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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 06 octobre 2014

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Transition énergétique

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures et quatre minutes pour le groupe SRC, dont 438 amendements sont en discussion ; huit heures et trente-trois minutes pour le groupe UMP, dont 1 290 amendements sont en discussion ; deux heures et cinquante-et-une minutes pour le groupe UDI, dont 110 amendements sont en discussion ; une heure et trente-cinq minutes pour le groupe écologiste, dont 229 amendements sont en discussion ; une heure et trente-quatre minutes pour le groupe RRDP, dont 94 amendements sont en discussion ; une heure et quinze minutes pour le groupe GDR, dont 88 amendements sont en discussion ; et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n1424 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n1524.

M. Jean-Philippe Nilor. Il s’agit de permettre aux autorités organisatrices de la distribution de l’énergie, aux concessionnaires et autres autorités de mutualiser les moyens, afin de permettre l’accès à l’énergie pour les sites isolés. Dans les zones non interconnectées notamment, il s’agit de remédier au fait que certains logements n’ont pas accès à l’électricité. Cette situation préjudiciable est source de nuisances et d’insécurité. Par exemple, en Martinique, 8 000 logements sont concernés. Sans électricité, les conditions d’apprentissage et d’étude des enfants vivant dans ces logements sont inacceptables, en ce début de XXIe siècle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Je suis effectivement bien consciente des difficultés qui existent dans certains territoires de la République s’agissant de l’accès à l’énergie. Ce que l’on appelle les zones non interconnectées sont particulièrement concernées, en Guyane également. Toutefois, l’objectif de cohésion sociale et territoriale, mentionné dans le code de l’énergie et repris dans le présent projet de loi, s’impose sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les zones non interconnectées. Je ne crois donc pas qu’il soit essentiel de prévoir des dispositifs spécifiques à cet endroit de la loi. Néanmoins, monsieur Nilor, l’exposé sommaire de votre amendement liste des mesures concrètes et spécifiques, comme la mutualisation des moyens des AODE ; aussi pourrions-nous débattre plus utilement de ces sujets au chapitre IV du titre VIII. J’émets un avis défavorable à ce stade.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, je vous suggère de retirer votre amendement, puisqu’il est satisfait à l’article 61 du chapitre relatif aux outre-mer. Vous savez quelle importance j’ai attachée à la place des outre-mer dans ce projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Je me suis rendue sur place et je vais aller dans l’ensemble des territoires d’outre-mer pour les encourager à devenir tous des territoires exemplaires, voire avant-gardistes, dans la transition énergétique et leur permettre d’accéder à l’autonomie énergétique. Une attention toute particulière sera apportée dans les appels à projets qui vont être fléchés vers les territoires à énergie positive, les contrats locaux de transition énergétique, les territoires zéro déchet ou les méthaniseurs.

Je souhaite que les outre-mer soient vraiment exemplaires et tirent même la totalité de la communauté nationale vers la transition énergétique. Je suis donc heureuse de voir que vous vous impliquez aussi fortement, comme l’ensemble de vos collègues des outre-mer mais aussi ceux de l’Hexagone qui sont très soucieux de laisser cette place aux outre-mer. Dans le chapitre spécifique aux outre-mer, je vous rassure, votre préoccupation est bien prise en considération. Puisque nous aurons l’occasion d’en débattre ultérieurement, je suggère que vous retiriez votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Je suis un homme de parole et lorsque je n’ai aucune raison de ne pas faire confiance à la parole d’une ministre, je prends acte. Je retire donc mon amendement, mais je serai très vigilant avec mes autres collègues, notamment à propos du projet d’usine bagasse-charbon en Martinique, qui est en complète contradiction avec les objectifs du projet de loi.

M. Patrice Carvalho. Oui !

M. Jean-Philippe Nilor. Je serai très vigilant tout au long de l’examen de ce projet de loi.

(L’amendement n1524 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2488.

M. Xavier Breton. Mon amendement vise à insister sur l’enjeu de la lutte contre la pollution lumineuse. Toutefois, je ne suis pas certain qu’il soit bien placé après l’alinéa 9 ; c’est pourquoi je le retire. J’aurai l’occasion de revenir à ce sujet après l’alinéa 20.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous avez raison !

(L’amendement n2488 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n1483.

M. André Chassaigne. Il s’agit de préciser l’alinéa 10 afin de fonder la politique européenne de l’énergie sur des principes de coopération et de maîtrise publique du secteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il me paraît évident qu’une politique énergétique européenne sera fondée sur la coopération entre les différents États membres. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. S’agissant de la maîtrise publique du secteur de l’énergie, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer en quoi cela était une réalité au niveau national, mais je ne crois pas que nos partenaires européens aient l’intention d’abandonner totalement la définition de leurs politiques nationales ni celle d’une politique européenne au secteur privé. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le même. L’amendement est satisfait puisque la politique européenne passe par la coopération.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je maintiens mon amendement, car je suis très attaché à la maîtrise publique.

(L’amendement n1483 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n1667 rectifié.

M. Damien Abad. Mon amendement va dans le sens de l’amendement n218 que nous avons adopté en commission, la semaine dernière. Il s’agit de donner à l’énergie une dimension européenne absente dans votre projet de loi, en créant une Communauté européenne de l’énergie sur le modèle de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Je ne fais que reprendre les propos tenus par le Président de la République lors de la conférence environnementale. Il disait vouloir instaurer une Communauté européenne de l’énergie sur le modèle de la CECA. Il nous semble important qu’au-delà des vaines paroles, il y ait un acte législatif. C’est pourquoi nous proposons de compléter l’alinéa 10 en précisant qu’il faut participer « à l’élaboration d’une communauté européenne de l’énergie », comme nous l’avons défendu en commission avec notre collègue De Courson.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. En commission, nous avons adopté un amendement…

M. Damien Abad. Ce n’est pas le même !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je le sais bien !

Il précise que la politique énergétique nationale avait pour objectif de contribuer à la mise en place d’une politique énergétique européenne. Aussi pourriez-vous vous estimer déjà satisfait. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est le même avis pour les mêmes raisons que la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je ne comprends pas vos avis négatifs, qui montrent une nouvelle fois que ce débat a été engagé sous un angle tout à fait surprenant. En effet, nous voyons bien aujourd’hui que, lorsque nous abordons les questions énergétiques, nous ne pouvons pas raisonner de manière isolée. D’ailleurs, à plusieurs reprises, des orateurs des différents groupes se sont exprimé pour dire qu’il fallait regarder ce qui se faisait à l’étranger. Nous devons aller plus loin ! Il est aujourd’hui essentiel de construire une véritable politique européenne énergétique et il serait tout à fait salutaire de pouvoir mener un tel débat. Il suffit de voir, notamment, les échanges avec l’Allemagne sur cette question importante. Ne pas vouloir l’inscrire au débat montre bien qu’il y a, de la part du Gouvernement, a minima de la frilosité et, en tout cas, une courte vue assez surprenante.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Alors que l’Europe produit, selon les experts, de 8,5 à 10 % des gaz à effets de serre – soit relativement peu au niveau mondial –, je me permets, à mon tour, d’insister sur l’importance de cet amendement qui vise bel et bien à construire le marché européen de l’énergie que nous appelons de nos vœux,

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est ce que dit le texte !

Mme Sophie Rohfritsch. Absolument pas ! Le texte dit que vous allez proposer de contribuer à une politique énergétique européenne, ce qui n’est pas du tout la même chose que de construire un marché européen de l’énergie avec des prix donnés aux quotas – nous revenons une nouvelle fois à cette question des quotas que votre texte ne traite pas du tout. Les Allemands sont nos amis,…

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Les Allemands, vous les aimez une fois sur deux !

Mme Sophie Rohfritsch. …mais ils ont déterminé leur politique énergétique absolument seuls. Personne ne leur a tapé sur les doigts ! Il y a des effets pervers induits sur lesquels nous nous sommes suffisamment étendus lors de la discussion générale et qui sont rappelés au fur et à mesure des amendements.

Il est essentiel qu’au stade où nous nous trouvons la France montre l’exemple, qu’elle soit pionnière et qu’elle ne bâtisse pas sa politique énergétique toute seule. Il faut créer un marché européen incluant les prix. J’ai le regret de vous dire, monsieur le président de la commission spéciale, que ce texte ne prévoit pas que l’on traite à l’échelle européenne ni du prix ni de la fameuse question des quotas.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. L’amendement non plus !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame la ministre, il y a une double contradiction dans vos propos. Vous affirmez tout d’abord qu’un amendement sur la politique énergétique européenne a été adopté en commission la semaine dernière et que par conséquent le présent amendement, relativement similaire à ce dernier, serait satisfait.

Or, créer une politique européenne de l’énergie n’équivaut pas à élaborer une communauté européenne de l’énergie. À cet égard, je vous renvoie, non pas à mes propres paroles, mais à celles que le Président de la République lui-même a prononcées lors de la conférence environnementale de la mi-septembre 2013 ; je vous invite à lire ses conclusions. Il affirmait en effet que l’Europe pourrait décider d’être également une communauté européenne de l’énergie ; il ne disait pas qu’elle pourrait décider de mettre en place une politique énergétique européenne.

M. Bernard Accoyer. Il a dit quelque chose de bien ! Il ne dit pas que des bêtises !

M. Damien Abad. On a pu constater tout à l’heure avec notre collègue Mme Duflot l’importance des mots, qui ont un sens. Vouloir une politique européenne de l’énergie n’est pas la même chose que vouloir une communauté européenne de l’énergie.

Il y a deux possibilités, madame la ministre. La première c’est que vous ne pensiez plus en séance ce que vous disiez en commission, où vous nous aviez invités à aller plus loin et à retravailler cet amendement ; c’est ce que mon collègue M. de Courson et moi-même avons fait, qui vous présentons aujourd’hui quelque chose de plus cohérent et de plus charpenté.

M. Patrick Hetzel. C’est juste !

M. Damien Abad. La seconde, c’est que votre niveau d’exigence vis-à-vis de l’Union européenne est inférieur à celui du Président de la République, et dans ce cas il faudrait que vous accordiez vos violons. Pour notre part, nous aimerions savoir si le Gouvernement est favorable ou non à une communauté européenne de l’énergie.

M. Bernard Accoyer. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Pour aller dans le même sens que mon collègue, j’ajouterai que, au cours de nos travaux en commission, nous avons eu ce débat sur les décisions et choix stratégiques des différents États européens en matière énergétique. Si cet amendement était adopté puis appliqué, il nous éviterait ce type de discussions qui, une fois encore, ont eu lieu en commission et en séance, au cours desquelles s’opposent les analyses de chacun sur les décisions prises par l’Allemagne, la France et les autres pays.

Pour qu’il y ait moins de débats et que nous agissions non pas en concurrence mais de façon complémentaire, et afin que, de manière transversale, l’ensemble des enjeux de l’énergie soient pris en compte, mais aussi des questions comme celles de la qualité de l’air, il me semble absolument indispensable que cet amendement soit adopté et que la volonté de créer une communauté européenne de l’énergie soit effectivement affichée.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le débat étant passionnant, je ne résiste pas à l’envie d’intervenir. J’ai participé avec des collègues de l’ancienne majorité à plusieurs sommets européens sur l’énergie. Les écarts entre les États européens sont énormes : dans certains pays, où il y a de gros problèmes d’approvisionnement, on souhaiterait ne plus avoir de coupures d’électricité, tandis que dans d’autres, tout fonctionne assez bien ; c’est notre cas, et je le dis sans arrogance. Il y a donc un déséquilibre important entre les différents pays d’Europe.

De ce fait, votre amendement est un peu équivoque car il renvoie à l’idée d’une communauté : est-ce à dire que celle-ci exclurait ceux qui ne pourraient pas en faire partie ?

M. Damien Abad. L’idée est celle d’une coopération renforcée !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ou est-ce une communauté de l’énergie appliquée à l’ensemble de l’Europe ? Dans ce dernier cas, on rejoint bien l’idée d’une politique européenne de l’énergie, ce qui nous permet d’affirmer que l’amendement est satisfait.

S’il s’agit au contraire de créer un club de l’énergie entre pays disposant d’un même niveau de compétences technologiques, c’est regrettable, car c’est aller à l’encontre d’une grande Europe de l’énergie. Je crains malheureusement que les termes retenus – vous écrivez non pas « la » mais « une » – renvoient à une telle acception, autrement dit à un groupe de pays minoritaires qui se mettraient d’accord sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur Brottes, je comprends votre interrogation et je veux y répondre : si j’ai retenu l’article indéfini, c’est parce que, je le reconnais, j’ai plagié le discours du Président de la République, qui mentionne « une communauté européenne de l’énergie », plus précisément « dans laquelle la France et l’Allemagne pourraient constituer une avant-garde en lançant une coopération entre les entreprises de nos pays engagées dans la transition énergétique ». C’est très clair.

Concernant la taxe sur les transactions financières, vous aviez bien l’intention de former une avant-garde avec quelques pays pour créer ensuite un effet dynamique, d’entraînement vis-à-vis des autres. Y a-t-il encore du volontarisme au sein du Gouvernement ? Si on veut que la France soit pionnière en matière d’énergie,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Elle l’est !

M. Damien Abad. … si vous considérez que le présent projet de loi relatif à la transition énergétique est fondamental et fondateur pour l’Europe, alors allez-y, mettez en place cette communauté européenne de l’énergie et intégrez-la complètement dans les objectifs !

Je ne comprends pas la reculade d’aujourd’hui sur un terme qui ne posait pas problème à la mi-septembre 2013. Je ne comprends pas cette volte-face qui, à mon avis, ne tient pas compte de la réalité, de la nécessité d’avancer ensemble non pas vers une politique énergétique européenne mais bien vers une communauté européenne de l’énergie. Nous verrons ensuite ; je suis également pour une grande Europe de l’énergie, mais il faut commencer petit pour voir grand.

Mme Sophie Rohfritsch. Très bien !

(L’amendement n1667 rectifié n’est pas adopté.)

M. Bernard Accoyer. Une fois encore, la gauche contre l’Europe !

M. Damien Abad. Ce sera rapporté au Président de la République !

M. Bernard Accoyer. Voilà qui ne va pas arranger les affaires de M. Moscovici !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l’amendement n1798.

M. Yves Daniel. Cet amendement vise à engager une double solidarité, dans l’espace et dans le temps, avec les populations plus fragiles du Sud.

Le changement climatique est une des menaces les plus importantes pour la paix et le développement. Lutter contre ses mauvais effets s’inscrit dans un dessein planétaire.

Le présent amendement vise à insérer, après l’alinéa 10, l’alinéa suivant : « 8° Favorise la paix et le développement par sa contribution positive à la diminution des risques liés au changement climatique pour les populations de l’hémisphère sud et pour les générations futures sur l’ensemble de la planète. »

Mme Barbara Pompili. Excellent !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Monsieur Daniel, votre vœu, très louable, est traité à l’article 4 et par le rapport annexé de la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dite loi Canfin, qui reconnaissent l’accès à l’énergie comme l’une des priorités de la politique d’aide au développement de notre pays. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. L’amendement me paraît satisfait, car c’est l’objectif même de la transition énergétique que de participer à la protection planétaire. Cette affirmation de principe figure dans l’exposé des motifs de la loi, où ce très bon principe a réellement sa place : il s’agit non pas d’une règle de droit stricte mais d’une déclaration de principe qui englobe la totalité de la démarche de la loi.

C’est le même sujet que précédemment ; je n’ai pas repris la parole, mais j’aurais pu expliquer que la communauté européenne de l’énergie est incluse dans la problématique de la politique énergétique de l’Europe. Je dirai même que c’est bien pour créer une Europe de l’énergie que nous agissons à l’échelle européenne.

J’espère d’ailleurs que le prochain conseil européen, qui aura lieu à la fin du mois d’octobre, aura à prendre des décisions audacieuses. Je m’adresse ici aux parlementaires de l’opposition : c’est précisément en votant ce texte que vous rendrez le plus grand service à la communauté européenne de l’énergie, car les chefs d’État et de Gouvernement qui siégeront au conseil européen des 24 et 25 octobre prochain pourront faire valoir le vote du Parlement français autour d’objectifs structurés, clairs, ambitieux qui permettront de donner aux autres pays européens des points de convergence pour que les pays européens prennent collectivement la même position afin que nous soyons crédibles aux yeux du reste de la planète, notamment dans la perspective de la préparation des sommets de Lima et de Paris. Il est donc absolument indispensable que tous les représentants siégeant sur les bancs de l’Assemblée nationale marquent leur convergence et leur unité de vue et d’action.

C’est bien ce que vous venez de dire au sujet de la communauté européenne de l’énergie, mesdames, messieurs les députés de l’opposition. Il est donc paradoxal que vous vous opposiez à ce texte alors que vous êtes de farouches défenseurs de l’Europe, ce dont je ne peux que vous féliciter.

M. Damien Abad Mme Sophie Rohfritsch et M. Martial Saddier. Il faut l’écrire dans le texte !

Mme la présidente. Monsieur Daniel, votre amendement est-il maintenu ?

M. Yves Daniel. Non, je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n1798 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n809.

M. Claude de Ganay. Depuis 2007, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la France met en œuvre une stratégie ambitieuse de développement des nouvelles technologies de l’énergie sur son territoire. Au cœur de la politique énergétique nationale, les objectifs de maîtrise de la consommation énergétique et de promotion des énergies décarbonées doivent être confortés comme étant prioritaires eu égard aux enjeux énergétiques et climatiques des prochaines décennies.

Le présent amendement tend à combiner cette stratégie avec le présent projet de loi.

M. Damien Abad. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’alinéa 18 de l’article 1er prévoit que l’État veille à développer la recherche dans le domaine de l’énergie. À ce titre, votre amendement me paraît en partie satisfait. Concernant la précision du champ d’intervention de la recherche, il me paraît plus pertinent de nous en tenir à un objectif général et global dans l’article 1er du projet de loi. L’enjeu est en effet de fixer les grands objectifs structurants de la politique énergétique et non pas d’en déterminer les modalités pratiques.

Par ailleurs, je vous rappelle que l’article 53 du projet de loi définit les grands objectifs de la politique de recherche et d’innovation en matière énergétique. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Les arguments que j’entends sont un peu incohérents. Vous rappelez que dans l’article 1er sont mentionnés les objectifs structurants ; ne pas considérer que la question des énergies décarbonées est structurante me paraît assez révélateur !

À plusieurs reprises, tant les rapporteurs que le Gouvernement ont fait référence au discours du Président Jacques Chirac, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, dans lequel il affirmait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Or il faisait bien référence au développement des gaz à effet de serre, plus précisément au réchauffement de la planète.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On comprend pourquoi il ne soutient pas Sarkozy !

M. Patrick Hetzel. Pour réduire ces phénomènes, la première chose à faire et de travailler sur les énergies décarbonées.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Vous n’êtes pas pour le gaz de schiste, alors ?

M. Patrick Hetzel. À cet égard, l’Allemagne, que vous citez fréquemment en exemple, pour une fois n’en est pas un : ce pays connaît aujourd’hui une augmentation de ses émissions de gaz à effet de serre.

Il s’agit donc d’un vrai paradoxe. Le débat permet très clairement de montrer que vous n’avez pas une vision objective de ces questions.

M. Bernard Accoyer. C’est un peu obscurantiste !

M. Patrick Hetzel. Comme le dit M. Accoyer, c’est de l’obscurantisme ! Nous aurions besoin d’un peu plus de science dans ce débat.

M. Damien Abad. Très bien !

(L’amendement n809 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 181 rectifié, 883, 902, 929, 1022, 1663, 1669 et 1881 rectifié.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n181 rectifié.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement a pour objet de donner une place particulière à l’innovation et à la recherche et de mentionner spécifiquement le rôle que peuvent jouer nos très petites entreprises et nos petites et moyennes entreprises en la matière. Cette question de l’énergie concerne en effet l’ensemble du tissu économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n883.

M. Martial Saddier. Nous le voyons bien d’ores et déjà grâce aux progrès qui ont été réalisés en matière d’énergies renouvelables : un tel développement passe par l’investissement dans la recherche et l’innovation. Or, la France est riche, sur chacun de ses territoires, d’un tissu de TPE et de PME. Cet amendement vise donc à réaffirmer dans ce texte de loi l’absolue nécessité d’investir dans l’innovation et la recherche, en particulier au sein de ces entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n902.

M. Claude de Ganay. Une fois encore, il s’agit d’un problème très franco-français, malheureusement révélateur de nos faiblesses économiques. Nos TPE et PME ont en effet bien souvent de réelles difficultés à accéder aux aides publiques destinées à la recherche et à l’innovation, ce qui les pousse parfois à limiter leur développement, faute de financements.

Ce projet de loi toucherait immanquablement un grand nombre de petites entreprises engagées dans le domaine de l’énergie sans toutefois les accompagner dans leurs efforts de recherche et développement. Il me paraît donc important de graver dans ce texte la nécessité de soutenir la recherche des PME et TPE œuvrant dans le domaine de l’énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n929.

M. Damien Abad. Il me paraît également important d’affirmer dès l’article 1er que l’énergie est un secteur d’activités, une filière, qu’il faut accompagner et soutenir les TPE et PME et favoriser l’innovation et la recherche.

Il y a un vrai clivage entre nous sur ce sujet, chers collègues de la majorité : vous êtes beaucoup plus attachés au principe de précaution qu’à l’idée d’innovation. C’est regrettable, car de ce fait on n’a plus la culture du risque dans notre pays. On aurait pourtant besoin de renouer avec celle-ci, de retrouver le goût du progrès, de l’innovation et de la recherche, et pas seulement de la recherche fondamentale comme celle du CNRS, mais aussi de la recherche appliquée, celle qui est implantée dans les entreprises, qui crée des emplois et de l’activité et qui peut nous permettre de défendre nos industries.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n1022.

M. Julien Aubert. Il faut que cette nouvelle stratégie énergétique aille au plus près du tissu économique constitué par nos PME, qui sont aujourd’hui très durement touchées par la crise. Je pense notamment à celles qui œuvrent dans le secteur du bâtiment, particulièrement concernées par la transition énergétique. Il me semble que cette forme de reconnaissance est susceptible d’entraîner l’adhésion de tous.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n1663.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à combler une lacune du texte. En effet l’innovation et la recherche n’apparaissent pas dans la définition de la politique énergétique alors qu’elles devraient y jouer un rôle moteur.

Il s’agit aussi de souligner le rôle des PME et des TPE dans ce domaine. Celles qui sur nos territoires recherchent des solutions innovantes ont besoin que nous leur exprimions notre soutien. Voilà pourquoi nous proposons de l’inscrire dans la définition de la politique énergétique.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n1669.

M. Bertrand Pancher. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n1881 rectifié.

M. Jean-Philippe Nilor. Les TPE et les PME ont largement démontré leur capacité à innover et à assumer pleinement leur rôle de moteur de la croissance verte. Elles peuvent même se révéler beaucoup plus performantes que les entreprises du CAC 40 dans ce domaine.

Cet alinéa vise à affirmer leur place dans le présent projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ces amendements ont été rejetés par la commission spéciale à l’issue d’un très long débat. Même si je partage bien évidemment votre objectif de soutenir les PME et les TPE, que je connais très bien et qui constituent le cœur économique de notre pays, je ne crois pas qu’il soit pertinent de focaliser sur elles la politique de recherche.

Il n’y a pas de clivage entre les entreprises dans ce domaine, monsieur Abad : les grands groupes comme les ETI jouent un rôle essentiel et doivent également bénéficier des dispositifs de soutien à la recherche et à l’innovation.

M. Damien Abad. Il faut le dire à vos amis socialistes !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. C’est parce que nous pensons qu’il ne faut se priver d’aucun talent que la commission a émis un avis défavorable. Pour la même raison, elle émettra un avis défavorable à tous les amendements au titre I qui auront le même objet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Les deux sujets qui viennent d’être évoqués, celui de la recherche et celui du rôle des TPE et des PME, sont effectivement au cœur de la stratégie de croissance verte.

La question de la recherche fait l’objet d’une attention toute particulière puisqu’elle est abordée au II de cet article et au titre VIII.

Vous avez raison de souligner le rôle tout à fait crucial des PME. Elles savent se montrer extrêmement dynamiques dans ce domaine, au point de se structurer en filières d’avenir. Il ne faudrait pas pour autant stigmatiser les grands groupes.

Je voudrais dire à l’opposition que la meilleure façon d’aider les PME et les ETI est de s’associer à ce projet de loi.

M. Damien Abad. Vous ne manquez pas d’air !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous avez vu que 75 % des entreprises croient à la transition énergétique et attendent impatiemment le vote de la loi et les actions concrètes qui s’ensuivront.

M. Damien Abad. Et le matraquage fiscal ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Soyez cohérents avec vous-même et prouvez que ce n’est pas pour occuper le temps que vous défendez ces amendements, qui ont déjà d’ailleurs été longuement défendus en commission…

M. Damien Abad. Cela s’appelle avoir de la suite dans les idées !

Mme Ségolène Royal, ministre. …mais que c’est aussi par conviction en votant ce texte de loi puisque c’est ce que les entreprises vous demandent.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Ce texte, bien qu’il se donne pour objectif de rééquilibrer notre modèle énergétique en faveur des énergies décarbonées, passe complètement sous silence la question de la recherche dans le domaine du nucléaire, domaine où pourtant la France excelle, qu’il s’agisse de la technologie des réacteurs de quatrième génération, du projet ASTRID ou d’ITER. Votre texte n’affiche pas un soutien affirmé à cette technologie de pointe, alors que l’apport de la France dans ce domaine, à travers notamment les travaux du CEA, est reconnu dans le monde entier.

On me répondra peut-être que cela ne concerne pas les TPE et les PME : eh bien si, madame la ministre, mes chers collègues. Des dizaines de milliers de petites entreprises travaillent dans ce secteur, et elles craignent vivement que ce texte n’ait des conséquences néfastes pour cette filière modèle, alors que nous dominons dans tous les segments de la technologie nucléaire, depuis la production du combustible jusqu’au retraitement des déchets.

Pour rester parmi les plus performantes au monde, ces PME, voire TPE, ont besoin d’accéder plus largement à la recherche. C’est pourquoi il serait regrettable que cette disposition, soutenue par de nombreux parlementaires, ne soit pas adoptée.

(Les amendements identiques nos 181 rectifié, 883, 902, 929, 1022, 1663, 1669 et 1881 rectifié ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n982.

M. Jean-Philippe Nilor. Il s’agit d’affirmer le caractère prioritaire d’une politique de transition énergétique plus conforme aux exigences d’une protection de l’environnement particulièrement nécessaire à des collectivités et des territoires où le tourisme constitue souvent le premier voire le seul vecteur de création de richesses.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il est vrai que les outre-mer disposent d’un formidable potentiel de développement de solutions énergétiques innovantes, exposé de façon détaillée dans un avis du Conseil économique, social et environnemental de juillet 2011. Cet avis pointait notamment les enjeux pour ces « pays sans hivers », formule chère au ministre Lurel, en termes de formation et de constitution d’une filière industrielle à même de répondre aux spécificités des outre-mer.

Je ne crois pas toutefois que la définition des grands objectifs de la politique énergétique doive réserver un sort particulier à certaines parties du territoire national, a fortiori des dispositions aussi précises que celles proposées par votre amendement. En outre, le dernier chapitre du projet de loi, rapporté par Mme Ericka Bareigts, contient des dispositions spécifiques aux zones non interconnectées qui devraient en partie vous satisfaire. Enfin des dispositions relatives à la recherche ont déjà été adoptées par la commission dans le cadre de l’article 53.

En conséquence, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, votre demande est satisfaite par l’alinéa 30, qui pose que l’autonomie énergétique des outremers doit être atteinte d’ici 2030, ce qui suppose une montée en puissance très significative de la production d’énergies renouvelables. Je pense en particulier à l’énergie thermique des mers, technologie que l’entreprise DCNS compte développer, notamment en Martinique. Cet objectif extrêmement ambitieux sera décliné avec les précisions que vous souhaitez dans le chapitre spécifiquement consacré aux outre-mer. Compte tenu de l’importance, à laquelle j’ai veillé tout particulièrement, de l’affichage de cet objectif par le présent projet de loi, je me permets de vous suggérer de retirer cet amendement, qui a cependant le mérite de donner dès le début de nos débats un coup de projecteur sur la question des outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. L’objet de cet amendement n’est pas seulement d’affirmer le principe de l’autonomie énergétique des outre-mer, mais de le concilier avec l’exigence d’une meilleure protection de l’environnement. Certaines productions d’énergies alternatives ont des incidences négatives sur l’environnement. Ainsi certain projet de centrale thermique bagasse-charbon risque d’accroître les difficultés de la Martinique dans le domaine environnemental. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

(L’amendement n982 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Bouillon, pour soutenir l’amendement n2006.

M. Christophe Bouillon. Cet amendement vise à reconnaître la pertinence des groupements de communes pour atteindre les objectifs de la politique énergétique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n2006 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n2127.

Mme Barbara Pompili. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement est satisfait puisque les secteurs de l’enseignement et de la recherche relèvent bien évidemment des autorités publiques que l’article reconnaît comme des acteurs pertinents. C’est pourquoi je suggère son retrait.

Mme la présidente. Vous le retirez, madame Pompili ?

Mme Barbara Pompili. Je le maintiens.

(L’amendement n2127 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n1484.

M. André Chassaigne. Cet amendement a pour objectif de faire de la réduction de la consommation d’énergies fossiles la priorité des priorités, « la mère des priorités ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Votre amendement est satisfait par les articles L. 100-1 et L. 100-4 du code de l’énergie tels que modifiés par ce projet de loi. En effet le troisième alinéa de l’article 1er précise que la politique énergétique lutte contre l’aggravation de l’effet de serre et l’alinéa 24 du même article assigne à la politique énergétique l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 et de les diviser par quatre d’ici 2050.

À défaut de retrait, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je veux bien le retirer.

(L’amendement n1484 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n1579.

M. Patrice Carvalho. Nous proposons par cet amendement de substituer à l’objectif de maîtrise de la demande d’énergie celui de la satisfaction des besoins. Ces deux objectifs ne sont pas contradictoires mais nous tenons à souligner que, selon nous, la maîtrise de la consommation d’énergie ne doit pas remettre en cause la satisfaction des besoins, celle-ci devant demeurer la priorité. Nous ne voudrions pas que la maîtrise de la demande soit synonyme d’inflation du prix de l’énergie, d’aggravation de la précarité énergétique et des inégalités, de restriction des usages en matière de transports, d’habitat, d’industries.

Chacun a bien conscience que le type de croissance mis en œuvre dans les sociétés industrielles atteint aujourd’hui ses limites et qu’il est indispensable de favoriser les transferts d’usage, de rechercher l’efficacité énergétique, de consommer mieux pour dépenser moins.

C’est sur l’efficacité énergétique et la constitution d’un mix énergétique durable que doivent s’articuler réponse aux besoins et réponse aux urgences climatiques. D’où notre insistance sur la priorité à accorder à la satisfaction des besoins énergétiques à l’heure où 3,4 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Bien évidemment, l’objectif du projet de loi n’est pas de rationner nos concitoyens, mais de développer des outils et des actions de communication, afin de maîtriser la demande. Avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Merci, madame le président.

Je trouve que cet amendement, comme le précédent, est important, parce que derrière les termes, se cache une philosophie. On le verra ensuite avec la notion de « sobriété énergétique ». Nous devons nous demander si l’avenir de la stratégie énergétique pour la France consiste à réduire la demande d’énergie et la production, ou si l’idée est d’épouser la demande et les besoins.

L’approche qui est prônée par nos collègues d’extrême gauche est pragmatique…

M. Patrice Carvalho. Merci, l’extrême droite !

M. Julien Aubert. Le gaullisme n’a jamais été d’extrême droite, vous devriez le savoir.

Il s’agit d’une logique pragmatique qui épouse les besoins. Nous savons qu’il y a une forme d’incertitude. Nous l’avons vu dans les hypothèses. Le Gouvernement fait l’hypothèse que la consommation d’énergie va stagner, voire décroître. Il y a des scénarios dans lesquels, au contraire, cette demande d’énergie va croître. Nous ne sommes pas devins : peut-être est-il plus cohérent, plus pragmatique, de dire que nous serons de toute façon obligés de répondre à cette demande d’énergie. Si elle devait augmenter, il faudra donc s’y préparer.

(L’amendement n1579 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques, nos 82, 403, 441, 647, 905, 1141 et 1670.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n82.

M. Julien Aubert. Merci, madame le président.

Cet amendement vise à supprimer la notion de « sobriété énergétique ». C’est un débat que nous avons eu en commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale, et, Mme Marie-Noëlle Battistel et , rapporteure. Et même très longuement !

M. Julien Aubert. Justement, l’hémicycle est fait pour les collègues qui ne siègent pas en commission spéciale et qui découvrent le sujet.

Nous avons essayé d’appeler votre attention sur la définition de la transition énergétique. À force de ne pas réfléchir sur les termes, on ne dit pas ce que véritablement on vise.

M. Philippe Plisson, rapporteur. On rabâche !

M. Julien Aubert. Le lecteur un petit peu distrait voit les termes « sobriété » et « efficacité » se répéter comme s’il s’agissait de Romulus et de Remus : des jumeaux. Eh bien non !

Nous, nous sommes favorables à l’efficacité énergétique, qui consiste à dire qu’il faut consommer moins pour produire autant. C’est réduire l’intensité énergétique du PIB : ça, oui.

En revanche, la « sobriété énergétique », c’est autre chose. Il s’agit d’abord d’une notion très floue, quand on s’y intéresse un petit peu. Nous avons fait quelques recherches. D’ailleurs, on se garde bien de la définir dans la loi. En réalité, c’est un terme qui généralement est voisin de « l’économie circulaire ». C’est un terme qui renvoie aussi aux théories de la décroissance et à l’idée que, de toute façon, nous sommes dans un monde aux ressources finies.

M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis. C’est le cas ! Il y a une quantité finie de ressources.

M. Julien Aubert. Dans ce cas, l’homme doit consommer peu. C’est une forme de jansénisme énergétique. (Protestations sur les bancs du groupe écologiste.)

C’est l’idée que le stoïcisme dans la consommation doit conduire à une nouvelle société, à une sortie du capitalisme tel qu’il est actuellement, mais sur un mode quasiment monastique.

M. Philippe Plisson, rapporteur. La sortie du capitalisme sera joyeuse !

M. Julien Aubert. Nous sommes défavorables à ce terme. Peut-être madame le ministre aura-t-elle l’occasion de nous donner une définition de ce qu’elle appelle la sobriété énergétique. Qu’est-ce que cela veut dire, « consommer peu » ? Ce n’est pas très précis.

Consommer moins, on peut comprendre : moins qu’aujourd’hui. Mais où débute le « peu », personne ne nous le précise.

Il y a des citations de leaders du mouvement écologiste qui montrent que, derrière ces termes qu’on essaye d’imposer dans la loi, il y a en réalité une autre vision de l’économie, que d’ailleurs je respecte. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui luttent dans le mouvement altermondialiste, pour les gens qui pensent nécessaire d’aller vers une stratégie de la décroissance : peut-être ont-ils raison.

En tout cas, ce n’est pas mon avis. Cela ne veut pas dire qu’il faut gaspiller. Nous proposons donc de nous en tenir à la notion d’efficacité énergétique, parce que nous savons ce qu’elle signifie. C’est la différence entre un terme technique et un terme idéologique.

Mme la présidente. Monsieur Aubert, je vous fais un petit rappel à l’ordre : c’est « madame la présidente ».

C’est un rappel à l’ordre sans inscription au procès-verbal. La prochaine fois…

M. Éric Ciotti. … le goulag !

Mme la présidente. …il y aura inscription au procès-verbal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

M. Éric Ciotti. Quelle intolérance !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n403.

M. Bernard Accoyer. Ce texte ne compte pas moins de cent cinquante pages. J’entends le Président de la République, le Premier ministre, quelques voix dans la majorité quand elle surmonte ses divisions, nous expliquer que la France croule sous un excès de législation. Eh bien, nous avons là l’illustration de ce qu’il ne faut pas faire.

L’article premier compte une quarantaine de paragraphes, pour la plupart déclamatoires. Nous sommes au cœur de ce que le président Mazeaud, éminent membre du Conseil constitutionnel, qui siégea longtemps sur ces bancs, appelait à juste titre « la loi bavarde ».

On imagine les dérapages qu’il pourra y avoir, parce que malgré tout, ce sera la loi.

S’agissant de la « sobriété énergétique », je ne peux que partager l’analyse sémantique brillante qu’a faite mon jeune collègue Aubert : il a facilement repéré dans cette expression la dialectique de ce mouvement qui est favorable à la décroissance et qui est soutenu par une partie de la majorité, c’est-à-dire par le groupe écologiste.

Cette notion de décroissance est mortifère. D’ailleurs, il n’y a pas de jour sans que le Gouvernement appelle de ses vœux la croissance : il sait bien que, sans croissance, il n’y a aucune chance de pouvoir résorber le chômage.

Si la notion d’économie circulaire n’est pas stupide, puisqu’on peut imaginer un moment où tout sera recyclé, il y a en revanche dans cette expression de « sobriété énergétique » une dimension dogmatique qui n’a pas sa place dans ce texte. C’est pourquoi nous proposons de la supprimer.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n441.

M. Martial Saddier. Rapidement, car cela a déjà été dit par mes collègues, je pense que les mots « efficacité énergétique » garantissent mieux la force de la loi.

Au delà de l’aspect législatif et sémantique, quel est le message que nous voulons faire passer ? Comment voulons-nous qu’il soit entendu, écouté ? Le terme d’efficacité, auprès de nos concitoyens, sera plus pédagogique que celui de « sobriété ».

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n647.

M. Jean-Marie Tetart. Je crois que la notion de sobriété renvoie d’abord aux économies d’énergie et donc à la réduction de la demande, alors qu’il faudrait développer une optimisation de l’utilisation de l’énergie. C’est pourquoi je pense qu’il serait plus juste, plus honnête, plus pédagogique de parler d’efficacité énergétique tout simplement.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n905.

M. Claude de Ganay. L’alinéa 13 introduit la notion de sobriété énergétique. Il y a un côté très moraliste dans l’introduction d’un tel terme.

Ainsi la sobriété énergétique devient-elle un marqueur distinguant bon et mauvais consommateurs. Les entreprises, plus grosses consommatrices d’énergie, seront ainsi, immanquablement, pointées du doigt. Comme vous le savez, la croissance de nos entreprises est intimement liée à l’énergie consommée. (Protestations sur certains bancs des groupes écologiste et SRC.)

Plutôt que d’utiliser le terme « sobriété », il serait plus opportun de parler d’efficacité, notion plus pragmatique qui fait davantage appel à la responsabilité sociale et environnementale des consommateurs qu’à un jugement vertueux.    

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1141.

M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

Mme Michèle Bonneton. Merci pour votre sobriété !

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n1670.

M. Bertrand Pancher. Il est retiré.

(L’amendement n1670 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ces amendements ont été très longuement débattus en commission et ils ont été repoussés.

En effet, la sobriété énergétique, pour nous, désigne la réduction de nos consommations via une meilleure efficacité et une meilleure maîtrise de nos énergies : deux composantes nécessaires. Elle fait donc partie intégrante de la transition énergétique. Supprimer cette disposition prévoyant que l’État veille à favoriser la sobriété énergétique irait donc à l’encontre des objectifs poursuivis par l’ensemble du présent projet, le Gouvernement et la majorité. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Il est vrai que ce débat – intéressant d’ailleurs – a longuement eu lieu en commission spéciale. La sobriété et l’efficacité énergétiques sont bien les deux facettes de l’action en faveur de la transition énergétique.

La sobriété énergétique, c’est une volonté : celle de maîtriser sa consommation. L’efficacité, elle, s’appuie sur un certain nombre d’outils : c’est une opportunité dans la façon dont on consomme l’énergie. Elle va être accrue grâce aux compteurs intelligents, grâce aux travaux d’économie d’énergie et d’isolation, grâce aux compteurs individuels qui vont maintenant être installés dans toutes les copropriétés : ils permettent une économie de 20 à 30 %, notamment pour le chauffage.

Quand une famille veut réduire sa consommation et qu’elle ne sait pas ce qu’elle consomme : avec le compteur individuel, elle pourra maîtriser efficacement sa consommation énergétique.

Comme nous le dit le Littré, la sobriété est « la qualité de celui qui se comporte avec retenue ». Vous n’avez rien contre la retenue.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pour M. Aubert, ce sera difficile.

Mme Ségolène Royal, ministre. Cette notion a aussi une valeur éducative. On apprend aux enfants la sobriété dès le plus jeune âge : ne pas gaspiller l’énergie comme ne pas gaspiller l’eau.

La sobriété, monsieur Aubert, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de boire avec modération. On peut déguster sans aller vers l’ivresse. C’est pareil pour l’énergie : on peut en profiter sans aller vers le gaspillage.

On parle aussi – mais cela nous écarterait du sujet – de la sobriété du chameau. C’est une forme d’économie d’énergie, non d’économie circulaire.

Bref, je crois que le débat que vous ouvrez, une nouvelle fois, sert quelque peu à utilise votre temps. Cela dit, j’ai pris le temps de vous répondre, parce que la sobriété énergétique, c’est tout le contraire de la décroissance : c’est un élément-clé d’une croissance durable qui met en avant un certain nombre de valeurs qualitatives par rapport à la quantité. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Très bien !

(Les amendements identiques nos 82, 403, 441, 647, 905 et 1141 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 129, 466 et 1167.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n129.

M. Julien Aubert. Merci, madame.

Mme la présidente. Non, « madame », cela ne convient pas non plus.

M. Julien Aubert. Puisque vous m’avez menacé…

Mme la présidente. Non.

Monsieur Aubert, vous n’avez plus la parole : soit vous respectez la présidence de séance, soit il y a un problème.

M. Julien Aubert. Mais je respecte…

Mme la présidente. Vous utilisez la formule « madame la présidente », ou il y a un problème.

M. Julien Aubert. J’utilise les termes de l’Académie française.

Mme la présidente. C’est cela ou vous ferez l’objet d’un rappel à l’ordre inscrit au procès-verbal.

M. Julien Aubert. Faites donc, madame le président.

Mme la présidente. Vous aurez été prévenu : ce rappel à l’ordre sera inscrit au procès-verbal.

M. Julien Aubert. En ce qui me concerne, j’applique les règles définies par l’Académie française, « madame la présidente » désignant l’épouse du président.

Mme la présidente. C’est le règlement de l’Assemblée nationale qui, ici, s’applique.

Vous faites donc l’objet d’un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal. Si vous y tenez, cela peut aussi aller plus loin.

M. Julien Aubert. Nous avons déjà débattu de cette question lorsque vous étiez dans l’hémicycle et vous savez qu’il y a là un point de désaccord.

Vous voulez politiser une question qui relève simplement de la grammaire française.

Mme la présidente. Je ne politise rien du tout. Soit vous faites preuve de respect pour la présidence de séance…

M. Julien Aubert. J’éprouve beaucoup de respect !

Mme la présidente. …soit ce n’est pas le cas et, alors, un problème se pose.

Le règlement de notre Assemblée est à votre disposition. Vous pouvez le demander si vous ne l’avez pas en permanence avec vous. Lisez-le et vous verrez.

M. Julien Aubert. Je ne vois pas où il est précisé que l’on doive dire « madame la présidente », mais enfin…

L’amendement 129 vise à inscrire très précisément dans la loi les termes efficacité « énergétique active et passive ».

En effet, nous avons l’impression que ce texte se concentre beaucoup sur l’efficacité énergétique passive alors que les gains de productivité, en fait, relèvent plutôt de l’efficacité énergétique active, à travers notamment la nouvelle technologie des smart grids.

Vous savez, en effet, que des applications sur un iPhone, contre 20 ou 25 euros, permettent par exemple d’arrêter la consommation électrique du téléviseur ou du téléphone.

Ce texte étant très largement dédié à la rénovation et aux travaux de gros œuvre, nous considérons qu’une telle spécification serait plus judicieuse afin que l’État puisse enclencher une stratégie prenant en compte tous les éléments de l’efficacité énergétique.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n466.

M. Martial Saddier. Je serai bref et je reprendrai les arguments de Mme la ministre pour distinguer l’efficacité de la sobriété.

Elle a rappelé, en faisant allusion au compteur Linky, que la sobriété – d’après elle et d’après la majorité désormais –, comprend aussi tout ce qui relève de l’efficacité active.

Tout ce qui peut être fait afin d’économiser de l’énergie via l’efficacité passive – l’isolation, etc. – doit être également rappelé et il est indispensable de lier à la sobriété énergétique – puisque telle sera donc la formule en vigueur – la notion d’efficacité active et passive.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1167.

M. Alain Leboeuf. Je pense également que la notion d’efficacité doit être précisée.

L’ajout de l’efficacité « énergétique active et passive » a le mérite de formuler des orientations, à la différence de la « sobriété » tout court, qui est une notion un peu vague.

La précision que nous proposons indique des pistes concrètes afin d’inviter les Français à faire preuve d’efficacité énergétique active – je songe à tout ce qu’il est possible de faire, aujourd’hui, dans le domaine de la programmation. Les expériences qui sont réalisées commencent d’ailleurs déjà à le démontrer.

Une telle précision me semble importante et intéressante dans un texte d’orientation.

En matière d’efficacité énergétique passive, nous avons là aussi beaucoup de progrès à accomplir. Les Français sont prêts à les faire mais il est important de noter ces précisions à l’alinéa 13.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Une nouvelle fois et comme sur de très nombreux sujets, je remarque que nous reprenons des débats qui ont pourtant été menés en commission.

L’expression « efficacité énergétique » recouvre tous les types d’efficacité énergétique, active, passive, neutre ou autres.

On ne gagne pas toujours à vouloir trop préciser les choses.

Avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que Mme la rapporteure.

(Les amendements identiques nos 129, 466 et 1167 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n1901.

M. Joël Giraud. Je propose de réécrire la fin de l’alinéa 13 car il est rédigé dans un français un peu approximatif.

Il est question de favoriser « l’efficacité ainsi que la sobriété énergétiques », or, la conjonction « et » me paraît beaucoup plus correcte et plus simple afin de permettre une meilleure compréhension du texte.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ce sera une grande avancée ! (Sourires)

(L’amendement n1901, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n1150.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Étant satisfait par les notions d’efficacité et de maîtrise énergétique, je vous suggère de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je le retire.

(L’amendement n1150 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n1568.

M. Patrice Carvalho. Cet amendement vise à déployer les moyens nécessaires à la réussite des objectifs de cette loi de transition énergétique. J’espère, après les Grenelle 1 et 2, que nous ne discutons pas en ce moment du Grenelle 3 !

L’ADEME évoque des moyens à hauteur de 30 milliards et vous envisagez 500 millions et quelque. C’est un sacré décalage ! Je ne sais pas si cela est lié à la « sobriété » dans la réalisation des objectifs mais je parlerais plutôt quant à moi de radinerie, pour ne pas dire d’abstinence !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Cet amendement me semblant satisfait par l’article 49 du projet de loi relatif à la programmation des capacités énergétiques et définissant la programmation pluriannuelle de l’énergie, je vous propose de le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis, l’amendement étant en effet satisfait ultérieurement.

Mme la présidente. Le retirez-vous, monsieur Carvalho ?

M. Patrice Carvalho. Non.

(L’amendement n1568 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, pour soutenir l’amendement n2283.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il est rédactionnel.

(L’amendement n2283, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 1902 et 1944, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Joël Giraud, pour les soutenir.

M. Joël Giraud. Il convient d’ajouter à la liste des missions que l’État veille à assurer une mission relative à la compétitivité des entreprises.

Plus précisément, il s’agit de garantir aux entreprises un accès à l’énergie à un coût préservant leur compétitivité économique.

L’amendement n1944, qui est tout de même différent, vise quant à lui à proportionner les aides publiques à l’amélioration de la performance énergétique de bâtiments existants aux résultats de performance énergétique réelle projetée et pas seulement aux performances annoncées par les différents donneurs d’ordre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il me semble, monsieur Giraud, que votre amendement n1902 est satisfait par l’alinéa 6 de l’article premier modifié par mon amendement prévoyant que la politique énergétique maintient un prix de l’énergie compétitif.

Je vous propose donc de bien vouloir le retirer.

L’amendement n1944, quant à lui, a reçu un avis défavorable de la commission.

Si vous souhaitez qu’une évaluation de l’efficacité des dispositifs d’aides publiques à la rénovation des bâtiments soit réalisée, je vous suggère de solliciter la création d’une mission d’information au sein de notre Assemblée.

Avis à nouveau défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. La satisfaction que j’éprouve donc (Sourires) m’incite à retirer l’amendement n1902.

Quant à la proposition de création d’une mission, madame la rapporteure, elle sera suivie d’effet.

Je retire également l’amendement n1944.

(Les amendements nos 1902 et 1944 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 131, 467, 908, 1168, 1433, 1671 et 1882.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n131.

M. Julien Aubert. Cet amendement concerne la compétitivité des entreprises.

Lors du débat en commission sur la transition énergétique, nous avons quant à nous considéré que, durant cette période, le coût de l’énergie pour les consommateurs et les entreprises devait rester le plus stable et le plus bas possible.

En mentionnant la compétitivité des entreprises, nous voulons que le deuxième objectif soit rempli et que les décisions prises par l’État, notamment, eu égard à sa stratégie nucléaire – dont nous considérons qu’elle renchérira le coût de l’énergie – conservent comme objectif sous-jacent de maintenir pour les entreprises un coût de l’énergie aussi bas et stable que possible.

S’agissant du coût de l’énergie fossile, je rappelle que dans l’industrie pétrochimique, par exemple, le rapport est de un à trois entre les États-Unis et l’Europe, ce qui soulève une vraie question en matière de compétitivité.

Je connais déjà votre réponse, madame la ministre : vous allez dire que cet objectif est partiellement satisfait puisque le texte prévoit des dispositifs s’agissant des industries électro-intensives, ce qui prouve que le Gouvernement souhaite prendre en compte le critère de la compétitivité.

Précisément, il serait bon que ce souci-là soit affirmé dès l’article premier.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n467.

M. Martial Saddier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n908.

M. Claude de Ganay. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n1168.

M. Alain Leboeuf. L’alinéa 15 propose de diversifier les sources d’approvisionnement, de réduire les énergies fossiles, d’augmenter la part des énergies renouvelables – autant d’objectifs que nous pouvons partager – mais, lorsque nous revenons de nos circonscriptions, nous entendons déjà de nombreuses remarques quant à ce projet de loi, les entrepreneurs, en particulier, étant inquiets s’agissant des coûts à venir de l’énergie.

Il est donc important de pouvoir rassurer les uns et les autres : oui à la diversification mais à condition d’inscrire dans le texte l’objectif de préservation de la compétitivité comme nous en convenons très largement en Europe en particulier.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n1433.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise en effet à se référer explicitement à la nécessité de conserver la compétitivité des entreprises.

Nous comprenons fort bien les objectifs clairement affichés en matière énergétique mais, en même temps, ils ne doivent pas être atteints à n’importe quel prix, notamment, s’agissant de notre tissu économique.

Cet amendement de bon sens vise donc à rappeler que la compétitivité des entreprises n’est pas négociable et qu’elle doit être intégrée dans ce texte. À défaut, on risque de considérer qu’il comporte des intentions masquées.

Nous proposons donc de compléter l’alinéa 15 en indiquant : « , tout en conservant la compétitivité des entreprises. »

Je vous remercie.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n1671.

M. Bertrand Pancher. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n1882.

M. Jean-Philippe Nilor. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ces sept amendements identiques ont déjà été examinés en commission. Ils n’apportent pas de précisions utiles. L’article L.100-1 précise déjà que la politique énergétique nationale a pour objectif de maintenir un prix de l’énergie compétitif.

Ces amendements étant donc satisfaits, j’émets un avis défavorable à leur adoption.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Ces amendements sont déjà satisfaits, puisque l’article 1er insiste déjà énormément sur la compétitivité économique des entreprises. Vous savez par ailleurs que les industries  électro-intensives ont eux aussi été pris en considération dans ce projet de loi. Comme je l’ai dit tout à l’heure, 75 % des entreprises attendent la mise en œuvre de la transition énergétique, et elles y croient beaucoup, car les économies d’énergie et la performance énergétique renforceront leur compétitivité. À présent, elles attendent que les autres pays européens se fixent les mêmes objectifs, afin que la compétition soit équitable.

Si nous voulons positionner nos entreprises sur des créneaux porteurs d’avenir, nous avons tout intérêt à les encourager et à les pousser en avant, tout en leur donnant les moyens d’économiser leur propre énergie. Les entreprises vont bénéficier directement de la transition énergétique, puisqu’elles pourront investir elles-mêmes, grâce aux prêts de la Banque publique d’investissement, dans leur propre processus de production, notamment avec la filière d’avenir sur l’usine du futur. Elles combineront performance sociale, performance environnementale et performance économique.

Pour une entreprise, repenser son modèle énergétique, cela revient à repenser son processus de production, afin d’économiser l’énergie comme matière première, mais cela consiste aussi à réduire la consommation d’énergie au sein des bâtiments mêmes de l’entreprise. Il y a là des perspectives de progrès considérables, à la fois en termes de conception des bâtiments, industriels et de services, et en termes d’économie de matières premières. L’objectif, c’est que, dans le cycle même de production – on y reviendra lorsqu’il sera question de l’économie circulaire – la performance énergétique soit un facteur très fort de productivité.

En un mot, la croissance verte, qui figure dans le titre du projet de loi, est d’abord faite pour les entreprises. C’est bien le combat pour la création d’emplois dans l’ensemble des entreprises – industrielles, de services et artisanales –, et dans tous les secteurs de production – y compris dans le secteur agricole – que cette transition énergétique a vocation à se mettre en place prioritairement. Je suggère donc le retrait de ces amendements, compte tenu du fait que nous avons déjà pris en compte, et bien au-delà de ce que prévoient ces amendements, la productivité économique des entreprises en lien avec la croissance verte.

M. Julien Aubert. Vous exagérez !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, qui peut nier que ce texte aboutira à un alourdissement des contraintes qui pèsent sur les entreprises et, in fine, à une diminution de la compétitivité de l’économie française ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Au contraire !

M. Bernard Accoyer. Qui peut nier que le démantèlement anticipé de notre parc électronucléaire aura pour conséquence une augmentation du coût de l’électricité ? Il faudra construire d’autres équipements producteurs d’électricité. Or les énergies renouvelables exigent des constructions d’une capacité beaucoup plus importante, en raison de la fluctuation des productions, au gré du régime des vents et de l’ensoleillement, pour ne citer que ces deux sources d’énergie. Qui peut nier que ce texte, avec ses cent cinquante pages, va compliquer et alourdir la vie de nos entreprises ? Quand on parle de la compétitivité, il faut songer à cette complexité, à cette lourdeur des normes !

La compétitivité devrait être le cœur de ce texte, et elle n’est pas incompatible avec la transition énergétique. Mais encore faudrait-il que ce texte ne se limite pas à la transition des énergies électriques… La France est déjà exemplaire en matière de production d’énergie électrique, au regard des productions de gaz à effet de serre, puisque 90 % de notre électricité est décarbonée ! Cela place déjà la France parmi les premiers pays du monde en termes d’empreinte carbone, s’agissant de sa production électrique.

Ce texte, en s’attaquant aux autres énergies, et en ratant ainsi sa véritable cible, qui devrait consister à faire muter progressivement un certain nombre de sources d’énergie carbonées en énergies fossiles, va alourdir les conditions d’exercice de nos entreprises, et toucher par conséquent la compétitivité de l’économie. Le terme « compétitivité » manque cruellement dans cette longue litanie déclamatoire que constitue l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’argument qui vient d’être développé est intéressant, madame le ministre. Si je ne me trompe, la notion de « compétitivité » apparaît une seule fois dans l’article 1er, lorsqu’il est indiqué, au début de l’article, que la politique énergétique « maintient un coût de l’énergie compétitif ». Mais la compétitivité des entreprises ne se limite pas à cette question du coût ! La formulation que nous avons proposée, du reste, renvoie au code de l’énergie : comme nous modifions les conditions d’exercice de notre politique énergétique, comme nous introduisons des ruptures énergétiques, il importe de rappeler que l’objectif fondamental est la compétitivité de nos entreprises, qui ne se résume pas à la question du coût.

Par ailleurs, vous nous avez répondu, madame le rapporteur, que ces amendements avaient déjà été examinés et rejetés en commission spéciale. Mais on ne peut pas acter que, parce qu’un amendement a été rejeté en commission spéciale, on ne peut pas le déposer à nouveau dans l’hémicycle.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je voulais seulement dire qu’on en a déjà longuement débattu !

M. Julien Aubert. D’abord, parce que cela viderait grandement de son intérêt le débat en séance, qui est assez suivi ; ensuite, parce que la majorité n’est pas la même et qu’on peut donc penser que ce qu’une commission a défait, un hémicycle peut le faire ! Et comme nous sommes fondamentalement optimistes et favorables à la coconstruction, nous avons tendance à nous dire : Errare humanum est, persevare diabolicum. Une erreur est si vite arrivée, il est encore possible de la corriger ! C’est pour cette raison que nous présentons à nouveau nos amendements en séance.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

(Les amendements identiques nos 131, 467, 908, 1168, 1433, 1671 et 1882 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1672 et 2500.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n1672.

M. Bertrand Pancher. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n2500.

M. Joël Giraud. Cet amendement n’est pas tout à fait anodin. En introduisant un alinéa supplémentaire après l’alinéa 15, il s’agit de se conformer aux directives européennes relatives à la préservation d’un environnement concurrentiel sur le marché de l’énergie. Ceci est d’autant plus important qu’en France, deux groupes ont hérité du monopole historique, tandis que des acteurs alternatifs, dotés d’une réelle capacité d’innovation, cherchent à se développer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je ne répondrai pas que cet amendement a déjà été rejeté en commission, monsieur Aubert ! Il est en revanche totalement superfétatoire, puisque le droit de la concurrence s’impose à l’État en la matière. C’est d’ailleurs la mission du régulateur sectoriel et de l’Autorité de la concurrence que de s’assurer de la préservation d’un environnement concurrentiel. Il n’est donc nul besoin de le rappeler ici, et la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 1672 et 2500 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n416.

M. Michel Sordi. Cet amendement tend à insérer, après l’alinéa 15, l’alinéa suivant : « 3° bis A Mettre en œuvre des explorations et des expérimentations à seules fins d’établir un inventaire des ressources disponibles en matière de gaz de schiste sur le territoire national ».

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Michel Sordi. En effet, l’interdiction catégorique de l’exploitation des gaz de schiste, sans même connaître les réserves éventuelles dont dispose notre pays, revient à se priver potentiellement d’une énergie supplémentaire dans le mix français qui accroîtrait notre indépendance énergétique.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Michel Sordi. On peut considérer avec envie certains pays, et notamment les États-Unis, qui développent aujourd’hui l’exploitation du gaz de schiste. On dit qu’ils atteindront bientôt l’autosuffisance, et qu’ils seront peut-être même bientôt en mesure d’exporter. Nous ne demandons par, pour l’heure, de lancer l’exploitation en France. Mais, avant de nous demander s’il faut exploiter ou non, commençons par faire l’inventaire des réserves qui existent sur notre territoire national.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. La question des hydrocarbures non conventionnelles a déjà été réglée par la loi du 13 juillet 2011, dite loi Jacob. Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer. Vous ne l’appliquez pas, dans son article 3 !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, la fracturation hydraulique est, à ce jour, la seule technologie connue pour exploiter les gaz de schiste. Or la France, vous le savez, ne recourra pas à la fracturation hydraulique, compte tenu des risques qu’elle comporte. Par ailleurs, la fuite en avant vers un pseudo-Eldorado d’énergies fossiles, qui seraient disponibles dans nos sous-sols à des coûts d’exploitation considérables, est contraire au choix que nous avons fait de la transition énergétique. Celle-ci consiste à mobiliser l’ensemble des moyens, publics et privés, en vue d’atteindre l’efficacité énergétique, d’une part, avec une priorité donnée au bâtiment, car c’est dans les métiers du bâtiment, de l’isolation et de l’écoconstruction qu’il y a urgence à agir pour faire redémarrer la croissance économique, et pour faire monter en puissance les énergies renouvelables, d’autre part.

Le choix du mix énergétique de la France est clair, et il n’y aura pas de fuite vers le gaz de schiste. Du reste, aux États-Unis, on en revient…. Bulle spéculative, dégâts environnementaux considérables, problème de santé publique, avec les séquelles dont souffrent les riverains des puits de forage, multiplication de friches industrielles lorsque les réserves sont épuisées et que les opérateurs privés se déplacent de site en site : épargnons cela à la France et renonçons à l’exploitation des gaz de schiste, comme l’ont fait tous les pays européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Denis Baupin, rapporteur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Ma position est légèrement différente de celle de mes collègues, puisque je suis, pour ma part, favorable à l’exploration des gisements de pétrole – et non de gaz – de schiste, pour des raisons qui tiennent à la nature des réserves et à leur capacité.

Mais je tiens à vous dire, madame le ministre, que je ne comprends pas votre argumentation. Nous avons déjà abordé cette question à plusieurs reprises et tout le monde convient qu’une loi sur la transition énergétique se doit d’aborder la question du gaz de schiste, puisque celui-ci constitue tout de même la grande révolution de ces dix dernières années dans le domaine des énergies fossiles. Que l’on soit pour ou que l’on soit contre, on ne peut nier que la question doit être posée.

Dans ma propre circonscription, dans le parc régional du Luberon, les élus ont appris qu’une procédure était en cours pour explorer les gisements de gaz de schiste. Je vous avais d’ailleurs interrogée à ce sujet, sans obtenir de réponse. Ce soir, à Paris, vous me dites qu’il est hors de question de lancer l’exploitation du gaz de schiste, position que je peux comprendre, même si je ne la partage pas, mais j’apprends que sur le terrain des entreprises s’apprêtent à mettre sens dessus dessous un parc régional pour trouver du gaz de schiste ! J’aimerais, madame le ministre, comprendre la logique de tout cela, et que vous me disiez qui je dois croire, car les messages que je reçois à Paris et sur le terrain ne sont pas les mêmes.

Vous le voyez, je profite de l’occasion pour parler très concrètement de problèmes qui concernent les Français, et particulièrement les Vauclusiens.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, la question que soulève ce débat est celle de la portée de votre texte. Nul doute que, lorsque l’on engage un débat de cette nature sur l’énergie, on doive se référer à ce qu’ont fait nos aînés, ceux qui, il y a cinquante ans, ont fait des choix énergétiques qui sont, aujourd’hui encore, l’un des rares atouts de la compétitivité nationale. Vous pourriez, vous devriez – je sais que c’est ce que vous souhaitez et vous avez tout à fait les qualités pour le mettre en musique – présenter à notre assemblée un texte avec des projections pour les cinq décennies à venir. Quel va être le mix énergétique ? Comment vont évoluer les sources d’énergie dans notre pays ? Tout cela tient à notre patrimoine, à la fois naturel, industriel et énergétique. Or pour évaluer un patrimoine, il faut un minimum de rationalité.

Comment, alors que notre pays est considéré – à tort, peut-être – comme l’un de ceux qui possèdent les réserves en hydrocarbures non conventionnelles les plus importantes de l’Europe occidentale, refuser d’en évaluer simplement l’importance ?

Plus grave, pourquoi refuser d’appliquer l’article 3 de la loi de juillet 2011 ? Cette loi interdit l’exploitation par la fracturation hydraulique de tels gisements, mais recommande de développer les travaux de recherche dans cette direction.

Je ne comprends donc pas, madame la ministre, au vu de l’audace de vos propositions et de l’ambition qui est la vôtre et que nous comprenons, que vous vous refusiez à simplement ouvrir une porte sur la recherche, sur l’avenir, bref, sur les décennies durant lesquelles nous allons devoir faire évoluer notre mix énergétique.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur Accoyer, nous ne refusons pas d’ouvrir une porte sur l’avenir, c’est le passé que vous nous demandez de cautionner, et je crois avoir répondu avec précision sur ce qui se passe aux États-Unis d’Amérique.

Pour vous répondre sur le parc du Lubéron, monsieur Aubert, la demande de permis remonte à 2011. Elle a été instruite, et comme c’est d’usage dans la procédure administrative, un arrêté a été publié sur le site pour consultation. La consultation s’achève normalement le 11 octobre. À la suite des différentes démarches dont j’ai été destinataire, et en particulier de la saisine dont j’ai fait l’objet par Jean-Louis Joseph, président du parc du Lubéron et également de la Fédération des parcs naturels régionaux de France, et au vu des informations qui arrivent sur le site du ministère relatives à cette consultation, j’ai décidé qu’elle était sans objet et que le permis exclusif de recherches ne serait pas donné. J’ai fait connaître cette décision cet après-midi au président du parc.

J’ai pris cette décision au vu de la réalité du dossier et des différentes objections. Je considère que la réalisation de forages est absolument impossible au cœur d’un parc naturel régional, comme vous l’avez relevé, et le permis exclusif de recherches ne sera pas attribué.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi.

M. Michel Sordi. Dans beaucoup de domaines d’activité, dans notre société, les technologies évoluent. Il y a certainement eu des plâtres à essuyer aux États-Unis et dans d’autres pays. Mais je sais, et nous l’avons tous vécu, que les techniques évoluent rapidement. Cela se voit dans le domaine médical comme dans le domaine des forages.

Il vous est simplement proposé de dresser l’inventaire des ressources disponibles. Je reviens sur ce point car il est important pour notre pays de disposer de cet inventaire. Il ne s’agit pas d’exploiter aujourd’hui. Partout où l’exploitation est en cours, les techniques évoluent. Laissons évoluer les techniques, et avant de savoir si l’on veut exploiter ces ressources, faisons l’inventaire de ces réserves.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Madame la ministre, je voulais réagir à la première réponse que vous avez faite à M. Sordi. Il ne préconise pas du tout, dans son amendement, l’utilisation de la fracturation hydraulique. Il préconise de dresser un inventaire et de réaliser des expérimentations, donc de la recherche. Nous pouvons être opposés à la fracturation sans pour autant nier qu’il existe un véritable potentiel en pétrole de schiste ou gaz de schiste, et l’on peut imaginer trouver d’autres méthodes d’exploitation que la fracturation.

Cet amendement n’évoque d’ailleurs pas du tout la fracturation, il fait bien mention d’expérimentation et d’inventaire. Ce sont des choses très différentes. Je pense que vous avez détourné le sens de l’amendement dans votre réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Merci de votre réponse, madame la ministre. Lorsque je vous avais interrogée au cours de la séance de questions au Gouvernement, je n’avais pas obtenu de réponse. Néanmoins, c’est un excellent exemple. Nous parlons de sujets concrets, et je sais que vous aimez parler de manière concrète. Ce qui me gêne, c’est que nous menons un débat théorique sur la politique énergétique, mais votre réponse n’a pas été que vous interdisiez ce permis de recherches parce que vous étiez contre l’exploration des ressources en gaz de schiste ; vous avez déclaré que vous étiez opposé au fait d’aller chercher des gisements dans des parcs régionaux. Sous-entendu, si cela s’était fait ailleurs, peut-être que vous auriez pris une autre décision. Nous n’avons pas l’impression qu’il s’agit d’une décision automatique.

Nous vivons dans un monde kafkaïen : une loi interdit toute recherche, mais on apprend qu’en réalité des procédures sont en cours et elles sortent subitement comme les bulles sortiraient de l’eau. Cela interpelle le citoyen qui doit avoir du mal à comprendre si ces pratiques sont interdites ou pas.

La loi Jacob est en fait hémiplégique. Nous avons voté l’interdiction de la fracturation hydraulique, mais il s’agissait d’un point de départ. Je vous rappelle que la loi Jacob prévoit l’interdiction des techniques de fracturation hydraulique, mais également la constitution d’un comité de suivi et de pilotage pour réfléchir à des modes alternatifs de fracturation. Mais cela n’est pas du tout appliqué.

En termes de lisibilité extérieure, il est difficile de comprendre, madame le ministre, si votre position est opposée à toute exploitation, quelles que soient les techniques employées, et à toute exploration de gisement quel que soit l’endroit, ou si vous avez une vision se rapprochant de la mienne qui consiste à distinguer l’exploitation et l’exploration, et à considérer que selon les zones, l’exploration, parce qu’elle peut être suivie d’une exploitation, a un sens.

C’est pour cela que je suis beaucoup plus allant sur le pétrole de schiste : nous savons que les réserves de pétrole de schiste existent, et elles se trouvent dans des régions qui exploitent déjà du pétrole. La relation n’est pas du tout la même dans des régions où l’on exploite déjà du pétrole et des régions qui n’ont jamais connu d’exploitation physique, notamment dans le Sud-Est de la France qui, comme vous le savez, a une vocation largement touristique.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Faisons tout de même attention, mes chers collègues, à ne pas résumer le projet de loi sur la transition énergétique à la relance ou au développement du nucléaire d’un côté et au développement des énergies fossiles de l’autre. Ce serait vraiment un très mauvais message envoyé à l’opinion publique.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Très bien !

M. Bertrand Pancher. Nous pouvons certes rouvrir le débat sur le gaz de schiste actuellement. Des missions parlementaires ont été menées sur ce sujet, la question de l’exploration est très complexe, nous le savons tous, puisque les grandes compagnies nous indiquent qu’elles veulent bien engager des travaux d’exploration, mais à condition qu’elles aient la certitude d’exploiter après, compte tenu des investissements importants qui sont réalisés.

Il faut faire très attention sur ce sujet, ne troublons pas l’opinion publique : nous nous engageons dans le débat d’une loi concernant la transition énergétique, même si l’on en conteste les moyens, restons sur le fond du sujet, c’est-à-dire les économies d’énergie, les énergies renouvelables et les efforts que peut engager notre société de façon à nous diriger vers un nouveau mode de développement.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Dans une famille politique, il n’est pas grave – et même assez fréquent – que plusieurs voix différentes puissent s’exprimer. Je fais partie de ceux qui sont extrêmement prudents sur l’exploitation de notre sous-sol. À l’école des grands ingénieurs qui construisent les grands édifices depuis plusieurs siècles, on parle d’aléa géotechnique. Nous avons toutes et tous eu des responsabilités en maîtrise d’ouvrage ou en maîtrise d’œuvre, que ce soit en qualité de conseiller général, de conseiller régional, de maire ou de président d’intercommunalité. Tous les projets qui touchent au sous-sol comportent la notion d’aléa géotechnique. Même à trente ou quarante mètres de profondeur, vous ne trouverez pas de personnes complètement persuadées et prêtes à engager leur responsabilité sur ce qu’ils écrivent.

Il faut donc beaucoup d’humilité au moment d’affirmer ce qui peut se passer à 1 000, 2 000 ou 4 000 mètres de profondeur alors que l’on s’aperçoit que parfois, à quelques mètres de profondeur, on est surpris de ce qui se passe.

Dans ce cadre, je souscris aux propos de Bertrand Pancher, il ne faut pas que telle ou telle famille politique soit caricaturée…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Elle se caricature toute seule !

M. Martial Saddier. …ou que l’on affirme que les uns sont favorables ou les autres ne sont pas défavorables, que les uns sont complètement fermés et que les autres complètement favorables.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nicolas Sarkozy y est favorable, lui !

M. Martial Saddier. Madame la ministre, le vrai sujet est qu’il existe un vide juridique dans le code minier. Ce vide juridique est ancien, pour des raisons que nous connaissons et qui n’étaient plus d’actualité. Il a été remis au goût du jour non seulement par l’exploitation des gaz de schiste, mais aussi par la géothermie profonde à haute et basse température.

Vous le savez, madame la ministre, nous sommes un certain nombre à être concernés par des demandes d’exploration de notre sous-sol à très forte profondeur, non seulement pour les gaz de schiste – la loi a en partie réglé ce problème – mais également pour la géothermie profonde à haute et basse température. Ces demandes portent sur des endroits où ces activités se feront peut-être un jour, mais aussi sur des endroits où il existe un parc naturel, comme la ministre l’a évoqué, ainsi que des endroits où il existe des nappes stratégiques, c’est-à-dire le dernier endroit en France où l’on trouve en quantité presque illimitée la ressource en eau potable de qualité pour les générations futures. Aujourd’hui, des entreprises privées avancent alors que nous n’avons pas été capables de remettre au goût du jour le code minier.

Il est évident que l’on peut discuter de ces sujets dans la loi sur la transition énergétique, mais je crois que l’on pourrait trouver un consensus pour la réécriture et l’actualisation du code minier afin de débattre de ces vrais sujets dans le code minier, et surtout de trouver des équilibres sur lesquels nous pourrions toutes et tous nous retrouver.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Puisque nous abordons un certain nombre de questions, je crois utile de dire qu’un certain nombre d’entre nous considèrent que c’est à bon droit que nous avons inséré il y a quelques années la charte de l’environnement et le principe de précaution dans la Constitution.

Le principe de précaution, c’est l’évaluation préalable et la proportionnalité de la réponse. Autant j’ai voté le principe de précaution…

M. Bernard Accoyer. C’était une erreur !

M. Hervé Mariton. …autant je n’ai pas voté la loi Jacob.

Non monsieur Accoyer, je ne pense pas que le principe de précaution ait été une erreur, pour autant que l’on applique ce qu’il prévoit : évaluation préalable et proportionnalité de la réponse.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ce n’est pas l’avis de Nicolas Sarkozy !

M. Hervé Mariton. C’est important, et je pense qu’il n’est pas indispensable de déchirer aujourd’hui ce que nous avons fait hier. En même temps, la loi Jacob n’était pas une bonne application du principe de précaution car au moment où la loi a été votée, un certain nombre de travaux était en cours. Je pense notamment au travail que menait notre collègue François-Michel Gonnot. Dans une démarche assez curieuse, notre assemblée a voté une proposition de loi avant même que son rapport ne soit rendu, sans compter les travaux plus techniques qui étaient menés au même moment sur ce sujet.

Je pense donc que sur ce sujet important des gaz de schiste, il est utile de poursuivre la réflexion et l’évaluation, d’avoir une réponse proportionnée au sujet et aux éléments d’information dont nous disposons à un moment donné. Il doit être fait demain une application plus judicieuse du principe de précaution.

Pour aborder cette question, je suggère que l’on garde à l’esprit le principe de précaution mais que l’on en fasse une application plus heureuse qu’à l’époque, et aussi que le Gouvernement applique les quelques dispositions plus judicieuses qui figurent dans la loi Jacob pour permettre l’évolution de ce débat. Ce serait un retour à ce qui a été tardivement retenu dans la loi Jacob et qui pouvait se rattacher au principe de précaution et faire en sorte que cette question ne soit pas fermée jusqu’à l’éternité des temps.

Ce qui est malheureux dans la réponse du Gouvernement sur ce sujet, ce n’est pas qu’il ait une position à un moment donné, mais qu’il prétende que sa position sur les gaz de schiste soit éternelle. La réalité est que l’approche scientifique et les conditions opératoires peuvent évoluer et que l’évaluation de la situation est utile à prendre en compte.

Madame la ministre, que l’on s’interdise la production en France, tant que l’évaluation n’est pas suffisante, nous pouvons l’entendre ; mais s’interdire d’explorer et d’évaluer le potentiel de notre sous-sol est moins heureux. Je suis favorable au principe de précaution, mais contre le principe et les choix d’obscurantisme dans lesquels vous semblez vous enfermer vous-même.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Effectivement, l’obscurantisme est un bon concept…

M. Bertrand Pancher. C’est caricatural !

Mme Ségolène Royal, ministre. Pour ma part, monsieur Mariton, j’ai évité d’utiliser ce terme à votre endroit, même si j’y ai souvent pensé : par courtoisie et par correction dans le cadre du débat parlementaire, je n’ai pas voulu utiliser ce mot-là. Pourtant, quand vous défendez le statu quo comme vous l’avez fait tout au long de ce débat, quand vous pensez qu’on ne peut rien modifier dans notre modèle énergétique, quand vous dites que le tout-nucléaire va résoudre tous les problèmes,…

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas dit cela !

Mme Ségolène Royal, ministre. …quand vous refusez la montée en puissance des énergies renouvelables, quand vous contestez la sobriété énergétique,…

M. Hervé Mariton. Personne n’a dit cela !

M. Damien Abad. Quelle caricature ! Il faut écouter, madame la ministre !

Mme Ségolène Royal, ministre. …comment pourrait-on qualifier votre posture autrement que par le mot que vous venez d’utiliser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Sur la question du Lubéron, je veux ajouter une précision pour éviter tout malentendu.

M. Damien Abad. Cela m’inquiète !

Mme Ségolène Royal, ministre. La demande de permis exclusif de recherches déposée par cette entreprise ne portait pas sur le gaz de schiste, mais sur les hydrocarbures conventionnels liquides et gazeux. Toutefois, la réflexion que je me suis faite rejoint les propos de M. Pancher. Imaginez que nous laissions une entreprise procéder à des forages. Elle pourra nous dire : « Je n’ai pas trouvé les hydrocarbures traditionnels que je cherchais, mais j’ai foré jusqu’à la roche mère, où je pense que se trouve un peu de gaz de schiste. J’ai procédé à des investissements, ces forages m’ont coûté cher : laissez-moi maintenant provoquer des explosions pour récupérer du gaz de schiste ! » C’est précisément cela que je ne veux pas voir, non seulement dans le parc du Lubéron, mais partout ailleurs !

Dans le parc du Lubéron, l’atteinte est double. Elle concerne tout d’abord la recherche éventuelle de gaz de schiste, alors même qu’elle n’est pas explicitement formulée par l’entreprise : à nous d’être vigilants et clairvoyants quant aux implications ultérieures d’un investissement aussi lourd que le forage. Par ailleurs, la question du forage est disproportionnée en tant que telle dans un espace fragile protégé.

La position du Gouvernement peut donc être résumée en deux points. Premièrement, il est hors de question de procéder aux investigations et aux forages relatifs au gaz de schiste, pour les raisons de fond et les raisons économiques que j’ai évoquées tout à l’heure, à cause des dégâts potentiels sur l’environnement, et parce que le modèle économique de ces forages ne correspond pas à celui dont nous sommes en train de débattre. Deuxièmement, une protection encore plus particulière contre l’ensemble des forages et les perturbations profondes causées par tous types de travaux lourds doit être accordée aux espaces protégés comme les parcs naturels régionaux,…

M. Martial Saddier. Et les nappes phréatiques ?

Mme Ségolène Royal, ministre. …dont le cinquantième vient d’ailleurs d’être créé en Bretagne – ce sont des espaces tout à fait remarquables, qu’il faut absolument protéger.

M. Hervé Mariton. Pas dans les Baronnies provençales, s’il vous plaît !

Mme Ségolène Royal, ministre. Dans les Baronnies, ce sera pour bientôt : je vous rassure ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Vous allez à l’encontre de l’avis de la commission du Conseil national de la protection de la nature ! Vous ne tenez pas compte des avis que vous recevez !

Mme Sabine Buis, rapporteure. Mais la région a rendu un avis favorable au projet !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Ce débat sur l’exploration ou l’exploitation du gaz de schiste est légitime et intéressant ; il peut d’ailleurs y avoir des avis différents sur tous les bancs. On pose la question de la poule et de l’œuf, mais il faut parfois dépasser cette logique et rechercher des solutions. En l’état actuel des connaissances, au vu des retours d’expériences et des évaluations auxquelles il a été procédé, il me semble évident de ne pas autoriser l’exploitation par fragmentation des gaz de schiste ou des liquides. En revanche, interdire l’exploration n’est pas une bonne politique : ce serait considérer qu’il ne peut pas y avoir de recherche pour mettre à jour la connaissance et trouver de nouveaux modes d’exploitation pour l’avenir.

Pour nourrir ce débat, je vous informe que j’ai déposé un amendement, n2351, à l’article relatif à la recherche…

M. Denis Baupin, rapporteur. L’article 53.

M. Jean-Luc Laurent. Non, après l’article 47. Par cet amendement, je proposerai une révision de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011 en vue d’autoriser la recherche et les études en matière de gaz de schiste, sans revenir sur l’interdiction de l’exploitation.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Merci, madame le ministre, pour votre explication sur l’obscurantisme ! Nous sommes passés de l’ombre à la lumière ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Le projet de permis exclusif de recherches dans le Lubéron ne portait pas sur les « hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux », mais sur les « hydrocarbures liquides ou gazeux », qui peuvent donc être conventionnels ou non conventionnels. En tout cas, tous les élus locaux et les journalistes qui ont consulté le site internet de votre ministère ont compris qu’il s’agissait du gaz de schiste. J’entends bien votre réponse. Néanmoins, nous avons maintenant besoin d’une véritable doctrine sur ce sujet.

Je ne peux pas non plus vous laisser dire que nous sommes en faveur de l’immobilisme.

M. Denis Baupin, rapporteur. Comment pourrait-on l’imaginer…

M. Julien Aubert. Au cas où notre position ne serait pas très claire, permettez-moi de répondre aux trois points que vous avez évoqués.

Premièrement, nous ne sommes pas pour le maintien du nucléaire dans son état actuel.

M. Denis Baupin, rapporteur. Ah bon ?

M. Julien Aubert. Nous considérons que la part du nucléaire a vocation à diminuer, mais nous critiquons votre horizon à dix ans. Vous voulez diminuer la production de 20 gigawatts en dix ans. Or nous pensons que votre objectif pourrait être atteint très naturellement en fixant l’horizon à 2040 – nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens. Nous regrettons que votre logique sur le nucléaire ne tienne pas compte des innovations des troisième et quatrième générations de réacteurs et ne comprenne donc pas de réflexion sur la manière de revitaliser le parc.

Deuxièmement, nous ne sommes pas défavorables aux énergies vertes. Nous sommes favorables au développement des énergies vertes, mais sans objectif contraignant et en mettant l’accent sur les énergies vertes non électriques,…

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Julien Aubert. …afin d’éviter que le réseau électrique ne soit paralysé par une concurrence entre le nucléaire et les énergies dites « girondines », qui risque de provoquer des surtensions, voire un black-out. Je ne peux donc pas non plus vous laisser dire que nous sommes défavorables aux énergies vertes.

Troisièmement, au sujet du gaz et du pétrole de schiste, vous aurez compris qu’il existe dans notre groupe toute une palette d’opinions, ce qui nous rassure, car cela montre qu’il y a un véritable débat. Néanmoins, nous ressentons un malaise, car si nous sommes très favorables à la protection de l’environnement, nous refusons de faire l’impasse sur un débat stratégique. S’agissant des émissions de gaz à effet de serre, qu’on importe le pétrole ou qu’on l’exploite en France, le problème est exactement le même. La situation est même un peu pire, si vous me permettez cette expression, quand le pétrole est importé, parce que notre « empreinte CO2 » est alors moins bonne. Nous soutenons donc une approche très pragmatique et différenciée.

On parle beaucoup des méthodes d’extraction, et vous avez parfaitement raison sur ce point. Néanmoins, je vous rappelle que l’exploration des gisements dure sept à huit années avant d’avoir des résultats : l’extraction n’est donc pas pour demain, compte tenu de l’évolution de la science. Par ailleurs, en matière géologique, il est toujours intéressant de savoir ce que l’on a sous les pieds, ne serait-ce que parce que cela permettrait de tuer le débat, au lieu d’avoir un marronnier qui revient tous les cinq ans. Enfin, quand bien même on trouverait des réserves, l’État peut très bien choisir de ne pas les exploiter, tout en considérant qu’il pourra y être contraint en cas de crise internationale brutale. Il est quand même mieux de savoir sur quel pied danser que de refuser de regarder ce que nous avons exactement sous les pieds !

Mme Ségolène Royal, ministre. Quel sens de la formule !

M. Jean-Marie Tetart. L’intervention était très équilibrée !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Ce débat est particulièrement intéressant. Je rappelle que j’étais co-rapporteur, avec Michel Havard, de la proposition de loi visant à interdire la fracturation hydraulique, il y a quelques années.

Je veux d’abord me tourner vers Hervé Mariton, qui évoquait le principe de précaution. Ce n’est pas le principe de précaution que nous avions avancé, mais le principe de prévention, compte tenu des risques environnementaux.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Jean-Paul Chanteguet. Il y a urgence à réformer le code minier évoqué par Martial Saddier. Je vais dans le même sens que Julien Aubert : les permis exclusifs de recherches sont muets, parce qu’ils concernent des « hydrocarbures liquides ou gazeux ». Or, aujourd’hui, le code minier ne définit pas les hydrocarbures conventionnels ni les hydrocarbures non conventionnels. Les permis exclusifs de recherches accordés sont muets : c’est une vraie difficulté, et il y a urgence à légiférer.

Je veux maintenant revenir sur les choix et les avis personnels exprimés par les uns et les autres au sujet de l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Vous le savez très bien, il y a une différence fondamentale entre la législation américaine et la nôtre. Au-delà des risques environnementaux, les substances de mines aux États-Unis appartiennent au propriétaire du sol, alors qu’en France, elles appartiennent à l’État et sont le bien commun de la nation.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Martial Saddier. C’est ce que j’ai dit !

M. Jean-Paul Chanteguet. Du fait de cette différence fondamentale, on n’exploitera jamais les huiles et gaz de schiste dans notre pays. C’est une certitude. D’ailleurs, vous voyez bien quelle est la réaction des élus des territoires et des citoyens, dont M. Julien Aubert se faisait l’écho tout à l’heure.

M. Julien Aubert. Le porte-parole !

M. Jean-Paul Chanteguet. Ce qui se passe aujourd’hui dans le parc du Lubéron se passera demain dans l’Aveyron ou en Lozère : il y aura une réaction des élus et des citoyens qui empêchera toute exploitation des huiles et gaz de schiste.

Un dernier point me paraît fondamental : je ne peux rien certifier, mais un certain nombre d’études montrent que le bilan carbone des huiles et gaz de schiste est presque aussi mauvais que celui du charbon. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Julien Aubert. Vous avez dit « presque » !

(L’amendement n416 n’est pas adopté.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je remarque que M. Aubert s’est abstenu !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 641, 884 et 910.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n641.

M. Julien Aubert. Le présent amendement vise à supprimer une disposition que nous avons laissé voter – j’ai fait mon mea culpa en commission – tendant à introduire une augmentation de la contribution climat-énergie. Comme nous n’étions pas certains de l’impact d’une telle mesure au moment du vote, nous avons mené des recherches qui ont montré que l’effet induit serait très mauvais – nous avons reçu beaucoup de courriers émanant notamment de coopératives – d’autant que la contribution climat-énergie s’applique à des énergies non polluantes ou décarbonées comme les biocarburants et le biométhane. Il est pour le moins contradictoire de frapper, par l’augmentation d’une taxe, des énergies qui contribuent aux objectifs de la transition énergétique.

Paradoxe écologique, mais également d’ordre compétitif et nous en revenons, madame le ministre, à un vieux débat – qui nous a conduits à guerroyer quelque peu – sur la nécessité de mettre la compétitivité des entreprises au cœur de la transition énergétique. Ainsi, en majorant la consommation énergétique des différents process industriels qu’ils soient directs ou indirects, seuls les produits finis fabriqués en France seront touchés. Un ancien ministre de votre gouvernement vous aurait dit que le made in France risquerait d’en souffrir.

Pour ces raisons, nous proposons de supprimer l’alinéa 16, ce qui permettra de remettre de l’ordre et de la cohérence dans les objectifs écologiques et environnementaux d’une part et dans les objectifs industriels et de compétitivité d’autre part.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n884.

M. Martial Saddier. Pour aller dans le sens de notre collègue Aubert, nous devons avoir à l’esprit l’ambition s’agissant de ce marché, mais également les problèmes de distorsion de concurrence. Bien souvent la France a voulu être en avance – et c’est notre rôle de porter un message –, mais encore faut-il qu’elle ne soit pas seule et que cela ne se traduise pas auprès des producteurs et du secteur économique français par une distorsion de concurrence.

Mon second argument porte sur la stabilité demandée par l’ensemble des opérateurs économiques. Nous changeons sans cesse – et c’est une spécialité française – les règles du jeu fiscal. Or, pour les investisseurs, c’est une catastrophe, un signal négatif qui leur est envoyé. Les investisseurs et les producteurs français demandent une certaine stabilité, de la lisibilité afin d’être en mesure de calculer leurs investissements à moyen et long terme.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n910.

M. Claude de Ganay. Dans le contexte économique particulièrement difficile pour les entreprises, peut-on se permettre de les taxer davantage, notamment les PME et TPE dont le principal objectif est de maintenir l’emploi ? L’alinéa 16 leur impose une fiscalité supplémentaire qui va les fragiliser davantage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Lors de nos débats en commission, l’alinéa 16 avait été inséré dans le projet de loi à l’initiative du président Chanteguet. L’obligation de fixer son niveau à 100 euros en 2030 n’ayant pas été adoptée, cette proposition avait fait l’objet d’un large consensus. La stratégie bas carbone est de définir la trajectoire à suivre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. À ce titre, la stratégie bas carbone pourra inciter à moduler le niveau de la contribution climat-énergie. La commission a émis un avis défavorable à ces nouveaux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui ne faisaient pas partie du projet gouvernemental. La stratégie bas carbone va définir l’ensemble des moyens qui vont permettre de l’atteindre, certainement pas l’augmentation systématique de la contribution climat-énergie qui par ailleurs, lorsqu’elle augmente doit faire l’objet d’un débat pour savoir à quel type de dépenses on l’affecte. Ce qui n’est pas le cas de la contribution du 1er janvier prochain puisqu’elle est affectée au budget général de l’État et ne porte pas le nom de contribution climat-énergie.

Comme je l’ai souvent rappelé, je ne veux pas d’une écologie punitive qui se traduit par des taxes. En l’occurrence, chacun doit être clair sur le vocabulaire utilisé et les objectifs recherchés. Il y aura une programmation pluriannuelle de l’énergie, une stratégie bas carbone, des objectifs à atteindre qui, en aucun cas, ne peuvent se traduire simplement par une augmentation de la contribution fiscale sur le carbone.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement a été adopté en commission et je ne partage pas les arguments avancés par certains de nos collègues.

Madame la ministre, la loi de finances pour 2014 institue la contribution climat énergie sur les rejets de gaz carbonique et ne différencie pas les biocarburants, issus par exemple de la biométhanisation, des carburants issus des énergies fossiles. Or, la méthanation, sur laquelle on ne travaille pas assez en France, permet de fabriquer du bio méthane à partir du gaz carbonique rejeté et d’hydrogène. Ainsi, si on captait le gaz carbonique émis par les Chinois, il représenterait 10 % de la consommation mondiale. Comme l’a relevé tout à l’heure l’un de nos collègues, il n’est pas judicieux que la loi de finances pour 2014 ne sépare pas ce qui relève respectivement des énergies fossiles et des énergies renouvelables. J’ai du reste écrit une lettre à ce propos à Mme la ministre de l’environnement.

Il faut donc certes taxer les énergies fossiles et la meilleure voie vers la sobriété est la contribution climat énergie, comme l’a souligné la commission de l’environnement durant les travaux de la commission spéciale. En revanche, ne pas différencier ce qui relève des énergies renouvelables, notamment de la méthanation ou de la biométhanisation, et les énergies fossiles est une erreur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. J’ai bien entendu, madame la présidente, l’argument de Mme la ministre. L’amendement que j’avais déposé en commission a fait l’objet d’un sous-amendement, car j’y indiquais que le prix de la tonne de carbone devrait être fixé à 100 euros à l’horizon 2030.

Madame la ministre, je vous rappelle que la contribution climat énergie a été votée dans le cadre de la loi de finances pour 2014 par le gouvernement auquel vous appartenez. Le prix de la tonne de carbone a d’abord été fixé à 7 euros, puis à 14 euros pour l’année 2015 et à 22 euros pour l’année 2016. C’est là un acquis. Il me semblait important de rappeler le rôle de cette contribution climat énergie pour adresser un signal prix aux agents économiques – qu’il s’agisse des consommateurs, des investisseurs ou des entreprises –, afin qu’ils puissent faire des choix moins carbonés que ceux qu’ils seraient conduits à faire sans cette contribution.

Je connais les réticences de Mme la ministre sur cette question et je regrette que nous ayons voté cet amendement en commission. Je regrette aussi que Mme la ministre émette un avis favorable à un amendement déposé par le groupe de l’UMP et visant à supprimer celui que j’avais fait voter. J’invite donc tous ceux et toutes celles qui le souhaitent à voter contre l’amendement présenté par l’UMP.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 641, 884 et 910, je suis saisie par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je tiens à apporter deux éclaircissements à mes propos.

Tout d’abord, et je l’ai dit moi-même, il faudra bien évidemment fixer un prix au carbone. Cependant, cela ne devra se faire que lorsque les consommateurs auront vraiment le choix de bouger propre, de se transporter propre, de consommer propre, qu’ils auront pu faire des économies d’énergie et fait la dépense des dispositifs de performance énergétique. Je ne souhaite pas donner aux Français, avec cette loi de transition énergétique, un signal qui indiquerait que ce dispositif se traduit par des taxes et des impôts supplémentaires. Ce serait prendre les consommateurs en otage et cela freinerait la transition énergétique.

Le prix du carbone doit être l’une des conséquences de la réussite de la transition énergétique, car les citoyens et les consommateurs payent déjà très difficilement leurs factures – un Français sur cinq, je le rappelle, a du mal à payer sa facture d’énergie. La transition énergétique doit faire le pari positif qu’on investira suffisamment dans les filières de la croissance verte et qu’on donnera assez de moyens – notamment avec les crédits d’impôts, les prêts à taux zéro et le tiers financeur qui sera créé par ce texte avec l’accord du Gouvernement et que certaines régions sont prêtes à expérimenter, ainsi qu’avec l’accès des collectivités locales à des prêts très avantageux de la Caisse des dépôts et consignations – pour mener à bien le travail est de performance énergétique sur les logements et les bâtiments, et permettre la montée en puissance des acquisitions de véhicules propres par les consommateurs. C’est alors seulement que pourra intervenir une montée en puissance du prix du carbone.

En deuxième lieu, contrairement à ce qui vient d’être dit, le projet de loi de finances ne comprend pas de contribution climat énergie : cette taxe est appelée « taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques » et correspond à l’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, ou TIPP. Il est trop facile de faire porter le poids d’une nouvelle fiscalité – je l’ai toujours dit, et suis donc cohérente avec moi-même. Je suis du reste la seule présidente de région à n’avoir pas pris la TIPP, car je considérais que, dans une région rurale qui impliquait de nombreux déplacements, il fallait d’abord monter en puissance dans le domaine de la voiture électrique – c’est du reste ce que j’ai fait, dans ce domaine comme dans celui des trains, où j’ai instauré des déplacements à un euro – avant de taxer les gens, notamment ceux qui ont des revenus modestes et sont obligés de se déplacer. En effet, en milieu rural, le recours à la voiture est le seul choix.

Je ne suis donc pas hostile au prix du carbone, mais il faut faire les choses dans le bon ordre si l’on veut que les Français se sentent être parties prenantes et acteurs de la transition énergétique. Les signaux doivent donc être positifs.

Je le répète : il n’est pas acceptable d’utiliser le combat pour le climat pour expliquer un impôt. Dans la loi de finances, cette taxe ne s’appelle pas « contribution climat énergie » et je ne veux donc pas qu’elle soit appelée ainsi : elle porte le nom de « taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques », ce qui correspond à l’ancienne TIPP, et ses recettes vont directement au budget de l’État. Elle ne sert pas à financer les énergies renouvelables – ce qui aurait déjà un autre sens. Il faudra voir, lors des prochains projets de loi de finances, si une taxe sur le carbone doit venir financer la transition énergétique, ce qui n’est actuellement pas le cas, car tel est le choix qui a été fait par le Gouvernement.

Ma responsabilité de ministre de l’environnement consiste à dire clairement ce qui va au financement de la transition énergétique. Si cette taxe est désignée comme « contribution climat énergie », les Français pourront croire qu’elle est destinée au financement de la transition énergétique et des énergies renouvelables ou de la performance énergétique, ce qui n’est pas vrai. Cette « contribution énergie climat » ne s’appelle pas ainsi dans le projet de loi de finances, ne sert pas à financer la transition énergétique et va directement au budget de l’État.

Par conséquent, le projet de loi ne comportait pas cette intention de monter tout de suite en puissance sur la taxation, non parce que j’y serais hostile sur le principe mais parce qu’au moment où l’on met en place un nouveau modèle énergétique, c’est de l’incitation positive qu’il faut donner.

C’est également la raison pour laquelle je me suis mobilisée pour obtenir des moyens d’accompagnement permettant d’inciter les gens à entrer positivement dans cette transition. Si en effet on leur annonce qu’ils seront taxés à cette fin, ils ne feront plus d’efforts, car ils considéreront qu’ils le font déjà en payant une taxe supplémentaire et qu’un effort supplémentaire n’est pas nécessaire pour sortir leur épargne et faire des travaux d’isolation ou abandonner leur vieux diesel, poser des compteurs individuels ou mobiliser les artisans de proximité pour qu’ils s’engagent dans ces travaux. La dynamique positive de la transition consiste à ce que les gens s’engagent volontairement, qu’ils se sentent parties prenantes, qu’ils soient citoyens et qu’ils se sentent responsables, et non pas pris au piège d’une taxe « climat » qui n’a rien à voir avec le financement de la transition climatique.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. À la demande du groupe SRC, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise le mardi 7 octobre 2014 à zéro heure quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je veux intervenir, à ce stade du débat, sur le fond de la question de la contribution climat-énergie énergie et, tout d’abord, pour exprimer ma surprise de voir les collègues de l’UMP devenir les chantres d’une opposition à un projet qui transcende les clivages politiques. On a travaillé sur ce sujet au cours de la précédente législature, sous un précédent Président de la République ; nombre de collègues étaient à l’époque déjà députés, pour certains d’entre nous sur les bancs de l’opposition, pour certains d’entre vous sur les bancs de la majorité, et nous avions alors discuté sur le fond, y compris, bien sûr, du montant de la contribution climat-énergie, que parfois on appelait davantage taxe carbone, et de son éventuelle évolution. À la lumière de ce qui se fait à l’étranger et puisque certains collègues de l’UMP ont parlé d’économie, de compétitivité, de la nécessité d’une concurrence évidemment loyale entre les différents pays européens, je me dois d’apporter des précisions.

Ainsi, la Suède applique une contribution climat énergie qui valorise à 100 euros le prix de la tonne de carbone ; on ne peut pourtant pas dire que son économie soit moins compétitive que la nôtre. Au contraire, elle a sans doute fait de sa situation un atout.

Quant à la disposition que nous avons adoptée l’année dernière, elle prévoit une évolution progressive du taux de la contribution. Il est donc faux, monsieur Saddier, de prétendre que les entrepreneurs n’ont pas de visibilité à son sujet. Il y a une visibilité jusqu’à la fin de la législature : en matière d’engagement, une majorité ne peut pas faire mieux.

De son côté, le texte adopté en commission permet de tracer une perspective, sans pour autant préciser un montant, ce qui nécessiterait de plus amples discussions. Car je pense justement, comme vous, monsieur Saddier, que les entrepreneurs ont besoin de visibilité – les consommateurs aussi, d’ailleurs. Il faut donc leur dire qu’il ne s’agit pas de taxer pour le principe, mais de recourir à un outil – l’outil fiscal – dont tout le monde reconnaît l’efficacité en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, même s’il en existe d’autres. Son application se fera certes progressivement, mais la voie, elle, est tracée.

J’ajoute qu’en conservant la rédaction adoptée en commission, nous nous inscririons dans une logique défendue à l’échelle mondiale. En effet, dans le cadre de la conférence sur le climat que la France a souhaité accueillir en 2015, il existe aujourd’hui un consensus sur la nécessité de donner un prix au carbone.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je demande une suspension de séance afin de permettre au Gouvernement de proposer une nouvelle rédaction pour le 3° bis, aux termes duquel l’État veillerait à proposer un élargissement progressif de la part carbone dans la TICPE et dans la TICGN dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre. Nous pourrions ainsi poursuivre nos objectifs sans nécessairement endosser l’idée d’une augmentation globale et sans limite de la TICPE.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un amendement n2594 que Mme la ministre a déjà défendu.

La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je souhaite à nouveau insister sur le caractère incontournable de la taxe carbone. Non seulement ce serait une erreur de penser qu’elle n’est pas l’instrument de régulation qui nous permettra d’aller vers une économie décarbonée, mais si nous y renonçons, nous n’atteindrons jamais nos objectifs. Vous devez d’ailleurs savoir, mes chers collègues de l’UMP, qu’il y a dans le sous-sol dix fois plus d’énergie carbonée que nécessaire pour faire exploser la planète.

Il faut donner à cette énergie carbonée un prix suffisamment élevé pour inciter les citoyens à modifier durablement leur mode de consommation.

On retiendra de nos débats de ce soir, madame la ministre – d’autant que votre intervention a été enregistrée et sera probablement régulièrement diffusée –, votre vibrant plaidoyer contre la taxe carbone, ou du moins en faveur d’une limitation de l’augmentation de son taux. C’était une erreur, et je me réjouis de voir votre majorité vous faire plier.

Vous proposez un élargissement de l’assiette de la taxe. Pourquoi pas ? C’est mieux que rien. Il n’en demeure pas moins que votre aveu a un caractère choquant et ne peut que renforcer la position de notre groupe. Ce n’est pas, en effet, en s’opposant en permanence à « l’écologie punitive », c’est-à-dire en laissant croire que la transition énergétique se fera naturellement, sans effort ni nécessité de réajuster la fiscalité, que nous parviendrons à nos fins. Nous n’y arriverons jamais dans ces conditions ! Il s’agit là d’un vrai point de désaccord entre nous.

Nous nous rallierons à cet amendement de compromis, mais tout de même : quel aveu !

M. Sergio Coronado. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Je remercie Mme le ministre (« La ! » ! sur plusieurs bancs du groupe UMP – Sourires.) d’avoir permis ce débat, et je me réjouis que nous nous soyons mis d’accord sur un objectif, la division par quatre des gaz à effet de serre. La fixation d’un prix pour le carbone est rapidement apparue aux membres de la commission spéciale comme un moyen efficace d’y parvenir.

Mais il faut également trouver d’autres outils susceptibles de « mettre en mouvement » la transition énergétique sans pour autant en faire peser l’effet sur le pouvoir d’achat des Français. C’est d’ailleurs justement ce qui fait la force du projet de loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : la lutte contre la précarité énergétique, le plan d’isolation des bâtiments, les investissements en faveur des énergies renouvelables sont autant d’engagements pour la transition énergétique susceptibles de servir également de leviers pour l’emploi et le pouvoir d’achat.

Je salue au passage les propos de Bertrand Pancher, dont je ne doutais pas des convictions depuis qu’il a commis, en juin, une résolution pour la transition énergétique comprenant, parmi plusieurs autres dispositions, celle que nous nous apprêtons à adopter. Je suis satisfait de le voir rejoindre notre position.

De même, j’ai entendu tout à l’heure un véritable plaidoyer pour l’Europe – certains parlant de réaliser une communauté énergétique à l’échelle de l’Union. La France doit prendre des engagements dans ce sens, et c’est ce qu’elle fait à travers ce projet de loi et en se dotant de certains outils, comme le prix donné au carbone.

Nous ne voterons pas l’amendement de suppression du groupe UMP, mais nous adopterons bien évidemment celui du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. En dépit des appels incessants lancés à gauche en faveur d’une co-construction législative, on a bien compris que l’idée de voter pour un amendement de l’opposition posait un problème philosophique à certains députés de la majorité, peu enclins, en outre, à s’opposer à des membres de leur propre groupe, même pour défendre l’idée selon laquelle l’écologie ne doit pas avoir un caractère punitif.

Cela étant, le principal avantage de votre amendement est que l’on ne parle plus de « contribution climat-énergie », mais que les taxes concernées sont explicitement citées. Dont acte.

Il reste que tout cela n’est pas très professionnel. On en revient aux conditions d’examen en commission : il est tout de même incroyable qu’on adopte une rédaction en commission et qu’une fois dans l’hémicycle, on présente un nouvel amendement – et quel amendement ! D’abord, il comporte une faute de grammaire, puisqu’il est écrit « le » taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques : cela montre bien dans quelle précipitation tout cela a été fait ! Ensuite, on y évoque la « part carbone », alors que jusqu’alors, le terme consacré était la « composante carbone » – c’était du moins celui employé par l’ancien ministre, M. Martin. Tâchons de réutiliser les mêmes termes ! Enfin, la rédaction proposée – « procéder à un élargissement progressif de la part carbone dans la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – et la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel – TICGN – dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre » – laisse entendre que l’on va augmenter massivement le prix des carburants afin de diviser par quatre les émissions de CO2, ce qui apparaît en contradiction avec la volonté affichée précédemment de ne pas envoyer de signaux défavorables sur les prix.

Nous voterons par conséquent contre cet amendement, dont la formulation ne nous paraît pas limpide.

En outre, il y a une chose que je ne comprends pas. Le descriptif de la « composante carbone » laissait entendre qu’il s’agissait d’une augmentation du prix à la pompe des carburants les plus polluants. L’intention qui était derrière, et sur laquelle nous nous rejoignons, était ne pas frapper des sources d’énergie comme le biométhane. Or l’objectif, extrêmement ambitieux, d’une division par quatre des gaz à effet de serre va nécessairement aboutir à une augmentation de la fiscalité. On s’éloigne là de l’objet initial de notre amendement, qui était d’empêcher la hausse de la fiscalité.

J’aurais pour ma part préféré que l’on maintienne la TICPE et la TICGN à niveau constant, en les modulant de manière à ce que les carburants les plus polluants soient les plus lourdement taxés, du moins dans leur composante carbone. Votre rédaction n’est pas très claire. L’amendement que nous avons présenté est beaucoup plus lisible – mais il présente l’inconvénient d’être issu du mauvais côté de l’hémicycle…

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Le groupe écologiste reste attaché à l’idée d’une « contribution climat-énergie », et c’est pourquoi nous voterons contre les amendements de suppression de l’alinéa 16.

La nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement est sans doute plus précise : il s’agit bien des supports aujourd’hui utilisés pour percevoir ce que l’on appelle la « contribution climat-énergie » – qui n’existe pas en tant que telle dans le code général des impôts – et de la « part carbone » des sources d’énergie concernées. Nous voterons donc cet amendement.

M. Martial Saddier. C’est le grand écart !

M. François de Rugy. Je rappelle à mon collègue Aubert que l’objectif de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en 2050 a été inscrit dans les lois Grenelle, adoptées sous la législature précédente à une très large majorité par notre assemblée, puisque l’opposition de l’époque avait eu l’intelligence de considérer que, vu l’enjeu, cela valait la peine de soutenir cette disposition. Eh oui, il arrive que l’opposition ne soit pas dans une opposition pavlovienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 641, 884 et 910, qui, je le rappelle, ont reçu un avis défavorable de la commission et favorable du Gouvernement.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Certes, madame la présidente, mais il convient de préciser que l’avis favorable du Gouvernement a été exprimé avant que ce dernier ne dépose son amendement.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants41
Nombre de suffrages exprimés40
Majorité absolue21
Pour l’adoption9
contre31

(Les amendements identiques nos 641, 884 et 910 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n2594 ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Favorable.

(L’amendement n2594 est adopté et les amendements nos 1783, 1784, 1975 et 1674 tombent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l’amendement n1374.

M. Yves Daniel. Cet amendement de précision rappelle, d’une part, que l’information et la transparence sont recherchées pour tous les types d’énergie, d’autre part, que les données fournies intègrent les avantages et les inconvénients de chacune des énergies.

S’il est indispensable de favoriser le développement des énergies renouvelables et de leur accorder une part plus importante dans l’approvisionnement énergétique de notre pays, il est tout aussi nécessaire de prendre en compte leurs éventuels effets secondaires, notamment sur la santé, qui engendrent parfois des coûts supplémentaires et ne sont pas toujours bien évalués a priori.

Aussi l’information donnée sur les énergies doit-elle être la plus complète et la plus objective possible pour que les choix soient parfaitement éclairés. Une bonne information du public est la clé de la soutenabilité du développement, qui est l’un des principaux objectifs de ce projet de loi. Or, si le droit à l’information existe, souvent il n’est pas générateur d’obligations pour l’administration. La précision apportée par cet amendement ne semble donc pas inutile.

Plus précisément, il s’agit de substituer aux mots : « l’énergie ainsi que son » les mots : « toutes les énergies, fossiles comme renouvelables, ainsi que sur leurs externalités positives et négatives, parmi lesquelles leur ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il ne serait pas sage de multiplier les précisions sur une formulation certes générale, mais pertinente. Faire référence aux coûts et au prix de l’énergie me paraît plus clair que de mentionner « toutes les énergies, fossiles comme renouvelables ».

Quant à la seconde partie de l’amendement, l’objectif du projet de loi – et de la transition énergétique – est en priorité la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’information délivrée à nos concitoyens doit ainsi se concentrer sur le contenu carbone des énergies. L’adoption de votre amendement conduirait l’État à rédiger sur chacune un rapport digne des publications de l’Agence internationale de l’énergie ! En conséquence, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable non plus à cet amendement. En l’état, le texte prévoit la transparence sur l’énergie, quelle qu’en soit la source. L’amendement la limiterait aux énergies fossiles et renouvelables ; j’estime pour ma part qu’elle doit aussi porter sur le nucléaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Madame la ministre, madame la rapporteure, j’ai l’impression que nous ne nous comprenons pas !

M. Julien Aubert. Ah, vous aussi ?

M. Yves Daniel. L’amendement a pour objectif d’améliorer l’information et d’accroître la transparence lors de la réalisation de projets d’énergie renouvelable ou de tout autre type d’énergie : même si cela n’est pas précisé, cela concerne aussi le nucléaire. Nous sommes confrontés à de graves problèmes sur le terrain, car les énergies, y compris les énergies renouvelables, peuvent avoir des effets non seulement positifs, mais aussi négatifs, en particulier sur la santé. Prenons par exemple les parcs éoliens : certains sont construits sur des circulations d’eau, et les ondes que les éoliennes produisent se transmettent par le sol, ce qui a un impact sur les élevages et les personnes. On ne peut pas y apporter de réponse pour l’instant, faute d’avoir étudié l’ensemble des questions relatives aux impacts négatifs de ces projets.

On peut aussi prendre l’exemple du bois, où il arrive que l’énergie consommée soit supérieure à l’énergie produite. En effet, le bois est parfois transporté sur des distances très importantes, et l’on consomme beaucoup d’énergie pour le broyer et l’exploiter, ce qui peut aboutir à un bilan carbone négatif.

C’est pourquoi mon amendement vise à prendre en considération les effets positifs et les effets négatifs de tous les projets de production énergétique.

(L’amendement n1374 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 1570 et 1485, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrice Carvalho, pour les soutenir.

M. Patrice Carvalho. Il s’agit de préciser que l’État doit veiller à développer la recherche publique. Actuellement, nous sommes dépendants en matière d’éolien et de photovoltaïque ; si l’on veut développer la géothermie, les marémotrices ou la méthanation, il faut y mettre les moyens et que nous disposions de chercheurs publics.

L’amendement n1485 est presque identique : on a seulement ajouté l’adverbe « notamment ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. S’agissant de l’amendement n1570, la commission estime qu’il n’y a aucune raison que l’État ne veille pas au développement de la recherche privée, notamment avec des dispositifs incitatifs comme le crédit d’impôt recherche, qui est internationalement salué. Avis défavorable, donc.

Quant à l’amendement n1485, il vise à préciser que l’État développe « la recherche, notamment publique », ce qui sous-entend qu’il soutient également la recherche privée. Autant s’en tenir à la formulation initiale ! Avis défavorable également.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis : il serait dommage d’exclure la recherche privée, qui peut être canalisée vers la transition énergétique. Quant à la recherche publique, par définition, elle est incluse dans le terme « recherche ».

M. Patrice Carvalho. Alors, pourquoi ne pas mentionner les deux ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous faisons œuvre législative : essayons d’aller à l’essentiel, sans nous perdre dans les détails.

(Les amendements nos 1570 et 1485, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 1306 et 432, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n1306.

M. Martial Saddier. Il s’agit d’ajouter les mots « et l’innovation » après le mot « recherche ». Ainsi, c’est un champ beaucoup plus large qui serait couvert.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n432.

M. Joël Giraud. Cet amendement participe un peu du même esprit que l’amendement n1306. Il s’agit de « développer la recherche » et de « favoriser l’innovation ». Il ne faudrait pas développer la seule recherche fondamentale, il faut aussi favoriser l’innovation technologique, très importante si nous voulons atteindre nos objectifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je suis plutôt favorable à la mention de l’innovation, mais je préfère la formulation de l’amendement n432. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement et je prie M. Saddier de s’y rallier et de bien vouloir retirer l’amendement n1306.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je suis du même avis que Mme la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Si j’ai bien compris, le verbe « favoriser » figure dans l’amendement de M. Giraud et cela plaît à Mme la rapporteure, qui aimerait donc que je le favorise au détriment du mien. (Sourires.) Je vais donc renvoyer l’ascenseur à Mme la ministre et à Mme la rapporteure. Comme, tout à l’heure, elles ont bien voulu jouer le jeu, je retire mon amendement, en étant persuadé, effectivement, que le fait qu’avec le mot « favoriser » l’esprit de l’amendement change fondamentalement.

(L’amendement n1306 est retiré.)

(L’amendement n432 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n414.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. La quatrième génération, maintenant !

M. Michel Sordi. Exactement, monsieur le président.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je suis attentif !

M. Michel Sordi. Je sais bien, et c’est avec beaucoup d’intérêt que vous êtes venu en Alsace visiter Fessenheim. Vous avez pu constater les travaux qui ont été faits dans le cadre du programme post-Fukushima, toutes les mises aux normes régulières et les centaines de millions d’euros investis pour tenir cette usine à son niveau.

L’amendement n414 a pour objet de compléter l’alinéa 18 par les mots suivants : « et notamment les recherches sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération ». La diversification du mix énergétique est un objectif fort légitime, mais il ne doit pas occulter le besoin de préparer la quatrième génération de réacteurs nucléaires – il s’agit du surgénérateur ASTRID –, qui permettra de repousser la contrainte du stock d’uranium compte tenu des réserves existantes.

Je veux rappeler quelques chiffres. Ces études avaient commencé avec Superphénix, arrêté en 1997 par Mme Voynet, alors ministre de l’environnement. À la même époque, elle supprimait aussi – je l’ai déjà dit mais ça me fait du bien à chaque fois – le canal Rhin-Rhône, ce projet d’envergure européenne. Tous les terrains étaient achetés, toutes les études étaient financées, la Compagnie nationale du Rhône était prête à lancer sa réalisation. Mme Voynet a supprimé tout cela pour des histoires bassement électorales qui concernaient le canton de Dole. C’est, pour moi, le plus beau scandale de notre République.

J’en viens donc à quelques chiffres, notamment ceux des réserves stratégiques. La France dispose, sur son territoire, d’un mois de pétrole, de trois mois de gaz et, entre AREVA et EDF, de trois ans de stock d’uranium. Quand on voit ce que fait Poutine avec le gaz actuellement, quand on voit la crise du pétrole en Irak, je pense que nous avons intérêt à poursuivre nos recherches en matière de nucléaire. Rappelons aussi que nous achetons l’uranium dans les pays de l’OCDE. Les principaux pays fournisseurs et producteurs sont le Canada et l’Australie, et, bien sûr, les pays africains.

Rappelons aussi que, compte tenu de l’évolution des consommations et des besoins, les réserves mondiales sont d’environ 80 ans pour le pétrole, 120 ans pour le gaz et 130 ans pour l’uranium, mais, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, j’ai été extrêmement surpris d’apprendre des ingénieurs du CEA ou d’EDF que seul 1 % de la charge mise à l’intérieur du réacteur était consommé et que, si nous passions à un réacteur de quatrième génération, ce seraient plus de 80 % de la charge qui pourraient être consommés. Par conséquent, le jour où nous passerons à des réacteurs de quatrième génération, nous aurons non plus 130 ans mais plus de 5 000 ans de réserves d’uranium.

Alors, c’est vrai, cela va prendre du temps, mais si on ne poursuit pas sur cette voie, si on ne marque pas cette volonté dans la loi, j’ai bien peur que nous nous en détournions.

L’ingénieur du CEA auditionné a été interrogé sur la possibilité d’améliorer encore la sûreté en passant de la troisième à la quatrième génération. Il nous a répondu que nous pourrions toujours améliorer la sûreté à la marge mais que tout a déjà été fait pour sécuriser l’EPR. Autrement dit, si un incident devait survenir aujourd’hui, rien ne pourrait sortir ni dans l’air ni dans le sol. On améliorera encore la sûreté, mais ce sera à la marge. Arrêtons donc de vendre de la peur à nos concitoyens !

Je souhaite donc simplement que l’on inscrive dans la loi ces études, car, à mon avis, la transition énergétique ne pourra pas se faire sans le nucléaire, et la quatrième génération résoudra les problèmes d’approvisionnement pour de nombreux siècles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Comme Mme la ministre et moi-même vous l’avons déjà indiqué en commission, les investissements dans les réacteurs de quatrième génération ne sont nullement remis en question par l’objectif de diversification de la production électrique tel que défini par le projet de loi. Par ailleurs, il s’agit bien de confier à l’État la mission de développer la recherche dans le domaine énergétique. Je rappelle donc une nouvelle fois qu’il s’agit à ce stade de définir les grands objectifs structurants de la politique énergétique nationale, et non d’entrer dans les détails de chaque disposition.

Votre amendement est satisfait. J’émets donc un avis défavorable.

M. Michel Sordi. Le détail, c’est 80 % de notre production électrique !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La question, mes chers collègues, n’est pas seulement sémantique. À un moment donné, il faut mettre des réalités dans ce texte. Nous disons… vous disez… (« Vous dites ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous dites, pardon ! Je ne voudrais pas que vous médisiez… (Sourires.) C’est la fatigue. On est une énergie renouvelable, mais, que voulez-vous, quelquefois il faut se recharger ! Ne vous inquiétez pas, cependant, car je reviens très vite dans le match.

C’est un sujet important. Pourquoi ? Nous disons… Vous dites qu’en 2025 50 % de l’électricité sera d’origine nucléaire. Nous en prenons acte, même si nous ne sommes pas d’accord.

Nous savons, deuxième élément, que l’espérance de vie des centrales actuelles peut s’allonger jusqu’à 40, 50, peut-être 60 ans. Cela fait qu’aux alentours de 2035-2040 il y aura encore du nucléaire, et, ensuite, ce sera la quatrième génération. Si nous nous situons dans une perspective qui n’est pas celle des écologistes, qui, eux, défendent le « zéro nucléaire », j’ai bien compris, madame le ministre, que votre idée, et celle du Gouvernement et de la majorité, c’est de réduire mécaniquement la part du nucléaire mais de conserver 50 % d’électricité d’origine nucléaire. Le nucléaire sera donc la première source de production d’électricité de ce pays, puisque les autres 50 % se composeront du photovoltaïque, de l’éolien, etc.

Au sein de ce nucléaire, il n’y a qu’un seul chemin : la quatrième génération. Il est donc tout à fait logique d’indiquer qu’on veut favoriser la recherche « et notamment les recherches sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération ».

Je rappelle que le Président Sarkozy, présentant en 2011, le programme des investissements d’avenir, avait annoncé…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Qui ça ?

M. Julien Aubert. Je sais que vous croyez en la continuité de l’État, puisque vous n’arrêtez pas de rappeler le Grenelle. N’ayez donc pas la mémoire hémiplégique. Il faut se rappeler tout ce qu’a fait le Président Sarkozy, notamment le grand emprunt.

Dans ce cadre, 1 milliard d’euros était alloué à la recherche sur la quatrième génération de réacteurs. Du point de vue de la continuité budgétaire et financière, de la bonne gestion des deniers publics, à laquelle je sais M. de Rugy très attaché, nous ne pouvons pas dire que nous abandonnons après y avoir consacré tant d’argent. Je sais que vous, écologistes, êtes hostiles au gaspillage budgétaire, et je sais combien vous soutenez la politique de rigueur de ce gouvernement.

J’en reviens à la quatrième génération. Quel est notre chemin ? La troisième génération, ça se discute, mais on pourrait considérer qu’on pourrait allonger au maximum la durée de vie de ces EPR de troisième génération, puis basculer dans la quatrième génération. Il y a un poids de la troisième génération qui va permettre de faire le pont, mais, si on veut garder une partie de l’électricité d’origine nucléaire, on sera obligé de basculer dans la quatrième génération.

Par conséquent, il paraît parfaitement logique de consacrer le fait que la recherche concernant la quatrième génération va se poursuivre, pour des motifs budgétaires et pour des raisons de cohérence. Sinon, cela signifierait a contrario que nous faisons le choix de sortir du nucléaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Sur ce sujet, je ne résiste pas à l’envie de dire quelques mots à Michel Sordi. Il évoque souvent la visite que nous avons faite à Fessenheim dans le cadre de la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire, mais il oublie chaque fois de préciser que cette centrale était alors en panne.

M. Michel Sordi. C’est faux !

M. Julien Aubert. L’EPR n’était pas en activité ! Vous êtes de mauvaise foi !

M. Denis Baupin. J’ai bien compris que nos collègues de l’UMP voudraient sauter par-dessus la troisième génération, et on les comprend vu les échecs répétés de l’EPR, ses surcoûts, ses budgets et ses calendriers à rallonge.

Il faut quand même informer ceux qui nous écoutent encore à cette heure-ci, s’il s’en trouve, de ce que serait cette quatrième génération, des problèmes de sûreté qu’elle pose. L’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire n’hésitent pas à le rappeler. Pour l’instant, en France, la recherche menée par le CEA, concerne des réacteurs au sodium, ces réacteurs qui posaient tant de problèmes sur Phénix et Superphénix.

Par ailleurs, s’il est question de calendrier, même les plus optimistes estiment qu’on pourrait avoir un réacteur de recherche ASTRID vers 2035, puis un prototype de quatrième génération vers 2070 et, vraiment, si tout cela fonctionnait, des centrales en service sur le territoire vers la fin du siècle. Voilà quel est l’horizon temporel où se situe la quatrième génération !

Voyez à quel point on parle aujourd’hui de sortes d’affabulations. On ne sait absolument pas à quoi ressemblera la fin du siècle, et on craint déjà que le réchauffement climatique soit supérieur à 2 ° C vers 2050. Ce qui nous importe donc, c’est bien plus de faire la transition énergétique aujourd’hui que de la faire en 2100. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le débat est très intéressant. Il pose la question de savoir ce qu’on inscrit dans une loi, et ce qu’on n’y inscrit pas. Il est bien clair que le modèle énergétique qui est l’objet de ce projet de loi ne met pas fin aux protocoles énergétiques en cours. L’objet de la loi n’est pas d’énumérer l’ensemble des protocoles de recherche.

D’ailleurs, la recherche sur le démonstrateur ASTRID n’est pas la seule recherche en cours au sein du CEA. En mentionnant celle-ci, que le projet de loi ne remet absolument pas en cause, vous passez les autres sous silence : la recherche sur la fusion nucléaire, avec ITER ; la recherche sur les déchets, en particulier avec la transmutation ; la recherche sur les matériaux. De même, il y a des recherches en dehors du nucléaire, notamment des recherches qui concernent le stockage de l’énergie et qui, lorsqu’elles auront abouti, permettront la montée en puissance des énergies renouvelables.

Ensuite, l’allocation optimale des ressources publiques aux différents protocoles de recherche est l’objet d’un débat. La recherche est parfaitement légitime dans le nucléaire. Le projet de loi ne propose pas la sortie du nucléaire, vous le savez bien, il faut donc bien continuer la recherche, mais dans un juste équilibre qui prend en compte le mix énergétique. Cela équilibrera les investissements en toute transparence. Je rappelle que c’est quand même la première fois que le Parlement débat de la politique énergétique, du modèle énergétique. Il y aura donc un débat sur l’allocation optimale des ressources de la recherche.

Pour répondre très directement à votre question, il n’est absolument pas question, dans le cadre de l’objectif de diversification de la production électrique, de mettre en cause les programmes de recherche, notamment pas celui que vous évoquez, mais, à trop le citer, vous passez sous silence les autres programmes de recherche. L’objectif de la loi n’est pas d’énumérer l’ensemble des programmes et des protocoles de recherche.

Autrement dit, l’amendement est satisfait, et je vous propose de le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi.

M. Michel Sordi. Je répondrai d’abord à M. Baupin. Vous avez mentionné beaucoup de dates : il est vrai que différentes hypothèses sont en débat au sujet de la date de mise en activité des réacteurs de quatrième génération. Je reconnais que ce n’est pas pour demain, mais pour dans vingt ou trente ans.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cinquante ans !

M. Michel Sordi. Ce n’est pas une raison pour ne pas y travailler dès aujourd’hui ! Si vos prédécesseurs n’avaient pas arrêté en 1997 le réacteur Superphénix, nous aurions déjà gagné dix-sept ans.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste ! Cette décision de 1997 fut une grosse erreur !

M. Michel Sordi. Tout à fait : une erreur monumentale, un gâchis financier gigantesque !

Cessez de vouloir suspendre, arrêter, renvoyer, reporter ; continuons l’innovation et la recherche. C’est pourquoi je suis partisan d’inscrire dans la loi que l’État doit veiller à développer la recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération. Le nucléaire reste un pilier de notre politique énergétique : c’en est même le socle. Les énergies renouvelables ont les inconvénients que l’on sait : nous avons donc besoin de ce socle, qui nous permettra aussi, à terme, d’avoir un prix de l’électricité plus juste et mieux contrôlable. Je maintiens donc cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. M. Baupin nous a fait une démonstration de mauvaise foi ! C’est étonnant : des recherches sont menées pour développer une technologie, et vous considérez que parce que cette technologie n’est pas au point, il faudrait interrompre les recherches.

M. Denis Baupin, rapporteur. Qui a dit cela ?

M. Julien Aubert. Si l’on avait appliqué ce principe à toutes les découvertes technologiques et techniques, on ne serait pas capables, aujourd’hui, d’envoyer des fusées dans l’espace !

M. Denis Baupin, rapporteur. Mais je n’ai pas proposé cela !

M. Julien Aubert. Avant d’aboutir à des systèmes efficaces, il a fallu que des bateaux coulent, que des avions s’écrasent, et que des fusées explosent !

M. Michel Sordi. Vous êtes un marchand de peur, monsieur Baupin !

M. Julien Aubert. Nous ne nions pas, monsieur Baupin, le côté critique du réacteur nucléaire. Vous avez raison : il y a actuellement un problème lié au sodium. Mais ce que vous oubliez de dire, c’est que le CEA fait actuellement des progrès.

M. Denis Baupin, rapporteur. Ah bon ?

M. Julien Aubert. Eh oui ! Il faut se renseigner ! Vous devriez vous renseigner sur les différentes technologies, mais aussi sur la chronologie, car celle que vous nous avez donnée n’est pas exacte. La date de 2070 n’est pas bonne. En réalité, la génération des premiers réacteurs pourrait être efficace dès 2040-2045.

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous en êtes sûr ? On prend le pari ?

M. Julien Aubert. Comme le disait mon collègue Michel Sordi, si vous n’aviez pas arrêté le réacteur Superphénix, les choses auraient été différentes. Malheureusement, à chaque fois que les écologistes sont au pouvoir, ils essayent de fermer une centrale nucléaire. Je ne reviendrai pas plus avant sur ces arguments de mauvaise foi.

Madame le ministre a ensuite développé des arguments de bonne foi, en abordant le sujet de manière plus concrète. Vous dites qu’il ne faut pas spécifier, dans la loi, que l’État doit veiller à développer les recherches sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération. Mais pour justifier ce refus, vous avancez des éléments qui sont d’un autre ordre.

Vous avez d’abord parlé du projet ITER, auquel je suis très attaché. Le site de construction d’ITER se trouve à côté de la Durance ; ma circonscription est sur l’autre rive. Mais le projet ITER n’a ni la même chronologie, ni le même objet que les réacteurs de quatrième génération. ITER, c’est vraiment de la recherche théorique : nous ne pouvons espérer obtenir des résultats en matière de fusion nucléaire que d’ici la fin du siècle. L’urgence n’est pas la même que pour les réacteurs de quatrième génération. Vous parliez tout à l’heure d’urgence à propos de ce texte, mais concrètement, si nous voulons toujours avoir de l’électricité d’origine nucléaire en 2040, il va falloir que l’État se creuse la tête pour savoir comment déployer la quatrième génération de réacteurs sur le territoire.

Votre objectif, avec ce projet de loi, est peut-être de sortir du nucléaire sans le dire ; peut-être voulez-vous réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2025, pour ensuite la réduire de 50 % après 2025. Dans ce cas, je reconnais qu’inscrire la quatrième génération de réacteurs dans ce texte n’aurait aucun sens. Mais si l’on considère que le nucléaire a encore des beaux jours devant lui, si votre idée est bien de conserver 50 % d’électricité d’origine nucléaire, alors vous n’avez pas cinquante mille options ! Certes, plusieurs technologies existent, mais quelle que soit la technologie choisie, vous serez obligés de passer par la quatrième génération.

Les autres sujets que vous avez évoqués – comme les déchets – sont importants, mais ils n’ont pas d’impact concret, réel, direct et immédiat, ni même à l’horizon 2040, sur la vie des Français.

La réaction de M. Baupin montre bien que s’il est opposé à la quatrième génération de réacteurs, c’est parce qu’il est anti-nucléaire !

M. Denis Baupin, rapporteur. Ce n’est pas faux !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Quelle perspicacité !

M. Julien Aubert. Vous voyez, monsieur Baupin, je vous ai percé à jour !

Pour paraphraser la Chanson du mal-aimé de Guillaume Apollinaire : « Et je chantais cette romance / En 1903 sans savoir / Que Fessenheim à la semblance / Du beau Phénix s’il meurt un soir / Au matin voit sa renaissance ». C’est ce que vous verrez en 2017 !

Je vous vois sourire, mais convenez, madame le ministre, qu’un petit peu de poésie, à une heure du matin, ne peut pas faire de mal ! Je vous ai parlé tout à l’heure de sublimation : vous verrez que nous essayons de mettre un peu de fantaisie dans nos débats.

Le problème de M. Baupin, c’est qu’il est par principe hostile au nucléaire : il refuse donc toute mention de recherche sur le nucléaire dans ce projet de loi. Si vous êtes de bonne foi, madame le ministre, et si vous considérez que le nucléaire doit effectivement fournir 50 % de l’électricité française dans quinze ans, alors vous devez vous poser la question de l’évolution du parc de centrales nucléaires. Or, l’évolution du parc de centrales nucléaires passe obligatoirement par une nouvelle génération de réacteurs. La recherche sur cette nouvelle génération doit être préservée.

Nous devons éviter ce qui s’est passé pour le réacteur Superphénix, c’est-à-dire s’attacher un boulet aux pieds à cause du choix par défaut de fermer un réacteur. Peut-être voulez-vous que nous prenions du retard : dans ce cas, autant le dire clairement, autant annoncer que vous voulez abandonner le nucléaire. Mais puisque tel n’est pas l’objet de ce projet de loi, la recherche sur la quatrième génération y a tout à fait sa place.

Monsieur Bouillon, nous n’avons jamais dit que vous voulez sortir du nucléaire : nous disons que vous voulez en sortir beaucoup trop tôt, et que votre plan de réduction en quinze ans est tout à fait irréalisable.

M. Michel Sordi et Mme Sophie Rohfritsch. Bravo !

(L’amendement n414 n’est pas adopté.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

suite du projet de loi relatif à la transition énergétique.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 7 octobre 2014, à une heure cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly