en place de maisons de naissance à côté des maternités classiques. Quoi qu’il en soit, l’exigence à laquelle nous devons répondre aujourd’hui est celle de l’instauration de filières d’accouchement physiologique, y compris dans les maternités classiques. Pour répondre à la demande de femmes qui ne veulent pas accoucher dans un environnement systématiquement médicalisé, nous devons faire en sorte que, dans les maternités, se mettent en place, davantage que cela peut être le cas aujourd’hui, des filières d’accouchement physiologique dans les établissements existants.

Il ne s’agit pas d’opposer ces filières d’accouchement physiologique aux maisons de naissance, lesquelles sont une des formes que peut prendre la réponse aux demandes des femmes. C’est la raison pour laquelle – je l’ai dit au Sénat et je le répète ici – le Gouvernement ne marque aucune opposition à cette démarche, dès lors qu’un certain nombre de conditions sont posées, à commencer par la sécurité absolue des femmes au moment de l’accouchement. Je crois, monsieur le rapporteur, que vous partagez cette position. Nous ne pouvons pas transiger sur ce point.

À cet égard, cette proposition de loi comporte des dispositions tout à fait importantes. D’abord, seuls les accouchements présentant un faible niveau de risque pourront être réalisés dans les maisons de naissance. Ensuite, ces maisons devront être attenantes – le mot a son importance – à une maternité. Cette disposition est absolument indispensable dans le cas où surviendraient des complications. Par ailleurs, la Haute autorité de santé rédigera un cahier des charges sur les conditions de l’expérimentation. Enfin, je signerai moi-même l’arrêté qui désignera les lieux où les maisons de naissance seront expérimentées.

Mesdames, messieurs les députés, je n’ignore pas que des débats, qui ne datent d’ailleurs pas d’hier, ont traversé l’ensemble des groupes politiques sur cette question. À l’époque où j’étais parlementaire d’opposition, j’ai moi-même marqué mon soutien à la démarche des maisons de naissance dès lors qu’elle garantissait la sécurité et le respect des femmes et qu’elle ne visait pas à opérer une régression – j’y insiste – par rapport aux conquêtes des dernières décennies. En effet, il n’est écrit nulle part qu’il est mieux pour une femme d’accoucher dans la souffrance.

La présente proposition de loi peut permettre aux femmes de choisir les conditions de leur accouchement. C’est dans ce cadre que des expérimentations auront lieu, au terme desquelles nous pourrons tirer un certain nombre d’enseignements. Nous verrons alors si l’on peut les généraliser. Au nom du Gouvernement, je m’en remets donc aujourd’hui à la sagesse de l’Assemblée. Mais, au regard de ce que j’ai pu dire et de mes engagements antérieurs, vous aurez compris que mon regard est tout ce qu’il y a bienveillant à l’égard de cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Yannick Favennec, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très honoré d’être aujourd’hui rapporteur de la proposition de loi relative à l’expérimentation des maisons de naissance, et ce pour plusieurs raisons.

La première tient au fait que, en travaillant sur ce texte, j’ai énormément appris sur la prise en charge de la grossesse, de l’accouchement et, plus globalement, sur la périnatalité dans notre pays.

C’est un sujet passionnant qui mérite d’être débattu par la représentation nationale, dans un pays comme le nôtre, où nous avons la chance, contrairement à nos voisins européens, d’avoir un taux de natalité élevé et une politique familiale active. Les conditions dans lesquelles les femmes et les couples sont amenés à vivre la naissance de leur enfant et à advenir en tant que parents, l’accompagnement dont ils bénéficient à ce moment-là, jouent, me semble-t-il, un rôle non négligeable dans cette expérience et dans le choix qu’ils peuvent faire ensuite de la vivre à nouveau.

La deuxième raison, c’est que nous participons aujourd’hui, si ce n’est à l’aboutissement, du moins au franchissement d’une étape capitale, d’un projet de longue date porté par plusieurs ministres de la santé successifs, par les sages-femmes, par des parents et des associations de parents, dont je salue l’engagement militant et désintéressé, mais également par des gynécologues obstétriciens. Je pense ici aux positions prises par le Pr Francis Puech que nous avons d’ailleurs auditionné en commission, et plus récemment par le conseil national des gynécologues obstétriciens.

Si nous adoptons le texte qui nous est soumis aujourd’hui, ce sera donc une avancée très positive pour tous ceux qui ont œuvré depuis plus de dix ans en faveur du projet des maisons de naissance.

Enfin, je suis d’autant plus honoré de vous présenter ce texte qu’il a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales. Cela n’est sans doute pas une première, mais c’est une circonstance suffisamment rare pour qu’elle soit soulignée. Il nous est tous agréable, je pense, de trouver parfois des terrains d’entente sur des sujets qui dépassent les clivages politiques.

C’est pourquoi je veux remercier mes collègues sur tous les bancs, pour leur présence et leur intérêt lors des auditions que j’ai menées. Le travail entre tous les groupes parlementaires a été extrêmement constructif. Nous nous sommes interrogés ensemble sur les conditions de l’expérimentation, sur le niveau de sécurité exigé, sur les conséquences éventuelles pour les établissements de santé sur nos territoires, en particulier pour les petites maternités, et je crois que c’est en cheminant ainsi ensemble que nous avons abouti à un consensus.

Ce consensus porte au moins sur deux points qui me paraissent essentiels.

Le premier concerne la nécessité de répondre à la demande qui s’exprime : demande des couples et surtout des femmes d’accoucher dans des conditions moins médicalisées et moins standardisées qu’à l’hôpital, demande des sages-femmes aussi, qui sont des professionnelles de santé très bien formées et très compétentes de voir leur rôle valorisé grâce à une plus grande autonomie dans la gestion des accouchements physiologiques.

Le second porte sur la nécessité de prévoir un encadrement légal des initiatives qui ont déjà commencé à voir le jour. L’expérimentation proposée répond parfaitement à cet objectif en prévoyant un cadre juridique clair, assorti d’un renvoi à un cahier des charges élaboré par la Haute autorité de santé et d’une évaluation réalisée par l’État qui permettra de vérifier la validité des hypothèses sur lesquelles repose l’expérimentation avant d’envisager une éventuelle pérennisation.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi nos débats en commission, je rappellerai brièvement qu’une maison de naissance est une structure gérée par des sages-femmes où celles-ci prennent en charge le suivi de la grossesse, l’accouchement et les suites de couches des femmes qui ont une grossesse et un accouchement physiologiques, c’est-à-dire normaux, ne présentant a priori aucun risque particulier. Les maisons de naissance ne sont pas des établissements de santé, elles n’offrent pas de possibilité de séjour et les sages-femmes qui y exercent ont en principe un statut libéral, même si l’on peut imaginer la création de maisons de naissance hospitalières ou de structures mixtes.

Les modalités de prise en charge en maison de naissance reposent sur le principe « une femme – une sage-femme » permettant de mettre en œuvre un accompagnement global à la naissance, fondé sur une relation de confiance et d’écoute mutuelles. Cette relation privilégiée avec une sage-femme référente permet aux futurs parents de réaliser un projet de naissance dans un cadre moins médicalisé et plus intime qu’à l’hôpital.

Il convient toutefois d’insister sur le fait que toutes les femmes ne peuvent pas être prises en charge en maison de naissance. Non seulement la grossesse et l’accouchement doivent être physiologiques, mais une sélection doit être opérée par les sages-femmes permettant d’exclure d’emblée les situations à risque, par exemple les cas de diabète, d’hypertension ou encore de grossesse gémellaire.

En outre, un partenariat étroit doit être instauré entre la maison de naissance et une maternité partenaire afin d’organiser, en cas de besoin, le transfert vers une prise en charge hospitalière, que ce soit pendant la grossesse ou pendant l’accouchement.

S’agissant précisément de l’accouchement, il convient de souligner qu’aujourd’hui, en l’absence de cadre légal, la naissance, c’est-à-dire l’expulsion du bébé, ne peut avoir lieu au sein de la maison de naissance pour des questions de responsabilité. La sage-femme et la future maman doivent ainsi se déplacer avant l’arrivée du bébé, dans une salle de naissance de la maternité partenaire.

L’objet de la présente proposition de loi est donc avant tout d’autoriser, dans un cadre expérimental, une prise en charge complète de la grossesse, de l’accouchement et des suites de couches en maison de naissance, de prévoir des conditions précises d’autorisation de ces structures et de réalisation des accouchements, et d’accompagner cette expérimentation par un financement dérogatoire.

L’encadrement prévu par le texte me paraît à même de lever les interrogations qui s’étaient fait jour lors du précédent débat au Parlement en 2010.

Ainsi, concernant la sécurité des soins, l’article 1er prévoit un principe de contiguïté et d’accès direct de la maison de naissance à la maternité afin de permettre un transfert rapide de la parturiente vers un plateau technique. Il rend également obligatoire la signature d’une convention entre les deux structures, qui se traduira par l’application de protocoles, notamment en cas de transfert prévoyant, par exemple, un numéro d’urgence dédié ou des modalités de partage des données médicales.

Enfin, l’article 3 fait reposer l’expérimentation sur un cahier des charges adopté par la Haute autorité de santé qui permettra de garantir que, sans être en milieu hospitalier et se voir appliquer stricto sensu les mêmes normes, les maisons de naissance répondent à des critères élevés de sécurité et d’hygiène.

En outre, tous les exemples étrangers, notamment au Québec, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, où l’accouchement physiologique en maison de naissance représente déjà une part significative des naissances, démontrent que mettre au monde son enfant en maison de naissance ne présente pas de risque supplémentaire par rapport à une structure hospitalière, et ce alors même que dans tous ces pays les maisons de naissance sont indépendantes des établissements de santé et peuvent être distantes de plusieurs kilomètres.

Mais il ne s’agit pas là du modèle que nous avons souhaité retenir dans le cadre de l’expérimentation. En effet, la proposition de loi ne prévoit pas qu’une maison de naissance puisse s’implanter sur un territoire de manière isolée. C’est une question importante car la crainte s’était également exprimée en 2010 de voir se recréer des structures non médicalisées là où des petites maternités avaient préalablement été fermées, pour des raisons de sécurité, ou de voir les maisons de naissance concurrencer des maternités qui se situent juste à la limite des 300 accouchements par an. Cela sera strictement impossible. S’il n’y a pas de maternité, il ne pourra pas y avoir de maison de naissance.

Comme je l’ai dit, l’article 1er dispose en effet que la maison de naissance est contiguë à un établissement de santé autorisé en obstétrique et il prévoit en outre que les accouchements réalisés seront comptabilisés avec ceux de la maternité partenaire, précisément afin d’éviter de mettre en danger la pérennité de l’établissement.

Enfin, s’il y avait un doute dans les esprits, je tiens à le dissiper et à affirmer clairement que la proposition de loi n’a pas pour but de promouvoir un type particulier d’accouchements, au détriment de la prise en charge offerte dans les services d’obstétrique des établissements de santé. Elle vise simplement à offrir un choix, à répondre à une demande, et absolument pas à revenir sur les progrès de la médecine qui ont à la fois grandement contribué à réduire la mortalité en couches ainsi que la mortalité infantile et à limiter les douleurs de l’enfantement.

Loin de moi l’idée de remettre en question ces évolutions. Rien ne justifie cependant que, dans le cas de grossesses normales, le suivi des femmes, l’accouchement ou la prise en charge de la douleur se traduisent nécessairement par une surmédicalisation, comme c’est souvent le cas aujourd’hui. La France présente ainsi un taux de péridurale, d’épisiotomie, d’extraction instrumentale ou de césarienne plus élevé que les pays voisins, sans que le recours à ces techniques ne débouche sur des taux de morbidité inférieurs ou sur une satisfaction plus importante des femmes.

Cette surmédicalisation a aussi des effets pervers. D’une part, elle peut entraîner des risques iatrogènes ou se traduire par des dystocies, y compris dans le cas de grossesses considérées comme physiologiques. D’autre part, elle tend à placer la mère,a fortiori le couple parental, dans une posture passive vis-à-vis de la naissance en contribuant à traiter la grossesse et l’accouchement comme on traiterait une pathologie.

On comprend donc la demande exprimée par un certain nombre de femmes d’accoucher dans des conditions différentes et ailleurs qu’à l’hôpital, car beaucoup de maternités sont devenues des structures de très grande taille, où les mamans ne connaissent pas le personnel présent lors de l’accouchement et peuvent rarement compter sur sa disponibilité pendant toute la durée du travail.

On estime qu’environ 10 % des femmes enceintes pourraient être intéressées par un suivi et un accouchement en maison de naissance plutôt qu’à l’hôpital, notamment des multipares à la recherche d’une expérience différente pour leur deuxième ou troisième bébé.

À cet égard, je voudrais citer un des témoignages recueillis lors de la visite à la préfiguration de maison de naissance de la maternité des Bluets, le CALM, que nous avons eu la chance de découvrir, avec Mme Biémouret, jeudi dernier. Car, au-delà de tous les arguments et de toutes les statistiques que je pourrais vous présenter, il y a cette irréductible expérience humaine qui ne saurait mieux s’exprimer que par la bouche des parents. Ces parents, ce sont Audrey et Jérémie qui, pour la naissance de leur premier enfant, à l’hôpital, disent avoir eu le sentiment d’être complètement dépossédés de l’événement. « C’était à nous de nous adapter à une procédure médicale extrêmement rigide et chronométrée », disent-ils. À l’inverse, au CALM, pour leur deuxième bébé, ils estiment avoir trouvé « une structure chaleureuse et accueillante, dans un environnement sécurisé et adapté ». « Ce choix nous a permis d’éviter une médicalisation systématique grâce à un suivi individualisé, peu intrusif et respectueux du rythme de la mère et du bébé. Toutes les questions médicales ont été évoquées sans détours avec la sage-femme, et c’est dans un esprit de concertation permanente que le suivi s’est effectué », ajoutaient-ils. Et ils concluaient sur ces mots : « Notre enfant est né à son rythme, dans un accompagnement apaisant et sécurisant à la fois ».

Pour ma part, je conclurai mon propos comme je l’ai fait en commission en vous demandant, mes chers collègues, d’adopter ce texte afin de sortir les maisons de naissance du flou juridique dans lequel elles se trouvent aujourd’hui. Ce vote permettra aux expérimentations de démarrer dans les meilleurs délais et constituera un signal très positif pour les sages-femmes et les parents qui soutiennent actuellement des projets de maisons de naissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes souvent confrontés dans cet hémicycle à un choix quasi cornélien entre la rigueur nécessaire des choix publics et la réponse bienveillante aux besoins de nos concitoyens. Dans le cas d’espèce que nous traitons aujourd’hui, la rigueur ne fait pas obstacle à la générosité, la modestie n’empêche pas l’efficacité, bien au contraire. Cela, nous le devons tant à la clairvoyance de notre collègue sénatrice Muguette Dini qu’au travail fructueux qui a été réalisé depuis un an et demi entre les groupes centristes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La rigueur ne fait pas obstacle à la générosité, disais-je. Ce constat, nous pouvons assurément tous ensemble le dresser à propos de ce texte. Alors, ne boudons pas notre plaisir. D’autant que si le constat est effectivement partagé, je ne doute pas que la solution proposée par cette proposition de loi soit unanimement retenue.

De quoi parlons-nous ? Nous parlons de ce moment unique, par lequel une femme donne la vie, un moment à entourer de la plus grande tendresse possible dans un environnement qui soit le plus accueillant et le moins anonyme possible.

C’est un beau nom, ce terme de maison de naissance, comme la première image d’un foyer, qui évoque, tout à la fois, la nouvelle vie qui s’ouvre à ceux qui deviennent ou redeviennent parents, et la vie qui vient et qui est, par elle-même, l’incarnation de toutes les espérances.

Il faut pourtant bien admettre que la réalité est souvent très éloignée de ce qui pourrait sembler un brin idyllique, car une naissance, aujourd’hui, c’est d’abord un événement qu’il convient de sécuriser, au prix d’une scénographie technologique que l’on croirait conçue pour traiter une pathologie.

Qui ne souhaiterait, en effet, que tout se passe bien, et qui ne voudrait s’assurer des meilleures conditions pour que cela se réalise assurément ? Personne, bien sûr, mais, à vouloir trop protéger, on prend le risque d’insécuriser et, en dépit de toutes les bonnes intentions, on s’expose à des angoisses infondées, sans pour autant, c’est le paradoxe, offrir aux familles les meilleures conditions.

De fait, depuis plusieurs décennies, les naissances n’ont jamais été autant médicalisées, la sécurité étant de plus en plus recherchée, et, si les « accouchements de confort » se sont ainsi multipliés ces dernières années, les naissances nécessitant une véritable assistance technique n’ont en fait représenté que 10 à 20 % du total des accouchements. La naissance, c’est le moment de l’hyper-responsabilité. Qu’en résulte-t-il, à part un stress généralisé ?

Les plus grosses maternités sont débordées et les familles perdues dans le labyrinthe d’institutions tentaculaires, submergées par un flot de matériels, de personnels, de bruits, d’odeurs, par un environnement qui nourrit d’insidieuses impressions d’impuissance quand il devrait inspirer la confiance.

Bien des équipements permettant une prise en charge des pathologies les plus graves sont souvent utilisés à mauvais escient, dans des situations qui ne justifient pas un tel usage. Outre les dépenses occasionnées, de telles pratiques peuvent présenter un risque iatrogène en causant les frustrations de nombreuses parturientes, qui estiment qu’elles auraient pu accoucher plus simplement. S’il est indéniable qu’une meilleure prise en charge des grossesses sur le plan médical a permis de réduire notablement le taux de mortalité infantile, il n’en reste pas moins qu’une hypermédicalisation du parcours des femmes enceintes a également conduit à une artificialisation de la naissance, d’ailleurs non dénuée de risques. Plus de 20 % des accouchements en France se font par césarienne ou par déclenchement, huit sur dix sous péridurale : un taux supérieur à la moyenne européenne. Au final, la France se situe au dix-septième rang européen pour la mortalité néonatale, l’un des plus mauvais d’Europe selon le rapport Euro-Peristat, publié le 27 mai 2013.

Il convient donc de s’affranchir de cette culture du résultat, qui n’est en réalité que la traduction d’une expression collective de peur. Il est évident que nous manquons cruellement de petites structures gérées par des sages-femmes, où l’extrême majorité des parturientes ne présentant aucun risque pathologique peuvent donner la vie en toute intimité et en toute sécurité. Tel est donc l’objet de ces maisons de naissance.

Dès 1998, le secrétaire d’État à la santé du gouvernement Jospin, Bernard Kouchner, se déclarait favorable à une expérimentation des maisons de naissance, une déclaration d’intention qui resta malheureusement lettre morte. Six ans plus tard, le plan prénatalité pour 2005-2007, conçu en 2004, préconisait la mise en place de structures similaires, à proximité directe de plateaux techniques, mais il faudra attendre six années encore pour qu’un article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011, censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, prévoie une expérimentation. C’est à l’occasion de ce dernier débat que les conditions de sécurité figurant dans le présent texte ont été fixées.

Sur 800 000 femmes enceintes chaque année, 3 à 5 % d’entre elles souhaiteraient un accouchement physiologique, au terme d’une grossesse prise en charge dans des conditions sanitaires satisfaisantes mais non invasives. Alors, après tant de tentatives infructueuses, nous devons à l’évidence passer à la vitesse supérieure et mener à bien cette expérimentation et, si les résultats sont concluants, nous devrions évidemment généraliser ce dispositif. C’est tout le sens de la proposition de notre collègue Muguette Dini, qui vise à lancer une expérimentation d’une durée minimale de deux ans et maximale de cinq.

Il ne s’agit pas là, que personne ne s’y trompe, d’une réduction de voilure. Ces structures sont, à l’inverse, particulièrement sûres, même si nous savons que, malheureusement, le risque zéro n’existe pas plus en matière d’accouchement qu’en tout autre domaine. Incontestablement, la sélectivité qui caractérise la prise en charge dans les maisons de naissance permet une adéquation optimale entre les moyens et ressources et les mères. Seules les femmes ne présentant aucune pathologie seront prises en charge dans ces maisons de naissance. En outre, la proximité de ces établissements avec un plateau technique, une clinique ou un hôpital avec lequel une convention est conclue, permet un transfert rapide en cas d’urgence. Un cahier des charges préalablement établi par la Haute autorité de santé doit également permettre d’encadrer les pratiques et de concilier performance et prise en charge sereine et efficace des patientes. Ultime garde-fou, il doit revenir au Gouvernement d’établir la liste des maisons de naissances autorisées, choix fondé sur le respect d’un cahier des charges, l’autorisation de fonctionnement pouvant être suspendue à tout moment par l’agence régionale de santé. Il est inutile de préciser que les personnels médicaux qui y seront intégrés auront été parfaitement formés à l’identification des premiers signes de complication et sauront y faire face. La femme et même le couple seront ainsi accompagnés par un même professionnel, de la première visite prénatale à l’accouchement, de l’accouchement aux soins post-partum.

Voilà donc une proposition de loi qui lie la modestie à la pertinence, sans maltraiter nos finances publiques. C’est une sorte d’atteinte à la quadrature du cercle, et la démonstration est parfaitement claire. Pendant la période d’expérimentation, le coût d’un accouchement serait divisé par deux, soit 600 ou 700 euros en maison de naissance contre 1 200 euros pour une hospitalisation de courte durée, voire 2 000 euros, si celle-ci se prolonge. Si 1,5 % des naissances étaient réalisées dans ces nouvelles structures, ce sont 7 millions d’euros qui seraient économisés chaque année. En se basant sur le coût moyen observé pour un accouchement, avec une durée moyenne de 4,4 jours d’hospitalisation, soit 3 000 euros, l’économie réalisée atteindrait presque 30 millions d’euros par an.

Les maisons de naissance sont donc une sorte de cadeau fait aux parents, aux nouveaux nés, comme aux finances publiques. Faut-il, pour s’en convaincre, observer les pratiques qui ont cours dans d’autres pays ? Aux États-Unis, les maisons de naissance ont été expérimentées dès 1970. Aujourd’hui, plus d’une centaine de ces organismes sont implantés sur le territoire américain. Dix-sept ans plus tard, c’est l’Allemagne qui inaugurait un « centre de naissance librement choisi ». En 2013, 150 maisons de naissance parsèment les Länder allemands, dans un pays où la pratique des accouchements à domicile se développe de plus en plus et où les appareillages médicaux ne sont utilisés qu’en cas de réelle nécessité.

De telles structures essaiment ainsi partout en Europe et même hors d’Europe, États-Unis, Québec, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Hongrie, Italie, Suède, Suisse, et les études publiées par des instituts spécialisés révèlent une sûreté de ces structures et un taux de satisfaction particulièrement élevé chez les familles qui en bénéficient. Il est plus que jamais temps de rattraper notre retard.

Lors de la discussion du texte en commission des affaires sociales, un consensus aussi rare que nos travaux sont animés s’est tout naturellement imposé. Nous espérons qu’en séance publique, par-delà les clivages politiques, l’ensemble des membres de la représentation nationale pourront s’accorder sur les bénéfices de cette proposition de loi, que nous avons souhaitée juste, efficace et innovante. Le fait qu’il s’agisse de réaliser une simple expérimentation et non de pérenniser un nouveau type de structure devrait inciter nos collègues à aller dans notre sens.

À n’en pas douter, c’est aussi ce qu’attendent les Français : surmonter les contingences partisanes, par des solutions consensuelles et innovantes. Ils l’attendent d’autant plus que nous ne parlons pas seulement ici d’un nouveau protocole. Nous parlons d’un changement de mentalités. Le « tout pouvoir », le « tout savoir médical » ont fait leur temps. Ce que recherchent les futurs parents, c’est un climat de confiance et de transparence pour préparer sereinement la venue de leur enfant. Quel plus bel exemple pouvons-nous donner d’une société qui s’humanise dès la première minute de la vie ? Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UDI votera cette proposition de loi autorisant l’expérimentation des maisons de naissance. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet d’expérimentation de maisons de naissance est ancien.

En 1998, Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la santé, souhaitait voir ouvrir de telles structures.

En 2004, le plan périnatalité 2005-2007 prévoyait l’expérimentation de maisons de naissance. Un groupe de travail fut constitué, chargé de définir des cahiers des charges, mais aucun accord ne fut trouvé entre les différents acteurs.

En 2010, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, proposait le lancement d’une expérimentation dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011. L’opposition d’alors vota en faveur de cette expérimentation après avoir obtenu quelques gages. L’article 40 de ce PLFSS fut ainsi adopté, mais le Conseil constitutionnel, estimant que cette mesure avait un effet trop indirect sur les dépenses de l’assurance maladie, avait censuré le dispositif.

L’année suivante, en 2011, les députés écologistes, Anny Poursinoff en tête, déposent une proposition de loi autorisant l’expérimentation des maisons de naissance après une longue concertation avec les acteurs concernés. Parallèlement, la sénatrice UDI Muguette Dini dépose une proposition de loi similaire. C’est donc cette proposition de loi qui est examinée et adoptée par le Sénat en février puis en juin dernier et qui nous est présentée aujourd’hui.

Comme je vous l’ai dit, les députés écologistes avaient déposé une proposition de loi similaire, ils sont donc tout à fait favorables à une telle expérimentation, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’exemple de l’étranger montre que cela fonctionne. En effet, les premières maisons de naissance sont apparues aux États-Unis dans les années 70 et en Europe, à Berlin, en 1987. Aujourd’hui, on en trouve dans de nombreux pays : Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède ou encore Suisse. Certes, le choix d’accoucher dans les maisons de naissance reste encore assez minime, assez marginal, dans la majorité de ces pays, mais, au Québec, 76 % des accouchements se déroulent dans de telles structures, et il pourrait y avoir dans notre pays une volonté de recourir à un accouchement plus naturel.

Plusieurs pays étrangers ont mis en place ces structures que sont les maisons de naissance, mais ils n’imposent pas tous une proximité médicale, ce que prévoit la proposition de loi. En effet, dans ces pays, les maisons de naissance sont gérées de façon autonome par des sages-femmes qui effectuent un suivi global des patientes du début de la grossesse au suivi post-partum. Elles ne sont donc pas nécessairement attenantes à une maternité mais, cependant, elles doivent rester proches d’un plateau technique obstétrical. Ce sont, pour la plupart, des structures de taille modeste, qui assurent un nombre limité d’accouchements, 350 par an tout au plus, et qui n’assurent pas l’hébergement des femmes. Ces dernières rentrent effectivement à leur domicile, avec un suivi adéquat évidemment, vingt-quatre heures au plus après l’accouchement.

Tous ces exemples, même sans l’obligation d’adosser les maisons de naissance à des maternités, ce qui me semble une bonne chose pour lancer l’expérimentation dans notre pays, n’ont pour ainsi dire connu aucun dysfonctionnement. C’est donc de bon augure.

Ensuite, ces structures répondent à la demande d’une partie des usagers et des professionnels. Selon Muguette Dini, on estime que 60 000 à 80 000 mères pourraient faire ce choix, soit un peu moins de 10 % des accouchements pratiqués en France chaque année. Une enquête de 2010 de l’UNAF a démontré que 15 % des femmes interrogées estimaient que leur projet de naissance ou leur choix d’accouchement n’avait pas été respecté et 36 % d’entre elles déclaraient ne pas avoir été libres de bouger ou d’adopter la position qu’elles souhaitaient lors de l’accouchement.

Ainsi, les maisons de naissance peuvent apporter une réponse aux femmes et aux couples qui le souhaitent, et qui connaissent une grossesse sans risque, en leur offrant un accompagnement global et personnalisé.

Du côté des professionnels, le conseil national de l’ordre des sages-femmes soutient fortement l’idée de maisons de naissance, et le collège national des gynécologues et obstétriciens français, après s’y être opposé dans un premier temps, soutient à présent publiquement le projet d’expérimentation à la condition que les maisons de naissance soient à proximité immédiate d’un plateau technique, ce qui est prévu dans la présente proposition de loi.

Enfin, ces maisons de naissance présentent des intérêts économique et sanitaire.

Il y a un intérêt économique car le coût d’un accouchement en maison de naissance est estimé à 1 800 euros contre 2 600 euros en moyenne pour un accouchement en maternité. La Cour des comptes, dans un rapport de 2011 sur la Sécurité sociale, a critiqué l’hyper-médicalisation autour de la naissance, la jugeant coûteuse et ayant des conséquences sur la santé périnatale. La mise en place, à terme, d’une soixantaine de maisons de naissance pourrait ainsi permettre une économie pour la Sécurité sociale d’environ 7 millions d’euros.

Il y a un intérêt sanitaire, également, puisque les études internationales montrent que, si la France est dans la moyenne des pays européens concernant la mortalité infantile et maternelle, ses résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils pourraient être.

L’INSERM classe ainsi la France au dixième rang européen. Bien que ce ne soit pas la seule explication, j’en conviens tout à fait, madame la présidente de la commission, la tendance française à la surmédicalisation de la grossesse et de l’accouchement permet d’expliquer en partie ce rang. En effet, cette hyper-médicalisation peut avoir des conséquences néfastes sur l’état de santé, liées à la pratique excessive des épisiotomies, des césariennes ou de l’utilisation de forceps, mais peut entraîner également des troubles psychologiques ou encore des difficultés pour certains parents à accueillir leur enfant.

Les maisons de naissance peuvent alors apporter une réponse à ces difficultés. Ainsi, une étude anglaise a montré en 2011 que le taux d’incidents périnataux ne différait pas significativement selon le lieu d’accouchement.

Aux États-Unis, une étude publiée en 2013 sur 15 574 femmes ayant prévu d’accoucher en maison de naissance a montré que 84 % d’entre elles ont bien accouché dans ces structures, 4 % ont été transférées à l’hôpital avant leur admission en maison de naissance et 12 % pendant le travail. Les études montrent donc toutes que les maisons de naissance peuvent assurer la prise en charge de la maternité pour les grossesses à bas risque, de manière sûre et efficace.

Aussi, pour toutes ces raisons, les écologistes soutiennent pleinement cette proposition de loi et prônent depuis longtemps l’expérimentation des maisons de naissance, au nom d’une vision plus naturelle de la grossesse et de l’accouchement pour les femmes et les couples qui le désirent.

Je conclurai donc en reprenant la réponse que vous m’avez faite, monsieur le rapporteur, en commission. Cette expérimentation, c’est « un bébé quand je veux, de la manière qui me convient, et où je veux ». Nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il nous revient aujourd’hui de nous prononcer sur la proposition de loi relative à l’expérimentation des maisons de naissance votée en juin dernier par le Sénat.

L’article 1er de cette proposition permet au Gouvernement, à titre expérimental, pour une durée de deux ans après la promulgation de la loi, la création de structures dénommées « maisons de naissance », où des sages-femmes réalisent l’accouchement de femmes dont elles ont assuré le suivi de grossesse. Les autorisations portent sur une durée maximale de cinq ans.

L’article 2 précise que les maisons de naissance ne sont pas des établissements de santé au sens de l’article L. 6111-1 du code de la santé publique. Il précise également que les dépenses nécessaires au fonctionnement des maisons de naissance peuvent être prises en charge, en tout ou partie, par la dotation annuelle prévue à l’article L. 162-22-14 du même code.

L’article 3 précise que les ministres chargés de la santé et de la Sécurité sociale arrêtent, en conformité avec un cahier des charges adopté par la Haute autorité de santé, et après avis conforme de celle-ci, la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner à titre expérimental. En outre, cet article précise que la suspension de fonctionnement d’une maison de naissance inscrite sur la liste peut être prononcée par le directeur général de l’agence régionale de santé pour les motifs et dans les conditions prévus à l’article L. 6122-13 du code de la santé publique. Le retrait d’inscription à la liste est prononcé par les ministres chargés de la santé et de la Sécurité sociale en cas de manquement grave et immédiat à la sécurité ou lorsqu’il n’a pas été remédié aux manquements ayant motivé la suspension.

L’article 4 précise que le Gouvernement adressera au Parlement une évaluation de l’expérimentation, et ce un an avant le terme de la dernière autorisation attribuée à une maison de naissance.

Enfin, l’article 5 indique que les conditions de l’expérimentation, et notamment les conditions d’établissement de la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner, les conditions de prise en charge par l’assurance maladie de la rémunération des professionnels et les conditions spécifiques du fonctionnement des maisons de naissance, sont fixées par décret en Conseil d’État.

Pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, cette proposition de loi est très intéressante. En effet, de nombreux pays, tels que la Suisse, l’Espagne, l’Australie, les États-Unis, ou encore le Québec, connaissent déjà ces structures de soins, contiguës aux maternités, permettant aux femmes d’accoucher sans être hospitalisées, dans un environnement moins médicalisé.

Les députés du groupe RRDP comprennent que ces maisons de naissance ne peuvent qu’être un plus dans les parcours de soins déjà existants relatifs à la maternité. Le fait que ces maisons de naissance soient adossées à des maternités dotées de toutes les infrastructures nécessaires en cas de complications lors d’un accouchement est largement positif.

De plus, les sages-femmes – il faudrait inventer un terme pour les hommes – connaissent parfaitement leur métier, et nous voulons leur témoigner ici notre regard très bienveillant sur ce métier extraordinaire qui touche à la naissance, ainsi que notre confiance en leur capacité de mener à bien leur belle et noble activité.

Nous le savons, des oppositions peuvent se faire entendre çà ou là, notamment en ce qui concerne le fait que ces maisons de naissance seraient de nature à faire obstacle au maintien de maternités dans certains territoires. Toutefois, pour le groupe RRDP, ces craintes ne sont pas fondées puisque les maisons de naissance permettront à terme de créer de l’emploi et de maintenir les maternités existantes, les maisons de naissance devant obligatoirement être adossées à des maternités.

Pour notre groupe, expérimenter ces structures de naissance sera également un signal fort envoyé aux sages-femmes qui demandent actuellement, à juste titre, plus de reconnaissance.

Apparues dans les années 1970 aux États-Unis d’abord, à New York, puis en Allemagne dès 1987, puis, rapidement, en Suisse, en Autriche et dans d’autres pays, ces structures ont été, comme cela a été rappelé, évoquées pour la première fois en France en 1998 par Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État chargé de la santé, avant que le projet constitue une des quatre priorités prévues du plan périnatalité 2005-2007. De plus, un article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 prévoyait déjà une expérimentation.

Le moment nous paraît donc venu d’expérimenter des structures qui ont largement fait leurs preuves à l’étranger. Une expérimentation temporaire de cinq ans permettra, notamment grâce au rapport remis par le Gouvernement, d’apprécier les points positifs, ou éventuellement négatifs, et de proroger, le cas échéant, les structures des maisons de naissance après cette période d’essai.

Pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est favorable, à une très grande majorité, au texte qui nous est proposé par nos collègues du groupe UDI, dans le respect de la sécurité des femmes qui accouchent rappelé tout à l’heure par Mme la ministre. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous allons examiner un texte qui fait l’objet d’un consensus politique et médical. Consensus politique qui s’est d’abord dégagé au Sénat, puis au sein de notre commission, et qui met au cœur de l’actualité la question de la naissance telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans notre société. Consensus médical avec le ralliement du collège national des gynécologues et obstétriciens français aux expérimentations de maisons de naissance.

Au cours des décennies passées, nous avons assisté, petit à petit, à une médicalisation croissante des accouchements, au fur et à mesure des progrès de la recherche et de la médecine. Alors que, dans les années cinquante, on était encore à 45 % d’accouchements à domicile, la tendance s’inverse en faveur de l’hôpital.

Comme le souligne Marie-France Morel, historienne de la naissance, les femmes n’étaient pas les victimes de ces mutations, qui étaient le gage, pour elles et leurs bébés, de ne plus mourir en couches, de ne plus souffrir. Mais aujourd’hui, pour un certain nombre d’entre elles, cette médicalisation engendre un sentiment de frustration et de déshumanisation face à l’acte d’accouchement. Cette proposition de loi est effectivement un début de réponse à une prise en charge plus humaine de la grossesse et de l’accouchement. Elle offre un droit à la liberté de choix.

Nous avons pu visiter la semaine dernière, avec Yannick Favennec, une des préfigurations de maisons de naissance qui existent à Paris, le CALM. Nous avons rencontré des sages-femmes et des parents particulièrement motivés qui nous ont expliqué leur désir de vivre des accouchements moins médicalisés et plus naturels, dans un univers plus intimiste, avec une prise en charge globale et personnalisée lorsque la grossesse s’est déroulée normalement, c’est-à-dire sans complication. Ce fut une expérience très enrichissante pour notre réflexion. Si l’accouchement sans douleur, en bénéficiant d’une péridurale, reste un choix qu’il faut respecter, redonner une vision naturelle à cet acte en évitant une surmédicalisation excessive répond effectivement à une demande sociétale alternative.

Ce désir des futures mères rejoint également la forte demande de reconnaissance professionnelle des sages-femmes, puisque les maisons de naissance relèveront de leur responsabilité et de leur compétence pour pratiquer ces actes médicaux. Vous avez d’ailleurs lancé la semaine dernière, madame la ministre, les travaux relatifs à la reconnaissance du rôle et de la place des sages-femmes dans le système de santé, sous l’autorité d’Édouard Couty.

Dans la mise en place d’une telle expérimentation, la recherche de la sécurité périnatale doit rester une priorité. Cette exigence absolue a été obtenue par un certain nombre de garanties, dont nous avons débattu en commission. Si l’inspiration qui a présidé à l’élaboration de ce texte est venue d’expériences existant à l’étranger, il nous semble important d’inventer notre propre modèle.

Tout d’abord, la maison de naissance sera contiguë à une maternité, et, comme l’a fait voter par amendement au Sénat le groupe socialiste, avec un accès direct afin de garantir de meilleures conditions de sécurité vis-à-vis des parturientes et des enfants à naître.

Les naissances qui auront lieu en maisons de naissance seront comptabilisées avec celles de la maternité. C’est un gage supplémentaire de non-concurrence entre maisons de naissance et maternité et au contraire d’offre complémentaire.

Une convention sera signée entre les deux établissements, organisant leur travail en commun, notamment le transfert des patientes en cas de nécessité. L’accréditation d’un projet de maisons de naissance se fera en fonction d’un cahier des charges rédigé par la Haute autorité de santé, formalisant les normes sanitaires applicables ainsi que les protocoles de fonctionnement de ces maisons.

Au regard des expériences menées jusqu’à présent, il y a des améliorations nécessaires à apporter, en particulier sur la prise en charge et la consultation pédiatrique des enfants nés. Rappeler que, s’il peut y avoir une maternité sans maisons de naissance, il ne peut y avoir de maison de naissance sans maternité, est un point extrêmement important pour les élus que nous sommes car il ne s’agit en aucun cas de remplacer les structures existantes. Ainsi, les maisons de naissance ne sonneront pas le glas de nos petites maternités, auxquelles les territoires ruraux sont très attachés.

Il faut bien entendu continuer à porter une attention toute particulière à la question de la répartition de l’offre de soins et de maternités sur le territoire. Au terme des cinq ans d’expérimentation, le Gouvernement procédera à une évaluation et si celle-ci s’avère positive, une loi sera présentée devant le Parlement.

L’existence de cette proposition de loi a eu le mérite de nous faire réfléchir sur la question de la périnatalité dans son ensemble. Les maisons de naissance sont une forme de réponse envisageable mais ne concerneront qu’un nombre très limité de femmes. D’autres offres à mi-chemin entre les maisons de naissance et le service obstétrique sont à développer en complément. Il faut ainsi davantage développer les filières physiologiques raisonnablement médicalisées, notamment au sein des petites maternités, qui ne sont pas des usines à bébés, ce qui permettrait de développer un service d’accompagnement et de suivi plus attrayant.

Comme je le disais en commission, l’envie d’un accompagnement personnalisé est partagée par l’ensemble des futures mères, y compris celles qui vivent une grossesse pathologique, qui, pour le coup, n’est pas un choix mais une situation subie et angoissante et qui, à mon sens, nécessiterait une prise en charge plus humaine.

Par exemple, comme le rappelait Dominique Gillot lors des débats au Sénat, l’académie de médecine préconise le développement d’espaces physiologiques au sein des services de gynécologie-obstétrique. Néanmoins, l’existence de tels espaces où les sages-femmes hospitalières exerceraient pleinement leur rôle et prendraient en charge le déroulement de l’accouchement dépend aujourd’hui entièrement de la bonne volonté des chefs de service praticiens hospitaliers. Tel est le cas de l’expérience de maison de naissance menée au sein de l’hôpital de Pontoise, sur laquelle je ne reviendrai pas, qui représente un excellent exemple de ce qui peut se faire en la matière.

Je voudrais conclure en ajoutant que si plusieurs études ont pointé les risques de surmédicalisation comme l’une des raisons avancées pour expliquer le mauvais taux de mortalité maternelle, il ne faut pas pour autant négliger la nécessité de revoir l’ensemble du parcours périnatal afin de détecter au plus tôt les grossesses à risque, liées notamment au tabac ou à l’alcool, et d’étendre les actions de prévention auprès des futures mères. C’est notamment l’un des axes prioritaires de la stratégie nationale de santé que vous avez lancée, madame la ministre, en septembre dernier. Ainsi, parce que nous partageons l’esprit général de l’expérimentation proposée ici et que nous voulons saluer le travail mené conjointement par Muguette Dini au Sénat et Yannick Favennec à l’Assemblée, le groupe SRC votera cette proposition de loi.

M. Jean-Louis Borloo. Bravo, Yannick Favennec !

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite avant toute chose remercier notre rapporteur, Yannick Favennec, pour la qualité de ses explications,…

M. Jean-Louis Borloo. Exactement !

Mme Bérengère Poletti. …notamment sur le plan juridique, mais aussi autour des questions de sécurité légitimement posées par nos collègues. Merci également de nous avoir permis de nous saisir à nouveau de ce sujet important, plus important que vous ne l’imaginez peut-être pour les femmes. Je remercie également la sénatrice Muguette Dini avec laquelle j’ai longuement échangé sur le sujet.

Je veux vous relater une anecdote que j’ai vécue très récemment, alors que j’accompagnais le groupe d’amitié interparlementaire France-Pays-Bas à La Haye. Une rencontre avait été organisée à l’ambassade de France où nous avons échangé avec des Français résidant aux Pays-Bas. Trois jeunes femmes françaises, connaissant l’actualité autour de la naissance et des sages-femmes, sont venues spontanément me faire part de leur analyse extrêmement positive sur l’environnement de l’accouchement dans ce pays. Elles m’ont dit leur souhait de voir aboutir le texte que nous étudions aujourd’hui afin que les Françaises puissent disposer en France d’un choix différent pour mettre au monde leur enfant.

Aux Pays-Bas, 30 % des femmes accouchent à domicile – certes la densité de population y est beaucoup plus importante que chez nous –, 30 % dans des structures du type des maisons de naissance et 40 % à l’hôpital. Lorsqu’elles accouchent à l’hôpital, elles sortent le soir même et bénéficient alors d’un suivi médicalisé à domicile ainsi que d’aides à domicile.

Évidemment, cette organisation autour de la naissance n’est possible que grâce aux compétences des sages-femmes. Cette profession médicale, spécialiste de la grossesse et de l’accouchement dits physiologiques, bénéficie en France de l’une des formations les plus longues d’Europe. Aujourd’hui, les sages-femmes sont en recherche de reconnaissance de leur statut médical et c’est pourquoi elles sont en grève depuis plusieurs semaines. Depuis de nombreuses années, elles militent pour que l’exercice de leur profession soit reconnu dans un cadre médical, notamment à l’hôpital, mais aussi comme praticien de premier recours, sachant qu’elles ont une responsabilité pénale dans ce cadre médical. Je souhaite, madame la ministre, qu’elles puissent être rapidement entendues et qu’elles obtiennent gain de cause, car leur demande est à l’étude depuis de nombreuses années.

Nous avons déjà eu l’occasion d’étudier ce texte sur les maisons de naissance en 2010 lors de l’étude du PLFSS 2011. L’article concernant l’expérimentation des maisons de naissance avait été adopté par le Parlement mais rejeté par le Conseil constitutionnel au motif qu’il constituait un cavalier social. En réalité, l’expérimentation des maisons de naissance avait été annoncée dès 2001 par le gouvernement de l’époque, puis reprise dans le plan de périnatalité 2005-2007. Mais je me souviens très bien, madame la ministre, qu’en 2010, après avoir obtenu de la part du gouvernement les garanties de sécurité qui sont présentes aujourd’hui dans ce texte, vous aviez soutenu l’article qui portait cette expérimentation. Quelques établissements en France préfigurent, mais sans véritable environnement juridique, ce que pourraient devenir les maisons de naissance dans l’Hexagone.

Les premiers mots que j’avais prononcés en 2010 pour soutenir cette mesure présente sous forme d’article dans le texte budgétaire avaient été : « La grossesse n’est pas une maladie, l’accouchement n’est pas une intervention chirurgicale ». La plupart des accouchements se passent bien, fort heureusement. Les sages-femmes sont compétentes pour suivre des grossesses normales et pratiquer des accouchements normaux. Elles savent dépister les situations à risque et les pathologies qui compromettent le bon déroulement de la grossesse ou de l’accouchement. Selon l’enquête nationale périnatale conduite en 2010, le nombre d’accouchements pratiqués par des sages-femmes a nettement augmenté. Entre 2003 et 2010, il est passé de 47,5 à 55,8 % pour l’ensemble des accouchements et de 69,1 à 79,7 % pour les accouchements par voie basse non opératoire. Ce dernier chiffre était même de 91,8 % en 2010 dans le secteur public. Les sages-femmes savent pratiquer des accouchements et apporter la sécurité nécessaire aux femmes. Leur compétence se limite, bien sûr, aux grossesses et aux accouchements normaux.

En France, la demande d’accoucher à domicile est loin d’être majoritaire chez les femmes. Seules 2 % des femmes enceintes déclarent qu’elles préfèrent accoucher chez elles, mais elles sont plus nombreuses à souhaiter un environnement moins médicalisé mais toutefois sécurisé. L’organisation du système de soins en France ne permet pas d’assurer toute la sécurité pour l’accouchement à domicile. Il est donc important et intéressant que nous réfléchissions aujourd’hui ensemble à la réponse que nous pouvons apporter à ces femmes qui, souvent à partir du deuxième enfant, refusent ce qui est parfois devenu une caricature dans nos hôpitaux, je veux parler de l’hypermédicalisation de l’accouchement : monitoring, perfusion, compte-gouttes électrique, Syntocinon pour accélérer le travail, tensiomètre automatique, péridurale reliée à un perfuseur électrique et mesure de la saturation en oxygène, sans compter le futur papa en tenue de bloc avec un calot sur la tête ! Tout ceci ne garantit pourtant pas les meilleurs résultats périnataux, au contraire parfois.

Pour certaines femmes, cet environnement est sécurisant et si elles avaient la possibilité de choisir, c’est précisément cela qu’elles choisiraient, d’autant que la suppression de la douleur par la péridurale impose obligatoirement un environnement médicalisé – des progrès significatifs ont été réalisés sur le plan médical et technique. Pour d’autres femmes, s’inscrivant dans des démarches plus naturalistes, qui voient dans l’accouchement d’abord la naissance dans un environnement naturel et qui s’effraient d’une hypermédicalisation, ce que la France leur propose aujourd’hui représente une véritable agression, génère un stress voire des dystocies – des difficultés à accoucher – et partant de la morbidité, soit infantile, soit maternelle, et parfois les deux.

Dans ces conditions, il est légitime qu’en tant que législateur nous ayons ensemble cette réflexion et que nous puissions offrir aux femmes un véritable choix sécurisé. L’expérimentation des maisons de naissance n’a nullement pour objectif de créer des maternités de moindre qualité ou de réaliser des économies. Elle ne remet pas en cause la sécurité qu’il est indispensable d’apporter aux parturientes. La Cour des comptes a souligné l’intérêt d’une plus large prise en charge des grossesses à bas risque par les sages-femmes. Selon les résultats d’une étude citée par la Cour, les modèles de soins obstétricaux pratiqués par les sages-femmes présentent, en comparaison avec d’autres modèles de soins, certains avantages importants : réduction du nombre de péridurales, d’extractions instrumentales et de cas d’hospitalisation des nouveau-nés ; mise en place plus facile de l’allaitement.

Des maisons de naissance existent déjà dans de nombreux pays – en Belgique, au Canada, en Allemagne, aux Pays-Bas ou aux États-Unis, comme beaucoup l’ont rappelé – et donnent de bons résultats. Ce sont les sages-femmes qui ont suivi la grossesse qui pratiquent l’accouchement dans les maisons de naissance et suivent ensuite la femme et l’enfant jusqu’à la fin de la période du post-partum. Il s’agit d’une équipe de confiance réciproque où la femme et la sage-femme, ou plutôt le couple et la sage-femme, construisent ensemble les conditions les plus favorables possible pour accueillir l’enfant à naître. Pendant la grossesse, les sages-femmes sont compétentes pour déceler toutes les situations susceptibles de rendre l’accouchement plus à risque. Nous avons, pendant les discussions en commission, abordé notamment les cas des femmes primipares qui ont plus de quarante ans, des femmes obèses, des femmes qui fument ou qui suivent un traitement. Les sages-femmes apprennent pendant leurs études à identifier clairement les situations à risque et à en transférer la prise en charge vers un gynécologue obstétricien dans une maternité.

Une convention doit être signée entre les sages-femmes et l’établissement qui accueille la maison de naissance. Pour mener à bien ce type d’expérimentation, il faut effectivement avoir une véritable sensibilité et l’envie d’avancer sur le sujet. La maison de naissance doit être contiguë à une structure autorisée pour l’activité de gynécologie obstétrique, ce qui assure la sécurité indispensable pour le transfert en cas d’urgence et pour une prise en charge sur un plateau technique adapté à la situation. Les femmes qui accoucheront dans les maisons de naissance ressortiront de la structure dans les douze heures qui suivent l’accouchement pour rejoindre leur domicile. Il faudra alors prévoir, madame la ministre, la possibilité d’un forfait pour permettre à ces femmes d’être aidées dans leurs tâches ménagères et suivies médicalement ainsi que le nouveau-né. En effet, malgré les sorties précoces – et de plus en plus précoces – de la maternité et bien que le suivi à domicile soit maintenant mieux organisé, il sera insuffisant pour apporter à ces femmes le bien-être nécessaire.

Quoi qu’il en soit, même en ayant prévu cet environnement supplémentaire, le coût supporté par l’assurance maladie sera moindre qu’un accouchement médicalisé et qu’une hospitalisation, même brève. Il serait d’ailleurs intéressant, madame la ministre, que nous puissions obtenir de la part de votre ministère un rapport annuel sur l’activité de ces maisons de naissance expérimentales ainsi que sur le suivi post-partum des femmes et des nouveau-nés. En conclusion, nous sentons bien aujourd’hui que le sujet de la naissance de l’enfant dans un environnement apaisé et avec des possibilités nouvelles de choix pour la mère, pour les parents, nous rassemble. Il aura fallu, c’est vrai, plusieurs débats pour parvenir à cette unité. Je me réjouis donc que bientôt, en France, les femmes puissent choisir en toute sécurité d’être suivies par une sage-femme qui l’accompagnera jusqu’aux premiers jours de l’enfant. Le groupe UMP soutient et votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, enfin ! Enfin, il est des sujets dans cet hémicycle qui dépassent les clivages politiques et dont on peut parler sereinement : le moment de la naissance en fait partie.

Depuis les années 1960, la quasi totalité des accouchements se déroulent en milieu hospitalier. Les petites maternités, essentiellement rurales, couvraient notre territoire et la population était satisfaite de ces équipements de proximité. Puis, pour des raisons de sécurité, elles ont presque toutes disparu, car le ministère a exigé comme critère un nombre de naissances minimum annuel. De plus en plus, les femmes sont allées dans des centres hospitaliers, plus éloignés de leur domicile et de leur famille, tandis que la surmédicalisation de la grossesse et les accouchements dans des plateaux techniques ont fait oublier que l’accouchement est un acte naturel qui se déroule normalement dans 90 % des cas.

Cette proposition de loi pour l’expérimentation de maisons de naissances arrive à point nommé, au moment où les sages-femmes demandent, d’une part à être reconnues comme professionnels de premier recours pour les femmes en bonne santé et d’autre part, à bénéficier d’un statut de praticien hospitalier. À ce titre, les maisons de naissance permettront de mieux faire connaître leurs compétences et leur action auprès des Françaises et des Français.

De nombreux pays expérimentent d’ores et déjà ces dispositifs avec une certaine efficacité. L’expérimentation des maisons de naissance n’a nullement pour objectif, et tant s’en faut, de créer des maternités de moindre qualité ou de réaliser des économies, mais elle vise à satisfaire un certain nombre de familles souhaitant désormais un accouchement dans un environnement moins médicalisé. Elles offriront donc un environnement humain et individualisé avec un personnel capable de répondre aux besoins physiques et émotionnels des mères et de leurs proches. L’écoute et la proximité du personnel seront les facteurs d’un climat de confiance et les problèmes psychosociaux et les situations dramatiques de certaines mères pourront être mieux décelés. Ces lieux de naissance seront sécurisés puisqu’ils seront adossés à des maternités.

Le principe retenu, celui de l’expérimentation, va dans le bon sens. En effet, il sera possible, si les résultats ne sont pas concluants, de ne pas poursuivre cette initiative. Toutefois, la présente proposition de loi tend à ne retenir qu’une dizaine de sites expérimentaux ; or ce nombre est quelque peu limitatif.

Cette proposition de loi met en lumière la nécessité de reconnaître le rôle majeur des 20 000 sages-femmes. Le nombre d’accouchements qu’elles pratiquent a significativement augmenté entre 2003 et 2010 pour atteindre 55,8 % de l’ensemble des accouchements.

La création de maisons de naissance contribuera à une meilleure répartition des missions et des actes entre les professionnels concernés. Toutefois, mes collègues Véronique Louwagie et Dominique Dord ont souligné dans leurs questions au Gouvernement que, quand bien même les sages-femmes exercent depuis longtemps une responsabilité médicale, elles ne disposent pas d’un véritable statut médical. Il paraît hautement légitime que leurs précieuses compétences soient pleinement reconnues, d’autant plus qu’elles ont derrière elles cinq années d’études. Par exemple, il est difficilement compréhensible qu’à l’hôpital, en dépit du soutien des obstétriciens, les sages-femmes ne fassent pas partie du personnel médical. La Cour des comptes a recommandé que leur statut soit revalorisé. Les sages-femmes demeurent le seul et dernier recours pour nombre de femmes.

Il serait donc opportun qu’à l’occasion de l’examen de ce texte de consensus, des annonces concrètes soient faites. Madame la ministre, chers collègues, j’espère que cette proposition de loi sera votée à l’unanimité et que tous les députés ici présents seront heureux d’avoir porté ce beau bébé !

Mme Bérengère Poletti M. Jean-Louis Borloo et M. François de Rugy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Mme la ministre, M. le rapporteur et tous les intervenants dans la discussion générale ont déjà bien expliqué la nécessité d’expérimenter la mise en place de maisons de naissance dans notre pays. Je suis convaincue depuis fort longtemps que notre système de soins, au-delà de son efficience, est aujourd’hui trop centré sur le médical et même sur l’hospital – pour diverses raisons qui ne tiennent pas seulement aux médecins ni aux établissements de santé eux-mêmes ; ce serait trop long à développer maintenant, la stratégie nationale de santé nous en donnera évidemment l’occasion.

Cette proposition de loi est l’illustration de ce vers quoi il faut aller : décloisonnement entre professionnels de santé et reconnaissance des compétences existantes. Si des efforts importants ont été faits en matière d’amélioration de la prise en charge de la femme enceinte, réduisant par là même le taux de mortalité infantile et maternelle, ces progrès se sont accompagnés d’une médicalisation croissante de la grossesse, moment privilégié et exceptionnel, vous l’avez rappelé, madame la ministre, pour la femme et son futur enfant, mais aussi évidemment pour le père. La médicalisation est bien sûr indispensable dans le cas de grossesses pathologiques, mais aussi dans le cas de grossesses physiologiques susceptibles de devenir à risque. Mais cette médicalisation est chez certaines femmes source de stress et de frustration car elles estiment qu’un accouchement plus simple aurait été préférable.

C’est donc un équilibre entre le souhait des parturientes, l’exigence de sécurité, la sérénité du moment et l’accompagnement qualifié qu’il faut respecter. À ce titre, l’expérimentation des maisons de naissance est une réponse, mais elle ne doit pas être la seule. La proposition de loi comprend les dispositions nécessaires pour assurer un niveau de sécurité satisfaisant. En effet, attenantes aux maternités, les maisons de naissance permettront ainsi une prise en charge offrant des conditions de sécurité optimale, approuvées par les gynécologues-obstétriciens. En termes d’encadrement, elles seront dépendantes des sages-femmes qui y exercent. Celles-ci effectueront, en toute autonomie, le suivi médical de la grossesse, l’accompagnement des futurs parents et l’accouchement.

Profession médicale fondamentale, les sages-femmes jouent un rôle important de la consultation prénatale à la consultation postnatale. Loin d’être des consultations banales, ce sont des moments privilégiés dans l’accompagnement des nouveaux parents, particulièrement de la future maman, qui permettent de traiter des sujets primordiaux : rapport au bébé à naître, lien avec l’enfant né, place du père, vécu de la parentalité pour les deux parents qui peut s’installer difficilement, voire parfois pas du tout.

Au-delà de l’expérimentation des maisons de naissance, je souhaite profiter du temps qui me reste pour insister sur le rôle des sages-femmes qui demandent à être reconnues comme praticiens de premier recours dans la périnatalité et la santé génésique des femmes, et d’être intégrées dans le parcours de soins des femmes de façon visible et directe comme le leur permettent leurs compétences déjà reconnues dans certains domaines et inscrites dans le code de la santé publique. À ce propos, je me félicite, madame la ministre, que vous les ayez reçues. Depuis dix ans, peu de gens s’en étaient occupés, il faut bien le dire ! C’est vous qui avez fait le premier pas. Le groupe socialiste les a auditionnées assez vite après le déclenchement de leur mouvement de grève. Je sais qu’un travail est en cours et je me félicite de l’action du Gouvernement en ce sens.

Mme Bérengère Poletti. Un peu de politique manquait !

Mme Catherine Lemorton. Les sages-femmes sont une profession médicale aux compétences multiples, et j’en profite pour les rappeler parce qu’on ne les connaît pas assez : elles ne s’occupent pas uniquement de l’accouchement mais aussi du suivi médical de la grossesse, de la réalisation des échographies obstétricales, du dépistage des troubles néonataux, du suivi médical des femmes en post-partum, de la prise en charge en sortie de maternité de la mère et du bébé, de la consultation postnatale, du suivi gynécologique de prévention et des consultations de contraception, des séances de préparation à la naissance et à la périnatalité, de la rééducation et de la prévention des troubles périnéo-sphinctériens, du suivi de l’allaitement et de l’alimentation du nouveau-né, tout cela avec un droit de prescription concernant les femmes enceintes accouchées dans le domaine de la gynécologie et de la contraception, mais aussi pour les nouveau-nés. Toutes ces compétences, inscrites dans le code de la santé publique, ne sont pas suffisamment utilisées et mises en valeur dans la pratique au quotidien de leur profession.

À titre personnel, j’ai vécu une expérience avec une sage-femme libérale : elle a reçu une heure quinze en première consultation une jeune fille de dix-sept ans qui accédait à la contraception…pour 23 euros. J’insiste là-dessus : une heure quinze pour faire le bilan complet de cette jeune fille, et ce pour 23 euros.

Pour revenir au sujet, ce texte me semble constituer un pas vers plus de reconnaissance de ce métier dont n’oublions jamais qu’il compte aussi des hommes. Je souhaite que ce premier pas soit suivi de beaucoup d’autres. À titre personnel, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et écologiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Les sages-femmes sont en grève depuis le 16 octobre dernier. On en parle peu, moins que d’autres mouvements, et c’est bien dommage. Leur métier est vital et leurs revendications compréhensibles car elles manquent de reconnaissance. Les discussions avec le cabinet de la ministre de la santé, c’est bien ; les propositions concrètes, c’est mieux. Aussi, je soutiens fortement cette proposition de loi d’initiative sénatoriale qui va, je n’en doute pas, faire l’unanimité.

Il y a derrière ce texte un signal, que nous devons envoyer aux sages-femmes. L’expérimentation des maisons de naissance devrait satisfaire tout le monde car elles seront créées, comme le prévoit l’article 1er, à côté des maternités. Pour les parents, les maisons de naissance offriront une alternative ; pour les sages-femmes, il s’agit d’une reconnaissance de leur place en tant que professionnelles de santé. Comme certains d’entre vous je le suppose, j’en ai rencontré dans ma circonscription. Elles ont exprimé leur soutien à cette expérimentation. Celle-ci concernera bien sûr les grossesses à risque faible. La Cour des comptes l’avait préconisée, et même si ce n’est pas la raison principale, nul doute que cela va permettre de réaliser des économies – ce qui ne sera pas du luxe pour la Sécurité sociale.

L’expérimentation, mes chers collègues, est prévue pour cinq ans, mais je ne doute pas qu’elle donnera lieu à une pérennisation de ces structures.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Madame la présidente, j’interviens pour faire part de la satisfaction que me procure ce texte et remercier et féliciter Muguette Dini qui, au Sénat, a repris un dispositif déjà voté en 2011. Il y a donc un vrai consensus républicain. Je remercie et je félicite également le rapporteur, Yannick Favennec, qui a pris son travail avec la distance nécessaire, cœur et compétence, et puis tous nos collègues qui soutiennent ce qui est à l’évidence un véritable progrès.

Puisque nous sommes dans un moment de convivialité républicaine et que l’on parle des femmes, je rappelle qu’une femme qui accouche en Afrique a cent fois plus de risque d’avoir un accident que chez nous. Il y a un grand programme, appelé Stand Up, mis en place par l’association Amref et destinée à former 15 000 sages-femmes. Je me permettrai de communiquer son numéro de compte.

Les deux dispositifs sont utiles et complémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Francis Vercamer. Très bien !

(L’article 1er est adopté.)

Articles 2 à 4

(Les articles 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.)

Article 5

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet article renvoie à un décret les conditions de l’expérimentation. Je crois savoir que le choix des sites est déjà bien avancé, mais la liste des modalités à préciser est longue et il faudra, comme d’habitude, être particulièrement vigilant pour qu’elle soit fixée de manière pertinente. Il faudra que le décret d’application soit pris rapidement afin que les maisons de naissance dont on parle depuis si longtemps puissent enfin voir le jour.

Aussi, j’aimerais savoir, madame la ministre, si vous avez déjà travaillé sur le décret et si vous comptez associer les professionnels de santé à son élaboration.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je voudrais seulement faire une petite explication sémantique sur les sages-femmes parce que j’ai entendu dire tout à l’heure que les hommes exerçant cette profession devraient s’appeler autrement : le mot « sage » fait référence au savoir, et « sage-femme » signifie donc quelqu’un qui connaît les femmes et qui peut ainsi gérer leur santé. Si j’ai pu l’apprendre à quelqu’un ce soir, j’en suis heureuse.

(L’article 5 est adopté.)

Mme la présidente. Il n’y a pas de demande d’explication de votes.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Je remercie tout d’abord Mme la présidente de la commission des affaires sociales de m’avoir accueilli temporairement ; je vais maintenant regagner ma commission d’origine, celle du développement durable. Je remercie aussi Mme la ministre pour son écoute bienveillante, ainsi que mon président de groupe pour sa confiance, et chacune et chacun d’entre vous pour sa contribution à la qualité de ce débat. Je me réjouis moi aussi de ce moment de consensus, ce qui est suffisamment rare dans cet hémicycle pour être souligné, et du fait qu’au terme d’une journée réservée aux propositions de loi du groupe UDI, deux d’entre elles soient adoptées. Enfin, j’ai une pensée toute particulière pour les mamans, pour les parents, pour les sages-femmes, et puis évidemment pour les futurs bébés qui vont pouvoir bénéficier bientôt – si les textes réglementaires sortent rapidement, madame la ministre – de ces maisons de naissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et écologiste.)

M. Jean-Louis Borloo. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je me réjouis que cette proposition de loi soit adoptée de manière définitive puisque le vote sera conforme au texte transmis par le Sénat.

Monsieur Tardy, le processus de sélection des sites où se dérouleront les expérimentations n’a pas encore été conduit. La loi n’ayant pas encore été adoptée, nous ne pouvions pas engager les travaux d’application. Mais ceux-ci vont évidemment s’engager dès qu’elle sera votée. Toutes les concertations nécessaires seront menées afin de pouvoir identifier les situations géographiques et sociales qui, dans des environnements divers, seront les mieux à même de justifier l’implantation de maisons de naissance. Il faudra des équipes engagées, motivées, parce que si l’on veut le succès de ces expérimentations, il faut parvenir à ce qu’elles prennent racine. À mon tour, je me réjouis de cette avancée et je souhaite que, le plus rapidement possible, les femmes qui attendent de pouvoir accoucher dans de tels endroits aient l’occasion de le faire dès lors que ce sera leur choix.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je remercie le rapporteur d’avoir, au cours de son intervention dans la discussion générale, mentionné la maternité des Bluets.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite du projet de loi de programmation militaire ;

Proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron