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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 04 juin 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Programmation militaire pour les années 2015 à 2019

Discussion générale (suite)

M. Jean-Jacques Candelier

M. François Cornut-Gentille

M. Philippe Meunier

Mme Geneviève Gosselin-Fleury

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Christophe Léonard

Mme Edith Gueugneau

M. Jean-Jacques Bridey

M. Nicolas Dhuicq

M. Joaquim Pueyo

M. Gwendal Rouillard

M. Olivier Audibert Troin

M. Jean-Luc Laurent

M. Nicolas Bays

Mme Marie Récalde

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Discussion des articles

Article 1er et rapport annexé

M. Nicolas Dhuicq

M. Philippe Nauche

M. Jean-David Ciot

M. Eduardo Rihan Cypel

M. Gilbert Le Bris

M. Jacques Lamblin

M. Guillaume Larrivé

M. Philippe Folliot

Mme Maina Sage

M. Frédéric Reiss

M. Jacques Myard

M. Jean-Frédéric Poisson

M. François de Rugy

Amendement no 17

Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées

Amendement no 65

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Amendements nos 27 , 28 , 29 , 4 rectifié , 9 , 48 , 10 , 47 , 30 rectifié , 50 , 18, 19, 20 , 31 , 32 , 67 , 46 , 49

Article 2

M. Nicolas Dhuicq

M. Jean-François Lamour

M. Philippe Folliot

Amendements nos 58 , 23 , 22

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Article 3

M. Nicolas Dhuicq

Mme Geneviève Gosselin-Fleury

Amendement no 52

Avant l’article 4

Amendement no 45

Article 4

M. Nicolas Dhuicq

Amendement no 57

Après l’article 4

Amendement no 69

Article 5

Article 6

Amendements nos 33 , 7 , 36 , 8 , 37

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Article 7

M. Jean-Michel Villaumé

Mme Geneviève Gosselin-Fleury

Amendements nos 53 , 34 , 59 , 35 , 13 , 74

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

Amendements nos 54 rectifié , 61 , 14, 15 , 73

Article 7 bis

Amendement no 72

Article 7 ter

Amendement no 16

Article 8

Après l’article 8

Amendement no 63

Articles 9 à 12

Article 13

Amendements nos 42, 43 , 51

Article 14

Amendement no 21

Articles 15 et 16

Article 17

M. Jean-Michel Villaumé

M. Joaquim Pueyo

M. Jean-François Lamour

M. Philippe Folliot

Mme Marianne Dubois

Amendements nos 56 , 24

Article 18

M. Joaquim Pueyo

Après l’article 18

Amendements nos 1 , 26

Avant l’article 19

Amendements nos 39 , 38

Article 19

Après l’article 19

Amendement no 76 rectifié

Articles 20 et 21

Après l’article 21

Amendements nos 5 , 6

Articles 22 à 25

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Programmation militaire pour les années 2015 à 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (nos 2779, 2816, 2806, 2804, 2803).

Discussion générale (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, permettez-moi, à nouveau, de déplorer ce qui s’apparente quelque peu à un coup de force. L’examen de cette actualisation de la loi de programmation militaire intervient en effet deux semaines après le passage du texte en conseil des ministres. Nous n’avons pas eu le temps d’assimiler le contenu des différentes auditions et de faire un travail d’amendement approfondi.

Le projet de loi est dense et fourni. Il prévoit, par exemple, l’introduction d’une expérimentation du service militaire volontaire – SMV – qui pose de nombreuses questions. Un tel sujet mériterait un débat à lui seul.

Recours aux ordonnances, procédure accélérée, délais réduits au minimum… Le but est-il d’influer le moins possible sur les projets du Gouvernement ?

Je considère que le Parlement ne doit pas être la chambre d’enregistrement de l’exécutif. Pour bien légiférer, la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif s’impose. Prenons, par exemple, la question de la réserve opérationnelle. Des contradictions existent entre une augmentation de la disponibilité des réservistes et la volonté du Gouvernement employeur de ne pas réduire le temps de travail des fonctionnaires. Si le but est d’arriver à créer une force de réserve, qui manque à la France, des réformes strictement normatives s’imposent.

Bien sûr, les amendements de Mme la rapporteure sur ce sujet laissent entière la question de la mise à contribution de tous les employeurs de France à la réserve. Nous pensons que la loi doit être la même pour tous, surtout avec les nouveaux cadeaux que vient de recevoir le patronat. Nous ne voulons pas d’une réserve composée de fonctionnaires et de membres des services publics.

Mais on le voit – l’examen du projet de loi en commission l’a encore démontré – on ne peut pas compter sur la mobilisation patriotique des employeurs, qu’ils soient privés ou publics, en faveur de l’effort de réserve. L’histoire a tranché : l’esprit du 11 janvier ne pèse pas lourd par rapport à la défense de certains intérêts particuliers. Il semble que quinze jours par an, bien organisés et planifiés à l’avance, constituent, hors temps de crise, un seuil incompressible.

L’État employeur est aussi en conflit d’intérêts sur la question de la syndicalisation. Le projet de loi prétend appliquer les arrêts rendus en la matière par la Cour européenne des droits de l’homme en octobre dernier : or on s’aperçoit qu’il les contourne.

Je fais la mise en garde suivante : si nous n’amendons pas le texte pour le mettre en conformité avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, on peut s’attendre à l’ouverture d’autres contentieux qui, tôt ou tard, donneront corps au droit pour les militaires de se syndiquer. Je rappelle en effet que, dans deux arrêts du 2 octobre 2014 de la Cour européenne des droits de l’homme, les juges ont estimé que la liberté des militaires pouvait faire l’objet de restrictions légitimes, mais pas au point d’interdire, de manière pure et simple, de constituer un syndicat ou d’y adhérer.

Or cette interdiction subsiste dans le projet de loi. S’appuyant de manière orientée sur les règles de la discipline militaire, le texte propose une réforme a minima, avec des associations professionnelles strictement encadrées. En fait, les gouvernements successifs n’ont jamais voulu de syndicats dans les armées, se retranchant derrière une incompatibilité supposée entre la discipline militaire et le fait de défendre les conditions de vie et de travail.

Cette supposée incompatibilité n’existe ni en Allemagne, ni en Belgique, ni aux Pays-Bas, et encore moins en Suède où les militaires sont libres d’adhérer à un syndicat. Les associations professionnelles sont introduites à contrecœur par le pouvoir. Aucune audition de syndicats représentatifs de la fonction publique n’a notamment été organisée.

On nous explique qu’à l’étranger, ce n’est pas pareil, parce que les armées en question sont faiblement sollicitées. La syndicalisation dans l’armée allemande date de Bismarck, suite à la guerre de 1870. Il me semble que ce pays a connu depuis quelques guerres bien tendues depuis.

Cet argument ne tient pas debout, et il est hors sujet. Les militaires sont des professionnels qui connaissent les aspects opérationnels et savent que, comme d’autres professions, ils n’ont pas le droit de grève. Ils savent aussi ce que neutralité et discipline veulent dire.

D’un point de vue financier, le Gouvernement est contraint de revoir la programmation militaire 2014-2019, inspirée du Livre blanc de la défense nationale. Cette programmation était intenable financièrement, vu les missions confiées aux armées et l’absence des ressources exceptionnelles prévues.

On nous propose d’ajouter des crédits au budget pour continuer comme avant et pour combler certaines lacunes et erreurs d’appréciations. Le Gouvernement continue de mener, avec des œillères, une politique au coup par coup. Il n’y a, en effet, rien de nouveau depuis fin 2013 en matière de situation géopolitique internationale et de menace terroriste.

M. Nicolas Dhuicq. Eh oui !

M. Jean-Jacques Candelier. Cette actualisation s’impose surtout à cause du déséquilibre financier de la loi de programmation militaire – LPM – que nous avions dénoncé. Il s’agit d’augmenter les crédits attribués au ministère de la défense et de limiter la baisse des effectifs des armées afin de faire face à l’opération Sentinelle décidée suite aux attentats de janvier et de participer aux nombreuses opérations extérieures – OPEX.

C’est toute la stratégie financière du ministère, ainsi que les missions et l’organisation de nos armées, qu’il faudrait revoir. Après dix ans de baisse continue du budget de la défense, 3,8 milliards d’euros de plus seront attribués à celle-ci au cours des quatre prochaines années, dont 2,5 milliards d’euros au cours de la prochaine mandature.

Le dispositif Sentinelle, disons-le, constitue avant tout d’une opération de communication, qui, pour rassurer la population, nous coûte 1 million d’euros par jour. Or on le sait, les dispositifs de dernière ligne sont particulièrement peu opérants pour empêcher une action terroriste judicieusement planifiée.

L’argent ainsi dépensé serait mieux utilisé dans le renseignement militaire et le suivi des réseaux terroristes. D’ailleurs, ce sont souvent des militaires qui reviennent d’OPEX qui sont chargés d’assurer les missions de surveillance, ce qui a des conséquences désastreuses pour leurs familles.

En ce qui concerne les opérations extérieures, la tentaculaire opération Barkhane, lancée en plein été 2014 sans débat ni vote au Parlement, couvre cinq pays africains et mobilise environ 3 000 militaires. Elle s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de forces prépositionnées, la France se faisant le gendarme de l’Afrique et assurant la sous-traitance de ce continent pour les Américains.

Il faudrait évaluer les résultats de cette opération au lieu de continuer. Nous n’arrivons pas à sortir de ces pays, et l’image de la France commence sérieusement à s’y dégrader. En matière d’effectifs, s’il était prévu 33 675 suppressions de postes, 18 750 seront finalement épargnés. En clair, on continue de supprimer des postes alors que nos armées sont placées sous une tension infernale.

M. le ministre de la défense a annoncé son plan de restructuration : fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce et d’une base navale, dissolution d’un régiment et désarmement de cinq bâtiments de la marine. J’ai aussi interrogé le Gouvernement sur la situation des personnels de la maternité de l’hôpital d’instruction des armées Bégin, qui cessera ses activités à compter du 30 juin : ces fermetures et dissolutions ne sont pas remises en cause.

La vente de notre patrimoine militaire est toujours d’actualité pour combler, à courte vue, les trous financiers. Au sein de la Direction générale de l’armement – DGA –, il existe actuellement près de 10 000 agents, dont 8 000 civils. D’ici à 2019, les départs à la retraite devraient être de l’ordre de 1 800, et environ 1 000 agents, dans le meilleur des cas, devraient être embauchés. La DGA va donc continuer à perdre des effectifs, surtout des ouvriers.

Les futures embauches concerneront surtout des ingénieurs, ce qui changera profondément le travail au sein de la DGA. Comment croire que cette direction restera toujours l’autorité technique unique en France pour l’armement ? La rallonge pour les crédits d’équipement sur toute la période, d’un montant de 1,7 milliard d’euros, représente une goutte d’eau. Selon certains, il faudrait 10 milliards !

Commandes insuffisantes, investissements en recherche et développement faibles, véhicules hors d’usage, déficit en renseignement militaire, cyberdéfense médiocre, incapacité de projection stratégique du fait de l’absence d’avions et de navires aptes à assurer le soutien logistique : il y a un fossé énorme entre les moyens des forces armées et les missions qui leur sont demandées par la puissance publique.

De son côté, la dissuasion nucléaire engloutit, pour la période 2015-2019, 19,7 milliards d’euros, contre 41,8 milliards pour l’armement conventionnel. En matière de nucléaire, il y aurait des économies à faire. Le respect du principe de stricte suffisance est contradictoire avec les programmes de modernisation et de développement de nos bombes nucléaires.

La poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire, qui prépare leur renouvellement, ne respecte pas les engagements que nous avons souscrits en signant le traité de non-prolifération. On le voit, l’austérité n’est pas pour tous.

Elle ne s’applique pas à Bouygues qui va, grâce au partenariat public-privé signé pour Balard, toucher au total, sur vingt ans, trois fois le prix de la construction. L’austérité ne s’applique pas plus à l’OTAN, dont le rapport annexé ne cesse de chanter les louanges, au détriment de l’ONU. Il est vrai qu’en Libye, son bilan est formidable !

Il n’y a aucune remise en cause de l’intégration française au commandement intégré de l’OTAN, ni de notre soumission aux ambitions géopolitiques des États-Unis. L’Alliance atlantique est une alliance guerrière qui se croit investie de la sécurité du monde en lieu et place de l’ONU.

Elle alimente une guerre entre ce qu’elle qualifie d’« Ouest » et d’Occident : il faut sortir de ce traité. Nous dénonçons la mise sous commandement américain de notre porte-avions Charles-de-Gaulle lors de l’opération Chammal en Irak.

Plus inquiétant encore, François Hollande a, le 19 février dernier à Istres, repris le concept belliciste de dissuasion élargie, qui alimente la menace gravissime d’une confrontation nucléaire avec la Russie à propos de l’Ukraine. Comment se fait-il que l’Union européenne dépense plus d’argent pour aider le gouvernement mafieux et illégal d’Ukraine, qui n’est pas membre de l’Union européenne, que la Grèce, qui en est membre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Pour conclure, je dirai que le ministère de la défense et l’état-major des armées demandent, depuis très longtemps, une rallonge budgétaire, tout simplement parce que la politique d’austérité ne leur permet plus de faire fonctionner l’armée au quotidien.

La France est en effet prise entre le marteau de la politique d’austérité exigée par l’Europe de Bruxelles et l’enclume des missions confiées à nos armées. Cette actualisation ne se conjugue pas avec une réelle politique de défense nationale au service du peuple français et de la paix dans le monde.

D’ailleurs, dans la mesure où tous les autres budgets sont à la diète, notamment l’aide publique au développement, elle marque une tendance inquiétante à la militarisation des problèmes du monde : migrations, sécurité intérieure, forces spéciales et projection de forces. Cela nous inquiète : il faut donc encore améliorer le texte, notamment le chapitre II.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, comment éviter les pièges de cette actualisation de la loi de programmation militaire, le principal étant le choix du vote ? Voter pour, c’est prendre le risque de laisser croire que les problèmes de notre défense sont résolus ou en passe de l’être. Or c’est loin d’être le cas. Voter contre, c’est se laisser conduire par un esprit partisan en refusant de voir des inflexions pourtant significatives.

Dans cette situation, l’abstention ne doit être prise ni pour de l’indécision ni pour une complaisance à l’égard du Gouvernement. En fait, elle permet de dire les choses sans flatterie ni agressivité.

La politique de l’autruche comme les polémiques stériles sont en effet à bannir sur ces sujets d’intérêt national. Ce qui compte, ce n’est pas le vote, la posture que l’on prend, c’est la qualité du débat que nous sommes capables d’avoir sur l’état de notre défense.

Au-delà des chiffres, ce texte reconnaît, enfin, une réalité exprimée avec force par l’opposition et, plus discrètement, par certains collègues de la majorité : pour pouvoir continuer à accomplir ses missions, notre défense doit impérativement bénéficier de crédits supplémentaires. Il ne s’agit nullement d’un cadeau à nos armées, il s’agit simplement d’ouvrir les yeux sur une situation de plus en plus intenable. Même si elle reste à ce jour très virtuelle, cette inflexion majeure dans le discours du Gouvernement doit être saluée et rend à elle seule malaisée toute opposition frontale.

Il faut également prendre acte de la décision de mettre fin à une mauvaise pratique qui, certes, n’a pas été initiée par cette majorité mais que celle-ci a amplifiée. Je veux parler d’un recours excessif aux recettes exceptionnelles, qui aboutit paradoxalement à fragiliser une LPM dont la finalité est normalement de sécuriser la trajectoire budgétaire.

Je ne vous cacherai pas non plus ma satisfaction de voir disparaître ces montages, un peu trop créatifs à mon goût, que constituaient ces fameuses sociétés de projet.

Enfin, les renforcements des personnels, notamment de l’armée de terre, sont les bienvenus dans le contexte actuel, tout comme, en matière d’équipements, l’effort sur les drones et les besoins immédiats des forces.

S’il est difficile de nier toutes ses avancées, celles-ci sont cependant ternies par d’autres aspects qui fragilisent l’effort annoncé ou qui n’ont rien à voir avec la LPM.

Aucun financement supplémentaire ne sera en effet mis en œuvre en 2015, alors que le budget était calculé au plus juste, sans tenir compte de la moindre déflation des effectifs, de l’intensification des OPEX et d’un engagement nouveau sur le territoire national.

On nous assure quelques crédits pour demain, beaucoup pour après-demain mais rien du tout dans l’immédiat. Aussi, encore davantage que par le passé, la fin d’année sera décisive, et l’on pressent des affrontements avec Bercy plus violents que jamais.

Alors qu’une des principales finalités d’une LPM est de planifier et de sécuriser le renouvellement des équipements, il est d’ores et déjà à craindre que ceux-ci ne soient sérieusement malmenés par la montée en puissance des engagements sur le terrain, bien sûr, mais peut-être encore plus par l’absence de maîtrise du titre II. Alors que celui-ci est déjà lourdement déficitaire, tous les hauts responsables auditionnés se montrent, de façon assez préoccupante, extrêmement prudents sur la capacité à exécuter la manœuvre RH qui soutient cette LPM actualisée. S’agit-il d’ailleurs d’un véritable dérapage en la matière ou, plus simplement, de l’incapacité à réaliser des objectifs trop ambitieux ? Quoi qu’il en soit, la dérive semble acquise avec ses inévitables conséquences.

À cela s’ajoute la vision, certainement beaucoup trop optimiste et non documentée, d’un milliard d’économies sur les coûts des facteurs à redéployer sur les équipements. On le voit, loin d’être sécurisé, le titre V navigue dans une zone dangereuse.

Ces lourdes problématiques justifiaient pleinement un texte qui aurait dû être exclusivement consacré aux questions financières. Or le Gouvernement a fait le choix d’ajouter deux autres sujets : le service militaire volontaire – réponse improvisée à l’actualité sans objectifs clairement déterminés – et les associations professionnelles nationales de militaires – enjeu qui aurait mérité un débat beaucoup plus approfondi. Dans la précipitation, il est en effet absolument impossible de mesurer sérieusement les conséquences des dispositions qui seront prises.

Au total, la plus grande fragilité de ce texte, qui aurait dû et pu être un texte majeur, c’est de laisser croire que les armées ont obtenu satisfaction. En fait, il n’en est rien. Dans ce contexte, l’abstention permet de prendre acte des bonnes intentions du Gouvernement, mais en soulignant qu’il ne faut pas se cacher que le plus dur reste à faire. De ce point de vue, la fin de gestion 2015 sera un premier moment de vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de programmation militaire et son actualisation sont deux moments forts pour nos armées et pour notre communauté nationale.

Le Parlement a eu connaissance de ce projet de loi le mercredi 27 mai, avec, comme impératif, un dépôt des amendements avant le lundi de Pentecôte suivant à dix-sept heures. Nous imposer d’étudier un texte qui engage notre défense et donc la sécurité de notre pays sur de nombreuses années avec un délai aussi court est une marque de désinvolture et même d’irrespect à l’endroit du Parlement, de l’opposition et de nos forces armées. L’audition de nos chefs d’états-majors, après la date limite autorisant le dépôt des amendements, en est la triste illustration. Jamais le Parlement n’a été traité de la sorte pour un sujet de cette importance. Cela n’est pas à la hauteur de la charge d’un Président de la République et d’un gouvernement dignes de ce nom.

À la fin de 2013, lors des débats parlementaires concernant votre loi de programmation militaire 2014-2019, monsieur le ministre, nous vous avons alerté solennellement sur la nécessité de renforcer notre outil de défense pour faire face aux nouvelles menaces, notamment terroristes, mais, comme à l’accoutumée, votre gouvernement et vous-même n’avez rien voulu entendre. Avec cette actualisation, vous faites une nouvelle fois le choix de jouer à la roulette russe avec la sécurité des Français.

L’échec de votre LPM est tout d’abord la conséquence de vos erreurs d’analyse en matière de politique étrangère. Mali, Centrafrique, Ukraine, Syrie, Irak, nos armées paient aujourd’hui les erreurs et les fautes de la politique étrangère du gouvernement auquel vous appartenez. (« Et Kadhafi ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Sur le Mali, dois-je ici rappeler les propos de François Hollande sur la fin des interventions militaires en Afrique ? La France, dixit le Président de la République, ne devait apporter qu’une aide logistique à la force d’intervention africaine. Au final : une intervention de nos troupes décidée en urgence et la mise en place de l’opération Barkhane pour une durée indéterminée.

Sur la Centrafrique, dois-je ici rappeler vos propos, monsieur le ministre ? Après des mois de massacres de chrétiens et d’inaction de la diplomatie, le Gouvernement a décidé de lancer l’opération Sangaris, qui devait selon vos déclarations ne durer que quelques semaines, voire quelques mois. Nous connaissons tous la suite des événements.

Ukraine : François Hollande, totalement aligné sur la position américaine, demande à notre armée de l’air de déployer ses moyens en Europe de l’Est, comme si la Russie menaçait l’intégrité territoriale des pays membres de l’OTAN.

Syrie, Irak : après avoir aidé massivement les rebelles hostiles au régime de Damas qui, soit dit en passant, sont maintenant alliés des islamistes, véritable pompier pyromane, vous demandez à notre armée de l’air de bombarder l’État islamique en Irak, mais pas en Syrie, pour ne pas soulager le régime de Damas.

Les historiens établiront les responsabilités des uns et des autres. La Cour pénale internationale jugera les acteurs et les complices de ce jeu mortifère à l’encontre des minorités, notamment chrétiennes.

En moins de deux ans, votre LPM 2014-2019 a ainsi littéralement volé en éclat.

La défense de la France devrait à chaque nouvelle loi de programmation militaire s’adapter pour faire face aux nouvelles menaces.

Votre majorité s’est pourtant lourdement trompée en 2013 sur le niveau des effectifs de nos armées.

Vous avez fait le choix délibéré de diminuer les effectifs de nos armées de 33 675 postes d’ici à la fin de 2019, tout en finançant en parallèle le recrutement, inutile, selon la Cour des comptes, de 60 000 agents supplémentaires pour le compte du ministère de l’éducation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) alors qu’il aurait fallu faire le contraire sur le principe.

Aujourd’hui, après la pérennisation de l’opération Sentinelle, vous tentez d’éviter la déstructuration de notre armée de terre en réduisant votre déflation de 18 750 hommes, mais la vérité oblige à dire qu’à l’issue de l’actualisation de votre LPM, nos armées auront moins d’effectifs qu’en 2012 en dépit de la multiplication des théâtres d’opérations extérieures sur lesquels vous les engagez.

L’armée de l’air et la marine, à qui vous demandez un effort considérable en termes de déflation de personnel, sont en limite de rupture. Elles n’ont d’ailleurs toujours pas connaissance de vos arbitrages au sujet de l’évolution de leurs effectifs, alors que nous sommes censés en étudier les modalités avec ce projet de loi.

La vente des Rafale, qui nécessite un détachement de personnels auprès des pays acheteurs, et la livraison de la FREMM Normandie à l’Égypte, qui a pour conséquence de prolonger le service des anciennes frégates L70 nécessitant trois fois plus de marins, rendent de surcroît quasiment impossible la déflation des effectifs que vous leur imposez depuis 2014.

M. Gwendal Rouillard. Il ne faut pas vendre ?

M. Philippe Meunier. Comment alors qualifier les propos tenus par Mme la présidente de la commission : « s’agissant de la programmation des moyens, les effectifs des forces vont remonter » ? François Hollande a déjà trompé les Français au sujet de l’inversion de la courbe du chômage, qui devait intervenir dès la fin 2012. Ne suivez pas cette voie qui n’honore pas la politique.

L’engagement massif de nos troupes génère une usure accélérée des matériels non remplacés en temps et en heure.

L’armée de terre voit son parc matériel très éprouvé par les engagements en opérations extérieures. Son capital en matériel est entamé et l’entretien programmé prévu ne réglera pas la question de son ancienneté, à l’image de notre vénérable VAB – véhicule de l’avant blindé –, qui attend d’être remplacé par son successeur du programme Scorpion, programme dont vous avez décalé l’engagement, faute de budget, comme vous nous l’avez indiqué ici même lors de nos débats au sujet du budget de la défense pour 2015.

L’armée de l’air engage un nombre d’avions de combat supérieur à son contrat opérationnel. La surutilisation de ses Mirage 2000 D oblige par exemple l’état-major à les remplacer par des Mirage 2000 C sans Pod qualifié qui exige la présence sur zone d’un désignateur laser. L’exportation du Rafale aura également des conséquences sur les capacités opérationnelles de nos forces aériennes stratégiques, qui seront dans l’obligation de prolonger les Mirage 2000. Le retard pris pour le remplacement des Alpha jet entraîne le décalage du projet Cognac 2016. Cela aura aussi des conséquences sur le coût en fonctionnement de la formation des pilotes et aura donc un impact sur le budget.

La marine verra, quant à elle, la livraison de ses FREMM se décaler à la suite de la vente de la frégate FREMM Normandie à l’Égypte. Il faudra attendre 2019 pour récupérer les capacités opérationnelles perdues. La refonte à mi-vie du porte-avions Charles-de-Gaulle, opération majeure, débutera en 2017 et non en 2016, ce qui permettra de reporter la charge financière d’un an. Les forces sous-marines perdent quant à elle une année puisque le premier sous-marin Barracuda ne sera livré qu’en 2018 et non plus en 2017 comme c’était initialement prévu par la LPM 2014-2019.

L’augmentation des budgets est reportée sur la prochaine majorité. Il suffit de comparer les budgets des années 2014-2015 de votre LPM pour constater à quel point vous laissez à vos successeurs le soin de faire face à vos effets d’annonce. En 2015, le budget resté inchangé. En 2016, dernier budget de votre majorité, une augmentation de 500 millions d’euros est prévue. En 2017, arrivée d’une nouvelle majorité, le budget que vous aurez voté augmente par enchantement de 700 millions par rapport à la LPM initiale. En 2018, il y a 1 milliard de plus et, en 2019, cerise sur le gâteau, si j’ose m’exprimer ainsi, 1,51 milliard d’euros de plus. Plus, la ficelle aurait été vraiment trop grosse.

Par rapport à la LPM initiale, les 3,8 milliards supplémentaires que vous annoncez sont donc à l’image de vos anciennes recettes exceptionnelles : un chèque en blanc.

Vous auriez dû avoir l’honnêteté de commencer par faire l’inverse, à savoir augmenter de 1,51 milliard le budget dès cette année, car c’est maintenant que nos armées et notre industrie ont besoin de ces sommes. Malheureusement, vous préférez dresser un énième rideau de fumée, pensant certainement une nouvelle fois que cela suffira à tenir jusqu’en 2017, à l’image de ce milliard d’euros virtuel issu de la réaffectation des gains de pouvoir d’achat induits par l’évolution favorable des indices.

Après des mois de tergiversations au sujet de la vente des fréquences, de la création de sociétés de projets totalement ubuesques et de report de charges, l’exécutif, poussé par ses propres impasses budgétaires, inscrit donc en urgence à l’ordre du jour de nos travaux ce projet de loi d’actualisation de la LPM votée il y a à peine deux ans. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, qu’en dépit des qualificatifs que vous avez utilisés en commission à l’encontre de l’opposition pour essayer de dissimuler vos erreurs, pour ne pas dire les fautes de votre gouvernement, votre LPM initiale est un échec et l’actualisation que vous nous proposez n’est qu’un leurre. À la fin de 2017, nos armées seront dans le même état que celui dans lequel Lionel Jospin les avait laissées en 2002, affaiblies, mais toujours prêtes à relever le défi au service de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Nicolas Bays. Sarkozy, sors de ce corps !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accroissement des menaces qui pèsent sur notre pays, au regard tant de l’évolution du contexte géopolitique international que de la sécurité nationale, a démontré l’importance de conserver un outil de défense adaptable.

En réponse aux attentats commis sur notre territoire en janvier dernier, le Président de la République a décidé de procéder à un réajustement des déflations d’effectifs, pour garantir un niveau de protection élevé de notre territoire. Cette déflation des effectifs initialement prévue dans la LPM 2014-2019 s’élevait à 33 675 équivalents temps plein.

Cette actualisation de la LPM propose une moindre déflation de 18 750 postes et de consacrer 3,8 milliards d’euros supplémentaires au budget de la défense. La « manœuvre RH » engagée par la LPM reposait sur d’ambitieuses hypothèses de déflation qui paraissaient, avant même les attentats de janvier 2015, parfois difficiles à atteindre. Ainsi, la révision annoncée se justifie tant par la nécessité de préserver notre défense nationale que par la préoccupation de maintenir nos capacités opérationnelles.

L’opération Sentinelle, lancée au lendemain des attentats, consistait à déployer plus de 10 000 hommes en permanence sur le territoire national. Cette opération sans précédent dans l’histoire de notre pays, tant par sa rapidité que par son ampleur, est destinée à être prolongée. Or, cela ne pourra se faire sans un renforcement de la force opérationnelle terrestre. En effet, pour que 7 000 militaires assurent en permanence la sécurité sur le territoire, avec un système de relèves pour la récupération et l’entraînement, il faut disposer de trois fois plus de soldats, soit de 21 000.

En outre, 11 000 postes supplémentaires vont devoir être créés pour que l’armée de terre retrouve son rythme d’activité habituel, équilibré entre les temps de préparation et d’opération, ce qui n’était plus le cas depuis la mise en place de « Sentinelle ». Ce sont bien 11 000 militaires supplémentaires qui participeront à toutes les activités des forces opérationnelles terrestres, y compris les OPEX. Mais, de manière globale, ce sont les trois armées qui sont mobilisées pour la défense du territoire, dans le cadre du plan Cuirasse, permettant une protection renforcée des emprises sensibles de la défense. C’est un grand défi auquel le ministère de la défense va devoir faire face, au titre d’une double « manœuvre RH » : à savoir constituer des forces de combat et, en parallèle, continuer les efforts d’optimisation et de modernisation déjà engagés.

Enfin, je voudrais revenir sur les dispositions contenues dans le chapitre II relatif aux associations professionnelles nationales de militaires. Comme vous le savez, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu dans deux arrêts la possibilité pour les militaires de constituer des groupements professionnels et d’y adhérer. Dès lors que la France n’a pas fait appel de ces deux arrêts, elle n’a eu d’autre choix que de se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne. C’est chose faite dans ce projet de loi qui définit les associations professionnelles nationales de militaires, dont l’objet sera de préserver et de promouvoir les intérêts des militaires en ce qui concerne leur condition.

Comme mentionné à l’article 7 du projet de loi, il me semble important que ces associations représentent au moins les trois forces armées pour pouvoir siéger au conseil supérieur de la fonction militaire et éviter ainsi toute forme de corporatisme. Telles sont les différents points sur lesquels il me paraissait important de revenir avant de débuter l’examen du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quarante ans, c’est sans broncher, fidèle à ses principes, que notre grande muette a dû subir une réduction ininterrompue de notre effort de défense. La déclaration du chef d’état-major des armées, au cours de son audition en commission, dresse un résumé implacable de la situation : « La défense a déjà beaucoup contribué à la réduction des dépenses publiques : nous aurons perdu 80 000 postes entre 2008 et 2018, et 40 milliards d’une LPM à l’autre. » Faire toujours plus, mais avec encore moins, telle est devenue la devise du ministère de la défense.

Depuis des années, nos soldats, nos marins et nos aviateurs se battent avec un courage, un professionnalisme et une disponibilité sans faille partout où les intérêts de la nation se jouent – soit une présence sur quatre continents et sur tous les océans. Malheureusement, il a fallu les événements de janvier dernier pour que vous preniez conscience de notre vulnérabilité et de l’insuffisance de nos moyens militaires, tant en effectif qu’en équipement. La mise en œuvre de l’opération Sentinelle n’a pas été aisée et vous a mis en face des réalités : notre pays peine à mobiliser un nombre suffisant de militaires en cas d’urgence. Aujourd’hui, vous nous présentez à la hâte une loi d’actualisation de notre programmation militaire qui n’est qu’un pansement sur une hémorragie.

Vous annulez la suppression de 18 500 postes. C’est un premier pas, mais pourquoi ne pas aller au bout du constat en gelant totalement les suppressions prévues, y compris le reliquat de 6 918 postes d’ici à 2019 ? C’est une nécessité alors que les poudrières se multiplient aux quatre coins du monde, que l’état islamique nous a désignés comme l’ennemi à abattre et que la menace terroriste est au plus haut niveau sur le territoire. Le Président de la République a pérennisé l’opération Sentinelle à laquelle sont affectés 7 000 hommes en permanence, ce nombre pouvant passer à 10 000 sans préavis. Or, pour placer un soldat en métropole, il en faut en réalité trois : un soldat se formant et s’entraînant pour le remplacer et un troisième qui, rentrant de mission, se reconditionne par le repos ou l’acquisition de capacités supplémentaires. Vous augmentez les effectifs de la réserve en les faisant passer de 28 000 à 40 000. C’est une bonne chose pour soutenir la capacité en ressources humaines des armées, mais à condition que le budget de la défense le permette.

Or, force est de constater que la réévaluation de 3,8 milliards sur la période 2015-2019 ne répond pas aux enjeux auxquels on fait face. Elle ne fait que mettre un frein à l’inexorable diminution des dépenses militaires, ces dernières étant passées de 4 % à moins de 1,5 % du PIB depuis les années 80. Pour cette année, le budget demeure inchangé, alors que les armées maintiennent finalement 7 500 postes pour un coût de 375 millions, auxquels on ajoute 350 millions pour l’opération Sentinelle, sans compter une partie du règlement du surcoût des OPEX, soit environ 650 millions non budgétés. Ce n’est pas moins de 1,2 milliard d’euros supplémentaires dont ont besoin les armées dès cette année. Les 600 millions en 2016 et les 700 millions en 2017 ne seront pas suffisants pour couvrir le financement des effectifs conservés. Rien qu’en rémunération et en charges sociales, il manquera 171 millions d’euros pour les deux prochaines années. La relativité des efforts consentis par le Gouvernement est d’autant plus flagrante lorsque l’on observe le calendrier : 1,3 milliard avant 2017 ; pour les 2,5 milliards restants, le Gouvernement refile la patate chaude à la future majorité de 2017.

Par conséquent, notre programmation militaire pour les prochaines années ne pourra pas assurer le maintien des effectifs, la préparation opérationnelle de nos soldats, la conduite des programmes d’armement et le maintien en condition opérationnelle de nos matériels. Une bonne partie de ces équipements arrive en fin de vie. C’est le cas des véhicules de l’avant blindé de l’armée de terre, vieux de quarante ans, qu’il est urgent de remplacer par le véhicule blindé multi-rôles. Pour la marine, alors que le besoin de protéger notre patrimoine maritime de 11 millions de kilomètres carrés des convoitises étrangères devient crucial, le remplacement de nos avisos et de nos patrouilleurs de présence et de souveraineté par le programme BATSIMAR n’est toujours pas engagé dans cette LPM, au risque d’une rupture capacitaire. Sur quinze avions de la patrouille maritime Atlantique, deux seront rénovés lors de cette programmation, quand le parc comprend vingt et un appareils.

L’armée de l’air est également confrontée à l’obsolescence de son matériel : nos Transall, avec un demi-siècle de service, devraient être remplacés. Le programme de l’A400M, inadapté, illustre bien les limites de la coopération européenne : un trop grand nombre de pays avec trop de spécificités ne permet pas une performance optimale sur le terrain et nous contraint à des achats urgents de matériel américain, malgré les faibles rallonges budgétaires. Par ailleurs, 20 % des équipements terrestres de retour du Sahel sont irrécupérables selon le chef d’état-major des armées.

Aux contraintes budgétaires et matérielles, vous ajoutez des dispositions normatives qui nous laissent sceptiques. La création des associations professionnelles nationales de militaires pourrait altérer le bon fonctionnement et l’efficacité des armées. Le risque d’un regroupement par catégories, classées à leur corps défendant de droite ou de gauche, remettrait en cause la nécessaire neutralité politique des armées. C’est pourquoi il convient au préalable de les expérimenter et d’en analyser les conséquences.

Vous l’aurez compris, cette loi d’actualisation est insuffisante. Il est regrettable de préférer verser des milliards d’euros à une Union européenne incapable d’assurer notre sécurité plutôt que d’en réaffecter une partie à notre outil de défense souverain, condition indispensable de notre indépendance aujourd’hui rognée par notre participation à l’OTAN et par l’ancrage de notre politique de défense sur les intérêts américains.

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, au lendemain des attentats de janvier 2015, le Président de la République, chef des armées, a décidé le déploiement de nos soldats sur le territoire national, au travers de l’opération Sentinelle, et effectué les arbitrages nécessaires pour réduire les déflations d’effectifs programmées.

Tel est l’objet principal du présent projet de loi d’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, qui acte tout particulièrement une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros sur la période 2015-2019, portant ainsi les crédits à 162,41 milliards d’euros courants, avec 2,8 milliards supplémentaires consacrés aux emplois, 500 millions à l’entretien programmé des matériels et 500 autres millions d’euros pour des opérations d’armement, auxquels s’ajoutera 1 milliard d’euros supplémentaire issu de l’évolution favorable des indices économiques.

Le texte prévoit également une déflation des effectifs militaires de 6 918 équivalents temps plein sur la période, au lieu des 25 668 initialement prévus ; l’adoption d’un nouveau contrat « protection » permettant le déploiement dans la durée de 7 000 hommes sur le territoire national – ce chiffre pouvant monter jusqu’à 10 000 hommes. À cet égard, je renouvelle ici ma volonté exprimée en commission de la défense de voir le Parlement exercer le nécessaire contrôle du cadre juridique d’emploi des forces dans l’opération Sentinelle. Le projet de loi acte aussi le renforcement des effectifs dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense d’au moins 2 000 personnes, ainsi qu’un effort conséquent sur nos équipements, notamment en ce qui concerne nos hélicoptères Tigre, nos avions ravitailleurs et de transport militaire MRTT et C130, nos bâtiments multi-missions et de soutien et nos capacités satellitaires.

Ce projet de loi instaure également, à titre expérimental, un service militaire volontaire complété par l’appel renforcé à la réserve et donc par l’assouplissement des conditions d’emploi des réservistes, et il met notre pays en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 octobre 2014, en reconnaissant aux militaires le droit d’association. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire, une LPM voit ses crédits augmenter en cours d’exécution, le principe des ressources exceptionnelles étant par ailleurs abandonné au profit de véritables crédits budgétaires.

Ce projet de loi d’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 intervient, comme cela a été rappelé, au titre de l’article 6 de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 du 18 décembre 2013 qui a fixé le cap à prendre pour doter la France d’un modèle d’armée cohérent et opérationnel, conformément aux réflexions issues du Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale. La LPM initiale s’est de fait donné pour obligation de résultat de construire la première armée d’Europe à l’horizon 2019.

Par volonté polémique, certains esprits chagrins et amnésiques n’ont toutefois pas hésité à tenir, à cette occasion, dans cet hémicycle, des propos caricaturaux et des postures, en usant d’arguments divers sur la fragilité des recettes exceptionnelles attendues, la difficile soutenabilité des prévisions d’exportations, le déclassement qualitatif et quantitatif de nos armées, l’insuffisance de notre défense sur le territoire national, la méconnaissance de la dimension productive des dépenses de défense et ils ont rappelé avec force le soixantième engagement du Président Hollande sur la défense. Force est de constater, mes chers collègues, que notre majorité, avec la LPM initiale et cette actualisation, est au rendez-vous de la souveraineté nationale et de la sécurité de la France !

Pour l’attester, rappelons-nous la loi de programmation militaire 2002-2008 qui a vu notre armée de terre souffrir d’un sous-effectif de l’ordre d’une brigade, soit 6 000 équivalents temps plein, faute des crédits de rémunération nécessaires pour embaucher ces personnels pourtant inscrits dans les documents budgétaires. Rappelons-nous surtout la LPM 2008-2014 avec ses 54 000 suppressions de postes, des militaires au moral en berne à cause du logiciel de paie Louvois responsable de milliers d’erreurs dans le versement de leurs soldes, la désorganisation chronique des soutiens et la sous-dotation des bases de défense, la dérive, soulignée par la Cour des comptes, de la masse salariale sur la période 2009-2012 pour 1 milliard d’euros, le report de charge cumulé à la fin 2012 de 3 milliards d’euros, et enfin notre déclassement capacitaire en termes de drones et de ravitailleurs en vol, comme l’ont souligné nos interventions en Libye et au Mali.

Ajoutons à cela une dette publique française qui, de 2002 à 2012, a doublé, passant de 930 à 1 860 milliards d’euros, soit une progression de 60 % à 90 % de notre produit intérieur brut. C’est donc notre majorité, élargie aux bonnes volontés et rassemblée derrière vous, monsieur le ministre, qui a dû réparer les dégâts et réussir là où nos prédécesseurs avaient échoué.

M. Philippe Vitel. C’est comique !

M. Christophe Léonard. Il est de fait incontestable que la LPM initiale et cette actualisation 2015-2019 traduisent la volonté de la France depuis mai 2012 d’élaborer une stratégie de défense claire et d’assumer ses responsabilités de grande puissance dans le monde. Dès lors, sachons nous rassembler derrière notre armée, derrière les femmes et les hommes qui la composent, et soutenir unanimement ce projet de loi d’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Tel est le chemin que je vous propose d’emprunter, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, nous voici réunis aujourd’hui en vue de la réactualisation de notre loi de programmation militaire 2014-2019. C’est un honneur pour les députés de la majorité, dont je fais partie, que de faire nôtre cette actualisation car elle est le symbole de notre capacité d’adaptation et de la prise en compte de la réalité qui s’impose à nous.

Cette réalité, quelle est-elle ? Il s’agit de permettre à notre armée de répondre aux nouveaux défis qui s’imposent à elle pour la préservation de notre sécurité et de nos libertés. Je le dis d’ailleurs d’emblée : ceux qui ont fait le choix de s’enfermer dans une posture politicienne en se plaignant que nous allons trop vite sont les mêmes qui nous auraient reproché de ne pas agir ! Or il y a urgence à agir car la réalité est cruelle dans la colonne du bilan.

En effet, les mesures que nous avons déjà votées dans la loi de programmation militaire ne sont que la traduction législative du constat partagé que nous avions fait, à l’occasion du Livre blanc de 2013, avec les femmes et les hommes qui font vivre notre armée. Une fois de plus, nous agissons, et de quelle manière puisque le budget de la défense est augmenté de 3,8 milliards d’euros pour la période 2015-2019 par rapport à la trajectoire initiale. C’est la première fois dans l’histoire que le budget est augmenté en cours d’exécution d’une loi de programmation militaire ! De plus, les ressources exceptionnelles sont abandonnées au profit de crédits budgétaires, apportant ainsi davantage d’assurances au budget de la défense. Celui-ci comprendra aussi, de manière marginale, le produit de cessions immobilières et de matériels. Onze États de l’Union européenne ont déjà augmenté leur budget de la défense en 2013 ou en 2014. La France, au travers de l’actualisation, s’inscrit dans cette perspective, bien décidée à poser les bases d’une armée du XXIe siècle. Au-delà des seuls aspects budgétaires, je veux souligner les trois points qui sont majeurs à mes yeux.

Tout d’abord, nous instituons de nouveaux droits pour les militaires et les gendarmes avec la création des associations professionnelles nationales de militaires prévue à l’article 7. Il s’agit de répondre aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 octobre 2014, par lesquels celle-ci a considéré que l’interdiction absolue des syndicats au sein de l’armée française était contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. L’objet de ces associations sera de préserver et de promouvoir les intérêts des militaires, dans le respect de leurs obligations statutaires. Les associations pourront notamment, à ce titre, ester en justice dès lors qu’elles entendraient y contester les actes réglementaires relatifs à la condition militaire ou des décisions portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession. La loi crée donc un droit nouveau, mais un droit encadré qui ne remet pas en cause l’obligation de réserve qui doit évidemment s’appliquer à nos militaires. Comment la France, patrie des droits de l’homme, pouvait-elle rester encore en retrait ? Comment, à l’heure où nous souhaitons l’amélioration du dialogue social, pouvions-nous rester sourds aux alertes de la Cour européenne ? Je me félicite que nous avancions sur ce point.

Par ailleurs, le projet de loi révise les conditions d’emploi des réservistes, notamment en cas de crise menaçant la sécurité nationale. La réserve opérationnelle est une composante à part entière des forces armées avec, en 2014, plus de 1 800 réservistes. Comme représentante de notre assemblée au Conseil supérieur de la réserve militaire, je peux témoigner de la difficulté à recruter et à sensibiliser sur l’intérêt de s’engager dans notre armée. Aussi, tout ce qui concourt à aller dans le sens d’une dynamisation de notre politique s’agissant des réserves militaires, contribuant dans le même temps à l’ouverture de notre armée, notamment sur la jeunesse, est une bonne chose.

Le lien est renforcée avec notre jeunesse, preuve que celle-ci demeure une priorité, à travers la création d’un service militaire adapté – une très belle initiative. À l’heure où notre société est cloisonnée, il faut établir des ponts et des rapprochements. L’expérimentation d’une formation militaire me semble de nature à rapprocher les jeunes entre eux, au-delà des classes sociales traditionnelles, d’une part, et à les rapprocher de nos institutions et de leur fonctionnement, d’autre part. Il ne s’agit pas de faire preuve de conservatisme en imposant une vision rigide et stricte, le caractère expérimental du dispositif est là pour nous le rappeler. Au contraire, il s’agit de s’adapter aux besoins de nos jeunes en leur offrant les remises à niveaux dont ils peuvent avoir besoin, sans oublier que tout apprentissage nécessite un effort. La force du dispositif proposé réside également dans la complémentarité qu’il instaure avec les acteurs économiques et nos entreprises. Nous voilà donc devant un véritable cercle vertueux qui le sera d’autant plus s’il suscite de l’engouement dans notre jeunesse pour un engagement professionnel au sein de l’armée. Il n’est pas interdit de penser que l’on pourra susciter des vocations. Tel est le souhait que je forme.

En conclusion, je veux redire ici que nous soutenons un texte visionnaire à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face. C’est un texte dont nous pouvons être fiers. Je veux d’ailleurs vous remercier, monsieur le ministre, pour l’engagement constant qui est le vôtre, pour votre présence dans notre commission, et vous affirmez toute notre fierté pour notre armée, pour les femmes et les hommes qui en sont les chevilles ouvrières. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Bridey.

M. Jean-Jacques Bridey. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, monsieur le ministre, nous voici donc devant l’actualisation de notre loi de programmation militaire, une actualisation prévue dans ce texte voté il y a dix-huit mois et dont le calendrier a été resserré afin de tenir compte de la dégradation du contexte sécuritaire international.

Je me félicite tout d’abord, monsieur le ministre, de ce nouveau calendrier qui tient compte de la nécessité urgente pour nos forces armées de se doter d’un format et de capacités opérationnelles en cohérence avec l’aggravation des menaces et des risques, et d’une meilleure sécurisation de notre territoire national.

Je me félicite aussi du contenu de cette actualisation, toute en responsabilité, toute en lucidité et toute en mise en confiance.

C’est un gage de responsabilité que l’accroissement des crédits budgétaires de 3,8 milliards d’euros. Jamais, depuis cinquante ans, les crédits consacrés à nos armées n’ont été en augmentation. Nous devons nous réjouir de cette décision ! C’est aussi un gage de responsabilité que la sécurisation de l’exécution de la loi de programmation par l’inscription budgétaire de plus de 6 milliards d’euros en lieu et place des ressources exceptionnelles, et selon le même calendrier de consommation. Nous devons, là aussi, nous réjouir de cette décision ! C’est également faire preuve de responsabilité que de prévoir le fléchage des marges de manœuvre dues à la maîtrise des coûts de facteurs et à la réussite de nos exportations, fléchage qui permettra des achats d’équipements supplémentaires : c’est dire que toute marge de manœuvre retrouvée dans la gestion des équipements et dans l’augmentation de la compétitivité de nos industries se fera au profit de ces nouvelles acquisitions.

Cette actualisation est également tout en lucidité, à commencer par le choix du nouveau format de notre force opérationnelle terrestre pour sécuriser notre territoire national en l’augmentant de 11 000 soldats supplémentaires. C’est aussi une marque de lucidité que l’augmentation des budgets d’équipement et de l’entretien programmé de nos matériels, mis à dure épreuve par une plus grande utilisation : une enveloppe supplémentaire de 1,5 milliard est ainsi prévue pour l’acquisition de matériels, ainsi que 500 millions de plus pour l’entretien programmé. Et puis, autre preuve de lucidité, il y a aussi le renforcement des moyens mis à disposition de trois piliers de notre stratégie : la cyberdéfense, les forces spéciales et le renseignement. S’agissant de la cyberdéfense, c’est un renforcement des équipes des états-majors de plus 1 000 personnes, dont 300 affectées à la contre-propagande. Nos forces spéciales seront renforcées par de nouveaux recrutements – à hauteur, ici aussi, d’un millier d’hommes – ainsi que par une modernisation de leurs équipements, principalement par la réalisation d’un nouveau programme de transmissions sécurisées. Notre renseignement sera, lui aussi, renforcé par l’accélération des calendriers d’acquisition de drones supplémentaires et le lancement de satellites d’observation optique et électromagnétique

Enfin, cette actualisation est tout en mise en confiance, celle de nos forces armées qui l’attendent avec impatience pour acquérir les moyens opérationnels indispensables à la bonne exécution de leurs missions : tous nos chefs d’état-major nous en ont rappelé l’urgence et nous ont réclamé en commission le vote de cette actualisation au plus vite. C’est aussi la mise en confiance de nos industriels, qui voient dans cette actualisation et dans la réussite de leurs exportations un atout pour une meilleure compétitivité aujourd’hui, et pour une relance de leurs capacités de recherche et d’innovation demain. Il s’agit également de la mise en confiance de nos partenaires européens et de nos alliés des coalitions en Irak et en Syrie ou encore dans la bande sahélo-saharienne : tous observent nos débats et attendent nos décisions au moment où, par exemple, nos amis britanniques entament leur réflexion sur leur nouveau Livre blanc et où les membres de la coalition viennent de renouveler, en début de semaine, leur soutien aux forces irakiennes dans leur combat contre le terrorisme.

Mes chers collègues, notre vote est attendu, nos débats sont suivis avec beaucoup d’intérêt : c’est à nous de montrer notre responsabilité et notre lucidité en votant cette actualisation, en réaffirmant notre détermination dans la lutte contre le terrorisme et en se donnant les moyens de nos actions. C’est ainsi que nous installerons la confiance chez nos concitoyens et dans nos forces armées, chez nos industriels et chez nos partenaires et alliés, et que nous redonnerons de l’espoir à toutes les victimes de la tyrannie et du terrorisme. Hier, à cette même tribune, notre invité, le roi d’Espagne Felipe VI, exhortait dans son discours à plus de France en Europe. Permettez-moi de le paraphraser : il faut plus de France dans le monde ! C’est notre responsabilité dans ce vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Nicolas Bays. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, pour réussir une politique de défense, il faut réunir trois conditions.

D’abord, il faut une politique étrangère puisque nos armées ne sont que le moyen pour l’État français d’agir pour son intérêt et pour celui de son peuple au-delà des mers. Or quelle est la politique étrangère de la France aujourd’hui ? Sommes-nous prêts à rester dix, vingt ou trente ans au Mali ? Il serait plus raisonnable de travailler avec les touaregs et de les laisser résoudre les problèmes de sécurité dans la bande sahélo-saharienne. Il est vrai que la disparition de Khadafi, qui n’était bien sûr aimé de personne, a compliqué la tâche – nous le voyons avec la gestion des migrants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Quelle est notre situation aujourd’hui ? Du fait de l’éclatement de nos voies de communication et de l’interventionnisme à tout crin de l’actuel président de la République, nous sommes dans une position logistique catastrophique. Je rappelle accessoirement que, pendant l’opération au Mali, nous étions si bien préparés que les semelles des chaussures de nos soldats fondaient au soleil et que l’arrière a dû en faire part. J’ajoute que, contrairement à certaines dénégations, nous avons été victimes de vols d’armes en République centrafricaine.

Monsieur le ministre, votre gouvernement sous-estime systématiquement la menace que représente le wahhabisme lorsqu’il a abandonné une position quiétiste – que seul d’ailleurs le Président de la Fédération de Russie a nommé, puisque le wahhabisme est un poison mortel qui touche l’Islam sunnite. Je rappelle que ce dernier est aussi sur notre territoire national, en concurrence directe avec les Frères musulmans, qui ont évidemment une voix politique plus fine grâce à de redoutables bretteurs intellectuels que nous connaissons les uns et les autres.

Il n’y a donc pas de politique étrangère française si ce n’est, à l’Est, un alignement sur celle des États-Unis d’Amérique et, en Afrique comme au Moyen-Orient, des missions incohérentes avec l’état de nos armées.

Il faut aussi une volonté politique pour mettre l’économie au service de la défense. À cet égard, je ne vois pas la logique, monsieur le ministre, d’appartenir à un gouvernement qui ne veut pas entendre nos appels à la disparition de l’aide médicale d’État, dont les sommes seraient plus judicieusement utilisés si elles étaient destinées à aider au développement des pays dont les migrants de la misère veulent franchir les frontières de l’Union européenne, dans un scénario qui s’apparente de plus en plus à celui du Camp des Saints, publié en 1973 – ceux qui ont l’intelligence de lire et de relire l’excellent auteur qu’est Jean Raspail le savent.

Il faut aussi une volonté politique pour supprimer ces contrats aidés qui coûtent beaucoup plus d’argent à notre économie qu’ils ne lui en rapportent car quelle est la logique de faire disparaître, par exemple à Chaumont, le régiment d’artillerie tout en offrant à la jeunesse pour seul avenir que ces funestes emplois, sous-emplois en réalité qui l’enferment dans une perspective bien sombre, sans espoir et sans espérance.

Enfin, il faut une vision stratégique, monsieur le ministre. Or votre projet de loi de programmation militaire est un repli de la France sur elle-même, un renfermement sur la métropole. Certes, le chef d’état-major de l’armée de terre a réussi à limiter à 3 000 les pertes à la fin du processus en 2019. Mais il restera encore 15 000 postes à supprimer ailleurs et je redoute, quelles que soient les dénégations des uns ou des autres, que ce ne soit dans l’armée de l’air et dans la marine. Pourtant, nous assistons à une maritimisation croissante du monde. Ainsi, le Japon se dote d’une flotte magnifique avec de véritables destroyers, ceux de la classe Kongo par exemple, alors que nous, nous allons construire des frégates encore moins nombreuses, faute de volonté de se doter d’une véritable flotte : quinze au lieu des vingt-deux prévues. Monsieur le ministre, vous prévoyez – la représentation nationale doit en être informée – un trou capacitaire pour la flotte en ce qui concerne sa défense antiaérienne à l’horizon 2020, au moment même où l’ensemble des nations se dote de missiles de croisière de plus en plus performants tirés à partir des côtes, et au moment même où la flotte américaine se dote de la nouvelle classe Zumwalt, destinée à apporter un appui feu aux troupes au sol. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que la majorité des humains va se concentrer dans des cités à proximité des côtes ou directement sur le littoral. Or rien n’est prévu dans le Livre blanc pour faire de la France une puissance maritime digne de son rang dans le monde.

De même, rien n’est fait pour asseoir notre présence dans le Pacifique Sud. Je m’interroge sur la réelle volonté du Gouvernement de maintenir la Nouvelle-Calédonie au sein de la République alors que nous y avons des mines de nickel et des modules polymétalliques à exploiter, sans parler des richesses pétrolières, plus à l’Est, du canal du Mozambique. Il n’y avait déjà aucune vision, dans le fameux Livre blanc, sur la question géostratégique de l’accès aux matières premières – il y avait juste une petite phrase sur les terres rares.

Pas de flotte, un repli sur soi, avec pour seule vision de créer non pas plus de gendarmes, ce qui serait nécessaire, mais des terriens destinés à être simplement des policiers.

Monsieur le ministre, je pense que votre gouvernement n’a pas suffisamment réfléchi au coût psychologique, qui sera majeur pour la nation et ses armées, de ce manque de vision géostratégique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, la LPM votée le 3 décembre 2013 était, à mon avis, adaptée à nos besoins, aussi bien pour remplir les missions de la France sur les théâtres extérieurs que pour permettre à notre pays de renouveler les équipements nécessaires au maintien de l’excellence que la situation du monde exige de nos armées.

Deux jours après ce vote, le 5 décembre, la France s’engageait militairement en Centrafrique. En septembre 2014, notre pays rejoignait la coalition internationale contre l’organisation terroriste Daech, qui s’est donné comme but la création d’un califat fondé sur la barbarie et l’obscurantisme. À cela s’ajoute le développement de l’opération au Sahel. En janvier dernier, trois jeunes français aveuglés par la haine et menés par le désir fou d’imposer leur vision rétrograde du monde assassinaient dix-sept de nos compatriotes. Tout cela a conduit le Gouvernement à prendre de nouvelles mesures pour assurer la protection de la France et des Français.

Je souhaite saluer les décisions prises par le Président de la République et l’engagement du ministre de la défense, qui ont permis de débloquer 3,8 milliards d’euros supplémentaires sur l’exercice de la LPM. J’insisterai pour ma part sur une mesure moins discutée, mais pourtant centrale. Lorsque l’on interroge les Français sur leurs préoccupations premières, les questions de l’emploi, notamment chez les jeunes, et de la sécurité sont prioritaires.

Le projet de loi d’actualisation de la programmation militaire offre une réponse à ces deux inquiétudes. Concernant la sécurité, il s’agit de renforcer non seulement l’excellence de nos armées et nos capacités opérationnelles, mais aussi le lien entre l’armée et la nation, lequel est vecteur de cohésion nationale.

En effet, lors des discussions sur le rétablissement du service militaire universel ou sur l’extension du service civique, les Français ont rappelé leur attachement aux valeurs et au savoir-être que dispensent nos armées. À ceux qui souhaiteraient réintroduire un service militaire obligatoire, je réponds que ce souhait est totalement inadapté aux enjeux actuels. Mobiliser pour six mois 700 000 jeunes serait un retour en arrière flagrant et budgétairement insoutenable.

En revanche, le déploiement du service militaire volontaire et le renforcement des réserves militaires, opérationnelles et citoyennes répondent plus efficacement aux besoins du pays et aux aspirations des Français. Nous sommes nombreux sur les bancs de cette assemblée à insister sur la nécessité de renforcer le lien entre l’armée et la nation et de diffuser l’esprit de défense parmi nos concitoyens. Ces dispositifs répondent à ces objectifs et devraient, à mon avis, faire consensus.

Les articles 17 et 18 du projet de loi mettent en place le cadre légal et budgétaire pour le développement d’un service militaire volontaire en métropole, inspiré du SMA, le service militaire adapté en place depuis 1961 dans les territoires d’outre-mer.

En tant que rapporteur, avec ma collègue Marianne Dubois, de la mission d’information sur le bilan et la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la défense, j’ai eu l’occasion non seulement d’auditionner les responsables du SMA, mais également d’observer in situ la réussite de ce dernier, à l’occasion de la visite d’un centre. Cette réussite repose notamment sur une formation militaire initiale qui permet d’apprendre les savoir-être, particulièrement recherchés et valorisés par les recruteurs de nos entreprises et services.

La LPM offre un cadre législatif à l’expérimentation du service militaire volontaire, qui doit débuter en septembre 2015 et durer deux ans. Le projet prévoit, à terme, l’ouverture de sept centres dans toute la France afin d’accueillir 2 000 jeunes filles et garçons, âgés de 17 à 26 ans, pour une durée de six à douze mois. Le service militaire volontaire offrira aux jeunes stagiaires une formation citoyenne et comportementale encadrée par des militaires, une remise à niveau scolaire, la possibilité de passer le permis de conduire et d’accéder à des formations professionnalisantes. Ces jeunes pourraient également participer à des missions d’intérêt public lors de leur formation. En ce qui concerne le cœur du dispositif, c’est-à-dire la formation professionnelle, il importe de préciser que les missions seront adaptées aux besoins des services et entreprises locaux, ou du moins se concentreront sur des formations particulières, avec des débouchés assurés.

Les dispositifs que sont le service militaire volontaire et les réserves militaires, opérationnelles et citoyennes renforceront le lien entre l’armée et la nation. Cet attachement, dont le Livre blanc de 2013 soulignait l’importance, vise à renforcer la diffusion de l’esprit de défense, notamment en direction d’une classe d’âge qui a parfois des difficultés à trouver ses repères dans notre société.

Monsieur le ministre, vous avez, à mon avis, répondu très concrètement aux préoccupations de la nation, et je tenais à vous en remercier. Je pense qu’une majorité de parlementaires votera ce texte si important non seulement pour notre pays, pour la défense nationale, mais aussi pour la défense de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Gwendal Rouillard.

M. Gwendal Rouillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, le Président de la République, François Hollande, a décidé d’augmenter le budget de la défense. Cette décision, nous l’attendions depuis longtemps, et nous nous en réjouissons. En tant que rapporteur du budget de la marine, je centrerai mon propos, parmi les bonnes nouvelles, sur l’ambition maritime de la France et les principales mesures concernant notre marine nationale. J’aborderai cinq points.

Le premier fait largement écho, monsieur le ministre, au discours que vous avez prononcé vendredi dernier sur la base aéronavale de Lann-Bihoué, qui fixait vos priorités et indiquait vos arbitrages. Je me permettrai de les rappeler ici.

Le programme de mise en service des six Barracuda, sous-marins nucléaires d’attaque, est confirmé ; le calendrier sera, d’une manière ou d’une autre, tenu.

M. Nicolas Dhuicq. Il est retardé d’un an !

M. Gwendal Rouillard. S’agissant du porte-avions, le deuxième arrêt technique majeur débutera bien en 2017 – même si je sais les interrogations que cela soulève à Toulon : j’y suis allé pour en parler avec les autorités militaires.

Quant au « paquet frégates », dont on a tant parlé – sous le président Chirac, on évoquait vingt-deux frégates multi-missions –, je suis heureux que la France puisse au moins en avoir huit, dont six seront livrées en 2019. J’aurais préféré qu’il y en ait plus, mais vu les circonstances de ces quinze à vingt dernières années, il est déjà appréciable que notre marine dispose de huit frégates multi-missions !

M. Philippe Vitel. Ah oui ? Nous sommes en guerre !

M. Gwendal Rouillard. Je rappelle aussi, car vous sous-estimez ce point, le lancement du programme des frégates de taille intermédiaire, dites « FTI », et l’annonce de la livraison de cinq FTI à la marine nationale. N’omettez pas cette avancée ! Cela faisait longtemps que nous l’attendions, et vous savez l’importance qu’il convient d’accorder au potentiel d’exportation des FTI.

Ajoutez-y la modernisation des cinq frégates de type La Fayette, ainsi que la livraison de deux frégates de défense antiaérienne Forbin et Chevalier Paul, et faites le total : vous avez bien les quinze frégates de premier rang annoncées. Ce « paquet frégates » est fondamental.

Il y a aussi la commande de quatre bâtiments multi-missions, qui permettront d’assurer notre souveraineté aux quatre coins du globe, et celle de quatre bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers – BSH –, qui devrait vous satisfaire, puisque quelques-uns d’entre vous ont bataillé à nos côtés pour obtenir cet arbitrage favorable.

M. Philippe Vitel. Nous sommes en guerre ! Ce n’est pas assez !

M. Gwendal Rouillard. Il y a encore ces bonnes nouvelles concernant la patrouille maritime ; avec Jean-Yves Le Drian et l’amiral Rogel, nous avons salué, vendredi dernier, son engagement sur les théâtres d’opération.

Je rappelle la commande de vingt-quatre hélicoptères Caïman – même si je dois dire, pour aborder une question technique, que je suis très soucieux des risques de corrosion qui pèsent sur eux ; toutefois, je sais que le problème est en cours de règlement.

Bref, la France tiendra, à travers cette loi de programmation de militaire, ses engagements en ce qui concerne les programmes de la marine nationale. Alors, quand c’est bien, chers collègues, dites-le !

Deuxième point : la préparation de l’avenir. Quelles sont les questions sur lesquelles nous travaillons ? La troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ; le renouvellement de la composante de guerre des mines ; l’intégration des drones dans nos unités ; le lancement du programme BATSIMAR de bâtiments de surveillance et d’intervention maritime ; l’avenir de la patrouille maritime, au travers de l’étude « Patmar 2030 » ; enfin, la montée en puissance de la cyberdéfense. Le patron de DCNS nous disait cette semaine qu’à mi-vie du programme de frégates de taille intermédiaire, nous atteindrons la génération 10-G. Chacun peut avoir conscience des perspectives qui s’offrent à nous.

Troisième point : les effectifs. Je veux saluer la création, annoncée vendredi dernier, de 800 postes supplémentaires, dont plusieurs centaines de fusiliers marins. J’imagine, chers collègues, qu’à Toulon, Brest et Lorient, on est heureux de cette décision !

Nous resterons toutefois très attentifs à la déflation des effectifs – 1 800 prévus initialement. Je souhaiterais que nous soyons également attentifs au « dépyramidage ». On sait en effet qu’il existe une corrélation entre l’évolution des programmes et des bâtiments de la marine et le niveau des officiers à bord des bâtiments.

Il convient en outre de prêter attention au recrutement et à la fidélisation de nos marins, ainsi qu’aux transferts de compétences et de savoir-faire.

Quatrième point : il existe d’autres sujets d’attention, qui sont le soutien aux exportations et les liens entre notre marine et les industriels, le maintien en condition opérationnelle et les synergies à approfondir entre les acteurs – j’ai pu le vérifier sur les différents sites de la marine nationale – et la question des infrastructures.

Pour terminer, j’évoquerai rapidement un dernier point. Avec mon collègue Olivier Audibert Troin, nous sommes allés, à l’invitation de la présidente de la commission, Mme Patricia Adam, visiter nos marins déployés, dans le cadre de l’opération Corymbe, dans le Golfe de Guinée. Je rappelle que les trois objectifs de cette opération qui remonte à 1990 étaient de protéger nos 80 000 ressortissants, de développer une coopération avec les marines africaines, notamment avec la marine congolaise – nous avons noté des résultats très positifs sur ce plan –, enfin de renforcer la capacité de la France à disposer de leviers d’influence. Cette dernière exigence résume tout : cela vaut pour l’opération Corymbe, comme pour la loi de programmation militaire et l’ensemble de notre politique de défense ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Audibert Troin.

M. Olivier Audibert Troin. Monsieur le ministre, en 2013, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, nous vous avions fait part de nos inquiétudes et de nos réserves, qui justifiaient notre opposition à ce texte, lequel ne répondait, selon nous, ni aux enjeux ni aux menaces auxquelles la France devait faire face. Nous avions notamment souligné le caractère très aléatoire des 6 milliards de recettes exceptionnelles, qui obligerait inévitablement à revoir la LPM avant son terme du fait de l’inadéquation entre les objectifs annoncés et les moyens mis en avant. Force est de constater que les faits nous ont malheureusement donné raison et qu’il est nécessaire de revoir la LPM initiale à l’aune de trois éléments.

Le premier tient à l’action soutenue de nos forces dans le cadre des opérations extérieures au Mali, en Centrafrique, dans toute la bande sahélo-saharienne, ainsi qu’en Irak. La LPM se fondait sur l’hypothèse d’une réduction de l’activité en opérations extérieures par rapport aux années précédentes. Or l’année 2014 a vu, tout au contraire, le déclenchement ou la montée en puissance de plusieurs opérations extérieures. Sur le plan des matériels, ces opérations ont fait apparaître, ou rendu plus urgents, des besoins capacitaires auxquels il faudra répondre, en particulier pour les forces spéciales.

Le second élément tient aux tragiques événements du mois de janvier dernier, qui ont conduit le Gouvernement à déployer dans l’urgence 10 000 puis 7 000 personnels dans le cadre de ce qui est devenu l’opération Sentinelle.

Le troisième élément est l’absence de recettes exceptionnelles avant la fin 2015, qui, cumulée à un report de charges à la fin 2014, fait peser un risque de cessation de paiement dès juillet 2015.

Force est de constater que certaines difficultés, si elles ne sont pas nouvelles, ont tendance à s’aggraver : les phénomènes de report de charges, notamment, évalués à plus de 3 milliards d’euros à la fin 2014, sont toujours aussi inquiétants et lourds d’incertitudes pour l’avenir.

La nécessaire actualisation, dont le besoin de financement s’élève à 4,8 milliards d’euros, repose sur plusieurs piliers. Le premier est la disparition d’une très grande partie des recettes exceptionnelles, remplacées par des crédits budgétaires – ce que nous saluons.

M. Philippe Vitel. En effet ! Ça, c’est bien !

M. Olivier Audibert Troin. Le deuxième pilier est une moindre déflation des effectifs de la mission « Défense ». Cette atténuation, à hauteur de 18 750 équivalents temps plein, a un coût de 2,8 milliards d’euros sur la période 2016-2019.

Le troisième pilier est l’achat d’équipements nouveaux, pour un montant de 1,5 milliard d’euros, et un effort sur l’entretien programmé des matériels de 500 millions d’euros sur la période. La moitié de ces 2 milliards provient de crédits budgétaires supplémentaires, et l’autre moitié du redéploiement de crédits qui, selon un pari sur l’avenir, seront économisés d’ici à 2019 grâce au ralentissement de la progression de certains indicateurs économiques, notamment l’inflation et le prix du pétrole. Ces économies étant très incertaines car liées à des facteurs conjoncturels, il convient de vérifier année après année la soutenabilité de ces hypothèses dans le cadre d’un rapport d’évaluation en vue, le cas échéant, d’une nouvelle actualisation pour éviter que s’installe une dérive néfaste de la trajectoire financière. Tel est le sens de l’amendement que j’ai déposé à l’article 4.

Par ailleurs, les recettes de la programmation militaire laissent apparaître des ressources exceptionnelles, le produit de cessions immobilières, d’un montant de près de 1 milliard d’euros. Avait été introduite, dans le cadre de la loi de programmation militaire 2014-2019, une clause de sauvegarde portant sur les recettes exceptionnelles. Cette disposition vise à garantir la sincérité de la programmation financière. Il aurait été opportun de pérenniser cette clause de sauvegarde afin de ne pas remplacer un aléa par un autre aléa, comme l’a rappelé le chef d’état-major des armées lors de son audition par la commission de la défense nationale. Malheureusement, l’amendement que j’avais déposé en ce sens, volontairement dans les mêmes termes que le texte initial voté en 2013, n’a pas été jugé recevable. Comment accepter cela, monsieur le ministre ? Valable au Sénat, valable ici même en 2013 et… irrecevable en 2015 ! C’est bien une lecture de la Constitution à géométrie variable. Je note d’ailleurs que la présidente Patricia Adam déplore ce rejet dans son rapport. Que cache ce refus de circonstance ? Faut-il y voir un aveu que cette LPM n’est pas soutenable sur le plan financier ?

M. Jean-François Lamour. Bien vu !

M. Olivier Audibert Troin. Dans le même esprit, nous proposerons de renforcer la portée de la clause de sauvegarde portant sur les carburants, qui figure actuellement dans le rapport annexé, en l’incorporant dans la partie normative du projet de loi.

Au final, les mesures d’actualisation sont loin de faire taire les inquiétudes relatives à la capacité de nos armées à assurer pleinement leur mission de sauvegarde des intérêts de la France et de protection de nos concitoyens sur le territoire national et à l’étranger.

L’annonce d’une rallonge de 3,8 milliards d’euros d’ici à 2019 paraît indispensable, mais elle n’est pas suffisante au regard des enjeux. Le compte n’y est pas, parce qu’à la fin de l’année 2014, le budget des armées affichait un report de charges de 3 milliards d’euros, parce que les OPEX budgétées à 450 millions d’euros par an ont un coût réel de l’ordre de 1,2 milliard d’euros, parce que le surcoût de l’opération Sentinelle, pérennisée, est de l’ordre de 300 millions d’euros par an, parce que les 18 500 postes supplémentaires, nécessaires, pèseront pour 700 millions d’euros par an sur ce budget, parce que la remise en condition opérationnelle des matériels est très largement sous-évaluée du fait de nos engagements à l’extérieur.

Votre effort personnel doit être salué, monsieur le ministre, mais vous êtes prisonnier d’une majorité qui ne vous a pas permis d’aller là où la communauté militaire vous attendait. Dans les circonstances actuelles, cela s’appelle une occasion manquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, ce projet de loi d’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 est une bonne nouvelle pour notre nation. Prévue par l’article 6 de la LPM, cette actualisation intervient plus tôt que prévu, dans un contexte grave, après les attentats commis en janvier sur le sol français et la montée en puissance des périls de l’Afrique subsaharienne à l’Irak.

Député du Mouvement républicain et citoyen, je faisais partie de ces élus qui considéraient que la loi de programmation militaire était une sorte de minimum qu’il était inenvisageable de ne pas respecter à l’euro près – je veux dire qu’il était inenvisageable de dépenser un euro de moins. Je ne peux donc qu’être satisfait de l’amplification de notre effort de défense. C’est là un épisode inédit, dont j’espère qu’il ne restera pas sans suite. Pour la première fois, nous inversons la courbe des dépenses militaires. C’est un bon choix, et une nécessité. Nous le faisons dans un cadre assaini, puisque les ressources extraordinaires les plus hasardeuses ont disparu – le recours à des expédients du type « société de projet » a été écarté par le Président de la République lors du conseil de défense du 29 avril dernier –, et l’essentiel des dépenses sera couvert par des crédits budgétaires.

Je tiens à vous signaler, mes chers collègues, que nous examinerons lundi un projet de résolution européenne présenté par Marie-Françoise Bechtel, les autres députés du Mouvement républicain et citoyen et les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, dans laquelle nous proposons que les dépenses de défense soient exclues du calcul du déficit public. L’effort de défense de la France, un effort indépendant, contribue à la sécurité de l’Europe. L’Union européenne doit en tenir compte.

Ces ressources nouvelles serviront aux effectifs pour la force opérationnelle terrestre, pour le renseignement et la cyberdéfense. Ces ressources permettront l’acquisition d’équipements qui sont vitaux. Ce changement de trajectoire budgétaire accompagne un investissement inédit dans la sécurité intérieure. En effet, si notre Livre blanc est construit sur le triptyque protection, dissuasion, intervention, l’impératif de protection prend un tour nouveau – nous le constatons fort bien avec les opérations Sentinelle et Cuirasse. La France vit malheureusement au rythme de Vigipirate depuis les années 90, notre armée aussi. Le provisoire dure, le provisoire s’amplifie. Il est vital de mieux définir cet engagement durable dans la sécurité intérieure, sa doctrine, les moyens et son économie. Aussi, après avoir actualisé notre programmation budgétaire, une actualisation de notre Livre blanc serait sans doute très utile, monsieur le ministre.

Partisan du lien armée-nation, en faveur duquel je milite, je salue les dispositions sur la réserve et surtout la création du service militaire volontaire, sur la base de l’expérience du service militaire adapté. Je suis tellement convaincu de l’importance de cette proposition que j’ai voulu en supprimer le caractère expérimental. Malheureusement, le président de la commission des finances et le rasoir de l’article 40 de la Constitution sont passés par là.

Je me permets d’ajouter une petite note diplomatique, monsieur le ministre. Je pense que les deux phrases sur la Russie qui figurent dans le rapport annexé à ce projet de loi sont deux phrases de trop. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) La crise russo-ukrainienne me préoccupe, les initiatives du Président Poutine ne sont pas toujours compréhensibles, mais pour la France l’enjeu est diplomatique, il n’est pas militaire.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. La France doit être médiatrice, et non belligérante.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. Cette erreur, nous l’avons commise en Syrie. Nous ne devons pas la commettre avec la Russie.

M. Philippe Meunier. En effet !

M. Jean-Luc Laurent. Pour conclure, je veux saluer le professionnalisme, le courage et la solidité de nos soldats dans les missions qui leur sont confiées tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières. Député du Val-de-Marne, maire du Kremlin-Bicêtre, au contact quasi quotidien de nos forces armées, je voulais aussi en porter témoignage, leur dire notre reconnaissance, leur dire que nous les soutenons avec cette programmation militaire actualisée que les députés du Mouvement républicain et citoyen approuveront. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays.

M. Nicolas Bays. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, au mois de janvier dernier, notre pays était frappé par les attentats les plus meurtriers de son histoire récente. Touchée en plein cœur, la France s’est relevée et a su faire preuve d’unité face à ce déchaînement de violence injustifiable. Garant de la cohésion nationale, le Gouvernement a parfaitement géré la crise en mobilisant notamment plus de 10 000 soldats afin d’assurer, dans nos rues, la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Ce texte de loi répond donc en premier lieu à l’urgence dans laquelle nous nous trouvons.

La France, prenant ses responsabilités sur la scène internationale, est présente sur de nombreux théâtres d’opérations sur lesquels elle engage, parfois seule, des forces terrestres, aériennes et maritimes. Nos forces armées, auxquelles je tiens tout particulièrement à rendre hommage ici, sont actuellement sous tension. Elles sont engagées aux limites de leurs possibilités. Le rythme des opérations risque de mettre à mal l’entraînement des soldats et les capacités opérationnelles. Il est plus qu’urgent de donner à nos forces armées les moyens de se renforcer et de préserver ainsi l’avenir de notre outil de défense.

L’actualisation de la loi de programmation militaire répond à cet impératif en accordant à notre armée les crédits supplémentaires indispensables. L’efficacité de nos forces, la vie de nos soldats et la sécurité de nos concitoyens sont à ce prix.

En augmentant le montant des crédits de 3,8 milliards d’euros, ainsi que le prévoit l’article 2, et en les sécurisant, ce projet de loi répond, j’en suis sûr, aux enjeux qui sont les nôtres et permettra à nos forces armées de conserver leur niveau d’excellence. Ce texte leur donne d’autant plus de moyens qu’il prévoit également d’atténuer très nettement la réduction d’effectifs initialement programmée. Cela permettra à nos forces armées de remplir dans les meilleures conditions possible les missions prévues dans le cadre du nouveau contrat de protection du territoire. Le Gouvernement fait donc le choix courageux de rompre avec les pratiques de l’ancienne majorité, pour qui la réduction d’effectifs et le report des programmes étaient devenus des fins en soi. Là où l’UMP reportait, le gouvernement actuel fait ! De telles mesures illustrent l’équilibre trouvé par le Gouvernement entre obligation de sécurité et impératif budgétaire.

Par ailleurs, en permettant la création du service militaire volontaire, véritable outil d’insertion et de formation des jeunes, ce projet de loi répond également à l’un des enjeux majeurs pour notre pays, à savoir l’avenir de sa jeunesse. Si l’on ne permet pas à notre jeunesse de construire son avenir, c’est celui de la nation tout entière qui sera remis en question et je tiens à remercier l’armée pour ses efforts en la matière – là encore, nos soldats répondent présents et marquent, si besoin était, toute la force du lien qui unit la nation à son armée. Les articles 17 et 18, qui prévoient le début de l’expérimentation du dispositif dès septembre 2015, montrent que le Gouvernement et la majorité ont su répondre présents. Il y va de l’avenir de la jeunesse française.

Ce texte permet également, au travers de son article 13, le maintien et le développement de la réserve militaire, dans ses deux volets, la réserve citoyenne et la réserve opérationnelle. Il s’agit pour nous de renforcer cet outil qui s’avère indispensable et d’en accroître la réactivité. Étant moi-même officier dans la réserve opérationnelle, je connais l’importance de cet outil pour nos forces armées en OPEX et pour l’opération Sentinelle. Je salue ici mes camarades du CRR-Fr actuellement déployés dans le cadre de l’opération Barkhane, mais, même si ce texte permet de répondre à l’urgence à laquelle le pays et nos forces armées sont confrontés, je suis convaincu, monsieur le ministre, que rien ne sera possible à moyen terme sans une réelle coopération européenne.

La France porte trop souvent seule le fardeau de la lutte contre le terrorisme, comme ce fut le cas dans la bande sahélienne, alors que ce sont les intérêts de l’ensemble des États de l’Union européenne qui sont touchés. Elle n’en sera pas capable éternellement. Il est urgent de mettre en œuvre la défense européenne de manière très pragmatique et réellement opérationnelle. J’appelle donc le Gouvernement à agir dans cette optique dès le 25 juin prochain, au Conseil européen.

Enfin, je tiens à le souligner, il est très important que nos soldats se sachent soutenus par le personnel politique. Aussi, permettez-moi de condamner le comportement indigne que certains députés ont cru bon d’adopter la semaine dernière en commission de la défense. Chacune de vos gesticulations – n’est-ce pas, monsieur Meunier ? – est une injure faite à tous ceux qui, jour après jour, garantissent la sécurité des Français et défendent nos intérêts vitaux au péril de leur vie. Malheureusement, nous connaissons le commanditaire de ces agitations de façade, il est coutumier du fait.

M. Philippe Meunier. Guignol !

M. Nicolas Bays. Non seulement boycotter la séance fut irresponsable, mais cela n’a pas rendu hommage aux femmes et aux hommes qui risquent leur vie tous les jours pour protéger notre nation et la République française. Nos soldats défendent des valeurs dont vous ne faites que porter le nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Philippe Meunier. Vous parlez de vous, certainement !

M. le président. La parole est à Mme Marie Récalde.

Mme Marie Récalde. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la loi de programmation militaire 2014-2019, que nous avons adoptée en 2013, a posé les jalons d’un budget réaliste et à la hauteur du nécessaire maintien de l’autonomie stratégique de la France.

Les attentats dramatiques qui ont endeuillé la nation en ce début d’année ont conduit au renforcement des armées sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle. Avec l’intervention sur plusieurs théâtres extérieurs, la France est en première ligne pour le maintien de la paix et la lutte contre le terrorisme international.

Le chef de l’État, chef des armées, a dès lors pris la responsabilité de renforcer les moyens de la défense par le ralentissement du rythme de déflation des effectifs, le renforcement de nos services de renseignement et de cyberdéfense et l’accroissement de notre capacité de projection tactique, en particulier aérienne.

Le projet de loi d’actualisation que nous examinons aujourd’hui en apporte une traduction budgétaire conséquente et inédite. Le budget du ministère de la défense augmentera ainsi de 3,8 milliards d’euros par rapport à la trajectoire initiale de la LPM, pour un total de 162,41 milliards sur la période 2015-2019, constitués de crédits budgétaires marginalisant les ressources exceptionnelles puisque, désormais, les seules recettes extrabudgétaires seront issues des cessions immobilières et des matériels militaires.

Je veux saluer ici l’effort réaffirmé sur les équipements clés en faveur de l’action opérationnelle pour nos trois armées, et plus spécifiquement pour l’armée de l’air, avec l’avancement de la livraison des trois derniers avions ravitailleurs MRTT, la commande de sept hélicoptères Tigre supplémentaires, l’armement de deux C-130 et l’acquisition de vingt-cinq nouveaux pods Talios pour les avions Rafale et Mirage 2000.

Je tiens à m’arrêter un instant sur l’effort particulièrement significatif aujourd’hui réalisé en matière de disponibilité de nos matériels.

La loi de programmation militaire affirmait clairement le caractère prioritaire du maintien en condition opérationnelle des matériels – MCO – au regard des enjeux opérationnels et financiers. Elle constituait déjà un effort important pour l’entretien programmé des matériels, dont le budget augmentait en moyenne de 4,3 %, vous le rappeliez ce matin, monsieur le ministre.

Pour autant, on doit à la vérité de dire que cette question a longtemps été minimisée, bien qu’elle soit déterminante dans la réussite de chacune des missions de nos armées. Rappelons que dans la précédente LPM, l’équivalent d’une année de crédits d’entretien programmé de nos matériels est purement et simplement passé à la trappe. La Cour des comptes, que nous avons auditionnée sur le MCO avec mon collègue Alain Marty, a relevé cette sous-dotation qui a mis en difficulté l’entraînement des forces comme la disponibilité opérationnelle.

La permanence de l’engagement de nos forces sur les théâtres extérieurs a considérablement éprouvé nos matériels, à la fois en suractivité et en surintensité, entraînant un besoin de maintenance accru. Par ailleurs, le vieillissement du parc et son caractère hétérogène rendent la maintenance plus difficile et plus coûteuse, et l’arrivée de nouveaux matériels renchérit également les enjeux, insuffisamment couverts par les dotations budgétaires de la précédente majorité.

La prise en compte des différentes composantes du MCO est la clé de la cohérence capacitaire de nos armées, et en particulier de l’armée de l’air dont l’exceptionnelle réactivité suppose qu’elle soit toujours prête à répondre à de nouvelles exigences opérationnelles.

Ce que la LPM initiale et la présente actualisation ont renforcé, c’est notre capacité d’anticipation sur l’ensemble du spectre que recouvre le MCO. Disponibilité des matériels et préparation de l’avenir, ce sont là deux enjeux majeurs. C’est pourquoi ce projet de loi fait du MCO des matériels une priorité et amplifie l’effort financier au profit des matériels les plus sollicités en opérations, avec une dotation supplémentaire de 500 millions d’euros sur la période 2015-2019.

Cet effort vient compléter le travail de réorganisation et de maîtrise du MCO d’ores et déjà mené.

En complément, le soutien industriel, en particulier le service industriel de l’aéronautique – SIAé – a fait l’objet d’une attention particulière, puisque le projet de loi intégrait cette dimension que nous avons soutenue en commission avec Mme la rapporteure et Alain Rousset.

Le SlAé a bâti sa performance sur la globalisation des activités de maintenance, ainsi que sur une expertise technique et industrielle certaine. C’est une véritable pépite qui dispose de compétences techniques reconnues.

Cette actualisation de la loi de programmation militaire nous permet de conforter un budget sérieux et équilibré, à la hauteur des défis qui nous attendent. Nous serons comme toujours vigilants, mais nous pouvons aborder ces défis avec confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je me suis longuement exprimé ce matin, et je voudrais simplement apporter maintenant quelques précisions sur certains points, même si j’ai déjà eu l’opportunité de développer assez longuement l’actualisation de la loi de programmation militaire en commission.

Je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs. Il y a certes eu quelques propos polémiques, voire caricaturaux, mais quelle que soit la position des uns et des autres, tous les intervenants ont rappelé l’attention que la nation portait à nos armées, et le soutien qu’elle leur marquait dans cette période difficile. J’espère que nous allons nous retrouver autour de ce soutien, concrétisé par ce projet de loi portant actualisation de la loi de programmation militaire, parce que nos soldats en ont besoin. Il n’y a pas de plus grand enjeu aujourd’hui.

Je salue particulièrement les contributions de la présidente Patricia Adam et des rapporteurs pour avis Gwenegan Bui, Jean Launay et Hugues Fourage. Je salue aussi l’exigence vigilante de MM. Cornut-Gentille, Folliot et Audibert Troin, qui ont marqué un certain nombre d’axes. Sans partager globalement les orientations que je vous propose, ils ont fait preuve d’une détermination qu’il faut prendre en considération.

Je suis conscient que les commissions ont travaillé dans des délais extrêmement contraints. Ces contraintes pesaient aussi sur les services du ministère. Mais j’estimais qu’il y avait urgence ; urgence opérationnelle, urgence sur le calendrier financier et la nécessité de sécuriser la trajectoire financière, urgence pour recaler la programmation, urgence parce que les recrutements sont nécessaires et qu’il faut les engager dès aujourd’hui. Vous savez que les recrutements sont déjà en cours, en particulier pour l’armée de terre. Il y avait urgence pour que nos capacités opérationnelles soient au rendez-vous.

Je ne reviens pas sur ce débat qui nous a un peu occupés ce matin, je voudrais simplement apporter quelques précisions sur certaines questions.

S’agissant tout d’abord de l’échéancier des ressources additionnelles sur 2016-2019, vous en connaissez la répartition qui figure dans le projet de loi. Cet échéancier est calibré au plus juste. Il permet cependant de répondre aux stricts besoins de la mission « Défense ». D’abord, il permet la réalisation du contrat « Protection », pour 2,8 milliards sur les 3,8 milliards d’euros. Ensuite, l’échéancement des nouveaux crédits budgétaires est cohérent avec l’échéancier des commandes et des livraisons, commandes qui seront passées au plus vite dès 2015-2016, j’y reviendrai dans un instant.

Enfin, ces crédits seront complétés dès 2016 par les marges dégagées sur le coût des facteurs. Je voudrais revenir sur ce point parce que je sais que M. Lamour s’y intéresse particulièrement.

M. Jean-François Lamour. Je ne vous le fais pas dire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous y avez fait référence en commission, et je voudrais qu’il n’y ait aucune ambiguïté entre nous sur ce point, puisque plusieurs intervenants, en particulier ceux qui sont plus spécialistes des questions financières, ont fait part de quelques interrogations.

Une évaluation commune a été faite par l’inspection des finances et le contrôle général des armées. Elle évalue un gain de pouvoir d’achat de 1 milliard d’euros. Ce gain de pouvoir d’achat provient pour moitié des crédits budgétaires redéployés à partir d’autres postes de dépenses du ministère, en particulier les petits équipements et les programmes d’infrastructures ou quelques programmes de fonctionnement. Pour l’autre moitié, il provient des clauses de prix des contrats majeurs.

Je souhaite que ce milliard de pouvoir d’achat supplémentaire, que j’affecte aux commandes nouvelles, puisse être évalué de manière régulière par la commission de la défense, comme le souhaite M. Audibert Troin. Ainsi, chacun pourra évaluer la mobilisation et la manière dont ce coût des facteurs et ces gains supplémentaires sont réaffectés en commandes supplémentaires, nous permettant d’être au rendez-vous des équipements que j’ai indiqués. Je voulais vous le préciser, la présidente Patricia Adam l’avait souhaité ainsi que d’autres députés, et c’est ainsi que nous procéderons.

Contrairement à ce que j’ai entendu dans certaines interventions, toutes les capacités prévues dans la loi de programmation militaire votée en décembre 2013 seront au rendez-vous dans les délais. Il n’y aura pas de manque. Je prends le rendez-vous, ce sera réalisé à la fin de l’année 2019.

M. Philippe Meunier. Le calendrier se décale !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Meunier, je vous ai entendu prendre un ton un peu polémique, et je me demandais si vous étiez là lors des auditions en commission.

M. Jean-Jacques Candelier. Il vient quelquefois !

M. Philippe Meunier. J’étais toujours présent en commission, sauf pour la discussion des amendements !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Si c’est le cas, vous vous rappellerez que lorsque nous sommes arrivés, j’ai été confronté au manque d’avions ravitailleurs, au manque de drones, à l’absence de commande satellitaire, toute une série de lacunes auxquelles j’ai remédié. Et nous serons au rendez-vous de ces commandes et de ces équipements pour structurer notre défense, y compris d’ailleurs sur les frégates. À cet égard, le chiffre magique des vingt-deux frégates initiales, que rappelle M. Vitel de temps en temps, remonte à la magie du début du siècle. Il ne faut plus évoquer ce chiffre, sinon je vous rappellerai les noms de ceux qui ont supprimé ces commandes !

Pour parler de manière très claire, le calendrier de l’ensemble des capacités prévues par la loi de programmation initiale sera respecté. Les commandes nouvelles pour faire face aux nouveaux défis – je parle non seulement de l’entretien programmé des matériels qu’a évoqué Marie Récalde, mais aussi des commandes nouvelles telles que l’accélération du MRTT, le renforcement des hélicoptères, l’accélération de la capacité de transport, le lancement satellitaire nouveau, la charge utile pour les drones Reaper – tout sera fait dans les délais, commandé très vite et livré le plus vite possible. Nous tiendrons donc nos engagements, et je suis prêt à me soumettre à la vérification du respect du calendrier et des engagements financiers concernant les 2 milliards de capacité d’investissements nouveaux que nous allons engager pour rester dans le cadre de l’actualisation telle que je vous l’ai proposée.

S’agissant des opérations extérieures, je ne sais pas s’il faut reprendre le débat permanent que nous avons depuis trois ans sur ce sujet. Le montant de la dotation initiale, de 450 millions d’euros, a été inscrit au moment du débat sur la loi de programmation militaire. Il ne va pas changer. Il a été fixé à 450 millions d’euros à ce moment – et non à 630 millions comme dans la loi de programmation militaire antérieure – parce qu’il y a eu le désengagement d’Afghanistan, que nous avons poursuivi, et parce qu’il avait été décidé de modifier notre positionnement sur les opérations extérieures au bénéfice d’une réorganisation de l’ensemble de notre dispositif.

Depuis, de nouvelles opérations ont eu lieu. On ne chiffre les opérations qu’en fin d’exercice, et c’est alors que les arbitrages se font pour aboutir au règlement définitif de fin d’année. C’est dans ce cadre que la mutualisation se fait, et les surcoûts de l’opération Sentinelle s’intègrent dans ce dispositif. Si nous avions une autre méthode, cela amputerait d’autant les crédits d’équipement du ministère de la défense. Je le répète à chaque occasion : je ne crois pas que ce soit un bon service à rendre à la défense que d’augmenter l’inscription des crédits affectés au surcoût des OPEX dans les budgets initiaux de la défense, parce que cela joue négativement sur le budget de la défense d’une manière générale. En écoutant certaines interventions, j’ai cru comprendre qu’il y avait une mauvaise appréciation de cette réalité.

Je voudrais dire à M. Vitel, qui s’en était soucié, que le rapport sur l’exécution de la LPM pour 2014 sera présenté dans quelques semaines. Il confirmera, sur l’ensemble des sujets que je viens d’évoquer, la bonne exécution de la trajectoire votée en 2013, mais j’aurai l’occasion de développer ce point devant vous le moment venu.

Je voudrais aussi revenir sur trois observations supplémentaires concernant les forces. Mme Gosselin-Fleury, M. Léonard et Mme Adam, de même que certains membres de l’opposition, ont appelé avec justesse mon attention sur deux risques. Le premier est de trop concentrer nos perspectives de renforcement d’effectifs sur la force opérationnelle terrestre, au détriment des autres forces.

M. Nicolas Dhuicq. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il faut être vigilant sur ce point et je tiens à vous dire, monsieur Dhuicq, que j’y veille personnellement, d’autant plus que nous consacrerons aussi, grâce aux moindres déflations, des effectifs supplémentaires à un certain nombre d’orientations, en particulier la protection de nos sites militaires, la lutte antiterroriste, le renseignement, la cyberdéfense ou encore le soutien aux exportations – comme je l’ai dit ce matin, une plus grande mobilisation est nécessaire sur cet aspect. Tant mieux si les effectifs supplémentaires sont affectés à cette capacité, mais cela ne doit pas se faire au détriment d’autres capacités ou unités.

Le deuxième risque, que plusieurs d’entre vous, sur les bancs de la majorité comme de l’opposition – cela a notamment été évoqué par M. Bui dans son rapport pour avis –, ont souligné avec tout autant de justesse, c’est de créer une armée à deux vitesses, l’une pour les interventions extérieures, l’autre pour la sécurité sur le territoire.

M. Philippe Vitel. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je le dis avec force, ce n’est pas du tout notre choix. Nous devons donc développer une réflexion commune sur les modes d’action spécifiques, la doctrine et les capacités adaptées à une sécurisation efficace par les armées de leur mission sur le territoire.

Contrairement à ce que dit M. Dhuicq, cette mission n’est pas nouvelle ! Elle prend simplement aujourd’hui une dimension particulière parce que les menaces extérieures et intérieures sont extrêmement liées.

Je souhaite que la commission, madame la présidente, puisse réfléchir à cette nouvelle donne dans un débat très libre auquel pourront participer, si nécessaire, le chef d’état-major de l’armée de terre et le chef d’état-major des armées.

Par ailleurs, M. de Rugy et M. Candelier notamment ont appelé mon attention sur la représentativité des associations professionnelles nationales de militaires – nous aurons l’occasion d’en reparler à l’occasion de l’examen des amendements. Pour être représentatives, c’est-à-dire pour pouvoir conduire légitimement un dialogue avec le commandement ou le ministre, une association devra, par le nombre de ses adhérents, représenter un pourcentage représentatif de la communauté – une armée ou un service – qu’elle entend représenter. Ce seuil sera fixé par décret en Conseil d’État. Il devra n’être ni trop haut – au risque de n’avoir aucune association représentative –, ni trop bas – au risque de voir des associations de quelques membres seulement se réclamer de toute une communauté. Il faudra faire preuve de pragmatisme sur le sujet car il s’agit d’une nouvelle disposition, qu’il faudra éventuellement ajuster progressivement en fonction des situations.

M. Pueyo et Mme Gueugneau ont, quant à eux, évoqué le service militaire volontaire. Je tiens à affirmer notre volonté de mettre en place ce dispositif dans les plus brefs délais. Deux centres seront créés dès la rentrée 2015 et un troisième en 2016, très vraisemblablement sur le site de La Rochelle.

Enfin, en réponse à la question de M. Fourage sur le mandat local des militaires, je tiens à dire que le Gouvernement n’ignore pas la décision prise par le Conseil constitutionnel. Nous n’avons pas jugé possible d’intégrer dès ce projet de loi les dispositions législatives correspondantes. S’agissant du projet d’associations professionnelles, l’avis du Conseil d’État nous a permis d’aller très vite. En revanche, dans le cas de l’éligibilité des militaires à des mandats locaux, nous entendons prendre le temps qui nous est donné par la décision du Conseil constitutionnel, laquelle fixe l’échéance à 2020. Le Gouvernement souhaite préparer avec le Parlement les dispositions législatives nécessaires. Nous serons très heureux de prendre connaissance du sentiment des différentes commissions à cet égard.

Telles sont, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les précisions que je voulais apporter. Par-delà les clivages qui peuvent nous opposer, je souhaite vivement que ce texte puisse nous rassembler, parce qu’il répond à des besoins urgents et essentiels de nos armées, c’est-à-dire de la nation, dans sa capacité à affronter les menaces qui la visent. Depuis trois ans que j’ai l’honneur de conduire le ministère de la défense, ma fierté est aussi de le faire en lien étroit avec le Parlement, parce qu’il n’y a pas d’enjeu plus important que la protection de nos concitoyens et la sécurité de notre pays. Cet enjeu est l’affaire de tous les Français. Il est à nouveau aujourd’hui au cœur du texte que j’ai l’honneur de vous présenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er et rapport annexé

M. le président. De très nombreux orateurs sont inscrits sur l’article 1er. Je me permets donc de rappeler que le temps de parole de chaque orateur est de deux minutes.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Nicolas Dhuicq. Cela fait longtemps que nos gouvernants refusent de répondre à une question fondamentale : souhaitons-nous frapper vite et fort et maintenir nos voies de communication, ou voulons-nous rester au sol ? Il me semble que le présent projet de loi n’apporte toujours pas de réponse à cette interrogation. L’ensemble des aventures dans lesquelles nos soldats sont engagés donne à réfléchir. Quel résultat en Afghanistan ! Les talibans reviennent, le taux de désertions atteint au moins 10 % dans l’armée nationale afghane, et le président Obama lui-même est contraint de revenir à la réalité et de ralentir le rythme du retrait d’Afghanistan.

Parallèlement, je ne vois pas dans ce projet de loi de réflexion géostratégique digne de ce nom sur les rapports entre le monde sunnite et le monde chiite. Je constate avec terreur que les Américains reviennent en Perse avec leurs contrats, quand nous nous entêtons à refuser de vendre les deux Mistral à Moscou. À cet égard, j’aimerais savoir quel sera le coût final de cette décision. Vous savez que les bateaux contiennent des équipements russes sensibles et que la Russie refuse donc, à juste titre, qu’ils soient exportés vers d’autres pays. Monsieur le ministre, puisque vous nous présentez un budget, quel sera le coût de cette affaire ? Allez-vous finir par couler ces bateaux ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche. Par cet article 1er, le Gouvernement et sa majorité présentent leur projet d’actualisation de la loi de programmation militaire pour tenir compte des réalités des besoins d’aujourd’hui et des évolutions liées aux événements de janvier, qui ont amené nos forces à s’impliquer pleinement dans l’opération Sentinelle. Le lancement de cette opération a été difficile, car il a fallu mobiliser beaucoup de monde en très peu de temps, mais elle s’inscrit pleinement dans les missions de nos armées. M. le ministre l’a rappelé, il est extrêmement important de ne pas créer une armée à deux vitesses et de veiller à ce que toutes les unités participent à l’ensemble du spectre des missions qui leur est dévolu.

Les efforts budgétaires prévus par ce projet de loi, qu’il s’agisse de l’abondement supplémentaire de 3,8 milliards d’euros ou de la transformation de recettes exceptionnelles en crédits budgétaires, sont le gage de la confiance que l’exécutif et la majorité placent en nos armées et réciproquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-David Ciot.

M. Jean-David Ciot. S’agissant de l’article 1er qui prévoit les moyens, je prends d’abord acte de l’évolution positive enfin constatée sur le budget de la défense. Je salue l’effort consacré à l’un des théâtres d’opération, peut-être moins visible que les autres : celui de la cyberdéfense, avec notamment l’objectif d’une augmentation des personnels qui lui sont consacrés, lesquels vont passer de 350 à 1 000. Il nous faudra de toute façon imaginer une doctrine en matière de cyberdéfense, mais également de cyberattaque. Il est donc nécessaire de commencer à travailler et d’affecter des moyens à ces questions.

Je salue également l’engagement français en matière de coopérations militaires industrielles au niveau européen. Je répète qu’il n’y aura pas de sécurité pour les Français et en Europe s’il n’y a pas de politique de défense européenne. Nous devrons œuvrer tous les jours en ce sens. Ce projet de loi présente certaines initiatives de coopération qu’il faudra renforcer dans le cadre de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. L’article 1er de ce projet de loi est le plus important puisqu’il pose les bases de l’ensemble des dispositions d’actualisation de la programmation militaire. Comme tout le monde, je me félicite que le Gouvernement et sa majorité donnent à nos armées, à notre modèle de défense, des moyens en cohérence avec les préconisations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, auquel j’ai eu l’honneur de contribuer.

Pour la première fois depuis longtemps, la loi de programmation militaire est respectée au centime près. Grâce au travail que vous faites et que nous actualisons aujourd’hui, monsieur le ministre, la loi de programmation militaire est stabilisée dans ses crédits budgétaires, puisque nous avons transformé les recettes exceptionnelles en crédits budgétaires et que, à la suite de la décision du Président de la République, les ressources ont été accrues de 3,8 milliards d’euros sur l’ensemble de la période couverte par cette loi. Cela permettra de donner à nos armées les moyens d’accomplir les missions que le Président de la République leur a confiées.

C’est essentiel car nos soldats, pour lesquels nous devons aujourd’hui avoir une pensée chaleureuse et fraternelle, protègent et sécurisent les Français, à l’extérieur comme à l’intérieur, notamment grâce au dispositif Sentinelle, dont les effectifs de 7 000 hommes seront pérennisés. Il était important que, sur l’initiative du Président de la République, la nation donne aux soldats les moyens dont ils ont besoin pour accomplir leurs missions et être le bras armé de la République française dans son combat pour la paix et la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Dans le rapport entre État régalien et État providence, c’est ce dernier qui a bénéficié ces dernières décennies de l’attention de nos gouvernants – c’est heureux, d’ailleurs.

M. Nicolas Dhuicq. Pourquoi serait-ce heureux ?

M. Gilbert Le Bris. D’abord, le contexte international, né de la chute du mur de Berlin, du délitement de l’ancienne URSS et de ses corollaires, la recherche des fameux dividendes de la paix, a fait que nous avons, comme nombre d’États européens, diminué la part de nos dépenses rapportées au PIB consacrée à la défense.

Ensuite, les crises économiques, de plus en plus fortes, nous ont incités à consacrer prioritairement nos ressources budgétaires contraintes à la préservation de l’État providence, au détriment de l’État régalien, qui semblait moins nécessaire dans un monde apparemment relativement pacifié.

Et puis le monde a basculé dans la violence, en Afrique, au Moyen-Orient et à l’est de l’Europe.

M. Nicolas Dhuicq. Il a toujours été violent !

M. Gilbert Le Bris. Le terrorisme international a cherché partout – et cherche encore – à s’approprier des États, des territoires. Il transporte la violence et l’horreur dans notre pays même. Nous devons réagir pour protéger nos valeurs, notre société, nos concitoyens.

Du coup, l’État régalien ne peut plus servir de variable d’ajustement. La défense et la sécurité doivent faire l’objet d’une attention toute nouvelle et sont désormais au cœur de l’intérêt national. La loi que vous nous présentez aujourd’hui vient confirmer une fois de plus que, malgré les habituels procès en illégitimité prononcés à l’encontre des majorités de gauche, dans un domaine aussi régalien que la défense nationale, ce gouvernement a su prendre toutes ses responsabilités : il a su arbitrer et dégager une vision stratégique. Nous pouvons affirmer que le Gouvernement et le Président de la République ont pris leurs responsabilités, au mieux des capacités financières, pour la sécurité des Français et sans grever les possibilités d’actions futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, je me suis toujours efforcé d’être juste et objectif en commentant votre action. Vous êtes un homme respecté par les militaires, vous avez su préserver le moral des troupes et vous avez pris des décisions sages – la suppression du logiciel Louvois, par exemple. Vous dire cela n’est pas faire acte d’allégeance ; c’est simplement me permettre d’ajouter ceci : je ne comprends pas que la loi de programmation militaire de 2013 ait été ainsi rédigée.

Le 11 janvier 2013, le Président de la République, chef des armées, a engagé la France dans l’opération Serval. Le 5 décembre 2013, le même Président de la République a engagé la France dans l’opération Sangaris. Or, le 18 décembre 20113, le même Président de la République, chef des armées, faisait voter par l’Assemblée nationale la loi de programmation militaire qui prévoyait la suppression de 30 000 postes de militaires.

Dans un monde de tumulte, de fureur et de danger, comment avez-vous pu, vous, majorité, prendre une telle décision à un tel moment ? Aucune réflexion stratégique n’y a présidé. Ce sont bien plutôt les contraintes budgétaires qui ont dirigé vos pas.

Quelles étaient donc ces contraintes ? La décision de figer le budget de la défense à 31,4 milliards d’euros imposait de ne pas dépasser la masse salariale de 11 milliards d’euros. Pour corriger le glissement de cette masse salariale, vous n’aviez qu’une solution : ne pouvant préserver des effectifs constants, il vous fallait les réduire. De combien ? Faites le calcul : environ 5 000 postes par an pendant six ans, soit 30 000 postes. Voilà comment il a été décidé bien légèrement de supprimer 30 000 postes dans l’armée française.

Ce n’est pas tenable. Aujourd’hui, vous proposez donc d’actualiser la loi de programmation militaire. C’est une volte-face du Président de la République ! On ne saurait le féliciter d’avoir dirigé notre armée dans une mauvaise direction. Ce serait plutôt à lui de s’excuser d’avoir pris cette initiative ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Gilbert Le Bris. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je m’exprime dans ce débat sur la programmation militaire en tant que co-rapporteur pour l’application de la loi antiterroriste, que nous avons votée l’an dernier. Chacun a à l’esprit l’imbrication croissante des questions de sécurité extérieure et des questions de sécurité intérieure. Chacun a aussi à l’esprit le fait qu’au cœur des missions des armées, notamment de l’armée de terre, il y a eu, il y a et il y aura la défense de l’intégrité du territoire national.

Toutefois, je souhaite partager avec vous une interrogation concernant les modalités concrètes de l’implication croissante de l’armée de terre sur le sol national. Dans le présent projet de loi, vous faites le choix de pérenniser et d’amplifier cette implication, puisque vous prévoyez la mobilisation pérenne de 7 000 hommes – c’est-à-dire 21 000 militaires, en réalité, car on sait qu’il faut appliquer un facteur de trois pour l’entraînement et la récupération. Vous envisagez même une montée en puissance par pics à 10 000 hommes, soit 30 000 militaires de l’armée de terre mobilisés pour ces missions.

La question tout à la fois budgétaire et opérationnelle que je me pose est la suivante : au fond, la fonction à laquelle sont affectés les militaires de l’armée de terre, en l’espèce, ne pourrait-elle pas être accomplie – peut-être à un coût différent – par des policiers et des gendarmes, c’est-à-dire par les forces de sécurité intérieure ?

Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. Faites le calcul, monsieur Larrivé !

M. Guillaume Larrivé. En posant la question, monsieur le ministre, je n’y apporte pas de réponse certaine. Je veux simplement m’assurer que nous puissions ici, à l’Assemblée nationale, peser les avantages et les inconvénients budgétaires, opérationnels mais aussi doctrinaux de ce choix, puisque la mobilisation croissante de l’armée de terre sur le territoire national suppose que les soldats impliqués dans ces missions soient parfaitement adaptés, en termes d’équipement et de formation, aux fonctions qui leur sont attribuées.

Je ne citerai qu’un seul exemple : lorsque nous voyons des soldats équipés de FAMAS patrouillant dans le métro, nous saluons leurs efforts mais nous pouvons à bon droit nous demander si cette mission ne serait pas plus légitimement accomplie par des gendarmes ou par des policiers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Nous vivons dans un monde toujours plus instable et dangereux. Plusieurs orateurs l’ont dit : les dépenses militaires progressent un peu partout dans le monde. Or la part de la richesse nationale que nous consacrons à la défense a été divisée par trois depuis les années 1960 ; nous atteignons donc aujourd’hui un niveau que l’on pourrait dire tout juste suffisant.

Face aux menaces croissantes, nous devons assumer nos responsabilités, ne serait-ce qu’en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies – un siège qui confère à notre pays certains droits, mais aussi certains devoirs vis-à-vis de la communauté internationale. Nous devons en effet répondre à un certain nombre de sollicitations et intervenir sur des théâtres extérieurs dans le cadre de ce que l’on appelle les OPEX.

Il me paraît important de souligner qu’au-delà des OPEX, il a été fait un choix important et stratégique : celui d’engager également nos forces sur le territoire métropolitain. Vous avez indiqué fort justement que c’était déjà le cas, monsieur le ministre, mais ce n’était pas dans le cadre de la même mesure. En effet, il existe une très forte différence d’échelle entre le plan Vigipirate et l’opération Sentinelle.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe de cette opération, qui est important. Il nous faut simplement en prendre la mesure sur la durée. Lors de son audition par la commission de la défense, le chef d’état-major des armées a rappelé les trois missions distinctes des forces armées : la préparation opérationnelle, l’intervention extérieure et, désormais, la mission tournante relative aux opérations intérieures. De ce point de vue, il me paraît essentiel de réfléchir à la pérennité de cette mission, qui fera assurément l’objet de débats à venir, car ce sujet suscite sinon un danger, à tout le moins des craintes.

M. le président. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Je souhaite, monsieur le ministre, profiter du débat sur cet article 1er pour vous sensibiliser à un amendement qui a été rejeté sur le fondement de l’article 40 de la Constitution. Permettez-moi de vous l’exposer brièvement : il a trait à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie française.

Si la France est aujourd’hui une grande nation – j’entendais dire ce matin qu’il n’y a nulle grande nation sans grande armée – et si elle occupe cette position particulière sur la scène internationale, c’est aussi grâce à sa maîtrise de l’arme nucléaire.

Je vous rappelle que la Polynésie y a largement contribué. Au-delà des chiffres et des matériels, n’oublions pas les hommes qui ont servi la France, qu’ils soient polynésiens ou venus de l’Hexagone. Pendant près de quarante ans, ils ont servi notre nation en Polynésie. Nous sommes fiers d’avoir pu apporter cette contribution, mais je ne souhaite pas qu’elle se soit faite au détriment des victimes.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, comment expliquer à ces familles que c’est parce que le risque de corrélation entre la maladie des victimes et les essais nucléaires effectués en Polynésie française est inférieur à 1 % qu’elles ne seront pas indemnisées ?

Lorsque l’on se trouve à 20 000 kilomètres de distance, ces sujets semblent souvent lointains. Pour les Polynésiens, en revanche, il s’agit d’un quotidien qu’il faut gérer et qui pollue les relations entre l’État et la Polynésie française.

Je tiens certes à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir été assez ouvert pour modifier la loi Morin en décembre 2013, afin d’autoriser l’extension des zones géographiques concernées et la création d’une haute autorité indépendante.

Je vous prie toutefois de constater les faits : 98 % des dossiers sont rejetés sur le fondement d’un bref passage du II de l’article 4 de ladite loi. Or, je vous le dis, chers collègues : ce texte est aujourd’hui inefficace. Son titre est certes puissant et il reconnaît le « fait nucléaire » mais sur le terrain, rien n’est proposé aux familles.

M. le président. Je vous prie de conclure, madame la députée.

M. Jean-Jacques Candelier. C’est un sujet crucial, monsieur le président !

Mme Maina Sage. Je tiens donc à vous sensibiliser à cette question et vous demande à tous, qui débattez aujourd’hui de la défense, de ne pas oublier ce pour quoi nous sommes en mesure de le faire. Je ne pense pas à la Polynésie en particulier, mais à tous ceux qui ont servi et qui en ont subi les conséquences sanitaires ainsi qu’environnementales – dont nous aurons l’occasion de parler.

En vous remerciant de votre attention, je vous demande de rouvrir ce débat et de permettre à la France de se montrer à la hauteur du sujet en assurant concrètement la reconnaissance pleine et entière de ces conséquences sanitaires et environnementales.

M. Philippe Folliot et M. Jean-Jacques Candelier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. C’est dans un contexte plus que morose que nous examinons cette actualisation de la programmation militaire. Nos concitoyens sont en effet accaparés par des difficultés quotidiennes liées à une situation économique désastreuse. Ce projet de loi ne saura dissiper ce cumulonimbus annonciateur de gros temps, qui aggravera un peu plus la crise latente qui couve dans nos forces armées.

La première mission régalienne de l’État consiste à défendre la nation et ses intérêts dans le monde. Hélas, le Gouvernement a, depuis 2012, placé ailleurs cette priorité.

L’article 1er, qui vise à adopter un rapport annexé fourre-tout, à l’image du projet de loi sur le dialogue social et l’emploi, ne permettra pas de convaincre et de démontrer que l’effort de défense produit des dividendes dont la paix est le plus précieux.

Comme d’autres l’ont fait avant moi, je voudrais rendre hommage à nos soldats qui, malgré des sollicitations de plus en plus fortes, accomplissent un travail remarquable et unanimement reconnu.

Après les incertitudes du début du quinquennat, votre prise de conscience qu’il faut augmenter le budget en cours d’exécution de la loi de programmation militaire est bien tardive.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Un an après seulement !

M. Frédéric Reiss. Et encore ai-je l’impression qu’il ne s’agit que d’une augmentation en trompe-l’œil, comme l’ont indiqué plusieurs collègues.

Dans une situation internationale fortement dégradée, nous sommes englués au Mali et en Centrafrique – où les interventions devaient être de courte durée – et la politique menée en Syrie et en Irak est plus qu’ambiguë vis-à-vis de nos partenaires européens. Avec la grave saignée effectuée dans nos effectifs, il ne faut pas s’étonner si nos forces armées sont à bout de forces. Lorsque l’on constate l’état de fatigue des soldats qui, revenant des OPEX, sont ensuite mobilisés dans le cadre de l’opération Sentinelle, le burn-out, dont l’Assemblée a débattu la semaine dernière, est à craindre. Nos soldats n’ont même plus le temps de s’entraîner, et ce n’est pas le service militaire volontaire, qui sera expérimenté en trois lieux, qui apportera des solutions pérennes.

Le Président de la République répète régulièrement vouloir sanctuariser notre effort de défense. Il serait temps que cette loi de programmation militaire puisse être respectée ; l’avenir nous le dira !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Un projet de loi concernant la programmation militaire est toujours un moment de réflexion. Si vous vous heurtez aujourd’hui à des contraintes que nous connaissons bien – contraintes imposées par Bruxelles en matière budgétaire, mais c’est une autre histoire –, nous devons aussi faire preuve d’imagination.

Au-delà de l’opération Sentinelle, qui était nécessaire, je pense qu’il nous faut créer une garde nationale qui, dans chaque département, serait placée sous l’autorité du préfet en lien direct avec les maires, afin qu’ils fassent appel à des volontaires pour certaines gardes statiques et certaines patrouilles. C’est une condition !

Il est hors de question de ne pas associer nos concitoyens à la défense du territoire. C’est la raison pour laquelle il me semble urgent d’y réfléchir. Il ne s’agit pas d’un problème de nature budgétaire, mais d’un problème concernant la mobilisation armée-nation et le volontariat, qu’il faut organiser comme l’avait fait la loi de la République dans chaque département après la défaite de Sedan. Voilà ce que nous devons faire ; voilà la voie dans laquelle nous devons nous engager ! Croyez-moi, nos concitoyens de vingt à quarante ans, et même au-delà, seront nombreux à prendre des gardes, à effectuer des contrôles et à patrouiller pour assurer la sécurité de la population. Il faut y réfléchir : la garde nationale est l’avenir de la défense opérationnelle du territoire !

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Les applaudissements sont plus que rares, et c’est heureux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais pour commencer m’associer aux propos tenus par notre collègue Audibert Troin qui, tout à l’heure, à la tribune, a manifesté une forme de compassion à votre égard, monsieur le ministre, en reconnaissant à la fois les efforts que vous faites et le mal que vous vous donnez pour faire valoir les objectifs que vous poursuivez.

J’aimerais croire que le plan de financement pour les années 2015-2020 sera tenu, mais je constate deux choses. Premièrement, depuis le début de cette législature – encore une fois, monsieur le ministre, vous n’êtes pas en cause à titre personnel –, nous assistons à une suite ininterrompue d’engagements dont le pourcentage de ceux qui ont été tenus est extrêmement faible. Pourquoi celui-ci n’obéirait-il pas à la même règle ?

Deuxièmement, je constate que, dans le plan de financement que vous présentez, les deux tiers des 3,8 milliards sur cinq ans sont programmés dans des exercices budgétaires dont personne ne maîtrise l’exécution puisqu’il s’agit de l’exercice 2019-2020. Franchement, concentrer la majorité de l’effort sur ces deux années relève de la divination ou d’un optimisme sans borne, ce qui est à votre honneur, monsieur le ministre, car il est préférable d’être optimiste lorsque l’on est au Gouvernement, surtout en ce moment. (Sourires.)

M. Jacques Myard. Il faut même être kamikaze !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous avais interrogé en commission des lois, lors de l’examen du texte relatif au renseignement, sur les rapports entre l’État et Cisco, entreprise américaine d’informatique à qui le Premier ministre a confié le soin d’intervenir dans notre pays dans le domaine de la cybersécurité.

Le ministère de la défense est-il écarté de cet accord, ce que je souhaite ? Toutes les précautions ont-elles été prises pour que jamais la cybersécurité française ne se retrouve aux mains d’un opérateur étranger ?

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Des sommes sont-elles consacrées dans votre budget à cette protection dans les cinq ans à venir ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Ce n’est pas une séance de questions à un ministre !

M. Jean-Frédéric Poisson. Par ailleurs, je rejoins les propos de nos collègues M. Larrivé et M. Lamblin à propos de l’opération Sentinelle. Je tiens à dire que le moral des troupes, en particulier celui des officiers subalternes, face au spectacle qui se déroule sous leurs yeux, est au plus bas. La vague de démissions ou de non-renouvellement de contrats à laquelle l’armée française sera confrontée dans les années qui viennent met largement en danger la transmission du savoir acquis dans les écoles d’officiers aux générations suivantes.

L’opération Sentinelle contribue à la baisse du moral des troupes et au pessimisme des familles, et elle n’encourage pas les officiers à demeurer dans leurs missions. C’est une réalité qu’il faut prendre en compte.

M. Gilbert Le Bris. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je voudrais appuyer les propos de notre collègue Maina Sage à propos des victimes des essais nucléaires, problème qui malheureusement ne concerne pas seulement nos compatriotes de Polynésie. En effet, des victimes d’essais nucléaires ont été recensées partout en France, ainsi qu’en Algérie. La loi Morin, qui avait suscité des espoirs au cours de la précédente législature, provoque aujourd’hui de cruelles déceptions puisqu’un nombre infime de dossiers ont été reconnus.

Je voudrais saluer les avancées contenues dans la loi de programmation militaire initiale, grâce au travail accompli ici même à l’Assemblée puis au Sénat, avec vous, monsieur le ministre, et à des amendements adoptés sur l’initiative de ma collègue écologiste Corinne Bouchoux, sénatrice du Maine-et-Loire.

Ce sujet ne dépend plus du ministre de la défense ; pour autant, il nous concerne toutes et tous, comme l’a indiqué notre collègue de Polynésie. Il nous faut absolument avancer car il extrêmement choquant pour les victimes de ne pas être reconnues dans leur statut. Quoi que l’on pense de la dissuasion nucléaire, ces personnes ont contribué à l’existence même de cette dissuasion.

Après avoir pendant longtemps suscité de nombreux débats, les essais nucléaires ont fini par être abandonnés, mais pendant la période où ils ont eu lieu, des personnes ont été exposées à des radiations et en subissent aujourd’hui les conséquences. Beaucoup sont décédées. D’ailleurs, les associations qui regroupent les victimes de radiations assistent, année après année, au décès de nombre de leurs membres. Leurs descendants en subissent parfois les terribles conséquences en développant des maladies liées à l’exposition aux radiations. Je tenais à évoquer ici ce sujet, qui est extrêmement douloureux.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, présidente et rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour soutenir l’amendement n17.

Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n17, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n65.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 23 du rapport annexé.

Monsieur le ministre, la crise russo-ukrainienne constitue un drame inquiétant aux portes de l’Europe : trop de morts et de blessés sont à déplorer.

Nous devons nous féliciter de l’influence de la France pour aboutir aux accords de Minsk, qui doivent être appliqués par les deux parties. Il importe que la France ne renonce pas à son rôle de médiation en militarisant excessivement son approche de la crise russo-ukrainienne.

La « politique de puissance de la Russie » visée par cet alinéa ne saurait résumer une crise complexe née, ne l’oublions pas, d’une situation insurrectionnelle à Kiev. Comme l’a souligné la présidente de la commission des affaires étrangères, les responsabilités sont partagées.

À moyen comme à long terme, la France et la Russie ont d’abord vocation à être des partenaires, et non des adversaires, et à promouvoir la coopération. Il est donc proposé de retenir dans ce document de programmation une terminologie plus conforme à cet objectif. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Cet amendement a été repoussé par la commission car il est très difficile, dans la situation actuelle, de nier l’annexion de la Crimée par la Russie ainsi que les inquiétudes de nos amis européens – je pense à la Pologne et aux pays Baltes.

Par ailleurs, dans l’excellent rapport qu’il a rédigé au nom de la commission des affaires étrangères, Gwenegan Bui indique clairement que cette politique de puissance de la Russie a des conséquences directes pour nos forces armées qui, à côté des pays Baltes et de la Pologne, se trouvent sur place pour renforcer la « réassurance » dans ces territoires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Par le passé, la France s’est illustrée par des positions diplomatiques fermes et non alignées. Aujourd’hui, force est de constater que l’OTAN parle à la place de la France dans de nombreuses crises et de nombreux conflits.

Si l’OTAN n’intervient pas officiellement en Ukraine, on peut se demander quel jeu y jouent les puissances européennes membres de cette organisation, qui pratique la surenchère sans privilégier la voie politique et diplomatique.

Je soutiens pleinement l’amendement de notre collègue M. Laurent qui recadre de façon très claire la politique française à l’égard de Kiev, qui est scandaleuse.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Jean-Jacques Candelier. Comment notre pays peut-il à ce point vouloir souligner le rôle prétendument guerrier de la Russie, à travers l’expression « une politique de puissance », sans remettre en question le pouvoir illégal, soutenu par des fascistes néonazis, en Ukraine ?

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. Jean-Jacques Candelier. Le Gouvernement commettrait une grave erreur et enverrait un signal très négatif en conservant cette expression dans le rapport annexé au projet de loi que nous examinons.

Je tiens à remercier notre collègue M. Laurent qui nous a permis d’engager ce débat.

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Je m’associe à l’amendement de M. Laurent et je pense qu’un grand nombre de mes collègues du groupe Les Républicains partagent cet avis.

Monsieur le ministre, après avoir analysé la fiche de présentation n15, relative à l’augmentation des budgets de la défense de treize pays de l’Union européenne, je voudrais faire quelques remarques.

Tout d’abord, il s’agit de pays dont le pourcentage du PIB consacré aux dépenses militaires était excessivement faible. L’augmentation de leur budget de la défense démontre qu’ils ont pris conscience de sa faiblesse. Mais lorsqu’on regarde la liste de ces pays, on constate qu’ils ont tous les yeux tournés vers la crise ukrainienne.

Le Président de la République, lorsqu’il a présenté le projet de loi actualisant la programmation militaire, a fait très largement référence au terrorisme. Nous sommes ici dans une autre situation, qui me rappelle 1980 – nous étions déjà ensemble, monsieur le ministre. L’analyse des menaces déterminait l’ennemi à l’Est. Aujourd’hui, et je me rallie à ce que vient de dire M. Laurent, la Russie est pour nous un partenaire et non un adversaire. Nous devons entrer en coopération, comme cela a été défini par les accords d’Helsinki en 1975 et lors de la création de la CSCE, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Nicolas Dhuicq. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Nous ne sommes plus, monsieur le ministre, au temps où les chars soviétiques, qui ont sans doute rouillé depuis, se trouvaient à deux étapes du Tour de France de Brest ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Laurent. Je suis content que vous le disiez !

M. Jacques Myard. Il faut regarder les choses en face. Désigner un ennemi dans l’affaire ukrainienne est malaisé car vous savez mieux que moi que personne n’est blanc-bleu…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ou rouge ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. …et que la responsabilité de la crise est partagée. Malheureusement – je le dis comme je le pense –, nous avons suivi les ultra-européens pour adopter une position d’affrontement avec Moscou. Et en agissant ainsi, nous avons fait monter la tension alors que nous aurions dû calmer le jeu. Je salue l’initiative de Mme Merkel et du Président de la République de se rendre à Moscou pour négocier l’accord de Minsk 2, mais vous savez comme moi qu’il n’est pas appliqué et que les Ukrainiens ont des responsabilités importantes dans cette situation. Ils n’ont pas rempli les obligations qui sont les leurs, notamment à propos du statut du Donbass et du paiement des pensions.

Désigner la Russie comme une menace pour l’équilibre européen, ce n’est pas seulement excessif, c’est une faute devant l’histoire !

M. Jacques Lamblin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Je crois, mes chers collègues, que nous n’avons pas le droit de caricaturer ainsi le texte qui nous est présenté. Il est évident que la France mène une politique équilibrée.

M. Nicolas Dhuicq. Pas en ce moment, non !

M. Gilbert Le Bris. M. Myard vient de l’indiquer : dans le cadre du « format Normandie », M. Hollande et Mme Merkel, face aux deux protagonistes, ont essayé de trouver des solutions qui ont abouti aux accords de Minsk 1 et 2. Il est tout aussi évident que notre politique à l’égard de la Russie est celle de la main tendue, ou de la porte ouverte. Mais nous ne pouvons accepter n’importe quoi !

À l’heure actuelle la Russie a annexé la Crimée, au détriment du droit international. (Exclamations sur certains bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Myard. Elle a toujours été russe !

M. Gilbert Le Bris. À l’heure actuelle, les soldats français sont engagés dans la « réassurance » à l’égard des pays Baltes.

M. Philippe Meunier. Cela n’a rien à voir !

M. Gilbert Le Bris. Notre pays a effectivement des troupes sur place. On ne peut donc pas utiliser les termes que vous avez employés. Je précise que dans une autre assemblée parlementaire, celle de l’OTAN (Rires et exclamations sur certains bancs du groupe Les Républicains),…

M. Philippe Meunier. Vous voilà devenus des partisans de l’OTAN !

M. Gilbert Le Bris. …dont un certain nombre d’entre vous sont délégués, nous recherchons un équilibre, pour faire en sorte que le droit international soit respecté, que nos valeurs soient maintenues et que notre voix soit entendue.

M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. Si nous cherchons la modération, nous devons d’abord nous l’appliquer à nous-mêmes. Lisons ensemble l’alinéa 23 : « la crise russo-ukrainienne a marqué le retour d’une politique de puissance de la Russie et de conflits aux frontières de l’Union européenne ». Ce texte me semble parfaitement maîtrisé.

M. Jean-Frédéric Poisson. On ne peut pas mettre ça dans la loi !

M. Eduardo Rihan Cypel. S’agissant de la France, et mon collègue M. Myard vient de le rappeler, qui a pris l’initiative des accords de Minsk, si ce n’est le Président de la République, avec pour objectifs l’apaisement, le retour au calme, la désescalade, une solution politique et la fin des conflits.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il lui fallait éteindre le feu qu’il avait lui-même allumé !

M. Eduardo Rihan Cypel. Certes la situation est encore tendue, d’après les nouvelles que nous avons reçues ce matin même, mais reconnaissons que le Président de la République n’est pas engagé dans un jeu manichéen ; il s’agit de rappeler des règles fondamentales, des lignes rouges à ne pas dépasser. Le respect que Vladimir Poutine a pour le Président de la République en témoigne et je n’ai pas constaté de crise entre la France et la Russie. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Tiens donc ?

M. Jacques Myard. Demandez à Bruno Le Roux !

M. Eduardo Rihan Cypel. Nous savons affirmer nos positions avec fermeté et nous sommes respectés pour cela. Sachons, tous ici, reconnaître l’enjeu, qui est de rechercher la paix et la sécurité, de regarder avec lucidité ce qui se passe entre l’Ukraine et la Russie et d’admettre que la France joue un rôle essentiel pour apaiser et parvenir à un retour à la normale.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n65. (Exclamations sur divers bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, j’ai déjà donné la parole à deux membres du groupe Les Républicains, à deux membres du groupe socialiste et à un membre du groupe GDR. Nous avons donc pu entendre le point de vue des uns et des autres. Je vais encore donner la parole à un représentant de chacun des groupes qui ne sont pas encore exprimés, mais si nous continuons ainsi, nous n’en finirons jamais !

M. François de Rugy. Eh oui ! On ne va tout de même pas se lancer dans un débat sur la Russie !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Il s’agit en effet d’un débat important. Compte tenu de l’ampleur du problème, il ne faut pas sombrer dans la caricature dans un sens ou dans l’autre. Assurément, la Russie n’est pas un modèle comme certains d’entre nous le pensent, mais elle fait partie en tout état de cause des acteurs de la paix et de la sécurité en Europe et dans le monde et doit être traitée comme telle. L’actuelle rédaction de l’alinéa 23 ne me semble donc ni judicieuse ni pertinente.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Philippe Folliot. Il faut en la matière donner à nos analyses le recul et la profondeur stratégiques qui leur font souvent défaut. Certes, nous avons toutes et tous été légitimement choqués par certaines postures et certaines attitudes de part et d’autre, plus particulièrement peut-être par celles de la Russie. Il est néanmoins essentiel d’évaluer tout cela à l’aune des relations de confiance, de réciprocité et de respect que nous devons construire et entretenir avec la Russie. Je ne reviendrai pas sur l’affaire des deux bâtiments de projection et de commandement de classe Mistral, qui est aussi un enjeu des relations entre la France et la Russie et dont les conséquences financières et budgétaires ne sont pas négligeables à bien des égards, mais il me paraît légitime que nous ayons un débat sur la question des relations avec la Russie.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne pensais pas que nous aurions, au détour d’un amendement au texte, un débat sur les relations avec la Russie !

M. Christophe Léonard. Personne ne le pensait !

M. François de Rugy. On voit bien qu’il existe, à l’UMP – et à droite en général – une sorte de fascination pour la Russie de Vladimir Poutine. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas sérieux !

M. François de Rugy. La stratégie de puissance dont il est question dans le texte est ouvertement revendiquée par M. Poutine. Écoutez ce qu’il dit ! Voyez les actes de la Russie !

M. Nicolas Dhuicq. Et que font les Américains ?

M. François de Rugy. Il est évident que personne ne propose de déclarer la guerre à la Russie ni de décréter une opposition définitive avec elle, mais rayer de notre loi de programmation militaire le constat factuel qu’il existe une stratégie de puissance et d’expansion, c’est faire preuve d’une grande faiblesse !

M. Philippe Nauche. Évidemment !

M. Jacques Myard. Arrêtez !

M. François de Rugy. Qu’un État comme la Russie soutienne des conquêtes territoriales, cela ne s’est jamais vu depuis la fin de la guerre froide. Je passe sur le caractère antidémocratique et autoritaire du régime de Poutine, qui ne devrait pas vous séduire à ce point, chers collègues de l’opposition !

M. le président. Sur l’amendement n65, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cette demande de scrutin nous laisse un peu de temps pour étayer ce débat, récurrent au sein de la commission des affaires étrangères, sur les relations de la Russie avec ses voisins, avec l’Union européenne et avec la France.

Les phrases figurant dans le projet de loi de programmation militaire ne sont ni des provocations ni des menaces mais la simple réalité. Que constatons-nous ? Si treize pays européens augmentent leurs budgets de défense, c’est que chacun estime qu’il y a un sujet, une menace, un risque. Si l’on constate que des bombardiers russes patrouillent à nos frontières, c’est une réalité et un risque. Si l’on demande à la France de faire de la réassurance par des patrouilles de Rafale dans les pays Baltes ou par la présence de certains de nos chars Leclerc en Pologne, c’est bien parce que les pays de l’Union européenne s’interrogent, non par bellicisme mais pour se faire respecter.

Tel est bien l’objet de la loi de programmation militaire. Il s’agit d’assumer notre souveraineté. Que dit la loi ? Elle analyse les risques en se penchant sur ce qui se passe au Sud, en l’espèce la déstabilisation d’un certain nombre de pays qui amène la France à intervenir. Elle observe ce qui se passe au Moyen-Orient, en particulier les discussions en cours et les conséquences de la vente de nos Rafale dans cette zone en difficulté. Mais elle observe aussi ce qui se passe à l’Est. Écrire ces phrases, ce n’est pas briser la relation avec la Russie ni déchirer l’histoire des relations longues que nous avons eues avec ce pays, c’est tout simplement lui rappeler que nous devons nous respecter mutuellement et que nous avons compris le jeu des nations.

M. le président. Monsieur Laurent, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Luc Laurent. Je maintiens l’amendement en raison du débat qui vient d’avoir lieu. L’alinéa 23, tel qu’il est écrit, me semble procéder d’une vision déséquilibrée. Maintenir l’amendement est une invitation à retrouver, dans le texte de la loi de programmation militaire, l’esprit des accords de Minsk 2, pour la conclusion desquels la France a joué un rôle essentiel grâce au Président de la République. J’ajoute que repenser l’Europe – je n’ose dire à mes collègues de la majorité : réorienter la construction européenne – suppose une vision large et non alignée de ce que j’oserai appeler une Europe européenne.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n65.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants37
Nombre de suffrages exprimés37
Majorité absolue19
Pour l’adoption16
contre21

(L’amendement n65 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n27.

M. Jean-Jacques Candelier. Notre pays a réintégré le commandement militaire de l’OTAN en 2009. Une motion de censure a été déposée, le 28 avril 2008 si je ne m’abuse, par l’opposition socialiste de l’époque. Depuis 2012, le Gouvernement, au lieu de remettre en cause cette réintégration, n’a fait qu’aggraver la situation en renforçant le rôle de l’OTAN. Dans le rapport annexé, l’ONU est clairement dénigrée et l’OTAN placée sur un piédestal comme la solution rapide et efficace. Il faut pourtant admettre que l’intervention militaire en Libye décidée en 2011 est un véritable fiasco.

M. Jean-François Lamour. Non !

M. Jean-Jacques Candelier. La déstabilisation qu’elle a provoquée a favorisé l’arrivée de Daech dans ce pays plongé dans le chaos le plus complet, en proie aux milices et aux bandes armées. L’objet de l’amendement est d’admettre que la France s’est trompée en Libye en suivant l’OTAN dirigée par les États-Unis. Les opérations menées en Libye en 2011 constituent d’ailleurs une action contraire à la Charte des Nations unies car elles ont largement outrepassé la résolution n1973.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je ne pense pas que le rapport annexé soit le cadre approprié pour juger le passé à l’aune du présent. Je ne pense pas non plus que nous aurions dû rester inactifs à l’époque face à la menace d’attaque contre les populations civiles – il faut tout de même le rappeler. Je réponds également à M. Candelier que l’intervention a eu lieu dans le cadre d’une résolution de l’ONU dont je rappelle qu’elle a été adoptée le 17 mars 2011. Elle a ouvert la voie à un engagement de moyens militaires en confiant à la communauté internationale une mission de protection des populations. J’insiste sur ce dernier point.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Olivier Audibert Troin.

M. Olivier Audibert Troin. Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président, ce que vous n’avez pas fait tout à l’heure lorsque je le demandais. J’en parle brièvement car nous examinons le texte selon la procédure d’urgence et avons reçu les rapports et les amendements très tardivement. Le débat dans l’hémicycle constitue donc une occasion d’enrichir le texte par nos propositions – la dernière d’entre elles, que nous n’avons pu formuler, consistait à élaborer une nouvelle rédaction de l’alinéa 23 qui aurait peut-être satisfait tout le monde. C’est notre façon à nous d’enrichir le débat.

Quant au présent amendement, je suis bien évidemment du même avis que Mme Adam, présidente de la commission de la défense.

Je vous rappelle, monsieur Candelier, sans faire de politique politicienne, que les forces de Khadafi étaient aux portes de Benghazi et que notre intervention a empêché un bain de sang.

M. Jean-Jacques Candelier. Vous avez vu ce qui s’est passé ensuite !

M. Olivier Audibert Troin. L’ONU a autorisé notre intervention afin que des dizaines de milliers de vies humaines – de civils pour la plupart – soient épargnées.

M. Jean-Jacques Candelier. Et voilà Daech installé en Libye !

M. Olivier Audibert Troin. Voilà pourquoi nous voterons contre l’amendement.

M. le président. En réponse à votre interpellation, monsieur Audibert Troin, je précise que la conférence des présidents a fixé les modalités de discussion de ce texte. Elle a décidé d’augmenter le temps de parole en discussion générale initialement prévu afin que tous les groupes donnent leur avis. De nombreux orateurs ont donné le leur sur l’article 1er et sont également inscrits sur les autres articles. Dans le même temps, un certain nombre de groupes souhaitent que nous terminions nos travaux vers vingt heures. Je rappelle ces éléments aux uns et aux autres afin que chacun soit donc bien conscient des contradictions potentielles existant entre eux ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Faites arrêter les pendules, monsieur le président !

M. le président. Néanmoins, nous ferons en sorte que le débat ait lieu dans de bonnes conditions et que chacun puisse donner son avis.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je ne peux laisser sans commentaire les affirmations de notre collègue M. Candelier au sujet de l’affaire de la Libye. Elles appellent quelques rappels factuels. Les Nations unies ont décidé en 2011 l’opération ayant abouti à la chute du dictateur Khadafi, sous l’impulsion très vigoureuse du Président de la République Nicolas Sarkozy.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Fayot !

M. Guillaume Larrivé. Sitôt enclenchée, cette opération a sauvé des vies. Il me semble nécessaire de le reconnaître aujourd’hui.

Quant à la façon dont la communauté internationale a géré – ou plutôt, n’a pas géré – la suite, c’est une tout autre question ! À l’été 2012, les premières élections démocratiques en Libye ont amené au pouvoir des modérés. La communauté internationale a alors abandonné la Libye à elle-même et au désordre islamiste et c’est là qu’il faut chercher des responsabilités, cher monsieur Candelier – celles de la communauté internationale et, sans doute, de l’actuel pouvoir national.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Force est de constater que l’intervention devait avoir lieu. Il y avait urgence et nous avons été nombreux, sur tous ces bancs, à la soutenir. Par ailleurs, la Libye n’était pas un État mais un système clanique et mafieux organisé autour de Khadafi et de ses proches. Dès lors, une fois la tête coupée, l’ensemble s’est effondré. L’éventuelle responsabilité de la communauté internationale – et la nôtre en particulier – résident dans l’impréparation de l’après, une fois menées les premières frappes visant à empêcher les massacres.

M. Jean-Luc Laurent. Il fallait demander à Bernard-Henri Lévy !

M. Philippe Folliot. Il aurait certainement fallu continuer le travail – et même le terminer, si j’ose dire – par l’envoi de troupes au sol, pas forcément occidentales et européennes d’ailleurs. C’est le seul moyen de stabiliser la situation. La Libye est aujourd’hui une zone de non-droit, ce qui est tout à fait catastrophique pour la population elle-même comme pour tous les migrants exploités par une industrie mafieuse. Elle constitue un terreau favorable à l’implantation de Daech. Par conséquent, les problèmes qui se posent aujourd’hui au Levant, en Irak et en Syrie se poseront demain en Libye.

Dans ce cadre, il faut que la communauté internationale puisse mieux agir avec l’appui de la puissance régionale majeure qu’est l’Égypte, qui partage 1 200 kilomètres de frontières avec la Libye et qui doit jouer un rôle important de stabilisateur.

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. S’agissant des crises dont nous parlons – Ukraine, Russie, drames au Proche-Orient et au Moyen-Orient et chaos libyen –, je pense qu’il faut faire preuve d’une certaine modération : il n’y a pas de raison de soutenir de manière irrationnelle la position russe ou ukrainienne. Concernant l’affaire libyenne, qui a été évoquée par M. Candelier, on voit bien que ce que l’on pouvait penser à une époque ne s’est pas réalisé et que la situation actuelle est à l’opposé de celle que certains imaginaient.

M. Yves Fromion. Absolument !

M. François Loncle. J’admire d’ailleurs l’habileté avec laquelle notre collègue de l’Yonne, Guillaume Larrivé, a défendu le soldat Sarkozy de 2011 – ce qui est, somme toute, bien naturel. Je veux dire à notre remarquable présidente de la commission de la défense, Patricia Adam, que la résolution n1973 de l’ONU a bel et bien été adoptée, avec l’autorisation de la Chine et de la Russie, mais qu’elle a été totalement transgressée. Cette résolution avait en effet pour objet de sauver Benghazi, de protéger sa population, mais sans préciser le moyen d’y parvenir. Elle n’indiquait nullement qu’il fallait envahir entièrement la Libye, comme cela a été fait par les forces armées britannique et française, aller jusqu’à Tripoli et tuer le principal dirigeant de ce pays, aujourd’hui totalement dans le chaos. On a d’ailleurs eu ce débat en commission des affaires étrangères.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis. Dix fois !

M. François Loncle. Lorsqu’elle a été consultée, en 2011, après quatre mois d’opérations militaires, l’Assemblée s’est prononcée à la quasi-unanimité – je ne me suis pas rallié à ce vote – en faveur de la prolongation de cette intervention. Aujourd’hui, tout le monde convient que c’était une grave erreur ou tout au moins reconnaît-on les conséquences dramatiques de cette intervention.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Loncle. Je voudrais donc que l’on garde la raison à propos de ce sujet et que l’on ne s’emballe pas. Reconnaissons simplement les faits et admettons, avec objectivité et courage, les erreurs, même si nous étions à l’époque de l’avis contraire.

(L’amendement n27 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n28.

M. Jean-Jacques Candelier. Je me réjouis que la commission ait émis un avis favorable sur cet amendement au titre de l’article 88 du règlement. Daech est le groupe terroriste le plus riche du monde en raison, entre autres, des ressources tirées des puits de pétrole qu’il contrôle. Les différentes estimations évaluent les richesses engrangées par l’organisation à 1 à 3 millions de dollars par jour. Cette organisation, forte de ces moyens considérables, acquis par le biais de trafics d’hydrocarbures, d’armes ou encore de stupéfiants, multiplie les crimes contre des êtres humains et contre la culture.

Qui peut croire que cette organisation djihadiste peut agir seule, sans la complicité d’acteurs locaux, d’acteurs économiques et parfois même d’États ?

La presse a publié récemment des photos qui tendent à prouver que la Turquie, membre de l’OTAN, livre des armes à l’organisation terroriste Daech. C’est une situation intenable : un membre de l’OTAN qui devrait lutter contre le terrorisme arme les terroristes que nous combattons ! Le PKK avait encore une fois raison mais n’a pas été pris au sérieux quand il alertait la communauté internationale. Le double jeu ne peut pas être permis. On évoque aussi des financements venus de certains pays sunnites du Golfe. De même, quelles entreprises achètent le pétrole de Daech ? Mme Jana Hybášková, ambassadrice de l’Union européenne en Irak, a déclaré devant les députés de la commission des affaires étrangères du Parlement européen que, malheureusement, des États membres de l’Union européenne achètent ce pétrole. Elle a refusé de donner plus de détails. M. le ministre de la défense pourrait sans doute, pour sa part, nous apporter des précisions – pourquoi pas au cours d’une commission d’enquête que je vous proposerai prochainement de créer ? En tout état de cause, il nous semble pertinent de dénoncer la complicité de certaines entités qui permettent à Daech de continuer ces horreurs et renforce son organisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Après avoir indiqué que nous voterons pour cet amendement, je souhaite réitérer plusieurs questions.

Premièrement, M. Erdoan affronte une campagne électorale extrêmement dure ; certains anciens kémalistes vont porter leur vote sur le parti kurde, afin de mettre l’AKP en difficulté. La Turquie attend que les Kurdes se fassent massacrer pour récupérer quelque pouvoir. Monsieur le ministre, avez-vous des informations sur l’action éventuelle que pourrait conduire la France envers la Turquie, du fait du commerce de pétrole auquel cette dernière se livre avec l’État islamique en Irak et en Syrie ?

Deuxièmement, qui a créé Daech, si ce n’est les services secrets saoudiens et l’argent qatari ? Que font, aujourd’hui, les Saoudiens et les Qataris, si ce n’est, pour l’un, financer al-Nosra, pour l’autre, financer d’autres organisations, qui sont des entités islamistes tout aussi dangereuses ?

M. Nicolas Bays. Il faut aussi arrêter de donner des conférences au Qatar !

M. Nicolas Dhuicq. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’attendrai d’avoir les réponses à ces questions, parce que je pense qu’il y a un décalage entre les citoyens de notre pays, qui ne tolèrent plus les faux-semblants, et la politique que vous menez, qui ne tiendra pas longtemps face à l’opinion publique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. L’Orient n’est pas compliqué, il est hypercompliqué, et une partie de poker menteur se déroule au Proche-Orient et au Moyen-Orient. On sait très bien que le développement de l’État islamique n’est pas imputable à tel ou tel, mais qu’il résulte de la conjonction d’un certain nombre d’actions. Une étude de l’Institut français des relations internationales montre qu’à l’origine de Daech se trouvait Paul Bremer : les Américains portent la responsabilité d’avoir lancé les officiers baasistes dans les mains des tribus et des sunnites en révolte.

Par ailleurs, il est évident que l’existence de l’État islamique reposer sur des trafics en tout genre et sur le paiement de ses soldats, qui percevraient environ 700 dollars par mois. Cet « État » ne peut résister, n’existe que parce qu’il trafique, notamment avec un certain nombre d’États de la région. C’est une évidence, et pourtant on se tait. Il n’est plus acceptable que la France maintienne cette posture et couvre quelque chose qu’elle combat par ailleurs, à savoir le terrorisme.

Il est donc urgent que la France révise sa diplomatie et sa politique étrangère dans cette région du monde et regarde les réalités en face. On peut bien évidemment faire des affaires – nous vendons d’ailleurs nos armements, et à juste titre. Il n’en demeure pas moins que nous ne devons pas avoir le nez collé sur l’immédiateté mais voir plus loin. Aujourd’hui, nous nous taisons face à un mouvement qui heurte directement nos intérêts et notre influence.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

(L’amendement n28 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n29.

M. Jean-Jacques Candelier. Il est tout de même assez symptomatique de faire figurer la question des réfugiés et des exilés dans un chapitre intitulé « Des risques et des menaces qui augmentent ». On le sait, une opération militaire – Navfor Med – a été lancée dans les eaux internationales ou européennes.

L’Union européenne nous dit que ce sont les passeurs qui font mourir les migrants en mer. En réalité, les trafiquants ne font que s’engouffrer dans les lacunes des politiques migratoires, économiques et diplomatiques européennes. Au mieux, avec cette opération, les routes migratoires changeront. En attaquant les passeurs, nos dirigeants se dédouanent à bon compte de leurs responsabilités. L’Union européenne laisse passer les marchandises mais pas les hommes. Nos dirigeants font pleuvoir les bombes mais refusent l’asile aux victimes. Qui a saccagé la Libye ? Qui impose le libéralisme économique à tout crin ? Qui détruit les sociétés et exploite des peuples d’Afrique ?

Cette opération militaire nécessite des avions, des hélicoptères, des bâtiments de guerre, des moyens de renseignement titanesques – autant d’argent qui devrait être utilisé en faveur de la coopération et du co-développement. Le budget de l’aide publique au développement diminue d’ailleurs sans cesse. Aussi cet amendement a-t-il pour objet de préciser que les réfugiés issus des conflits ne sont pas une menace et qu’il n’y a pas de solution militaire face aux trafics d’exilés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement. Je rappelle que l’alinéa 31 du rapport annexé ne mentionne à aucun moment ce que pourrait laisser entendre l’intervention de M. Candelier. L’alinéa fait référence à des « réfugiés économiques ou fuyant les conflits » et à aucun moment à d’éventuels terroristes qui arriveraient sur le territoire européen.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

(L’amendement n29 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n4 rectifié.

M. François de Rugy. Cet amendement se situe dans la droite ligne de ce que nous avions défendu lors de l’examen du précédent projet de loi de programmation militaire. Il ne s’agit pas de refaire tout le débat : j’ai déjà évoqué cette question au cours de la discussion générale, à propos de la dissuasion nucléaire. Néanmoins, nous souhaiterions que cet amendement, qui a pour objet la remise d’un rapport relatif au coût du démantèlement des composantes sous-marine et aéroportée de la dissuasion nucléaire soit adopté, car cela renforcerait la transparence.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le coût du maintien de la dissuasion nucléaire est extrêmement élevé : 3,6 milliards d’euros dans le budget 2015, soit plus de 11 % du budget total de la défense. Si on le calcule sur les cinq ans de la loi de programmation militaire, soit la période 2015-2019, cela représente 19,7 milliards d’euros. Le coût en est donc extrêmement élevé.

Si, par ailleurs, cet amendement était adopté, ce serait un signal envoyé aux pays signataires du traité de non-prolifération nucléaire, dont l’article VI engage les parties à « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire » multilatéral.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. M. de Rugy sait que je donnerai un avis défavorable à son amendement. Je répète que nos rapporteurs budgétaires travaillent tous les ans sur ces questions mais que, bien évidemment, il n’est pas question, compte tenu de la classification de cette information, de rendre public le coût de démantèlement de nos anciens équipements – je dis bien : de nos anciens équipements.

M. Gilbert Le Bris. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. M. Myard et M. Meunier souhaitent tous deux s’exprimer. Mettez-vous d’accord : auquel de vous dois-je donner la parole ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Aux deux, mais une minute chacun ! (Sourires.)

M. le président. Soit…

Vous avez la parole, monsieur Myard, mais je vous chronomètre ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Je voudrais redire que la suppression de l’armement nucléaire, dans le contexte international actuel, va davantage menacer le monde que le calmer. Pourquoi ? Parce que le nucléaire est la dissuasion du faible à l’égard du fort. Si vous supprimez l’arme nucléaire, les gros bataillons – c’est-à-dire les armes classiques – vont l’emporter, et l’on se trouvera alors dans une position d’extrême faiblesse.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Très bien !

M. Jacques Myard. Il ne faut donc pas aller dans cette voie ; ce serait véritablement une faute structurelle.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Nicolas Bays. Il faut croire dans le pouvoir des fleurs !

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Nous avons de très nombreux désaccords avec le Gouvernement et la majorité actuels mais, concernant la dissuasion nucléaire, nous suivrons sans états d’âme l’avis de la rapporteure et du ministre.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je veux dire à M. Myard et à M. Meunier que je ne relançais pas le débat de fond de l’utilité de la stratégie de dissuasion nucléaire.

M. Jacques Myard. Mais si !

M. François de Rugy. Je me borne à présenter un amendement qui a pour objet la présentation d’un rapport, ce qui donnerait une idée du coût du démantèlement des composantes de la dissuasion nucléaire.

Je voudrais répondre à Mme la présidente de la commission, dont je salue toujours le travail, que je ne souscris pas à l’argument selon lequel le fait de disposer d’un rapport sur le coût du démantèlement pour la France nous affaiblirait. Ce serait un acte d’anticipation concourant, en quelque sorte, à une bonne gestion des deniers publics puisque les installations nucléaires finissent toujours, tôt ou tard, par être démantelées – elles ont, pour ainsi dire, une fin de vie.

M. Jacques Myard. Comme les écolos !

M. François de Rugy. Je ne souscris pas du tout je le répète, à l’argument avancé ; je crois que le secret défense, qui peut naturellement s’appliquer à un certain nombre de sujets relatifs à nos équipements actuels, n’a pas du tout à s’appliquer au coût du démantèlement.

(L’amendement n4 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n9.

M. François de Rugy. Cet amendement vise à inscrire dans la loi de programmation militaire actualisée un signal en faveur de l’Europe de la défense. Notre collègue M. Folliot est d’ailleurs intervenu sur ce sujet en commission, et il me semble qu’un amendement a été adopté.

Nous considérons qu’il ne faut pas être naïf ou béat en ce qui concerne l’Europe de la défense. Il y a malheureusement un manque de volonté de la part des États européens sur ce sujet difficile. En outre, les institutions européennes ne sont à l’évidence pas calibrées pour conduire une politique de défense. Le manque de légitimité politique est patent, l’incapacité à décider également.

Inscrire dans nos priorités stratégiques le renforcement des coopérations, des projets concrets nous paraît de ce point de vue essentiel. C’est grâce à de tels leviers que se construit l’Europe de la défense, monsieur le ministre, et vous avez d’ailleurs déjà œuvré dans ce sens sur certains sujets, notamment l’industrie de la défense. Notre souhait est donc de conforter une telle orientation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. L’avis de la commission est favorable, ce qui est cohérent avec le fait que celle-ci a accepté une résolution sur le sujet, sur l’initiative de Joaquim Pueyo et d’Yves Fromion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, nous serons quelques-uns, je pense, parmi Les Républicains, à voter contre cet amendement.

M. Philippe Nauche. Les républicains de droite !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Tous les républicains ne pensent pas la même chose !

M. Nicolas Dhuicq. Nous venons en effet de débattre de la dissuasion, qui a ceci de particulier qu’elle ne se partage pas et doit s’appuyer sur un Président de la République, un chef qui prenne rapidement les décisions.

L’Europe de la défense est un vœu pieu. Il a été question tout à l’heure de hausse du budget mais il faut raison garder et comparer la taille des pays qui augmentent leur budget. Quand on me parle de l’augmentation du budget de la défense de la Lituanie, je me demande combien de divisions ce pays compte par rapport à la Pologne ou à la Chine, qui construit une flotte gigantesque et extrêmement puissante aujourd’hui.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis. Et l’Allemagne ?

M. Nicolas Dhuicq. Nous pensons qu’il est plus raisonnable d’envisager des coopérations entre États et entre nations que d’envisager une structure qui ne fonctionnera pas, parce que les nations et les États n’ont pas forcément les mêmes intérêts. Nous venons d’évoquer la Libye ; je ne pense pas que l’Italie avec ENI défende les mêmes intérêts que la France avec Total. Il s’agit simplement du principe de réalité.

Cessons de rêver, revoyons nos accords, surtout avec les Britanniques, car dès que nous nous rapprochons de ces derniers nous obligeons les Allemands à revenir vers nous. Aujourd’hui, au contraire, nous courons tellement vite que nous vendons même nos joyaux de famille aux Allemands.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. L’Europe de la défense est quelque chose d’important, et je ne souscris pas du tout aux propos de notre collègue M. Dhuicq. On ne peut pas, comme certains le souhaitent, à la fois s’affranchir d’une forme de tutelle ou de forte participation américaine dans la défense du continent par le biais de la remise en cause de notre participation à l’OTAN et refuser, récuser l’Europe de la défense.

M. Nicolas Bays. Très juste !

M. Philippe Folliot. Un continent ne peut assumer son rayonnement et sa responsabilité que s’il est capable de se défendre. Or force est de constater qu’aujourd’hui nous ne sommes malheureusement pas en mesure de le faire. Le fait de mutualiser certains moyens ne revient pas à créer une défense européenne, qu’il faut bien distinguer d’une Europe de la défense, à laquelle nous sommes, mes collègues centristes et moi-même, fort attachés, car il s’agit d’un enjeu essentiel.

Compte tenu de la toute-puissance américaine, de ce qui a été dit tout à l’heure sur le réarmement de la Russie, de l’hyperpuissance chinoise, si nous ne voulons pas que notre continent soit asservi à moyen terme, il va nous falloir mutualiser nos efforts en matière de défense. C’est pourquoi nous sommes favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je voudrais simplement répondre à M. Dhuicq que les débats sur cet article, qui prennent un peu plus de temps que prévu, sont tout de même éclairants.

M. Nicolas Dhuicq. Tout à fait !

M. François de Rugy. Nous comprenons en effet que vous préférez l’alliance « grand-russe », une Europe où on laisserait l’ascendant à la stratégie de puissance de la Russie et à son expansionnisme, plutôt qu’une Europe où l’on renforcerait la coopération entre les États européens qui le souhaitent…

M. Nicolas Dhuicq. Ce serait le pire !

M. François de Rugy. …afin de les rendre plus autonomes, pour reprendre les termes de M. Folliot, et de mutualiser leurs moyens, évitant ainsi à chaque pays d’augmenter ses dépenses militaires.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. « En attendant Godot », pour reprendre le titre de la pièce de Beckett, on continue de rêver.

Monsieur le ministre, madame la rapporteure, où est la logique de votre position dès lors que, dans le traité sur l’Union européenne vous avez approuvé et adopté l’article 42, alinéa 2, qui stipule que, pour les États membres à la fois de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique, le cadre de la défense est l’OTAN ? L’affaire est donc réglée ! Vos petits partenaires sont pieds et poings liés dans cette alliance et n’ont que faire de la défense européenne.

M. François de Rugy. Vous préférez la Russie !

M. Jacques Myard. On peut bien entendu envisager des projets sur un certain nombre de points, mais ne rêvez pas ! L’Europe de la défense relève de l’utopie, l’affaire est réglée. Nos partenaires européens sont pour l’OTAN, un point c’est tout ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Nicolas Bays. Sarkozy aussi ! Sarkozy est le zélateur de l’OTAN !

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Je suis un peu surpris de l’intervention de notre collègue, car l’Europe de la défense n’est en aucun cas une utopie. Nous allons vers sa construction, pierre après pierre.

M. Jacques Myard. Voilà bien longtemps que la première pierre a été posée !

M. Joaquim Pueyo. Yves Fromion et moi-même assistons chaque année à la conférence interparlementaire sur la politique étrangère et de sécurité commune et sur la politique de sécurité et de défense commune et je crois pouvoir dire que cette idée avance parmi les parlementaires de chaque pays ; nous avons pu le constater récemment à Riga.

Par ailleurs, certains dispositifs commencent à produire leurs effets, même s’ils restent insuffisants, à l’instar du mécanisme Athena, qui prend en compte certaines dépenses, même s’il est vrai que nous souhaiterions, pour notre part, que les efforts fournis dans le cadre des opérations extérieures par certains pays, notamment la France, soient mieux compensés par l’Union européenne.

Tout dépend bien entendu de la physionomie que l’on entend donner à l’Europe à l’avenir. Si l’on veut que l’Europe soit une fédération de pays unie, il faudra, compte tenu des enjeux internationaux, aller vers une Europe de la défense.

M. Philippe Vitel. Cela ne fonctionne pas !

M. Joaquim Pueyo. La Chine augmente son budget militaire de façon considérable, ce qui représente un danger à venir. Nous avons intérêt à mutualiser certains moyens, à développer les coopérations…

M. Jacques Myard. Les coopérations bilatérales !

M. Joaquim Pueyo. …et à aller vers l’Europe de la défense. Ce ne sera pas facile, ce sera un travail de longue haleine, mais il me semble que l’Europe de la défense est à même de susciter l’adhésion, à un moment où les opinions publiques doutent de l’Europe. J’appartiens pour ma part à une génération qui n’a vécu ni la guerre de 1939-1945 ni celle de 1914-1918.

M. Jacques Myard. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Luc Laurent. Le dernier poilu est décédé dans ma commune !

M. Joaquim Pueyo. Il me paraît juste de remercier tous ceux qui ont agi pour la construction européenne et pour la paix, tout simplement.

(L’amendement n9 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n48.

M. Philippe Folliot. Nous proposons par cet amendement, qui a également trait à l’Europe de la défense, de faire de Strasbourg, lieu à haute valeur symbolique pour la démocratie et la paix en Europe, puisque c’est le siège du Conseil de l’Europe, le pivot de l’Europe de la défense, ce qui paraît idoine compte tenu de la présence de l’état-major de l’Eurocorps, et le pendant de l’Europe politique et parlementaire.

À l’instar du collège de l’OTAN de Rome, qui forme les futurs officiers insérés dans les états-majors de l’Organisation, il est indispensable de commencer par créer un corps d’officiers de toutes les armées issues des vingt-huit États membres formés au même creuset.

Cette proposition vise par conséquent à créer une école de guerre européenne qui serait un lieu emblématique distinct des organismes existants ou des branches internationales des écoles de guerre française, allemande, espagnole ou britannique.

Ses cadres et stagiaires seraient issus de l’ensemble des pays de l’Union européenne et seraient formés à Strasbourg.

En agissant en interconnexion avec le pôle de la politique de sécurité et de défense commune de Strasbourg, nous proposons également de créer en France un quartier général européen de conduite des opérations militaires au Mont Valérien, qui a déjà été utilisé lors de précédentes opérations militaires européennes, notamment l’opération EUFOR Tchad/RCA, en 2008.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

(L’amendement n48 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n10.

M. François de Rugy. Cet amendement vise également à renforcer l’Europe de la défense. Il s’agit cette fois-ci d’inscrire de façon plus précise la question de la mutualisation dans un certain nombre de domaines clés de l’intervention extérieure, notamment le transport, la logistique et la mobilité.

(L’amendement n10, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n47.

M. Philippe Folliot. Dans le cadre des opérations extérieures, la France se retrouve bien souvent en première ligne – et parfois un peu seule. Elle intervient notamment en Afrique, si les États concernés en ont fait la demande, pour assurer une certaine stabilité et restaurer la paix. Elle le fait parfois aussi pour sa propre sécurité et celle de l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

Cependant, force est de constater que la France assume bien souvent seule les charges financières et paie, de surcroît, le prix du sang ; ainsi que cela a été rappelé tout à l’heure, onze hommes sont morts en 2013 et 2014 dans le secteur de la bande sahélo-saharienne, et de nombreux autres ont été blessés.

Il existe des mécanismes à l’échelle européenne, tel Athena. Ce dernier est toutefois très marginal et restrictif. L’objet de cet amendement est donc de lancer un débat pour susciter une prise de conscience de l’ensemble de nos partenaires européens, qui doivent participer. J’irai même jusqu’à dire qu’il faudrait qu’une part du budget de l’Europe soit dédiée aux opérations de maintien de la paix.

C’est un point essentiel, fondamental. À l’heure où nombre de nos concitoyens sont quelque peu inquiets de l’avenir de l’Europe, voire mécontents à son endroit, ce serait une façon pragmatique, réaliste et concrète de les réconcilier avec l’Europe, car dans ce cadre-là, elle aurait un apport concret. En outre, elle permettrait de mutualiser des charges que notre pays assume bien souvent seul pour des opérations menées au nom de l’ensemble de nos partenaires européens.

(L’amendement n47, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n30 rectifié.

M. Jean-Jacques Candelier. Nous proposons l’interdiction internationale des armes nucléaires.

Avec leurs collègues écologistes, les députés du Front de gauche ont d’ailleurs déposé la proposition de résolution n2471. La dissuasion nucléaire coûte chaque jour 10,8 millions d’euros à notre pays. L’austérité qui détruit nos services publics ne s’applique pas aux armes nucléaires, dont la dangerosité pour les civils n’est pourtant pas à démontrer. Aucun des États dotés d’armes nucléaires n’est prêt à renoncer à son arsenal dans un avenir prévisible. Il faut débloquer ces situations qui provoquent une tension entre les puissances.

La course à l’armement et l’hypocrisie doivent cesser. Il faut aller dans le sens d’un désarmement complet, sur le modèle du traité prohibant les armes chimiques. Pourquoi ce qui est possible pour ces armes-là, à savoir l’interdiction, ne le serait-il pas pour les armes nucléaires, qui sont encore bien plus destructrices ?

Cent vingt-neuf pays se sont à ce jour prononcés pour l’adoption rapide d’une convention globale relative aux armes nucléaires, interdisant la détention, la mise au point, la fabrication, l’acquisition, la mise à l’essai, l’accumulation, le transfert, l’emploi ou la menace d’emploi, et prévoyant leur destruction. L’Union interparlementaire, dont la France est membre, a adopté par consensus, lors de sa cent trentième assemblée du 20 mars 2014, une résolution pour un monde exempt d’armes nucléaires. Le Parlement ferait œuvre utile en engageant le Gouvernement à aller à la négociation sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Défavorable, bien sûr. La dissuasion est au cœur de nos engagements et de notre sécurité nationale.

M. Olivier Audibert Troin. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

(L’amendement n30 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n50.

M. Philippe Folliot. La cyberdéfense et la cybersécurité sont des éléments importants de notre défense. Je ne peux à cet égard que saluer votre action et celle du Gouvernement, monsieur le ministre, pour prendre en compte la menace et augmenter les moyens en conséquence. Il s’agit là d’une des fragilités de notre société. La loi de programmation militaire met en exergue les capacités défensives, mais aussi offensives, que nous devons développer.

L’objet de cet amendement est de préciser la nature de nos engagements en la matière, en reprenant notamment les points du rapport de notre collègue sénateur du Haut-Rhin Jean-Marie Bockel, intitulé : La Cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale. Les préconisations de ce rapport parlementaire avaient fait l’objet d’un large consensus. Nous proposons de les inscrire dans la loi de programmation militaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Elle a repoussé l’amendement car la question de la cyberdéfense est déjà au cœur du Livre blanc. Les recommandations y sont inscrites et elles sont actées par le Gouvernement, qui s’est engagé en matière d’augmentation des effectifs et de moyens financiers et techniques. Au moins 1 000 militaires et civils seront recrutés pour travailler dans ce domaine. L’avis est donc défavorable, même si nous partageons la volonté de M. Folliot de développer ce secteur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Tout en saluant l’engagement de M. Folliot en faveur de la cyberdéfense, je crois que son amendement est redondant avec tout ce qui se fait, y compris la mise en œuvre des recommandations du rapport de M. Bockel, que j’applique déjà. J’approuve donc l’esprit mais je considère que la forme n’est pas nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Je comprends les intentions de M. Folliot. Notre pays possède, je crois, une forte avance sur ses voisins dans ce domaine. Il dispose en particulier d’une stratégie élaborée après le Livre blanc, le « Pacte Défense Cyber » et ses cinquante actions.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Merci de le rappeler, monsieur Vitel !

M. Philippe Vitel. Si un document devait figurer en annexe, ce serait ce pacte. Peut-être cela pourrait-il être proposé lors de l’examen au Sénat.

Il faut en tout cas y travailler. Ce qui importe avant tout, en matière de cyberdéfense, c’est la prise de conscience collective. Tous les éléments qui contribueront à y parvenir sont bienvenus.

(L’amendement n50 n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 18, 19 et 20 de Mme Adam sont rédactionnels.

Mme Patricia Adam, rapporteure. En effet, monsieur le président.

(Les amendements nos 18, 19 et 20, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n31.

M. Jean-Jacques Candelier. La stratégie du ministère de la défense ne va pas dans le bon sens : aucune remise en cause des ventes des biens du ministère, fermeture d’hôpitaux et de casernes… La liste est longue ! La perte d’indépendance de notre défense nationale vis-à-vis des sociétés privées et des contraintes financières imposées par les marchés financiers et les banques conduit le politique à être à la remorque de l’économique.

Certains diront qu’il n’y a pas de rapport – même s’il y en a un –, mais environ 60 % de notre dette n’est pas légitime, selon le collectif pour un audit citoyen de la dette publique. Je pourrais parler des revenus financiers des entreprises, ou encore de l’évasion fiscale : l’argent est bien là pour opérer d’autres choix pour la nation.

Dans un domaine régalien comme la défense, c’est la politique qui doit guider la stratégie de nos productions industrielles de défense. L’industrie de la défense est le symbole de cette souveraineté. Il ne s’agit pas d’un domaine comme les autres et les armes ne sont pas des produits comme les autres. Il faut un véritable contrôle public. L’industrie de défense, pour des raisons de sécurité, de savoir-faire et de souveraineté, ne doit pas être régie par le privé.

C’est pourquoi nous proposons par cet amendement un contrôle public des industries de défense.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Elle a repoussé l’amendement. Il n’est pas question de revenir à un contrôle à 100 % public de nos industries de défense. Actuellement, la participation de l’État au sein de ces entreprises lui permet de toute façon de continuer à exercer pleinement ses droits d’actionnaire au service d’une vision stratégique des industries de défenses. Le Gouvernement y est particulièrement attentif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

(L’amendement n31 n’est pas adopté.)

M. le président. Vous avez de nouveau la parole pour soutenir l’amendement n32, monsieur Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Je me réjouis que la commission soutienne cet amendement.

Le 8 décembre 2008, le Conseil de l’Union européenne a adopté une position commune visant à fixer un cadre aux exportations d’armements. Les licences d’exportation doivent être accordées aux exportateurs établis en France après que l’autorité administrative se sera notamment assurée : de l’absence de risque manifeste que les matériels de guerre et matériels assimilés dont l’exportation est envisagée servent à la répression interne, à de graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire dans le pays destinataire ; que ces matériels ne risquent pas de provoquer ou de prolonger des conflits armés ou d’aggraver des tensions ou des conflits existants dans le pays destinataire ; de l’absence d’un risque manifeste d’utilisation de ces matériels de manière agressive contre un autre pays pour faire valoir par la force une revendication territoriale.

Ces critères ne peuvent rester une pétition de principe, et je remercie la commission de suivre cette position. Je m’interroge seulement sur leur respect par certains pays auxquels nous vendons des armes, par exemple Israël. Les critères ne sont pas respectés dans ce cas : c’est surtout l’acte de vendre qui compte. Nous proposons donc cette piqûre de rappel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Comme l’a indiqué M. Candelier, il est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

(L’amendement n32 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n67.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement concerne la condition militaire.

Le ministère de la défense s’appuie sur plusieurs bailleurs sociaux pour assurer le logement des militaires, particulièrement en Île-de-France où la crise du logement est aiguë.

Des personnels militaires en fin de contrat ou d’autres personnes, lorsqu’interviennent des accidents de la vie – séparation, divorce, veuvage –, peuvent avoir l’obligation de quitter leur logement et rencontrent de grandes difficultés, compte tenu de la cherté de l’immobilier, pour trouver un nouveau logement. Il en résulte des situations très difficiles, devant lesquelles les personnes concernées sont démunies.

Sans créer une sorte de droit au logement opposable, il convient d’assurer un suivi attentif du relogement des personnes, en particulier celles qui remplissent les conditions d’accès à un logement social.

Par cet amendement, je souhaite appeler votre attention sur l’article L. 442-7 du code de la construction et de l’habitation, dont l’application se traduit, pour les ressortissants civils et militaires du ministère ou, parfois, pour les conjoints survivants, par l’impossibilité de se maintenir dans les lieux ou par des augmentations de loyer. Il importe d’avoir une gestion humaine et sociale de ces situations. C’est pourquoi je propose de compléter l’alinéa 344 du rapport annexé par la phrase suivante : « Dans le cadre des conventions qui le lient aux bailleurs sociaux, notamment la Société nationale immobilière, le ministère de la défense assure un suivi individuel des possibilités de relogement des personnels militaires en fin de contrat, ainsi que des conjoints survivants ou des anciens conjoints. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Elle a repoussé l’amendement pour deux raisons.

D’abord, on ne peut demander au ministère de la défense d’assurer le suivi individuel des possibilités de relogement des personnels militaires en fin de contrat ou, comme il a été dit, des veuves ou des anciens conjoints. Ce n’est pas son rôle : cela relève du droit commun.

Ensuite, les attributions de logements sociaux, en particulier ceux de la Société nationale immobilière, la SNI, sont particulièrement contraintes. La disposition donnerait un net avantage à ces personnes au détriment du logement des militaires d’active, ce qui n’est pas pensable aujourd’hui compte tenu du parc existant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Dans mon département, deux problèmes se superposent : la forte densité militaire et le coût élevé du foncier. La question soulevée par M. Laurent, nous y sommes confrontés quotidiennement. S’il semble difficile d’inscrire dans la loi un dispositif opposable, il n’en reste pas moins que c’est un vrai problème et que nous devons y travailler.

Peut-être, madame la présidente Patricia Adam, la commission de la défense pourrait-elle consacrer un rapport au logement des militaires en général et au sujet particulier des militaires qui, en fin de contrat, se retrouvent à la rue.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. J’ai bien entendu le double avis défavorable de la commission et du Gouvernement, mais permettez-moi d’insister : il faut vraiment se pencher sur la question. Il ne s’agit pas, dans mon esprit, de demander que les personnes restent dans les lieux,…

M. Philippe Vitel. Bien sûr !

M. Jean-Luc Laurent. …mais d’examiner les situations afin qu’elles ne subissent pas des majorations de loyer de 50 % tous les six mois, n’ayant à la fin pas d’autre solution que de partir. Une gestion humaine est nécessaire : il faut regarder avec les personnels sociaux du ministère les situations qui existent en fin de contrat, et voir comment établir un partenariat avec les bailleurs sociaux – dont la SNI, premier bailleur au niveau national. L’idée, bien entendu, n’est pas d’empêcher le logement des nouveaux personnels de la défense, mais de ménager des parcours résidentiels à la sortie.

Je connais bien le sujet car ma commune du Kremlin-Bicêtre compte 1 200 logements de ce type. Aujourd’hui, soixante personnes demandent un autre logement parce qu’elles ne peuvent pas rester. J’ai eu à gérer des situations dans lesquelles des veuves ou des personnes divorcées se retrouvaient à la rue. Les villes ne peuvent faire face seules : il doit y avoir une autre construction afin de permettre une gestion humaine.

M. Jean-Jacques Candelier. La question est pertinente !

(L’amendement n67 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n46.

M. Philippe Folliot. Cela a été dit à plusieurs reprises, la défense est le premier employeur de jeunes non diplômés. C’est un effort, et un élément important en matière de cohésion sociale.

Cet amendement vise à favoriser l’accès aux filières militaires d’excellence en développant l’admission dans les lycées de la défense d’enfants de nationalité française issus de milieux modestes, dont les parents ne sont pas ressortissants du ministère de la défense ou de la fonction publique.

Il est proposé de créer de nouveaux lycées militaires – en plus des six existants –, et ce afin de ne pas impacter l’accueil des enfants de militaires et de fonctionnaires, raison de leur création. Cette proposition vise à favoriser l’égalité des chances et a pour objectif majeur la mixité sociale. Pour cette raison, ces nouveaux lycées seraient plus particulièrement créés dans les départements comportant une forte proportion de zones d’éducation prioritaire.

Au niveau des moyens, les crédits relatifs à leur fonctionnement seront transférés du ministère de l’éducation nationale vers celui de la défense, dans le cadre du service public de l’enseignement. En ce qui concerne les infrastructures, celles-ci pourraient être réaménagées sur des emprises vacantes de l’État, et plus particulièrement du ministère de la défense, avec le concours financier des régions concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement est en partie satisfait, dans la mesure où 15 % des élèves des lycées militaires sont boursiers, et ne sont pas des enfants de militaires. La défense participe donc grandement à l’accueil de ces jeunes. On pourrait effectivement espérer qu’il y en ait davantage, mais il faudrait pour cela revenir à meilleure fortune de nos finances. C’est un sujet sur lequel je ne m’aventurerai pas à cette heure-ci !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

(L’amendement n46 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n49.

M. Philippe Folliot. Je suis sûr que cet amendement recueillera un avis très favorable de l’ensemble de la représentation nationale. En effet, le renforcement du lien armées-jeunesse dès la période scolaire passe aussi par la création de préparations militaires jeunes, sur le modèle des « Bataillons scolaires », créés en 1882, mettant déjà en exergue la gymnastique, les exercices militaires au nombre des matières d’enseignement des écoles primaires publiques de garçons, faisant de l’école un centre de préparation et d’instruction militaire.

Bien que les ministères de l’intérieur et de la défense se soient penchés sur la création des cadets, il n’existe actuellement, en France, qu’une seule organisation comparable, celles des Jeunes Sapeurs-Pompiers qui, au nombre de 28 000, pallient les difficultés de recrutement des pompiers volontaires.

Pour trouver une déclinaison moderne du lien armées-jeunesse, c’est résolument vers le Royaume-Uni qu’il faudrait se tourner. Les trois branches des « cadets » permettent ainsi aux élèves des collèges et lycées volontaires de suivre jusqu’à l’âge de 18 ans une formation militaire régulière sous la responsabilité de personnel militaire spécialement affecté à cette tâche. L’encadrement pourrait en être assuré par des réservistes.

Les résultats – 30 % des cadets poursuivent, à l’issue, une carrière militaire en active ou en réserve – pourraient ainsi constituer un utile modèle pour cette réflexion à engager aussi en France. Ces instruments d’intégration et d’animation sociaux peuvent être de puissants outils de revitalisation de la résilience de la population face aux défis des insécurités qui touchent notre territoire et nos intérêts à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. L’amendement est en partie satisfait, puisqu’il existe déjà de nombreux dispositifs – cadets de la défense, école des mousses, service militaire volontaire, classes de défense, stages et tutorats. Le ministère de la défense participe largement à cet objectif. D’autre part, je rappelle que le ministre a nommé, dès juillet 2012, un délégué ministériel à la jeunesse et à l’égalité des chances, en charge de ces questions. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n49 n’est pas adopté.)

(L’article 1er et le rapport annexé, amendés, sont adoptés.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Si les ressources exceptionnelles n’étaient pas présentes, pourquoi l’étaient-elles au commencement de la première loi de programmation militaire ?

D’où tirez-vous l’argent, puisqu’il doit bien exister ? S’agit-il d’une augmentation d’impôts ? D’une augmentation de la dette ou de transferts d’un ministère vers l’autre ?

Enfin, où se trouve la dette du Vladivostok et du Sebastopol, que vous vous entêtez à ne pas vouloir livrer à la Fédération de Russie, et qui la paiera ?

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Avec l’article 2, nous allons savoir si vous avez les moyens de votre ambition, monsieur le ministre. Au premier regard, nous avons le sentiment, chez les Républicains, que vous avez tenu compte des critiques que nous avions exprimées en décembre 2013. Ainsi, vous réduisez à 18 750 hommes la déflation des forces, qui était trop importante. C’était indispensable : pour 2015, vous étiez quasiment dans l’incapacité de déflater de 7 500 hommes, ainsi que le chef d’état-major des armées nous l’indiquait il y a encore quelques mois.

Vous transformez les REX en crédits budgétaires. Vous les supprimez, dites-vous. Mais comment pouvez-vous supprimer des REX qui n’existaient pas, puisque lors de l’examen du budget pour 2014, monsieur le ministre, vous expliquiez que la vente des fréquences interviendrait en 2016, voire en 2017 ? Supprimer quelque chose qui n’existe pas est une façon habile de présenter les choses – vous les transformez en exercice budgétaire.

Venons-en aux moyens. J’ai bien noté que 3,8 milliards d’euros sont mis sur la table, dont 2,8 milliards sont destinés à financer l’opération Sentinelle et les 11 000 hommes supplémentaires de la FOT, ce qui permettra aux militaires de récupérer. Les officiers pourront ainsi préparer ces hommes notamment à ce qui fait le sel de leur engagement pour la nation : les opérations extérieures.

Il reste encore beaucoup d’incertitudes, que j’espère voir levées à l’occasion de ce débat, monsieur le ministre. Je pense en particulier aux coûts de facteurs. Vous avez eu beau tenter de nous rassurer tout à l’heure, il manque beaucoup d’éléments, de la documentation, en dépit des questions que nous avons posées. Les industriels eux-mêmes n’ont pu nous expliquer où vous pourriez trouver ces coûts de facteurs et dégager ce milliard d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le député.

M. Jean-François Lamour. Je voudrais également évoquer les cessions immobilières, qui poseront question, notamment selon ce que l’on construira sur l’îlot Saint-Germain. En tant qu’élu parisien, je sais les combats qu’il vous faudra mener contre la maire de Paris. C’est la raison pour laquelle je pense qu’une clause de sauvegarde est nécessaire, en particulier en ce qui concerne les coûts de facteurs.

Enfin, je me vois contraint de recourir à un artifice pour évoquer la clause de sauvegarde, un sujet crucial pour la suite de la LPM : je défendrai un amendement prévoyant un rapport sur ce sujet. J’espère que ces débats nous permettront d’obtenir des précisions, que vous aurez à cœur de nous apporter, j’en suis sûr.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je voudrais revenir sur un sujet que j’ai développé à plusieurs reprises, celui des cessions immobilières du ministère de la défense. Il est vrai que cette adaptation fait moins appel aux ressources exceptionnelles que la loi de programmation militaire initiale : on ne peut que vous en donner acte, monsieur le ministre. C’était du reste un des motifs de l’opposition du groupe UDI à la loi initiale : nous estimions que ces ressources exceptionnelles ne seraient pas au rendez-vous, et nous avions raison.

L’aléa, s’il est moins fort aujourd’hui, existe toujours, et il est de taille. Il existe une contradiction entre la volonté du Gouvernement de produire des recettes exceptionnelles ayant trait à la défense et la loi Duflot, qui prévoit que l’immobilier dont l’État souhaite se débarrasser peut être affecté de manière prioritaire et quasi gracieuse aux collectivités, pour construire des logements sociaux. Cela n’est pas neutre, notamment pour l’îlot Saint-Germain : si la mairie de Paris souhaite réaliser quelques centaines de logements sociaux au cœur de la capitale, là où il y en a peu, en récupérant le foncier pour très peu cher, c’est in fine le ministère de la défense qui en assumera la charge. Cela serait en contradiction totale avec les objectifs.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le député.

M. Philippe Folliot. Face à cette difficulté, monsieur le ministre, nous soutiendrons la position du ministère de la défense et souhaiterions que vous nous rassuriez sur ce point.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour soutenir l’amendement n58.

M. Olivier Audibert Troin. L’équilibre financier de l’actualisation tient compte des économies réalisées au titre des coûts de facteurs. Nous pourrions ainsi continuer de bénéficier d’indices favorables, avec une baisse de l’inflation et du coût du pétrole. Comme l’a rappelé Jean-François Lamour, une clause de sauvegarde paraît toutefois indispensable. Elle figure d’ailleurs dans le rapport annexé, mais pas dans la partie normative de la loi.

Le diable se cachant dans les détails, il ne faudrait pas in fine que les services financiers de l’État aient une lecture excessivement restrictive. Il est donc important que le texte garantisse explicitement l’obtention de l’intégralité des ressources, même en cas de hausse du prix des carburants, d’autant que ce milliard d’euros prévu sur les économies au titre des coûts de facteurs est destiné à l’équipement de nos forces armées. Cet amendement tend donc à inscrire dans la partie normative la clause de sauvegarde portant sur les carburants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Réunie dans le cadre de l’article 88, la commission a repoussé sans débat cet amendement. Nous sommes cependant d’accord sur l’idée d’une clause de sauvegarde, laquelle figure d’ailleurs dans le rapport annexé. Vous demandez qu’elle soit incorporée dans la partie normative, ce à quoi, à titre personnel, je ne suis pas du tout défavorable. Cependant, il vous faudra demander aux sénateurs de prévoir un amendement qui aurait pour objet de « sortir » cette clause du rapport annexé. Sous cette réserve, nous pourrions accepter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai évoqué tout à l’heure l’exigence vigilante de M. Audibert Troin, qui est encore au rendez-vous. Je laisse au Parlement le soin de l’apprécier, dans sa sagesse.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Nous nous réjouissons que vous entendiez nos craintes répétées, car effectivement, ces ressources pourraient se tarir. Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser si les économies liées à la baisse du coût du pétrole font partie du milliard d’euros que vous destinez à l’équipement de nos forces ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Le groupe UDI approuve pleinement cet amendement, qui va dans le sens de la réduction des facteurs d’aléas, auxquels je faisais référence tout à l’heure.

(L’amendement n58 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement n23.

M. Jean-François Lamour. Nous en venons à ces fameux coûts de facteurs. Vous nous expliquiez tout à l’heure, monsieur le ministre, que tout était calé et que vous aviez défini, dans une inspection conjointe entre la défense et Bercy le volume, l’enveloppe générale de ces coûts de facteurs. Il n’en reste pas moins qu’à l’occasion de nos auditions, peu nombreuses mais intéressantes, nous nous sommes révélés incapables d’en déterminer les grandes lignes. En tout cas, exercice après exercice, nous constatons la décomposition des économies ou de ce que j’appellerais le supplément de pouvoir d’achat que vous étiez en capacité d’exprimer pour répondre à un sujet qui n’est pas négligeable. Certes, vous embauchez – ou du moins vous réduisez la déflation – mais encore faut-il équiper ces soldats supplémentaires. À quoi servirait-il en effet de recruter ou de réduire la déflation si nos troupes ne disposent pas d’un matériel de qualité ? Et ce matériel n’est pas des moindres : du NH90, du TIGRE, des pods de désignation, des FTI, sans parler d’autres équipements et d’autres navires, indispensables à notre marine.

Monsieur le ministre, nous aimerions avoir des précisions sur l’expression de ce pouvoir d’achat supplémentaire et même que vous nous donniez un exemple, pour nous rassurer. L’exercice 2014 vient de se conclure. La Cour des comptes a rendu son rapport et s’est exprimée devant la commission des finances. Elle a fait état, comme d’habitude – mais vous nous avez expliqué comment vous souhaitiez financer les opérations extérieures – du décalage entre le plancher à 450 millions et la réalité de ces opérations extérieures. En revanche, pas un mot sur les coûts de facteurs. Or, il semble que le milliard que vous nous proposez entre 2016 et 2019 doit pouvoir être, déjà, au moins ventilé, d’une part, et d’autre part exprimé d’une manière plus précise pour nous rassurer. Si nous ne le sommes pas, je ne vous cache pas, monsieur le ministre, qu’il nous faudra un rapport – c’est l’objet de cet amendement – mais surtout le déclenchement d’une clause de sauvegarde pour le cas où ce pouvoir d’achat supplémentaire ne serait pas au rendez-vous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Nous avons émis un avis favorable car nous partageons le même souci que M. Lamour quant à la stricte application de la loi de programmation militaire. Je me suis exprimée sur ce point. C’est vrai que l’urgence du texte et les différentes auditions ne nous ont pas permis, vous avez eu raison de le dire, d’entrer dans le détail – un certain nombre de facteurs sont concernés. En tant que présidente de la commission de la défense, je m’engage, après mon collègue des finances, à ce que nous puissions réaliser ce contrôle sur pièces et sur place, afin d’en rendre compte, comme nous l’avons toujours fait, à nos commissions respectives.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je comprends la préoccupation de M. Lamour, et il le sait puisque j’ai essayé d’apporter des éléments importants dans ma réponse, tout à l’heure.

M. Jean-François Lamour. La « compréhension » appelle des preuves, monsieur le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis favorable à la documentation des preuves. Vous m’avez interrogé sur ce gain de pouvoir d’achat qui découle d’indices plus favorables aujourd’hui qu’en décembre 2013. Après un échange parfois quelque peu tonique entre le contrôle général des armées et l’inspection des finances, nous avons abouti au résultat d’un milliard d’euros. Je sais très bien que ces facteurs vont et viennent et qu’ils ne seront peut-être pas au rendez-vous demain mais, aujourd’hui, ils sont là. Vous avez souhaité que toutes ces données fassent l’objet d’un chiffrage étayé, documenté et chronologique. Il sera fait, comme je m’y suis engagé tout à l’heure. On pourrait citer exemple après exemple, mais ce sont de petits et de gros exemples, de la vie courante comme des capacités plus importantes. Ils démontrent en tout cas que ce milliard est disponible. Je souhaite que la commission des finances et la commission de la défense puissent en être informées régulièrement afin de lever toute ambiguïté sur notre capacité nouvelle d’investissement.

Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Je me permets d’insister sur un point, monsieur le ministre. La documentation est indispensable et elle aurait même pu arriver en même temps que la loi de programmation. Il est dommage qu’elle ne puisse pas nous permettre d’appréhender à juste titre un dispositif que nous ne connaissions quasiment pas avant que vous n’en parliez. Si je puis me permettre cette galéjade, c’est un peu comme le service des synthèses et du pilotage budgétaire.

Pour autant, mon amendement comportait un autre volet, celui de la clause de sauvegarde. Ce n’est pas le tout de nous fournir la documentation : si ce milliard n’est pas au rendez-vous, il nous semble à tous indispensable de déclencher une clause de sauvegarde, comme vous l’aviez d’ailleurs fait au tout début de la LPM. Nous avions à peine commencé l’exercice 2014 qu’était déjà déclenchée cette clause, qui permit pour partie, si mes souvenirs sont bons, de financer, au travers du programme d’investissement d’avenir, les salaires du CEA.

Monsieur le ministre, la question est double : elle est celle de la documentation et celle de la clause de sauvegarde. Vous ne nous avez pas rassurés. Nous avons interrogé les industriels qui sont concernés au premier chef puisque ces indicateurs économiques se rapportent essentiellement à la production d’équipement de nos forces. Or, ils n’ont pas été associés à cette double réflexion de la défense et de Bercy. C’est en tout cas ce que l’ensemble des industries de l’armement, en particulier DCNS et le CIDEF, nous ont dit. D’où notre question et notre inquiétude : comment se peut-il que les premiers intéressés n’aient pas été consultés lors de l’élaboration de cette myriade de paramètres qui détermineront le pouvoir d’achat supplémentaire vous permettant de dégager 1 milliard d’euros pour équiper des forces dont les matériels, utilisés partout dans le monde, ont besoin d’être en permanence améliorés et modernisés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Lamour, je comprends votre préoccupation mais si le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, c’est sur le texte complet de l’amendement.

M. Jean-François Lamour. Merci.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quant à votre observation relative aux donneurs d’ordres et aux industriels, ils ont des marchés avec des clauses de sauvegarde qui se réfèrent à des indices, des clauses de revoyure, lesquelles s’appliquent. Peut-être ne veulent-ils pas en faire état de manière trop publique, mais ces clauses s’appliquent.

(L’amendement n23 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement n22.

M. Jean-François Lamour. Il s’agit ici des cessions immobilières. Je ne vous parle même pas des cessions de matériels militaires puisque vous visez un objectif important de 50 millions par an. Or aujourd’hui, ces cessions ne représentent que 5 millions par an. Je ne vois pas comment vous allez décupler ainsi votre capacité à vendre du matériel militaire. Mais peut-être nous le direz-vous dans le cadre du collectif budgétaire.

S’agissant des cessions immobilières, pourriez-vous nous permettre d’y voir un peu plus clair, monsieur le ministre ? Qu’en est-il, ainsi, de l’îlot Saint-Germain ? Encore une fois, je l’ai dit tout à l’heure, c’est une emprise importante.

M. Philippe Folliot. Symbolique.

M. Jean-François Lamour. En tout cas suffisamment importante pour permettre d’abonder cette partie de la LPM ainsi que les budgets successifs jusqu’en 2019. De deux choses l’une : soit vous obtenez un prix qui corresponde effectivement à un urbanisme respectueux de la loi SRU – 25 % de logements sociaux et 75 % d’accession à la propriété –, soit vous vous laissez imposer la logique de la maire de Paris, au moins 50 % de logements sociaux, et alors votre bien est alors dévalué. Si c’est le cas, c’est autant qui ne rentre pas dans les caisses de votre ministère et que vous ne pouvez pas utiliser pour aider nos armées à se moderniser.

Quelle est votre position ? Pourquoi ne déclencherions-nous pas une clause de sauvegarde si ces 930 millions n’étaient pas au rendez-vous à l’issue de la LPM ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. 660 millions !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Cet amendement, examiné au titre de l’article 88, a été repoussé. Il est le même que le précédent, dans un domaine différent, celui des cessions immobilières. Personnellement, j’y suis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je m’en remets une nouvelle fois à la sagesse de l’Assemblée. Je comprends les préoccupations de M. Lamour. En matière de cession immobilière, les ressources exceptionnelles représentent 660 millions d’euros. Ce montant résulte d’un travail détaillé sur les cessions parisiennes et provinciales. Nous avons pris des hypothèses de décote en faveur du logement social. Ce chiffrage est raisonnable mais il ne m’empêche pas de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Suite à mon intervention sur l’article, je répète qu’on ne peut qu’être favorable à cet amendement qui va dans le bon sens. De surcroît, s’il y avait un retournement du marché de l’immobilier avec des prix de vente plus importants que ceux imaginés aujourd’hui, ce serait encore mieux pour nos forces. Cette proposition va dans le bon sens et le groupe UDI la soutiendra.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nous avions rejeté, en commission des finances, cet amendement tel qu’il avait été présenté par Jean-François Lamour. J’avais expliqué à l’époque qu’en raison du caractère plus certain de la cession des biens immobiliers, il n’y avait pas d’inquiétude à avoir. Compte tenu du débat, de la qualité des interventions de Jean-François Lamour dans un esprit constructif, et dans la mesure où nous avions examiné cet amendement au tout début de l’examen de l’actualisation de la LPM, je me range, à titre personnel, à l’avis de sagesse du ministre. C’est de bonne politique que, sur ces deux sujets, nous soyons, ensemble, vigilants. Dans ce cadre, je rejoins ce qu’a dit la présidente de la commission de la défense, nous mènerons ce travail de contrôle sur le sujet de l’amendement précédent pour que la question du coût des facteurs fasse l’objet d’une vigilance de tous les bancs et contribue à une actualisation de la LPM qui soit pleine et entière.

(L’amendement n22 est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, inscrit sur l’article 3.

M. Nicolas Dhuicq. Je reste encore très dubitatif sur la provenance de ces 3,8 milliards d’euros et je m’inquiète de la rédaction de l’article 4 qui montre bien que l’échéance de 2017 n’est sans doute pas anodine.

Vous nous proposez aujourd’hui à l’article 3 une déflation de 7 000 postes environ, en tout cas de 7 000 équivalents temps plein, au moment même où nos armées devraient faire une pause stratégique.

Je garde en tête l’exemple afghan, et je redoute que nous soyons dans la même situation au Mali, dans le désert. Je doute de nos capacités, au niveau humain et matériel, à maintenir un effort de guerre aussi long. Je doute psychologiquement des retentissements non seulement chez les Françaises et les Français, mais aussi chez les terriens qui vont être engagés dans l’opération de protection du territoire national non seulement dans une posture permanente que l’armée de terre avait quittée, mais de manière beaucoup plus forte et visible, et dont je doute que l’efficacité soit réelle.

Dans le même temps, je doute de la capacité de la Marine nationale à maintenir à flot certains bâtiments, parce que si nous avons bien des trous capacitaires en matière de défense anti-aérienne s’agissant de nos frégates, que j’ai évoqués, d’autres sont à venir, assez rapidement, quels que soient les achats de bâtiments. Je pense aux patrouilleurs, qui sont en quelque sorte des garde-côtes modernes.

Au moment où les flux migratoires vont aller crescendo, votre Gouvernement continue, encore une fois, une politique d’aides – qui provoque un véritable appel d’air à toute la misère du monde sur le territoire national – au lieu de redistribuer les crédits vers la défense, son industrie, ses hommes et ses femmes, et vers une aide au développement des pays concernés.

Nous sommes nous, Les Républicains, extrêmement inquiets de cette attitude, et nous avons l’impression, monsieur le ministre, que, quelles que soient vos qualités oratoires, le Gouvernement semble, lui aussi, assez inquiet s’agissant de ses propres capacités à maintenir ce cap jusqu’en 2017.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. L’article 3 de ce projet de loi vient alléger les objectifs de déflation de la LPM 2014-2019. Il vient donc stabiliser les effectifs globaux du ministère de la défense.

M. Nicolas Dhuicq. Avec 7 000 soldats de moins !

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Nous allons assister à un renforcement des effectifs de certaines fonctions liées à la protection du territoire national. L’armée de terre, dont le fonctionnement s’est trouvé bouleversé par le déploiement rapide et massif de l’opération Sentinelle, va voir ses effectifs augmenter de 11 000 hommes engagés pour participer à toutes les activités opérationnelles terrestres. Les recrutements nécessaires à cette montée en force ont commencé en mai 2015 et vont se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2016, pour qu’après une période de formation, les effectifs opérationnels atteignent, en juillet 2017, 77 000 hommes.

Une part importante de cette moindre déflation est également consacrée au renforcement des effectifs de nos services de renseignement : 900 postes supplémentaires sont créés, en plus des 300 déjà programmés dans la LPM. Pour ce qui concerne la cyberdéfense, le projet de loi prévoit de faire passer le nombre d’agents de 350 à au moins 1 000 d’ici 2019.

En raison de la spécificité des missions ciblées par cette moindre déflation, le rôle joué par le personnel militaire va nécessairement conduire à un accroissement de la proportion de militaires par rapport aux civils. Néanmoins, je tiens à réaffirmer l’importance du maintien de l’objectif de rééquilibrage des effectifs entre les personnels civils et militaires de la défense, notamment dans les activités de soutien et d’administration, telles que formulé par le Président de la République dans le Livre blanc de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 3.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n52.

M. Philippe Folliot. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Elle a repoussé cet amendement.

(L’amendement n52, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Avant l’article 4

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n45 portant article additionnel avant l’article 4.

M. Philippe Folliot. L’amendement n52 concernait le maintien des forces de souveraineté sur l’ensemble de cette loi de programmation. Il est dommage qu’il n’ait pas été voté.

Pour autant, je voulais revenir, dans le cadre de ces éléments, sur un point abordé par un amendement que, malheureusement, nous n’allons pas pouvoir étudier car il a été rejeté – à mon avis de manière un peu injuste. Or c’est un élément important, car ce qui fait la force et la qualité de notre capacité d’engagement réside, tout d’abord, dans le cadre institutionnel qui fait qu’en France, le Président de la République a la capacité de pouvoir décider seul.

En effet, quand il est élu, il l’est comme Président de la République mais également comme chef des armées : il a le pouvoir d’engager nos forces. Je crois que personne ne souhaite remettre en cause ce pouvoir. La Constitution établit qu’au bout de quatre mois, un débat a lieu : il permet d’autoriser ou non la poursuite de l’opération extérieure. Du reste, monsieur le ministre, s’agissant de l’opération intérieure Sentinelle, en est-il de même ? Cette procédure s’applique-t-elle ?

Je ferme cette parenthèse pour souligner simplement le fait que ce que souhaitait le groupe UDI, c’était que, deux fois par an, un débat puisse avoir lieu. On nous a dit que cela ne pouvait pas être écrit dans la loi, parce que celle-ci ne doit pas imposer aux assemblées leur ordre du jour. Mais, autant que je me souvienne, et j’en suis même sûr, une semaine par mois est consacrée au contrôle parlementaire.

L’objectif de ce que nous proposons était que, deux fois par an, nous puissions, ici même en séance, débattre des engagements. Vous pourriez, monsieur le ministre, faire le point – vous le faites régulièrement en commission, et c’est un élément important – devant l’ensemble de la représentation nationale, et non devant la seule commission de la défense. Car un débat en séance n’est pas du tout la même chose qu’un débat en commission.

M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur Folliot.

M. Philippe Folliot. Vous pourriez vous exprimer en la matière et expliquer la situation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. L’amendement n’a pas été véritablement défendu par M. Folliot. Quoi qu’il en soit, j’avais de toute façon prévu de le rejeter. Je maintiens cet avis défavorable.

(L’amendement n45, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, inscrit sur l’article 4.

M. Nicolas Dhuicq. L’article 4 est une clause de revoyure en 2017. Or, comme notre excellent collègue Jean-François Lamour l’a bien évoqué, c’est sur cette période que porte la majorité des incertitudes. Nous trouvons qu’il est quelque peu étonnant qu’à l’incertitude d’une année électorale s’ajoute celle de la vision du Gouvernement actuel de la République.

M. le président. La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour soutenir l’amendement n57.

M. Olivier Audibert Troin. Monsieur le ministre, l’article 4 prévoit un rapport d’évaluation en 2017. Au vu des amendements qui viennent d’être adoptés, au vu également d’un consensus qui me paraît tout à fait général sur – je ne fais que reprendre les propos du rapporteur pour avis de la commission des finances – la vigilance de tous les instants qui doit être la nôtre, nous proposons, par cet amendement, de substituer à l’année 2017 l’année 2016, de telle sorte qu’il puisse y avoir, tous les ans, un rapport en commission.

Vous l’aviez, je crois, évoqué tout à l’heure en donnant votre accord sur le fait que tous les ans, un rapport pourrait être réalisé en commission. Nous pourrions ainsi commencer dès 2016 : c’est d’ailleurs le sens des amendements nos 23 et 22 que nous venons d’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. C’est un avis défavorable, car nous n’allons pas procéder tous les ans à une actualisation de la loi de programmation militaire. En revanche, que nous ayons des rapports sur son exécution me semble beaucoup plus important : c’est ce qui est déjà inscrit dans cette même loi.

Lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous nous sommes donnés tous les moyens de contrôle : cela nous permet aujourd’hui de travailler dans d’excellentes conditions, avec, de plus, un ministre très présent devant la commission et des auditions qui nous permettent de regarder, très précisément, les réalisations de la loi de programmation militaire et, surtout, les lois de finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Olivier Audibert Troin.

M. Olivier Audibert Troin. Madame la rapporteure, j’entends votre argument, mais il ne s’agit pas de demander une actualisation tous les ans, car cela n’aurait aucun sens. Il s’agit simplement, comme nous l’avons dit ici-même depuis un bon moment, de demander, année après année, un rapport d’évaluation.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela existe déjà.

M. Olivier Audibert Troin. Il ne s’agit pas de revenir, ici-même au Parlement, en actualisation : il s’agit d’un travail de suivi en commission, quasi quotidien et en tous les cas annuel, de l’évolution, notamment des coûts des facteurs.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Je me suis peut-être mal exprimée : ce que vous demandez, monsieur Audibert, est déjà inscrit dans la loi.

M. Olivier Audibert Troin. À partir de 2017 !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Je fais référence à la LPM que nous avons votée fin 2013 : c’est déjà indiqué dans ce dernier texte.

M. Yves Fromion. C’est vrai.

M. le président. Monsieur Audibert Troin, maintenez-vous l’amendement ?

M. Olivier Audibert Troin. Oui.

M. le président. Je le mets donc aux voix.

(L’amendement n57 n’est pas adopté.)

(L’article 4 est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement n69.

Mme Patricia Adam, rapporteure. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n69, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 5

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n33.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit de mettre, enfin, notre droit national en conformité avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme : dans deux arrêts, les juges ont estimé que la liberté des militaires pouvait faire l’objet de « restrictions légitimes », mais pas au point d’interdire de manière « pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer », comme c’est le cas actuellement.

Je rappelle l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. »

La Cour a conclu, à l’unanimité, à la violation de cet article 11 par la France. Notre législation ne peut contenir une interdiction absolue, pour les militaires, d’adhérer à un groupement professionnel constitué pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux. Si cet exercice de la liberté d’association des militaires peut faire l’objet de restrictions légitimes, l’interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer porte atteinte à l’essence même de cette liberté.

S’appuyant de manière orientée sur les règles de la discipline militaire, le projet de loi propose une réforme a minima. En effet, il continue d’interdire, purement et simplement, l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical. Le projet de loi ouvre ainsi la porte à de nouveaux contentieux.

Le principe de l’interdiction de l’adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels doit donc être abandonné. J’ai donc eu raison dans le passé, même si mon amendement à la précédente LPM avait été « retoqué » politiquement. Il y a des moments où il faut faire le droit, sans tourner autour du pot.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Il est défavorable, tout d’abord parce que l’amendement n’élargit en rien les droits et devoirs des associations professionnelles, ni, bien sûr, ceux de leurs membres. D’autre part, il a pour inconvénient majeur d’écraser la disposition qui interdit les groupements professionnels à caractère syndical. Si nous l’adoptions, il pourrait donc être vu comme donnant droit, dans le silence de la loi, à la constitution de syndicats de militaires, au sens de la loi de 1884. Or la position du Président de la République, du Gouvernement mais aussi de la commission est claire : nous n’introduisons pas les syndicats dans les armées. C’est très clair.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même point de vue.

(L’amendement n33 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 7 et 36.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n7.

M. François de Rugy. Il s’agit d’un point non négligeable concernant la représentation des militaires à travers les associations nationales qui constituent une avancée considérable. Il est souhaitable que ces associations siègent, ensuite, dans les instances, et, en l’occurrence, au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire. Nous souhaiterions que les représentants en question soient élus, car nous préférons ce mode de désignation au tirage au sort.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n36.

M. Jean-Jacques Candelier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Défavorable, même si ce n’est peut-être pas sur l’objectif à atteindre.

Personnellement, je ne pourrais être que favorable à ce que peut-être un jour, que je ne connais pas encore, les CFM soient représentés par des élus, qui aient la légitimité de l’élection, mais les esprits dans nos armées n’y sont pas du tout prêts et il faut donc laisser un peu de temps au temps, comme le disait, je crois, François Mitterrand.

Ne hâtons pas les choses, laissons le CSFM se mettre en place avec la nouvelle organisation que nous examinons. Les CFM, j’imagine, feront ensuite l’objet de débats dans cet hémicycle et au sein de notre commission dans les années qui viennent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je me suis déjà exprimé sur toutes ces questions en commission puisqu’il y a eu un travail très approfondi.

Nous sommes au début d’un nouveau processus, avec la création de ces associations et la reconfiguration du Conseil supérieur de la fonction militaire. Je pense qu’il faut y aller progressivement, ne pas anticiper les évolutions culturelles, les évolutions pratiques des uns et des autres.

Dans l’état actuel des choses, je ne suis donc pas favorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 7 et 36 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 8 et 37.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n8.

M. François de Rugy. Cet amendement concerne la composition du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Effectivement, monsieur le ministre, les associations nationales professionnelles sont quelque chose de totalement nouveau, et c’est un pas en avant important. Cela nous invite peut-être à aller progressivement mais, en même temps, il est intéressant de dessiner quelque chose qui soit attractif, motivant, à quoi les militaires trouvent un intérêt. Vous avez vous-même appelé notre attention sur le fait qu’il faudrait que des associations se créent. Il faut en parler mais il faut aussi qu’il y ait une volonté à la base.

Pour nous, l’un des moyens de donner de l’importance à ces associations, de montrer que, d’entrée de jeu, on leur donne un rôle dans le dialogue interne aux armées, c’est que leurs représentants aient la moitié au moins des sièges du Conseil supérieur de la fonction militaire, quatre-vingt-cinq sièges pour les militaires d’active et retraités, alors que le texte ne leur en donne au plus qu’un tiers.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n37.

M. Jean-Jacques Candelier. Comme l’a dit M. de Rugy, cet amendement vise à augmenter la proportion de représentants d’associations professionnelles nationales de militaires au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Le CSFM doit assurer pleinement son rôle d’instance nationale de dialogue et garantir une place de premier plan aux APNM.

Oui, c’est un défi, et il nous faut le relever et encourager la constitution d’APNM et l’adhésion à ces associations. Si rien n’est fait pour motiver les troupes, si l’on avance dans la réforme à reculons, en contrôlant, en dissuadant, on peut être sûr du résultat, mais il est vrai que ni le Gouvernement ni la majorité n’ont réellement voulu de cette réforme. Il faut savoir faire preuve de pragmatisme révolutionnaire. Cela s’oppose bien entendu au conservatisme. Quand on veut, on peut.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Un peu dans le même esprit que tout à l’heure, défavorable.

Nous avons reçu à la commission les différents membres du CSFM, qui n’ont pas du tout démérité dans la fonction qui est la leur. Vouloir diminuer leur nombre serait leur envoyer un très mauvais message. Je n’y suis donc absolument pas favorable. Là aussi, prudence, sagesse, laissons du temps au temps.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. L’expression « laissons du temps au temps » semble être revenue à la mode !

Quand on lit l’exposé sommaire des amendements, on voit très clairement quelles sont les arrière-pensées puisqu’il est question des « revendications » que les professionnels doivent pouvoir exprimer. On est dans un vocabulaire totalement syndicaliste.

Le groupe Les Républicains a réaffirmé son opposition très claire et très nette à toute tentative de syndicalisation dans les armées. Le tirage au sort est la moins mauvaise option, et la limite du tiers me semble être l’une des conditions pour éviter cette dérive. C’est une première expérimentation, une première étape. Mieux vaut en rester au texte.

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. M. Candelier parlait de pragmatisme révolutionnaire. Je crois qu’en la matière, effectivement, il faut être pragmatique, peut-être révolutionnaire.

Ce qu’il faut voir dans ce projet de loi, c’est l’ouverture, avec la reconnaissance d’associations professionnelles nationales. C’est un premier pas. Comme le disait la rapporteure de la commission de la défense, n’allons pas trop vite non plus par rapport au Conseil supérieur de la fonction militaire. Un tiers, c’est un premier pas. On verra ensuite, en fonction des évolutions, s’il faut arriver à la moitié. Le pragmatisme révolutionnaire aujourd’hui, c’est bien de réserver un tiers des sièges aux représentants des APNM.

(Les amendements identiques nos 8 et 37 ne sont pas adoptés.)

(L’article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, inscrit sur l’article 7.

M. Jean-Michel Villaumé. L’article 7, comme les articles 5, 6 et 8, vise à mettre la législation française en conformité avec les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme le 2 octobre 2014, qui demandent à la France de respecter la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Face à cette décision, la seule réponse valable est évidemment celle du progrès, par la reconnaissance du droit d’association pour les personnels de nos forces armées, dont la gendarmerie. En la matière, le Gouvernement s’est montré irréprochable. Cet article révèle bien la volonté politique qui l’a animé, celle d’opérer une véritable rénovation de la concertation, afin d’aller plus loin qu’un simple droit de façade.

L’objectif est de rendre aux militaires français une liberté d’expression légitime mais aussi le pouvoir que confère ladite liberté. Il s’agit là d’opérer une rénovation, une mutation importante. C’est chose faite puisque les critères de représentativité fixés par le présent article érigent les associations professionnelles nationales de militaires en interlocuteurs importants du dialogue au sein de l’armée entre le commandement et les personnels militaires.

En conclusion, j’appelle donc mes collègues à voter cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. L’article 7 de ce projet de loi est le résultat des deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 octobre 2014, permettant aux militaires de créer des associations professionnelles.

En premier lieu, il est important de préciser que la création de ces associations ne conduit surtout pas à l’abandon de notre système de concertation militaire organisé autour des conseils de la fonction militaire et du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Pour assurer le bon fonctionnement de nos forces, nous devons, nous, législateurs, imposer un cadre à ces associations et éviter la formation de structures corporatistes. Pour cela, il faut rappeler le maintien dans les statuts de l’interdiction du droit de grève et de manifestation pour les militaires ainsi que leur devoir de neutralité et de réserve.

Les alinéas 24 à 27 de l’article 7 prévoient l’intégration au sein du CSFM des représentants des associations qui seraient reconnues représentatives suivant les règles fixées ou à fixer, à savoir le pourcentage d’adhérents, la représentation des différentes couleurs d’uniforme ainsi que des grades.

Nous avons introduit en commission une mesure précisant que ne peuvent siéger au CSFM que les associations reconnues représentatives d’au moins trois armées. Ce système de représentativité vise bien entendu non pas à formater les associations mais bien à organiser et à garantir une qualité de dialogue avec celles-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour soutenir l’amendement n53.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à délier la double obligation de dépôt des statuts auprès de la préfecture et du ministre du bénéfice de la capacité juridique.

S’il est tout à fait concevable de prévoir une obligation de dépôt des statuts et de la liste des administrateurs des APNM auprès du ministre, à titre informatif, il est à mon sens beaucoup plus discutable que ce soit une condition pour qu’elles obtiennent la capacité juridique.

Maintenir cette disposition en l’état revient à introduire un contrôle a priori par le ministre de la défense, c’est-à-dire par l’autorité hiérarchique des membres des APNM, sur la constitution de ces associations et sur leur droit d’ester en justice. Or un tel contrôle a priori est assimilable à une forme d’autorisation spéciale préalable. Cela me paraît être une restriction disproportionnée par rapport à la liberté d’association et au droit au recours effectif alors que ces libertés fondamentales ont été réaffirmées par la CEDH dans les arrêts du 2 octobre 2014 et par le Conseil constitutionnel dans une QPC en date du 7 novembre 2014.

De plus, ce contrôle a priori me semble inutile car le ministre a toujours la possibilité d’effectuer un contrôle a posteriori, voire d’émettre une injonction pour modifier les statuts de l’association s’ils sont contraires à la présente loi et, si cela n’a pas été suivi d’effet, d’engager une procédure de liquidation judiciaire.

Il me semble donc nécessaire de modifier le projet de loi pour maintenir évidemment l’obligation de dépôt des statuts auprès du ministre de la défense compte tenu de la spécificité de ces associations et des sujétions liées à l’état militaire, qui justifient à mon sens pleinement l’information du ministre, mais délier cette obligation des associations du droit d’ester en justice reconnu à toute association sans aucune autorisation spéciale préalable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Défavorable. Nous sommes là encore dans une phase d’expérimentation. Par ailleurs, seul le ministre de la défense peut vérifier que les membres de ces associations le sont de façon légitime. Cela me semble tout à fait contraire, en tout cas, à l’esprit qui prévaut à ces associations professionnelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n53 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n34.

M. Jean-Jacques Candelier. Je défendrai en même temps les amendements nos 34 et 59.

Je ne répéterai pas ce que j’ai dit sur le contournement des arrêts de la CEDH.

Cet amendement permettrait de fédérer les associations professionnelles nationales de militaires aux organisations syndicales représentatives dans la fonction publique d’État. Pourquoi faire des militaires des travailleurs à part ? Ne sont-ils pas des professionnels avec des contraintes spéciales, certes, mais des travailleurs par ailleurs ?

Je pense que l’une des conditions de la lisibilité des futures associations professionnelles et aussi de l’efficacité du nouveau dialogue social qui sera instauré dans les armées est de fédérer les APNM aux organisations syndicales représentatives. Ces organisations syndicales représentatives ont fait et font leurs preuves. Il y a tant de sujets communs et partagés entre les agents civils de l’État, fonctionnaires et contractuels, et les militaires. Il n’y a qu’un seul ministère de la défense, qu’un seul employeur.

J’ajoute enfin que le caractère républicain des APNM sera ainsi mieux garanti, mieux conforté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Défavorable, bien évidemment.

(Les amendements nos 34 et 59, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n35.

M. Jean-Jacques Candelier. Je défendrai en même temps les amendements nos 35 et 61.

Nous devons définir les critères de représentativité des futures APNM.

Il faut s’inquiéter de la rédaction du projet de loi, qui entend définir la représentativité à partir d’une usine à gaz entre les mains du Gouvernement. Le texte prévoit en effet que la représentativité des APNM sera fondée sur les effectifs d’adhérents, les relevés de cotisations perçues, la diversité des groupes de grades représentés. Un décret serait pris, dont nous ne connaissons pas la teneur. Un tel contrôle de la composition des adhérents par la hiérarchie militaire porte atteinte au principe de liberté d’association et pose des questions de droit : droit à la vie privée, exploitation des données de militaires membres, notamment. J’aimerais avoir l’éclairage de la commission des lois sur un tel sujet.

Je propose un critère simple de représentativité : l’élection. Le Conseil supérieur de la fonction militaire est appelé à devenir une instance dans laquelle l’élection joue le rôle déterminant. Le manque de légitimité et de crédibilité du système actuel provient en effet du processus de cooptation, largement influencé par la hiérarchie. L’élection doit être le seul critère démocratique, simple et objectif, de mesure de la représentativité des associations professionnelles nationales de militaires. Il faut arriver au système « un militaire, une voix ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Avis défavorable sur l’amendement n35, car il s’agit d’une élection qui n’est pas du tout comparable aux élections professionnelles du monde civil. Nous ne souhaitons d’ailleurs pas qu’elle le soit. Avis défavorable également sur l’amendement n61.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis sur les deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je voudrais profiter de cet amendement, contre lequel je suis, pour dire un mot au ministre sur la CEDH, en tant que représentant français de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Je fais en effet partie des dix-huit Français qui siègent dans cette assemblée qui est régulièrement appelée, à chaque session, à élire à bulletin secret les juges représentant tel ou tel pays. Notre gouvernement, au-delà de toute étiquette politique, devrait se pencher de plus en plus sérieusement sur la désignation de ces juges. Je me permets de rappeler à M. le ministre que, normalement, les juges siégeant à cette commission doivent parler le français et l’anglais, qui sont les deux langues officielles, et connaître les deux systèmes juridiques, l’anglo-saxon et un peu notre système latin.

Or, à l’heure actuelle, nous voyons, élection après élection, que les juges siégeant à la CEDH n’ont absolument plus ces qualifications. S’agissant de ce dossier, comme d’autres d’ailleurs, nous sommes tombés, à la CEDH, dans une sorte de spirale du toujours plus et du toujours plus de nouveautés. C’est pourquoi je crains que ce que nous sommes en train de faire sur la représentativité du milieu militaire ne soit en réalité qu’une étape de plus, et que la CEDH, sur de très nombreux dossiers encore, comme je le vois en matière de droit des migrations, sorte de plus en plus de ce qui devrait être ses compétences. Je vous remercierais, monsieur le ministre, de faire en sorte que le Gouvernement insiste pour que les juges qui sont proposés et élus à la CEDH respectent les critères initiaux.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

(L’amendement n35 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement n13.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Il est rédactionnel.

(L’amendement n13, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 74 et 54 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n74.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous avons beaucoup discuté de ce sujet en commission. Le Gouvernement propose un amendement qui, je l’espère, pourra permettre un consensus. Il s’agit, à l’alinéa 25, de substituer aux mots : « de plusieurs forces armées et formations rattachées » les mots : « d’au moins trois forces armées et deux formations rattachées » et, en conséquence, de supprimer l’alinéa 27 de l’article 7. Cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles les associations professionnelles nationales de militaires sont représentatives. Il tient compte du débat qui a eu lieu en commission et met en place un dispositif qui devrait permettre d’éviter les risques que craignaient plusieurs parlementaires : une sélection d’une force armée parmi les autres ou un corporatisme qu’il ne faudrait pas voir apparaître dans le cadre de ces associations.

Je voudrais néanmoins préciser que ce compromis est aussi une contrainte. Demander aux associations qui vont se mettre en place une représentation de trois forces armées et de deux formations rattachées, c’est une exigence. Alors que ces associations ne sont pas encore créées, cela signifie qu’il faudra une mobilisation plus grande encore et une plus grande attractivité pour pouvoir déboucher sur une vraie représentativité. Toutefois, par souci de compromis, le Gouvernement propose cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n54 rectifié.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis. Mon amendement va tomber, compte tenu de l’amendement présenté par le Gouvernement. Nous avions à peu près le même souci : passer de « trois armées » à « trois forces armées ». Je voulais aussi que la gendarmerie puisse véritablement prendre part au CSFM. Cela sera le cas grâce à l’amendement du ministre. Je retire donc mon amendement.

(L’amendement n54 rectifié est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n74 ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Je veux revenir un peu sur l’histoire de cet amendement, qu’il faut rendre à son auteur. Il s’agit à l’origine d’un amendement de M. de Rugy, que j’avais sous-amendé, puisque l’objectif était que ces associations représentent l’ensemble des armées. C’était pour nous très important, car nous souhaitions bien une association inter-armées. Nous avions donc voté l’amendement en conséquence. L’amendement du Gouvernement va dans le même sens. La commission de la défense n’avait pas du tout l’intention d’exclure la gendarmerie, bien au contraire. Elle est particulièrement attachée à l’idée que les gendarmes sont des militaires et qu’ils doivent être présents au CSFM. Je le dis très clairement. L’amendement déposé par le Gouvernement nous convient totalement et j’y donne un avis tout à fait favorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. La rédaction de cet amendement me paraît conforme à l’objectif que nous poursuivions, qui était d’éviter le corporatisme par armes, c’est-à-dire d’avoir des associations nationales de professionnels militaires qui soient l’une de l’armée de terre ou l’autre de l’armée de l’air, et ainsi de suite. Cet amendement permet d’avoir des associations inter-armes dans le Conseil supérieur de la fonction militaire.

(L’amendement n74 est adopté.)

M. le président. L’amendement n61 a été défendu par M. Candelier. La commission et le Gouvernement ont donné leur avis, qui est défavorable.

(L’amendement n61 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 14 et 15, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour les soutenir.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Ce sont deux amendements rédactionnels.

(Les amendements nos 14 et 15, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n73.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’alinéa 14 de l’article prévoit un dépôt des statuts des APNM auprès du ministre de la défense. Cet amendement a pour objet de préciser la nature, le délai et les conditions des vérifications effectuées par le ministre lors de ce dépôt. C’est de nature aussi à rassurer la commission des lois sur la bonne volonté et la clarté du ministère de la défense dans cette affaire.

(L’amendement n73, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 7 bis

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement n72, qui tend à la suppression de l’article 7 bis.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Il s’agit de supprimer cet article, dans un souci de coordination, puisqu’il a été inséré dans une autre division du texte.

(L’amendement n72, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 7 bis est supprimé.)

Article 7 ter

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement n16.

Mme Patricia Adam, rapporteure. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n16, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 7 ter, amendé, est adopté.)

Article 8

(L’article 8 est adopté.)

Après l’article 8

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n63.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à lancer le débat sur l’exercice par les militaires d’un mandat de politique municipale. Aujourd’hui, le code électoral prévoit une incompatibilité générale et absolue entre la fonction militaire et tout mandat électif. En conséquence, un militaire qui est élu et qui souhaite exercer son mandat est obligatoirement placé en situation de détachement, sans percevoir de solde. Dans les faits, il est donc quasiment impossible pour un militaire d’exercer un mandat électif. Cette situation devra prochainement évoluer, en raison d’une jurisprudence récente, notamment du Conseil constitutionnel qui a jugé, dans la décision n2014-432 QPC du 28 novembre 2014, ces dispositions inconstitutionnelles, parce qu’elles sont trop largement conçues, s’agissant de l’incompatibilité entre la fonction militaire et le mandat municipal. Il a reporté à 2020 cet effet d’inconstitutionnalité, afin de permettre au législateur d’y répondre.

L’amendement vise à entamer une réflexion sur cette question délicate. Le Conseil constitutionnel a souligné que l’incompatibilité n’était limitée ni en fonction du grade de la personne élue, ni en fonction des responsabilités exercées, ni en fonction du lieu d’exercice de ces responsabilités, ni en fonction de la taille des communes. Aussi proposons-nous dans cet amendement que les officiers restent soumis, comme aujourd’hui, à une incompatibilité totale, valable sur l’ensemble du territoire. En revanche, les sous-officiers et les militaires du rang pourraient exercer un mandat municipal sans être touchés par ce principe d’incompatibilité, à une double condition : que la commune concernée soit située hors du périmètre d’exercice de leurs fonctions militaires, actuelles ou exercées dans les six mois précédents ; que le mandat exercé ne soit qu’un mandat municipal sans fonction exécutive, ce qui exclut celles de maire et d’adjoint.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Cet amendement a été repoussé par la commission. Je ne vais pas reprendre les propos de mon collègue qui a bien exposé la question. Nous avons jusqu’à 2020 pour adapter la loi. Je fais confiance pour cela à la commission des lois, que nous accompagnerons dans cette démarche.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, c’est une question essentielle, que vous posez bien. Il importe de l’approfondir, car le problème ne se gère pas comme cela, à la fin d’une discussion sur l’actualisation de la loi de programmation militaire. J’ai eu l’occasion, dans ma troisième intervention aujourd’hui, je crois, d’ouvrir des perspectives pour dire que le Gouvernement était favorable à ce que l’on engage cette réflexion et à ce qu’on la fasse aboutir. Mais elle doit être menée en très grande collaboration avec le Parlement, que ce soit avec la commission des lois, avec la commission de la défense de l’Assemblée nationale, mais aussi avec les commissions du Sénat. Je suis donc favorable à ce que l’on accélère la procédure, mais il convient de mettre en place une mission d’information parlementaire qui associerait les membres de la commission de la défense et ceux de la commission des lois afin de réfléchir à ce sujet pour faire des propositions. Une fois qu’un consensus aura été trouvé, elles pourront faire l’objet d’une disposition législative, puisque nous avons jusqu’à 2020. Cette disposition est plus difficile à mettre en œuvre que les associations représentatives.

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage, rapporteur pour avis. Ce que vient de dire le ministre et de sa proposition d’associer la commission de la défense, celle des lois, l’Assemblée nationale et le Sénat dans une mission d’information, va dans le sens souhaité. Je retire donc mon amendement.

(L’amendement n63 est retiré.)

Articles 9 à 12

(Les articles 9, 10, 11 et 12 sont successivement adoptés.)

Article 13

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 42 et 43, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour les soutenir.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Je vais retirer mes deux amendements, mais je vais expliquer pourquoi. Ces amendements ont été repoussés par ma propre commission. Je vais donc respecter sa décision. Cependant, je maintiens le fait que l’État, le Gouvernement et les collectivités territoriales doivent être exemplaires en matière d’utilisation des réserves, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le nombre de réservistes dans la fonction publique, territoriale ou d’État, étant infinitésimal, mes amendements ne mettraient pas en difficulté les collectivités ni les ministères concernés. Je les retire tout de même, puisque je sais par avance qu’ils ne seront pas votés par l’ensemble de mes collègues.

(Les amendements nos 42 et 43 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n51.

M. Philippe Folliot. Cet amendement vise à renforcer la réserve, à lui donner une certaine consistance. C’est en effet un point particulièrement essentiel et un des objectifs de ce projet de loi, qu’il est important de décliner en des mesures plus concrètes.

(L’amendement n51, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 13 est adopté.)

Article 14

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n21.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n21, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 14, amendé, est adopté.)

Articles 15 et 16

(Les articles 15 et 16 sont successivement adoptés.)

Article 17

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 17.

La parole est à M. Jean-Michel Villaumé.

M. Jean-Michel Villaumé. L’article 17 et son complément, l’article 18, vont dans le bon sens. La création d’un service militaire volontaire dépasse les seules prérogatives des armées et de la défense puisqu’elle illustre l’engagement du chef de l’État et de son gouvernement dans la lutte contre le chômage, et surtout l’action en faveur du renforcement du lien entre l’armée et la jeunesse. Offrir la possibilité à des jeunes en grande précarité, ou en tout cas en difficulté professionnelle, de recevoir une formation concrète facilitant l’accession à un métier est une mesure de justice. Nul ne peut en effet ignorer les facteurs sociaux qui pèsent lourdement sur les jeunes atteints d’exclusion ; nul ne peut nier qu’ils sont issus des mêmes classes sociales défavorisées. Or, depuis 2008, le dispositif du service militaire adapté, le SMA, en vigueur outre-mer, affiche des taux d’insertion professionnelle supérieurs à 70 %, ce qui est un résultat intéressant.

De plus, le service militaire volontaire montrera de nos forces armées un visage qu’il conforte, celui de formateur, d’éducateur, de transmetteur, de protecteur des plus précaires, surtout de la jeunesse en difficulté professionnelle et en perte de valeurs.

J’appelle donc à voter cet article, émettant toutefois une réserve : il faudrait être sûr que nous pourrons bénéficier, grâce au SMV, de chiffres fiables sur le taux d’illettrisme afin de mesurer dans deux ans l’impact du dispositif, de voir à quel point il éduque les jeunes qui y entrent !

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Il faut rappeler que le pilier central du service militaire volontaire sera bien évidemment l’armée, mais que celle-ci s’appuiera sur la société civile, sur les entreprises, sur les collectivités territoriales et sur les autres dispositifs qui accompagnent nos jeunes. Une vertu du nouveau dispositif reposera sur sa capacité à mélanger militaires, volontaires et intervenants de la société civile dans une véritable dynamique de brassage social. Ce SMV permettra d’extirper des jeunes de milieux qui facilitent certaines dérives.

La réussite du dispositif dépendra également du choix des sites où seront implantés les centres SMV. À cet égard, la proximité des bassins d’emploi et des organismes de formation me semblent des critères importants, qu’il s’agisse des trois sites choisis ou éventuellement d’autres aussi. La volonté des collectivités territoriale de faire aboutir de réels partenariats et d’ouvrir des débouchés est, elle aussi, centrale pour permettre la réussite de cette expérimentation.

Autre point : comme le terme de « volontaire stagiaire » l’indique, le dispositif sera ouvert aux jeunes motivés et volontaires. Les objectifs de formation comportementale et d’insertion professionnelle ne pourront réussir que si la démarche est positive et émane de ces jeunes, d’autant plus qu’il s’adressera à des jeunes en difficulté, qui ont du mal à se repérer dans notre nation et qui découvriront, par cette expérience, le cadre strict de l’armée, propice à la réussite.

Pour finir, il me semble important qu’à côté de l’objectif de formation professionnelle, ces jeunes puissent être mobilisés pour des missions citoyennes d’aide aux populations ou de services auprès de la communauté. Cela s’inscrira dans l’apprentissage d’un savoir-être caractérisé par un altruisme et une volonté de servir ses compatriotes.

Monsieur le ministre, je trouve que vous avez pris une très bonne décision en proposant l’expérimentation du service militaire volontaire car on a pu observer que le service militaire adapté avait apporté beaucoup d’effets positifs outre-mer, notamment en termes de lien armée-nation.

M. Christophe Léonard et Mme Valérie Fourneyron. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Le SMV s’inscrit dans la logique de l’insertion mais, en l’occurrence, d’une insertion très ciblée, pratiquement de la dentelle. En tout cas, c’est ainsi que le général Loiacono nous avait présenté le SMA en outre-mer, soulignant, en particulier, la capacité du dispositif à s’intégrer dans un tissu d’entreprises de proximité et donc de trouver des débouchés aux gamins. Si, monsieur le ministre, vous reprenez cette logique, ce qui semble être le cas dans les trois sites expérimentaux, c’est une bonne nouvelle pour des jeunes en grande difficulté d’insertion.

Un problème est tout de même apparu au cours de nos débats, et c’est pourquoi j’ai déposé un amendement à cet article : non pas le lien entre l’encadrement militaire et le dispositif, mais bien le chemin que prennent ces adolescents. Seulement 3 % d’entre eux intègrent ensuite notre armée. C’est un pourcentage très faible. On peut tout à fait comprendre que le SMA soit financé par le budget outre-mer puisqu’il n’existe que dans ces territoires, mais dans l’expérimentation que vous nous proposez, le financement sera entièrement assuré par la défense. Certes, ce sera à titre expérimental, mais vous savez très bien, monsieur le ministre, qu’à partir du moment où on commence à mettre le doigt dans un tel mécanisme, il est difficile de le retirer.

Par conséquent, je propose qu’on conserve la logique du SMA : une sensibilité particulière, un encadrement particulier, celui de militaires qui savent de quoi ils parlent, avec une proximité auprès des entreprises. Mais il faut un financement qui corresponde à la destination du dispositif, laquelle n’a rien à voir avec celle de la défense. Il faudra être attentif à la mise en œuvre et à la montée en puissance du SMV et le faire financer dès maintenant sur une autre mission.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Nous souscrivons tout à fait aux articles 17 et 18, et ce pour deux raisons. La première, c’est qu’il est extrêmement symbolique de s’inspirer d’un dispositif qui fonctionne outre-mer : le SMA. Pour une fois que la métropole s’inspire de l’excellence de résultats qu’il peut y avoir ailleurs, outre-mer en l’occurrence, voilà un fait tout à fait important et significatif, tant pour nous, métropolitains, que pour nos compatriotes ultramarins. La seconde raison – vous pouvez y voir un clin d’œil, monsieur le ministre –, c’est qu’en transposant en métropole le SMA, vous reprenez une des propositions que le groupe UDI avait faites il y a dix-huit mois.

Sur le caractère expérimental du dispositif, celui-ci nécessitera, à mon humble avis, une généralisation pour aller plus loin. Il faut sortir de la posture de l’époque des établissements d’insertion de la défense, les EPIDE : on avait affiché des objectifs très louables et très importants, soit 20 000 jeunes, et puis il y en a eu au final un petit millier. Il faudra, le moment venu, une montée en puissance du SMV. Ce sera un élément essentiel.

J’en viens à la question fondamentale : le financement. On a bien compris, monsieur le ministre, qu’au début, c’est la défense qui l’assumera seule, mais nous serons tous derrière vous pour que l’ensemble de ces opérations soient prises en compte par la suite dans un cadre interministériel parce qu’il doit y avoir, même si le dispositif relève de votre ministère, une certaine mutualisation sur le plan financier.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, l’actualisation de la loi de programmation militaire est nécessaire afin de donner les moyens à nos armées d’assumer notre protection. Mais nous, au groupe Les Républicains, pensons que le texte est en deçà des exigences du moment et ne permet pas de répondre aux menaces qui guettent notre pays.

Malgré tout, des points positifs ont été relevés : la création d’un service militaire volontaire en est un. Dans le cadre d’une mission d’information, dont je suis co-rapporteure avec mon collègue Joaquim Pueyo, portant sur les dispositifs citoyens, nous sommes amenés à étudier les moyens mis en œuvre pour renforcer les liens armée-nation. Le service militaire volontaire s’inspire étroitement du SMA, un dispositif existant dans les territoires ultramarins. Nous avons pu en mesurer l’efficacité sur pièces et sur place. L’objectif vise à transposer ce modèle en métropole et à apporter les outils nécessaires aux jeunes bénéficiaires pour qu’ils s’insèrent professionnellement dans les meilleures conditions. Le SMV s’inscrit bien dans une logique d’accompagnement global vers l’emploi : discipline, savoir-faire, savoir-vivre, savoir-être et savoir-partager sont des valeurs primordiales que nos armées ont à cœur et qu’elles inculqueront à nos jeunes. Qu’elles en soient félicitées et remerciées.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement n56.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n56, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement n24.

M. Jean-François Lamour. J’approfondirai la défense de mon amendement que j’ai esquissée en faisant référence à un dispositif qui existe déjà : les EPIDE. Même s’il est vrai que le dispositif d’encadrement n’est pas similaire à celui qui va être mis en place pour le SMV, je rappelle que ces établissements reposent sur une prise en charge budgétaire multiple, relevant du ministère de la ville et du ministère de la jeunesse, mais pas de celui de la défense.

Je me permets aussi de faire le parallèle avec la proposition de loi que dépose mon collègue Yves Fromion qui, lui, souhaite intégrer un dispositif d’insertion au sein des régiments, dans une proportion, avec comme finalité de permettre à ces jeunes d’intégrer l’armée. On pourrait alors comprendre qu’une partie de votre budget, qui est déjà largement contraint, finance un tel dispositif. Par contre, alors que l’armée remplit déjà sa fonction sociale en termes de formation, d’emploi et d’objectifs à fixer aux jeunes, il ne me paraît pas nécessaire qu’elle consacre de l’ordre de 40 millions à 60 millions d’euros – vous nous préciserez certainement ce qu’il en est, monsieur le ministre –, en fonction de la montée en puissance, au service militaire volontaire. Chacun doit être à sa place dans ce type de système, et je pense que l’armée est là pour encadrer et favoriser en l’occurrence l’insertion, mais elle ne doit en aucun cas financer un tel dispositif.

Il a fallu utiliser un artifice parce que l’article 40 n’aurait pas laissé passer un transfert de fonds d’une mission à une autre : je propose donc que le Gouvernement remette au Parlement « un rapport sur l’opportunité de flécher les crédits destinés à sa mise en œuvre dans le cadre de la mission "Travail et emploi " ». Cela permettra de définir le format mais également l’origine budgétaire d’un dispositif qui doit par nature monter en puissance, dans une logique de proximité et d’insertion qui devraient en faire un dispositif performant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Nous l’avons repoussé parce que nous estimons qu’il est satisfait. Nous partageons votre souhait, et l’article 9, alinéa 434, du rapport annexé, indique très clairement qu’un rapport « évaluera la soutenabilité financière [du dispositif] dans le temps et la pérennité des financements partenaires » au bout d’une expérimentation sur deux ans.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je voudrais préciser deux ou trois points à l’attention de M. Lamour.

D’abord, afin que les choses soient bien claires, je rappelle qu’il s’agira d’une expérimentation sur trois sites, pas plus, et que le ministère de la défense n’expérimentera pas au-delà.

Ensuite, le coût global de l’expérimentation sera, en première approximation, de l’ordre de 35 millions sur les trois sites.

Enfin, la raison pour laquelle je ne partage pas votre avis, en sus des arguments avancés par la présidente de la commission de la défense, à savoir que le texte prévoit déjà une évaluation de l’expérimentation, c’est que vous limitez la quête de participations financières aux secteurs du travail et de l’emploi, alors que d’autres partenaires potentiels, comme l’Agence du service civique ou les régions, pourraient fort bien intégrer le dispositif.

Je pense qu’il faut s’en tenir à l’expérimentation prévue ; si on ne l’avait pas décidée, rien n’aurait été engagé. Le ministère de la défense va engager le processus, mais seulement sur trois sites. Si l’on veut aller au-delà, ce ne sera plus de sa responsabilité, et il faudra trouver des financements autre part. Nous avons deux ans pour faire en sorte que d’autres prennent des initiatives pour reprendre le modèle que nous mettons en place et pour le financer.

Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Je retire l’amendement.

(L’amendement n24 est retiré.)

(L’article 17, amendé, est adopté.)

Article 18

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo, inscrit sur l’article 18.

M. Joaquim Pueyo. Je voulais aborder la question du financement, car Marianne Dubois et moi avons étudié l’organisation financière des EPIDE, mais je crois que le ministre a été suffisamment clair : il s’agit d’une expérimentation, il faudra donc chercher d’autres partenaires, et pas uniquement dans la sphère de la politique de la ville ou du travail. Mon intervention ne sera pas plus longue.

(L’article 18 est adopté.)

Après l’article 18

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n1, portant article additionnel après l’article 18.

M. Yves Fromion. Je ne reviendrai pas en détail sur la question du service militaire volontaire, qui vient d’être longuement évoquée. Une partie de la jeunesse est en difficulté d’insertion, et il nous faut trouver des solutions. D’autre part, nous avons vu en ce début d’année qu’il existait aussi une jeunesse en mal de République, pour laquelle il faut également chercher des solutions, afin qu’on la fasse entrer, autant que faire se peut, dans la communauté nationale. Je propose donc de faire du service civique un véhicule – un parmi d’autres – pour répondre à cette problématique.

L’idée est de proposer une solution gagnant-gagnant, y compris pour les armées – à la différence, peut-être, d’autres systèmes. L’armée pourrait accueillir un certain nombre de jeunes volontaires – par exemple 5 000 au maximum si le système connaissait du succès –, sous le statut du service civique, mais adapté au cadre militaire. Ces jeunes vivraient au sein des unités, par paquets homogènes et en nombre relativement limité de façon à ne pas être une charge pour elles, afin que, par un effet d’osmose, ils bénéficient de la capacité de l’armée à former des jeunes. En contrepartie – je n’entre pas dans les détails faute de temps –, l’armée, après que les jeunes auront été formés pendant, par exemple, deux mois, bénéficierait de la présence de ces… soldats, puisqu’il s’agit bien de cela qu’il s’agit, qui vivraient la même vie que les professionnels de l’unité, avec toutefois des limitations, qui pourraient être la non-participation à des opérations extérieures ou à des opérations armées ; en revanche, ils pourraient parfaitement servir, sur le plan national, pour des opérations de sécurisation des populations, l’opération Sentinelle étant un exemple parmi d’autres.

Je crois que cette proposition s’inscrit dans le cadre de ce que le Président de la République a annoncé, c’est-à-dire l’universalité du service civique. Le ministre a lui-même évoqué ce matin la nécessité de regarder comment les armées pouvaient accueillir le service civique. Eh bien, j’offre là une perspective sur laquelle il serait sans doute bon de travailler.

M. Jean-François Lamour. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. L’amendement a été repoussé par la commission. Nous avons déjà eu ce débat en commission et, M. Fromion ayant déposé une proposition de loi qui sera examinée la semaine prochaine, nous l’aurons de nouveau à cette occasion.

Un certain nombre de dispositifs ont déjà été évoqués, comme le SMA et le SMV, et je précise qu’il existe déjà un service civique au sein du ministère de la défense.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas grand-chose !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Certes, je conviens que le nombre de personnes concernées est peu important – un peu moins de cent – et je crois savoir que le ministre serait favorable au développement de ce dispositif ; mais peut-être s’exprimera-t-il sur le sujet. Sur le fond, il n’y a pas de désaccord.

D’autre part, le volontariat existe aussi dans les armées ; il concerne beaucoup plus de jeunes, environ 2 500, ce qui n’est pas rien.

Je donnerai donc un avis défavorable à l’amendement. Nous allons engager des expérimentations, et je pense que nous aurions intérêt à mieux faire connaître les dispositifs existants plutôt qu’à les démultiplier. L’Agence du service civique y travaille ; nos collègues Marianne Dubois et Joaquim Pueyo ont eux aussi regardé cela de près. C’est une option que nous continuons à examiner. Mais il convient déjà de lancer l’expérimentation du SMV, dont une évaluation sera faite dans deux ans.

Je suis par conséquent favorable sur le fond, mais, en cet instant, il ne m’est pas possible d’accepter l’amendement. Toutefois, il est certain qu’il y aurait des progrès à accomplir en la matière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quelques mots en complément de ce qu’a dit la présidente Adam.

L’intérêt des réflexions de M. Fromion est évident. Elles relèvent de préoccupations que partage le ministre de la défense. Le souci, pour l’instant, sous réserve d’inventaire et de ce qui sera dit lors de l’examen de la proposition de loi que vous avez déposée, c’est l’axe qui est privilégié : s’agit-il d’un service civique de défense ou d’un service militaire volontaire élargi ? J’ai le sentiment que c’est plutôt la seconde option qui est privilégiée. Or une telle mesure coûterait, pour le budget de la défense, entre 300 et 350 millions d’euros, alors que l’expérimentation que nous avons prévue reviendrait, comme je l’ai dit à M. Lamour tout à l’heure, à quelque 35 millions d’euros. Il y a là matière à réflexion.

Sur le fond, néanmoins, votre réflexion éveille beaucoup d’intérêt chez le ministre de la défense.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Je remercie le Gouvernement et la présidente de la commission d’avoir manifesté un certain intérêt pour mon initiative.

À terme, avec la montée en charge du dispositif, si l’on arrive à un total de 10 000 volontaires par an, il est certain que ce sera comme le SMA, c’est-à-dire beaucoup plus coûteux. Sauf que, dans le système que je propose, l’Agence du service civique devra prendre en charge une partie du coût, à savoir au moins la rémunération. Tout ne serait donc pas à la charge du ministère de la défense.

Évidemment, tout cela nécessite des arrangements. Mais l’idée est bien que les jeunes participent à ces opérations dans le cadre du service civique, mais un service civique adapté à des missions de défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela mériterait que l’on y travaille.

M. Yves Fromion. Je suis bien conscient que cela n’est pas simple et demande réflexion, mais je suis persuadé que l’idée de faire entrer des jeunes, de façon cohérente, dans des unités militaires est bonne. Lorsque j’étais officier, c’est une expérience que j’ai vécue, cette mixité entre les professionnels et – à l’époque – les appelés ; je l’ai même vécue au sein du 1er RPIMA, dans les forces spéciales : il fallait quand même le faire ! J’ai vu là quelle réussite cela pouvait être. C’est pourquoi je me permets d’insister lourdement. J’ai bien compris les réserves que vous émettez – nous en reparlons le 11 juin –, mais je pense qu’il serait dommage de se priver de cette option, car il s’agit d’une solution gagnant-gagnant, pour la jeunesse en difficulté et même pour les forces armées.

M. Jean-François Lamour. Très bien !

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n26.

Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement.

M. Jean-Jacques Candelier. En novembre 2014, nous avons commémoré le centenaire du début de la Première Guerre mondiale. Tous les historiens s’accordent à dire que ce conflit est l’un des plus meurtriers de l’histoire de l’humanité. Cent ans plus tard, une injustice criante n’a toujours pas été réparée : en effet, les 639 « fusillés pour l’exemple », sacrifiés au nom d’une discipline imbécile, et pour des motifs insupportables, n’ont toujours pas été réhabilités. Ces hommes n’étaient pas des traîtres, ni des lâches ; ils avaient sûrement compris, comme Anatole France, qu’on croit se battre pour la patrie, mais qu’on meurt pour les industriels et les banquiers.

Le Gouvernement dispose d’informations précises, qui lui permettent d’opérer une distinction entre, d’une part, les fusillés pour l’exemple, au nombre de 639, et d’autre part, les 369 autres fusillés. Plus aucun obstacle ne s’oppose donc à la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple, qui ont pris le parti de la paix dans des conditions exceptionnelles. Il est plus que temps de réunir enfin dans une seule et même mémoire apaisée tous ceux qui, durant cette guerre, sont morts pour la France. Ces soldats furent, comme les autres combattants, les victimes d’une guerre injuste et d’un commandement souvent défaillant.

Cet amendement tend à rétablir l’honneur de tous ces hommes, mais aussi celui de la France, qui a assassiné sciemment une partie de ses enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Cet amendement a été rejeté par la commission ; je vais expliquer pourquoi.

Conformément à l’engagement du Président de la République, un gros travail a été effectué avec Antoine Prost, historien, qui a remis un rapport très détaillé sur cette partie de notre histoire, un rapport scientifique auxquels de nombreux historiens spécialistes de la période ont également participé.

À l’issue de ce rapport, quatre hypothèses ont été évoquées : ne rien faire ; procéder à une réhabilitation générale, comme ce fut le cas en Nouvelle-Zélande ou en Grande-Bretagne ; procéder à une réhabilitation au cas par cas ; procéder à une réhabilitation morale, avec éventuellement un lieu de mémoire dédié. C’est cette dernière option qui a été retenue, et ce lieu de mémoire existe aujourd’hui : au musée de l’Armée, aux Invalides, il y a maintenant une place pour ces hommes. Les dossiers des conseils de guerre ont tous été numérisés ; ils sont disponibles sur internet, pour que chacun puisse accéder aux informations qu’il souhaite avoir sur cette triste période de notre histoire.

M. Jean-Jacques Candelier. Ce n’est pas suffisant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En complément de ce que vient de dire la présidente de la commission, et pour justifier l’avis défavorable du Gouvernement, l’expression « Fusillés pour l’exemple » ne renvoie pas à une catégorie juridique définie par les textes, mais à un ensemble de militaires qui auraient été injustement condamnés à être passés par les armes après décision d’une juridiction militaire. Réhabiliter collectivement et sans examen au cas par cas l’ensemble des militaires exécutés dans ces conditions reviendrait à remettre en cause rétroactivement le code de justice militaire alors applicable, ce qui ne pourrait que donner naissance à des procédures judiciaires complexes et incertaines.

M. Thierry Mariani. Très bien !

M. Jean-Jacques Candelier. D’autres pays l’ont fait !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Par ailleurs, l’attribution automatique de la mention « Mort pour la France », qui serait attachée à la réhabilitation collective, reviendrait à porter atteinte à une exigence très forte du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, qui exige que le décès soit la conséquence directe d’un fait de guerre.

Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à votre amendement – en plus de ce que vient de dire Mme la présidente Adam sur la question de la révision de la situation des fusillés pour l’exemple, dont on a beaucoup parlé au moment du centenaire du début de la guerre de 1914-1918.

M. Jean-Jacques Candelier. Cela fait cent ans que l’on en parle !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n26.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants27
Nombre de suffrages exprimés25
Majorité absolue13
Pour l’adoption2
contre23

(L’amendement n26 n’est pas adopté.)

Avant l’article 19

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel avant l’article 19.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n39.

M. Jean-Jacques Candelier. Le 8 décembre 2008, le Conseil de l’Union européenne a adopté une position commune visant à fixer un cadre aux exportations d’armement. Nous proposons, par cet amendement, de transposer dans le code de la défense les dispositions de cette position commune. Cet amendement est très modeste quant à sa portée juridique. Il permettra cependant que les engagements de la France en matière d’exportations d’armes, qui s’appliquent déjà, entrent dans le droit national et ne puissent ainsi pas être modifiés unilatéralement par le Gouvernement, sans l’aval du Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Avis défavorable. La demande formulée par M. Candelier est déjà satisfaite, puisque la position commune s’impose à nous. Elle a déjà un caractère juridiquement contraignant pour les États membres. L’amendement est donc déjà satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis, monsieur le président.

(L’amendement n39 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n38.

M. Jean-Jacques Candelier. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n38, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 19

(L’article 19 est adopté.)

Après l’article 19

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n76 rectifié, portant article additionnel après l’article 19.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement vise à renforcer l’Agence du service civique. Il lui permettra de voir son financement simplifié et abondé par des personnes publiques autres que l’État et des mécènes. Il permettra aussi de favoriser la mise en œuvre du programme européen de mobilité dédié à la jeunesse et aux sports Erasmus+. Voilà pourquoi je souhaite que cet amendement puisse être retenu par l’Assemblée.

(L’amendement n76 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

Articles 20 et 21

(Les articles 20 et 21 sont successivement adoptés.)

Après l’article 21

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 21.

L’amendement n5 est défendu.

(L’amendement n5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n6 est défendu.

(L’amendement n6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Articles 22 à 25

(Les articles 22, 23, 24 et 25 sont successivement adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 9 juin, après les questions au Gouvernement.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 8 juin, à dix-sept heures :

Proposition de résolution européenne sur le calcul des déficits publics ;

Proposition de résolution européenne sur la lutte contre le tabac.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly