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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du samedi 14 février 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Croissance, activité et égalité des chances économiques

Discussion des articles (suite)

Article 83 (suite)

Amendement no 1583

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique de la commission spéciale

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Amendements nos 2673 , 2149 , 2740 deuxième rectification , 2680 , 2417 , 1914 , 2202 rectifié , 3266 , 2150 , 1909 , 2675 , 2985 , 439

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale

Amendements nos 2678 , 2999 , 1352 rectifié , 3249, 3250 (sous-amendements) , 1584 rectifié , 2162 , 3236

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 3265 , 1910 , 2995 , 1911 , 2682 deuxième rectification , 1912 , 3011 rectifié , 2166 , 2857

Après l’article 83

Amendement no 2797

Article 84

Après l’article 84

Amendement no 2805

Avant l’article 85

Amendement no 2592 troisième rectification

Article 85

M. Christian Paul

Mme Jacqueline Fraysse

M. Gérard Sebaoun

M. Francis Vercamer

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique

M. Emmanuel Macron, ministre

Amendements nos 2167 , 2645 , 2618 , 1585 deuxième rectification , 3268 , 1322 , 2595

Après l’article 85

Amendement no 3269

Suspension et reprise de la séance

Article 86

Amendements nos 2311 , 2403 , 45

Après l’article 86

Amendements nos 51 , 46 , 2241 , 3296 rectifié , 55 , 56, 47, 48, 49, 50 , 2242

Articles 87 à 91

Après l’article 91

Amendements nos 1492 , 2566 , 2562 , 1497 , 1498 , 1493 , 1495 , 2182 rectifié, 2186 , 1501 , 1532 , 1503 rectifié , 1535 , 1456 , 1544 , 1545 , 1537

Avant l’article 92

Amendement no 2723

Article 92

Amendements nos 1359 , 2725

Article 93

Amendements nos 1361 , 1358 , 2729

Après l’article 93

Amendements nos 2810 , 3240 (sous-amendement)

Article 94

Après l’article 94

Amendements nos 1556 , 1737 rectifié , 3251 rectifié, 3252 rectifié (sous-amendements) , 1557 , 1558 , 2335 rectifié

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Amendements nos 1574 , 1580 deuxième rectification , 1560, 1561, 1562 , 1570 , 1571

Article 95

Amendements nos 1368 , 3264

Article 96

Amendement no 2174 rectifié

Après l’article 96

Amendement no 3297

Article 97

Amendement no 1576

Après l’article 97

Amendements nos 1578 , 2735

Article 97 bis

Amendements nos 2739, 2736, 2742

Article 97 ter

Après l’article 97 ter

Amendement no 2744

Article 98

Mme Jacqueline Fraysse

Amendement no 2577

Article 99

Article 100

Amendements nos 2181 , 2685 , 2541 , 1447 , 2746 , 3270

Article 101

Amendements nos 1317 , 2183 , 2851 , 3291 deuxième rectification , 3298 (sous-amendement) , 2754

Article 102

Amendements nos 1319 , 2755

Article 102 bis

Amendement no 2756

Article 103

Amendements nos 2808 , 3293 (sous-amendement)

Après l’article 103

Amendement no 3292

Article 104

Avant l’article 105

Amendements nos 2994, 2993

Articles 105, 105 bis et 106

Seconde délibération

Amendement no 2

Explications de vote personnelles

M. Christian Paul

M. Jean-Yves Caullet

M. Emmanuel Macron, ministre

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).

Le temps de parole restant pour la discussion est de quatorze minutes pour le groupe SRC, dont 62 amendements restent en discussion ; onze minutes pour le groupe UMP, dont 123 amendements restent en discussion ; une heure vingt-quatre minutes pour le groupe UDI, dont 34 amendements restent en discussion ; une heure cinquante-quatre minutes pour le groupe RRDP, dont 8 amendements restent en discussion ; vingt-neuf minutes pour le groupe écologiste, dont 12 amendements restent en discussion ; seize minutes pour le groupe GDR, dont 10 amendements restent en discussion ; trois minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n1583 à l’article 83.

Article 83 (suite)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1583.

M. Francis Vercamer. Je pourrais presque défendre en même temps que celui-ci l’amendement de M. Hetzel, monsieur le président,…

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Non !

M. Francis Vercamer. …puisque les orateurs du groupe UMP, qui n’ont plus de temps de parole, ont quitté les lieux. Comme il s’agit d’amendements identiques, cela ne poserait pas de problème.

Je propose par cet amendement de substituer aux mots « assemblée générale » les mots « audience solennelle ». En effet, au cours de l’assemblée générale sont élus les présidents et vice-présidents de section et du conseil des prud’hommes chaque année ; je ne vois pas très bien ce que le juge départiteur viendrait faire dans une assemblée générale où les conseillers prud’hommes salariés et employeurs débattent pour choisir leurs présidents et vice-présidents.

M. Yves Jégo. C’est très juste !

M. Francis Vercamer. Je souhaiterais donc que le juge départiteur soit présent à l’audience solennelle, au cours de laquelle il est rendu compte de l’assemblée générale.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique de la commission spéciale. L’avis de la commission est défavorable, monsieur Vercamer.

Tout d’abord, il est d’usage d’inviter le juge départiteur à l’assemblée générale, à laquelle assistent également le premier président et le procureur général. Ce n’est pas un lieu de dialogue : c’est un lieu où l’on rend compte de l’année judiciaire écoulée et où l’on ouvre celle qui démarre. C’est parce que le juge départiteur fait partie de la juridiction que sa participation à l’assemblée générale a du sens.

Bien sûr, il ne vote pas, et ce n’est pas lui le président, mais quand il préside un bureau de jugement à la suite d’un départage, ce n’est pas lui qui rend le jugement, c’est le conseil des prud’hommes, avec un bureau de jugement présidé par le juge départiteur.

M. Jean-Yves Caullet. Absolument !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. D’ailleurs, vous connaissez la règle, monsieur Vercamer : si la formation de départage est complète, la voix du juge départiteur ne pèse pas plus que celle de chacun des quatre conseillers ; si elle est incomplète, en revanche, c’est-à-dire s’il manque un ou plusieurs conseillers prud’hommes, alors le juge statue seul. Dans tous les cas, cependant, c’est le conseil des prud’hommes qui rend la décision.

Votre amendement repose sur une idée qui me paraît erronée, selon laquelle le juge départiteur serait étranger à la juridiction, ce qui n’est pas le cas.

Cela me paraît important qu’il participe à l’assemblée générale parce que c’est un lieu de dialogue, de rencontre où on discute des affaires du conseil. Ce que doit comporter un procès-verbal de départage, toutes les questions qui intéressent les rapports entre la justice de façon générale et le conseil des prud’hommes peuvent y être évoqués. Je ne voudrais donc pas que le juge départiteur reste un étranger.

C’est aussi parce que la présente disposition est prise que l’ensemble des mesures préconisées dans cette réforme font système.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Inutile de vous dire que je ne suis absolument pas d’accord avec M. le rapporteur, monsieur le président. On parle non pas du bureau du jugement mais de l’assemblée générale, qui a pour objet d’analyser les chiffres de l’année et d’organiser l’élection des présidents et vice-présidents.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Francis Vercamer. J’observe donc, monsieur le rapporteur, que l’échevinage intervient non pas seulement au sein du bureau de jugement mais dès l’assemblée générale, puisque vous placez un juge au milieu des conseillers prud’hommes dont la répartition est à parité entre employeurs et salariés.

M. Philippe Vigier. Vous les mettez sous surveillance !

M. Jean-Yves Caullet. Nous faisons confiance au départiteur !

(L’amendement n1583 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2673.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement a pour objet de simplifier le code du travail.

M. Francis Vercamer. Il serait temps !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Actuellement, l’article L. 1423-12 dispose que le bureau de jugement se compose « d’un nombre égal d’employeurs et de salariés » ; ils pourraient donc être deux, quatre, six, ou n’importe quel autre nombre. Je propose de préciser que, dans sa formation de droit commun, le bureau de jugement se compose de deux conseillers employeurs et de deux conseillers salariés. C’est la règle, autant l’écrire dans la loi.

(L’amendement n2673, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2149 et 2740 deuxième rectification.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2149.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons par cet amendement de supprimer les alinéas 16 et 17 de l’article, parce qu’ils prévoient la possibilité, s’agissant de litiges portant sur un licenciement ou une résiliation judiciaire, de constituer un bureau de jugement réduit à deux conseillers, alors qu’ils sont quatre aujourd’hui.

L’ouverture de cette possibilité pose tout d’abord problème sur le fond, car elle instaurerait une justice à deux vitesses. Dans le cas d’une formation restreinte, le jugement doit être rendu sous trois mois, contre quinze mois pour un bureau de jugement classique. On comprend d’ailleurs difficilement comment le jugement sera rendu plus rapidement s’il n’est pas prévu de moyens supplémentaires.

L’alternative est donc la suivante : un bureau composé de quatre juges, donc plus impartial, mais plus lent, ou une justice plus rapide, mais rendue par deux juges seulement, donc avec une moindre impartialité. En outre, le tête à tête risque de crisper les positions des juges. Tout cela risque de porter atteinte à la qualité des décisions et de l’examen des cas.

Pour nous convaincre de la pertinence de cette formation restreinte, notre rapporteur a, lors de l’examen en commission, cité l’exemple des bureaux de conciliation et des formations de référé, qui sont composés de seulement deux conseillers. Après vérification, je peux vous affirmer que ce sont de mauvais exemples : la conciliation a, comme le montre le rapport, un moindre succès, et la formation de référé essuie régulièrement des critiques.

C’est parce que nous n’avons pas été convaincus par ces arguments que j’ai souhaité déposer à nouveau cet amendement. La composition actuelle du bureau de jugement, soit quatre juges, favorise selon nous l’impartialité et la qualité des débats.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n2740 deuxième rectification.

M. Éric Alauzet. Je profite de la discussion de cet amendement pour présenter la position du groupe écologiste sur un article important, car l’article 83, avec ses 93 alinéas, est le deuxième de ce projet de loi par sa longueur. Il aurait d’ailleurs pu à lui seul faire l’objet d’un texte de loi.

Le système de court-circuit organisé vers le juge professionnel et la formation de départage et de bureau restreint de jugement présente deux difficultés qui ont déjà été exprimées dans cette enceinte : d’une part, la justesse, la précision, l’équité de la décision et, d’autre part, le délai. Même s’il est précisé dans le texte que celui-ci sera de trois mois, rien ne garantit que la décision sera rendue plus rapidement dans les faits. Malheureusement, il est difficile de respecter les délais quand on ne dispose pas des moyens nécessaires pour le faire.

Telles sont nos inquiétudes, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. Nous reconnaissons le travail qui a été accompli depuis l’examen en commission et les avancées qui ont été faites, en particulier au travers de l’amendement du Gouvernement qui a été adopté à la fin de la séance de cet après-midi, et nous avons apprécié les explications très fournies du rapporteur. Cependant, cet article continue de susciter de l’incertitude quant à l’équité de la décision et au raccourcissement des délais.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. L’avis de la commission est défavorable.

Tout d’abord, comme l’a très bien expliqué M. Vercamer, les juges statuent non pas en équité mais en droit.

M. Francis Vercamer. Eh oui !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. L’équité, c’est l’arbitraire du juge, c’est ce que chacun considère comme juste. Or, le juge applique la loi – tel est du moins son office.

Ensuite, nous sommes non pas sur ce qui a été appelé le « court-circuit », mais sur le circuit court, c’est-à-dire la formation restreinte, qui doit statuer dans les trois mois. Ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, cela ne fonctionnera que si les deux parties sont d’accord et si le bureau de conciliation en est d’accord. Cela présuppose que le bureau adhère au principe et qu’il est en mesure de tenir une audience dans un délai inférieur à trois mois, audience où statueront deux juges.

C’est un moyen de gagner du temps, car deux juges c’est moins que quatre. Toutefois, soyons clairs, cela suppose d’accorder des moyens supplémentaires aux juridictions en termes de salles et de greffiers. En effet, pour tenir deux audiences à deux juges en parallèle au lieu d’une audience à quatre, il faut deux salles au lieu d’une et deux greffiers au lieu d’un.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est pour cela que je disais qu’il fallait des moyens !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cette mesure doit donc être accompagnée d’un redéploiement des moyens. Cela paraît extrêmement utile quand vous avez un rôle extrêmement important et qu’il est nécessaire de dédoubler une audience. C’est également utile lorsque le stock des affaires – on parle également de flux et de stocks dans la justice – doit être résorbé et qu’il faut gagner en rapidité. Enfin, cela s’applique à des affaires qui ne portent que sur une rupture de contrat quand on constate au stade du bureau de conciliation que l’affaire est en état d’être plaidée.

Or, tout n’est pas compliqué. Je prendrai un exemple simple, celle d’un employeur qui a adressé à son salarié une lettre de licenciement non motivée. La règle est simple : une lettre non motivée ne comporte pas de cause réelle et sérieuse de licenciement. L’employeur peut refuser d’en convenir, mais quels que soient les efforts qu’il déploiera, il ne gagnera jamais le procès, car il sera statué en droit et que la règle est claire. Dès lors, s’il s’agit du seul élément en jeu, le bureau de conciliation peut parfaitement estimer que l’examen de l’affaire ne requiert que deux juges. La décision portera en effet uniquement sur le quantum, sur les conséquences en termes d’indemnités. Tel est le type d’affaires qui me paraît pouvoir être jugée par deux conseillers.

J’en viens à la question de l’impartialité. Voilà environ dix ans, c’est-à-dire il n’y a pas si longtemps, des parties s’étaient amusées à contester l’impartialité des conseils des prud’hommes au motif que ces derniers étaient composés de syndicalistes. L’affichage syndical des conseillers contrevenait à l’exigence d’impartialité au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La Cour de cassation a répondu qu’il n’en était rien et que la juridiction prud’homale était impartiale de par sa nature, à raison précisément de l’équilibre associant deux salariés et deux employeurs ou un salarié et un employeur : ce qui fait son impartialité est précisément son caractère paritaire. Quand on est jugé par un bureau de référé, on doit avoir affaire à une formation impartiale. Le bureau de conciliation a actuellement, même s’il en est fait trop peu usage, la possibilité de prononcer des condamnations provisionnelles, y compris des condamnations fortes portant par exemple sur un préavis, des congés payés, des salaires ou une indemnité de licenciement. Dans ce cas, c’est un vrai juge qui statue et il doit avoir la même impartialité. À deux, étant donné que l’impartialité du conseil des prud’hommes tient justement à cet équilibre entre employeurs et salariés, il est tout aussi impartial.

Affirmer que la formation restreinte n’est pas impartiale, c’est affirmer dans le même temps que le bureau de conciliation ne le serait pas et la formation de référé pas davantage. Or, elle l’est, comme l’a validé la jurisprudence. Il me semble donc que les arguments qui président aux amendements soutenus ne tiennent pas. Voilà pourquoi j’y suis défavorable.

(Les amendements identiques nos 2149 et 2740 deuxième rectification, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2680.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement vise à permettre au bureau de conciliation de juger une affaire en tant que bureau de jugement en formation restreinte quand l’une des parties ne se présente pas. Dans 99 % des cas, le demandeur est le salarié et le défendeur l’employeur. Restent 1 % des cas, par exemple devant une prise d’acte de rupture où c’est l’employeur qui saisit le conseil des prud’hommes pour une demande de dommages et intérêts en raison de la non-observation d’un préavis ou encore le non-respect d’une clause de non-concurrence – voilà des situations que l’on peut rencontrer.

Imaginez que dans cette hypothèse, la partie ne se présente pas alors qu’elle a été régulièrement appelée : compte tenu de la réforme à venir de la procédure, la saisine est claire et accompagnée de pièces et documents, de telle sorte que la partie défenderesse sait sur quoi elle sera jugée. Je rappelle la règle en la matière : la lettre recommandée de convocation devant le bureau de conciliation suffit dès lors qu’elle est retirée mais, lorsqu’elle ne l’est pas, le bureau de conciliation renvoie l’affaire en exigeant du demandeur qu’il cite l’autre partie par voie d’huissier. Celle-ci est alors appelée.

M. Francis Vercamer. Ça, c’est de la conciliation !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Dans n’importe quelle juridiction, lorsque la partie convoquée fait défaut, elle est jugée séance tenante sur la base des seules pièces transmises par le demandeur. Il s’agit d’appliquer cette règle générale à cette situation, même si la convocation est en conciliation, afin de revaloriser la conciliation et que le défendeur soit effectivement présent. Cela participe d’un système visant à augmenter le taux de conciliation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement…

M. Francis Vercamer. J’avais demandé la parole.

M. le président. Si vous ne levez pas la main, je ne peux pas le savoir.

M. Francis Vercamer. C’est que vous ne regardez pas de notre côté ! (Sourires.) Vous savez, nous avons encore une heure vingt-quatre minutes de temps à consommer…

M. le président. Nous aussi avons tout notre temps. (Sourires.)

Vous avez la parole, monsieur Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je suis très perplexe devant cet amendement. En effet, dans le contexte d’une procédure contradictoire, régie par l’article 16 du code de procédure civile, il s’agit d’une procédure orale et, dès lors que l’une des parties n’est pas là, je ne vois pas comment cette procédure pourrait être contradictoire. Historiquement, elle a toujours été orale, malgré des échanges de pièces, car il est arrivé que certains salariés n’aient pas la capacité d’écrire. On a donc conservé l’idée que le salarié pouvait parfois venir défendre lui-même sa cause et j’y suis pour ma part très attaché. Or, vous êtes en train de judiciariser la procédure en envisageant que, si la personne convoquée ne vient pas, on procédera comme vous le dites.

Cela est sans doute adapté pour d’autres juridictions, mais les prud’hommes en sont une assez particulière, compétente pour des salariés de toutes conditions, qui doivent pouvoir venir se défendre sans être forcément assistés d’un avocat ou d’un délégué syndical. Je suis donc opposé à cet amendement qui judiciarise et professionnalise la procédure.

Par ailleurs, vous ne pouvez pas présupposer que, dans 99 % des cas, le demandeur est le salarié. Il s’agit peut-être de statistiques mais, en droit, on regarde d’abord qui sont le demandeur et le défendeur, qui en l’espèce peuvent être aussi bien le salarié que l’employeur. Même si, dans la réalité des faits, les salariés représentent 99 % des cas, vous ne pouvez pas utiliser cet argument en droit.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est l’étude d’impact !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Monsieur Vercamer, je ne l’utilise pas en droit, mais je vous donne l’information : si le demandeur est l’employeur qui vient demander des dommages et intérêts à son salarié qui ne respecte pas une clause de non-concurrence et que le défendeur – qui est donc le salarié – ne se présente pas, le bureau de conciliation pourra statuer. Il n’y a donc pas de traitement différent des parties selon qu’elles sont salarié ou employeur. Les termes employés en cas de non-comparution d’une partie pour une demande reconventionnelle articulée en temps utile s’appliquent à la partie demanderesse comme à la partie défenderesse. Voilà pour l’argument par lequel vous avez terminé.

Quant à celui par lequel vous avez commencé, à savoir qu’il s’agit d’une procédure orale et qu’il faut que les parties soient présentes, il se peut qu’une seule des parties le soit car, si le demandeur ne se présente pas, la sanction est la caducité de la demande, avec la possibilité de justifier des raisons pour lesquelles on était absent ou de réintroduire l’affaire encore une fois, la règle actuelle interdisant de le faire après deux caducités.

Si vous aviez raison, lorsque le demandeur se présente seul devant le bureau de jugement, avec sa seule parole, et que le défendeur – par hypothèse l’employeur, comme dans 99 % des cas – ne se présente pas, on juge l’affaire, bien qu’il s’agisse d’une procédure orale. Il en est de même devant le bureau de conciliation : on se présente et on applique la procédure orale.

Il faut toutefois souligner un point très important, qui est du reste précisé : le défendeur doit avoir été appelé, c’est-à-dire qu’il ait été régulièrement convoqué, qu’il sache ce qu’on lui demande et sur la base de quels éléments. Dans le dispositif proposé, il le sera et il appartiendra évidemment au bureau de conciliation de faire respecter cette règle.

J’ajoute que le but n’est pas que cette disposition serve, mais que les deux parties viennent, afin que la conciliation puisse être tentée. Enfin, ce que j’entends par comparution n’est pas nécessairement la comparution personnelle, car la partie concernée peut être représentée. La chambre sociale de la Cour de cassation a en effet rendu un avis selon lequel l’avocat était présumé titulaire d’un mandat de transaction et de conciliation, et qu’il peut donc concilier même sans pouvoir spécial. Par conséquent, je le répète, les parties peuvent se faire représenter. Je maintiens donc mon point de vue.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je maintiens que cette disposition est superfétatoire, car elle existe déjà dans le code de procédure civile. Soit il s’agit d’un artifice visant à tronquer la procédure prud’homale, soit elle ne sert à rien. L’amendement devrait donc être retiré par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le député, si nous prévoyons cette procédure, c’est d’abord parce que, je vous le confirme, elle n’existe pas dans le code de procédure civile. D’autre part, vous avez à plusieurs reprises, dans vos deux interventions, laissé planer une ambiguïté que je souhaiterais lever, à supposer qu’elle ait pu subsister à la suite des interventions du rapporteur : à aucun moment les réformes ici proposées ne remettent en cause le paritarisme. C’était là un point de vigilance tant pour la garde des sceaux que pour le ministre du travail et pour moi-même. L’amendement proposé par votre rapporteur, en supprimant une procédure qui pouvait précisément porter à confusion sur ce point et qui, comme vous l’avez rappelé, avait fait réagir nombre de conseillers prud’homaux, a levé toute ambiguïté.

Ce que propose le rapporteur, c’est de rendre plus efficace la justice prud’homale et d’éviter parfois un fonctionnement dilatoire. La rendre plus efficace sans changer les équilibres, c’est la faire mieux fonctionner et ce n’est pas revenir sur le paritarisme. Je tenais à apporter cette clarification.

(L’amendement n2680 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n2417.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cet amendement assez simple porte sur la formation des conseillers prud’homaux. Nous conviendrons tous en effet qu’il est fondamental, pour la qualité de la justice rendue, que les conseillers prud’homaux puissent bénéficier de la formation la plus approfondie possible. À cet effet, l’amendement propose de porter à dix jours l’autorisation d’absence accordée par l’employeur aux salariés membres de conseils de prud’hommes pour les besoins de la formation initiale que ces derniers doivent suivre, c’est-à-dire de doubler la durée de l’autorisation d’absence de cinq jours accordée dans l’état actuel du droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La commission a rendu un avis défavorable, car ce qui est institué par le projet de loi est une semaine de formation supplémentaire, mais l’ancien système continue, de sorte qu’il y aura au total sept semaines de formation possibles. L’une de ces semaines aura la caractéristique d’être obligatoire, de telle sorte qu’un nouveau conseiller prud’homal qui ne la suivrait pas ne pourrait pas conserver ses fonctions. Les autres semaines sont facultatives et organisées au gré des conseillers. Dans la pratique, les six semaines de formation pendant la durée du mandat sont organisées par des instituts de droit du travail qui sont souvent dans la mouvance d’un syndicat ou d’une organisation patronale. Il y a donc bien au total sept semaines de formation, au lieu de six aujourd’hui, avec des autorisations d’absence afférentes, et je ne vois pas comment je pourrais justifier huit semaines. Avis défavorable, donc.

(L’amendement n2417, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1914.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n1914, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2202 rectifié.

M. Pascal Cherki. Il est défendu avec fermeté, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable, car la défense syndicale fait partie de l’action syndicale.

(L’amendement n2202 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3266.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement tend uniquement à rectifier une erreur de référence.

(L’amendement n3266, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2150.

M. Pascal Cherki. Cet amendement tend à la suppression de l’alinéa 58 de l’article. En effet, l’exercice de la mission du défenseur syndical s’exerce dans le cadre du droit du travail inhérent à la structuration et la taille des entreprises. Il n’est pas justifiable que l’État supporte le coût salarial découlant de la mission du défenseur syndical. Nous devons protéger les finances publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Enfin, monsieur Cherki ! Voilà l’État qui finance dix heures de défense syndicale : dix heures, ce n’est quand même pas le bout du monde ! Je ne vois donc pas en quoi ce soutien à l’action syndicale que constitue la défense syndicale pourrait être répréhensible ! Je suis étonné que ce soit vous qui défendiez cet amendement !

(L’amendement n2150, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1909.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Rédactionnel.

(L’amendement n1909, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 2675 et 2985, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2675.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement concerne les obligations du défenseur syndical ; les deux amendements précédents portaient sur la notion de défenseur syndical. Actuellement, la défense syndicale s’exerce par le biais de délégués syndicaux. Ceux-ci ont un double mandat : le mandat que leur donne leur organisation syndicale et le mandat que leur donne la personne qu’ils assistent ou représentent. Sans ces deux mandats, ils ne peuvent pas représenter ou assister la personne devant le conseil.

En l’occurrence, il s’agit d’avoir des défenseurs syndicaux qui, comme c’est le cas aujourd’hui, continuent d’assister ou de représenter la personne en première instance comme en appel. C’est nécessaire pour l’appel compte tenu de l’évolution prévisible : sachant que pas loin de 95 % des justiciables sont aujourd’hui assistés – soit par un défenseur syndical, soit par un avocat, la proportion étant de 13 % pour les défenseurs syndicaux et de 87% pour les avocats –, il est envisagé que la procédure devant la cour d’appel soit à représentation obligatoire.

Il est donc nécessaire d’élaborer un statut du défenseur syndical. Le défenseur syndical n’a pas actuellement de statut ou, du moins, ses obligations ne sont pas définies. Il est nécessaire qu’il ait une obligation de discrétion à l’égard de la personne qu’il assiste : il faut que cette personne puisse se confier à lui et qu’ensuite, il fasse le tri entre ce qu’il doit garder et ce qu’il peut communiquer à la juridiction.

Par ailleurs, comme vous le savez, la mission du défenseur syndical, comme celle d’un avocat, peut comporter la nécessité de négocier. Actuellement, quand deux avocats discutent l’un avec l’autre, ils discutent « sous la foi du palais », c’est-à-dire en confidence. Ils ne pourront pas révéler la teneur de leur conversation, sauf si elle aboutit ; encore faut-il qu’elle aboutisse avec un protocole dûment signé, faute de quoi elle n’aboutit pas.

Quand vous êtes un avocat placé dans cette situation, vous ne pouvez pas discuter à égalité avec un défenseur syndical parce que ce dernier n’a pas ces obligations et pourrait par conséquent révéler des choses que vous lui dites. Le but est de le mettre à égalité, c’est-à-dire que la négociation puisse se faire avec le défenseur syndical de la même façon qu’elle se ferait entre avocats, avec le même degré de confidentialité.

Voilà le sens de l’amendement que je présente ; je pense qu’il est dans le même esprit que celui proposé par Mme Fraysse, mais que le mien va plus loin puisqu’il intègre cette nécessité de la confidentialité de la négociation.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2985.

Mme Jacqueline Fraysse. Le rapporteur a raison : son amendement va dans le sens de ma préoccupation. Je reste toutefois interrogative sur la seconde partie de sa phrase : nous sommes en effet opposés à la logique de la négociation en dehors du conseil de prud’hommes, comme j’aurai l’occasion de l’expliquer lorsque nous examinerons les alinéas 86 et suivants.

Cela étant, le rapporteur a corrigé le fait que l’employeur restait libre de décider quelles informations étaient confidentielles ou non : c’est une bonne chose. Je peux donc retirer mon amendement.

(L’amendement n2985 est retiré.)

(L’amendement n2675, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 439 a été repris par la commission.

La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir cet amendement.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. L’abnégation conduit à des choses paradoxales puisque je vous propose d’adopter un amendement déposé par nos collègues de l’UMP qui, faute de combattants, ne peuvent pas le présenter. (Sourires.)

M. Francis Vercamer. C’est une provocation !

M. Philippe Vigier. On a connu un meilleur rapporteur général ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Cet amendement n439, qui avait reçu un avis favorable de la commission, présente un intérêt tout particulier car il vise à préciser que l’exercice du mandat de défenseur syndical ne peut pas être une cause de sanction. Cette proposition est donc utile pour éviter toute discrimination à l’égard des salariés détenteurs d’un mandat de défenseur syndical. Cette précision complète la protection du défenseur syndical en matière de licenciement. Je vous propose donc d’adopter cet amendement.

(L’amendement n439, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nos collègues de l’UMP ne sont pas là pour s’en réjouir !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 2678 et 2999, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2678.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je renouvelle dans l’hémicycle le couple que j’avais formé avec Mme Fraysse en commission.

Mme Jacqueline Fraysse. Mais ce n’est pas pour la Saint-Valentin ! (Sourires.)

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est vrai qu’aujourd’hui, c’est la Saint-Valentin !

Il s’agit en l’occurrence de la protection du défenseur syndical : le statut, dans la réforme du défenseur syndical, a été construit en reprenant le statut du conseiller du salarié, c’est-à-dire la personne qui figure sur une liste arrêtée par le préfet et qui accompagne un salarié faisant l’objet d’une procédure de licenciement dans une entreprise dépourvue d’institutions représentatives du personnel.

Pour des raisons qui m’échappent, alors que le conseiller du salarié bénéficie d’une protection de salarié protégé, c’est-à-dire qu’il faut notamment une autorisation pour son licenciement, il n’en était pas prévu pour le défenseur syndical ; il s’agit donc de réparer cet oubli.

J’ai une petite préférence pour ma rédaction, et vous voudrez bien m’en excuser, madame Fraysse, car elle me paraît un petit peu plus précise que la vôtre, même si c’est d’un cheveu.

M. le président. Madame Fraysse, vous avez la parole : tout en nous présentant votre amendement n2999, dites-nous ce que vous pensez de ce comparatif !

Mme Jacqueline Fraysse. Je pense qu’il y a un net progrès par rapport au texte initial et, même si je n’en suis pas la seule auteure, je suis ravie d’avoir participé sérieusement à l’affaire. Je pense qu’on peut retenir la rédaction du rapporteur, même si l’élégance aurait voulu que vous donniez plutôt la préférence à mon amendement ! Mais bon, tant pis : j’accepte le vôtre – surtout le jour de la Saint-Valentin, et surtout s’il n’y a qu’un cheveu de différence !

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je ne peux pas vous enlever, madame Fraysse, le monopole de l’élégance ! Mais je crois vraiment mon amendement meilleur. (Sourires.)

M. le président. Nous allons donc garder l’amendement n2678 : on considérera que c’est un amendement « Robiliard - Fraysse » !

(L’amendement n2999 est retiré.)

(L’amendement n2678, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n1352 rectifié qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 3249 et 3250.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement.

M. Jean-Yves Caullet. Je vais prendre mon élan pour dire qu’il est défendu, monsieur le président, et pour demander à cette occasion si les conditions de son dépôt rouvrent un droit de temps de parole.

M. le président. Je ne suis pas sûr d’avoir besoin de répondre à cette question !

Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je vous rassure, monsieur Caullet : d’une part, les délais ont déjà été rouverts par un amendement dans cette affaire – le mien – et, par conséquent, vous ne pouvez plus rien faire qui les rouvrent à nouveau ; d’autre part, cet amendement avait été déposé en temps utile par M. Caresche.

De quoi s’agit-il ? Cet amendement propose que les conseillers conciliateurs puissent entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité. Pour une juridiction, ce n’est pas si simple puisque c’est une atteinte claire au principe du contradictoire. Mais on sait que, dans le cadre d’une médiation, c’est un outil qui est souvent utilisé ; par conséquent, il est intéressant de le prévoir. Cela relève plus, à mon sens, du domaine réglementaire, mais cela donne un signal assez fort de notre volonté de rénover les outils de façon que les conciliations soient vraiment opérantes.

J’accepte donc cet amendement sous réserve de le sous-amender : autant je suis parfaitement d’accord avec l’alinéa premier, autant l’alinéa 2 me semble résulter d’une inadvertance de rédaction. En effet, il est bien évident que cela ne peut pas s’appliquer aux demandes en paiement parce qu’alors le bureau de conciliation et d’orientation n’est plus conciliateur mais juge du litige : il doit le trancher et ne saurait à l’évidence procéder de façon non contradictoire.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un sous-amendement, et c’est évidemment sous condition que M. Caullet l’accepte que je suis favorable à l’amendement n1352 rectifié.

M. le président. Il y a deux sous-amendements, monsieur le rapporteur, nos 3249 et 3250.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le premier sous-amendement précise que ce ne sont pas les conseillers conciliateurs qui vont entendre chacune des parties, mais le bureau de conciliation, donc la juridiction.

Le deuxième sous-amendement vise à supprimer le deuxième alinéa.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable sur l’amendement et les deux sous-amendements.

(Les sous-amendements nos 3249 et 3250, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n1352 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1584 rectifié, 2162 et 3236.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1584 rectifié.

M. Francis Vercamer. Nous avons plusieurs fois évoqué ces alinéas qui ont deux objectifs : l’un propose de renvoyer les parties, avec leur accord, devant une formation restreinte, et l’autre permet au bureau de conciliation et d’orientation de renvoyer directement les parties devant la formation de jugement présidée par un juge professionnel.

Nous présentons cet amendement de suppression parce que ces alinéas substituent à la procédure normale une procédure restreinte, qui ne nous paraît pas utile et ne permettra sûrement pas de juger plus rapidement.

De plus, c’est introduire l’échevinage : à partir du moment où on renvoie devant une formation de jugement présidée par un juge professionnel alors même qu’il n’y a pas besoin de départage, cela s’appelle de l’échevinage. Or cela est fortement combattu par les conseillers prud’hommes, qu’ils soient salariés ou employeurs, parce que le conseil de prud’hommes est une juridiction paritaire et qui doit le rester !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2162.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n3236.

M. Éric Alauzet. Il s’agit toujours de la question du court-circuit, ou du circuit court, monsieur le rapporteur Denys Robiliard : vous avez souhaité préciser tout à l’heure, sur cette question, qu’on jugeait en droit et non pas en équité, mais vous conviendrez que le droit est en permanence en recherche d’équité et se construit sur la recherche d’équité.

Le droit s’applique d’autant mieux que la matière juridique est bien maîtrisée, cela va de soi, mais aussi que la matière économique, en l’espèce du milieu économique de l’entreprise, est bien connue elle aussi : dans la réponse en droit à un litige, cela donne une supériorité a priori au conseiller prud’homal sur le juge.

L’idée est donc de maintenir au maximum et le plus longtemps possible la mainmise du conseiller prud’homal plutôt que d’un juge professionnel. C’est dans ce sens qu’est déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. L’avis est clairement défavorable. On est au cœur de la réforme puisqu’on souhaite mettre en place des dispositifs visant à réduire les délais. Encore une fois, il ne s’agit pas d’incriminer les conseillers prud’hommes, je pense avoir été très clair sur ce point. J’ai même produit les statistiques qui prouvaient qu’ils n’y étaient pour rien. Donc non seulement je l’affirme, mais encore je le démontre, ce qui me paraît bien mieux, notamment en justice.

Il ne s’agit pas pour autant de ne pas prendre de mesures. Or, sous réserve que les greffiers soient présents, pouvoir juger à deux au lieu de quatre, et pouvoir tenir en parallèle deux audiences quand actuellement vous ne pouvez en tenir qu’une, cela ne me paraît pas inintéressant, notamment dans les grands conseils, qui traitent un nombre d’affaires extrêmement important et où on a besoin de dédoubler les audiences. C’est ce qu’on appelle le court-circuit… pardon le circuit court.

M. Philippe Vigier. Lapsus révélateur !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je m’étais interdit de recourir à ces expressions, mais puisqu’elles ont déjà été utilisées je peux les reprendre.

Le court-circuit portait bien son nom parce qu’on avait vraiment l’impression qu’on court-circuitait le conseil des prud’hommes. Mais il ne s’agit pas de cela aujourd’hui. Si vous adoptez l’amendement que je défends ensuite, seuls les conseillers prud’hommes du bureau de conciliation pourront renvoyer les parties devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur. Cela veut dire que les parties ne pourront pas l’exiger ; elles pourront éventuellement le demander, mais les conseillers prud’hommes seront libres de faire intervenir plus tôt le juge départiteur.

Au nom de quoi le refuserait-on si les conseillers pensent que c’est de meilleure justice ? Il faut tout de même prendre en considération l’intérêt du justiciable. Je vous ai expliqué tout à l’heure pourquoi, dans certaines affaires, on sait qu’elles seront renvoyées en départage. C’est pour cela aussi qu’il y a du sens, pour des avocats qui savent qu’une affaire va être renvoyée en départage, de suggérer au bureau de conciliation de faire en sorte qu’elle vienne devant un bureau de jugement présidé par un juge professionnel. Mais, encore une fois les prud’hommes restent complètement maîtres de la procédure : il n’y a donc pas d’échevinage. Il y aurait échevinage si on imposait la présidence d’un magistrat professionnel. Quand le juge départiteur est saisi, c’est pour éviter qu’il y ait déni de justice du fait du départage : on ne peut pas parler d’échevinage.

Je trouve que les conseillers prud’hommes font preuve d’un grand esprit de responsabilité quand, sachant qu’il y aura départage, ils décident de ne pas imposer aux parties une audience inutile et de faire intervenir immédiatement le juge professionnel. Voilà pourquoi je vous demande de rejeter ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Vous dites, monsieur le rapporteur, que le but est de ne pas saisir directement le magistrat professionnel. C’est pourtant ce qui est écrit à l’alinéa 73 : « 2° Renvoie les parties, si elles le demandent ou si la nature du litige le justifie, devant la formation de jugement mentionnée […] présidée par le juge […] ». Le juge en question, que je sache, est bien un magistrat professionnel.

En électricité, monsieur Robiliard, un circuit court, c’est un court-circuit. Ce que vous nous proposez c’est de l’échevinage organisé.

Je suis un peu surpris qu’un homme comme vous, qui connaissez parfaitement la justice prud’homale et qui êtes attaché à la procédure de conciliation, vous évacuiez presque complètement cette procédure.

Je suis en train de comprendre pourquoi vous essayez de tout faire pour réduire les délais. Mais nous sommes quatre groupes politiques, l’UMP – nos collègues ne sont pas là mais nous parlons en leur nom – nos amis écologistes, Mme Fraysse et nous-mêmes à vous dire que c’est de l’échevinage que vous êtes en train de mettre en place, qu’une fois de plus vous tordez le cou à une institution prud’homale qui a fait ses preuves, même si elle n’est pas parfaite. Je vous le disais tout à l’heure sur la justice administrative – et d’ailleurs vous ne m’avez pas répondu. Ce que je vous ai dit sur les délais, c’est la vérité absolue. Or vous ne faites rien pour remédier à cela.

Il y a une difficulté à laquelle vous n’apportez pas de réponse, pas plus que le ministre : il vous faudra plus de magistrats professionnels. Vous pouvez dire ce que vous voulez : soit vous avez de nouveaux moyens pour le budget de la justice – on l’apprend ce soir et vous m’expliquerez où sont ces moyens : je serai heureux, nous serons tous heureux de l’entendre –, soit vous avez mis vos pas dans ceux du rapport Marshall, dont on connaît très bien l’accueil formidable que lui a réservé le milieu judiciaire.

Tout à l’heure on a créé le défenseur syndical, qui est un avocat au rabais. C’est de la justice low cost. Maintenant vous êtes en train d’écarter les juges prud’homaux. Prenons rendez-vous dans un an ou un an et demi pour dresser le bilan de cette réforme et voir si, oui ou non, elle aura porté ses fruits. Vous le verrez, la frustration sera immense partout sur le territoire. Ça y est, l’échevinage aura été mis en place ce soir. C’est vous qui l’aurez fait, nous saurons nous en souvenir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il faut dire les choses honnêtement, monsieur Vigier : il ne s’agit pas d’un débat entre la droite et la gauche.

M. Pascal Cherki. C’est un débat entre la droite et la droite !

M. Philippe Vigier. Que je sache, Mme Fraysse et les écologistes ne sont pas encore de droite !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le rapporteur veut seulement dire que le sujet n’est pas politique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. On cherche ce qu’il y a de mieux en matière judiciaire pour résoudre les conflits prud’homaux, c’est-à-dire les conflits individuels du travail. Le parti qui a été pris dans l’examen du projet de loi, c’est celui du respect du paritarisme, et nous avons démontré que cela fonctionnait.

Vous me dites que l’alinéa 73 ne respecte pas le paritarisme.

M. Philippe Vigier. Je n’ai pas dit ça !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Vous me dites, monsieur Vigier, qu’on impose l’échevinage et qu’on se souviendra que j’en suis le responsable. Je vous ai dit tout à l’heure que je déposais un amendement n3265. Je vous le lis : « Au début de l’alinéa 73, substituer au mot :« renvoie » les mots : « peut renvoyer ». Cela veut dire que le bureau de conciliation et d’orientation peut renvoyer les parties, si elles le demandent ou si la nature du litige le justifie, devant la formation de jugement présidée par un magistrat professionnel. Autrement dit, puisqu’il faut que le bureau de jugement le décide, il faut que les deux conseillers prud’hommes soient d’accord pour que l’affaire soit renvoyée devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur. Voilà la condition, indépendamment de la position des parties. Il n’y a donc pas d’échevinage, puisque ce sont les conseillers qui décident, avant départage, de faire intervenir le juge départiteur.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Les mots ont de l’importance, monsieur le président Vigier. Vous avez dit tout à l’heure l’attachement qui est le vôtre, et que nous partageons, aux juges prud’homaux. Il ne faut donc pas prononcer des mots qui font peur s’ils ne reflètent pas la vérité, comme ce mot d’échevinage. La réforme qui vous est ici proposée n’a rien à voir avec le rapport Marshall ni avec le rapport Lacabarats. Le rapporteur vient de vous l’expliquer : dans la mesure où la procédure ne peut être accélérée qu’à l’initiative des juges prud’homaux eux-mêmes, on ne peut pas parler d’échevinage.

Si cela avait été à l’initiative d’une des parties, voire des deux, ce qui était encore le cas à l’issue de la commission spéciale, j’aurais pu accepter ce que vous dites – et encore, cela aurait pu se discuter. Mais ce n’est pas le cas.

Enfin, monsieur le président Vigier, il y a quelques semaines, à propos du permis de conduire, vous vous montriez réformiste, préoccupé du sort de nos concitoyens, notamment des jeunes. Or depuis tout à l’heure vous parlez de la justice prud’homale sans avoir un mot pour les justiciables. C’est regrettable. Nous respectons et défendons les juges prud’homaux, mais il y a aussi les justiciables, et c’est aussi pour eux que cette réforme est faite.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, il y a trois semaines, vous auriez mieux fait de m’entendre jusqu’au bout. Je ne comptais pas reparler ce soir de votre réforme du permis de conduire, mais on peut le faire. Franchement c’est un dixième de réforme, et vous le savez très bien, monsieur le ministre. Vous savez parfaitement que la proposition que l’UDI défendait, notamment par la voix de notre collègue Fromantin…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ce n’est plus le sujet !

M. Philippe Vigier. Monsieur le président Brottes, je comprends votre déception : les arbitrages ministériels sont passés par là…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Mais non !

M. le président. Laissez le président Vigier s’exprimer !

M. Philippe Vigier. Monsieur le président Brottes, je comprends que vous soyez un petit peu déçu qu’on ne soit pas allé au bout de la réforme…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pas du tout.

M. le président. Monsieur Brottes !

M. Philippe Vigier. …parce que je pense que vous étiez disposé à nous accompagner et qu’au fond vous regrettez de ne pas l’avoir fait.

Vous venez de reconnaître, monsieur le ministre, que nous incarnions la modernité, alors que vous incarnez l’archaïsme d’un gouvernement qui n’est pas allé au bout du chemin.

Puisque les mots ont un sens, monsieur le ministre, répondez-nous : avant que ce texte n’arrive en commission spéciale, un seul des juges prud’homaux d’un des deux collèges ne pouvait-il pas saisir le juge, oui ou non ?

M. Jean-Yves Caullet. Mais ça, c’était avant !

M. Philippe Vigier. Merci de l’avouer, mon cher collègue ! Monsieur le rapporteur, votre collègue vient de vous désavouer en plein hémicycle. Avant que ce texte n’arrive en commission spéciale, il y avait un circuit court.

Lorsqu’on prépare un texte aussi important, monsieur le ministre, qui a pour but la croissance, l’emploi, l’égalité des chances économiques, il y a des arbitrages à faire, des concertations à mener ; on veille à ce que rien ne puisse laisser le sentiment que le dialogue social auquel en principe cette majorité est attachée ait été court-circuité.

Il ne vous a d’ailleurs pas échappé que j’ai déposé deux amendements visant à éviter qu’on revienne d’un corridor en passant par un autre corridor, si vous voyez ce que je veux dire, monsieur le ministre. On a vu qu’on supprimait un corridor mais qu’une passerelle arrivait. On verra ce qu’il en sera après le Sénat, mais sachez bien que nous serons sur le pont pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de corridor.

Monsieur le ministre, à chaque fois qu’on fera intervenir un juge le plus rapidement possible dans la procédure prud’homale, ce sera ressenti par les juges prud’homaux…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Mais non !

M. Philippe Vigier. Je vais vous faire une confidence, monsieur le président Brottes. Au cours de la législature précédente, on a voulu supprimer le conseil de prud’hommes de ma petite ville. J’étais donc allé voir M. Bertrand, qui était alors ministre du travail. Il se trouvait que 800 salariés avaient été licenciés dans la belle ville de Châteaudun. Je m’étais aperçu à cette occasion à quel point les conseils de prud’hommes étaient indispensables. J’ai vu le rôle qu’ils jouaient et j’ai vu surtout l’importance de la proximité de la justice prud’homale.

Cette justice prud’homale a fait ses preuves, monsieur le ministre. Qu’il faille la faire évoluer, la moderniser, raccourcir les délais, sécuriser les procédures pour les justiciables, je ne le conteste pas. Mais ce que vous faites ne va pas dans ce sens, et je le regrette.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que j’ai sursauté lorsque vous avez dit que nous ne pensions pas aux justiciables lorsque nous avons évoqué l’échevinage.

J’ai eu l’impression que vous dévalorisiez le paritarisme en estimant que le juge professionnel jugeait mieux qu’une instance paritaire.

Vous dites que l’UDI est opposée à la réforme et qu’elle ne soutient pas les justiciables. Mais que viennent-ils faire là ? Nous sommes contre l’échevinage, nous sommes contre l’installation d’un juge professionnel en plein cœur du paritarisme, lequel a fait ses preuves et qu’un certain nombre de pays nous envient.

L’institution du conseil des prud’hommes fonctionne bien et depuis longtemps. J’ai tout de même été pendant dix ans conseiller prud’homal : je sais de quoi je parle.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Et malgré cela, l’institution fonctionne ! (Sourires)

M. Francis Vercamer. Elle n’a pas besoin d’un juge professionnel en son sein, sauf en cas de départition car, dans le cas contraire, vous risquez de démotiver les bénévoles qui rendent la justice au nom du peuple français, et qui la rendent bien.

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Ce n’est pas parce que certains groupes ont plus de mal que d’autres à gérer leur temps de parole qu’il faut que vous vocifériez pendant que nous nous exprimons.

Afin que l’Assemblée retrouve un peu de calme, monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Jégo, je ne trouve pas que l’ambiance soit mauvaise par rapport à ce qu’elle a pu être dans d’autres débats.

Si vous maintenez votre demande, je vous propose une suspension d’une minute pour que chacun retrouve son calme mais, franchement, cela ne s’impose pas.

Maintenez-vous votre demande ?

Vous avez la parole.

M. Yves Jégo. Ne vous en déplaise, je trouve que le climat (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) est désagréable, que les vociférations ne sont pas acceptables non plus que les mises en cause du président du groupe UDI et qu’il n’est ni élégant, ni poli, ni courtois, lorsque je prends la parole, de parler de boy’s band (Rires sur les bancs du groupe SRC).

Peut-être cela fait-il rire certains parmi vous mais je ne suis pas sûr que ceux qui, à cette heure déjà tardive, ont le courage de nous regarder riront compte tenu de la gravité des sujets que nous évoquons ce soir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela fait trois semaines que nous sommes ici ! Nous avons le droit de nous détendre un peu !

M. Yves Jégo. Ce n’est pas en insultant…

M. le président. S’il vous plaît, s’il vous plaît !

M. Yves Jégo. Monsieur le président, je vous demande juste de ramener un peu de calme.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Jego débarque dans ce débat, et voilà qu’il vient nous donner des leçons !

M. le président. Pour montrer à M. Jégo que, comme vous tous, je souhaite le retour du calme et alors même qu’il n’est pas habilité à demander une suspension de séance…

M. Yves Jégo. Je souhaite terminer…

M. le président. …puisque c’est M. Vigier qui l’est, je vous propose une suspension de deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures deux, est reprise à vingt-trois heures quatre.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 1584 rectifié, 2162 et 3236.

(Les amendements identiques nos 1584 rectifié, 2162 et 3236 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3265.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Un mot afin de bien convaincre M. le président Vigier : le bureau de conciliation sera maître. Par conséquent, il pourra opérer un renvoi, soit à la demande des parties, soit d’office.

Vous pourrez ainsi lever votre procès en soupçon d’échevinage.

(L’amendement n3265 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1910.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n1910, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2995.

M. Philippe Vigier. Je serai très rapide et comme, pour être aimable avec M. Robiliard, je ne ferai aucun procès en soupçon d’échevinage, j’imagine qu’il sera favorable à cet amendement visant à ce que « ce renvoi ne peut être demandé par un seul conseiller prud’hommes ».

Afin de rassurer tout le monde, il s’agit d’acter définitivement que nous n’en reviendrons pas à des vieux démons.

L’amendement n3011 rectifié, qui prend place un peu plus loin et que je me propose d’exposer dès maintenant, dispose quant à lui qu’un « conseiller prud’hommes ne peut seul saisir le juge du tribunal d’instance mentionné à l’article L.1454-2 du code du travail. ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Vigier, car non seulement il est satisfait et de toute façon sa rédaction ne serait pas opératoire.

En effet, comme c’est le conseil des prud’hommes qui décide, un conseiller, à la différence des parties, ne peut faire une demande de renvoi. Le conseil ne fait que disposer. La rédaction que vous proposez n’est donc pas techniquement recevable.

Je le répète, votre amendement est satisfait : un seul conseiller ne peut demander le renvoi, à la différence du bureau, lequel comporte nécessairement deux conseillers. En effet, s’il n’y a pas parité, un nouveau passage en bureau de jugement « classique » s’impose avec deux conseillers employeurs et deux conseillers salariés, lesquels ne travaillent pas sous la présidence d’un magistrat professionnel mais avec un président et un vice-président, selon la procédure que vous connaissez.

Franchement, monsieur le président Vigier, il n’y a pas de piège. Votre amendement pèche par sa rédaction. Je souhaite donc que vous le retiriez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Un mot pour conforter la lecture que j’ai faite.

Rappelez-vous de notre discussion autour du Laboratoire français de fractionnement et des biotechnologies. Nous avions même adopté un amendement disposant que ce dernier ne serait pas privatisé et que si tel était le cas, on retournerait devant l’Assemblée. N’est-ce pas ce que nous avons adopté ici même ? Mme Valter s’en souvient très bien puisque nous avons eu l’occasion d’en parler ensemble.

Mon amendement visait donc à rassurer nos chers collègues sur le fait qu’il n’y aurait pas d’échevinage. Même si mon amendement est satisfait par celui à venir du rapporteur, une double protection me paraissait de bonne politique, tout simplement.

(L’amendement n2995 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1911.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Amendement de précision.

(L’amendement n1911, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2682 deuxième rectification.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement-ci va au-delà de la simple précision.

Clairement, en cas d’échec de la conciliation et, donc, de non-conciliation, le bureau de conciliation et d’orientation non seulement choisit la formation qui jugera l’affaire mais procède à la mise en état de l’affaire.

Il définira donc le calendrier et statuera sur d’éventuels problèmes de communication de pièces, sur des demandes qui peuvent être adressées à des tiers et sur d’autres demandes qu’il reviendra au pouvoir réglementaire de définir.

Malgré cet effort et à mon sens, la possibilité – définie par voie réglementaire – de saisir le bureau de conciliation et d’orientation après l’audience initiale – de la même façon que l’on saisit le juge de la mise en état devant le tribunal de grande instance – il peut arriver que le jour de l’audience devant le bureau de jugement l’affaire ne soit pas en état, pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

Dans ce cas, il me paraît important que le bureau de jugement puisse lui-même assurer la mise en état, par exemple, en désignant deux conseillers rapporteurs.

Tel est le sens de cet amendement.

(L’amendement n2682 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1912.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n1912, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n3011 rectifié.

M. Philippe Vigier. Je l’ai défendu en même temps que l’amendement n2995.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable puisque, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, cet amendement est satisfait et, d’autre part, son adoption ne serait pas cohérente avec la réforme puisque ce sera désormais un juge du tribunal de grande instance – et non du tribunal d’instance – qui assurera les fonctions de départage. Il y aurait donc un problème de raccord avec le texte de la réforme.

(L’amendement n3011 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Mme Jacqueline Fraysse a la parole pour soutenir l’amendement n2166.

Sur cet amendement n2166, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 86 à 89. Pourquoi ?

Vous voulez supprimer l’alinéa 2 de l’article 2064 du code civil. Or, celui-ci protège les salariés puisqu’il prévoit que les litiges nés à l’occasion du contrat de travail ne peuvent pas être résolus par des conventions de procédure participative, c’est-à-dire par une résolution à l’amiable du conflit en dehors de la présence du juge.

Les juges ont ménagé des exceptions à ce principe puisque la transaction est admise mais elle intervient après la rupture du contrat de travail – j’insiste sur le mot « après », car c’est là toute la différence.

Étant donné le lien de subordination et la dépendance économique du salarié envers l’employeur, comment penser qu’ils pourront résoudre à l’amiable et sur un pied d’égalité les litiges qui les opposent durant l’exécution du contrat ?

La rupture conventionnelle est construite sur le même principe en postulant une égalité entre les parties. Or, selon une étude du Centre d’études de l’emploi, dans plus de 40 % des cas, la rupture répond surtout au souhait de l’employeur et, dans 33 % des cas, les salariés souhaitent partir en raison de difficultés au travail. Comment peut-on alors prétendre que les salariés souhaitent rompre leur contrat de travail ?

Nous savons tous que l’employeur peut aisément exercer des pressions sur le salarié pour l’obliger à signer une convention. Il est vrai que la présence obligatoire de l’avocat constitue une sécurité mais cela reste évidemment très insuffisant puisque si le salarié est menacé et sous pression, il peut tout à fait demander à son avocat de laisser conclure une telle convention.

Nous ne pouvons donc pas souscrire à la conception selon laquelle le contrat de travail serait un contrat comme les autres, où les contractants seraient à égalité. Ce sont les fondements même du code du travail que vous remettez en cause.

Nous pensons qu’il faut refuser la résolution à l’amiable du conflit en dehors de la présence d’un juge.

C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement extrêmement important, ce qui justifie, monsieur le président, ma demande de scrutin public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur votre amendement, madame Fraysse, et nous y avons déjà débattu longuement de cette question.

La convention de procédure participative est une procédure récente, qui présuppose un contrat passé entre deux parties, assistées chacune de leur avocat pour résoudre un litige. Des statistiques existent sur le nombre d’accords auxquels ont abouti des conventions de procédure participative entérinées, soit par le tribunal de grande instance, soit par le tribunal d’instance – les conseils des prud’hommes ne sont pas concernés, puisque le recours à cette procédure en matière de droit du travail a été fermé par l’article 2064 du code civil. Ces cas ne se comptent certes pas sur les doigts d’une main, mais il n’y en a guère plus que quelques dizaines : leur nombre est infime.

Personnellement, je ne vois pas bien ce qui distingue une convention de procédure participative, extrêmement encadrée, d’une transaction négociée entre deux avocats qui assistent chacun leur partie et qui discutent tranquillement. De la même façon, je ne vois pas ce que vous reprochez à une discussion se déroulant dans le cadre d’un protocole sécurisé, dont l’une des parties est assistée d’un défenseur syndical. À ce propos, je m’insurge contre le fait que la défense syndicale ait pu être qualifiée de défense au rabais…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. …car certains défenseurs syndicaux sont d’une qualité remarquable.

M. Patrice Carvalho. Mieux que les avocats !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Mieux que certains avocats, parfois, mais mieux que les avocats, vous me permettrez d’en discuter ! Je ne cherche pas à établir des classements : je dis seulement que j’ai connu des défenseurs syndicaux remarquables aussi bien d’un point de vue juridique, qu’humain.

M. Patrice Carvalho. S’il y en avait un à votre place, ce serait mieux !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Puisque cette institution existe, au nom de quoi devrait-on interdire à un employeur et un salarié de l’utiliser ? Je ne vois pas, intellectuellement, ce qui peut le justifier. Ils ne sont certes pas à égalité, parce que l’employeur a peut-être plus de moyens que le salarié, mais rien n’oblige le salarié à y consentir. Je propose donc que l’on ouvre cette possibilité, sachant que, pour l’exécution forcée, il faudra une homologation.

À ce propos, je veux revenir sur la question de l’homologation, car elle donne lieu à des malentendus. La doctrine, sur ce sujet, est peu abondante. Marcel Foulon, président de chambre honoraire à la cour d’appel de Paris a rédigé, avec un professeur de droit, un fascicule du JurisClasseur – une encyclopédie juridique – sur les modes alternatifs de résolution des litiges. Ils indiquent que l’homologation comprend une double opération : l’approbation du juge et l’attribution de la force exécutoire, donc un contrôle du juge sur le contenu de la convention.

Mme Jacqueline Fraysse. Mais c’est un constat a posteriori !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il n’y a absolument rien de déraisonnable à rendre possible la convention de procédure participative en droit du travail. Pour ma part, je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait utile, mais en tout cas, cela ne mange pas de pain, comme on dit.

M. Jean-Patrick Gille. Si !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame Fraysse, je voudrais, à la suite du rapporteur, tenter de vous convaincre du bien-fondé de ce dispositif, qui est d’abord une possibilité nouvelle offerte aux parties. Il s’agit bien d’une possibilité, et en aucun cas d’une obligation.

Je suis sensible, comme je l’ai été tout au long de nos débats, à l’asymétrie qui existe entre le salarié et l’employeur. Mais ces procédures ne peuvent en aucun cas se faire en l’absence d’un avocat, dont la présence est obligatoire. Par ailleurs, cette convention n’a de force exécutoire – votre rapporteur vient d’y insister – que si elle est homologuée. C’est précisément ce que prévoit l’alinéa 85, que vous ne proposez d’ailleurs pas de supprimer. Sans homologation, les accords n’ont pas force exécutoire.

C’est une possibilité nouvelle qui est offerte. Elle est encadrée par la présence d’un avocat, et elle est sécurisée, parce qu’elle n’a pas force exécutoire sans l’homologation qui est prévue à l’article 85. Supprimer les alinéas 86 à 89 reviendrait en réalité à éliminer une option qui est offerte aux parties dans un cadre sécurisé pour les conduire à concilier plus vite et mieux : c’est tout. Il serait dommage de s’en priver.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je veux soutenir la position de notre collègue, Mme Fraysse, et défendre, par la même occasion, mon amendement, n2857, qui porte sur le même sujet.

Cet article revient en réalité à supprimer subrepticement l’alinéa 2 de l’article 2064 du code civil. Or je pense qu’il faut le maintenir, car il dispose que les procédures à l’amiable ne peuvent concerner le contrat de travail. C’est cela, le cœur du sujet. Aujourd’hui, tout contentieux sur le contrat de travail doit être traité dans le cadre du conseil des prud’hommes, et je pense que la situation doit rester inchangée, sans quoi il y a un vrai risque de dérive.

Pour faciliter la rupture du contrat de travail, on a créé la rupture conventionnelle, qui fonctionne – Mme Fraysse et moi n’avons d’ailleurs pas exactement le même point de vue sur ce sujet. Elle fonctionne, au moins quantitativement…

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, quantitativement…

M. Jean-Patrick Gille. …puisqu’on en compte plus de 250 000. On peut toujours s’interroger, se demander si elle ne fait pas office de préretraite dans certains cas…

Mme Jacqueline Fraysse. En effet !

M. Jean-Patrick Gille. …mais le dispositif fonctionne. Or la proposition du Gouvernement va fragiliser l’exclusivité des conseils de prud’hommes au profit d’une procédure inspirée – on le comprend bien – du droit anglo-saxon, qui a un coût pour le justiciable, puisque celui-ci doit prendre un avocat. Il y a aussi le risque que le salarié subisse une pression. Pression amicale, j’entends. Car ce qui est en jeu, en réalité, c’est la question des salariés protégés, qui pourront bénéficier, avant les autres, d’une discussion sur les conditions de leur départ.

Je considère qu’il faut maintenir l’alinéa 2 de l’article 2064 du code civil, car sa suppression reviendrait à introduire un cheval de Troie qui risquerait de remettre en cause la compétence exclusive des prud’hommes. Mais j’ai une proposition à vous faire : je suggère de réserver la convention de procédure participative à la résolution des différends qui ne portent pas sur la rupture du contrat de travail. Elle pourrait s’appliquer, par exemple, aux litiges qui concernent les heures supplémentaires ou le non-respect d’une partie de la convention collective. Pour le contrat de travail, nous avons déjà la rupture conventionnelle, avec l’homologation.

Adopter le dispositif qui nous est proposé – j’invite chacun à y réfléchir – reviendrait, je le répète, à introduire un cheval de Troie qui risque de porter atteinte à la spécificité du contrat de travail. Un contrat de subordination qui justifie le code du travail, ainsi que cette juridiction spécifique que sont les prud’hommes.

M. Christian Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce que vient de dire M. Gille me conforte dans ma question : j’allais demander à M. le ministre et à notre rapporteur ce qui se passera si la transaction se fait après la rupture du contrat de travail.

Je pense vraiment que l’on ne peut pas traiter le contrat de travail comme on traite les autres contrats.

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Comme Denys Robiliard l’a très bien expliqué, ce qui vous est proposé ici fait système avec les autres mesures qui sont proposées en vue de tarir la judiciarisation d’un certain nombre de litiges. Et je ne vois pas en quoi cela constituerait un cheval de Troie et ouvrirait une brèche dans la protection liée au droit du travail. Je répète en effet que seuls des conseillers prud’homaux peuvent contrôler et homologuer les conventions pour leur donner force exécutoire, de sorte qu’en réalité les juges prud’homaux ne sont pas dessaisis dans cette affaire, puisqu’eux seuls peuvent homologuer et donner force exécutoire aux conventions. Cette simplification, qui vise à rendre cette justice plus rapide et plus efficace, me semble donc cohérente et former un tout avec les autres mesures proposées.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2166.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants40
Nombre de suffrages exprimés38
Majorité absolue20
Pour l’adoption8
contre30

(L’amendement n2166 n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Gille, vous avez déjà soutenu votre amendement n2857.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Monsieur Gille, revenons à la réalité ! Aujourd’hui, des milliers de transactions se concluent au visa de l’article 2044 du code civil. Par définition, la transaction est un contrat qui met fin à un litige, y compris quand ce litige n’a pas été porté devant la justice ; elle a, entre les parties, l’autorité de chose jugée, ce qui signifie que l’on ne peut plus revenir dessus. Or la convention de procédure participative aboutit exactement au même résultat. La seule différence, c’est que l’on connaît la transaction depuis fort longtemps – elle doit dater, dans son principe, de 1804, comme le code civil – et qu’il s’en accomplit tous les jours en droit du travail. Tous les jours, et à l’insu du conseil !

L’homologation, d’ailleurs, signale en général un problème. Il existe en effet deux raisons à l’homologation. Parfois, dans certains bureaux, soyons clairs, elle permet d’obtenir plus facilement le paiement de l’aide juridictionnelle. D’autres fois, elle intervient parce qu’il y a un problème d’exécution et qu’il faut un titre exécutoire. On demande alors que la force exécutoire assortisse ce qui reste un contrat privé, d’où le contrôle et l’homologation par le juge. Je ne vois vraiment pas où est le danger. Et, au regard du nombre de conventions de procédure participative, à supposer que vous puissiez voir des Troyens, ce ne serait pas un cheval, mais une alouette. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(L’amendement n2857 n’est pas adopté.)

(L’article 83, amendé, est adopté.)

Après l’article 83

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n2797.

Mme Barbara Romagnan. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Défavorable, car d’essence réglementaire.

(L’amendement n2797, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 84

(L’article 84 est adopté.)

Après l’article 84

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n2805.

M. Francis Vercamer. Cet amendement du Gouvernement nous donne-t-il dix minutes de temps de parole supplémentaire, monsieur le président ?

M. le président. Non, monsieur Vercamer, pas celui-ci. (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement consiste à reporter de deux ans, c’est-à-dire à 2018, les élections des assesseurs aux tribunaux paritaires des baux ruraux, prévues en janvier 2016, pour permettre une concertation approfondie sur les modalités des prochaines élections. En effet, les tribunaux paritaires des baux ruraux statuent sur les litiges entre bailleurs et preneurs et sont présidés par le juge d’instance, et les dernières élections des assesseurs ont été émaillées de plusieurs dysfonctionnements. Pour parer aux difficultés rencontrées, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, avait proposé au Parlement, dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, de régler ce problème en transformant l’élection en une désignation.

Cette disposition, votée par le Parlement, a été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure, parce qu’elle avait été introduite en deuxième lecture de l’examen de la loi. J’insiste sur le fait que le Conseil constitutionnel n’a pas censuré la mesure sur le fond, mais uniquement sur la forme. Compte tenu des interrogations suscitées à l’époque par la réforme proposée, plutôt que de reproposer dans la foulée la même mesure, le ministre de l’agriculture considère qu’il convient de consulter de nouveau les partenaires syndicaux agricoles de manière plus approfondie sur cette question, en vue d’aboutir à un accord sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour améliorer le système, qui ne peut rester inchangé.

C’est pour permettre cette concertation que le Gouvernement a besoin du report de deux ans de la date d’élection prévue en janvier 2016, afin de répondre aux questions soulevées par une partie des partenaires agricoles sur la représentativité à ces élections, de mettre en place une organisation dont les coûts sont proportionnels au volume d’affaires traitées, et dont l’organisation ne sera plus entachée des dysfonctionnements rencontrés en 2010. Tel est l’objet de cet amendement, qui a été introduit par le Gouvernement, à la demande de mon collègue ministre de l’agriculture.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Belle juridiction d’échevinage !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit effectivement, pour le coup, d’une juridiction complètement échevinée. La commission a examiné cet amendement, mais n’a pas statué. Par conséquent, je lui donne un avis de sagesse.

(L’amendement n2805 est adopté.)

Avant l’article 85

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n2592 troisième rectification.

M. Éric Alauzet. Nous sommes confrontés à un problème de méthode. La réforme de l’inspection du travail est un serpent de mer : nous avions évoqué le sujet lors du débat sur la formation professionnelle il y a de nombreux mois. À cette époque, les écologistes s’étaient opposés aux propositions faites par le Gouvernement. Sur le fond, la réorganisation prévue ne nous paraissait pas permettre de renforcer les pouvoirs et l’indépendance de ce corps ; sur la forme, nous avions regretté que le Gouvernement ne donne pas à ce débat la place qu’il mérite pourtant.

Entre-temps, le Gouvernement a fait réformer l’inspection du travail par décret, et au printemps 2014, la commission des affaires sociales a examiné une proposition de loi présentée par notre rapporteur thématique, Denys Robiliard. La discussion a repris et un travail d’amendement important et constructif a été lancé. Nous avons alors pensé que le Parlement pourrait jouer son rôle.

Cet amendement a donc pour objet de reprendre la synthèse de ce travail, sur la base de la proposition de loi de Denys Robiliard, avec bien entendu l’ajout de quelques propositions écologistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Vous le savez, monsieur Alauzet, l’avis de la commission est défavorable. La situation dans laquelle nous nous trouvons me navre mais pour autant, je ne souhaite pas que l’Assemblée adopte votre amendement. Tout d’abord, parce que je vais présenter un amendement qui réforme le délit d’entrave de façon un peu plus précise.

S’agissant de l’inspection du travail, nous sommes confrontés à une double difficulté.

En premier lieu, le Gouvernement a annoncé qu’il souhaitait y revenir par voie d’ordonnances. Il s’en expliquera, mais il a indiqué qu’une nouvelle consultation des partenaires sociaux serait nécessaire. Pour avoir été associé après coup à la façon dont les choses se sont passées, je peux le comprendre. La réforme de l’inspection du travail a été négociée au sein du ministère avec les syndicats d’inspecteurs et de contrôleurs, et ce n’est que dans un deuxième temps qu’elle a été présentée aux partenaires sociaux dans leur dimension générale, alors que l’inspection du travail a un effet direct sur les entreprises. Ce premier élément me paraît justifier la nécessité d’un nouveau round de concertation.

En second lieu, la réforme de l’inspection du travail qui figure dans ma proposition de loi, elle-même issue de l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale qu’avait présenté Michel Sapin lorsqu’il était ministre du travail, repose, s’agissant des sanctions, sur la coexistence de sanctions administratives et de sanctions pénales. Autrement dit, l’édiction de sanctions administratives n’atténue en rien l’existence des sanctions pénales. Le cumul des deux est même possible en droit français aujourd’hui, par exemple pour le permis de conduire. La règle est que le total des sanctions administratives et pénales ne peut pas dépasser la plus sévère des peines prévues, qu’elle soit administrative ou pénale.

Toutefois, dans un arrêt du 20 mai 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé qu’il ne serait plus possible de mener les deux poursuites. Il peut y avoir deux systèmes, mais le choix de l’une des deux voies, pénale ou administrative, fermerait automatiquement l’autre.

Il est vrai que la réforme n’a pas été élaborée dans cet esprit-là. Aujourd’hui, je ne sais pas si cet arrêt interdit à un salarié ou un syndicat de se constituer partie civile et de mettre en mouvement l’action publique par voie de citation directe ou de plainte devant le juge d’instruction. C’est une question importante à mes yeux, et je n’ai pas la réponse à ce jour : elle requiert une consultation juridique extrêmement précise. Je pense d’ailleurs que nous n’aurons la solution qu’une fois que la Cour européenne des droits de l’homme aura rendu un arrêt sur un sujet identique.

Je ne vois pas en quoi le fait qu’un inspecteur du travail choisisse la voie administrative et que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, le Direccte, prononce une sanction administrative empêcherait la victime d’un acte délictuel de saisir, si elle le souhaite, la juridiction pénale. Voilà la difficulté juridique à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.

Je vous rappelle les dates, vous comprendrez ainsi cette difficulté : ma proposition de loi devait être débattue dans cet hémicycle le 20 mai. L’arrêt de la CEDH date aussi du 20 mai, et nous n’avons jamais examiné ma proposition de loi parce qu’à l’époque, nous examinions la proposition de loi sur la famille et que nos collègues de l’UMP faisaient de l’obstruction, de telle sorte qu’il a fallu décaler à plusieurs reprises…

M. Francis Vercamer. Il ne faut pas accuser les absents !

M. le président. Chacun aura remarqué votre solidarité, monsieur Vercamer.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il ne s’agit pas de juger les absents, mais du retard a été pris qui a fait que nous n’avons pas pu adopter cette proposition de loi.

Je souhaite que l’on ne change rien, c’est-à-dire que l’on articule le droit français avec le droit européen. Le droit européen a la primauté, allons au bout de la logique, et nous ne devrons changer quelque chose que si la CEDH juge qu’une partie civile ne peut pas saisir la juridiction pénale. Je pense qu’elle peut le faire, mais je peux me tromper.

Dans le temps d’examen de ce projet de loi, nous n’avons pas pu trouver un accord parce que la question juridique est extrêmement délicate. Nous n’avons donc pas pu faire de proposition.

Par ailleurs, monsieur Alauzet, nous aurions un problème de timing pour examiner votre amendement, long d’une dizaine de pages. Il faudrait entrer dans le détail : les pouvoirs qui sont donnés ne sont pas neutres, ils ont des conséquences sur les entreprises. Je n’imagine pas que l’on puisse faire cela même en une heure. je considère qu’une bonne journée serait nécessaire pour examiner les choses de façon honnête.

M. Francis Vercamer. Nous pouvons siéger demain !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Même s’il nous reste la journée de demain (Murmures sur divers bancs.), je ne souhaite pas que nous le fassions maintenant.

Enfin, je préfère que cette réforme passe par ordonnance plutôt qu’elle ne passe pas du tout parce que depuis sept mois, nous n’avons pas trouvé le créneau pour inscrire ma proposition de loi qui, elle, pourrait être examinée.

M. Philippe Vigier. Demandez au président Le Roux !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je ne voudrais pas que cette difficulté à trouver un créneau disponible se renouvelle. Si l’on habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance, il devra le faire. Prudence est mère de sûreté, et comme je veux que se fasse cette réforme de l’inspection du travail, qui me paraît essentielle pour la protection du droit du travail et des salariés, je préfère jouer la sécurité et en passer par une ordonnance plutôt que de ne rien avoir du tout.

M. Richard Ferrand, rapporteur général et M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Philippe Vigier et M. Francis Vercamer. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

Vous aurez noté, monsieur Alauzet, qu’en sept minutes vingt-deux secondes, le rapporteur vous a apporté de manière très pédagogique toutes explications.

M. Éric Alauzet. Au vu de la conviction du rapporteur, et parce que je ne veux pas le mettre dans la situation d’appeler à voter contre sa proposition de loi, je retire l’amendement.

(L’amendement n2592 troisième rectification est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je voulais remercier le rapporteur pour sa précision et son engagement, et redire la ferme volonté du Gouvernement de rédiger l’ordonnance sur le fondement de l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle et l’emploi, dont vous avez déjà été débattu, ainsi que du travail important et remarquable effectué par Denys Robiliard.

Le Gouvernement a bien l’intention de lever les questions juridiques qu’a rappelées monsieur le député Robiliard et qui sont apparues après l’adoption de l’article 20 en première lecture et en menant les dernières concertations. L’ordonnance qui sera prise vous sera bien sûr soumise pour ratification. Je vous remercie, monsieur Alauzet, d’avoir retiré cet amendement qui nous a permis d’éclaircir ce sujet, et je remercie également M. Robiliard pour le travail qu’il a effectué et son esprit de responsabilité.

Article 85

M. le président. Plusieurs députés sont inscrits sur l’article. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Avec cet article, nous abordons la partie de ce projet de loi qui concerne le droit du travail. Nous allons en étudier plusieurs aspects essentiels qui devraient concerner la protection des salariés. Depuis plusieurs jours, nous avons beaucoup discuté dans cet hémicycle du travail le dimanche. Mais la partie du projet de loi que nous allons maintenant examiner est à nos yeux tout aussi essentielle, et pour dire les choses franchement, si l’on veut redonner confiance à la partie de la majorité qui doute du bien-fondé de ce texte, il faudrait amender sur plusieurs points essentiels les différents articles que nous allons aborder et sur lesquels nous avons des désaccords que je vais expliciter tout au long de cette nuit.

Il y a dans notre pays une école de pensée qui considère nécessaire, ce sont ses mots, de « réduire les rigidités du marché du travail », soit, en d’autres termes, réduire les protections et les garanties dont bénéficient les salariés et qui sont le fruit de conquêtes du mouvement syndical, de la jurisprudence des tribunaux parfois, et du résultat des débats politiques au Parlement. Ce débat entre libéraux et progressistes sur le droit du travail est tout à fait essentiel, et sur certains aspects, il va probablement se rejouer dans les heures qui viennent.

L’idée terrible selon laquelle le code du travail tue l’emploi est très présente dans notre pays. Beaucoup, à droite, la défendent jour après jour et l’illustrent en expliquant que le code du travail, ce code qui compile notre législation sociale, est un des plus épais du monde, et qu’il constitue en soi un obstacle à la compétitivité de notre économie. Nous sommes très nombreux à penser de façon radicalement différente. Le code du travail, c’est la protection des salariés, c’est la cohésion sociale, et cela aussi contribue à la compétitivité.

Autant le présent projet de loi que des déclarations récentes – et je pense en particulier à des déclarations faites par le Premier ministre lors d’un récent voyage en Chine – ont pu donner le sentiment qu’il existait une compétition entre la France et l’Allemagne pour savoir qui protégeait le moins les salariés. Ce n’est pas l’approche que nous défendrons au cours de ce débat, vous vous en doutez. J’espère que ce n’est pas non plus celle que nos collègues du groupe socialiste défendront, ni celle du ministre.

Il n’empêche que le texte dont nous débattons pose des problèmes, dont certains sont considérables. C’est le cas de l’article 101, sur lequel nous devrions passer un long moment. Il réduit les protections dont bénéficient les salariés en cas de licenciement en réduisant la possibilité, lors d’un plan social, de faire appel aux moyens du groupe dont dépend une entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation. Pour beaucoup d’entre nous, et en tout cas pour moi, cet article est inadmissible.

J’ai relu avec intérêt les débats de la commission spéciale, et je connais maintenant par cœur les arguments déployés par notre collègue Robiliard, avec beaucoup de conviction, pour défendre cet article 101. Face à un tel article, deux attitudes sont possibles : soit on considère que le droit ne permet pas de contraindre un groupe à financer un plan de sauvegarde de l’emploi, soit on considère qu’il faut améliorer la défense et la protection des salariés, en particulier dans des périodes de chômage de masse et de restructurations industrielles massives. C’est cette deuxième option que devrait défendre, sur cet article 101 comme sur beaucoup d’autres, une majorité de gauche à l’Assemblée nationale. Mes chers collègues, le droit social est fait pour cela !

Dans plusieurs articles, ces questions vont être posées, et je ne doute pas de l’énergie que va déployer notre rapporteur thématique pour tenter de réduire les dégâts. Je m’interroge vraiment quant à la légitimité du Gouvernement pour réformer le corps de l’Inspection du travail par ordonnances. Il y a la question du délit d’entrave et de son éventuelle dépénalisation. Il y a l’ordre des licenciements, qui est aussi un aspect protecteur du droit du travail. Il y a, enfin, l’article 101, sans doute le vecteur de fragilisation le plus important. Si nous ne corrigeons pas ces dispositions de façon extrêmement précise et ferme au cours de nos débats, nous manquerons une occasion de faire progresser le droit du travail et la protection des salariés en France.

L’article 85 ouvre une nouvelle partie de notre débat, peut-être la plus sensible, davantage encore que la question du travail du dimanche qui nous a beaucoup occupés, et c’était bien le moins. Nous rentrons maintenant dans le dur de ce texte. Cet article pose de nombreux problèmes. Je le dis très solennellement à ce moment du débat : pour beaucoup d’entre nous, c’est cette partie du projet de loi qui déterminera notre vote pour ou contre ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je partage les vives préoccupations que vient d’exprimer mon collègue Christian Paul. Nous demanderons d’ailleurs, monsieur le président, un scrutin public sur l’amendement n2167 tendant à supprimer l’article 85. Selon notre rapporteur, mieux vaut prendre des ordonnances que ne rien faire du tout. Je ne sais pas si c’est social-démocrate mais, en tout cas, c’est une capitulation en rase campagne, monsieur le rapporteur !

Alors que nous avons longuement débattu et amendé en commission la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’Inspection du travail, le Gouvernement ne l’a jamais inscrite à l’ordre du jour de la séance publique. Je ne trouve pas cela normal et je ne comprends pas pourquoi on accepte cela. Aujourd’hui, avec l’article 85, le Gouvernement nous demande de l’autoriser à légiférer par ordonnances, autrement dit sans aucun débat, sur le contenu de cette proposition de loi qu’il n’a pas inscrite à l’ordre du jour pour différentes raisons que je ne connais pas et dont je ne peux juger. Je me demande bien pourquoi. N’êtes-vous pas tranquilles ? N’êtes-vous pas fiers des dispositions que vous envisagez ? Je ne comprends pas pourquoi vous ne présentez pas en séance publique ce texte relatif au contrôle et à l’application du droit du travail que vous dites vouloir moderniser et réformer.

Quant aux ordonnances, je ne vais pas vous répéter les réticences que nous avons toujours, nous autres députés, à l’égard de ce procédé législatif qui tend d’ailleurs à se multiplier dangereusement, dans de trop nombreux textes. Nous nous méfions a priori de cette procédure, parce qu’elle laisse carte blanche au Gouvernement qui s’exonère de tout débat, en particulier, évidemment, sur les sujets qui le gênent.

Peut-être plus encore que sur d’autres sujets, monsieur le ministre, nous mesurons l’importance des questions traitées : la modification des prérogatives de l’Inspection du travail, la révision de l’échelle des peines en matière de santé et de sécurité au travail, ainsi que – excusez du peu ! – la révision de la nature et du montant des peines et des sanctions applicables en cas d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Bien évidemment, il est question de les alléger !

Toutes les dispositions figurant dans ce texte sont malheureusement défavorables aux salariés. Je regrette de devoir le constater une fois de plus : quand on bouge, c’est toujours au détriment des salariés. Le délit d’entrave est une infraction très grave qui revient à priver les salariés de leur expression collective et qui renforce évidemment le caractère inégalitaire de la relation de travail.

Nous ne pouvons pas du tout accepter cette façon de procéder, ni sur le fond, ni sur la forme. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 85, sur lequel nous demandons un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je partage les arguments de Mme Fraysse concernant le recours aux ordonnances. Je n’y reviendrai pas.

Le rapporteur a utilisé une métaphore du monde de la boxe : il a déclaré qu’il fallait engager un nouveau round et développé des arguments très juridiques. Je suis sûr que nous ne boxons pas dans la même catégorie juridique ! Néanmoins, s’agissant de cette proposition de loi que nous allons transformer en ordonnance à la main du Gouvernement, il est vraiment temps de sonner le gong de la fin de la partie.

Cette histoire dure depuis un an. L’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle était prêt : il comportait des dispositions intéressantes, mais il s’est perdu dans les méandres de la discussion parlementaire afin que l’on puisse avancer dans l’examen du texte. Après tout, c’était bien normal. Par la suite, il semble que l’on n’ait pas trouvé le temps de revenir sur ce sujet. Il y a certes eu l’épisode de la proposition de loi relative à la famille et de ses 800 amendements qui ne nous ont pas permis de débattre, sur l’ordre du jour réservé au groupe SRC, de la proposition de loi de relative aux pouvoirs de l’Inspection du travail, dont j’étais responsable pour notre groupe. Avec Denys Robiliard, aux côtés duquel j’ai beaucoup appris en matière de droit du travail, nous n’avons cessé de demander au Gouvernement d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de la séance publique. Pourtant, rien ne s’est passé.

Mme Jacqueline Fraysse. Eh oui !

M. Gérard Sebaoun. Je ne comprends pas.

Un an plus tard, nous examinons le lourd véhicule législatif qu’est le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. C’était une nouvelle occasion, que nous devions saisir. Je regrette d’ailleurs que notre collègue Cherpion ne soit pas là pour en débattre, comme nous l’avons fait en commission.

Je ne reviens pas sur le fond du texte. Il suffit de reprendre l’amendement n2592 troisième rectification, déposé et retiré par le groupe écologiste, qui montre bien l’importance du travail réalisé, d’abord dans le cadre de l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, puis dans la proposition de loi de M. Robiliard.

J’ai beaucoup de mal à comprendre que l’on puisse habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances dans les matières énumérées aux alinéas 2 et 3 de l’article 85.

À l’alinéa 2, on remet entre les mains du Gouvernement la réforme de l’Inspection du travail, sans aucune précision quant à son contenu. Mais peut-être allez-vous nous dire, monsieur le ministre, que vous reprendrez l’ensemble de la proposition de loi de M. Robiliard, ainsi qu’un amendement que notre groupe aurait défendu en séance publique afin de donner aux inspecteurs du travail la possibilité, « sur la base d’un rapport identifiant les éléments constitutifs d’une unité économique et sociale », d’inviter « les entreprises et syndicats concernés à ouvrir des négociations en vue de la reconnaissance de cette unité ». Il s’agissait pour nous d’un amendement très important : pourrait-il s’agir, monsieur le ministre, d’une nouvelle prérogative de l’Inspection du travail ?

Quant à l’alinéa 3, très court, qui concerne le délit d’entrave, j’admets qu’il correspond aux propos du Président de la République, et je sais bien que le patronat a, depuis longtemps, très envie de revenir sur ce délit. On peut débattre de la fameuse peine d’emprisonnement mais on apprend dans le rapport qu’en 2009, seules deux peines de prison ont été prononcées pour 276 délits répertoriés. Ce n’est quand même pas grand-chose ! Et on nous dit que cela ferait peur à de très grands investisseurs étrangers, au point de les empêcher d’investir en France…

Mme Jacqueline Fraysse. On se moque de nous !

M. Gérard Sebaoun. Cet argument est très insuffisant pour justifier une modification du délit d’entrave.

Je ne suis pas favorable au fait de redonner, en trois lignes, la main au Gouvernement, à moins qu’on me garantisse que la totalité du travail que nous avons réalisé soit effectivement traduite dans l’ordonnance. Or je ne connais pas le contenu de cette dernière, et je ne souhaite pas que l’on modifie les dispositions relatives au délit d’entrave.

Mme Isabelle Attard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Nous regrettons que le Gouvernement veuille légiférer par ordonnances. Moi aussi, j’ai participé à l’examen en commission de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’Inspection du travail. J’étais d’ailleurs assez satisfait que ce texte soit discuté, puisque j’avais rédigé un rapport budgétaire pour avis sur ce sujet. Néanmoins, comme l’a dit le rapporteur, il vaut mieux légiférer par ordonnances que ne rien faire du tout.

Il est important de garantir l’indépendance de l’Inspection du travail. L’OIT a rappelé ce principe à plusieurs reprises : nous devons donc réaffirmer son indépendance, vis-à-vis des pouvoirs publics et de toute hiérarchie, afin de permettre à l’Inspection du travail d’exercer sa mission librement.

S’agissant des sanctions du délit d’entrave, j’avais beaucoup discuté, lorsque je travaillais sur mon rapport, avec les inspecteurs du travail et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Nous nous sommes aperçus que, malheureusement, seuls 1 ou 2 % des procès-verbaux transmis au parquet étaient suivis d’effet, tandis que 98 % ne faisaient l’objet d’aucune suite.

À l’époque, j’avais proposé la création d’une sanction administrative permettant de se retourner directement vers l’entrepreneur, sans attendre une action pénale qui n’arriverait peut-être jamais. Je suis assez satisfait que cette proposition ait été retenue dans le texte de M. Robiliard, malgré quelques détails à propos desquels nous aurions pu discuter et déposer des amendements. J’espère, monsieur le ministre, que vous irez dans le même sens, c’est-à-dire que des sanctions administratives permettront d’intervenir directement auprès de l’Inspection du travail et de corriger plus rapidement les anomalies constatées. D’ailleurs, ces problèmes devraient, si possible, être réglés de manière amiable : après tout, l’objectif n’est pas de sanctionner, mais bien de réparer et de s’assurer que le salarié est correctement traité, que sa sécurité est garantie et que le droit est respecté.

Je veux aussi réagir à l’intervention de M. Paul, qui avait l’air de nous considérer comme des affreux libéraux voulant casser le code du travail et pensant que plus c’est libéral, moins le code du travail est volumineux, mieux c’est. C’est absolument faux, monsieur Paul. Nous ne sommes pas le Soviet suprême du parti socialiste ! Nous sommes simplement pragmatiques : nous considérons que le droit du travail doit fixer les principes fondamentaux et que les relations du travail concrètes doivent relever du dialogue social. C’est ce que nous proposons depuis toujours.

Vous, monsieur Paul, vous êtes pour le dialogue social mais vous voulez tout inscrire dans la loi.

Mme Jacqueline Fraysse. Non, pas tout !

M. Francis Vercamer. Ce n’est pas notre cas. Nous considérons que les partenaires sociaux sont aptes à négocier et à trouver des accords,…

Mme Jacqueline Fraysse. Nous aussi !

M. Francis Vercamer. …qu’il s’agisse d’accords interprofessionnels, de branche ou d’entreprise.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Francis Vercamer. La loi ne doit servir qu’à fixer des garde-fous pour éviter que le dialogue social ne dérape.

M. Yves Jégo. Très juste !

M. Francis Vercamer. Voilà notre position. Ce n’est peut-être pas la vôtre, monsieur Paul, mais ne dites pas que nous considérons qu’il ne faut plus de droit du travail du tout. Ce n’est pas du tout ce que nous disons : bien au contraire, nous considérons que le salarié doit être protégé, mais qu’il faut aussi permettre à l’entreprise de se développer. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui, parce qu’un certain nombre de lois et même d’amendements que vous avez déposés, ou que les frondeurs ont déposés – il me semble que c’est ainsi qu’on vous appelle –, bloquent le système. Dans le cadre du présent projet de loi, nous avons d’ailleurs déposé des amendements pour supprimer ces obstacles. J’espère que vous aurez encore du temps pour en discuter – nous en disposons encore, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas pour vous.

M. le président. Sur l’amendement n2167, tendant à supprimer l’article 85, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour répondre sur l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je propose de répondre à M. Paul au moment de l’examen de l’article 101 : nous aurons nécessairement le temps de discuter, puisque j’ai déposé un amendement hors délai qui rouvrira du temps de parole.

M. Christian Paul. On pourrait d’ores et déjà le lire.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Certains de nos collègues l’ont déjà fait, puisqu’ils m’ont demandé des explications. Mais je le tiens à votre disposition séance tenante.

Revenons à l’article 85. Nous avons déposé deux amendements, le premier visant à supprimer l’habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance pour la réforme du délit d’entrave, le second visant à adopter cette réforme séance tenante. Par conséquent, sous réserve qu’ils soient votés, le problème ne porte plus que sur l’inspection du travail. À cet égard, je vous ai fait part de mon analyse. Je sais que le sabre est un poisson comestible, mais ici, il ne s’agit pas que du poisson…

Pour autant, mon côté paysan me pousse à préférer la sécurité : un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Je tiens donc à ce que l’habilitation à agir par ordonnance demeure, afin que l’on puisse aller au bout de la réforme.

Vous sembliez, madame Fraysse, déplorer que la réforme de l’inspection du travail ne lui accorde pas des pouvoirs supplémentaires. Elle en déjà, qui sont loin d’être négligeables. Mais permettez-moi de vous rappeler que l’article 20 de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale avait été voté dans cet hémicycle par notre majorité, et que le groupe GDR ne l’avait pas voté. Permettez-moi aussi de rappeler que ce même article 20 avait été supprimé au Sénat sur proposition d’un amendement communiste, qui a été adopté grâce aux voix de la droite. C’est ainsi que les choses se sont passées.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Eh oui !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Afin de ne pas faire échouer la commission mixte paritaire, de façon à ce que la réforme de la formation professionnelle puisse entrer en vigueur plus rapidement, l’article n’a pas été repris. Mais pour ma part, j’étais d’avis qu’il fallait préférer une deuxième lecture à l’Assemblée, tant pis pour la commission mixte paritaire.

Mme Jacqueline Fraysse. Je m’en souviens.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Lorsque j’ai déposé ma proposition de loi, je l’ai fait à la demande de Michel Sapin : vous comprenez bien que ce genre de proposition ne se fait pas sans l’aval du Gouvernement. Je l’ai rédigée avec l’aide du ministère du travail. Elle est passée en commission, a été inscrite à l’ordre du jour du 20 mai 2014, puis a été repoussée sine die. À plusieurs reprises, j’ai plaidé pour une nouvelle inscription à l’ordre du jour, mais sans succès.

Aujourd’hui, si je soutiens la solution de l’ordonnance, c’est que je sais qu’il y en aura une. Dans cette réforme, qui occupe tout de même dix-sept pages, il y a des points comme l’extension du champ des arrêts temporaires d’activité pour risques chimiques, ce qui est très important pour la sécurité des salariés ; l’extension de la procédure d’arrêt temporaire des travaux au-delà des chantiers du BTP – car des gens qui travaillent en hauteur sans dispositif individuel ou collectif de protection, cela existe ailleurs que dans le BTP ; des pouvoirs d’enquête sur les analyses qui peuvent être ordonnées, le droit d’accès et de copie et la modernisation des copies par rapport aux supports – car aujourd’hui, prendre une copie, ce n’est pas simplement passer à la photocopieuse, c’est aussi avoir accès à une clé USB, à un lien…

Il y a encore une réforme des sanctions administratives ; l’instauration d’un mécanisme de transaction pénale pour un certain nombre d’infractions ; la possibilité de procéder par voie d’ordonnance pénale pour le traitement judiciaire des contraventions du droit du travail, possibilité qui avait été exclue – rétrospectivement, on se demande bien pourquoi s’agissant des contraventions de cinquième classe en matière de droit du travail. Par voie d’amendement, nous avions encore ajouté la possibilité pour un inspecteur du travail de tenter de rapprocher les parties, salarié et employeur, pour la reconnaissance d’une unité économique et sociale – UES : dès lors que l’inspecteur constatait les éléments constitutifs de l’UES, en l’absence d’accord collectif, le rapport établi par l’inspecteur, qui était à la disposition des parties, pouvait servir de base à une action judiciaire.

Je souhaiterais que tous ces éléments figurent dans la loi. La réforme de l’inspection du travail tenait sur deux jambes. Michel Sapin avait fait le choix de montrer la cohérence de sa réforme avec la restructuration de l’inspection du travail, qui passe d’un inspecteur et deux contrôleurs par section à des unités de contrôle au niveau régional et national, le tout assorti de pouvoirs renforcés de l’inspecteur du travail. N’oublions pas qu’il y a deux millions d’entreprises, et 2 500 agents de contrôle de l’inspection du travail !

Il ne s’agit donc pas de mettre un inspecteur derrière chaque employeur, de contrôler ces derniers à tire-larigot et de les suspecter de tous les crimes : non, il s’agit de doter l’inspection du travail d’un véritable pouvoir. Tel est l’enjeu de cette réforme.

La meilleure façon de la faire aboutir aujourd’hui, et j’aurais préféré qu’il en soit autrement, c’est d’habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance. C’est ce que je pense, et donc je vous le dis. C’est la raison pour laquelle il faut adopter l’article 85, sans quoi nous n’aurons ni la réforme sur l’entrave ni la réforme de l’inspection du travail.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 85 comporte deux dispositions essentielles. La première concerne le délit d’entrave. Sur ce point, les rapporteurs présenteront un amendement de suppression de l’habilitation à procéder par ordonnance et un autre amendement visant à inscrire la réforme dans la loi.

Il était normal, et cela répondait à un engagement présidentiel, de préciser et de délimiter les contours de cette réforme, de renforcer les sanctions et de supprimer les peines d’emprisonnement en cas de délit d’entrave, même si celles-ci étaient très peu, voire pas du tout prononcées. C’est le genre de règles inutiles et inappliquées qui envoient des signaux négatifs pour l’investissement en France et que le pragmatisme commande de supprimer, mais en montrant explicitement que cela n’enlève aucun droit, aucune protection au salarié. Tel sera l’objet de l’amendement présenté tout à l’heure par votre rapporteur.

Pour ce qui est de l’habilitation à procéder par ordonnance s’agissant de la réforme de l’inspection du travail, lors du long débat qui a eu lieu autour de l’amendement du groupe écologiste, qui a été retiré, j’ai pris l’engagement au nom du Gouvernement que le texte s’appuierait sur la proposition de loi. L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme est postérieur au texte. Les révisions et la concertation sont en cours. Vous serez associés au travail de rédaction de l’ordonnance, car il n’est pas question de la rédiger de manière subreptice. J’indique d’ores et déjà que François Rebsamen présentera avant signature le texte de l’ordonnance à la commission des affaires sociales, afin qu’elle soit discutée dans le détail et que chaque article et chaque disposition soient débattus dans la plus grande transparence.

Telle est bien l’intention du Gouvernement. Plutôt que de légiférer par ordonnance, nous aurions préféré inscrire directement des améliorations dans la loi, je ne vous le cache pas. C’est la démarche que j’ai constamment privilégiée pour ce texte. Mais cela n’a pas été possible, et je ferai appel à cette procédure avant signature de l’ordonnance et avant l’habilitation.

Telles sont les clarifications que je souhaitais apporter s’agissant des deux dispositions de cet article. Avis défavorable donc à l’amendement de suppression.

Pour terminer, monsieur Paul, vous avez eu des mots très durs. Peut-être ont-ils excédé votre pensée, c’est ce que j’ose espérer.

M. Christian Paul. Je ne le crois pas.

M. Emmanuel Macron, ministre. Si ce n’était pas le cas, permettez-moi de vous livrer également le fond de ma pensée.

Nous avons déjà tenu plus de 180 heures de débat, en commission et dans l’hémicycle. Sur tous les sujets, et je viens encore de le faire en répondant à M. le député Sebaoun, je vous ai toujours livré la totalité de ce que le Gouvernement faisait et voulait faire. J’ai tout expliqué en détail, dans chaque domaine. J’ai exposé quelle était la philosophie des textes, et leurs modalités.

Avant un débat plus précis, vous avez tenu un propos général qui introduisait de la suspicion et mettait en cause la volonté du Premier ministre et la mienne.

M. Christian Paul. Pas de la suspicion, de la contradiction.

M. Emmanuel Macron, ministre. Non, de la suspicion. Celle que le Gouvernement, qui a opté pour une approche pragmatique en matière de croissance et d’activité, remettrait en cause les droits sociaux et voudrait aller vers un moins-disant social. Ce n’est pas le cas de ce texte, et nous sommes en train de vous le démontrer.

M. Christian Paul. Je vous citerai les propos que le Premier ministre a tenus devant la représentation nationale !

M. le président. Monsieur Paul…

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous sommes en train de vous le démontrer au cas par cas. D’ailleurs, lorsque nous abordons le détail des amendements, vous constatez à chaque fois que votre argumentation ne tient pas.

Ce genre de propos insidieux, surtout de la part d’un membre de la majorité, je les trouve profondément déplaisants. Vous vous êtes exprimé de cette façon à propos du LFB, le Laboratoire français de fractionnement et des biotechnologies, et vous recommencez ce soir. Votre propos est imprécis, il ne tient pas la mer. Vous n’opposez pas des arguments à d’autres arguments. Vous vous en tenez à un propos général qui cherche à installer l’idée que ce Gouvernement détricoterait les droits sociaux ou s’inscrirait dans une compétition pour les réduire.

Cela, je ne peux pas le laisser dire, monsieur Paul. Ce n’est pas à la hauteur de la qualité des débats que nous avons depuis le début. Nombre de parlementaires du groupe socialiste n’étaient pas initialement en adéquation avec la philosophie de ce texte. Mais ils ont fait l’effort d’entrer dedans, de travailler, avec honnêteté, et ils l’ont amélioré. C’est le cas par exemple du rapporteur Denys Robiliard.

Vous n’êtes pas entré dans cette démarche, monsieur Paul. Je ne peux donc pas accepter vos propos. En particulier s’agissant du Premier ministre, vous êtes allé trop loin. En tant que membre du groupe socialiste, vous ne pouvez pas le mettre en cause comme cela, vous ne pouvez pas dire ce que vous avez dit.

M. Christian Paul. De quel droit ?

M. Emmanuel Macron, ministre. La volonté profonde du Gouvernement, c’est d’améliorer le quotidien de nos concitoyens, de tout faire pour la croissance et l’activité et en même temps de ne rien céder. Sur plusieurs points, nous avons même montré que nous élargissions les droits de nos concitoyens.

Vous êtes allé trop loin ce soir, et c’était la deuxième fois, après vos propos sur le LFB. Les insinuations, surtout venant d’un député de la majorité, ne sont à la hauteur ni de nos débats, ni de ce qu’attendent nos concitoyens, ni du travail que nombre de vos collègues ont fait pour ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je ne vous répondrai pas, monsieur le ministre, sur le ton que vous venez d’employer.

M. Pascal Popelin. C’est déjà fait !

M. Christian Paul. Je ne considère pas que nous soyons dans cet hémicycle pour nous donner des leçons. (Exclamations sur certains bancs du groupe SRC.) Dans un débat comme celui-ci, peut-être l’apprenez-vous, il peut y avoir des discussions de nature technique, tout à fait légitimes, et il peut y avoir une discussion sur l’inspiration du texte, qui peut prendre un caractère général.

J’ai été profondément choqué, en tant que député élu de cette majorité et qu’homme de gauche, engagé depuis plus de trente-cinq ans dans son parti, d’entendre le Premier ministre, en dehors du sol national, en Chine, indiquer qu’il y avait en quelque sorte une compétition entre la France et l’Allemagne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Chers collègues, laissez terminer M. Paul !

M. Christian Paul. J’ai été choqué d’entendre le Premier ministre dire que le code du travail était plus protecteur en Allemagne, et que c’était une bonne raison pour que les investisseurs chinois viennent en France. Profondément choqué. Cela explique peut-être les propos que j’ai tenus tout à l’heure, et dont je ne m’excuse pas.

Ce débat n’est pas seulement une discussion de juristes, de spécialistes de droit du travail. C’est aussi une discussion politique.

M. Luc Belot. On n’est pas au congrès du parti !

M. Christian Paul. Vous m’interpellez sur le terrain politique, je vous réponds de la même façon. Nous pouvons poursuivre le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR.– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Jacqueline Fraysse. On est au cœur du sujet ! Moi aussi, j’ai été choquée !

M. le président. Madame Fraysse, dois-je considérer que vous avez défendu l’amendement n2167 ?

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2167.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants46
Nombre de suffrages exprimés43
Majorité absolue22
Pour l’adoption11
contre32

(L’amendement n2167 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n2645.

M. Éric Alauzet. Comme nous l’avons expliqué précédemment, nous contestons le principe de l’ordonnance concernant les alinéas 1 à 4, même si le rapporteur et le ministre ont montré une attitude volontaire : nous verrons le maçon au pied du mur…

S’agissant de l’alinéa 5, nous avons bien entendu les besoins et les inquiétudes des contrôleurs du travail, dont la transition vers le statut d’inspecteur du travail est en cours. C’est la raison pour laquelle, et compte tenu du caractère urgent de l’enjeu, nous n’avons pas d’objection majeure à ce que le Gouvernement procède par ordonnance sur ce point.

(L’amendement n2645, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n2618.

Mme Barbara Romagnan. Il est difficile de ne pas être d’accord avec Denys Robiliard, pour beaucoup de raisons (Sourires) et je connais certainement moins bien le droit du travail que beaucoup de ceux qui sont intervenus jusque-là. Pour autant, je ne suis pas convaincue, ni rassurée, par ses arguments. Sans faire de procès d’intention, ma lecture du texte me porte à penser que, globalement, il remet en cause les droits sociaux. Je ne doute pas de vos bonnes intentions, mais je ne partage pas vos propositions pour les mettre en œuvre.

Lorsque je doute, j’essaye d’en revenir à des choses simples. L’un d’elles, c’est qu’on ne réforme pas l’inspection du travail, a fortiori le droit du travail, par ordonnance. J’ai entendu les réponses qui ont été données, mais je continue à penser que ce n’est pas souhaitable. Je connais le travail effectué par Denys Robiliard. Pourquoi ne sert-il pas de base de discussion ? Pourquoi nous demande-t-on de valider le principe des ordonnances ?

Lorsqu’on dit vouloir valoriser le dialogue social, il ne me semble pas qu’on doive dépénaliser l’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Bien que prononcées rarement, les peines et les sanctions applicables conservent un caractère dissuasif nécessaire et utile.

Enfin, je pensais que nous étions tous d’accord pour dire que le droit du travail a pour rôle de rééquilibrer le rapport de force entre salariés et employeurs, qui est extrêmement déséquilibré, surtout lorsque le taux de chômage est si élevé. Or les propositions qui sont faites là affaiblissent plutôt les salariés et leurs représentants. D’où les amendements nos 2618 et 2595, qui visent à supprimer les alinéas 2 et 3.

(L’amendement n2618, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1585 deuxième rectification.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à rompre avec l’image d’une inspection du travail cantonnée dans son rôle de contrôle. Ce dernier est bien sûr indispensable pour s’assurer du respect du droit du travail et des salariés ; mais elle doit aussi assurer l’effectivité de l’application du droit dans l’entreprise et, plus largement, faire de la prévention. L’amendement vise donc à réaffirmer le rôle de prévention de l’inspection du travail, en complément de ses missions de contrôle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Défavorable, sans enthousiasme particulier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n1585 deuxième rectification n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 3268, 1322 et 2595.

La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3268.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il vise à supprimer l’alinéa 3, puisque je proposerai dans un amendement ultérieur de réformer directement le délit d’entrave.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n1322.

M. Éric Alauzet. Il vise également à supprimer l’alinéa 3, mais j’entends le rapporteur annoncer une proposition sur le délit d’entrave. Je ne suis pas certain d’avoir bien compris…

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Les amendements sont identiques, mais nous ne poursuivons pas le même objectif.

M. le président. Mme Barbara Romagnan a déjà défendu l’amendement n2595.

(Les amendements identiques nos 3268, 1322 et 2595 sont adoptés.)

(L’article 85, amendé, est adopté.)

Après l’article 85

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3269 portant article additionnel après l’article 85.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Comme je l’ai annoncé, cet amendement propose une réforme du délit d’entrave. Dans le code du travail, à chaque institution est attaché un régime qui fixe les entraves à la constitution de l’institution, à son fonctionnement et à l’atteinte au statut protecteur des salariés représentants du personnel – par hypothèse, un licenciement sans autorisation administrative de licenciement.

L’habilitation du Gouvernement, à l’article 85, portait sur l’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Nous sommes partis de la volonté du Président de la République, qui souhaitait que la peine de prison ne s’applique plus, ou plus exactement qu’elle ne soit plus encourue, pour ces atteintes au fonctionnement. Cet amendement ne porte donc ni sur l’entrave à la constitution des institutions, ni sur l’atteinte au statut des salariés protégés. C’est normal qu’il en soit ainsi et qu’une distinction soit faite.

Actuellement, dans une seule et même infraction, on réprime trois infractions qui sont d’une gravité différente.

C’est une chose d’entraver le fonctionnement d’un comité d’entreprise par exemple – non-respect du délai de convocation, information insuffisante, même si son contenu n’est pas parfaitement établi par la jurisprudence. C’en est une autre que de refuser d’organiser une élection quand une organisation syndicale vous le demande et que les conditions d’effectifs vous y obligent. Dans le premier cas, que vous ayez agi volontairement ou que vous ayez commis une erreur d’inattention, la jurisprudence déduit l’intention de l’absence de diligence suffisante. Autrement dit, vous avez beau ne pas avoir voulu commettre l’infraction, elle est néanmoins constituée : c’est ce qu’on appelle un délit formel. En revanche, quand un employeur reçoit une lettre recommandée réclamant l’élection de délégués du personnel, il commet volontairement un délit. Quand il licencie sans autorisation administrative préalable un salarié protégé, il sait ce qu’il fait, il commet intentionnellement un délit. Objectivement, ces trois délits ne sont pas de la même gravité. Pourtant, les peines encourues sont tout de même identiques : un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.

Nous parlons ici de l’entrave au fonctionnement, soit le délit le moins grave : même s’il n’est pas acceptable, il est tout de même moins grave que l’entrave à la constitution ou l’atteinte à la personne du salarié. Faut-il maintenir son caractère pénal ? Je pense que oui. Nous nous sommes entendus avec le Gouvernement pour conserver son caractère délictuel à l’entrave au fonctionnement d’un comité d’entreprise ou de n’importe quelle autre institution représentative du personnel, car l’infraction est suffisamment grave pour devoir mobiliser les pouvoirs de police judiciaire qui correspondent à cette catégorie d’infraction.

Quelle doit être par ailleurs la nature de cette infraction ? Doit-il s’agir d’un délit ou d’une contravention ? Parce que les contraventions de cinquième classe ne sont pas des infractions vénielles, nous aurions pu pencher pour cette solution, mais nous attachons suffisamment d’importance aux institutions représentatives du personnel pour décider de rester dans le domaine du délit, qui relève de la compétence du tribunal correctionnel.

Dernière question : quelle sanction retenir ? Si ce n’est pas une peine d’emprisonnement, c’est une peine d’amende. Cette dernière a son efficacité. Surtout, même si le nombre de poursuites est très inférieur à celui des infractions, le seul fait de passer en correctionnelle est en soi extrêmement dissuasif, et encore plus le fait que la peine, en cas de condamnation, sera inscrite au casier judiciaire.

Ne nous y trompons pas : ce n’est pas parce que nous abandonnons la peine de prison pour les seuls délits d’atteinte au fonctionnement des institutions représentatives du personnel que nous désarmons les syndicats et les salariés et que nous affaiblissons la protection des institutions représentatives du personnel.

Pour conclure, il nous a semblé nécessaire, pour respecter l’échelle des peines telle qu’elle se pense aujourd’hui, de doubler l’amende, qui passe de 3 750 à 7 500 euros. Précisons que les deux autres délits, ceux d’entrave à la constitution et d’atteinte à la personne du salarié protégé, restent punis d’une peine d’emprisonnement et d’une amende du même montant, 7 500 euros.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Comme Barbara Romagnan, je ne suis pas un spécialiste. Pour que les choses soient bien claires et être sûr d’avoir tout compris, il me semble nécessaire de récapituler. Nous maintiendrons, en votant cet amendement, le caractère délictuel et la compétence du tribunal correctionnel. Nous renforcerons, en les doublant, toutes les peines d’amende encourues quelle que soit l’infraction concernée. Nous maintiendrons la peine d’emprisonnement d’un an pour les délit les plus graves, qui sont l’atteinte à la constitution ou aux personnes constitutives de ces instances. Pour les seules entraves au fonctionnement, nous nous contenterons, si je puis dire, de doubler la peine d’amende en supprimant la peine de prison. Le dispositif en ressort ainsi renforcé puisque rien n’est enlevé du caractère délictuel, que les amendes sont majorées et que les peines de prison maintenues pour les deux délits les plus graves. Tout cela est de nature à répondre aux inquiétudes de nos collègues.

M. le président. La parole est à M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Je voudrais juste signaler au rapporteur que cette disposition sera bien accueillie par les employeurs de l’économie sociale. Pas moins de 165 000 entreprises sont animées par des bénévoles, présidents, trésoriers qui, s’ils commettent par maladresse un délit, parfois par méconnaissance du droit faute de moyens suffisants pour se former, échapperont enfin à une menace de peine d’emprisonnement. Je vous remercie pour eux.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le rapporteur, s’agissant des peines sanctionnant la récidive, qui vont du doublement jusqu’à dix fois les peines encourues, rien ne change ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Rien ne change, en effet.

(L’amendement n3269 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le dimanche 15 février 2015 à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 86

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement de suppression n2311.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement, déposé à l’initiative de MM. Amirshahi et Goldberg et d’autres collègues, vise à empêcher l’extension d’un régime particulier s’appliquant à certains dirigeants étrangers dits « impatriés », qui bénéficient de multiples exonérations au cours des cinq premières années de leur venue en France pour travailler dans une entreprise française. Selon le rapport de la commission, ce dispositif a coûté 135 millions d’euros au Trésor en 2013.

L’article 86 prévoit de maintenir ce régime pendant la durée de cinq ans même en cas de changement d’entreprise. Nous estimons pour notre part que les salariés visés sont des cadres dirigeants très privilégiés et que cette extension n’est donc pas nécessaire. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable. Soyons clairs, la question n’est pas de savoir s’il faut ou non maintenir le régime applicable aux impatriés : ce sujet mérite une réflexion approfondie et la solution doit se penser à l’échelle européenne, et non pas seulement nationale. Non, en l’espèce, c’est la situation d’un dirigeant s’étant installé en France pour être employé dans l’une des entités d’un groupe, lequel le mute dans une autre entité, qui est visée. Il ne s’agit plus de la même entreprise, mais le groupe reste bien le même.

Dans ces conditions, je comprends la modification qui nous est proposée par le Gouvernement. Aujourd’hui, il existe en effet des dirigeants qui, en apparence, sont des mandataires sociaux de la filiale qu’ils dirigent, mais qui, en réalité, sont des salariés des groupes. Si nous allions au bout du raisonnement, nous pourrions envisager de leur appliquer la notion de co-emploi, dans la mesure où ils sont simultanément employés par la filiale et par le groupe. Fondamentalement, ils ne changent pas de dirigeant : ils accomplissent leur travail, d’abord dans une filiale, puis dans une autre.

Je ne vois donc pas bien ce qui justifierait qu’un dirigeant de cette nature, qui a changé d’entité mais demeure au sein du même groupe, soit soumis à un régime fiscal différent de celui de ses collègues qui demeurent cinq ans dans la même affectation. Cela entraînerait même une rupture d’égalité devant l’impôt.

Sans que ce régime des impatriés me plaise démesurément, j’estime donc que la mesure qui nous est proposée est normale, d’où un avis défavorable à l’amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. M. le rapporteur vient en effet d’expliquer les raisons techniques qui justifient ce régime. Le coût que vous avez évoqué, monsieur Sebaoun, est celui de la mesure actuellement en vigueur ; le surcoût du dispositif qui vous est proposé, quant à lui, est estimé à 10 millions d’euros, soit moins de 10 % en plus.

Cette mesure s’inscrit dans une réflexion entamée voici une quinzaine d’années, à l’occasion du rapport Charzat, sur l’amélioration de l’attractivité du territoire français et sa faculté à attirer et à retenir des cadres de haut niveau. Nombreuses sont aujourd’hui les situations très concrètes dans l’industrie française qui montrent toute la difficulté que nous avons à retenir certains de ces cadres.

Nous avons déjà eu cette discussion lorsque j’ai défendu ici même le projet de loi concernant l’actionnariat salarié. J’insiste sur le fait que le Gouvernement défend cette mesure concernant les impatriés et l’assume pleinement, car il s’agit d’une mesure de simplification du régime, en quelque sorte. Elle permet en effet aux salariés impatriés qui changent de fonction au sein d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises établis en France de conserver le bénéfice de ce régime, ce qui leur était interdit jusqu’à présent.

Vous avez raison de préciser qu’il s’agit de cadres supérieurs, que le rapporteur a bien distingués des mandataires sociaux. Ces employés, salariés ou non, sont certes très privilégiés mais sont aussi des dirigeants de talent, qui exercent de grandes responsabilités. Or, nos entreprises ont besoin d’attirer et de conserver ces talents.

En cohérence avec notre volonté de préserver la justice et la protection sociales, nous devons également assumer une politique d’attractivité qui consiste à attirer et à retenir les plus grands talents sur notre territoire. C’est là une condition qui nous permettra de maintenir les sièges sociaux de nos grandes entreprises et entreprises performantes en France. Je rappelle que le rapport commandé par mon prédécesseur, Arnaud Montebourg, à l’inspection des finances sur le maintien des sièges sociaux en France face au risque – et même à la réalité – que nous affrontons du détricotage de certains comités exécutifs montre qu’un emploi de cadre dirigeant dans ces entreprises crée quinze à vingt emplois directs. Il est donc nécessaire pour notre économie de maintenir ces cadres dirigeants, qu’ils soient français ou étrangers, même au moyen de régimes favorables tels que celui des impatriés. C’est un projet cohérent avec celui que défend le Gouvernement depuis le début de la mandature.

En clair, l’aménagement technique proposé dans cet article consiste simplement à permettre de changer de fonction au sein d’un groupe sans perdre les avantages liés au régime des impatriés.

Pour être complet, je rappelle, comme cela a d’ailleurs été dit plus tôt, qu’il s’agit d’un engagement pris par le Président de la République dans le cadre du conseil stratégique de l’attractivité, comme le délit d’entrave. Il avait même été envisagé d’aller plus loin en prolongeant la durée de bénéfice du régime des impatriés. Nous n’avons pas souhaité y donner suite, pour des raisons juridiques et aussi par souci de compatibilité avec les autres salariés. La durée de cinq ans nous paraît suffisante.

Cette mesure permet ainsi d’harmoniser et de simplifier le dispositif sans pour autant en étendre les caractéristiques et la durée. Dès lors, je propose le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

(L’amendement n2311 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2403.

M. Philippe Vigier. J’approuve l’idée du ministre selon laquelle il faut renforcer l’attractivité de l’entreprise France, car la compétition est mondiale. Nous devons nous donner les moyens d’attirer les cadres supérieurs et les hauts dirigeants dans les entreprises françaises. Je suis fier que des cadres étrangers viennent dans nos entreprises : cela montre que nous sommes capables de les accueillir, et qu’ils vont nous aider à stimuler la croissance et à développer nos entreprises.

Par cet amendement, monsieur le ministre, nous ne souhaitons pas modifier la durée d’application du dispositif, car cinq ans nous semblent tout à fait satisfaisants. En revanche, pourquoi se limiter à la mobilité au sein d’un même groupe ? On peut imaginer qu’un cadre étranger exerce pendant trois ans dans une entreprise, puis se mette à travailler pour une autre entreprise française qui ne fait pas partie du groupe. Cette mesure participe d’un véritable combat en faveur de l’attractivité et de la compétitivité.

Certes, j’ai entendu M. Sebaoun indiquer que la mesure coûte 130 millions d’euros. Mais s’il a bien lu le rapport que M. Migaud nous a présenté voici quelques jours, on peut envisager de supprimer toutes les exonérations fiscales dont bénéficient par exemple nos compatriotes qui vont travailler dans les départements et territoires d’outre-mer, qui coûtent 1,2 milliard d’euros ! En l’occurrence, il s’agit d’attirer de hauts dirigeants étrangers dans les entreprises françaises pour les dynamiser et leur donner un rayonnement qui, demain, se traduira en parts de marché, en croissance et en emploi.

Cet amendement n’entraînera pas un surcoût élevé, monsieur le ministre, puisqu’il est stabilisé dans la durée. Il vise simplement à autoriser un cadre étranger à changer d’entreprise tout en continuant à bénéficier du dispositif d’exonération dans la limite des cinq premières années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable. J’ai fait valoir la cohérence qu’il y aurait, du point de vue de l’égalité devant l’impôt, à ce qu’un cadre qui change d’entreprise sans changer de groupe conserve le même régime fiscal. Le présent amendement est différent : il s’agit des dirigeants qui changeraient de groupe. Leur laisser ce régime fiscal, cela reviendrait à leur donner le beurre et l’argent du beurre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. En effet, il s’agit là d’une extension qui ne relève pas de la simplification. Elle consiste à donner la possibilité à un impatrié de changer de groupe tout en conservant le bénéfice des exonérations fiscales. Cela pénaliserait les entreprises d’origine en permettant le départ inopiné de ces cadres à fort potentiel vers d’autres entreprises.

Je comprends la philosophie de votre raisonnement, monsieur le député, et je viens de rappeler qu’il nous semble important de préserver le régime des impatriés dans le cadre de la compétition internationale. Toutefois, votre proposition entraînerait un coût budgétaire nettement plus important que celui qui a été évoqué – de l’ordre de six à dix fois plus, selon nos calculs. D’autre part, les entreprises qui parviennent grâce à ce régime d’impatriés à fidéliser en leur sein des cadres à fort potentiel courraient le risque de voir venir des passagers clandestins, en quelque sorte, ce qui les fragiliserait.

En clair, je comprends votre objectif, mais j’émets un avis défavorable à ce dispositif qui ne me semble pas opportun.

(L’amendement n2403 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n45.

M. Frédéric Lefebvre. Cet amendement vise à inclure les sommes perçues au titre des plans d’épargne retraite dits 401(k) souscrits par nos compatriotes résidant aux États-Unis dans le régime de l’impatriation fixé par l’article 155 B du code général des impôts.

Comme vous le savez, les retraites aux États-Unis ne sont pas financées par un régime par répartition comme en France, et sont généralement d’un niveau extrêmement faible. Dès lors, les Français qui y résident sont contraints de souscrire des plans par capitalisation. Un certain nombre d’entre eux rentrent dans notre pays au terme de longues années d’expatriation. L’objectif est donc de les englober dans le dispositif prévu par le présent article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable.

M. Frédéric Lefebvre. Quel dommage !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Premièrement, cet amendement étendrait à des sommes versées en dehors de tout contrat de travail un régime qui bénéficie actuellement à des salariés. Ensuite, il établirait une double exonération : une exonération fiscale pour les sommes versées sur le plan d’épargne à la création du compte, et une exonération portant sur les produits de l’épargne ainsi constituée. On ne paierait donc ni à l’entrée, ni à la sortie.

M. Frédéric Lefebvre. Je ne comprends pas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je comprends d’autant moins qu’il suffit d’interroger, comme je le fais très souvent, nos compatriotes qui vivent depuis longtemps aux États-Unis pour comprendre que beaucoup d’entre eux travaillent pendant de longues années avec l’objectif de rentrer en France pour prendre une retraite bien méritée, souvent dans le village dans lequel ils sont nés et où ils ont passé leur enfance, et qu’en réalité ils ne le peuvent pas. Je les appelle même les « prisonniers de la retraite » !

En effet, contrairement au système français, les Américains n’ont pas de système de retraite par répartition. Ils n’ont donc pas de revenus différés du travail lorsqu’ils atteignent l’âge de la retraite. Le seul capital qui leur permet de prendre leur retraite, c’est bien le plan 401(k), qui est un système de retraite par capitalisation. Je crains, monsieur le rapporteur thématique, que vous ne passiez totalement à côté du sujet.

De surcroît, quand nos compatriotes quittent les États-Unis, les sommes qu’ils ont capitalisées sont soumises à l’exit tax et ils en perdent une partie.

Cela veut dire, monsieur le ministre, que de nombreux Français, dont beaucoup sont des hauts fonctionnaires internationaux, aimeraient revenir en France, dépenser de l’argent en France, investir au moment de la retraite, et qu’ils ne le peuvent pas.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Juste un mot, monsieur le président. Autant je trouve qu’il n’y a pas d’heure pour discuter de droit du travail, autant les discussions sur le droit fiscal devraient s’arrêter à une heure décente… (Sourires.)

Les cas que vous évoquez, monsieur Lefebvre, relèvent du régime des impatriés. Je ne dis pas que le problème que vous soulevez n’existe pas, mais ce n’est pas à cet endroit du texte qu’il doit être résolu.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce que dit le rapporteur thématique est juste. Vous avez déposé cet amendement après l’article 86 mais vous souhaitez utiliser le régime des impatriés prévu à l’article 155 B du code général des impôts, qui s’applique aux salariés et aux dirigeants appelés par une entreprise établie à l’étranger pour occuper un emploi dans une entreprise située en France, dès lors qu’ils n’y ont pas été fiscalement domiciliés dans les cinq années précédentes.

Vous proposez d’appliquer l’exonération prévue à cet article aux produits des plans de retraite par capitalisation souscrits à l’étranger. Cela ne correspond pas à la philosophie de l’article. En effet, le régime des impatriés vise à attirer les cadres étrangers en France. Vous le plaquez sur une réalité dont je ne nie pas la difficulté, mais qui n’a rien à voir.

En outre, il ne serait pas justifié d’exonérer des produits de plan d’épargne retraite car le plan de retraite américain 401(k) n’est pas soumis à l’impôt pendant la phase de constitution de l’épargne. Donner un double avantage, à l’entrée et à la sortie, constituerait une dérogation au droit commun qui n’est pas souhaitable. La fiscalité actuellement applicable au capital issu de plans de retraite permet d’ores et déjà de garantir un niveau d’imposition avantageux.

Nous allons contacter le cabinet de Michel Sapin pour étudier le cas spécifique des fonctionnaires internationaux ou des cadres qui voudraient revenir en France mais s’en trouveraient lésés. Je m’engage à y travailler avec vous, mais je pense que le bon véhicule n’est pas cet article du code général des impôts qui concerne des actifs à qui l’on accorde un avantage fiscal parce qu’ils viennent travailler dans une entreprise en France.

Je vous invite donc à retirer cet amendement, en m’engageant à étudier le cas précis des fonctionnaires internationaux ou des actifs français qui souhaiteraient prendre leur retraite en France mais qui subissent un préjudice particulier. Toutefois j’insiste sur un point : il faut que ce préjudice soit réel, pas seulement perçu. Si ces personnes ont bénéficié d’avantages lors de l’ouverture du plan d’épargne dont ne bénéficient pas les Français résidant dans l’hexagone, elles ne peuvent demander de bénéficier d’avantages à la sortie. Sous cette réserve, je m’engage à demander à nos services et à ceux du ministre des finances comment répondre techniquement à cette problématique.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je vais retirer cet amendement, dès lors que vous vous engagez à travailler sur cette question. Mais il faut bien comprendre que le dispositif comporte certes des avantages fiscaux, mais que son désavantage est globalement plus important que ces avantages.

La France tient un raisonnement sur ces plans 401(k) qui est en permanence à côté de la plaque. En voici un autre exemple concret : le Gouvernement, et plus précisément l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, a décidé d’intégrer ces plans dans la base du patrimoine de nos compatriotes pour déterminer s’ils ont droit à une bourse. Imaginez que nous prenions ici en considération la retraite pour déterminer qui a droit ou non à une bourse ! Nous commettons une erreur de jugement sur ce que sont ces plans. Ce ne sont pas des revenus qui viendraient en complément d’une autre retraite, mais des revenus différés.

Le ministre m’assurant qu’il est prêt à travailler sur cette question, je retire l’amendement.

M. le président. Vous prenez date.

M. Frédéric Lefebvre. Plus que cela ! Car je ne doute pas que nous mettions rapidement en place un groupe de travail.

(L’amendement n45 est retiré.)

(L’article 86 est adopté.)

Après l’article 86

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 86. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir le n51

M. Frédéric Lefebvre. Cet amendement concerne une profession réglementée qui est en état de quasi-monopole.

Toute personne n’ayant pas son domicile fiscal en France et qui cède un bien immobilier avait l’obligation, avant le vote de la loi de finances rectificative pour 2014, de désigner un représentant fiscal accrédité, qui a pour rôle de remplir la déclaration de plus-value et d’assurer un éventuel suivi dans le cadre des questions que peut poser l’administration fiscale ultérieurement à la transaction. La rémunération de ce représentant provient d’une commission sur le montant de la vente, comprise généralement entre 0,5 et 1 % selon la négociation.

Actuellement, notre pays ne compte que sept représentants fiscaux accrédité, qui se retrouvent donc en situation de quasi-monopole.

Il y a là une anomalie. Beaucoup de pays européens ont adopté un tout autre dispositif. Je souhaite que la France prenne exemple sur ce qui se fait dans les autres pays, par exemple au Portugal. C’est l’intérêt de notre pays et de nos compatriotes qui vivent à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable. Cet amendement avait déjà été présenté, et rejeté, lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2014. N’ayant pas une conception cyclique du temps parlementaire, je ne comprends pas qu’il puisse être présenté de nouveau moins de deux mois après, et dans un cadre qui en fait presque un cavalier.

M. Frédéric Lefebvre. Ce n’est pas du tout un cavalier ! J’ai cru comprendre que nous discutions des professions réglementées !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Sur le fond, cette proposition fait craindre des difficultés de recouvrement, donc des pertes de recettes fiscales. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le rapporteur a rappelé que cet amendement a déjà été examiné récemment, je n’y reviens pas. Sur le fond, l’obligation pour les non-résidents de désigner un représentant fiscal dans certaines situations a pour but de sécuriser les recettes fiscales de l’État.

Au niveau européen, la Cour de justice et la Commission considèrent que cette disposition est contraire à la liberté de circulation. La loi de finances rectificative pour 2014 a adopté un changement de notre dispositif pour que la France respecte ses obligations, d’autant que l’Union et l’espace économique européen sont des cadres de coopération plus étroits depuis certaines directives, en particulier en matière de fraude fiscale. Rien ne justifie que nous allions plus loin avec certains États tiers. Nous ne disposons pas des mêmes garanties et d’ailleurs nous n’y sommes pas obligés.

Là encore, vous cherchez peut-être à régler un cas particulier, monsieur le député, mais plutôt que de créer une obligation générale fondée sur le cas spécifique du continent nord-américain, il serait peut-être préférable d’étudier les cas concrets qui ont posé un problème. Il serait utile que vous nous communiquiez les cas particuliers qui vous ont conduits à proposer cet amendement afin qu’ils soient étudiés par nos services. Je vous invite à retirer l’amendement, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le rapporteur, cet amendement est tout sauf un cavalier puisque, si j’ai bien compris, le texte que nous examinons traite des professions réglementées. C’en est une.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Ce n’est pas faux, mais il fallait le déposer à l’article 12 !

M. Frédéric Lefebvre. Ce que je souhaite, et que j’avais déjà demandé dans la loi de finances rectificative, comme le rapporteur l’a souligné, c’est que nous nous mettions enfin au travail pour étudier les dispositifs adoptés par un certain nombre d’autres pays européens. Je comprends la nécessité de sécuriser, mais il existe d’autres moyens, qui coûteraient moins cher à nos compatriotes et aux finances publiques que ce dispositif qui, de surcroît, nourrit sept personnes en situation de quasi-monopole.

Si vous vous engagez à regarder ce qui se fait dans les autres pays européens, monsieur le ministre, j’accepte de retirer cet amendement.

(L’amendement n51 est retiré.)

M. le président. La parole est toujours à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n46. Je précise, mon cher collègue, qu’il ne vous reste que quelques secondes de temps de parole.

M. Frédéric Lefebvre. Le ministre va déposer un amendement qui me permettra de regagner du temps supplémentaire…

En attendant, le présent amendement vise à abroger l’exit tax. Je ne m’attarderai pas pour le présenter car il m’étonnerait beaucoup que vous lui accordiez un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je reconnais ma prévisibilité… L’exit tax a été instituée en 1999, supprimée en 2005 à la suite d’une jurisprudence européenne, puis rétablie dans la loi de finances rectificative pour 2011 par la majorité à laquelle vous apparteniez lorsque vous étiez ministre.

M. Frédéric Lefebvre. J’étais d’ailleurs opposé au dispositif !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est donc curieux de revenir sur ce point. Ce qui a déterminé la commission spéciale, c’est qu’il est important de pouvoir imposer les capitaux qui quittent la France. L’exit tax le permet. Par les temps qui courent, il ne serait pas sage de s’en priver.

M. Pascal Popelin. Tout à fait d’accord !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n46 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n2241.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement vise à élargir l’accès au crédit d’impôt famille, le CIF, pour les entreprises situées dans les ZTI, les ZT et les zones commerciales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(L’amendement n2241 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 3296 rectifié et 55, pouvant être présentés de façon groupée.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n3296 rectifié.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement déposé par le Gouvernement traite des préoccupations plus larges évoquées en commission spéciale par MM. les députés Giraud et Alauzet et qui font l’objet de l’amendement n55 de M. le député Lefebvre, dont je considère d’ailleurs qu’il est satisfait par le présent amendement. Cet amendement n55 propose de modifier le droit applicable en matière de droit au compte. Le problème que vous soulignez touche un grand nombre de nos compatriotes établis à l’étranger, monsieur Lefebvre. Il s’agit d’un vrai problème. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité y apporter une réponse. Par-delà les conséquences du Foreign Account Tax Compliance Act – FATCA –, la question de l’effectivité du droit au compte codifiée à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier se pose bel et bien.

Votre amendement rappelle que toute personne physique a droit à un compte de dépôt et envisage une procédure selon laquelle la Banque de France pourrait contraindre, en cas de fermeture de compte, un établissement bancaire à ouvrir un compte de dépôt. Il soulève la question de la sanction du refus par un établissement bancaire d’ouvrir un compte dans le cadre de cette procédure et propose de la rendre automatique, ce qui présente des difficultés importantes, en particulier un risque d’inconstitutionnalité.

Tout en reconnaissant la nécessité de traiter le problème que vous soulevez, et qui a été rappelée par plusieurs d’entre vous, mais en voulant laisser à l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution la possibilité de recourir à un éventail de mesures plus larges, le Gouvernement dépose un amendement en vue de renforcer le droit au compte, qu’il s’agisse de Français expatriés ou non.

Le dispositif prévu est peut-être plus adapté que celui de l’amendement d’appel de M. Lefebvre, qui soulève un vrai problème. Il me permet aussi de répondre en particulier aux députés Alauzet et Giraud et à tous ceux devant lesquels je m’étais engagé en commission spéciale à faire progresser le droit au compte.

Afin de renforcer l’effectivité de ce droit et après discussion avec vous en particulier, monsieur Lefebvre, le Gouvernement dépose donc un amendement prévoyant une saisine automatique de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution par la Banque de France si elle a connaissance d’un refus d’ouverture de compte par un établissement de crédit désigné dans le cadre de la procédure de droit au compte, ce qui systématisera la saisine de l’autorité prudentielle et de résolution et le cas échéant les procédures administratives ou de sanction.

Ce droit, plusieurs d’entre vous y sont attachés, et le Gouvernement aussi. Cet amendement est donc un véritable apport, qui lui donne une substance et une réalité. Je vous demande donc, monsieur Lefebvre, de retirer l’amendement n55 qui est satisfait par l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La commission n’a pas examiné l’amendement du Gouvernement. À titre personnel, j’y suis favorable car il renforce l’effectivité du droit au compte.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n55.

M. Frédéric Lefebvre. Il s’agit d’un sujet important, et M. le rapporteur me dira sans doute que je l’ai déjà évoqué dans cet hémicycle à de nombreuses reprises. Je l’ai fait une première fois à l’occasion d’un texte présenté par Benoît Hamon, alors sur le banc du Gouvernement. Après l’adoption de l’accord sur le FATCA avec les États-Unis, certaines banques ont purement et simplement fermé les comptes de nombreux compatriotes, à commencer par AXA, ING Direct et Boursorama Banque. Le ministre m’avait répondu à l’époque qu’on allait circonscrire le problème, et que les grandes banques résisteraient. Puis les semaines ont passé, et je n’ai cessé de recevoir des courriers de nos compatriotes concernés. Il s’agit tout de même de 50 000 comptes ! Il y a des gens qui sont nés aux États-Unis mais qui n’y ont passé que deux ou trois mois qui se retrouvent dans des situations inextricables.

L’un d’entre eux m’écrit que, né aux États-Unis de parents français, il a définitivement quitté les États-Unis à l’âge de trois mois pour la France. Il n’y a jamais travaillé ni eu d’activité économique liée aux États-Unis depuis sa naissance, et travaille en tant que salarié et habite en Suisse, où il paie ses impôts depuis huit ans. Cependant sa banque en France, la BNP, vient de le signaler à l’administration fiscale américaine. Voilà les gens dont on ferme les comptes ! Et il y en a qui possèdent des biens aux États-Unis, ce qui pose un problème spécifique, comme l’a reconnu votre collègue Eckert, monsieur le ministre, car ils ne sont plus en situation de payer leurs impôts faute de compte en France.

J’ai donc déposé un amendement introduisant une automaticité de la sanction. M. Eckert et moi-même avons fléché une procédure avec la Banque de France, dont je salue d’ailleurs le travail. Elle a accédé à ma demande de mettre en place un service spécifique destiné à tous ces Français dont le compte est fermé. Elle a néanmoins été confrontée comme nous à une difficulté au sujet de laquelle j’ai reçu de nombreux courriers de nos compatriotes : le cas où la banque qu’elle a désignée refuse l’ouverture d’un compte, ou impose un dépôt d’au moins 30 000 ou 35 000 euros. La raison en est simple : gérer FATCA coûte cher à nos banques. Je l’avais d’ailleurs signalé, en regrettant de ne pas être entendu, lorsque nous avions ratifié l’accord dans cet hémicycle

Je retire donc l’amendement n55 et vous remercie, monsieur le ministre, du travail réalisé depuis quelques jours sur ce sujet. Vous me proposez en réalité de remplacer l’automaticité de la sanction par celle de la saisine de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui prononce les sanctions. Un tel dispositif, qu’il sera intéressant de voir à l’épreuve des faits, constitue une vraie chance que des sanctions exemplaires viennent faire respecter le droit au compte qui figure dans nos lois et doit être respecté. Il est absolument scandaleux qu’un Français, où qu’il vive, voie son compte arbitrairement fermé. D’ailleurs, l’un des problèmes de la procédure que nous avons fléchée avec la Banque de France est que certains de nos compatriotes, parfaitement honnêtes et n’ayant jamais rencontré le moindre problème, sont en quelque sorte suspectés d’être interdits bancaires.

Le sujet est extrêmement important, nous l’avons évoqué à au moins cinq ou six reprises dans cet hémicycle. Je me félicite que l’amendement sur lequel nous avons travaillé ensemble soit susceptible d’apporter une solution durable.

(L’amendement n55 est retiré.)

(L’amendement n3296 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. J’ai déposé cinq autres amendements qu’en réalité je ne défendrai pas, faute de temps, et qui portaient sur le jour de carence, la réduction de la dépense publique et la réduction des charges, sujets à propos desquels j’aurais souhaité que le texte aille plus loin. Lors d’un rappel au règlement qui d’ailleurs vous avait été transmis, monsieur le président, le président Le Roux m’ayant assuré qu’il se ferait en quelque sorte mon porte-parole à la conférence des présidents, j’avais demandé l’application de l’article 49, alinéa 12 de notre règlement, qui autorise la conférence des présidents à allouer plus de temps qu’initialement prévu par la procédure du temps programmé. Certes, celle-ci a été introduite dans la Constitution par l’ancienne majorité, mais rien n’obligeait à la retenir pour l’examen de ce texte.

Je ne vois aucun intérêt à me contenter d’écouter l’avis de la commission et du Gouvernement sur mes amendements sans pouvoir les présenter, alors qu’il s’agit de véritables choix politiques stratégiques. Je suis bien sûr que M. le rapporteur et M. le ministre expliqueront qu’ils sont hostiles au rétablissement du jour de carence et aux autres dispositions de politique économique, pourtant très structurantes ! C’est la raison pour laquelle je ne les défendrai pas, faute de temps.

Pour ne pas allonger nos débats, je me contente donc de remercier M. le ministre. Ce n’est pas parce que je serai absent lors de la suite du débat que je ne voterai pas ce texte, comme je l’ai annoncé : il constitue une avancée, et je n’ai qu’une parole. Le travail mené dans cet hémicycle sur beaucoup de sujets a permis de progresser, même s’il n’est pas allé aussi loin que je le souhaitais.

M. le président. Afin de vous laisser profiter des dix minutes supplémentaires découlant du dépôt de l’amendement du Gouvernement, monsieur Lefebvre, je n’ai pas encore appelé vos amendements suivants. Vous avez épuisé votre temps de parole. Souhaitez-vous entendre l’avis de la commission et du Gouvernement sur chacun de vos amendements, ou préférez-vous les retirer ?

M. Frédéric Lefebvre. Je les retire, monsieur le président.

(Les amendements nos 56, 47, 48, 49 et 50 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n2242.

M. Christophe Sirugue. Il s’agit encore du crédit d’impôt famille. Cet amendement propose la rédaction d’un rapport sur ce dispositif par ailleurs peu connu, qui présenterait les principales caractéristiques des entreprises bénéficiaires, des dépenses engagées et de leur évolution, ainsi que ses conséquences pour les salariés de l’entreprise concernée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Sagesse.

(L’amendement n2242 est adopté.)

Articles 87 à 91

(Les articles 87, 88, 89, 90 et 91 sont successivement adoptés.)

Après l’article 91

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 91. Les trois premiers, nos 1492, 2566 et 2562, peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1492.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à abroger la disposition introduite par la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui oblige à informer les salariés d’une entreprise si celle-ci est en voie de cession à d’autres actionnaires.

Sur le principe, donner un droit d’information aux salariés peut sembler une bonne idée. Mais on se rend compte avec le temps que cette disposition contrecarre en fait un certain nombre de cessions en cours, car une fois les salariés informés, cela finit par se savoir et n’est pas sans conséquence sur la clientèle, les fournisseurs, voire parfois le comportement du personnel ou même de l’acquéreur. Certaines cessions ne vont pas à leur terme et l’entreprise, qui a engagé des frais dans cette optique, est parfois mise en péril. L’amendement vise donc à supprimer l’obligation d’information. Si le Gouvernement ne souhaitait pas donner un avis favorable, je présenterais plusieurs amendements de repli.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n2566.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, dans ce projet de loi, vous essayez de gommer un certain nombre d’aspérités, de scories, de blocages qui peuvent survenir à un moment ou à un autre dans la vie des entreprises. Comme l’a très bien dit Francis Vercamer, c’est peut-être animé par une bonne intention que le ministre Hamon a introduit cette disposition dans son texte, mais elle a conduit avant tout à une grande fragilisation de la transmission des entreprises. Cette transmission, complexe et qui suscite des problèmes de financement, est une des grandes difficultés que connaît notre pays.

On sait très bien que dès lors que l’information est diffusée, la transmission suscite du trouble chez les salariés. Nous préconisons donc de supprimer ce délai de deux mois, qui n’est absolument pas opportun. On peut vouloir un droit d’information des salariés, mais à la condition de prévoir une clause de confidentialité stricte. Cela permettrait tout à la fois d’instaurer un dialogue et de ne pas divulguer à l’extérieur l’information relative à la cession. Dans le cas où il n’y aurait pas de repreneur, ce qui peut arriver, on pourrait aussi imaginer que ce droit d’information des salariés soit étendu.

Laissons la possibilité aux chefs d’entreprise de transmettre leur activité sans fragiliser ces reprises qui, on le sait très bien, sont complexes, et permettons aux salariés d’être informés, soit de façon complètement sécurisée, sans qu’ils puissent diffuser ces informations à l’extérieur, soit de façon plus étendue, s’il s’avère qu’il y a carence de repreneur.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n2562.

M. Arnaud Richard. En complément de ce que viennent de dire nos collègues, j’ajoute que notre collègue Francis Vercamer – le « pape de l’économie sociale et solidaire », comme on l’appelle dans cet hémicycle ! (Sourires) – a largement contribué à l’élaboration de cette loi récente. Nous étions tous de bonne volonté, mais on voit bien, dans la réalité de l’exercice, que cela ne fonctionne pas. Nous vous proposons donc, de bonne foi, avec Francis Vercamer qui a été à l’époque à la manœuvre sur le texte relatif à l’économie sociale et solidaire, de revenir de façon extrêmement pragmatique et opérationnelle sur certaines de ses dispositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable. La loi date du 31 juillet 2014.

M. Arnaud Richard. Justement !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Elle n’est pas entrée en vigueur immédiatement, car il fallait un décret d’application dont je ne suis pas capable de vous donner la date.

M. Arnaud Richard. On peut se tromper, en faisant la loi !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. On ne peut pas se tromper : vous étiez contre avant, vous êtes contre maintenant. Il n’y a pas eu d’évaluation de la loi et on ne peut pas dresser sérieusement son bilan en l’espace de six mois, à supposer même qu’elle soit entrée très rapidement en vigueur, ce que je ne crois pas.

On sait qu’il y a un problème dans la transmission des entreprises.

M. Arnaud Richard. Ah ! C’est déjà pas mal !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. On sait que des emplois sont supprimés parce que les entreprises ne sont pas cédées, pour la simple raison que l’information n’est pas diffusée en temps utile. C’est à cela qu’entendait remédier la loi du 31 juillet 2014. Laissons-la vivre, et évaluons-la, mais au terme d’un délai suffisant. Nous ne sommes pas encore dans le temps de l’évaluation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme l’a dit le rapporteur thématique, l’encre est à peine sèche ! On a entendu beaucoup de craintes s’exprimer au moment où le droit d’information préalable des salariés a été consacré par la loi. Beaucoup d’entrepreneurs ou d’organisations patronales ont fait part de leurs préoccupations à l’égard de ces dispositions, ou dénoncé leur caractère inopérant.

Nous avons pris un des décrets d’application du texte l’année dernière avec Carole Delga, pour donner un cadre, en vue de l’entrée en application du dispositif le 1er novembre. Les constats, les sondages qui ont été faits au terme des premiers mois d’application ont montré que la réalité était quand même légèrement différente de l’inquiétude initiale. Tel est le premier élément.

Deuxième élément : comme le rapporteur thématique vient de le dire, ce que la loi de juillet 2014 a voulu couvrir, ce sont les cas bien réels d’entreprises qui ne trouvent pas de repreneur et dont les propriétaires n’ont donc pas informé leurs salariés, qui ne sont donc pas en capacité de les reprendre.

Je crois que le dispositif qui a été voté en juillet 2014 cherche à traiter un vrai problème. Il a suscité des craintes, qu’il faut évidemment prendre en compte et qui peuvent être légitimes. Nous avons pris des mesures d’application réglementaires qui me semblent de nature à établir un cadre adapté. Le souhait du Gouvernement est de maintenir ce dispositif mais, pour tenir compte pleinement des difficultés d’application et des problèmes soulevés par le rapporteur thématique, le Premier ministre a lancé une mission parlementaire, confiée à Mme la députée Dombre Coste, qui est en charge d’évaluer ce dispositif et d’identifier toutes les évolutions nécessaires. Elle devra remettre son rapport le 15 mars prochain.

Je pense qu’il est préférable d’attendre d’être éclairé par ce rapport, qui, à partir d’une analyse de la manière dont la loi de juillet et le décret du 29 octobre 2014 sont appliqués, soulignera les difficultés d’application éventuelles ou confortera le dispositif législatif et réglementaire. Nous pourrons alors procéder à d’éventuels ajustements s’ils étaient recommandés. Mais il ne me paraît pas adapté de le faire à ce stade, par une simple forme de détricotage. Avis donc défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, vous venez de dire, j’ai noté cette phrase tout de même assez exceptionnelle, que la réalité était « légèrement différente » de ce qu’on aurait pu attendre. Cela correspond en clair à ce que l’opposition, et en particulier l’UDI, avait dénoncé en expliquant que ce droit d’information créerait de vraies difficultés de transmission. Dire que la réalité est légèrement différente, c’est vous montrer d’ores et déjà d’accord avec nous. Vous avez d’ailleurs conclu en disant que le rapport parlementaire qui sera publié le 15 mars permettra certainement de revenir en arrière… Alors, monsieur le ministre, n’attendons pas, allons-y dès aujourd’hui !

Monsieur le rapporteur thématique, vous avez dit que la loi n’était pas très ancienne. Il est vrai qu’elle a été adoptée en 2014, mais il me semble que vous êtes revenu il y a quelques jours sur des dispositifs de la loi ALUR qui, je crois, n’est pas non plus très vieille ! Vous qui avez si souvent à la bouche le mot de cohérence, je crois qu’il y a là de votre part une petite incohérence.

(Les amendements nos 1492, 2566 et 2562, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1497.

M. Francis Vercamer. Voici le premier des amendements de repli que je vous avais annoncés. Puisque vous ne voulez pas supprimer le dispositif, je vous propose d’informer les salariés lorsque l’entrepreneur qui cherche à céder son entreprise ne trouve pas de repreneur. Le constat initial, que j’avais exposé dans mon rapport sur l’économie sociale et solidaire, était qu’un certain nombre d’entrepreneurs, pour une part vieillissants, ne trouvaient pas de repreneur, ce qui allait conduire à la disparition d’un certain nombre d’entreprises. J’estimais qu’il serait intéressant de pouvoir faire reprendre par les salariés ces entreprises qui ne trouvaient pas de repreneur. Cet amendement va exactement dans le sens de mon rapport de l’époque, qui avait conduit Mme Bachelot, alors ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à m’appeler le « pape de l’économie sociale et solidaire ». (Sourires.) Bref je propose, par cet amendement, que l’on informe les salariés en l’absence de repreneur, de façon à ce qu’ils puissent éventuellement reprendre l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je dirai au très saint père qu’il est malheureusement défavorable. (Sourires.)

(L’amendement n1497, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1498.

M. Francis Vercamer. Il est défendu.

(L’amendement n1498, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1493.

M. Francis Vercamer. Il est également défendu.

(L’amendement n1493, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1495.

M. Francis Vercamer. Défendu.

(L’amendement n1495, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 2182 rectifié et 2186, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour les soutenir.

M. Jean-Luc Laurent. On a beaucoup parlé, dans ce projet de loi, des freins à lever et des améliorations à apporter pour développer la compétitivité, la croissance et l’activité. Mais on n’a pas parlé, en ce domaine, de la mobilisation des salariés.

Pour ma part, je crois qu’assurer la présence des représentants des salariés dans les entreprises privées, comme cela existe déjà dans les conseils d’administration des entreprises de plus de 5 000 salariés, est une avancée qu’il convient d’étendre. C’est la raison pour laquelle je vous propose, par l’amendement n2182 rectifié, partant du principe que la participation des salariés au gouvernement d’entreprise est un facteur décisif pour orienter les grands choix des entreprises en faveur de la croissance et de l’emploi, d’abaisser le seuil conditionnant la présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration de 5 000 actuellement à 1 000 salariés.

Par ailleurs, je pense que les dispositions fixant des conditions restrictives qui ont été intégrées dans le projet de loi transposant l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 devraient être levées. Je pense tout particulièrement à l’implantation du siège social en France et à l’obligation d’avoir un comité d’entreprise. Ces restrictions affaiblissent la portée pratique du dispositif. C’est un élément supplémentaire, une deuxième proposition.

Par l’amendement n2186, je propose aussi d’augmenter le nombre d’administrateurs salariés au sein de ces conseils d’administration, en portant leur nombre de deux à quatre.

Je pense que, par ces propositions, nous pourrions aller plus loin pour fonder un véritable acte de confiance en faveur du monde du travail. Voici quelques années, dans le cadre du Mouvement républicain et citoyen, nous appelions déjà cela l’« alliance des productifs ». Dans le monde actuel, dans un contexte de désindustrialisation et compte tenu de la reconquête que nous devons accomplir en matière de croissance économique et d’attractivité, il convient de mobiliser pleinement les salariés des entreprises privées. Il a été rappelé, au début de la discussion de votre projet de loi, que la loi de 1983 sur le secteur public avait permis la mobilisation des salariés par le biais de leurs représentants dans les entreprises publiques. Étendons à présent ces dispositifs au secteur privé : la France, j’en suis sûr, s’en portera mieux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 2182 rectifié et 2186 ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Monsieur Laurent, sur le fond, je suis d’accord avec vous, mais nous avons un problème de méthode.

Premièrement, en matière sociale, je suis favorable au respect de la loi Larcher, et plus précisément de l’article L. 1 de notre code du travail, en vertu duquel, préalablement à toute modification en matière sociale, on consulte les partenaires sociaux. En l’occurrence, nous ne pourrions pas modifier le dispositif que nous avons adopté dans la loi de sécurisation de l’emploi, qui est un texte récent, en date du 14 juin 2013 – on avait d’ailleurs, à cette époque, discuté du nombre d’administrateurs salariés – sans reconsulter de manière formelle, au sens de la loi Larcher, les partenaires sociaux.

Deuxièmement, cette loi n’a que dix-huit mois. Un processus d’évaluation est en cours, qui devrait aboutir à brève échéance, à la fin février. Je propose d’attendre cette évaluation.

Troisièmement, je ne suis pas sûr qu’avant d’augmenter le nombre d’administrateurs, il ne faille pas vérifier qu’ils sont bien présents là où ils doivent l’être. En effet, l’un des problèmes que l’on rencontre est que la réalité du conseil d’administration se résume parfois à une holding dépourvue de salariés. Résultat : on ne peut pas placer d’administrateurs salariés là où les décisions se prennent. Il faudrait commencer par cela pour avancer.

Telles sont les trois raisons qui me conduisent, avec regret, à vous demander de retirer cet amendement, qui me paraît prématuré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Sur ces deux amendements, j’aurai la même approche que le rapporteur thématique. Nous avons eu l’occasion d’en discuter en commission spéciale. Vous avez évoqué la question du seuil, qui est l’objet de votre premier amendement. En ce qui concerne le nombre de représentants des salariés, sur lequel porte votre deuxième amendement, vous en revenez en quelque sorte aux propositions du rapport Gallois. J’avais eu l’occasion de dire qu’à titre personnel, je souscrivais à cette ambition.

Un premier point a été évoqué par le rapporteur : les formes sociales qui ont été retenues dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi ont quelques vides, qui ont été identifiés. Nous avons d’ailleurs demandé au Haut comité de gouvernement d’entreprise qui a été créé entre-temps de bien vérifier que toutes les entreprises respectaient la loi, et nous-mêmes procéderons aux contrôles pour être sûrs que les bonnes pratiques sont appliquées, y compris dans les entreprises qui, du fait du silence de la loi, n’étaient pas couvertes. Plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs décidé d’appliquer ces dispositions de manière pro-active.

Par ailleurs, vous reprenez exactement la proposition que François Rebsamen avait inscrite dans le document d’orientation de la négociation pour la modernisation du dialogue social l’été dernier. Comme vous le savez, cette négociation a échoué au mois de janvier dernier. Le Gouvernement reprend donc en quelque sorte la copie. Une réunion importante est prévue le 19 février autour du Premier ministre avec l’ensemble des partenaires sociaux. Elle s’inscrit pleinement dans le cadre de l’article L. 1 du code du travail évoqué par le rapporteur Denys Robiliard. Ce processus continue d’avancer.

L’ambition que vous avez au travers de ces deux amendements est partagée par le Gouvernement et a même été traduite de manière concrète dans le document d’orientation du ministre du travail que j’évoquais à l’instant. Je vous demande donc de les retirer, monsieur le député, mais je m’engage en contrepartie à ce que le Gouvernement continue de nourrir cette ambition dans le cadre de la nouvelle phase qui s’ouvre avec les partenaires sociaux et qui devrait déboucher sur un véhicule législatif permettant de moderniser le dialogue social, car il en est une composante importante.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je préfère la réponse du ministre à celle du rapporteur, qui témoigne d’une logique de fermeture à double tour. J’en suis particulièrement surpris parce qu’en commission, le ministre proposait déjà une ouverture. J’avais même compris que le Gouvernement pourrait déposer un amendement pour que nous puissions commencer à cheminer. Cela n’a malheureusement pas été fait.

J’insiste sur le fait que, compte tenu des deux problèmes que j’ai soulignés – je proposais déjà de les régler dans mes amendements – ce que nous avons inscrit voilà dix-huit mois dans la loi n’est pas opérationnel.

Par ailleurs, la question de l’extension du dispositif à des entreprises de plus petite taille – c’est une proposition du rapport Gallois – et celle de l’augmentation du nombre de représentants restent posées.

Si je prends acte de la volonté de continuer à avancer dans ce domaine, je souhaite néanmoins maintenir mes amendements de façon qu’ils figurent au compte rendu. Je suis sûr que nous aurons l’occasion d’en reparler.

(Les amendements nos 2182 rectifié et 2186, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1501.

M. Francis Vercamer. Pendant le temps qui nous est imparti, nous allons essayer de vous convaincre de modifier les seuils sociaux, monsieur le ministre.

Vous le savez, un certain nombre de seuils régissent les dispositions applicables aux entreprises, telles que des règles relatives aux institutions représentatives du personnel ou aux droits des salariés. Nous y reviendrons de manière plus détaillée au cours du débat.

Pour développer la croissance et l’activité, puisque c’est l’objectif fixé par les auteurs du présent projet de loi, il nous paraît important de tester une légère modification – il faudra préciser – des seuils qui s’imposent aux entreprises. Nous pourrons ainsi vérifier si le club des entreprises de 9 salariés, le club des entreprises de 19 salariés et le club des entreprises de 49 salariés embauchent des salariés si on les laisse dépasser ces chiffres aujourd’hui souvent bloquants.

On le sait, dans un certain nombre d’entreprises, le nombre de salariés reste bloqué sous un seuil – on cite le plus souvent celui de 49 – de façon à éviter de faire le pas. En effet, en passant à 50 salariés, une entreprise est contrainte de mobiliser des moyens supplémentaires, de créer un comité d’entreprise et d’appliquer un certain nombre de dispositions qui coûtent à l’entreprise, ce qui fait peur à l’employeur. Nous vous proposons de franchir ces seuils.

Le premier amendement – je laisserai mes collègues défendre les suivants – permet de relever le seuil de cinquante à soixante salariés. Ainsi, le club des 49 deviendra peut-être demain le club des 59, mais entre temps dix salariés auront pu être embauchés dans chacune de ces entreprises.

Vous le savez, les petites et moyennes entreprises sont celles qui embauchent le plus. C’est dans ces entreprises qu’il y a le plus de création d’emplois.

M. Philippe Vigier. Absolument !

M. Francis Vercamer. Interdire à ces entreprises d’embaucher jusqu’à dix salariés supplémentaires constitue réellement un frein à l’emploi.

Vous m’objecterez que, s’il était adopté, cet amendement le serait sans que les partenaires sociaux aient été consultés. Mais le dialogue social a bien eu lieu ; il a échoué. Les partenaires sociaux se sont réunis, comme vous le savez, et le Gouvernement a allongé les délais de négociation. L’échéance n’a pas été respectée et ils se sont séparés sur un constat d’échec.

On peut relancer une discussion – je ne veux absolument pas empêcher le bon déroulement du dialogue social. Toutefois, en attendant que les partenaires sociaux se mettent d’accord, nous proposons de relever ces seuils de dix salariés de façon à débloquer l’emploi dans un certain nombre de PME qui, aujourd’hui, ne veulent pas sauter le pas.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n1532.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, nous sommes à un moment critique de l’examen de ce texte. Vous m’avez dit tout à l’heure que je ne m’étais pas assez engagé voilà quelques jours pour la modernisation du permis de conduire, et vous m’avez trouvé un peu timoré en début de soirée au sujet des prud’hommes. Mais sur la question des seuils, il s’agit de créer un choc de confiance.

Vous le savez très bien, et cela a été parfaitement expliqué par Francis Vercamer, les seuils de dix, vingt et cinquante salariés créent un blocage psychologique pour les employeurs. Pour éviter le passage de quarante-neuf salariés à cinquante, qui induit de nouvelles formalités administratives, juridiques ou autres, et notamment la création d’un comité d’entreprise, les entreprises créent des filiales ou d’autres sociétés, vous le savez comme moi.

Voilà quelques mois, le Gouvernement annonçait le fameux pacte de responsabilité et de solidarité, un chèque de confiance signé aux entreprises. Il s’agissait de les accompagner pour qu’elles créent ces fameux emplois après lesquels on court désespérément. Il est temps à présent de faire passer un message volontariste au sujet des seuils.

Cet amendement est intéressant en ce qu’il propose une disposition à titre expérimental : à l’issue d’un an, on ferait le point pour déterminer si la mesure a fonctionné ou non. Vous m’objecterez que le dialogue social a échoué, et cela a été très bien expliqué par Francis Vercamer, mais nous vous proposerons un peu plus loin l’organisation d’une grande conférence sociale, monsieur le ministre. Vous pourriez donc en parallèle faire glisser ces seuils de dix salariés, créer ce choc dont tout le monde verra les effets.

Le monde des PME, principaux employeurs de France, est en effet aussi celui où l’on souffre. Eh oui, monsieur Paul, à l’instar du Premier ministre en Chine, je fais des comparaisons avec l’Allemagne ! Il faut comparer la structure des entreprises allemandes avec celle des entreprises françaises, monsieur Paul. Si nous avions un peu plus de PME en France, nous n’en serions pas là ! C’est une faiblesse structurelle, mais vous ne la voyez pas. Vous êtes aveugle sur ce point, aveugle ! C’est bien dommage, car c’est là qu’il faut aller chercher l’emploi.

Pour notre part, nous souhaitons accompagner le développement de l’emploi. C’est dans les PME que les chefs d’entreprise prennent le plus de risques, parce qu’ils mettent en jeu leur patrimoine, leur propre responsabilité, alors que dans les grands groupes, les dirigeants sont beaucoup plus protégés, vous le savez. C’est d’ailleurs dans les PME que l’impôt sur les sociétés est le plus élevé, et vous le dénoncez souvent avec nous. Pascal Cherki le sait aussi, qui le dit avec nous en commission des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous assure, chers collègues, je le surveille !

Monsieur le ministre, cette affaire est sérieuse. Il est regrettable d’en parler à deux heures du matin. François Rebsamen, voilà quelques semaines, expliquait dans une grande interview donnée au grand quotidien de sa région que, au sujet des seuils sociaux, il fallait bouger. Justement, nous pouvons bouger. Et ce serait un acte politique fort de le faire collectivement.

M. Pascal Cherki. Non !

M. Philippe Vigier. Que vous ne le souhaitiez pas, vous, les frondeurs, je peux le comprendre ! Mais nous, nous vous proposons de bouger, monsieur le ministre. Il est des sujets sur lesquels une majorité d’idée doit se dégager.

M. Pascal Cherki. Changer les seuils avant les cantonales, c’est une bonne idée !

M. Philippe Vigier. Pour conclure, le présent amendement, qui est à titre expérimental, présenterait l’intérêt de pouvoir évaluer si le seuil de cinquante salariés constitue ou non une barrière psychologique, et s’il convient de la faire sauter ensuite. Cela pourrait être décidé à l’issue de la grande conférence sociale que nous proposons dans un amendement ultérieur, à l’occasion de laquelle l’ensemble des partenaires pourraient se retrouver pour discuter non seulement des seuils mais aussi d’autres sujets. La France en sortirait grandie.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1503 rectifié.

M. Arnaud Richard. Voilà deux ou trois mois, je prenais ma douche… (Rires.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Tous les trois mois, ce n’est pas beaucoup !

M. Arnaud Richard. J’étais sous la douche, donc, quand j’ai entendu le Président de la République dire qu’il fallait bouger sur les seuils sociaux. « Au secours ! », me suis-je dit, « où est la gauche ? C’était le discours de l’UMP il y a dix ans ! » Puis je me suis dit que la gauche était enfin devenue intelligente. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Respect, chers collègues de la majorité présidentielle !

Sauf que la réalité est tout autre. La question des seuils sociaux est un marronnier, un tabou. Elle fait partie des sujets qu’on ne peut plus aborder. Je n’ai pas eu la chance de faire partie de la commission spéciale et donc de participer à la psychothérapie de M. Macron. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique de la commission spéciale. Ce débat était de bonne tenue…

M. Arnaud Richard. Je trouve néanmoins que ce dernier ouvre des portes,…

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Et vous, vous enfoncez des portes ouvertes !

M. Arnaud Richard. …qu’il met sur la table des sujets difficiles pour vous, chers collègues. Nous avons essayé de le suivre, de l’écouter. Il est courageux, car sa position est éloignée de celle que défend la gauche à l’heure actuelle. M. Macron a eu raison d’avoir ce courage.

Sur les seuils sociaux, monsieur le ministre, allez jusqu’au bout ! Ce n’est pas un tabou, il faut évoquer la chose. Le sujet n’est pas le clivage droite-gauche ou l’opposition entre libéralisme et socialisme. Cette question concerne des chefs d’entreprise qui considèrent qu’on est allé au bout du système dix-vingt-cinquante et que ce n’est plus supportable. Vous le savez très bien, monsieur le président de la commission spéciale. Soyez courageux jusqu’au bout.

Nous vous faisons des propositions, comme sur chaque sujet difficile depuis le début de la législature, de manière cohérente, en essayant d’aller dans le sens de l’intérêt du pays. Écoutez-nous, monsieur le ministre ! Nous ne faisons pas cela pour être dans la confrontation idiote. Nous le faisons parce que nous considérons que ce sujet mérite d’être débattu dans ce Parlement – et dans d’autres conditions qu’à deux heures du matin.

J’aurai deux questions à poser à M. Macron. Tout d’abord, pense-t-il adhérer dès lundi matin au parti socialiste ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est membre !

M. Arnaud Richard. Et voilà la question la plus difficile : la section qu’il aura choisie va-t-elle accepter son adhésion ? (« Oh !» sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Elisabeth Pochon. Occupez-vous de vos problèmes ! L’UDI est divisée !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est mesquin !

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir l’amendement n1535.

M. Yves Jégo. Mes chers collègues, je veux bien admettre que la fatigue aidant, la nuit avançant, il soit peut-être un peu difficile de tenir ce débat pourtant fondamental comme nous devrions le tenir.

Monsieur le ministre, j’ai la conviction que se joue autour de cette question quelque chose d’extrêmement important en termes d’emplois. Voilà des années que les organisations patronales nous expliquent que si les seuils étaient relevés il y aurait des embauches.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il fallait le faire quand vous étiez au Gouvernement !

M. Yves Jégo. Au fond, personne ne sait si c’est vrai ou non.

Au fond, si dans cette affaire nous nous limitons à un affrontement idéologique entre la gauche et la droite, entre les partisans d’une législation plus ferme en matière de protection des salariés et ceux qui sont accusés de vouloir être plus laxistes, nous n’aurons pas compris quel est l’enjeu et nous aurons oublié au milieu de la nuit les cinq millions de chômeurs qui attendent que nous nous efforcions de trouver des solutions urgentes.

Dans Le Bien public, quotidien régional de Dijon, M. François Rebsamen, ministre du travail, a proposé de geler les seuils pendant trois ans « pour voir si ça fonctionnait et pour enfin purger ce sujet ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Francis Vercamer. Eh oui !

M. Yves Jégo. Nous proposons quant à nous une formule plus soft, car les amendements que nous avons déposés prévoient une durée d’expérimentation d’une année, permettant en outre au dialogue social – dont nous regrettons comme vous et, j’en suis sûr, comme l’ensemble de cet hémicycle qu’il n’ait pas prospéré sur cette question – de reprendre ce sujet au bout d’une année, sur le fond d’une expérimentation grandeur nature, afin de savoir si ça marche ou si ça ne marche pas.

Monsieur le ministre, il n’y a qu’un seul risque : c’est que cela fonctionne. Et si cela ne fonctionne pas, vous aurez définitivement purgé une question qui ne sera plus le marronnier agité sans cesse sous nos yeux.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il ne faut pas crier comme ça ! Il est tard !

M. Yves Jégo. Pardonnez-moi si je suis un peu emporté sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque les chefs d’entreprise que nous rencontrons, comme nous le faisons tous, évoquent les freins à l’embauche, certains sujets reviennent dans toutes les entreprises et cette question-là est lancinante. Dans ce projet de loi sur la croissance, qui a balayé très large et évoqué des sujets très divers, on ouvre une possibilité beaucoup plus soft que celle que propose le ministre Rebsamen. Si nous avons tort de vous la proposer aujourd’hui, cela signifie également que le ministre avait trois fois tort dans Le Bien public en proposant une période de trois ans là où nous ne proposons qu’une seule année d’expérimentation.

Il y a, comme on l’a vu tout à l’heure entre M. Christian Paul et le ministre, des débats internes à la majorité…

Mme Isabelle Attard. Non, simplement des débats sur le sujet !

M. Yves Jégo. …et d’autres entre la majorité et l’opposition. Au-delà des débats, il faut que nous avancions un peu pour tester des solutions et cessions de répéter toujours la même chose depuis des années, avec d’un côté un patronat qui promet que relever les seuils aura des effets miraculeux et, de l’autre, des gouvernants qui ne veulent pas le faire car ils considèrent que c’est trop dangereux et qu’ils risquent de perdre leurs électeurs. Nous vous proposons de tester cette formule pendant un an, sans mettre à mal la République sociale ni mettre cul-par-dessus-tête le code du travail ou empêcher quiconque d’exercer ses droits.

Il s’agit de tester enfin cette mesure pour purger enfin la question : soit elle marche, et nous nous en réjouirons tous parce que des dizaines ou des centaines de milliers de personnes auront trouvé un travail grâce à elle, soit elle ne fonctionne pas et nous serons prêts à admettre que ceux qui étaient partisans de cette mesure se sont trompés. La proposition de M. Rebsamen était de bon sens et nous vous proposons d’aller dans cette voie. Ce n’est pas parce qu’il est deux heures du matin et que nous sommes épuisés après ce débat que nous ne pouvons pas prendre le temps d’essayer car, pour le chômage, on n’a pas tout essayé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. J’aurais envie de dire à mes collègues que, quelle que soit l’heure, il ne faut pas céder à la provocation. En effet, bien qu’il n’y ait pas de question taboue, je ne crois pas que ce soit dans le cadre de ce projet que nous puissions discuter de façon sereine des institutions représentatives du personnel.

Monsieur Jégo, puisque vous évoquiez une psychothérapie, permettez-moi de penser qu’il y a peut-être dans ces amendements un peu de retour du refoulé. En effet, vous nous dites que le dialogue social est une entrave à l’emploi. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe UDI.)

Mais si ! C’est ce que vous dites lorsque vous relevez le seuil de 50 à 61 salariés et présentez à chaque fois deux amendements, le premier étant de principe et l’expérimentation n’étant demandée que dans un deuxième temps, dans un amendement de repli. Il en va de même à propos des délégués du personnel, pour lesquels vous relevez le seuil de 11 à 21 salariés, avant de présenter un amendement de repli proposant cette mesure à titre expérimental. Vous ne demandez donc l’expérimentation qu’à titre subsidiaire, dans le cadre d’amendements de repli, et affirmez bien comme position de principe que le relèvement des seuils permettrait d’augmenter les embauches.

Fondamentalement, si nous avons un problème d’emploi en France, c’est parce que nous avons un problème de demande et d’investissement.

M. Christian Paul M. Pascal Cherki et Mme Isabelle Attard. Très bien !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je ne crois pas que le problème se situe sur un autre terrain et je ne pense donc pas que la solution soit dans vos propositions, même si, je le répète, on peut discuter de tout.

Prenez garde également aux messages que vous envoyez, car le dialogue social est aussi une chance pour l’entreprise et ce n’est pas avec de tels messages, même à cette heure-ci, qu’on le fait avancer. Avis défavorable donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne répondrai pas à vos propos sur les sections du Parti socialiste, car depuis le début de notre débat, je considère qu’il s’agit et qu’il doit s’agir d’un débat entre le Gouvernement et la représentation nationale.

Messieurs les députés, je vous renverrai d’abord au droit existant et à ce que cette majorité a voté dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi – vous avez eu du reste, lors du vote de celle-ci, une position constructive. Selon le droit actuel, et je parle là sous le contrôle de plus expert que moi, une entreprise qui franchit un seuil dispose d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité. Nous avons, avec la loi de sécurisation, ajouté un an à ce délai. Ce que vous proposez est donc, en quelque sorte, ce qui a été fait,…

M. Jean-Yves Caullet. Eh oui !

M. Emmanuel Macron, ministre. …et de manière moins provocatrice, car le sous-jacent, comme l’a rappelé le rapporteur, M. Denys Robiliard, ne consistait pas à dire que plus de dialogue social constituait un handicap, mais qu’il fallait être pragmatiques et laisser aussi aux entreprises un temps d’adaptation. Cela faisait partie de ce qui a été voté.

J’ai bien pris en compte vos propos, qui exprimaient une sorte d’appel que je veux croire sincère, et peut-être aussi de provocation…

M. Philippe Vigier et M. Francis Vercamer. Pas du tout !

M. Emmanuel Macron, ministre. … mais l’été dernier – et c’est sans doute là que nous avons un désaccord fondamental de méthode –, le Gouvernement n’a pas traité des seuils comme s’il s’agissait d’un Graal, mais du dialogue social dans son ensemble. De fait, la question n’est pas qu’un seuil plutôt qu’un autre serait une contrainte dont la modification permettrait de libérer soudainement la création d’emplois – je suis en effet au regret de constater que nous n’avons pas vu que des dizaines de milliers d’emplois aient été créés en donnant aux entreprises une année supplémentaire avec la loi de sécurisation de l’emploi, – mais bien plutôt de savoir comment enrichir notre dialogue social.

C’est là en effet toute la démarche adoptée par le Gouvernement depuis le début de ce quinquennat et dont nous avons continué à discuter lors du débat sur le travail dominical, lorsque nous avons évoqué les accords de branche, d’entreprise ou de territoire comme une condition de l’ouverture des commerces et comme l’élément définissant les compensations pour les salariés. De la même façon, on peut rendre plus efficace le dialogue social dans l’entreprise. La feuille de route déposée par le Gouvernement en juillet dernier intégrait la question des seuils, mais pas pour les modifier car, compte tenu des contraintes communautaires et d’autres contraintes, ce n’est pas parce que l’on relèverait le seuil de 50 à 60 salariés ou que l’on déciderait une expérimentation que l’on créerait par miracle un appel d’air, car ce dont nos entreprises ont besoin, c’est aussi de stabilité. C’est cela que les entreprises et les investisseurs appellent de leurs vœux et que vous rappelez vous-même dans nombre de vos discours.

Là aussi, il faut de la cohérence. Il faut regarder d’une manière beaucoup plus large et beaucoup plus riche comment faire de notre dialogue social un élément de plus grande protection, aux bons endroits et de manière adaptée, pour créer des droits réels et, en même temps, un élément de compétitivité. C’est là en effet le sous-jacent du pacte de responsabilité et de solidarité, de la réforme qui vient d’être votée sur le travail dominical et de la feuille de route mise sur la table par le Gouvernement et négociée par les partenaires sociaux.

Je regrette, comme mon collègue François Rebsamen et l’ensemble du Gouvernement – le Premier ministre et le Président de la République ont du reste eu aussi l’occasion de le dire –, que ce dialogue social n’ait pas abouti à un accord, car il aurait permis de régler nombre des problèmes que nous évoquons ici et aurait démontré, comme l’a très bien dit votre rapporteur, Denys Robiliard, que le dialogue social est un élément de compétitivité. Je veux, comme je l’ai fait dans d’autres enceintes, rappeler ici ce point, car on ne peut, sur ce sujet, ne pas être cohérent jusqu’au bout.

Nous avons pris des décisions qui n’étaient pas forcément naturelles, annoncées par le Président de la République en janvier 2014 et qui ont conduit à procéder à des allégements de cotisations patronales en contrepartie d’engagements demandés aux partenaires sociaux et aux représentants des employeurs. Ces allégements impliquaient une responsabilité, qui n’a pas toujours été au rendez-vous. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que cette exigence doit porter des deux côtés.

Je voudrais que votre ferveur soit la même quand il s’agit d’encourager et d’exiger l’existence, branche par branche, d’accords qui font souvent défaut et dont l’absence a conduit les partenaires sociaux et les salariés dans des impasses sur le temps partiel, alors qu’un progrès avait été voté par la représentation nationale, mais qu’on observait des comportements de blocage.

Je voudrais que votre ferveur et votre exigence soient les mêmes lorsque, sur le fondement du pacte de responsabilité et de solidarité, des accords ne sont pas signés dans certaines branches, alors même que de gestes ont été faits par le Gouvernement et la représentation nationale pour l’emploi.

Mme Jacqueline Fraysse et M. Patrice Carvalho. Et des chèques !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il faut aller jusqu’au bout de cette cohérence.

Pour finir, le Gouvernement a la conviction, que le dialogue social peut et doit être modernisé, mais pas pour retirer des droits, ni pour déplacer des seuils, mais pour enrichir ce dialogue et le rendre plus efficace, pour permettre le développement des entreprises et, en même temps, préserver les sécurités nécessaires aux salariés. Telle était l’ambition de la feuille de route de l’été dernier et d’un prochain texte de loi qui sera porté par M. Rebsamen et que le Gouvernement préparera en prenant ses responsabilités.

Dès le mois d’août 2014, en effet, le Président de la République a dit que le Gouvernement prendrait sa responsabilité…

M. Philippe Vigier et M. Francis Vercamer. Eh bien, qu’il la prenne !

M. Emmanuel Macron, ministre. … si cette négociation échouait – mais prendre sa responsabilité, ce n’est pas le faire de manière subreptice dans un amendement déconnecté du reste, qui consisterait à dire qu’il n’existe au fond qu’un problème : les seuils. Non, car le problème tient aussi à ce que, dans certaines catégories d’entreprises, il n’y a pas une juste répartition des salariés. En effet, quand on croit au dialogue social, on y croit complètement, totalement, comme nous l’avons fait sur différents sujets. Cette approche ne peut donc pas être isolée du reste. C’est pourquoi elle sera reprise dans son ensemble, car c’est là que se situe, depuis le début, la crédibilité de la démarche gouvernementale. Cette démarche sera poursuivie.

Oui, on peut être à la fois plus juste, plus efficace et finalement, monsieur le président Vigier, rester cohérent jusqu’au bout. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, je suis tout à fait prêt à m’engager avec vous sur cette voie de la cohérence. L’ancien Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, nous avait expliqué que, lorsqu’il y aurait des hausses d’impôts, neuf Français sur dix ne seraient pas concernés et on a vu ce qui est arrivé. On nous a expliqué qu’il n’y aurait pas de nouvelles charges pour les entreprises et vous savez très bien que cette parole n’a pas été tenue. Vous avez expliqué tout à l’heure qu’il fallait de la stabilité, mais y a-t-il, oui ou non, de la stabilité fiscale pour les entreprises depuis 2012 ? On pourrait du reste faire le même procès pour les périodes antérieures, car c’est vrai aussi, il n’y avait pas eu davantage de stabilité fiscale. Mais, avec ce Gouvernement, la stabilité fiscale n’a jamais été au rendez-vous. Ce sont là des discours que l’on tient sur tous les bancs de cet hémicycle, alors soyons cohérents jusqu’au bout.

Premier élément : monsieur Robiliard, vous avez porté un jugement sévère, que je ne laisserai pas passer. Vous avez dit, en substance, que le dialogue social, pour nous, pour l’UDI, parce que nous sommes ici ce soir toute l’opposition, serait « une entrave à l’emploi ». Vous avez dit cela ; or c’est faux ! Vous n’avez pas le monopole du dialogue social !

Nous vous avons montré la voie il y a quelques années avec le Grenelle de l’environnement de Jean-Louis Borloo : alors que cela semblait impossible, nous avons rassemblé tout le monde, sur tous ces bancs, pour voter une loi, à savoir le Grenelle 1, comme vous le savez parfaitement ! Alors n’imaginez pas que vous avez le monopole du dialogue social : c’est tout le contraire ! Vous l’avez perdu, ce monopole du dialogue social que vous pensiez garder précieusement ! À gauche, c’est fini : vous ne l’avez plus !

Sachez bien que la façon dont nous, les centristes, avons abordé ce projet de loi, depuis le début, depuis la première minute, avec l’attitude constructive qui a été la nôtre avec tous mes collègues de la commission spéciale, avec toutes les auditions que nous avons menées en dehors de celles organisées par les rapporteurs, avec l’implication qui a été la nôtre à chaque fois, tout cela, nous l’avons fait pour qu’il y ait de la croissance et de l’activité, et vous ne pouvez pas dire le contraire !

Nous n’avons jamais fait preuve, sur aucun sujet, de dogmatisme, et n’avons jamais adopté aucune posture. Sur ces sujets, voyez comment cela se passe en Allemagne ! (Exclamations sur certains bancs du groupe SRC.) Oui, moi j’aime que l’on parle de l’Allemagne – je le précise pour M. Paul –, j’aime ce qui se passe en Allemagne, où l’on est capable de franchir quelques lignes pour porter ensemble un projet de modernisation du pays.

Deuxième élément : j’entends, monsieur le ministre, la qualité du dialogue social. Il la faut : c’est une exigence ! Mais ce qu’il faut avant tout, c’est permettre que se créent des emplois ! La France se désespère avec cette inversion impossible de la courbe du chômage, cette augmentation sans fin, cette spirale qui entraîne tant de familles dont on voit bien que le quotidien est dégradé, tant la situation est devenue insupportable, avec un jeune sur quatre au chômage !

Nous vous faisons donc une proposition concernant les seuils sociaux ; on vous aide politiquement, monsieur le ministre ! Vous n’êtes pas tout à fait vous-même, « celui qui veut faire bouger les lignes », quand, on le voit bien, vous essayez de donner des gages à votre gauche. Ne leur en donnez pas, de toute façon les frondeurs voteront contre ! Ils vous l’ont bien expliqué !

Tout à l’heure, ils vous ont même dit de faire attention à ce que vous alliez dire et que si jamais vous ne les suiviez pas, ils ne voteraient pas votre loi ! Vous avez observé à quel point M. Paul s’était montré sévère, très sévère avec vous !

Nous, nous ne disons pas cela : nous disons que, jusqu’au bout de la nuit, il faut construire, parce qu’avec ce texte, il y a des choses qui avancent, d’autres qui n’avancent pas et d’autres encore sur lesquelles, vraiment, on rate le coche !

Au-delà de ce que vous disent les députés de la majorité comme de l’opposition, vous lisez tout comme nous les rapports de la Cour des comptes et de l’Observatoire du travail : tous, à un moment ou à un autre, ont insisté sur le sujet des seuils sociaux !

Vous dites que le dialogue social doit aller jusqu’au bout ; mais sur la pénibilité, qu’avez-vous fait ? Après avoir sorti un texte, vous vous êtes aperçu que celui-ci était tellement inapplicable que vous avez été obligés d’en décaler l’entrée en vigueur car vous savez combien il introduit de complexité !

Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que c’est comme pour les contrats à durée déterminée – on y reviendra tout à l’heure. (« Oh non ! » sur divers bancs du groupe SRC.) Eh si, on y reviendra, mes chers collègues ! Je crois d’ailleurs que François Rebsamen a eu cette semaine des entretiens approfondis avec des sociétés d’intérim en France : nous, à l’UDI, nous ne nous satisfaisons pas de la précarisation des salariés ! Or sur dix emplois créés, monsieur le ministre, neuf sont en CDD – et parmi eux, combien de dix, quinze ou vingt jours ? C’est la vérité !

Nous, nous préférons plus de sécurisation de l’emploi, nous préférons des contrats permettant d’acquérir des droits progressifs et nous portons cette idée moderne, ambitieuse, qui donnera un peu d’oxygène à ce pays.

Les seuils sociaux – je termine sur ce sujet, par lequel j’avais commencé mon intervention – sont un formidable signal que vous pourriez envoyer. De toute façon, les frondeurs voteront contre, donc ce n’est plus la peine de compter avec eux ! Je les respecte, mais…

M. Pascal Cherki. Ils réfléchissent !

M. le président. Réfléchissez en silence, monsieur Cherki ! (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Je les aide à réfléchir, monsieur le ministre, donc je vous aide ! C’est un symbole très fort que vous feriez passer.

Bruxelles vous a demandé un certain nombre de réformes structurelles : voilà une réforme structurelle, qui ne coûte rien !

Enfin, mes chers collègues, la loi sur les 35 heures a-t-elle été appliquée de façon homogène dans les trois fonctions publiques et dans toutes les entreprises au même moment ? Pas du tout ! Vous savez très bien, et chacun le sait, que cette loi n’a pas été appliquée immédiatement à la fonction publique hospitalière ! Et lorsque ce fut fait, combien de milliers, voire de millions d’heures supplémentaires s’étaient accumulées par rapport à la loi-cadre des 35 heures ? C’est donc un moment extrêmement important que nous portons ici, non pas pour nous faire plaisir, non pas par posture politique, mais parce que la France en a besoin.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est la deuxième douche !

M. Arnaud Richard. Je suis rassuré, puisque le ministre ne m’a pas répondu sur son adhésion au Parti socialiste. Je conviens bien qu’il est très orthogonal avec sa majorité, ce qui n’est pas une surprise (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas un jugement, mes chers collègues, mais ce n’est pas non plus une surprise.

Mme Brigitte Bourguignon. Cela n’apporte rien au débat !

M. Arnaud Richard. M. Rebsamen est le ministre du travail : c’est une responsabilité importante car c’est certainement le sujet le plus important pour ce gouvernement.

M. Pascal Cherki. Il ne chôme pas, lui !

M. Arnaud Richard. Il a des positions beaucoup plus excessives que les nôtres : il va beaucoup plus loin dans ses propos ! Donc, au-delà du ministre qui est aujourd’hui au banc, déjà très orthogonal avec sa majorité, il en est un autre, le ministre du travail, encore plus orthogonal puisque son collègue n’est pas d’accord avec les positions qu’il a exprimées dans Le Bien Public ! Qu’on nous explique où est la cohérence ! Monsieur le ministre, vous nous donnez des leçons de cohérence ; mais vous-même êtes très souple !

M. Jean-Yves Caullet. Si c’est orthogonal dans le même plan, cela veut dire que c’est parallèle ! (Sourires.)

M. Pascal Cherki. Très juste !

M. Arnaud Richard. Merci, Pascal !

M. Pascal Cherki. Non, c’est M. Caullet que je félicite !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Arnaud Richard. Vous êtes très souple : ce sont des cohérences de gymnaste ! Je n’y comprends plus rien ! Vous appartenez à la majorité, et vous avez en face de vous un ministre intelligent, avec l’histoire qui est la sienne et que je respecte ; c’est un homme remarquable !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est gentil !

M. Arnaud Richard. Mais il est extrêmement loin de ce que vous êtes !

Nous, monsieur le ministre, nous faisons des propositions de bonne foi, qui sont respectables – ce n’est pas parce qu’il est tard qu’il faut considérer que nous voulons vous embêter…

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Un peu quand même !

M. Arnaud Richard. … nous faisons des propositions qui sont dans le débat public et qui visent à résoudre des problèmes anciens.

Cher Denys Robiliard, vous qui êtes un collègue de grande qualité, vous ne pouvez pas prétendre que nous n’aimons pas le dialogue social ! Notre président a été correct et bien élevé ! Sur le dialogue social, depuis dix ans, nous n’avons certes pas tout réussi, mais vous non plus ! Alors les leçons de morale, merci !

Votre grande conférence sociale a accouché d’une souris – que dis-je : de rien du tout ! Maintenant vous nous dites que vous allez prendre vos responsabilités : formidable ! Mais les partenaires sociaux, qui sont sérieux, se remettent autour de la table : ils n’attendent pas votre projet de loi !

Soyez donc cohérent avec vous-même, monsieur le ministre ! La seule chose que j’attends de votre part, c’est que vous entendiez des positions qui sont aussi courageuses que votre projet de loi et que vous donniez un avis favorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oh non !

M. Philippe Vigier. Pourquoi non ?

M. le président. Ce n’est pas parce que le groupe SRC a épuisé son temps de parole que le groupe UDI a épuisé le sien ! (Sourires.)

M. Yves Jégo. Je suis désolé mais le temps programmé nous donne encore du temps de parole !

Je voudrais vous lire la chose suivante : « La suspension transitoire des obligations qui s’imposent aux entreprises passant de neuf à dix salariés et de quarante-neuf à cinquante salariés permettrait de savoir si les seuils sociaux sont réellement des freins à l’emploi, comme le soutient le patronat ». C’est une phrase d’un ministre du Gouvernement – d’un de vos collègues !

M. Pascal Cherki. Lequel ? Des noms !

M. Yves Jégo. Il est donc savoureux que vous veniez maintenant nous accuser d’incohérence. Il faudrait savoir où est l’incohérence ! N’est-elle pas entre vous et le ministre du travail ? À moins qu’il n’y ait eu une évolution de la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Nous avons bien compris ce soir que vous ne vouliez pas bouger sur ce sujet,…

Mme Jacqueline Fraysse. C’est déjà quelque chose !

M. Yves Jégo. …que vous cherchiez des prétextes avec, je dois le dire, beaucoup de talent et une dialectique tout à fait remarquable, pour essayer de mettre la balle dans le camp de votre opposition, en nous disant que nous faisions de la provocation. Sérieusement, monsieur le ministre !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’est moi qui ai dit cela !

M. Yves Jégo. Le rapporteur a parlé de provocation. Or, cette demande est portée par toutes les organisations représentatives des entrepreneurs : c’est une bien étrange conception du dialogue social que de prétendre que ceux qui portent une revendication exprimée dans le cadre du dialogue social font de la provocation !

Je sais bien que le président Le Roux parle du « boys band libéral à deux heures du matin »… (Rires sur tous les bancs)

M. Arnaud Richard. Comme il n’a plus de temps de parole, il abuse de Twitter !

M. Yves Jégo. …ce qui prouve qu’il a encore du temps pour envoyer des tweets et qu’il a de l’humour ! Nous étions trois tout à l’heure : nous pouvions constituer un boys band ; mais maintenant que nous sommes quatre, appelez-nous les trois mousquetaires !

M. Arnaud Richard. D’Artagnan est arrivé !

M. Yves Jégo. Si vous pensez nous insulter en nous traitant de libéraux, sachez que, pour nous, c’est plutôt un compliment ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je pense d’ailleurs qu’on manque de souffle libéral dans ce pays : cela permettrait pourtant à l’économie d’aller beaucoup mieux !

Vous avez tort, monsieur le ministre, de penser que ce que nous proposons serait contraire au dialogue social. Vous avez tort de laisser penser que votre envolée lyrique sur le dialogue social, que nous partageons, viendrait par elle-même résoudre un problème puisque, on l’a vu, les partenaires sociaux eux-mêmes n’ont pas avancé sur cette question.

Vous avez tort, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, de dire que nous faisons de la provocation : nous essayons simplement d’apporter notre pierre à votre texte.

Quand vous nous dites que nos propositions seraient déconnectées, décalées et incohérentes, je vous répondrai que depuis maintenant trois semaines, au vu des articles qui se sont succédé, nous avons vu bien des choses déconnectées, bien des choses décalées, bien des choses incohérentes ! Voilà ce que nous aurions pu vous dire si nous avions voulu être caustiques !

Vous ne voulez pas, pour des raisons essentiellement idéologiques, parfaitement traduites par le président Le Roux dans son tweet : c’est un affrontement du socialisme triomphant contre le libéralisme…

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. …déclinant !

M. Yves Jégo. Déclinant, malheureusement, parce qu’au fur et à mesure que vous faites décliner le libéralisme, vous faites monter la courbe du chômage ! Voilà la vérité ! À force de ne pas écouter les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, à force de ne pas comprendre qu’il y a un problème dans notre pays parce qu’il y a deux fois et demie plus d’entreprises ayant quarante-neuf salariés que d’entreprises qui en ont cinquante, vous ne voulez pas voir la vérité. Vous campez sur des dogmes, vous vous contentez d’envolées lyriques sur le dialogue social, sans vouloir faire bouger les choses, et nous le regrettons !

Mais malheureusement, ceux qui le regretteront encore plus que nous, ce sont les salariés qui, demain, ne pourront pas trouver d’emploi parce que des chefs d’entreprise n’auront pas été entendus et n’auront pas confiance dans cette loi.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Si c’était aussi simple que cela !

M. Yves Jégo. C’est cela, la conséquence de l’avis défavorable que vous allez donner à ces amendements et du vote que la majorité, qui s’est d’un seul coup ressoudée, va émettre : c’est une occasion manquée. La loi sur la croissance est ce soir une loi boiteuse ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je voudrais revenir à des éléments plus sérieux. Ainsi qu’Yves Jego vient de le dire, avec un tel taux de chômage, qui n’est pas près de diminuer puisqu’on nous a encore annoncé qu’il augmenterait dans l’année, tout ce qui peut permettre d’inverser la courbe du chômage – inversion qui nous avait été annoncée à grand renfort de déclarations du Gouvernement et du Président de la République – peut contribuer à redonner un peu d’espoir à nos compatriotes.

Si nous proposons ces amendements, c’est parce que nous avons la conviction qu’ils contiennent des mesures permettant précisément d’inverser la courbe du chômage. Sur ce sujet, nous sommes plutôt liés à vous puisque c’est ce que vous voulez faire et nous aussi. Soyez donc indulgents et écoutez-nous !

J’ai relu le document d’orientation remis par le ministre du travail aux huit organisations syndicales, en juillet dernier : il y critique l’effet des seuils et l’efficacité du dialogue social, indiquant que « ces dispositions sont le reflet d’une sédimentation dans le temps d’un nombre conséquent de règles et d’obligations qui construisent un cadre global complexe, en particulier pour les petites et moyennes entreprises » – je vous passe le reste.

Or c’est exactement ce que nous vous disons aujourd’hui : les petites et moyennes entreprises sont « scotchées » sur les seuils de dix, vingt et cinquante salariés – plus exactement de neuf, dix-neuf et quarante-neuf salariés. Ce sont de simples chiffres. Quand on examine l’histogramme de répartition des entreprises, on constate qu’il y a deux fois et demie plus d’entreprises de quarante-neuf salariés que d’entreprises de cinquante salariés : deux fois et demie plus !

M. Philippe Vigier. Cherchez l’erreur !

M. Francis Vercamer. Je n’ai pas les chiffres pour les entreprises de neuf et dix salariés, ni pour celles de dix-neuf et vingt salariés : cela doit être à peu près la même chose.

Imaginez, si chacune de ces entreprises, de neuf, dix-neuf et quarante-neuf salariés embauchaient seulement une ou deux personnes, le gisement d’emplois que cela représenterait. Cela irait très vite, de nombreuses entreprises étant bloquées par ces seuils. Elles n’embaucheraient peut-être pas dans le mois, étant donné les difficultés actuelles et l’absence de croissance. Mais l’INSEE nous annonce qu’elle va redémarrer. Tant mieux : il est temps de permettre à nos entreprises d’embaucher.

On a calculé que la probabilité qu’une entreprise de neuf salariés embauche un salarié supplémentaire passerait de 24,5 à 30 %. Celle qu’une entreprise passe de dix-neuf à vingt salariés augmenterait de neuf points, et la probabilité qu’une entreprise passe de quarante-neuf à cinquante salariés augmenterait de quatorze points. L’augmentation de la probabilité d’embauche est donc extrêmement importante.

Voilà pourquoi on vous propose ces amendements. Ce n’est pas du dogmatisme, c’est du pragmatisme, car c’est l’emploi qui est aujourd’hui en jeu.

Je sais bien, monsieur le ministre, que vous êtes encadré par vos collègues, et que le parti socialiste est parfois difficile à faire bouger. Mais le dialogue social a échoué, vous l’avez vous-même reconnu. Vous aviez dit qu’en cas d’échec, vous prendriez vos responsabilités : eh bien prenez-les, monsieur le ministre. Même si vous courez le risque d’être battu, je vous serai reconnaissant d’avoir pris vos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’ai pas vu de la provocation mais de la conviction dans vos propos, monsieur le ministre, et je ne nie pas la situation des entreprises, ni la différence qui existe pour une entreprise entre quarante-neuf et cinquante et un salariés.

Il est temps que nous sortions de ce mouvement de yo-yo incessant depuis le début de cette odyssée qu’est l’examen de ce projet de loi, entre ceux qui prétendent que la loi sera parfaite une fois qu’on aura supprimé telle ou telle disposition, et ceux qui assurent qu’elle serait formidable si on y introduisait tel ou tel article.

Pardonnez-moi, mais vous ne pouvez pas dire que sans cette disposition la loi serait boiteuse car ce n’est pas vrai. Cette loi s’inscrit dans un projet gouvernemental de modernisation du dialogue social plus ambitieux que cette simple réforme, et qui sera défendu dans les prochains mois par le ministre du travail. Il comportera des dispositions relatives aux seuils sociaux, mais qui s’inscriront dans une logique d’ensemble.

Voilà ce que je voulais dire en parlant de cohérence. Le problème est bien identifié. Nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité de traiter le problème de nos entreprises, autant que de celle de protéger les salariés. C’est dans cet esprit d’équilibre que le Gouvernement engagera la modernisation du dialogue social au travers d’un projet de loi ad hoc, et non d’un amendement. Cela n’enlève rien à ce projet de loi, ni à l’ambition du Gouvernement, ce texte s’inscrivant dans un programme gouvernemental plus large.

(Les amendements nos 1501, 1532, 1503 rectifié et 1535, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1456.

M. Francis Vercamer. Il s’agit là d’un tout autre sujet. Les travaux que j’ai consacrés à l’Inspection du travail m’ont permis de me rendre compte qu’il y avait parfois besoin de mettre un peu d’huile dans les rouages des relations entre salarié et employeur. Souvent le salarié fait appel à l’inspecteur du travail faute de savoir vers qui se tourner.

C’est pourquoi je propose de charger des bénévoles qui connaissent le droit du travail – anciens conseillers prud’homaux, inspecteurs du travail en retraite, par exemple – d’une mission de conciliateurs du travail, comme il existe des conciliateurs de justice. Ils joueraient le rôle d’intermédiaires entre les deux parties pour régler le différend qui les oppose, plutôt que celles-ci ne saisissent les prud’hommes ou l’inspection du travail.

Cet amendement vise à créer cette nouvelle fonction de conciliateur du travail, qui serait assurée par des bénévoles habilités par l’administration, sur le modèle des conciliateurs de justice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La commission a émis un avis défavorable, d’abord parce que nous attendons le projet que le ministre vient d’évoquer. Dans le document d’orientation du Gouvernement relatif à la qualité du dialogue social, le Gouvernement envisage en effet la création de commissions territoriales qui pourraient être chargées de la compétence que vous voulez donner aux conciliateurs du travail.

Par ailleurs, le dispositif que vous proposez me semble poser un problème d’articulation avec l’institution des représentants du personnel dans les entreprises d’au moins onze salariés. Un tel dispositif risquerait en effet d’interférer avec les compétences des délégués du personnel, qui jouent déjà ce rôle de porte-parole du salarié face au chef d’entreprise.

Un tel dispositif doit aussi être conçu en lien avec ce qui sera mis en place au niveau territorial pour les entreprises qui sont actuellement dépourvues d’institutions représentatives du personnel.

Je souhaiterais donc – cela étant dit sans provocation – que vous retiriez votre amendement et que nous reprenions cette discussion à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’ai déjà retiré cet amendement en commission et je l’ai réécrit en tenant compte des critiques dont il avait fait l’objet. Il est temps maintenant de le mettre aux voix. Soit vous trouvez qu’il s’agit d’une solution propre à régler les différends entre salarié et employeur, soit vous préférez que les relations du travail restent marquées par le conflit.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Cet amendement de M. Vercamer, cosigné par l’ensemble du groupe UDI, est le fruit de son expérience de conseiller prud’homal pendant dix ans et il n’enlève rien, cher rapporteur, aux compétences du délégué du personnel. La question ne se pose même pas. Cette institution a son importance et il n’est pas question de la remettre en cause.

Nous ne pouvons pas faire la moindre proposition sans que vous nous accusiez de vouloir mettre à mal le dialogue social, ou, en l’espèce, une institution représentative du personnel, alors que ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est de rechercher de façon extrêmement pragmatique un outil de prévention des conflits du travail.

Ne nous cherchez donc pas des poux dans la tête : nous n’en avons pas. Il est dommage que vous traitiez ainsi des solutions innovantes, fruits de l’expérience de notre collègue, même si j’entends la proposition de notre rapporteur de renvoyer ce débat à l’examen du texte sur le dialogue social.

(L’amendement n1456 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n1544.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Les normes régissant les rapports individuels et collectifs de travail, la formation, l’emploi et les garanties sociales ressortent de conventions et accords collectifs résultant de la négociation collective, à l’exception des principes fondamentaux visés à l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et au huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.[…] »

 

En vertu de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui appartient toujours au bloc de constitutionnalité et qui énonce que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises », cet amendement, dont le premier signataire est notre collègue Charles de Courson, vise à faire de la dérogation actuelle la règle, en privilégiant l’autonomie de l’accord collectif à l’égard tant de la loi que de l’accord de niveau supérieur. Il s’agit de donner une plus grande souplesse au dialogue social, qui s’exprime avant tout au sein même de l’entreprise, au plus près des travailleurs, à travers l’accord collectif. En l’absence d’un tel accord, c’est bien évidemment le cadre législatif qui s’impose.

Loin d’être les affreux libéraux dénoncés par Bruno Le Roux, nous sommes des adeptes du dialogue social tel qu’il est défini par la Constitution de 1946. En permettant aux accords de branche et d’entreprise de prendre le pas sur le cadre législatif, nous enverrions un message formidable aux entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Envisager, à trois heures moins le quart du matin, rien moins que d’inverser la hiérarchie des normes sociales est effectivement une initiative hardie et qui permet de maintenir notre assemblée en éveil. (Protestations sur les bancs du groupe UDI.)

M. Arnaud Richard. Ça suffit le persiflage !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je ne fais que souligner la hardiesse de la proposition. Pourquoi prendre aussi mal un compliment ? Il me semble que vous devenez bien susceptible à cette heure tardive.

Il me semble précisément que le dialogue social, dont nous reconnaissons tous le caractère essentiel, ne souffrirait pas qu’on décide dans ce cadre, ici et maintenant, sans aucune concertation préalable approfondie, d’inverser la hiérarchie de ces normes. Nous avons tous souligné l’importance du dialogue social, et vous avez-vous même témoigné avec une grande ferveur de votre engagement en la matière et de votre souhait que nous avancions en suivant cette voie.

Je vous laisse imaginer l’état du dialogue social, si les organisations syndicales apprenaient ce matin, en écoutant la radio, qu’à trois heures moins le quart, l’Assemblée a décidé, à l’initiative de l’UDI, d’inverser la hiérarchie des normes sociales. Je crains, dans une telle hypothèse, de n’être pas le seul à juger l’initiative très hardie.

Sur la forme, il y a quelque chose d’antinomique, quand on affiche son souhait d’un approfondissement du dialogue social, de vouloir ainsi tout soudainement en bouleverser les règles sans concertation ni étude préalable.

Quant au fond, il me semble que précisément dans le contexte actuel et eu égard aux engagements de l’ensemble des organisations représentatives, s’engager sur ce chemin créerait probablement plus de difficultés que cela n’en réglerait. Il y a de fortes chances qu’une telle remise en cause de la hiérarchie des normes sociales n’aboutisse à bloquer le dialogue social : dans le contexte actuel, nous serions quasi certains d’obtenir l’effet inverse à l’objectif que vous poursuivez.

Je regrette d’avoir, pour des raisons de méthode et d’efficacité, à émettre un avis défavorable à une proposition dont je tiens à souligner une fois encore la hardiesse – et ne le prenez pas mal.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. M. le rapporteur a dit avec raison qu’une question de méthode se pose compte tenu de l’ambition de l’amendement que vous portez.

La thèse que vous défendez est connue et a été défendue par plusieurs économistes et juristes, en particulier, MM. Cette et Barthélémy. Elle a en effet enrichi les analyses académiques sur le sujet et je pense qu’elle mérite considération. Elle fait d’ailleurs partie de la réflexion collective sur la base du document d’orientation que vous avez cité, monsieur le député Vercamer, et les partenaires sociaux se sont eux-mêmes inspirés de sa philosophie en essayant de redonner une plus grande vitalité au dialogue social et d’envisager la façon dont il était possible de répartir différemment ce qui relève de la loi et de l’accord.

Il s’agit d’un chantier en soi qui ne sera même pas réglé, je tiens à vous le dire, par le texte qui sera présenté dans les prochaines semaines. C’est une véritable révolution dont il est certes possible de discuter.

Nous avons d’ailleurs beaucoup débattu de l’apport du dialogue social, y compris en termes de compétitivité – je ne reviens pas sur nos échanges, de part et d’autre, sur le travail du dimanche – mais je crois que nous ne pouvons raisonnablement adopter un tel amendement.

Je considère ce dernier plutôt comme un amendement d’appel en faveur d’une réflexion sur cette thématique que le Gouvernement tient d’ailleurs à mener.

Je veux être clair : je ne considère pas que vous ayez formulé une proposition innocente ou qui devrait être prise à la légère. Je pense qu’elle emporte de nombreuses conséquences – y compris une négociation préalable entre partenaires sociaux – qui doivent être pleinement prises en considération.

Si M. Poisson était encore des nôtres ce soir, il dirait sans doute qu’une étude d’impact est nécessaire pour aller au bout de l’analyse et je crois qu’il aurait en l’occurrence raison.

Très honnêtement et sans faire offense à la substance de votre amendement ni à ce qu’il comporte d’intéressant et de pertinent, il n’est raisonnablement pas possible, dans ce cadre – et pas seulement à cette heure – d’émettre un avis favorable à son adoption.

En revanche, à coup sûr, oui, il faudra engager une réflexion collective.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Pourrais-je défendre, monsieur le président, dès à présent l’amendement n1545, qui vient juste après et qui est du même ordre ?

M. le président. Je vous en prie, monsieur Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le rapporteur général, ce n’est pas de notre faute si cet amendement est discuté à trois heures moins le quart du matin ! Le débat se déroule de la sorte parce que la conférence des présidents a décidé que nous siégerions cette nuit. En ce qui nous concerne, nous n’y sommes pour rien. Cet amendement est discuté à cette heure-ci parce qu’il arrive à ce moment de nos débats. Nous aurions préféré qu’il le soit un mardi après-midi, cela aurait été plus sympathique.

Sur le fond, nous ne proposons pas exactement d’inverser la hiérarchie des normes. Il s’agit de fixer par la loi les fondamentaux d’ordre public, c’est-à-dire les grands principes qui régiront notre droit social, et de laisser les partenaires sociaux décider de la mise en œuvre opérationnelle du dialogue social dans les différentes branches.

Grossièrement, nous proposons d’adapter ce droit social aux caractéristiques des métiers pour lesquels les branches le mettent en œuvre.

C’est extrêmement important car, aujourd’hui, la loi comporte quantité d’articles qui ne sont pas applicables pour un certain nombre de métiers.

Je reprends souvent l’exemple de la durée minimale du travail à temps partiel qui a été portée à 24 heures. C’est maintenant inscrit dans la loi mais, au final, nombre de métiers connaissent de graves difficultés.

La femme de ménage qui nettoie un commerce une heure chaque matin ne travaille donc que cinq heures dans la semaine. Or, voilà qu’on lui dit maintenant qu’elle doit travailler au moins vingt-quatre heures. Certes, on lui dit aussi que ce n’est pas grave et qu’elle n’a qu’à confirmer qu’elle est d’accord, etc.

Mais si c’est cela qui doit figurer dans la loi, je suis désolé, ce n’est pas l’idée que je m’en fais ! S’il faut ensuite envisager toutes les dérogations possibles, on ne s’en sort pas !

L’idée était de fixer les grandes règles du jeu, les fondamentaux de l’ordre public social et de laisser les branches négocier sans qu’elles ne puissent déroger à ces fondamentaux. En revanche, lorsqu’il s’agirait de tendances, elles pourraient éventuellement s’en écarter pour certains métiers le permettant.

Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre : le dialogue social est un élément de compétitivité. Eh bien, c’est ce que propose cet amendement !

M. Philippe Vigier. Mais oui !

M. Francis Vercamer. Nous vous proposons que la loi arrête d’empêcher les entreprises de travailler et que le dialogue social s’engage !

Parce qu’il s’agit là d’un élément de compétitivité, il a toute sa place dans un texte consacré à la croissance et à l’activité et c’est pour cela que nous en discutons dans la partie du texte relative au droit du travail, et ce même s’il est trois heures moins le quart du matin.

Nous en revenons au fond à l’esprit de l’article 34 de la Constitution de 1958. C’est bien à la loi de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, qu’il s’agisse de ses aspects syndicaux ou de Sécurité sociale. Ensuite, c’est au dialogue social de prendre le relais.

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Je suis très gêné par les réponses du rapporteur et du ministre.

Mme Jacqueline Fraysse. Mince !

M. Yves Jégo. D’abord, ne pas considérer l’amendement comme il devrait l’être parce qu’il est trois heures moins le quart du matin signifie-t-il que l’importance des amendements dépend de l’heure à laquelle ils sont examinés et que la loi que nous écrivons à cette heure-ci serait moins importante que celle écrite un après-midi ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je n’ai pas dit cela.

M. Yves Jégo. Comme Francis Vercamer l’a très justement dit, et comme vous l’avez d’ailleurs dit vous-même, monsieur le président, les conditions de travail sur ce texte, comme sur beaucoup d’autres, ne sont pas satisfaisantes.

Devoir siéger à des heures où les esprits ne sont peut-être pas aussi clairs qu’il le faudrait…

M. Richard Ferrand, rapporteur général. En effet !

M. Yves Jégo. … et où l’hémicycle n’est pas aussi rempli qu’il le faudrait soulève un problème. Mais ce n’est tout de même pas la faute de l’opposition s’il en est ainsi !

Les arguments consistant à dire que cet amendement introduit un bouleversement et qu’il n’est pas possible d’en examiner maintenant, à cette heure-ci, les tenants et les aboutissants et qu’il faudrait voir cela plus tard ne sont pas recevables.

Quelle que soit l’heure, nous forgeons dans l’hémicycle le socle du droit. Il n’y a pas de petits ou de grands débats, ni de petits amendements qui seraient discutés à la mauvaise heure et de grands amendements à la bonne ! Pardon de le dire !

Vous pouvez dire que vous n’êtes pas d’accord…

Mme Jacqueline Fraysse. Cela a été dit !

M. Yves Jégo. … mais je pense vraiment que les arguments que vous nous opposez ici ne sont pas recevables. C’est donner une drôle d’image de la démocratie…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. D’accord…

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Très bien, très bien…

M. Yves Jégo. … c’est laisser penser que parfois l’Assemblée traite de sujets mineurs parce que ce n’est pas la bonne heure et que les sujets majeurs, eux, seraient traités à d’autres moments, d’ailleurs on ne sait pas quand.

Enfin, pour conclure sur ce sujet, ce que nous proposons relève du bon sens. Il ne s’agit pas d’une révolution qui échapperait à toute maîtrise et interdirait de dialoguer ultérieurement.

Nous examinons ce texte en première lecture, puis il sera transmis au Sénat et il reviendra à l’Assemblée. Cela laisse le temps d’organiser toutes les concertations possibles.

Oui, il nous semble important que la loi recueille ce qui est essentiel au lieu de ressembler à un fourre-tout, fourmillant d’infimes détails, comme c’est le cas aujourd’hui.

Ensuite, il convient de laisser le dialogue social – auquel nous sommes extrêmement attachés – définir au sein des branches les conditions d’application des règles fixées par la loi.

Si j’ai repris la parole, c’est pour dire en particulier à M. le rapporteur qu’il ne peut pas faire valoir des arguments d’horaire à l’opposition du genre : « Ce n’est pas sérieux de parler de choses aussi importantes à trois heures du matin ! »

Quelle que soit l’heure à laquelle l’Assemblée siège, quand les parlementaires sont là…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Surtout s’ils sont là depuis trois semaines sans discontinuer ! Pour les derniers touristes, évidemment, ce n’est pas pareil…

M. Yves Jégo. … la loi que nous fabriquons a la même force et la même valeur. Tous les débats sont légitimes, d’autant plus lorsqu’il s’agit de l’avenir économique de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Le groupe SRC a usé de son temps de parole comme il l’a entendu sur les articles qu’il a choisis. S’il a considéré que ceux dont nous discutons maintenant ne sont pas importants, c’est son problème.

Nous, nous considérons que le dialogue social, c’est important dans notre pays.

Considérer, monsieur le président Le Roux, que nous serions des libéraux parce que nous ouvrons grand le dialogue social, ce n’est pas vrai !

Considérer, cher collègue Sebaoun, je suis désolé si je vous réveille, que nous soliloquerions, ce n’est pas bien !

D’accord, il est trois heures du matin, d’accord, nous sommes tous fatigués…

Mme Brigitte Bourguignon. Vous ne l’êtes pas, vous !

M. Arnaud Richard. … mais nous évoquons des sujets graves !

Je vous remercie, monsieur le ministre, de dire que ce sujet est d’importance. Ce n’est pas satisfaisant pour nous d’en débattre à cette heure-ci, comme nous avons eu l’occasion d’en parler avec le Président Bartolone.

S’agissant de la démocratie sociale, je suis désolé de me répéter, nous avons connu des accords nationaux interprofessionnels dont le ministre Michel Sapin nous disait que le contenu ne devait pas être amendé mais transposé dans la loi quasiment tel quel.

Pourquoi pas ? Mais c’est une question dont il faut débattre ! Nous ne sommes pas très à l’aise. Le dialogue social ne se porte pas très bien dans notre pays et nous devons donc être capables de choisir.

Qu’il soit trois heures du matin ou non, il importe de débattre de cette question. Un accord national interprofessionnel doit-il être traduit dans la loi in extenso ou non ?

Je n ’ai pas de réponse mais nous constatons, tous, combien nous sommes très mal à l’aise.

À moins que nous considérions que l’ANI n’est pas un problème et que nous ayons toute liberté de décision et d’amendement !

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pris la mesure de l’importance du sujet que nous avons porté à travers cet amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. Ah !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Il est vrai que M. Ferrand est présent depuis un mois et qu’il est fatigué…

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Pas du tout !

M. Philippe Vigier. … ce que je peux comprendre.

Mais ne soyez pas méprisant, cela n’est pas bien.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je ne le suis pas.

M. Philippe Vigier. Je vous le dis très calmement, vous l’êtes par moment, et cela n’est pas bien. Cela l’est d’autant moins que, face à vous, vous avez ce soir des parlementaires qui n’ont pas fait d’obstruction depuis le début de l’examen du texte.

J’ai quant à moi délibérément choisi de ne pas m’exprimer sur certains articles afin de conserver mon temps de parole sur ce titre III, qui traite d’un sujet sur lequel, avec Francis Vercamer, nous avons effectué un gros travail.

Vous n’avez pas le monopole de la consultation des syndicats ! Vous n’avez pas le monopole du dialogue social ni de la compréhension sociale ! Nous partageons avec vous la capacité d’avoir et de formuler des idées !

Je ne reviens pas sur l’argument selon lequel il est trois heures moins le quart du matin.

Mais, monsieur Ferrand, lorsqu’on est rapporteur général d’un texte qui comporte 108 articles et qui ressort de son examen en commission spéciale avec plus de 200, est-ce bien sérieux ? Est-ce bien sérieux de dégainer à vingt-trois heures trente un amendement à rien moins que 5 milliards d’euros pour le canal Seine-Nord, et ce sans que nul n’ait été prévenu auparavant ?

Et que dire lorsque l’on nous sort une société de projet pour financer le matériel militaire et masquer qu’il n’y aura pas de loi de finances rectificative ? Vous savez que c’est la vérité – on ne m’a d’ailleurs pas répondu à ce propos.

Alors, ne nous faites pas le coup du sujet très important, de l’inversion de la hiérarchie des normes, de l’impossibilité de procéder ainsi et de la façon dont la France sinon se réveillerait dans quelques heures !

Monsieur Ferrand, ne vous a-t-on pas tenu les mêmes propos voilà un mois en commission spéciale ? Ne vous a-t-on pas dit la même chose ?

Monsieur Ferrand, un socialiste n’a-t-il pas été le rapporteur d’une commission d’enquête sur les 35 heures, demandée par mon groupe et présidée par Thierry Benoit, et où cette question-là a été posée ? J’imagine que vous avez lu les conclusions de cette commission d’enquête sur l’impact des 35 heures, où il est dit que l’inversion de la hiérarchie des normes pouvait faire avancer la situation.

Monsieur Ferrand, lorsqu’un accord de base est signé dans une entreprise, n’est-ce pas l’activation du dialogue social et pas seulement le résultat d’une action nationale ?

Monsieur Ferrand, l’application de la loi de Mme Aubry sur les 35 heures a-t-elle été unanime et uniforme, dans toutes les fonctions publiques, à la même minute, au même moment ? Ce n’est pas vrai, et vous le savez très bien.

Nous portons le dialogue social autant que vous et peut-être plus encore que vous ne le faites.

Je vous remercie également, monsieur le ministre, pour avoir pris de la hauteur. Ne vous laissez pas déborder par des rapporteurs certes fatigués et qui malheureusement parfois – je pense en particulier à M. Ferrand – se montrent quelque peu désobligeants à notre égard. Je vous le dis très librement et calmement parce que ce n’est pas bien.

Ce sont des sujets graves dont nous sommes venus vous parler à Bercy. Nous avons posé ces questions devant vous, nous les avons mises sur la table, tant en ce qui concerne les seuils que l’ANI. À ce propos, qu’a dit l’UDI lorsque M. Sapin a défendu son texte ? Avons-nous voté contre en le balayant d’un revers de la main ? Pas du tout !

Sur les emplois d’avenir, qu’avons-nous fait, monsieur Ferrand ? Nous avons voté en faveur de leur création !

Alors, je vous en prie : nous n’avons jamais pratiqué une opposition sectaire ! Ce n’est pas notre ligne directrice ! Ce n’est pas cet esprit-là qui anime notre groupe politique à l’Assemblée nationale !

Si vous voulez que nous continuions jusqu’à huit heures du matin, nous continuerons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est un sujet trop grave pour que l’on n’aille pas au bout de sa discussion.

Mme Brigitte Bourguignon. Aucun problème ! Nous resterons ! Mais j’ai horreur que l’on hurle !

M. Philippe Vigier. Pardonnez-moi ! Je suis désolé ! C’est un sujet passionnel et si vous êtes fatiguée, vous pouvez aussi aller vous reposer.

Chacun peut s’exprimer comme il le veut. Je ne suis pas maître de l’emploi du temps. Le Président Bartolone sait que je compte au nombre de ceux qui considèrent que les conditions d’examen de ce texte sont difficiles parce que c’est un mastodonte.

Comme il l’a rappelé cet après-midi, il faudra s’interroger sur le fait que l’on continue de légiférer dans de telles conditions. Ce n’est pas très sérieux, il a parfaitement raison.

Alors, monsieur le ministre, entendez-nous parce que c’est un sujet majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Aussi vrai que l’heure ne commande pas l’histoire, disons-nous les choses simplement, et brièvement, parce que je sens bien, eu égard à votre passion, que votre sensibilité est à fleur de peau. Je tiens à vous dire que je ne suis nullement fatigué et que c’est parce que nous ne sommes pas d’accord sur le fond des choses que nous donnons un avis défavorable à votre amendement.

M. Philippe Vigier. Si c’est sur le fond, c’est parfait.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je n’avais pas prévu de passer autant de temps sur ces questions, mais elles intéressantes.

Permettez-moi de compléter l’exposé de M. Ferrand. L’article 34 de la Constitution fixe le domaine de la loi, que le législateur n’a pas le droit de déléguer. Je rappelle que la loi par laquelle le Parlement avait délégué aux partenaires sociaux le soin d’établir les critères fondamentaux du contrat de portage a été annulée par le Conseil constitutionnel à la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité, au motif que le législateur avait délégué son pouvoir législatif, ce qu’il n’a pas le droit de faire.

On ne peut donc pas confier aux partenaires sociaux ce qui relève du domaine de la loi, à savoir, en l’occurrence, la définition des principes fondamentaux du droit du travail. On peut écrire les choses comme on veut, mais on ne les écrira de façon constitutionnellement acceptable que si l’on respecte l’article 34 de la Constitution.

Dans le code du travail, comment faire pour ne pas avoir à se demander à propos de chaque norme adoptée par une convention collective ce qui relève du domaine législatif et ce qui n’en relève pas ? Il y a une norme : c’est la loi. La simplicité, c’est s’efforcer de garantir la lisibilité de la loi, mais aussi celle des normes qui s’articulent à elle, à savoir le règlement et la convention collective. Nous devons de ce point de vue, en tant que législateur, veiller à ne pas aller trop loin.

Lorsque nous avons habilité le Gouvernement à procéder par ordonnances sur la question du portage, j’ai conseillé au ministre de bien veiller à ce que les partenaires sociaux se voient confier ce qui relève de la convention collective et qui ne doit pas relever de la loi. Je pense que c’est dans ce sens-là que le Gouvernement a travaillé : nous le vérifierons bientôt, quand nous aurons à voter la loi de ratification de l’ordonnance.

Ce sont là des questions relativement complexes. Vous savez en outre que, dans les conventions collectives, le principe de hiérarchie des normes – la pyramide, qui veut que l’on déroge toujours dans un sens favorable au principe dit de préférence, s’applique. Normalement, une convention ou un accord collectif ne peut pas déroger à une convention collective d’un rang supérieur. Il existe néanmoins des accords dérogatoires, qui font que la loi, au cas par cas, dans des domaines où elle considère qu’elle respecte l’article 34 de la Constitution, peut renvoyer certaines décisions aux partenaires sociaux. Qu’est ce qui l’interdit ?

Mais ce n’est pas avec un principe général comme celui que vous proposez que l’on va s’en sortir. On est obligé, à partir de la norme matérielle, et pas seulement du contenu de l’article 34, de réfléchir au cas par cas. Le mécanisme que vous proposez donne sa place aux partenaires sociaux. Nous nous retrouvons sur ce point. J’ai néanmoins l’impression que vous ne concevez pas le dialogue social au niveau de l’entreprise comme un moyen d’établir la norme – il faudrait faire preuve de cohérence de ce point de vue.

Bref, il faut recourir au dialogue social, mais pas de façon globale, selon le principe que vous proposez ici, car ce serait ouvrir la boîte de Pandore : nous en viendrions en effet à nous demander à tout propos ce qui est du domaine de la loi et ce qui n’en est pas. Or, pour l’instant, il est clair que lorsqu’une loi est adoptée, elle est présumée relever du domaine du Parlement.

(Les amendements nos 1544 et 1545, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1537.

M. Francis Vercamer. L’idée de cet amendement est d’établir le financement des organisations syndicales, prévu par la loi du 5 mars 2014, sur les mêmes bases que leur représentativité, c’est-à-dire en proportion des suffrages obtenus. Grosso modo, il s’agit de calquer le financement des organisations syndicales sur celui des organisations politiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Sauf erreur, monsieur Vercamer, nous avons déjà discuté de cela récemment. J’ai déjà dû vous dire que nous avions fait un choix au moment de l’adoption de la loi du 5 mars 2014, que le fonds paritaire entrait tout juste en application et qu’il fallait lui donner la chance de fonctionner de la façon dont nous l’avions défini avant de se demander s’il y avait lieu de changer les choses. Une méthode a été suivie. Nous n’allons pas changer les choses aujourd’hui, alors que nous sommes dans la première année d’application. Pour cette raison, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement, sans quoi j’émettrais un avis défavorable.

(L’amendement n1537, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Avant l’article 92

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2723 portant article additionnel avant l’article 92.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement vise à modifier le titre de la section IV, « Simplification pour la vie des entreprises », alors qu’elle ne contient aucune mesure de simplification. Le titre n’était manifestement pas adapté. En outre, des associations de personnes handicapées nous ont fait remarquer qu’il n’était pas tout à fait souhaitable que des dispositions relatives aux personnes handicapées apparaissent comme des mesures de simplification du droit des entreprises.

(L’amendement n2723, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 92

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n1359.

Mme Isabelle Attard. Les associations qui travaillent dans le champ du handicap ont alerté les signataires de cet amendement, comme beaucoup d’autres parlementaires je pense, sur les risques que présente cet article.

Concernant d’abord les contrats de fourniture de sous-traitance, au lieu d’encadrer les pratiques, comme l’aurait souhaité le tissu associatif, cet article risque d’encourager le développement de l’optimisation fiscale de l’obligation d’emploi, sans avoir d’impact sur l’emploi des personnes en situation de handicap. Ce sont d’autres mesures de simplification qui sont attendues par les travailleurs handicapés : ils veulent valoriser leur travail et mieux se démarquer de plateformes commerciales qui n’ont, trop souvent, rien à voir avec le handicap.

Concernant le recours aux travailleurs indépendants, les inquiétudes sont fortes également. Le dispositif étant construit surtout au profit des prestations intellectuelles, cela introduit une rupture d’égalité de traitement entre travailleurs indépendants en situation de handicap. À cette approche catégorielle, il conviendrait de préférer une approche universelle. Une autre crainte tient à la tentation que pourraient avoir certaines entreprises de transformer le statut de salarié en indépendant, ce qui conduirait à précariser encore plus les travailleurs en situation de handicap.

Ces dispositions n’apportant pas de solution réelle à l’emploi des personnes handicapées, et compte tenu des différents risques évoqués, nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Nous partageons votre préoccupation, mais non votre analyse. Un dispositif prévoit que 6 % des emplois soient réservés aux personnes handicapées dans les entreprises de plus de 20 salariés. Les entreprises qui ne respectent pas cette règle des 6 % paient une cotisation à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH. Or il nous semble que tous les dispositifs valent mieux que celui qui consiste à s’exonérer de son obligation d’emploi d’une personne handicapée par le paiement de la cotisation à l’AGEFIPH.

M. Jean-Yves Caullet. Très juste.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. J’en reviens à l’article 92 lui-même : l’alinéa 2 ne fait que corriger une erreur d’écriture de la loi, puisque le mot « fourniture » passe du pluriel au singulier.

La suite de l’article concerne les travailleurs indépendants handicapés. À vous entendre, on dirait que vous n’avez pas rencontré leurs représentants, qui se plaignent de ce que les entreprises qui leur passent commande ne bénéficient d’aucun avantage, alors qu’ils sont dans la même situation de handicap que les travailleurs salariés. Pourquoi, nous disent-ils, faire des distinctions entre les handicapés, selon qu’ils sont indépendants ou salariés ? Je trouve que l’argument s’entend et qu’il importe effectivement de ne pas faire de différence entre les personnes handicapées salariées et indépendantes. Le troisième alinéa est exactement dans le même ordre d’idée. Telles sont les raisons pour lesquelles il me semble que l’article 92 doit être maintenu.

Dans la suite du texte, je proposerai un amendement visant à ce que l’ensemble des dispositifs qui permettent de ne pas remplir l’obligation d’employer 6 % de salariés handicapés soient plafonnés à 2 % : cela signifie que l’on ne pourra recourir à d’autres dispositifs que l’emploi direct de personnes salariées qu’à hauteur d’un tiers de l’obligation. Cela couvre à mon sens le risque de façon suffisante. Le but principal, je le répète, c’est que les personnes handicapées puissent travailler. Il me semble que toutes les solutions que l’on pourra imaginer valent mieux que le paiement de la cotisation à l’AGEFIPH.

(L’amendement n1359, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, d’un amendement rédactionnel, n2725.

(L’amendement n2725, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 92, amendé, est adopté.)

Article 93

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n1361.

Mme Isabelle Attard. Nous faisons tous le constat que l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap est bien un impératif pour bâtir la société inclusive que nous appelons de nos vœux. Nous sommes également tous d’accord pour dire que l’éloignement de l’emploi est un véritable problème, auquel il convient de remédier. Les périodes d’immersion en milieu professionnel peuvent bien contribuer à diminuer cet éloignement et doivent donc être encouragées pour recréer des liens et lever des préjugés.

Toutefois, prévoir que ces périodes puissent être décomptées de l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap ne semble pas être une réponse appropriée. L’approche privilégiée ici, à savoir les déductions et dérogations à l’obligation d’emploi, est bien problématique et nécessite d’être encadrée, afin d’en limiter les abus éventuels, qui en feraient une mesure allant à l’encontre de l’emploi réel des personnes handicapées. C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à supprimer l’article 93.

Je profite de ce moment pour rappeler que la non-application totale de la loi de 2005, les délais consentis laissent un goût amer à de nombreuses associations, aux personnes handicapées et à leurs familles. Cet article vient redoubler ce problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Les prémisses de votre raisonnement devraient vous conduire à une conclusion différente. Vous indiquez que la mise en situation en milieu professionnel permet à des personnes handicapées qui en sont éloignées de s’y replonger, et que cela a des effets positifs, en ce qu’elles se sentent moins stigmatisées.

Pour vaincre un préjugé, il faut un intéressement. Même si la démarche est faite de façon intéressée, dès lors qu’elle permet à la personne handicapée de venir en milieu professionnel et à l’employeur de constater que les choses se passent parfaitement, et que ce stage en entreprise ouvre la possibilité d’un véritable emploi, pourquoi la refuserions-nous ? Offrir cette possibilité va dans l’intérêt des personnes handicapées. Sinon, nous privilégierions une nouvelle fois la cotisation à l’emploi. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur, et je viens d’en discuter avec Martine Pinville. On peut effectivement dire que tout est bon à prendre pour recréer du lien entre les personnes handicapées et les entreprises, ou la fonction publique, qui est également susceptible d’embaucher des personnes handicapées, afin de les replacer en milieu professionnel.

Mais nous parlons ici de méthode, de démarche. Si nous partons du principe que l’on peut intégrer ces personnes dans les 6 %, l’approche est biaisée. Nous parlons beaucoup de l’école inclusive, du besoin de recréer du lien, de la nécessité de supprimer les peurs entre les personnes handicapées – qui vivent en vase clos la plupart du temps – et le reste de la société. Ce sont deux mondes qui ont du mal à se comprendre et qui vivent séparément la plupart du temps. Or, ce n’est pas de cette façon que nous allons recréer du lien. Il y a d’autres moyens de le faire qu’en décomptant les personnes handicapées de statistiques. En tout cas, ce n’est pas un bon signal à leur envoyer que de leur dire que ce décompte arrangera tout le monde.

(L’amendement n1361 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1358 et 2729, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n1358.

Mme Isabelle Attard. Vous aurez tous compris qu’il s’agit d’un amendement de repli. Inciter les entreprises à mettre en œuvre des périodes de mise en situation en milieu professionnel est une bonne chose. Mais faire de cela une modalité d’acquittement de l’obligation d’emploi comporte bien des risques. C’est pourquoi, afin d’éviter d’éventuels abus, nous proposons que l’employeur ne puisse s’acquitter de son obligation d’emploi des personnes handicapées en les accueillant dans le cadre de périodes de mises en situation en milieu professionnel que dans une limite de 2 % de l’effectif global des salariés des entreprises.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2729 et donner l’avis de la commission sur l’amendement que vient de défendre Mme Attard.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La finalité de ces deux amendements est exactement la même, madame Attard, comme je l’ai déjà dit. En ce qui concerne la rédaction, je n’ai pas d’orgueil d’auteur, d’autant moins que, pour ne rien vous cacher, ce sont les services de l’Assemblée qui l’ont rédigé mieux que je n’aurais su le faire. Il me semble que l’amendement n2729 est plus précis que celui que vous avez défendu, mais tous deux tendent exactement au même objet.

Sur le fond, je préférerais aussi que l’on puisse faire autrement, mais je constate que c’est un argument qui reste malheureusement nécessaire. Le plus difficile est de faire le premier pas, et tout ce qui peut favoriser ce premier pas me paraît utile. Je suis donc prêt à prendre le risque. C’est la raison pour laquelle je vous suggère de retirer votre amendement au profit du mien, sachant que nous partageons exactement les mêmes motivations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Je vais retirer mon amendement. Oui, tout est bon à prendre pour que les personnes handicapées, qui connaissent un taux de chômage deux fois plus élevé que les personnes valides, retrouvent un contact avec l’emploi, les entreprises et tous les employeurs quels qu’ils soient.

Mais nous avons un gros problème en France, il faut le reconnaître. Nous n’arrivons pas à la hauteur de certains pays scandinaves, qui savent ce qu’est l’inclusion, le vivre ensemble, à tel point qu’ils ne se posent même plus la question. J’aurais aimé qu’un jour nous puissions dire que nous avons accompli ce grand chemin. Mais encore une fois, ce n’est pas le recul de la loi de 2005 qui enverra les bons signaux, et les départs de personnes en situation de handicap qui vont vivre à l’étranger pour y trouver des conditions de vie plus acceptables et plus décentes ne me réconcilient pas avec cette situation.

(L’amendement n1358 est retiré.)

(L’amendement n2729 est adopté.)

(L’article 93, amendé, est adopté.)

Après l’article 93

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n2810, portant article additionnel après l’article 93, qui fait l’objet d’un sous-amendement n3240.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement tend à favoriser les stages de parcours de découverte des métiers pour les jeunes élèves de moins de seize ans en situation de handicap. Il concrétise un engagement du Président de la République annoncé lors de la conférence nationale du handicap qui s’est tenue le 11 décembre dernier.

Ce parcours de découverte des métiers concerne tous les élèves, de la classe de cinquième jusqu’à la classe de terminale. Il s’agit de leur permettre de découvrir, dans le cadre de leur cursus, un panel de métiers et les différentes voies de formation qui permettent d’y accéder.

Les élèves en situation de handicap ont souvent des difficultés à trouver un stage, alors même que ce dispositif trouve tout son sens dans leur parcours d’orientation et d’insertion. C’est pour remédier à ces difficultés que le présent amendement vous propose de faire entrer ces stages, destinés aux enfants handicapés de moins de seize ans, dans les modalités d’acquittement partiel de l’obligation d’emploi au même titre que les stages effectués par des élèves handicapés de plus de seize ans.

L’ouverture de cette possibilité d’acquittement partiel permettra de lever les réticences des entreprises et de faciliter les démarches des élèves en situation de handicap.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir le sous-amendement n3240.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le présent sous-amendement a pour objet de faire entrer la possibilité ouverte par l’amendement du Gouvernement, auquel je donne un avis favorable, dans la limite de 2 % que nous venons d’adopter. Cela me fend le cœur qu’il soit besoin de mettre en place des mécanismes de la sorte pour les stages de découverte de gamins de troisième, qui n’ont pas seize ans. Si l’on constate la difficulté, on est obligé d’y remédier, mais certains constats ne font pas plaisir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n3240 ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(Le sous-amendement n3240 est adopté.)

(L’amendement n2810, sous-amendé, est adopté.)

Article 94

(L’article 94 est adopté.)

Après l’article 94

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 94. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1556.

M. Francis Vercamer. Cet amendement propose d’accroître le volume de formation continue en permettant à toute personne qui souhaite abonder son compte personnel de formation, qu’elle soit salariée ou à la recherche d’un emploi, de bénéficier d’une incitation fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable, pour deux raisons. La première est que le compte individuel de formation est entré en vigueur le 1er janvier 2015, et qu’il me semble un peu tôt pour modifier les règles qui le régissent. La seconde est que je crains que cet amendement ne soit désincitatif à l’abondement du compte par les entreprises, alors que c’est l’une des fonctions assignées au compte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(L’amendement n1556 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n1737 rectifié qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 3252 rectifié et 3251 rectifié.

La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement.

Mme Isabelle Attard. Il est défendu.

M. le président. Les deux sous-amendements nos 3251 rectifié et 3252 rectifié peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour les soutenir.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le sous-amendement n3251 rectifié est purement rédactionnel, il tend à substituer au mot « occupant » le mot « de ».

Le n3252 rectifié insère, après le mot « charge », les mots « par les organismes collecteurs paritaires agréés ». Il s’agit de préciser que la rémunération des salariés des très petites entreprises est prise en charge par les organismes collecteurs paritaires agréés. C’était un élément important de la loi sur la réforme de la formation professionnelle et les décrets qui ont été pris n’ont pas respecté la volonté du législateur. Nous rétablissons donc la volonté du législateur, en rappelant la pyramide des normes.

(Les sous-amendements nos 3251 rectifié et 3252 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n1737 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1557.

M. Francis Vercamer. Il est défendu.

(L’amendement n1557, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1558.

M. Francis Vercamer. Je vais le défendre avec un peu plus d’ardeur que le précédent, puisqu’il s’agit du fameux contrat de travail unique à droits progressifs dont Philippe Vigier parlait précédemment comme une avancée sociale. Vous savez que la plupart des salariés sont d’abord embauchés en CDD, pour des durées courtes. Parfois, les CDD sont reconduits à de nombreuses reprises, avec des artifices pour contourner la loi. On a vu des salariés dont les contrats à durée déterminée répétés dépassaient largement la durée autorisée.

Nous proposons donc de créer un contrat de travail unique à droits progressifs en remplacement du contrat à durée déterminée et du contrat à durée indéterminée. Il est urgent d’utiliser cette nouvelle approche, qui permettra de créer une nouvelle dynamique sur les contrats de travail, les embauches et l’emploi, voire sur le pouvoir d’achat. En effet, ce contrat étant à droits progressifs, plus le salarié aura d’ancienneté, plus il sera protégé et meilleure sera sa rémunération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Défavorable. D’abord, je lis que votre contrat de travail unique est « assorti de droits progressifs ». Sauf erreur de ma part, l’amendement ne les définit pas : on ne sait pas quels seraient les droits qui grandiraient avec le temps.

Ensuite, dans votre proposition de rédaction de l’article L. 1221-2 du code du travail, on constate que votre contrat de travail unique inclut à la fois des contrats qui ont un terme, puisqu’il doit mentionner « la date du terme lorsqu’il comporte un terme précis » – ce sont donc des contrats à durée déterminée – mais aussi, a contrario, des contrats qui n’ont pas de terme – donc des contrats à durée indéterminée. Ainsi, le contrat de travail unique est soit un contrat à durée déterminée, soit un contrat à durée indéterminée. Sauf que, pour les contrats à durée déterminée, on ne retrouve nulle part ni les restrictions d’emplois, ni l’indemnité de précarité. Votre contrat est dépourvu des garanties dont est actuellement assorti un contrat à durée déterminée. Je crains donc que votre amendement n’entraîne, dans la rédaction que vous proposez – je ne dis pas que c’est sa finalité – une généralisation de la précarité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur Robiliard, notre amendement prévoit que le contrat de travail unique comporte « la date du terme lorsqu’il comporte un terme précis ».

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Lorsqu’il ne comporte pas de terme précis, cela signifie qu’il n’y en a pas.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’est bien ce que j’ai dit !

(L’amendement n1558 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 2335 rectifié.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il s’agit plutôt d’un amendement d’appel. Vous me direz qu’il n’est peut-être pas nécessaire de le défendre à cette heure-ci, mais il en vaut tout de même la peine !

Certains commerces, notamment en centre-ville et dans les métiers de la vente, connaissent une vraie difficulté à recruter des collaborateurs à temps plein. L’idée de regrouper des commerçants afin que chacun d’eux puisse embaucher à temps partiel des salariés dans le domaine de la vente séduit les professionnels. Le problème est de trouver une solution pour que ces salariés ne soient pas considérés comme des saisonniers permanents à temps partiel dans chacun des magasins. Il faudrait trouver un employeur qui recruterait les salariés en CDI, comme le ferait un groupement d’employeurs classique ; les salariés pourraient alors aller travailler chez plusieurs commerçants qui ne sont pas forcément concurrents, puisqu’ils ne vendent pas forcément la même chose.

J’ai expérimenté, comme certains d’entre vous, le dispositif des groupements d’employeurs, et j’ai pu constater qu’il fonctionnait bien dans le secteur agricole, par exemple, ou dans des filières très proches les unes des autres. Mais en dehors de cela, on a beaucoup de mal à rassembler des professionnels au sein d’une même entité, chacun pensant que c’est à un autre que doit revenir la responsabilité de la présidence du groupement d’employeurs. Ainsi, ce système fonctionne en théorie, mais pas en pratique.

Une autre solution existe : celle du portage salarial, mais elle s’adresse plutôt aux cadres, qui peuvent avoir ce réflexe notamment lorsqu’ils quittent une entreprise avant l’âge de la retraite. Cependant, pour une main-d’œuvre moins qualifiée, plus jeune et susceptible de travailler à temps plein, notamment en centre-ville, je propose que l’on accorde aux entreprises de travail temporaire la possibilité de faire signer des contrats à durée indéterminée multi-employeurs.

M. Philippe Vigier. Un groupement d’employeurs en CDI !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Exactement, monsieur Vigier : un groupement d’employeurs en CDI, porté par un organisme dont c’est le métier, sans que l’on ait besoin d’inventer une superstructure pour s’en charger. J’ai pensé aux entreprises d’intérim, qui ont un savoir-faire, mais peut-être avez-vous d’autres idées.

L’amendement qui vous est présenté prévoit de limiter le dispositif aux entreprises de moins de 250 salariés. Cependant, je préférerais un plafond à 50 salariés. En effet, mon objectif était vraiment les petites entreprises, les petits commerces – 50 salariés, c’est presque trop ! En tout cas, 250, tel que c’est indiqué dans l’amendement, c’est beaucoup trop et je vous prie de m’en excuser, monsieur le ministre.

Si vous le souhaitez, nous pouvons adopter mon amendement dès ce soir, mais je peux donc éventuellement comprendre qu’il faille y réfléchir un peu plus… En tout cas, je pense qu’un tel dispositif est nécessaire pour développer des emplois fidélisés dans des secteurs où les besoins portent essentiellement sur des contrats à temps partiel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le sujet soulevé par M. le président Brottes est en effet important. Il est identifié et bien connu. Il existe aujourd’hui plusieurs dispositifs, souvent négociés par les partenaires sociaux, qui vont dans cette direction, mais de manière moins complète : je pense au portage salarial pour les plus qualifiés, au groupement d’employeurs, et surtout au CDI intérimaire qui peut être utilisé par les entreprises de travail temporaire depuis mars 2014 suite à l’extension de l’accord collectif de juillet 2013 relatif à la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires.

Avec ce dispositif, le salarié signe avec l’entreprise de travail temporaire un CDI. Dans le cadre de ce contrat, il effectue plusieurs missions dans une ou plusieurs entreprises utilisatrices – c’est ce que vous proposez, monsieur Brottes. Le salarié perçoit une rémunération minimale mensuelle garantie entre deux missions, les temps d’intermission pouvant être des temps de formation afin d’augmenter son employabilité, ce qui est un point important. Le salarié dispose ainsi d’un CDI qui facilite également sa vie personnelle, lui permet de cumuler des contrats à temps partiel ou de passer d’un emploi à un autre avec des garanties de formation renforcées. Tel est l’apport de votre proposition, monsieur Brottes. On sait combien la multiplication des contrats d’intérim, voire des CDD, fragilise profondément la vie personnelle, à tous égards.

Comme vous le savez, ce dispositif comporte des limitations. La durée limitée dans le temps pour une mission chez un même employeur et le délai de carence sont autant de contraintes que nous devons prendre en compte, qui constituent des rigidités du dispositif législatif actuel et nous empêchent d’aller pleinement dans votre sens. J’ai bien noté que vous souhaitiez fixer un plafond moins élevé et rendre éligibles au dispositif les entreprises de moins de 50 salariés.

François Rebsamen a annoncé vendredi dernier à Besançon le lancement d’une expérimentation visant à faciliter l’embauche dans les TPE et les PME au moyen du CDI intérimaire. Nous obtiendrons sous trois mois les premiers résultats de cette expérimentation, et sous six mois les résultats définitifs.

Je vous propose donc, monsieur Brottes, de retirer votre amendement et d’attendre au moins les premiers résultats de cette expérimentation. Si possible, nous pourrions essayer d’intégrer votre proposition dans le présent texte, au Sénat ou en nouvelle lecture, ou dans le projet de loi sur la modernisation du dialogue social que portera prochainement M. Rebsamen. Il conviendra en tout cas de répondre à votre amendement d’appel à la lumière de cette expérimentation et en ayant apporté les précisions nécessaires. Votre proposition sera l’un des instruments permettant non seulement d’améliorer l’emploi, mais aussi d’assurer une meilleure protection des salariés dans ces situations.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. À ce stade, je retire bien volontiers mon amendement. Cependant, si nous voulons que ma proposition figure dans le présent texte, il faudra au moins l’intégrer au Sénat, puisque les règles de la procédure parlementaire nous empêcheront de le faire à l’Assemblée en nouvelle lecture.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

(L’amendement n2335 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n1574.

M. Philippe Vigier. J’ai évoqué tout à l’heure la commission d’enquête relative à l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail créée à l’initiative du groupe UDI. Nous étions animés d’un état d’esprit constructif. Nous voulions que cette commission d’enquête soit utile et qu’elle sorte des débats partisans sur les 35 heures. Vous avez bien compris que cette commission d’enquête ne s’est pas uniquement posé la question du temps de travail, même s’il s’agissait naturellement d’une question centrale.

Chacun sait que la mise en place des 35 heures a eu un certain nombre d’effets pervers, notamment des pertes de compétitivité et un coût pour les finances publiques. Les seuls allégements Fillon et Aubry représentent un peu moins de 25 milliards d’euros dans le budget chaque année. Il reste donc des interrogations, auxquelles la commission d’enquête a essayé de répondre.

Chacun sait également que la durée de 35 heures est théorique : en réalité, le temps de travail hebdomadaire moyen en France est de 39,4 heures. La mise en place des 35 heures a suscité des inégalités entre secteur privé et secteur public, entre hommes et femmes et en fonction d’autres critères.

Les travaux de la commission d’enquête ont montré un état d’urgence. La montée du chômage a été dénoncée à plusieurs reprises ce soir, le dialogue social est en panne et une véritable désespérance s’est emparée d’un grand nombre de nos compatriotes, ces dernières semaines nous en ont malheureusement fourni de tristes illustrations. Nous ne pouvons pas rester dans ce pessimisme ambiant.

C’est un sujet majeur, monsieur le ministre. Le Président de la République en a reparlé lors de sa conférence de presse, en disant que le Gouvernement prendrait ses responsabilités. Justement, le Gouvernement ne devrait-il pas remettre tout le monde autour de la table et lancer une grande conférence sociale, afin de dresser un état des lieux, d’évaluer les pistes de progression et d’envisager des solutions gagnant-gagnant ? C’est ainsi que nous arriverons à renouer les fils du dialogue. Derrière les fils du dialogue, il y a la confiance, et derrière la confiance, je suis persuadé que la croissance n’est pas loin.

Monsieur le ministre, les parlementaires de mon groupe l’ont dit à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, notamment lors des questions au Gouvernement, et le redisent ce soir : le dialogue social est en panne et il vous appartient de le relancer. Nous vous demandons donc d’organiser, avec vos collègues du Gouvernement, une grande conférence sociale.

M. Francis Vercamer. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Si Mme Romagnan était encore présente et si le groupe SRC disposait encore de temps de parole, elle aurait pu s’exprimer, puisqu’elle était la rapporteure de la commission d’enquête relative à l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail.

M. Benoit, qui présidait la commission d’enquête, est arrivé en ayant déjà son idée sur les conclusions qui seraient tirées de ses travaux. Or ces conclusions n’ont évidemment pas été celles qu’il espérait, puisqu’elles ont été rédigées par Mme Romagnan. Dès le départ, nous savions que cela ne collerait pas !

J’ai moi-même fait partie de cette commission d’enquête. Nous avons constaté que les 35 heures avaient créé de l’emploi et qu’elles avaient amélioré la qualité de vie des Français. Aujourd’hui, quand vous auditionnez les syndicats d’employeurs, ils ne demandent pas l’abrogation des 35 heures ! Non seulement parce qu’ils ne veulent surtout pas remettre en cause les baisses de charges liées à cette mesure, mais aussi parce que, comme nous l’a dit très clairement un représentant de la CGPME, ils ont déjà du mal à trouver du travail pour leurs salariés : si la durée du temps de travail hebdomadaire augmentait, ce serait donc encore plus compliqué !

À la faveur de cette commission d’enquête, j’ai constaté un véritable apaisement sur cette question. Les 35 heures sont un marronnier, un bouc émissaire, un épouvantail. C’est regrettable. Il ne faut plus les manipuler ainsi. Nous devons prendre acte des conclusions de la commission d’enquête, qui a au moins permis de constater qu’il y avait un apaisement sur cette question. Tous nos travaux ont été filmés : on sait donc exactement qui a dit quoi, et de quelle façon. Même à l’hôpital, où la réforme a été mal mise en œuvre,…

M. Philippe Vigier. Ah ! Je l’ai dit tout à l’heure !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. …comme l’a reconnu la commission d’enquête, nous devons dépasser cette question pour réfléchir autrement, en dépassionnant le débat et, surtout, en cessant de faire des 35 heures le bouc émissaire de toutes les difficultés économiques de notre pays.

Voilà les conclusions auxquelles la commission d’enquête est arrivée : vous ne pouvez donc pas l’utiliser, monsieur Vigier, pour demander une réforme systémique du temps de travail. En tout cas, la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Monsieur le rapporteur thématique, vous avez souligné que la CGPME ne demandait rien. S’agissant des seuils sociaux, j’aurais souhaité tout à l’heure que vous mentionniez ce que la CGPME demande !

Notre amendement pose une question plus large que vous le dites. Dans tout ce que nous venons d’évoquer, le contrat de travail à droit progressif, les propositions du président Brottes, le travail partagé ou la mise à disposition de salariés, la question du temps de travail revient à celle des modalités d’accès des Français à l’emploi, des outils, des formes contractuelles qui permettent d’y accéder.

Le rapport au travail s’est profondément modifié, compte tenu notamment de l’évolution technologique. Cela doit nous obliger à repenser l’ensemble. On ne peut pas se contenter d’une commission et d’une réflexion sur un morceau du système. Il faut repenser l’ensemble de l’architecture et des conditions de l’accès au travail.

La conférence sociale que nous suggérons pourrait répondre à cet objectif plus large. Il ne s’agit pas d’ouvrir un débat ultra-politisé. D’ailleurs, depuis des années, on s’envoie les 35 heures à la figure et ceux qui les critiquent n’y reviennent pas une fois qu’ils sont au pouvoir – il faut savoir reconnaître les faits et dire la vérité !

Nous avons un vrai problème en matière de modalités d’accès au travail, de rythme du travail dans une société qui se trouve bouleversée par des évolutions technologiques considérables. C’est un débat d’anticipation, de prospective qu’il faudrait mener. Plus nous le conduirons ensemble, plus nous essaierons d’ouvrir des pistes et moins il y aura de sujets de tension, moins chaque camp agitera le chiffon rouge contre l’autre, empêchant toute avancée.

Monsieur le ministre, nous avons besoin de faire de la prospective sur le thème de la relation du salarié à l’emploi, de la façon dont on accède à l’emploi et dont on vend sa force de travail, ainsi que de l’organisation générale et des horaires de travail dans les entreprises. Ce n’est pas un sujet anodin. Si l’on n’y prend garde, les coups de boutoir de la technologie nous prendront de court. Il y a là quelque chose qui va au-delà du seul sujet des 35 heures.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Oui, monsieur Robiliard, c’est Mme Romagnan qui a signé le rapport, et c’est elle qui s’est trop focalisée sur les 35 heures ! Thierry Benoit et les membres de la commission ont tenté de ne pas tomber dans le panneau. La commission a travaillé pendant six mois, et elle a procédé à trente-neuf auditions.

Pour ce qui est de l’organisation de la conférence sociale, vous pourriez peut-être, monsieur le ministre, ouvrir la porte. La représentation nationale dans son ensemble pourrait contribuer à sa préparation. L’organisation du travail dans l’entreprise, la question des rémunérations concernent tout le monde !

Rappelez-vous qu’au moment du vote du pacte de responsabilité et de solidarité, à la fin de l’année 2013, la notion des contreparties avait été évoquée, par Michel Sapin notamment. Cela n’a jamais vu le jour.

Il est dommage de ne pas s’emparer de cette question centrale. Vous nous expliquiez que le dialogue social était de gauche, que c’était votre culture. Monsieur le rapporteur thématique, je vous tends la perche en vous proposant d’organiser une grande conférence sociale ! (Sourires.) Ce ne serait pas politiquement inutile pour vous que de montrer que vous savez faire perdurer l’esprit du 11 janvier. L’enjeu est de savoir si nous sommes capables de mettre tout le monde autour d’une table, toutes sensibilités politiques confondues, à l’Assemblée et au Sénat.

M. Yves Jégo. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour organiser une grande conférence sociale, nul besoin de passer par la loi. Je considère votre amendement comme un amendement d’appel, monsieur Jégo et je voudrais saluer l’esprit de votre intervention. Il y a une réflexion plus large à mener, vous avez raison. Au-delà du temps de travail, il y a l’accès au travail, les différentes formes de travail.

Comme vous le dites vous-même, il faut savoir comment concilier des objectifs de compétitivité et de meilleure protection des salariés. Sur tous les bancs, nous partageons cet objectif.

Compte tenu de l’urgence, et parce que ces problèmes sont compliqués, j’ai été conduit à émettre un avis défavorable sur plusieurs amendements, parce qu’il faut les aborder avec un esprit de système. Le Gouvernement a engagé une démarche en ce sens, même si cela ne résout pas tout. La conférence sur la modernisation du dialogue social qui est engagée conduira à un texte de loi, je l’ai déjà dit.

Cela étant, je suis prêt à ouvrir largement la réflexion. Je ne peux pas ici engager un autre que moi, mais je m’engage à porter cette préoccupation collective très bien exposée par le rapporteur, qui partage pleinement la volonté de conduire une approche globale, notamment par le biais de l’amendement du président Brottes.

Nous aurions effectivement tout à gagner à engager une réflexion collective, dans le cadre d’un groupe de travail, sur l’évolution des différents modes d’accès au travail, la conciliation des différents temps. Je ferai part au Premier ministre de cette demande, car il s’agit d’une démarche constructive.

(L’amendement n1574 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n1580, deuxième rectification.

M. Francis Vercamer. Le présent amendement vise à éclaircir un point de droit relatif aux accords d’annualisation du temps de travail. Depuis le 14 novembre 2013, la Cour de cassation considère que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne peut être supérieur au plafond de 1 607 heures de travail par an, même si le salarié n’a pas acquis l’intégralité de ses droits à congés payés au titre de la période de référence prévue par l’accord.

Cette décision fragilise les accords conclus antérieurement aux années 2003 et 2008 concernés par les seuils de 1 607 heures. Les accords conclus avant que n’entre en vigueur la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail restaient applicables dans les accords d’annualisation du temps de travail. Cette jurisprudence remet en cause plusieurs accords collectifs dont les clauses précisent que la durée de 1 607 heures s’entend par une prise complète de cinq semaines de congés payés sur l’exercice de référence. L’amendement vise à intégrer cette précision dans le code du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il y a de la cohérence dans les amendements de l’UDI, monsieur Vercamer. Il y avait une demande de dérogation des accords collectifs à la loi. Ici, la loi étant ce qu’elle est, les accords collectifs ne pouvaient pas prévoir quelque chose qui lui soit contraire !

Les choses sont relativement simples : 1 607 heures, cela correspond à 47 fois 34 et des poussières, c’est-à-dire une année à plein-temps, sur la base de 35 heures par semaine et en décomptant les jours fériés.

Les personnes qui travaillent plus de 1 607 heures dans moins de douze mois ont nécessairement fait des heures supplémentaires car le seuil de déclenchement légal des heures supplémentaires, c’est 35 heures. Voilà ce que dit la Cour de cassation. Elle applique la loi et la hiérarchie des normes. Ensuite, la question est de savoir si la durée légale du temps de travail relève des principes fondamentaux du droit du travail. Mais le raisonnement de la Cour de cassation ne paraît pas pouvoir être remis en cause. Avis défavorable.

(L’amendement n1580 deuxième rectification, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 1560, 1561 et 1562, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour les soutenir.

M. Francis Vercamer. Ces trois amendements portent sur la fameuse réglementation qui a fixé la durée minimale du temps de travail à temps partiel à vingt-quatre heures par semaine. Le principe peut s’entendre, mais cette réglementation ne correspond pas à la réalité de certains secteurs d’activité. Le premier amendement vise à abroger la mesure, le deuxième exclut un certain nombre de métiers et le troisième permet d’y déroger par accord de branche.

Je sais que ces dispositions sont issues de l’Accord national interprofessionnel, mais même ceux qui l’ont signé reconnaissent un certain nombre de difficultés d’application !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Exact.

M. Francis Vercamer. J’ai cité tout à l’heure l’exemple d’une femme de ménage qui travaille une heure par jour dans un magasin, soit cinq heures par semaine. On ne lui proposera jamais vingt-quatre heures de travail dans ce magasin !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il a raison.

M. Francis Vercamer. À cela, on rétorque qu’elle va trouver du travail ailleurs. Le problème est que lorsqu’elle va perdre un contrat de travail, elle va demander à son employeur de l’employeur de l’embaucher vingt-quatre heures. Comme cela figure dans la loi, il sera tenu de le faire, avec pour conséquence des litiges et des licenciements. D’ailleurs, depuis l’application de cette mesure, il y a eu une explosion du chômage dans la catégorie des temps partiels !

M. Philippe Vigier. C’est vrai.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est une vraie question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. En ce qui concerne la question récurrente des vingt-quatre heures par semaine, je rappelle que le Parlement, en adoptant la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, a habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance pour adapter et sécuriser juridiquement ce processus dans les situations où un accord de branche n’avait pas pu être trouvé.

M. Francis Vercamer. Ce n’est pas cela l’habilitation !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’est vrai, c’est un des dispositifs de sécurisation.

Nous avons par ailleurs reculé de six mois le délai dont disposaient les partenaires sociaux pour trouver un accord. Le fait est qu’il est possible d’obtenir des contrats de moins de vingt-quatre heures, mais à condition qu’il y ait des contreparties. La balle est dans le camp des partenaires sociaux.

L’encre de l’Accord national interprofessionnel était à peine sèche que certains des signataires contestaient déjà la règle des vingt-quatre heures. Il semble que dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, la bonne volonté n’était pas au rendez-vous.

Dans le cadre de l’évaluation de loi, il faut vérifier s’il existe réellement une impossibilité absolue dans certains secteurs et comprendre pourquoi des accords de branche n’ont pas pu y remédier, alors les partenaires sont des gens raisonnables et de bonne foi du côté salarial comme du côté employeur. Il faut établir la liste des accords et raisonner à partir de là, mais pas au détour d’un amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne nie pas qu’il y a eu des problèmes en termes d’exécution de la loi, et qu’il y en a toujours. Certaines branches sont face à une situation qui n’est pas satisfaisante. Rappelons les chiffres : 46 branches ont conclu un accord depuis le vote de la loi. Une trentaine recourent structurellement au temps partiel, et au sein de ces branches, 78 % des salariés sont aujourd’hui couverts par un accord.

Les reports successifs de délai ont permis de régler la situation dans de nombreuses branches, mais il existe des situations de blocage dans trois ou quatre d’entre elles, où l’on ne parvient pas à un accord. Cette situation est tout à fait identifiée par le Gouvernement. François Rebsamen réunit régulièrement les partenaires sociaux de ces branches afin de trouver une solution.

Je ne vais donc pas vous dire que tout est satisfaisant et que tout va bien dans le meilleur des mondes, mais le problème que vous soulevez est traité progressivement. Sans être marginal, le problème est toutefois devenu plus minoritaire qu’il ne l’était il y a quelques mois.

Par ailleurs, le Gouvernement vient de prendre par une ordonnance du 29 janvier 2015 les mesures visant à sécuriser la procédure pour les salariés qui travaillent moins de vingt-quatre heures et qui souhaitent passer à un emploi de vingt-quatre heures, en instaurant la priorité, ce qui était l’un de points sur lesquels vous l’aviez habilité à procéder par ordonnance. C’est un véritable apport de ce dispositif et de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Il faut aussi le mentionner, car cela sécurise et facilite le parcours des salariés. Sur ces amendements, mon avis est défavorable, car il faut aller au bout de cette méthode, sans pour autant nier qu’il existe des situations qui ne sont pas satisfaisantes dans certaines branches, aussi bien pour les salariés que pour les employeurs.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. On ne peut pas toujours reporter à plus tard, monsieur le ministre ! Ce n’est pas à vous que j’expliquerai que l’entreprise connaît des impératifs, des difficultés. Vous le dites d’ailleurs en permanence, car vous êtes un ministre qui comprend ce qui se passe dans l’entreprise ! Je comprends que vous n’acceptiez pas l’abrogation complète, mais acceptez au moins l’amendement qui permet aux accords collectifs de déroger. Aujourd’hui, l’accord collectif ne peut que prévoir des aménagements, ce qui rend les choses invivables pour les entreprises.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je précise que les accords de branche, aujourd’hui, permettent de faire moins, donc de déroger.

M. Francis Vercamer. Ça n’est pas sûr.

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai vérifié. Sur ce point, l’amendement est satisfait par le droit existant.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’était l’économie de l’accord !

(Les amendements nos 1560, 1561 et 1562, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1570.

M. Arnaud Richard. Cet amendement pallie le fait que le décret d’application de la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, en matière de travaux dangereux pour les apprentis, n’a toujours pas été pris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. L’avis est défavorable. Mais j’ai entendu M. le ministre évoquer en commission une parution imminente. Qu’en est-il aujourd’hui ? En tout état de cause, je ne crois pas qu’il soit souhaitable de déléguer ce qui relève de l’hygiène et surtout de la sécurité aux conventions collectives.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le décret est en cours de transmission au Conseil d’État et entrera en vigueur le 2 mai 2015.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il est temps : le nombre d’entrées en contrat d’apprentissage a diminué de 8 % en 2013, ce qui représente la baisse la plus importante depuis 2005, et de 15 % en janvier et février 2014 par rapport à la même période de 2013. À cela, il convient d’ajouter la baisse des crédits : le Gouvernement a diminué de 19,6 % les crédits dédiés à l’apprentissage, supprimé l’aide à l’embauche d’un apprenti en alternance supplémentaire et réduit le crédit d’impôt. Cela n’a pas amélioré la situation de l’apprentissage et de l’alternance en général !

(L’amendement n1570 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n1571.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à créer un rescrit social prémunissant du risque de sanctions administratives dans le champ du droit du travail. Les entreprises pourraient ainsi consulter l’administration en vue de sécuriser leurs projets en matière de droit du travail, en obtenant en amont leur validation juridique. Ce rescrit, opposable à la loi, leur offrirait une plus grande sécurité juridique. Elles se prémuniraient contre des difficultés éventuelles, liées à une mauvaise application des normes. Afin de lever les obstacles du recours à ce rescrit social, et conformément aux recommandations du Conseil d’État, il est également proposé qu’il soit clairement indiqué que la demande de l’entreprise ne peut entraîner de contrôle dans un délai de six mois suivant la demande.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est défavorable, pour toute une série de raisons. Dans la loi sur la simplification du droit applicable aux entreprises du 20 décembre 2014, le Gouvernement a été habilité à procéder par ordonnance pour donner une définition du rescrit social dans trois domaines : la législation visant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; la législation relative à la prévention de la pénibilité ; la législation relative à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

J’observe que le rescrit social, dans sa généralité, figurait dans la proposition de loi de M. Cherpion, qui a été rejetée par l’Assemblée.

La notion de rescrit social est difficile à comparer avec celle de rescrit fiscal parce qu’en droit social, la présence d’un tiers – le salarié – rend les choses plus complexes et fait que l’entreprise ne se trouve pas toujours dans un dialogue singulier avec l’administration.

Par ailleurs, la rédaction de cet amendement présente une difficulté majeure. Vous prévoyez qu’« aucun contrôle visant à constater les infractions ou manquements prévus à l’article L. 8112-2 du code du travail ne peut intervenir dans un délai de six mois suivant la demande de cette garantie ». Cela autorisera les employeurs bien conseillés et malins – ou malicieux – à faire une demande de rescrit pour se mettre à l’abri des contrôles pendant six mois, avant de recommencer. Et cela, indéfiniment … Pour le coup, je ne pense pas que cela soit acceptable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(L’amendement n1571 n’est pas adopté.)

Article 95

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n1368.

Mme Isabelle Attard. Dans l’amendement suivant, le rapporteur propose de porter le plafond de l’amende administrative de 150 000 euros à 500 000 euros. Certes, le passage de 10 000 euros, montant qui était prévu dans le texte initial, à 150 000 euros, constitue un progrès. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas rendre l’amende proportionnelle au nombre de salariés et donc, supprimer le plafond ? Nous avons évoqué les problèmes de travail dissimulé sur le chantier du réacteur nucléaire EPR – Stéphane Travert et moi-même sommes bien placés pour y constater les dérives et les problèmes liés aux conditions de travail –, qui concerneraient 300, 400 ou 500 salariés, détachés ou carrément non déclarés. Infliger une amende proportionnelle serait préférable à la fixation, au doigt mouillé, d’un plafond.

M. le président. Monsieur Robiliard, pouvez-vous donner l’avis de la commission sur cet amendement et, dans le même temps, soutenir l’amendement n3264 ?

M. Denys Robiliard. L’amendement n3264 consiste à porter le maximum des amendes cumulées de 150 000 euros à 500 000 euros. Il s’agit très clairement d’un amendement de cohérence avec un amendement déposé par le groupe UDI à l’article 97, et auquel je suis favorable, qui relève lui aussi un plafond de 150 000 euros à 500 000 euros sur des sujets comparables. Il est préférable de plafonner, pour des raisons de sécurité juridique, d’abord, car le fait de ne pas plafonner pourrait poser des problèmes juridiques, voire constitutionnels ; pour des raisons de communication ensuite, car un plafond de 500 000 euros frappe paradoxalement davantage qu’une absence de plafond. Un plafond inexistant ne risque pas de vous tomber sur la tête ! L’avis est donc défavorable à l’amendement n1368.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable à l’amendement n1368 et favorable à l’amendement n3264.

(L’amendement n1368 n’est pas adopté.)

(L’amendement n3264 est adopté.)

(L’article 95, amendé, est adopté.)

Article 96

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2174 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

En commission, monsieur le ministre, vous avez indiqué que notre engagement communautaire nous obligeait à scinder les compétences entre l’Inspection du travail, qui constate les manquements aux règles, et l’autorité administrative, qui inflige l’amende. Nous avons cherché à quel textes vous faisiez référence, en vain. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Dans le cadre de l’article 85, nous avons habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance. Le ministre a dit qu’il reprendrait, après concertation évidemment, les termes de la proposition de loi que j’ai déposée. Dans ce texte, conformément à l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, nous avions décidé de distinguer l’agent de contrôle, qui établit l’infraction, de celui qui la sanctionne. Par souci de cohérence, nous ne pouvons accepter votre amendement car il n’y a pas de raison que, pour une infraction particulière, on n’applique pas la règle générale qui devrait être la règle future.

J’irai plus loin. Vous considérez que la convention n81 de l’OIT, qui date de 1947, conduit à réserver le pouvoir d’infliger la sanction à l’agent de contrôle mais je ne suis pas d’accord avec vous car la notion d’indépendance de l’agent de contrôle qui est la nôtre en France est plus forte que celle de la convention de l’OIT. Je vous renvoie à l’article 6 de cette convention qui dispose que le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue.

Or, nos agents de contrôle sont des fonctionnaires d’État, des agents publics. Leur statut et leurs conditions de service leur assurent la stabilité et l’indépendance en les protégeant contre tout changement de gouvernement et toute influence extérieure indue – sinon il y a corruption.

Même en confiant à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi le soin de la répression, nous satisfaisons aux exigences de l’article 6 de la convention n81 de l’OIT.

Surtout, figurez-vous bien que ces amendes, ce n’est pas un carnet à souches, ou alors avec des souches de 2000 euros ! Elles peuvent vite atteindre des montants impressionnants, d’autant plus qu’elles ne sont pas plafonnées et qu’il peut y avoir autant d’amendes que d’infractions. Que deux regards soient portés les faits, celui qui constate l’infraction et celui qui la réprime, c’est une protection, et pour les agents de l’Inspection du travail et pour les entreprises qui feront l’objet de ces sanctions. Cette protection doit être maintenue. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. La séparation entre l’autorité chargée des constats et celle chargée des sanctions est posée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Je ne reviens pas non plus sur l’argument de bon sens que vient d’exposer votre rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le rapporteur, lorsque je m’interroge sur l’indépendance, ce n’est pas sur celle des inspecteurs du travail, dont je ne doute pas, mais celle de l’autorité administrative qui, elle, n’est pas indépendante.

(L’amendement n2174 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 96 est adopté.)

Après l’article 96

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n3297 portant article additionnel après l’article 96.

La parole est à M. le ministre pour le soutenir.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement a pour objet de permettre l’adaptation au secteur des transports des nouvelles dispositions introduites par la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.

Il prévoit d’adapter les obligations de déclaration de détachement adressées à l’Inspection du travail ainsi que la désignation d’un représentant de l’employeur sur le territoire national et il permettra par voie réglementaire de tenir compte des spécificités d’emploi des salariés roulants ou navigants, qui peuvent être détachés sur le territoire national pour des durées à la fois courtes et fréquentes, notamment dans les hypothèses de cabotage routier et fluvial.

Les mesures réglementaires envisagées pourront se substituer à l’obligation de déclaration prévue dans le cas général, avec une simple attestation de détachement. Elles pourront également permettre de solliciter le représentant de l’entreprise sur le territoire, y compris après l’exécution d’une opération de transport, celle-ci étant souvent de très courte durée.

Cet amendement vise par ailleurs à préciser la portée des obligations de vigilance et de responsabilité qui pèsent sur le donneur d’ordre. Il assimile le destinataire du contrat de transport à un donneur d’ordre pour l’application des règles issues de la loi du 10 juillet 2014.

Vous l’aurez compris, l’objectif de cet amendement est de renforcer les contraintes et le dispositif juridique qui permet de mieux contrôler les abus du travail détaché et de mettre en place un dispositif adapté au secteur des transports, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La commission n’a pas pu examiner cet amendement qui a été déposé récemment mais, à titre personnel, j’y suis favorable car toutes les mesures de lutte contre le dumping social sont les bienvenues.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Tout à fait.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. J’invite simplement le Gouvernement à profiter de la navette pour vérifier que la responsabilité qui pèsera sur le destinataire du contrat de transport est justifiée. Le contrat de transport est en effet très particulier et il faut s’assurer que l’on ne se trompe pas de destinataire, si je puis dire.

M. le président. Qu’en pense M. Richard, qui me demande la parole ?

M. Arnaud Richard. Du bien, si ce n’est que cet amendement tend à résoudre un problème ancien sans y parvenir totalement. Je salue tout de même le fait que le Gouvernement ait intégré la dimension routière comme fluviale même si, malheureusement, je ne vois pas le rapport avec le sujet. Ce texte est vraiment un catalogue de diverses mesures de toutes natures. Il demeure que celle-ci est bonne.

(L’amendement n3297 est adopté.)

Article 97

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n1576.

M. Philippe Vigier. L’article 97 est relatif aux cartes d’identification professionnelle des salariés du secteur du bâtiment et des travaux publics dans lesquels on sait, disons-le sans détours, qu’il y a un certain nombre de travailleurs en situation irrégulière. Ce dispositif va dans le bon sens mais nous souhaitons tout de même relever le plafond de l’amende prévue en cas de prêt illicite de main-d’œuvre et de manquement à l’obligation de déclaration.

Cet amendement tend, par conséquent, à porter le montant de l’amende de 150 000 à 500 000 euros. J’ai participé à un certain nombre d’auditions de l’ensemble des branches concernées et elles sont toutes favorables à l’alourdissement des sanctions financières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je l’ai déjà dit, je suis favorable à cet amendement puisque c’est en cohérence avec les dispositions qu’il prévoit que j’ai proposé de porter à 500 000 euros le plafond des amendes administratives.

Il faut souligner que l’article 97 reprend une initiative des professionnels du bâtiment avec la création d’une carte d’identification des salariés, très importante pour lutter contre la fraude sur les chantiers. Je sais bien qu’il n’est pas vraiment l’heure de vanter les mesures mais c’est là une initiative importante que nous devons au secteur du bâtiment. Nous rendons obligatoire cette carte pour lui donner toute sa portée en direction des agences d’intérim et des salariés qui font l’objet d’un détachement international. Nous nous dotons d’outils qui permettront aux inspecteurs du travail de remplir plus facilement et plus efficacement leurs fonctions.

(L’amendement n1576, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 97, amendé, est adopté.)

Après l’article 97

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir l’amendement n1578.

M. Yves Jégo. Je me réjouis des mesures qui viennent d’être adoptées et cet amendement s’inscrit également dans la lutte contre le travail dissimulé en tendant à permettre aux associations et syndicats interprofessionnels de se constituer partie civile en cas de travail illégal de nature à fausser la concurrence. Les moyens des inspections du travail ayant leurs limites, il pourrait être intéressant de permettre aux organisations interprofessionnelles d’exercer cette forme d’auto-contrôle pour défendre leurs intérêts même lorsque l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public. Voilà en tout cas un outil de plus que je soumets à votre sagacité, chers collègues, pour lutter contre ces dérives en espérant recueillir un avis favorable du rapporteur et du ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je suis désolé de ne pouvoir vous donner un avis favorable, monsieur Jego, mais votre amendement est déjà satisfait par l’article 11 de la loi Savary du 10 juillet 2014 – lequel bien sûr ne figure pas encore dans la dernière édition Dalloz du code de procédure pénale. Je vous propose de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Jego, retirez-vous votre amendement ?

M. Yves Jégo. Je le retire.

(L’amendement n1578 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2735.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est défendu. Vu l’heure, je n’en dis pas davantage.

(L’amendement n2735, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 97 bis

M. le président. Je suis saisi de trois amendements rédactionnels, nos 2739, 2736 et 2742, de M. Denys Robiliard, rapporteur thématique.

(Les amendements nos 2739, 2736 et 2742, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 97 bis, amendé, est adopté.)

Article 97 ter

(L’article 97 ter est adopté.)

Après l’article 97 ter

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2744.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement vise à mettre la législation française en conformité avec la convention du travail maritime de l’OIT et avec le droit communautaire en prévoyant que soit déposé à bord un exemplaire de l’accord conclu le 19 mai 2008 par les associations des armateurs de la Communauté européenne et la Fédération européenne des travailleurs des transports. La convention collective doit se trouver à bord des navires de la même façon qu’une convention collective doit être à la disposition des salariés chez leur employeur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Voilà un bon amendement. Les « gens de mer », selon la formulation de l’amendement, ne sont pas toujours des hommes et des femmes de l’écrit. Hélas, ils se « tirent la bourre » entre eux, notamment dans le transport fluvial et particulièrement le transport fluvial artisanal, parce que les contrats ne sont pas écrits. Il est donc judicieux de les conduire à conclure, même par voie électronique, des contrats écrits afin qu’ils ne se fassent pas concurrence entre eux.

(L’amendement n2744 est adopté.)

Article 98

M. le président. Mme Jacqueline Fraysse est inscrite sur l’article.

Vous avez la parole, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article 98 est le premier de la partie du projet de loi qui s’intitule « Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi », mais qu’il serait plus judicieux de renommer ainsi : « Facilitation des licenciements économiques ».

M. le rapporteur thématique a sans aucun doute fait évoluer cette partie au cours des travaux de la commission spéciale, qui a adopté certains amendements qui limitent les dégâts par rapport au texte initial – je pense à l’obligation de respecter un périmètre minimum pour l’application des critères de licenciement en cas de document unilatéral de l’employeur, ou encore au rétablissement de l’obligation de reclassement dans tout le groupe, y compris quand l’entreprise est en redressement ou en liquidation.

Pourtant, ces modifications intervenues en commission ne sont que l’aménagement d’une logique de recul des droits des salariés que nous regrettons et dénonçons. En effet, les articles 98 à 104 ont pour seul objectif d’assouplir encore davantage les procédures mises en place par la loi dite de sécurisation de l’emploi.

Ainsi, vous n’hésitez pas à porter atteinte au principe même du droit au reclassement en supprimant l’obligation faite à l’employeur de proposer les emplois disponibles dans les entreprises du groupe situées à l’étranger. Vous ouvrez une brèche en permettant à l’employeur de cibler les personnes qu’il s’apprête à licencier pour des motifs économiques – c’est l’objet de cet article 98 – puisqu’il pourra désormais décider unilatéralement d’appliquer les critères de licenciement à une zone d’emploi dont le périmètre est plus petit que celui de l’ensemble de l’entreprise, alors que la règle en vigueur jusqu’à présent avait pour but d’objectiver le choix des personnes à licencier. Avec cette modification législative, vous permettez aux employeurs de se prémunir contre une jurisprudence qui pourrait donner raison aux salariés – je pense par exemple à l’affaire Mory Ducros.

Certes, cette façon de procéder, qui consiste à prendre le contre-pied d’une jurisprudence progressiste en proposant une loi contraire, a hélas été souvent utilisée par la droite ; je regrette qu’elle le soit aussi par ce gouvernement. De même, vous déresponsabilisez les groupes face au plan de sauvegarde de l’emploi, qui ne sera plus jugé au regard des moyens du groupe mais de ceux de l’entreprise lorsque celle-ci est en redressement ou en liquidation, ce qui limitera les moyens mis à disposition des salariés – même si l’entreprise en difficulté est une filiale d’un groupe prospère.

Tels sont les constats que nous sommes bien obligés de faire. Je vous ai dit plus tôt dans le débat – ce qui vous a fâché, monsieur le ministre – que toutes ces dispositions répondent aux demandes du patronat au détriment des salariés. Je ne peux hélas que le répéter car ce sont les faits, et les faits sont têtus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n2577.

M. Jean-Luc Laurent. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement vise à supprimer l’article 98, qui concerne la question du périmètre de l’ordre des licenciements.

Je ne partage pas votre avis sur cet article, madame Fraysse, non plus que sur les suivants, mais je m’en expliquerai article par article. (Mouvements divers sur certains bancs du groupe SRC.) Je m’en excuse, mais il le faut, car sinon, on risque de ne pas s’y retrouver et il y a des enjeux importants.

Tout d’abord, je rappelle que lors de l’adoption de la loi sur la sécurisation de l’emploi, nous avons repris les propositions des partenaires sociaux pour définir deux systèmes d’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi. La première hypothèse était celle de l’existence d’un accord collectif, lequel définit alors toutes les modalités du plan de sauvegarde de l’emploi. Si la procédure doit être vérifiée, la Direccte homologue le plan de sauvegarde tel qu’il a été arrêté par l’accord collectif – sauf si elle refuse l’homologation, auquel cas elle pourra rouvrir la négociation afin que le plan soit amélioré conformément à ses indications.

Dans la deuxième hypothèse, l’accord ne se fait pas. Dans ce cas, c’est au chef d’entreprise qu’il appartient d’arrêter le plan de sauvegarde de l’emploi par une décision unilatérale qui fait l’objet d’un document unique, lequel est soumis à l’administration pour homologation. Le texte que nous avons adopté comportait la liste de tous les éléments devant figurer dans ce document unique, parmi lesquels se trouvait le périmètre de l’ordre des licenciements.

De ce fait, c’est en toute bonne foi que l’administrateur judiciaire de Mory Ducros – un professionnel indépendant désigné par la justice – a considéré qu’il lui appartenait de fixer le périmètre de l’ordre des licenciements. Il l’a considéré sur le fondement de la lecture de bonne foi qu’il faisait de notre texte.

Ce texte, pourtant, précisait in fine que ledit document doit être établi sous réserve des autres dispositions en vigueur. Un recours a été déposé comme il était normal devant le tribunal administratif, lequel a confirmé qu’il appartenait bien à l’administrateur d’établir le périmètre de l’ordre des licenciements. Saisie en appel, la cour administrative de Versailles a jugé a contrario que compte tenu de la réserve qui était faite du droit existant, il fallait continuer d’appliquer la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation selon laquelle en l’absence d’accord collectif, le périmètre de l’ordre des licenciements est celui de l’entreprise.

L’entreprise Mory Ducros comprend – de mémoire – quatre-vingts agences réparties dans toute la France. Peu importe que telle ou telle agence ferme, l’ordre des licenciements porte quant à lui sur toutes les catégories de personnel réparties dans toute la France. Je vous laisse imaginer la difficulté qui en résulte…

Dans ces conditions, le Gouvernement a décidé d’éclaircir la loi. C’est ainsi que le présent texte affirme qu’il appartient au chef d’entreprise d’arrêter le périmètre de l’ordre des licenciements. Le problème technique qui se posait jusqu’à présent créait une véritable insécurité juridique : en effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi de sécurisation de l’emploi, 60 % des plans de sauvegarde ont été arrêtés par voie d’accord collectif et 40 % par voie de décision unilatérale. Un pourvoi est actuellement pendant devant le Conseil d’État, mais le Gouvernement, pour affermir la sécurité juridique du dispositif, a décidé d’affirmer la règle.

J’ai proposé de fixer un cadre minimal : en l’absence d’accord il faut bien, en effet, que quelqu’un fixe le périmètre, mais le cadre de l’entreprise n’est pas nécessairement adapté. Dans le cas de Mory Ducros, par exemple, il était extrêmement difficile d’établir un ordre des licenciements avec quatre-vingts agences !

Je sais d’ailleurs, pour l’avoir expérimentée plusieurs fois dans mes activités professionnelles, que cette règle de l’ordre des licenciements est très mal comprise et acceptée. Que veut-elle dire, en effet ? Elle signifie que la personne qui occupe le poste supprimé n’est pas nécessairement celle qui partira. Pour schématiser, la notion de catégorie d’emplois substituables consiste à établir la liste des personnes capables d’occuper différents postes, puis à déterminer parmi elles l’ordre des licenciements. S’il appartient à l’entreprise de le faire, elle doit déterminer les catégories de personnel puis, dans le cas d’une entreprise comme Mory Ducros, décider qui entre dans chaque catégorie agence par agence, et enfin établir l’ordre des licenciements selon les quatre critères fixés par le code du travail.

Ce mécanisme n’est pas satisfaisant. Il peut en effet aboutir au fait que la fermeture d’un site et les licenciements ne concernent pas la même localité. Or, cet état de fait n’est pas du tout compris.

La solution que nous avons explorée a donc consisté à choisir comme cadre le bassin d’emploi ou, au sens de l’INSEE, la zone d’emploi.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est mieux !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. En toute franchise, cette règle me paraît meilleure que la règle antérieure. Elle pourrait éventuellement avoir l’inconvénient de désinciter à conclure des accords débouchant sur un plan de sauvegarde de l’emploi, mais je n’y crois pas pour deux raisons.

Premièrement, le périmètre de l’ordre des licenciements n’est que l’une des innombrables questions traitées par un accord relatif à un plan de sauvegarde de l’emploi, et elle n’est pas la plus déterminante. Les employeurs recherchent aussi un accord pour des motifs de sécurité juridique : l’existence d’un accord amoindrit considérablement les risques de recours.

Deuxièmement, si la cour administrative d’appel de Versailles a raison, alors la règle actuellement en vigueur elle-même désincite à conclure un accord. Dans une entreprise multipolaire qui possède des établissements situés partout en France, les syndicats implantés dans l’entreprise ne sont pas nécessairement les mêmes d’un établissement à l’autre. Par conséquent, lors de la négociation de l’accord, les syndicats défendent les intérêts des salariés de tel ou tel site particulier sans raisonner à l’échelle de l’ensemble de l’entreprise. Cette désunion, y compris concernant l’ordre des licenciements, empêche donc l’accord d’aboutir.

Voilà pourquoi il me semble que la règle proposée par cet article est bien meilleure que celle qui existe aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC ainsi que sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Alors que nous entamons l’examen d’une série d’articles importants, je veux simplement répéter ce que le Gouvernement propose aux articles 98 à 104, qui ont été améliorés en commission spéciale. Il entend améliorer le dispositif de sécurisation de l’emploi que cette majorité a adopté. La négociation collective qui en est issue et qui occupe désormais une place prépondérante dans le processus de négociation, en particulier dans les accords collectifs majoritaires hors redressement ou liquidation judiciaire, a permis de diviser par quatre le nombre de recours judiciaires. Nous parlons là d’un dispositif voté il y a vingt mois seulement, et le nombre de recours a été divisé par quatre !

En dépit de ce bilan positif accompagné par le ministère du travail, la loi comporte toutefois plusieurs points d’ordre technique qui méritaient d’être précisés. C’est dans ce contexte, madame Fraysse, que s’inscrivent ces articles 98 à 104.

Ce travail de précision technique s’est effectué par remontée d’informations et suivi du ministère du travail. Les partenaires sociaux ont été associés à la concertation pour définir les mesures du projet de loi. Le projet de texte a ensuite été soumis le 28 novembre 2014 au Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP, pour consultation, et le 27 novembre à la Commission nationale de la négociation collective. Le ministère a également organisé des réunions de travail bilatérales avec les partenaires sociaux.

Il me semblait important de rappeler avant même de commencer l’examen détaillé de ces articles dans quel cadre nous débattons et comment ce texte a été élaboré. J’ai cru comprendre que certains voudraient faire accroire l’idée selon laquelle nous voudrions faire adopter ces articles de manière subreptice, et je l’ai même lu dans la presse. Cela n’a jamais été le cas. Préparés par le ministère du travail, ces articles ont fait l’objet d’une concertation et sont le fruit d’une remontée d’informations techniques.

S’agissant de l’article 98, M. Robiliard vient de présenter une démonstration tout à fait convaincante.

M. Arnaud Richard. Et même doctorale !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux vous dire, madame Fraysse, qu’il ne s’agit en rien de revenir sur une jurisprudence ou de la corriger par la loi. Il s’agit simplement d’en clarifier l’incohérence qu’a indiquée M. le rapporteur.

(L’amendement n2577 n’est pas adopté.)

(L’article 98 est adopté.)

Article 99

(L’article 99 est adopté.)

Article 100

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2181 et 2685.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2181.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, pouvez-vous me confirmer que l’amendement n3270 de la commission spéciale m’accorde un temps de parole supplémentaire ?

M. le président. Je suis obligé de vous dire oui. (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. C’est une bonne nouvelle ! L’un des problèmes que nous avons soulevé en commission a été réglé par un amendement du rapporteur précisant que le salarié qui manifeste de l’intérêt pour un poste à l’étranger bénéficie de l’obligation de reclassement dans les mêmes conditions que pour une offre située en France. Mais persiste une deuxième difficulté, à savoir l’obligation pour l’employeur de faire parvenir au salarié toutes les offres de reclassement possibles, dans l’entreprise mais également dans le groupe, y compris celles se situant à l’étranger si le salarié le souhaite.

Cet article tel qu’il est rédigé libère l’employeur de cette obligation en inversant les rôles. Ce sera en effet au salarié qui veut recevoir des offres de reclassement dans les établissements situés à l’étranger de le demander à l’employeur. Or aucun moyen n’est mis à la disposition du salarié pour l’informer de la composition du groupe auquel appartient son entreprise.

Le rapport souligne d’ailleurs que l’obligation de rechercher des solutions de reclassement peut être très difficile. Je le cite : « Au vu de la structuration complexe des groupes, sans détenir ces informations, il sera compliqué pour le salarié de savoir et d’apprécier s’il pourrait éventuellement être intéressé par un poste dans tel ou tel pays ». Nous savons que même les spécialistes ont des difficultés à connaître la composition exacte d’un groupe, alors comment voulez-vous qu’un salarié isolé y arrive ?

Il s’agit encore une fois d’un détournement de la jurisprudence, au moins d’une déresponsabilisation de l’employeur, d’une dilution de l’obligation de reclassement. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 100 afin de maintenir le régime actuel, plus favorable aux salariés et plus responsabilisant pour l’employeur.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n2685.

M. Gérard Sebaoun. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression de l’article ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je ne souhaite bien évidemment pas que ces amendements soient adoptés.

Madame Fraysse, vous reconnaissez que l’obligation de reclassement à l’international est maintenue, mais ce que vous contestez, ce sont les nouvelles modalités de sa mise en œuvre.

Soyons clairs. Dans le régime juridique actuel, la notion de groupe, en droit du travail et particulièrement en droit du licenciement économique, est très particulière et dépend de la phase du licenciement économique dans laquelle on se trouve.

S’agissant de l’obligation de reclassement, il faut prendre en compte la notion de « groupe de reclassement ». Il se peut, de façon intéressante mais très atypique, qu’un groupe n’ait pas de liens capitalistiques mais que l’on y observe pourtant des mutations de personnels d’une entreprise à une autre ; cela peut se trouver dans une unité économique et sociale, qui, vous le savez, n’a pas besoin pour exister de liens capitalistiques ni d’unité de direction ; cela peut se trouver dans des entreprises qui travaillent ensemble, par exemple des fournisseurs et des prestataires.

C’est en fait une notion extrêmement pragmatique qu’utilise la Cour de cassation lorsqu’elle parle de « groupe de reclassement », terminologie retenue dans la jurisprudence.

La notion de groupe existe également dans le droit du travail pour les institutions de représentation collective, avec le comité de groupe.

La notion de groupe s’entend également au sens capitalistique.

En bref, la notion de groupe recouvre trois aspects : le groupe de reclassement, le groupe au sens du droit commercial et le groupe au sens des institutions représentatives du personnel.

On pourrait dire que par hypothèse le salarié, surtout celui qui est capable de travailler à l’international, connaît ces distinctions et a la possibilité de s’informer.

Mais ce n’est pas ce que dit l’article. Celui-ci indique simplement que l’obligation de reclassement international est maintenue.

C’est pourquoi je vais présenter un amendement afin de rappeler, même si cela va de soi et que ce sera précisé par décret, que le salarié doit être informé qu’il lui est possible de demander à être reclassé au niveau international, car un salarié doit être informé de ses droits. On doit lui préciser qu’il a la possibilité de le faire, les modalités selon lesquelles il peut le faire, les délais dans lesquels il peut le faire et les précisions qu’il devra apporter.

Ensuite le salarié n’a pas à désigner les entreprises dans lesquelles il pense qu’il pourrait être reclassé. Il doit simplement indiquer sur quel poste il souhaite être reclassé, les éventuelles restrictions qu’il pose, en termes de pays et de rémunération essentiellement.

Par conséquent, l’obligation de reclassement telle qu’elle existe aujourd’hui restera la même. La seule chose que nous avons modifiée, c’est la façon de formuler la demande, que nous avons essayé de simplifier. Pour ces raisons, l’article 100 me paraît pouvoir être voté sans difficulté.

(Les amendements identiques nos 2181 et 2685 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2541.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(L’amendement n2541 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n1447.

M. Gérard Sebaoun. Je ne suis pas d’accord avec le rapporteur, car je considère qu’en réalité il n’a changé que très peu de choses. Certes, une partie de l’article a été améliorée. Mais c’est bien au salarié de demander à l’entreprise de lui fournir la liste des emplois. Or, je considère, pour ma part, que dans le droit positif actuel, c’est l’entreprise qui doit lui fournir cette liste. Cela me paraît tout à fait légitime et je ne vois pas en quoi le rapporteur améliore quoi que ce soit. Je ne suis donc pas satisfait de sa réponse.

Actuellement, lorsqu’une entreprise doit notifier l’ensemble des postes disponibles à l’étranger, elle s’expose d’une certaine manière. Dans la rédaction du rapporteur, c’est le contraire : l’entreprise ne s’expose plus, c’est le salarié qui demande.

Pourquoi le droit positif actuel ne suffit-il pas ? Le rapporteur a amélioré une partie du texte en commission spéciale, mais ce qu’il fait là n’améliore en rien le droit positif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Monsieur Sebaoun, je n’améliore peut-être pas le droit positif, mais j’améliore le projet de loi.

Le texte supprimait l’obligation de reclassement international, nous l’avons rétablie. Ce n’est pas rien. Il faut regarder d’où nous venons.

Est-ce que nous améliorons le système ? Le système actuel, qui a été modifié en 2010, est relativement complexe : l’employeur doit informer tous les salariés, ceux-ci doivent répondre si, oui ou non, ils veulent être reclassés à l’international et ensuite un questionnaire leur est adressé pour être exploité.

Nous avons essayé de simplifier les choses. Le reclassement international, soyons clairs, n’intéresse qu’une partie des salariés en raison de l’obstacle linguistique, dont il est légitime qu’il puisse être opposé, pour des raisons d’efficacité même.

Mais il y a une grande diversité de situations et de salariés. Prenons l’exemple d’un groupe qui possède un site implanté en Alsace et un site de l’autre côté du Rhin. Dans ce cas, la situation est simple et on sait comment faire.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous noyez le poisson !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Non, je ne noie pas le poisson 

M. Gérard Sebaoun. Si !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je dis que le salarié sera informé de son droit et qu’il pourra demander communication à l’employeur de la liste de tous les postes possibles à l’étranger, et celui-ci aura l’obligation de lui répondre.

Mais il n’est pas illégitime, me semble-t-il, d’essayer de préciser les choses. Il faut faire en sorte que l’employeur ne soit pas tenu de faire des recherches allant au-delà de ce que le salarié est susceptible d’accepter. Et éviter qu’un salarié ne vienne devant le conseil des prud’hommes reprocher à son employeur de ne pas lui avoir proposé des postes que, de toute façon, il n’aurait pas accepté.

M. Francis Vercamer. Très bien !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il faut partir du principe que les personnes sont de bonne foi, y compris lorsqu’il s’agit d’élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi et de proposer un reclassement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

M. Gérard Sebaoun. Vous ne voulez pas exposer l’entreprise. C’est trop facile !

(L’amendement n1447 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2746.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n2746 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3270.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement précise que le salarié est informé de la possibilité de demander la liste des postes disponibles à l’étranger selon des modalités précisées par décret.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

(L’amendement n3270 est adopté.)

(L’article 100, amendé, est adopté.)

Article 101

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 1317, 2183 et 2851, tendant à supprimer l’article.

La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n1317.

Mme Isabelle Attard. Cet article qui vise à simplifier les licenciements dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire suscite de grosses inquiétudes quant à l’obligation de formation, d’adaptation et de reclassement des salariés. C’est pourquoi nous en demandons la suppression pure et simple.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n2183.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement est important et c’est pourquoi je souhaite que nous nous prononcions sur son adoption par un scrutin public.

Il vise à supprimer l’article 101 qui pose au moins deux problèmes : d’une part, il dédouane totalement le groupe en cas de plan de sauvegarde de l’emploi dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire ; d’autre part, il ouvre la porte à des risques de fraude.

S’agissant du plan de sauvegarde de l’emploi appliqué à une entreprise en liquidation ou en redressement judiciaire, le caractère suffisant ou non des mesures qu’il comporte s’apprécie au regard des moyens de l’ensemble des entreprises du groupe selon la législation actuelle. Si l’article 101 est adopté, il ne s’appréciera plus qu’au regard des moyens de la seule entreprise concernée, qui est par définition en difficulté financière aiguë et ne sera donc pas en capacité de l’abonder correctement. Encore une mesure qui facilitera peut-être quelque chose mais qui desservira sûrement les salariés !

Votre argument selon lequel l’obligation serait inopérante car l’administrateur-liquidateur n’a pas les moyens légaux d’obliger la maison-mère à financer le PSE ne tient pas. Si c’est vraiment là le problème, on peut se demander pourquoi vous n’inscrivez pas dans la loi les moyens légaux de cette obligation. En tout état de cause, même si elle est peu appliquée, pourquoi en supprimer la possibilité dans la loi ? Vraiment, je ne suis pas convaincue/

M. Christian Paul. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Par ailleurs, deuxième problème, le dédouanement complet du groupe accentue le risque de fraude. En effet, l’expérience prouve que l’entreprise-mère peut être tentée d’organiser les difficultés financières de l’une de ses filiales afin de s’en débarrasser, ce à quoi encourage l’article 101 en libérant le groupe de toute obligation à l’égard de l’entreprise en matière de licenciement économique. Alors que la jurisprudence est de plus en plus ouverte à la recherche de comportements délictueux des sociétés-mères, ce dont nous nous félicitons, non seulement vous ne la confortez pas mais, en déresponsabilisant le groupe, vous encouragez la fraude, monsieur le ministre !

Le rôle de notre gouvernement et du Parlement devrait être au contraire d’affirmer davantage la responsabilité du groupe et de l’obliger, lui qui est en bonne santé financière, à abonder le PSE afin que l’administrateur-liquidateur ait les moyens de contraindre la maison-mère à le suivre. Une fois de plus, l’article 101, après beaucoup d’autres, ne sert que les intérêts du patronat au détriment des salariés victimes de licenciement. C’est pourquoi nous demandons sa suppression. Je ne fais pas là un procès d’intention, mais un constat.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 1317, 2183 et 2851, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n2851.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je défends moi aussi un amendement de suppression. Je partage l’analyse selon laquelle l’article 101 est extrêmement problématique car il amoindrit la protection des salariés et facilite les licenciements dans le cas d’une entreprise en situation de redressement ou de liquidation judiciaire.

Il est vrai, comme l’a rappelé Mme Fraysse à l’instant, que les procédures actuelles présentent une difficulté, car en cas de redressement ou de liquidation judiciaire d’une filiale, l’autorité administrative n’a pas les moyens de contraindre le groupe auquel appartient la filiale de proportionner le PSE à ses moyens. Elle peut simplement refuser l’homologation et provoquer une situation de blocage.

Il existe deux façons de résoudre la difficulté. La première, celle qui a malheureusement été choisie, consiste à décider de régler le problème en changeant la règle, c’est-à-dire que le groupe n’est plus tenu de proportionner le plan de sauvegarde de l’emploi à ses moyens. Cela équivaut à pérenniser la situation actuelle qui est une situation d’exonération des responsabilités des groupes. La seconde solution consisterait à chercher les moyens de faire l’inverse et de créer les moyens d’une action contre les sociétés qui ne fournissent pas les moyens de mettre en place des PSE proportionnés.

C’est malheureusement donc la première option qui est choisie, au détriment des salariés selon moi. Très concrètement, les PSE leur seront moins favorables et moins bien financés. Surtout, l’article 101 crée un mécanisme d’incitation afin que les groupes organisent eux-mêmes artificiellement le redressement ou la liquidation judiciaire de leurs filiales. Il s’agit d’un mécanisme d’incitation au dépôt de bilan qui me semble très problématique pour l’avenir et crée des précédents très dommageables. Face à une difficulté que tout le monde reconnaît, plutôt que de chercher à améliorer la situation en créant des droits nouveaux et une protection nouvelle des salariés, on choisit une forme de fuite en avant qui aura des conséquences dommageables à l’avenir. Voilà ce que je reproche à la démarche qui caractérise l’article 101.

M. le président. Je précise que l’article fait l’objet d’un amendement de la commission, mais que les présidents de groupe n’ont pas demandé de temps supplémentaire. Je ne peux donc pas en accorder.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je tâcherai d’être clair, même si ce n’est pas simple à cette heure-ci sur un sujet si complexe. Partons de l’état du droit. Mmes Fraysse et Carrey-Conte laissent entendre que nous supprimerions une obligation du groupe. Mais on ne peut supprimer que ce qui existe, et le groupe n’a pas d’obligation aujourd’hui !

Mme Jacqueline Fraysse. Je l’ai dit! Mais créons-la !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La règle est prétorienne, d’origine jurisprudentielle. Selon la Cour de cassation, tout plan de sauvegarde de l’emploi doit être établi en fonction des moyens du groupe auquel appartient l’entreprise. Mais elle dit aussi explicitement, j’en suis certain, à propos de l’obligation de reclassement, que ce qui pèse sur l’employeur ne pèse pas sur le groupe. Elle définit donc une obligation pesant sur l’employeur, celle de construire le PSE avec les moyens du groupe, mais elle ne dit pas que le groupe est tenu d’abonder le plan afin que l’employeur se conforme à une obligation pesant sur lui. Tel est le droit actuel.

Le cas d’une entreprise in bonis, qui n’est donc ni en redressement judiciaire ni en liquidation judiciaire ni même sous sauvegarde, ne pose pas de problème car ce que le groupe ne donne pas à sa filiale, il le paiera d’une façon ou d’une autre. Il ne pourra pas établir un PSE en fonction des moyens du groupe, car il ne peut pas dépenser l’argent qu’il n’a pas, et s’expose donc à des recours et des dommages et intérêts qui finiront par lui coûter plus cher qu’un plan construit avec les moyens du groupe. Il en résultera une perte de rentabilité et donc de dividendes et de rémunérations. Le groupe peut également prendre le risque d’affaiblir une de ses filiales, mais cela se paie dans le cadre du groupe tel qu’il vit, avec une société qui n’est pas en redressement ou en liquidation judiciaire.

Si la société est en redressement judiciaire, donc sous administration judiciaire, elle relève de l’un des deux systèmes prévus dans ce cas : soit le système simplifié, et alors le PSE est réalisé par l’employeur lui-même ou par un administrateur, soit, si les choses se passent mal, le système de la liquidation judiciaire de l’employeur, auquel cas c’est le liquidateur qui construira le plan de sauvegarde de l’emploi. L’administrateur, l’employeur ou le liquidateur, quelle que soit la situation, peut demander au groupe d’abonder le plan. J’ai déposé un amendement en ce sens.

M. Christian Paul. Nous ne pourrons même pas en discuter, monsieur le rapporteur ! Le président de notre groupe refuse de demander du temps de parole supplémentaire, alors qu’il en a la possibilité !

M. Arnaud Richard. C’est dommage !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je ne me prononcerai pas là-dessus, mais il ne s’agit que de dix minutes… Quoi qu’il en soit, permettez-moi d’aller au bout de mon raisonnement, ce n’est pas si simple.

M. Christian Paul. Nous avons un peu travaillé le texte !

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je n’en doute pas. Moi aussi.

L’administrateur, l’entreprise en redressement ou le liquidateur peut donc demander des moyens au groupe, mais ne peut rien exiger. Bref, le mandataire, le professionnel, l’organe de la procédure, l’employeur doit établir un plan, mais il n’a pas accès aux moyens et n’est pas in bonis. Il établira donc nécessairement un plan en fonction de ses seuls moyens, qui sont faibles. En outre, il ne pourra aller au-delà des moyens dont il dispose car les indemnités supra-légales ne sont pas couvertes par l’assurance générale des salariés, comme l’article L. 3253-13 du code du travail en dispose très précisément.

Dès lors, il élabore un plan en fonction des moyens qu’il a et non de ce qu’il devrait avoir. En cas de recours, puisque le plan aura été en fonction des moyens du groupe et non de ceux de l’entreprise, il perdra, et il en résultera des dommages et intérêts qui effaceront l’éventuelle conclusion positive du redressement judiciaire.

Telle est la situation. Le Gouvernement a considéré, si j’ai bien compris le raisonnement qui fonde l’article, qu’il ne pouvait la laisser se perpétuer et qu’il fallait par conséquent en cas de redressement ou de liquidation judiciaire déconnecter le plan des moyens du groupe et ne le lier qu’aux moyens de l’entreprise. Tel est le sens de ce qui est proposé.

Le même raisonnement s’applique à l’obligation de reclassement. Ce n’est pas parce que l’employeur est en redressement judiciaire que sa mère et ses sœurs ne sont pas en capacité de proposer des offres de redressement. Par conséquent, nous avons supprimé la deuxième règle pour ne conserver que le plan de sauvegarde de l’emploi, sachant que l’obligation de redressement fait partie du plan de sauvegarde de l’emploi, ce qui constitue de ce point de vue une modification importante.

L’amendement que je propose prévoira une simple obligation de moyens, car je ne peux pas édicter une obligation de résultat sans disposer du chemin juridique pour contraindre le groupe à payer. Il contraindra l’entreprise en cas de redressement judiciaire simplifié, l’administrateur en cas de redressement judiciaire ou le liquidateur en cas de liquidation judiciaire à aller chercher les moyens du groupe. Les trouvera-t-il ? S’il ne les trouve pas, il n’aura d’autre solution que construire avec les moyens de l’entreprise.

Deux questions se posent alors : Pouvait-on faire autrement ? Et un tel dispositif favorise-t-il la fraude, comme l’ont dit me semble-t-il Mme Fraysse et Mme Carrey-Conte ?

Que signifie chercher à contraindre le groupe ? Cela consiste à poser la question de la responsabilité du groupe. La première possibilité est de chercher la responsabilité au niveau de l’actionnaire. Tout le droit des sociétés, du moins les plus classiques, sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiée et société anonyme à responsabilité limitée, limite la responsabilité de l’actionnaire à la perte de la valeur de ses actions. C’est lui qui, en cas de liquidation, sera remboursé en dernier – mais cela s’arrête là. Ce n’est donc pas par le droit des sociétés que l’on trouvera une solution. On pourrait changer la règle et prévoir que les actionnaires, à l’avenir, seront responsables, mais je pense que cela aurait des effets très préjudiciables, tant sur la structuration de notre économie que sur le plan international. Par conséquent, je ne pense pas que ce soit une solution vers laquelle on puisse s’orienter.

Deuxième possibilité : on trouve, dans la nature du groupe, des systèmes qui permettent de mettre en jeu la responsabilité de ce dernier. Aujourd’hui, c’est possible avec la théorie du co-emploi. Qu’est-ce que le co-emploi ? C’est une théorie assez ancienne ; je renvoie à ce propos aux travaux du professeur Isabelle Vacarie. Dans un arrêt « Metaleurop » du 28 septembre 2011, la Cour de cassation a indiqué que soit il y avait un lien de subordination avec la mère, soit il existait une confusion d’activités, de direction et d’intérêts entre plusieurs sociétés, en conséquence de quoi, sans le savoir nécessairement – parce que vous pensez que votre employeur est celui qui signe votre fiche de paye – vous avez un autre employeur, la mère par exemple, dans un groupe capitalistique. Dans ce cas, vous pouvez aller chercher les moyens du groupe, puisqu’il s’agit également des moyens de l’employeur.

La théorie juridique telle qu’elle existe aujourd’hui, mais à condition de l’établir, permet donc de mettre en jeu la responsabilité du groupe par ce mécanisme, qui suppose une véritable intégration. En effet, la Cour de cassation a dit tout récemment, dans l’arrêt Molex du 2 juillet 2014, que la coordination des actions économiques entre sociétés d’un même groupe, et l’état de domination d’une société sur les autres, n’impliquait pas nécessairement qu’il y ait co-emploi. Cette théorie du co-emploi est donc limitée.

Faut-il aller au-delà ? Si nous l’avions fait, peut-être des amendements auraient-ils été présentés qui proposeraient une règle compatible avec les exigences de l’économie… Voilà pourquoi on n’est pas allé plus loin. Augmente-t-on le risque de fraude ? Pour cela, il faudrait que vous me démontriez que je supprime quelque chose qui existe. Or, vous ne niez pas que l’obligation du groupe n’existe pas. Si l’on ne la supprime pas, l’on ne peut pas augmenter le risque de fraude.

Je sais qu’il existe des groupes qui font ces calculs-là, qui déposent le bilan d’une de leurs filiales ou qui contraignent une filiale à le faire. Je sais que le mécanisme existe. En termes de responsabilité délictuelle, l’article 1382 du code civil permet d’engager leur responsabilité. J’ai cité devant la commission un arrêt très récent de la Cour de cassation, en date du 8 juillet 2014, portant sur ce sujet. Ce chemin existe donc, aux fins de prévention.

Il existe un autre moyen de développer la prévention. Savez-vous ce qu’est une procédure collective ? Savez-vous ce que c’est que de se trouver devant un tribunal de commerce, en présence d’un administrateur qui peut ordonner une expertise et aller chercher les responsabilités, examiner les flux financiers entre la mère et la fille, identifier les actes anormaux de gestion ? Ce système de responsabilité est la meilleure prévention qui existe contre la fraude. Voilà pourquoi je dis que l’on ne pouvait pas aller plus loin. En tout cas, je n’ai pas trouvé le moyen de le faire. Et cet article ne supprime rien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Isabelle Attard et M. Philippe Vigier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Ce n’est pas un petit sujet. Il a beau être cinq heures vingt du matin, je m’étonne que le groupe socialiste n’ait pas utilisé son temps de parole pour s’exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je le regrette tout autant que Christian Paul, car il s’agit vraiment d’un sujet majeur. (Mêmes mouvements.) Vous voulez que l’on fasse cela à la va-vite, à cinq heures du matin : c’est votre problème, nous pouvons en dire ce que nous en pensons !

M. le président. Monsieur Richard, s’il vous plaît.

M. Arnaud Richard. Il faut que ceux qui protestent sachent que c’est un sujet très important, et que tous les membres de leur groupe ne sont pas nécessairement d’accord entre eux. Il est question de proportionner le plan de sauvegarde de l’emploi aux moyens de l’entreprise. Si cela ne pose pas de problème à gauche, ce n’est pas mon cas et je voterai l’amendement de suppression.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. le président. Que chacun gère son temps, cela facilitera les choses.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, je me fais insulter ! Sur un sujet aussi grave !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1317, 2183 et 2851.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants34
Nombre de suffrages exprimés34
Majorité absolue18
Pour l’adoption10
contre24

(Les amendements identiques nos 1317, 2183 et 2851 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n3291 deuxième rectification et d’un sous-amendement n3298.

La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir le sous-amendement n3298.

Mme Colette Capdevielle. Il a pour objet de compléter l’amendement du rapporteur en l’étendant à l’administrateur et au liquidateur.

(Le sous-amendement n3298, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’amendement n3291 deuxième rectification, sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2754.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est rédactionnel.

(L’amendement n2754, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 101, amendé, est adopté.)

Article 102

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n1319.

Mme Isabelle Attard. Il est défendu.

(L’amendement n1319, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2755.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est rédactionnel.

(L’amendement n2755, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 102, amendé, est adopté.)

Article 102 bis

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2756.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’est un amendement de suppression. Par souci de lisibilité de la loi, on a regroupé dans le seul article 101 les dispositions de l’article 101 et de l’article 102 bis, ce qui permet d’éviter toute répétition.

(L’amendement n2756, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 102 bis est supprimé.)

Article 103

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n2808 et d’un sous-amendement n3293.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n2808.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement a pour objet de transposer l’article 15 de l’Accord national interprofessionnel signé en décembre dernier, qui est relatif au contrat de sécurisation professionnelle. L’accord auquel les partenaires sociaux sont parvenus nécessite une base législative pour sécuriser le financement des formations des salariés qui ont adhéré au contrat de sécurisation professionnelle. Cet amendement permet d’inscrire dans la loi le principe du financement obligatoire par les organismes paritaires collecteurs agréés des coûts pédagogiques de la formation à hauteur de 20 %. Cette mesure est particulièrement importante pour des salariés licenciés pour motif économique qui souhaitent construire un projet professionnel nécessitant une formation et dont la prise en charge financière doit être sécurisée en amont du parcours de reconversion.

Le sous-amendement n3293 du rapporteur propose, à la suite de l’avis des partenaires sociaux qui l’ont souhaité, de supprimer le fléchage des actions de professionnalisation vers le contrat de sécurisation professionnelle. J’y serai favorable.

L’amendement n3292 du rapporteur que nous examinerons tout de suite après a pour objet de préciser les modalités de contribution des entreprises aux organismes paritaires collecteurs agréés lorsque l’entreprise a conclu un accord portant sur le financement et l’abondement du compte personnel de formation.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir le sous-amendement n3293 et donner l’avis de la commission sur l’amendement.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le sous-amendement est défendu. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

(Le sous-amendement n3293 est adopté.)

(L’amendement n2808, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 103, amendé, est adopté.)

Après l’article 103

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3292 portant article additionnel après l’article 103.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’est un amendement que seul Jean-Patrick Gille saurait expliquer de manière synthétique… (Sourires.) Il a pour objet de compléter la transposition de l’article 4-5 de l’accord entre les partenaires sociaux sur l’affectation des ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, fixant un taux de contribution des organismes paritaires collecteurs agréés à hauteur de 20 % pour la prise en charge des coûts pédagogiques. Je vous propose de m’en tenir à cette brève explication.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

(L’amendement n3292 est adopté.)

Article 104

(L’article 104 est adopté.)

Avant l’article 105

M. le président. Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel avant l’article 105, nos 2994 et 2993.

Mme Ericka Bareigts n’ayant plus de temps de parole, je demande directement l’avis de la commission.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je propose le retrait de l’amendement n2994 au profit de l’amendement n2993, relatif au rapport qui a déjà été évoqué.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je note, à l’instar de Mme Bareigts, que le Gouvernement est sensible à la distorsion qui existe dans les tarifs postaux entre les territoires ultramarins et métropolitains. Cette distorsion, qui s’est mise en place au fil du temps, ne peut plus trouver de justification. Il convient donc, dans les termes qui vont être fixés par le prochain amendement de Mme Bareigts, de faire le point très vite sur cette question et de trouver les meilleures manières d’y remédier.

(L’amendement n2994 est retiré.)

(L’amendement n2993 est adopté.)

Articles 105, 105 bis et 106

(Les articles 105, 105 bis et 106 sont successivement adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Seconde délibération

M. le président. En application de l’article 101 du Règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 80.

Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n2.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 80 du texte de la commission prévoit que l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI dont la commune est membre est requis lorsque le maire souhaite octroyer plus de cinq dimanches par an. Cet ajout était nécessaire car il permet d’avoir une approche globale du sujet.

Par cette seconde délibération, le Gouvernement propose d’adopter l’avis conforme de l’EPCI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général. L’avis de la commission est favorable. D’abord parce que nous sommes dimanche (Sourires), et parce que cette seconde délibération vient valider le fait qu’à partir du cinquième dimanche travaillé, les EPCI pourront donner leur avis sur la décision collective que prendront les territoires de déroger ou non au repos dominical pour un certain nombre de dimanches.

Monsieur le président, permettez-moi de saisir cette dernière occasion qui m’est offerte pour remercier, en premier lieu, l’ensemble des rapporteures et des rapporteurs avec qui j’ai partagé ce travail législatif qui aujourd’hui arrive au terme de sa première phase : Gilles Savary, Cécile Untermaier, Christophe Castaner, Clotilde Valter, Laurent Grandguillaume, Alain Tourret, Stéphane Travert et Denys Robiliard. Chacune et chacun s’est appliqué à donner le meilleur de soi pour enrichir précisément le texte qui était proposé.

Je tiens également à vous remercier, monsieur le ministre, vous, vos collaborateurs et collaboratrices et, votre administration, pour avoir permis ce travail. Des parlementaires plus expérimentés que moi, et ils sont nombreux, estiment que cette manière de travailler, cette méthode, cette capacité d’écoute vont vraisemblablement induire des rapports différents, nouveaux, entre les parlementaires et l’exécutif, tant certains ont semblé découvrir cette capacité véritable de coproduction législative, de travail en commun avec franchise et transparence. Tout cela a été vécu comme une réelle marque de respect et de considération de votre part à l’égard de la représentation nationale.

Je souhaite également remercier le président Brottes, naturellement, sans lequel rien n’est jamais possible (Sourires) et qui a su imaginer l’architecture des rapporteurs, qui paraissait baroque mais qui s’est finalement révélée assez sobre et efficace, du moins je l’espère.

Je salue l’ensemble des députés qui ont participé aux travaux de la commission spéciale, tous avec beaucoup d’assiduité et de volonté de contribuer à la qualité du travail collectif. Toutes et tous étaient animés, j’en suis convaincu, par la volonté de servir le bien public.

Je profite également de cette occasion pour saluer l’ensemble des collègues qui ne siégeaient pas dans cette commission spéciale mais qui ont participé pendant plus de cent heures aux travaux dans l’hémicycle, et l’ensemble des présidents de groupe et responsables de groupe qui ont travaillé sur ce texte. Permettez-moi à ce propos d’adresser un salut particulièrement amical à Jean-Yves Caullet.

Monsieur le président de l’Assemblée nationale, je tiens à vous dire que nous avons trouvé auprès des administrateurs et administratrices un secours particulier, et le terme est faible, dans un temps relativement ramassé, pour accomplir ce travail qui s’est déroulé dans des conditions denses et enrichissantes pour tous.

Enfin, je serais incomplet si je n’associais pas à ces remerciements l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs des groupes bien entendu, qui ont apporté leur pierre à l’édifice, et des députés.

Je ne permettrais pas de me faire l’interprète de chacun, mais il me semble avoir pu partager ici avec vous tous un grand moment de passion, cette nuit encore. Cela démontre que ce qui nous anime c’est la passion plus que l’ambition. Chacun a voulu exprimer son point de vue, parfois avec véhémence, mais toujours avec respect.

Or, la passion, vous le savez, est nécessaire. Je vais vous faire une confidence : je n’aime pas les citations. Un de mes professeurs de français avait écrit au tableau : Ne faites jamais de citation classique, cela revient à exhumer sa grand-mère en présence de sa maîtresse. (Rires.) Depuis, je me suis interdit de faire des citations classiques. Cependant, parce qu’elle est méritée, et qu’elle me paraît justifiée puisque j’évoquais la passion, je convoquerai tout de même un grand auteur pour conclure un bel épisode : c’est Hegel, qui écrivait dans La Raison dans l’Histoire que « rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’aimerais en quelques mots faire exactement les mêmes remerciements que le rapporteur, ce qui m’évitera de les répéter.

Sous votre autorité, monsieur le président, cette maison a été mobilisée jour et nuit durant près de deux cents heures de débat, en commission et dans l’hémicycle, ce qui est tout de même assez remarquable. Ce texte le méritait. Nous le devons non seulement à l’expertise et à l’implication des rapporteurs, mais aussi à l’implication, à l’écoute, à la réactivité du ministre, qui a su ne pas se montrer cynique. C’est aussi une marque d’exception. On peut être d’accord ou non avec ce qui est écrit dans le texte, avec tout ce qui sera écrit dans cette loi, qui fera date, mais la façon dont le travail parlementaire a été mené est à la hauteur de ce qu’on peut attendre du Parlement.

Pour autant, je suis assez d’accord avec vous sur le fait que peut-être, demain, nous pourrions ne pas être obligés de refaire dans l’hémicycle les débats que nous avons eus en commission. Je sais, monsieur le président, que vous travaillez à cette réforme, qui me paraît utile. En attendant, il ne me semble pas que nous ayons perdu tant de temps que certains le disent, car chaque fois les éclairages nouveaux ont apporté des compléments d’arguments nécessaires à la fois pour ceux qui participaient aux débats et pour ceux qui, demain, auront à interpréter les textes. Le dernier rapporteur thématique qui est venu s’asseoir au banc, l’heure fût-elle tardive, nous a donné une grande leçon d’expertise et de pédagogie. Comme mon voisin me le disait tout à l’heure, on avait le sentiment d’être à l’Université du temps libre ! C’était assez extraordinaire.

Je tiens à tous vous remercier, à remercier tous les services de l’Assemblée qui ont été mobilisés, et l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices du ministre ; les dossiers de préparation ont dû représenter le volume d’une pièce tout entière… Tout le monde a fait en sorte que nous puissions être au rendez-vous d’un débat clair, pas forcément concis certes, mais la concision n’est pas nécessairement la meilleure façon d’éclairer la manière dont la loi devra être appliquée après sa promulgation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je voudrais dire tout le plaisir que nous avons eu à travailler ici, en dépit de conditions qui bien sûr peuvent être critiquées. Durant toutes ces heures, et cela traduit le grand intérêt qu’a suscité ce texte, nous avons eu un débat fluide, au cours duquel la mobilisation a permis d’avancer comme nous le souhaitions.

Cela tient sans doute à l’objet du texte, qui recèle de nombreuses dispositions destinées à changer la vie des Français, à l’améliorer. Nous aurons l’occasion de le dire mardi, je ne m’attarderai donc pas sur ce point aujourd’hui.

Je voudrais saluer la disponibilité du ministre, tant pour la préparation que pour la discussion du texte. Des engagements ont été pris pour la suite, car ce travail doit continuer, des chantiers ont été entamés et des passages devant les commissions sont programmés. C’est la marque d’une considération pour le Parlement, dimension à laquelle, je le dis ici puisqu’il n’y a pas d’autre ministre présent, l’exécutif n’a pas toujours été attentif. Parlant ici au nom du groupe majoritaire, j’affirme que l’on peut être dans la majorité et être sensible aux attentions politiques qui permettent de renforcer les liens dans la réforme que nous mettons en œuvre chacun dans l’exercice de nos responsabilités.

Je souhaitais donc remercier le Gouvernement et singulièrement le ministre pour ces moments de grande politique, puisque nous avons légiféré sur des choses du quotidien qui permettront demain d’améliorer la vie et la situation des Français sur notre territoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. Il est temps de mettre aux voix cet amendement ! (Sourires.)

(L’amendement n2, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 80, amendé, est adopté.)

Explications de vote personnelles

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je vais essayer pendant quelques minutes de rester à la même hauteur que le président Brottes.

Nous n’avons pas pu avoir le débat qui aurait été nécessaire sur l’article 101. Je n’en fais le reproche à personne. La méthode du temps programmé, qui a été inventée par le groupe UMP voilà quelques années, n’est pas particulièrement facile à appliquer sur un texte de cette nature, de cette longueur et de cette complexité.

Ainsi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous n’avons pas pu, à ce stade du travail parlementaire, évoquer sérieusement l’article 101, et je le regrette. En effet, monsieur le ministre, vous n’avez pas pu nous dire pourquoi le Gouvernement tenait absolument à modifier le droit sur ce point. Et, monsieur le rapporteur, je n’ai pas pu vous dire les raisons pour lesquelles je ne suis pas en accord avec la démonstration que vous avez souhaité faire tout à l’heure avec beaucoup de conviction ; peut-être aurai-je l’occasion de le faire à un autre moment de la procédure législative.

L’article 101 tel qu’il a été adopté réduit les droits des salariés en cas de plan de sauvegarde de l’emploi. Plus précisément, la suppression de la mention de l’appel au groupe vient affaiblir la situation des salariés qui sont concernés par un PSE. Il y a beaucoup d’exemples, et c’est heureux, où les groupes sont appelés. Même si, vous avez eu raison de le rappeler en commission spéciale, cet appel peut rester parfaitement virtuel, il est parfois suivi d’effets.

Mme Jacqueline Fraysse. Il le sait, le rapporteur ! Il le sait !

M. Christian Paul. Or, s’il n’en est plus fait mention dans la loi, il est clair que cette obligation, qui est, vous l’avez dit vous-même, plutôt une obligation de moyens qu’une obligation de résultat, en sera affaiblie.

Il y a pourtant parfois des résultats. Quand le groupe Kering, c’est-à-dire le groupe Pinault, consacre à Lille 500 millions d’euros, parce qu’on appelle sa responsabilité dans le dossier de La Redoute, au reclassement des salariés, aux préretraites, à la relance de l’activité et à la revitalisation du territoire, on voit qu’il arrive que les groupes soient appelés massivement à la rescousse. Notre responsabilité, la responsabilité de cette majorité, c’est de travailler, avant l’adoption de cette loi, si elle doit l’être, à la construction d’un système de responsabilité qui aille au-delà de la jurisprudence établie au mois de juillet par la Cour de cassation.

Peut-être n’y a-t-il pas eu de bonnes propositions à ce stade. C’est la raison pour laquelle nous avions souhaité le retrait de cet article, ou sa suppression, afin qu’un travail parlementaire authentique puisse se faire avec le Gouvernement sur cette question essentielle dans des périodes d’intenses restructurations, en particulier industrielles. Je demande donc à notre majorité d’y réfléchir, et je souhaite que nous prenions date ce soir. Je demande également au Gouvernement d’y travailler avec le Parlement. Si nous ne revenons pas sur cette question essentielle, monsieur le ministre, et bien que vous ayez déclaré à plusieurs reprises que nous n’enlevions rien aux salariés, nous leur enlèverons en réalité la possibilité de se défendre mieux et d’être mieux protégés lors des PSE.

Il faut donc trouver des solutions. Ce serait même une belle ambition collective que de pouvoir construire un système qui, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, sera forcément difficile à mettre en place. Vous avez évoqué le degré d’autonomie de la filiale par rapport à la société-mère, le pouvoir réel à l’intérieur des groupes, le co-emploi, nous avons interrogé les organisations syndicales, j’ai moi-même consulté quelques-uns des meilleurs avocats en matière de droit du travail – et vous en êtes un autre – mais aujourd’hui, personne n’affirme sérieusement que la position des salariés n’est pas affaiblie en cas de PSE.

Il aurait donc été de bonne méthode de retirer cet article, ou de le supprimer. Cela n’a pas été fait et nous prenons date ce soir, car il est indispensable de le transformer substantiellement au cours des prochaines étapes de ce texte, s’il y en a.

Mme Jacqueline Fraysse et M. Arnaud Richard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je ne voudrais pas refaire ici le débat, ni reprendre point par point les thèmes que vient d’exposer M. Paul. En tant que responsable du groupe socialiste, je ne partage pas son point de vue à ce stade. Le débat parlementaire n’est certes pas achevé, sur ce point comme peut-être sur d’autres, mais nous ne pouvons pas faire le procès au groupe majoritaire, à la majorité, au rapporteur général et à l’équipe des rapporteurs de ne pas avoir cherché à tout moment à améliorer ce texte et à accorder la réalité à la nécessité de protéger les salariés, notamment dans le cadre très difficile des PSE.

Je le répète, la procédure n’est pas terminée. Le débat peut se poursuivre, la réflexion est toujours possible, et les temps de parole ont été largement répartis entre toutes les personnalités et toutes les opinions, à l’intérieur même de notre groupe. On ne peut pas dire qu’on en est resté au stade d’avant la discussion. En outre, deux cents heures de débat n’ayant peut-être pas suffi, je serais surpris que cinq minutes permettent de conclure. Je ne voudrais pas laisser ce beau débat sur une note trop négative et focalisés sur un seul de ses aspects.

Pour ma part, ce que je veux retenir, c’est le travail collectif qui permet de répondre positivement à la question de savoir si nous pouvons mettre notre pays en situation de saisir des opportunités sans faire régresser le droit, qu’il s’agisse du droit de l’environnement, du droit social ou des droits des salariés. Nous pouvons répondre très largement « oui », et c’est la fierté de notre débat, qui se poursuivra bien entendu, car les choses ne sont jamais parfaites et peuvent toujours s’améliorer. Raison de plus pour ne pas négliger les améliorations qui ont été apportées tout au long de la discussion.

Enfin, je m’associe bien évidemment à tous les remerciements qui ont été exprimés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cette explication de vote finale et la discussion sur l’article 101 illustrent particulièrement bien ce qu’ont pu être les débats sur certains sujets.

Je veux saluer à la fois l’esprit de détail et, plus largement, la philosophie de l’approche adoptée à la fois par le Gouvernement, le rapporteur et les parlementaires sur ce texte, consistant à aller regarder de manière concrète et au réel ce que sont les choses. La démonstration faite par le rapporteur a permis de voir qu’il existe parfois des droits formels dont on constate qu’ils n’existent pas, en tout cas pas à proprement parler. C’est ce qui a été démontré sur la notion de groupe.

Cela n’enlève rien aux obligations de moyens, qui ont été évoquées dans certaines affaires et qui ont été restaurées par l’amendement du rapporteur. Je ne peux donc pas vous laisser dire, monsieur Paul, que quoi que ce soit ait été retiré aux salariés. J’aurai sur ce point la même intransigeance que vous, et je crois que nous resterons chacun sur notre position.

Le texte a été examiné par le Gouvernement, éclairé par l’échange avec les partenaires sociaux, dont j’ai rappelé la procédure – car il y a eu un dialogue avec les partenaires sociaux sur la base de ces articles – puis par les rapporteurs et les parlementaires : un examen du réel, au réel, une adaptation de notre droit pour prendre en compte précisément les droits des salariés et ce que peuvent et doivent être cette obligation de moyens restaurée et les possibilités données aux salariés d’être protégés au mieux. Sur de nombreux sujets, comme nous l’avons vu à chaque fois, se réfugier derrière un certain formalisme peut être plus confortable a priori. Mais se colleter à chaque fois aux impairs du réel, comme c’est le cas sur de nombreux sujets, prendre en compte les incohérences et les insuffisances du réel, comme nous l’avons vu à propos du travail dominical, c’est faire une œuvre qui n’est peut-être pas toujours spontanée ni facile, qui n’est pas la plus aisée, mais qui était devoir collectif. C’est ce qui a été fait.

C’est ce qui me permet, à ce stade, de remercier le président de la commission spéciale, le rapporteur général et l’ensemble des rapporteurs pour le travail qu’ils ont accompli, en commission spéciale puis dans l’hémicycle, avec 196 heures de débat au total, soit 1 743 amendements examinés en commission, dont 495 adoptés, et plus de 3 000 amendements en séance publique, dont 558 adoptés.

Je tiens à remercier l’ensemble des députés qui ont participé au débat avec assiduité, tant en commission qu’en séance publique, et tous ceux qui, jusqu’à une heure tardive, et même jusqu’au petit matin, ont eu la patience et la passion de partager ce débat et de faire progresser ce texte. Je remercie bien évidemment, outre mes équipes, qui ont beaucoup travaillé, celles de l’ensemble des ministres concernés, qui m’ont toujours accompagné, ainsi que les collaborateurs des groupes, qui ont eux aussi beaucoup travaillé.

Je voudrais, monsieur le président, remercier également la séance car nous avons plusieurs fois occupé nuitamment tout le monde, ainsi que les présidents successifs et le personnel de l’Assemblée nationale, qui ont accompagné tous nos travaux, et vous-même, monsieur le Président, en particulier pour ces dernières heures, qui ont été cruciales.

Ce n’est un mystère pour personne que c’était là mon premier texte de loi, qui passait pour la première fois par l’épreuve du Parlement. Je voudrais donc vous remercier de ce compagnonnage. Peut-être a-t-on parfois des illusions. Quant à moi, j’en ai toujours, et c’est ce qui m’empêche de me faire au cynisme. Le texte qui vous a été proposé initialement était sans doute imparfait, mais je suis convaincu qu’il est nettement amélioré. Je pense que la philosophie constante qui nous a animés, du début à la fin, a été de faire au mieux. Finalement, ce n’est peut-être pas si mal. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et du groupe UDI.)

M. le président. Je rappelle que la Conférence de des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 17 février après les questions au Gouvernement.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 17 février, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;

Discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée, le dimanche 15 février 2015, à cinq heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly