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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 15 octobre 2015

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2016

Première partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110, 3112, 3116).

La commission des finances étant encore en réunion, je vais suspendre la séance pour une dizaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n618 portant article additionnel après l’article 5.

Après l’article 5 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n618.

M. Nicolas Sansu. Nous allons présenter une série d’amendements portant sur l’impôt sur les sociétés, qui est le grand absent du projet de loi de finances pour 2016 alors même que les mesures prises les années précédentes en matière de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – ou s’agissant de l’extinction de la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – ont un impact budgétaire plus important sur ce projet de budget.

Le rendement de l’impôt sur les sociétés est estimé à moins de 33 milliards d’euros, soit 1,5 point de PIB, contre 2,5 points quatre ans plus tôt : cela représente une grande perte de recettes fiscales pour l’État. Il est paradoxal qu’avec le taux le plus élevé de l’Union européenne, à plus forte raison avec l’instauration de la surtaxe, ce rendement soit de plus en plus faible. De plus, l’impôt sur les sociétés est dégressif : plus on est gros, moins on paie en proportion, ce qui est le contraire de la justice fiscale. En effet, l’optimisation est un sport national très répandu, notamment dans les grandes entreprises. Comme le disait un ancien ministre britannique des finances, entre la fraude et l’optimisation fiscale, il n’y a que l’épaisseur d’un mur de prison.

Nos différents amendements s’attaquent donc aux niches de l’impôt sur les sociétés pour redonner du sens à celui-ci. L’amendement n618 vise ainsi à porter de 5 % à 10 % le seuil de détention des titres de filiale ouvrant droit à l’application du régime « fille-mère ». Il n’est pas révolutionnaire et je tiens à souligner qu’il avait été soutenu par tous les groupes de gauche au cours de l’ancienne législature.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n618.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous auriez même pu dire que cet amendement avait été proposé par le Conseil des prélèvements obligatoires en octobre 2010 !

Vous voulez renforcer un peu l’impôt sur les sociétés, mais cela n’empêchera pas les entreprises de se réorganiser pour adapter leur structure capitalistique à la nouvelle règle. J’ai bien compris votre préoccupation concernant le rendement d’un tel impôt, mais je ne suis pas certaine que votre proposition y réponde. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Même avis. En effet, il suffira aux entreprises de se réorganiser pour échapper à une telle disposition. J’ajoute que le régime en vigueur dans notre pays est plus sévère que dans la plupart des autres pays européens, puisqu’il impose une durée de détention des titres de deux ans.

J’en profiterai pour évoquer un sujet que nous aurons à traiter dans le cadre du projet de loi de finances rectificative : celui du contentieux nous opposant à l’entreprise Steria. Ayant perdu ce contentieux, nous devrons modifier certaines dispositions de notre législation, travailler sur l’intégration fiscale et sur la question soulevée par votre amendement.

Cela fait partie des pistes sur lesquelles nous travaillons. Le Gouvernement vous proposera plusieurs modifications dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, car l’affaire porte tout de même sur quelques centaines de millions d’euros.

Enfin, c’est en effet une question lourde que celle du rendement de l’impôt sur les sociétés. Vous n’ignorez pas, monsieur Sansu, que la faiblesse de ce rendement est aussi un effet du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE.

Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. En aparté, M. le secrétaire d’État soulignait tout à l’heure de nombreuses convergences entre les deux pôles opposés de l’Assemblée. Je maintiens donc l’amendement pour voir si la droite le vote.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas encore Noël, mon cher collègue ! (Sourires.)

(L’amendement n618 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Vous avez de nouveau la parole, monsieur Sansu, pour présenter l’amendement n641.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu. Nous sommes dans la même logique, mais qui concerne cette fois la non-déductibilité des intérêts d’emprunts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Comme je l’ai dit l’année dernière à propos des électro-intensifs, notamment, je regrette les exonérations apportées aux dispositifs que nous avions votés en 2012. Peut-être y reviendrons-nous, d’ailleurs.

À ce stade, l’avis de la commission est défavorable, car beaucoup d’avancées ont été réalisées,…

M. Nicolas Sansu. Sauf pour les sociétés d’autoroutes !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …même si des exceptions ont été introduites l’an dernier.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le régime de déductibilité des frais financiers a en effet été durci en 2012. Les travaux consacrés à ce que l’on dénomme parfois « BEPS » – érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices – reconnaissent que la position de la France est l’une des plus dures et des plus avancées. À ce stade – mais nous y reviendrons sans nul doute prochainement –, le Gouvernement ne souhaite donc pas changer ce régime. Avis défavorable.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Sansu ?

M. Nicolas Sansu. Oui, par principe.

(L’amendement n641 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n590, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 814 du Gouvernement.

La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement.

M. Dominique Lefebvre. Que cet amendement fasse l’objet d’un sous-amendement du Gouvernement est une bonne nouvelle : cela signifie que l’on va dans le bon sens !

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, chère à notre collègue Benoît Hamon, prévoit la constitution de groupes coopératifs afin de leur permettre de se développer et d’atteindre une taille compétitive sur des marchés concurrentiels. Le problème est que la disposition fiscale qui devait accompagner cette mesure n’a pas été prise. Je n’imagine pas que l’on ait ouvert cette possibilité pour priver les sociétés coopératives et participatives – SCOP – des régimes fiscaux spécifiques dont elles disposent !

Ne pas prévoir, au niveau des groupements, les dispositions fiscales qui existent au niveau des SCOP, revient selon toute vraisemblance à empêcher la constitution de ces groupements. Le présent amendement a donc pour objet d’aligner la fiscalité des groupements sur celle des SCOP.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n814.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement apprécie l’amendement que Dominique Lefebvre, cosignataire, vient de présenter à la place de Yves Blein, et il souhaite qu’il aboutisse. Cependant, sa rédaction est quelque peu imprécise quant à la définition de la notion de « SCOP de SCOP » qui est ici visée. Le Gouvernement souhaite apporter cette précision par ce sous-amendement, lequel méritera peut-être, lui aussi, qu’on lui apporte une ou deux corrections à la faveur de la navette. Toujours est-il que l’adoption du sous-amendement est nécessaire pour faire aboutir un amendement auquel je donne par avance, madame la présidente, un avis favorable sous réserve du vote du sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Initialement, la commission n’était pas favorable à l’amendement car elle craignait que certains points ne se traduisent par des gains d’opportunité, voire par des effets d’aubaine. Mais le sous-amendement du Gouvernement corrige ces points. Avis favorable, donc, à ce sous-amendement, et par voie de conséquence à l’amendement ainsi sous-amendé.

(Le sous-amendement n814 est adopté.)

(L’amendement n590, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 81 et 278, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n81.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement relatif à l’impôt sur les sociétés est en corrélation avec celui que j’ai défendu ce matin et qui proposait un taux d’IS de 15 % pour les bénéfices réinvestis. Il est proposé ici de prendre en compte tous les éléments pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises et d’abaisser l’impôt sur les sociétés en suivant une progression dans le temps, avec de l’anticipation et sans brutalité, de manière à donner un cap aux entreprises jusqu’en 2020. La mesure consiste à réduire le taux de l’IS de 1 % chaque année à partir de 2016, pour le faire passer de 33 % actuellement à 28 % pour les exercices ouverts en 2020, et de 15 % à 10 % s’agissant du taux réduit.

En fixant un cap clair aux entreprises pour les cinq prochaines années, nous contribuerions davantage à améliorer leurs résultats et leur compétitivité.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n278.

M. Charles de Courson. Lorsque le Gouvernement a annoncé les mesures qu’il comptait prendre pour essayer de contribuer au redressement de la compétitivité des entreprises françaises, il a fait le choix de privilégier la suppression de la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés – et de la faire passer avant la diminution du taux de l’IS. Nous avons toujours défendu la thèse que c’était une erreur. C’est le taux de l’IS, le plus symbolique et le plus voyant, qu’il fallait baisser en priorité. La question de la C3S aurait dû être reportée dans le temps, en attendant que l’on dispose d’un peu d’argent.

J’en ai discuté avec vous, monsieur le secrétaire d’État, et, à l’époque, avec M. Sapin, lui faisant valoir que priorité devait être donnée à l’IS par rapport à la C3S. Il m’avait répondu que le patronat, lui, avait donné la priorité à la C3S, ce qui n’est pas étonnant puisque la suppression de cette contribution favorise les grandes entreprises !

Nous pensons pour notre part que le dynamisme économique français doit se fonder sur les PME. Ce sont elles que vise l’amendement, puisque celui-ci se concentre sur le taux de 15 % et tend à le ramener à 10 %. La contrepartie serait non pas le gage que nous avons inscrit – vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, puisque je vous en ai parlé –, mais l’arrêt de la suppression par tranches de la C3S.

Telle est la position de l’UDI. L’efficacité économique suppose que l’on s’occupe des PME. Or celles-ci ne paient plus la C3S, puisqu’on l’a déjà supprimée pour une première tranche et que l’on va bientôt faire de même pour une deuxième. Elles sont pratiquement toutes au-dessous du seuil fixé.

Bref, il faut interrompre la suppression de la C3S et concentrer les moyens disponibles, à coût nul, sur l’IS, en commençant par les petites et moyennes entreprises. Il s’agit donc d’un amendement d’appel pour savoir ce que pense le Gouvernement de cette position.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. L’amendement soulève la question du taux, mais pas celle de l’assiette, alors que le problème de l’impôt sur les sociétés tient aussi – on l’a vu lors de l’examen de l’amendement n618 de M. Sansu – à cet aspect.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement n’a pas pris position à ce sujet !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le débat sur la C3S est connu et j’imagine qu’il rebondira tôt ou tard. Rappelons toutefois que la C3S concernait la plupart des entreprises, y compris les petites et les moyennes. Il s’agit d’un impôt payé sur le chiffre d’affaires.

M. Charles de Courson. Un impôt imbécile, oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Puisque vous venez de prononcer le mot, je vais le répéter pour que tout le monde entende : un impôt imbécile. En effet : puisqu’il est fonction du chiffre d’affaires, il ne tient pas compte du bénéfice et il doit être payé par tous, y compris par les entreprises en difficulté qui ne font pas de bénéfices et ne paient pas l’impôt sur les sociétés.

Nous avons donc proposé d’abaisser cette contribution de 1 milliard d’euros par an, en commençant par les plus petites entreprises. Nous en sommes à la deuxième année. Lorsque nous aurons achevé cette deuxième étape, il n’y aura plus que 20 000 entreprises – celles qui ont le plus gros chiffre d’affaires – assujetties à la C3S, contre 300 000 avant que nous n’entamions ce mouvement.

Je regrette donc de ne pouvoir vous suivre, monsieur de Courson. Certes, je pourrais me montrer heureux : vous avez proposé tellement d’augmentations de la dépense fiscale depuis le début de la discussion…

M. Charles de Courson. Pas du tout ! Il s’agissait d’amendements d’appel, annoncés comme tels et que j’ai retirés !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous les avez retirés parce que vous vous êtes rendu compte de vos erreurs !

M. Charles de Courson. Ne dites pas n’importe quoi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En l’occurrence, cet amendement rapporterait à l’État, puisque la diminution de l’impôt des entreprises que vous proposez coûterait environ 140 millions d’euros par an, alors que la nôtre, qui vise grosso modo les entreprises de taille intermédiaire – grosses PME et petites ETI –, coûtera 1 milliard.

Avis défavorable, donc, à l’amendement n278 de M. de Courson.

Le vôtre est assez proche, madame Louwagie, mais il coûterait à terme 3,7 milliards d’euros, même si la moindre recette s’étalerait sur quelques années. Il comporte en outre une disposition curieuse : vous proposez de diminuer la surtaxe à l’IS des grandes entreprises en 2016 et 2017 alors que cette surtaxe a disparu.

Mme Véronique Louwagie. Je n’ai absolument pas parlé de cela !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En d’autres termes, vous proposez de diminuer une surtaxe qui n’existe plus.

M. Charles de Courson. Ça ne coûte pas cher, remarquez !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est vertueux et, en effet, ça ne coûte pas cher – pour une fois !

Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Le débat opposant C3S et IS va certainement prospérer, et il n’est pas simple de trancher ! Lors des Assises de la fiscalité des entreprises, les avis ont d’ailleurs été assez divergents, comme vous le relevez vous-même, monsieur le secrétaire d’État.

Il est vrai que la C3S, qui n’est pas le seul impôt dépendant du chiffre d’affaires – que l’on se réfère par exemple à la cotisation foncière des entreprises –, pénalise les entreprises qui ne font pas de bénéfices. J’ai souvent entendu les chefs d’entreprise affirmer que l’IS les gênait moins – dès lors qu’il y a bénéfice – qu’un impôt sur la production.

D’un autre côté, je reconnais que l’IS est beaucoup plus visible.

La question n’est donc pas évidente et il est bon que le débat ait lieu. Si l’on compare le niveau actuel de la récolte de l’IS – environ 35 milliards – et ce qui reste à verser sur la troisième phase de la C3S, soit 3 à 4 milliards, le rapport est d’environ 10 %. Si l’on affectait la totalité de cette somme à la baisse de l’IS, celui-ci passerait de 33 % à 27 %.

Nicolas Sansu signalait à juste titre l’anomalie de cet impôt sur les sociétés dont le taux est très élevé et l’assiette très étroite. La mesure que je suggère aurait le mérite de donner un signal aux entreprises.

Concernant le CICE, les choses, là aussi, sont beaucoup moins tranchées qu’il n’y paraît. Les deux étapes de suppression de la C3S, on l’a vu, ont profité aux petites entreprises. Et ce sont souvent les petites entreprises, pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, qui profitent à plein du CICE – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de multinationales qui en profitent aussi : je pense notamment aux grandes surfaces, auxquelles nous avons dû reprendre la quasi-totalité du bénéfice du CICE. Toutes ces questions demandent donc beaucoup de nuance.

M. Charles de Courson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Je trouve notre collègue Charles de Courson assez paradoxal : d’un côté, il nous dit que la C3S est un impôt imbécile et, de l’autre, que sa suppression n’est pas prioritaire. Je n’arrive pas à le suivre. Quoi qu’il en soit, toutes les entreprises paient cette contribution et si elle disparaissait, ce serait une bonne chose car cela représente une somme relativement importante. Nous devons donc nous en réjouir.

Vous ne devriez pas souffler le chaud et le froid, monsieur de Courson, et faire des rapprochements entre deux impôts, l’IS et la C3S, qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je rappellerai à mon collègue qu’il n’a pas été évident pour le Gouvernement de choisir entre l’IS et la C3S. J’en ai parlé avec M. Sapin – cela n’a rien de secret. Dans le cadre de l’enveloppe, il a été choisi de faire passer la suppression de la C3S avant la baisse des taux de l’IS et je pense que c’est une erreur. Mais nous, nous n’avons pas changé d’avis, monsieur Fauré.

Ce que vous dites est inexact : il y a bien un lien entre la suppression de la C3S et la baisse des taux de l’IS – que, si je puis me permettre, vous avez approuvée. Mais il n’est jamais trop tard pour réfléchir aux décisions que nous avons prises et pour essayer de les faire évoluer dans la bonne direction.

Même M. Alauzet, qui n’est pas tout à fait au centre droit, partage cette analyse, tout comme certains de vos collègues.

Ce sujet mérite une plus large réflexion. J’espérais que M. Eckert se montrerait plus ouvert et envisagerait d’y réfléchir. Il s’agit non pas d’augmenter la dépense, mais de la répartir différemment, en privilégiant la baisse de l’IS par rapport à la poursuite de la baisse de la C3S.

(L’amendement n81 n’est pas adopté.)

(L’amendement n278 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n644.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement est fondé sur le même principe que les deux précédents puisqu’il vise à élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Nous parlons ici de taux de l’IS, mais je rappelle que le plus gros problème vient de l’assiette de cet impôt, qui s’est délitée.

L’une des dispositions qui a contribué à vider l’IS de sa substance est la « niche Copé », votée à la va-vite en 2004 et qui exonère de l’imposition les résultats des cessions de titres de participation détenus depuis plus de deux ans.

Faire passer le montant total des niches fiscales de 75 milliards à 50 milliards d’euros était l’un des engagements de campagne du candidat François Hollande, devenu depuis Président de la République. Il me semble que s’agissant de la « niche Copé », nous pourrions agir de façon un peu plus forte, même si je reconnais qu’elle a déjà subi un coup de rabot en 2013.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable car, comme vous l’avez souligné, cette niche a déjà subi un coup de rabot.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n644 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n297 rectifié.

M. Charles de Courson. Actuellement, le taux d’impôt sur les sociétés des petites et moyennes entreprises est de 15 % jusqu’à 38 120 euros. Nous proposons de porter ce seuil à 100 000 euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un amendement extrêmement intéressant que j’avais moi-même déposé il y a deux ans.

M. Charles de Courson. Je n’ai pas eu la cruauté de le rappeler !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous auriez pourtant dû, car je l’assume parfaitement. C’est effectivement un très bon amendement, mais il coûterait très cher – environ 1 milliard d’euros – et c’est la raison pour laquelle, presque à regret, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne sais pas quelle somme porter au compteur de M. de Courson, qui s’élève déjà à plus de 4 milliards, puisque, selon nos calculs, cet amendement coûterait 1,4 milliard.

Vous proposez, monsieur le député, de ralentir la baisse de C3S, mais celle-ci est de 1 milliard cette année et même si vous l’arrêtiez totalement, cela coûterait tout de même un milliard. Dois-je porter 400 millions ou plus au compteur que je tiens à jour depuis le début de cette discussion parlementaire pour évaluer le montant des réductions de recettes que vous proposez à tour de bras ?

Vous l’aurez compris, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, préférant à ce stade agir sur la C3S qui concerne les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 19 millions d’euros, ce qui, vous le reconnaîtrez, ne concerne pas les multinationales.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je vous remercie pour ces chiffres, monsieur le secrétaire d’État, mais notre rapporteure générale étant favorable à cet amendement, dont elle évalue le coût à 1 milliard, cela correspondait parfaitement. Si, comme vous nous l’indiquez, ce coût est 1,4 milliard, je propose de réduire le plafond, en le faisant passer de 100 000 à 80 000 euros. Je vous rappelle par ailleurs que je vous ai proposé les 4 premiers milliards dans le seul but de vous rappeler vos erreurs et que j’ai retiré mes amendements. Mon compteur est donc toujours à zéro.

M. Thierry Benoit. Notre collègue est un bon gestionnaire !

(L’amendement n297 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 488 et 489, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour les soutenir.

M. Patrick Bloche. Nous avons fait l’excellent choix, l’année dernière, de proroger le crédit d’impôt pour la production phonographique jusqu’en 2018, en fixant un plafond de 1,1 million d’euros par entreprise et par exercice.

Ce qui vous est proposé aujourd’hui à travers ces deux amendements, c’est de réajuster ce crédit d’impôt pour lui donner toute l’ampleur nécessaire. Comme vous le savez, pour les industries culturelles, le crédit d’impôt est un levier extrêmement dynamique car chaque euro de crédit d’impôt correspond à plusieurs euros en termes d’activité et de soutien à l’emploi.

Le crédit d’impôt pour la production phonographique concerne à 80 % les PME et les TPE – ce que l’on appelle communément les labels indépendants.

Ces deux amendements visent à réajuster le dispositif que nous avons prorogé l’année dernière.

Le premier vise à définir ou redéfinir les artistes dont les projets sont éligibles. En effet, les artistes ayant dépassé le seuil de 100 000 ventes pour deux albums distincts tout au long de leur carrière ne peuvent plus prétendre accéder au dispositif. Ce sont des artistes que nous connaissons tous : Abd al Malik, Alain Chamfort, Axelle Red, Miossec, Vincent Delerm, Thomas Fersen, Yann Tiersen, Cali, etc.

Le second amendement, qui vise à soutenir l’exportation de la production musicale française à l’international, bénéficie du soutien du ministère de la culture et du ministère des affaires étrangères. Actuellement, seules les dépenses réalisées au titre de la tournée des artistes à l’étranger sont éligibles au crédit d’impôt. Il faudrait élargir le périmètre des dépenses éligibles au titre de l’export, car le développement d’un projet musical à l’international nécessite une série d’investissements qui doivent être pris en compte dans le crédit d’impôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le coût du crédit d’impôt tel qu’il existe aujourd’hui se chiffre à 11 millions d’euros. Nous n’avons pas évalué le coût de l’amendement que vous proposez, monsieur Bloche, mais je pense qu’il ne devrait pas dépasser les 3 ou 4 millions d’euros – je parle sous le contrôle de M. le secrétaire d’État.

Contrairement à l’amendement n107 de M. Rogemont, qui n’a pas été défendu, l’amendement n488 ne vise pas à supprimer l’ensemble des conditions liées à l’usage de la langue française, nécessaires pour bénéficier de ce crédit d’impôt. La commission est donc favorable à l’amendement n488. Elle est en revanche défavorable à l’amendement n489.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les crédits d’impôt pour la production phonographique connaissent une évolution comparable à celle des crédits d’impôt en faveur du cinéma.

On commence par les jeunes talents, ensuite on les étend aux anciens sur le retour avant d’en faire bénéficier tout le monde, et enfin on les étend à l’international afin de soutenir l’export.

Les crédits d’impôt pour le cinéma ont ainsi connu une explosion au cours des dernières années – je vous communiquerai les chiffres tout à l’heure lorsque nous examinerons les amendements correspondants.

J’ajoute que les crédits du ministère de la culture ont été non seulement préservés, mais augmentés, à la différence de ceux d’autres ministères. En plus du maintien de la sanctuarisation, selon l’expression consacrée, du ministère de la culture, et alors que nous faisons un effort de redressement des comptes, doit-on multiplier les crédits d’impôt pour la production phonographique en visant des publics de plus en plus larges, dans un secteur dont je ne suis pas sûr qu’il soit réellement en crise ? Je suis inquiet quant à l’évolution de ces dépenses fiscales. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 488 et 489.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. M. le secrétaire d’État est sage. Si la culture est un bien de première nécessité, tous les crédits d’impôt, toutes les réductions d’impôt et toutes les dépenses ne sont pas pour autant légitimes.

L’idée selon laquelle l’effort budgétaire qui est imposé à notre pays, aussi insuffisant et lacunaire soit-il, ne s’appliquerait pas à la culture, ni sur le plan fiscal ni au niveau des dépenses, est un contresens.

Notre collègue Dalloz a évoqué, dans sa motion de procédure, le sujet des crédits du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée. Face à cette espèce de loi d’airain qui prévaut au sein de la majorité – car je pense que la demande de Patrick Bloche est partagée par beaucoup de ses collègues – le Gouvernement fait preuve d’une lucidité que je tiens à saluer. Oui, il est important que nous soyons d’accord sur le fait que la culture est un enjeu pour notre pays, mais cela ne doit pas passer par une aggravation incessante des dépenses et des incitations fiscales.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cela ne fait que vingt-deux ans que je siège dans cette assemblée…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est beaucoup trop !

M. Charles de Courson. C’est beaucoup trop, en effet, et M. le secrétaire d’État en tirera rapidement les conséquences ! Nous voyons arriver chaque année, dans le domaine culturel notamment, de nouveaux amendements visant à améliorer la situation des uns et des autres.

Monsieur Bloche, les amendements que vous déposez depuis des années sont d’inspiration biblique. On pourrait les résumer ainsi : à ceux qui ont, on donnera encore plus ; à ceux qui n’ont rien, on retirera même ce qu’ils n’ont pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Charles de Courson. Avez-vous pensé que ce que vous donnez en plus à une filière est payé par les autres ? Dans un instant, le ministre va rebondir sur les SOFICA. Vous êtes-vous demandé comment évoluaient les crédits d’impôt, surtout dans un ministère qui, dans le budget pour 2016, n’a pas été amené à consentir les mêmes efforts que d’autres ?

Savez-vous à quoi tend la poursuite de tels comportements ? Alors même que votre parti politique voulait réduire de 50 milliards les niches fiscales qui représentaient 70 milliards en 2012 – c’est un engagement que vous avez voté, monsieur Bloche –, celles-ci se montent aujourd’hui à 83 milliards.

M. Nicolas Sansu. Non : 89 milliards !

M. Charles de Courson. Tout dépend comment on calcule.

Un tel comportement pose problème. Nous voterons donc contre ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis habitué à entendre chaque année à peu près les mêmes discours, mais je tiens à donner deux précisions.

D’abord, il ne faut pas confondre les crédits d’impôt pour la musique et ceux pour le cinéma, car leurs enjeux financiers n’ont pas la même dimension.

En 2013, le crédit d’impôt à la production phonographique a été consommé à hauteur de 8 millions d’euros, ce qui est modeste, pour des recettes nettes de 9,25 millions, soit un gain de 1,25 million pour l’État, grâce aux recettes de TVA et de cotisations sociales générées par les projets soutenus par cette mesure. C’est donc un dispositif qui rapporte de l’argent.

Ensuite, on ne peut pas assimiler les crédits d’impôt en faveur des industries culturelles au budget de la culture. Je le précise pour répondre à M. de Courson, qui se présente comme le chevalier de l’Apocalypse du crédit d’impôt culturel.

Cela dit, pour aller dans le sens que suggère la rapporteure générale, je retire l’amendement n489 au bénéfice du n488, qui a reçu l’avis favorable de la commission.

(L’amendement n489 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

(L’amendement n488 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n679 rectifié.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement concerne les banques françaises et les paradis fiscaux.

L’article 7 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a instauré de nouvelles obligations pour les établissements de crédit, à travers la publication d’un reporting de leurs activités pays par pays.

Cette disposition a constitué une réelle avancée en termes de normes de transparence appliquées aux grands établissements bancaires. Nous pensons d’ailleurs qu’il faudrait l’étendre à d’autres secteurs comme les compagnies d’assurance ou de réassurance.

Les banques françaises ont publié récemment des informations sur leurs filiales, leur chiffre d’affaires et leur nombre d’employés, pays par pays. Cependant, ces informations sont encore incomplètes, puisqu’on attend la publication des données relatives aux impôts payés, aux subventions reçues et aux bénéfices réalisés.

Les premières informations, analysées par la « Plate-forme paradis fiscaux et judiciaires », composée d’ONG diverses, permettent d’ores et déjà de constater formellement que les paradis fiscaux sont au cœur de l’activité internationale des banques françaises. Plus du tiers des filiales étrangères des cinq plus grandes banques françaises et 26 % de leur produit net bancaire sont situés dans des territoires à fiscalité privilégiée.

La lutte contre l’évasion fiscale est plus que jamais une urgente nécessité. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.

Cet amendement porte une ambition mesurée. Il vise à instaurer une contrepartie financière au recours aux paradis fiscaux par les établissements bancaires français.

Pour ce faire, il vise à proroger la contribution exceptionnelle sur les sociétés, qui cessera de s’appliquer pour les exercices clos après le 30 décembre 2016, aux seuls établissements bancaires français dont plus de 5 % des filiales étrangères sont situées dans des paradis fiscaux ou dont plus de 5 % du produit net bancaire est enregistré dans ces territoires.

L’amendement cible le nombre de filiales étrangères basées dans des paradis fiscaux. En effet, certaines d’entre elles ont un produit net bancaire très faible, ce qui peut laisser penser qu’il s’agit essentiellement de conduits permettant de se soustraire à des contraintes réglementaires ou de bénéficier d’avantages juridiques importants.

L’amendement cible également le produit net bancaire réalisé dans ces territoires, où les activités menées sont parfois plus risquées et bien souvent moins fiscalisées.

La mesure permettrait à l’État de bénéficier d’une partie des recettes fiscales perdues du fait de pratiques relevant de l’évasion fiscale. En somme, il s’agit d’un amendement de bon sens, qui va dans le bon sens.

Puisque nous en sommes à faire les comptes, je rappelle que le mien est positif, en ce qui concerne les recettes de l’État, tandis que M. de Courson est dans le rouge.

M. Charles de Courson. Pas du tout ! Je suis à zéro.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rappelle ce qui a déjà été fait : la séparation des activités spéculatives et la publication des résultats par pays, qui figure dans la loi bancaire. En outre, seront bientôt mises en œuvre les premières recommandations de l’OCDE, dans le cadre de la lutte contre l’optimisation fiscale agressive. Autant de dispositions permettant d’encadrer le recours aux pratiques que vous mentionnez. La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Au nom de quoi imposerait-on une surtaxe à l’IS des banques et non à celui des assurances ? Et si vous l’instaurez sur les assurances, pourquoi ne pas l’étendre aussi à la grande distribution ? Est-on sûr que le dispositif tient la route sur le plan constitutionnel ? Sur ce point, je m’en remets à l’avis de M. le secrétaire d’État.

Mme la présidente. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Sansu ?

M. Nicolas Sansu. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n679 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 596 rectifié et 680.

La parole est à Mme Suzanne Tallard, pour soutenir l’amendement n596 rectifié.

Mme Suzanne Tallard. Voici un amendement qui crée une recette. Il vise à inciter plus fortement les grandes entreprises à réinvestir leurs bénéfices au lieu de privilégier le versement de dividendes aux actionnaires.

Je rappelle que les grandes entreprises sont celles qui comptent plus de 250 salariés et réalisent plus de 50 millions d’euros de chiffres d’affaires.

L’amendement tend à doubler le taux de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés sur les montants distribués, contribution créée par la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012.

Les gains de recettes pour l’État, estimés à environ 1 milliard d’euros, permettraient non seulement de réduire le déficit public, mais aussi de financer la préservation de la capacité d’investissement des collectivités locales.

Il s’agit donc d’un amendement doublement vertueux.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n680.

M. Nicolas Sansu. Je n’ai rien à ajouter sur le principe de l’amendement, mais je veux donner une information à nos collègues. L’an dernier, les entreprises du CAC 40 ont versé 56 milliards d’euros à leurs actionnaires sous forme de dividendes et de rachat d’actions. Ce chiffre se rapproche du record de 2007, qui s’élevait à 57,1 milliards.

Cette année, les versements de dividendes ont atteint 46 milliards et les rachats d’actions 10 milliards. Il serait donc bon de remettre à contribution les grandes entreprises, qui bénéficient de la production de tous nos concitoyens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Un mot, pour prolonger le propos de mes collègues. Nous discutons non d’une taxe sur les profits – débat vieux comme l’hémicycle ! – mais des dividendes, c’est-à-dire de l’utilisation qui est faite de ces profits.

La question qui nous est posée, puisque tout le monde parle de compétitivité, est de savoir quelle est notre capacité à investir. Certaines entreprises réalisent des profits, mais préfèrent distribuer des dividendes. Si l’on veut les inciter à investir plutôt qu’à rémunérer des actionnaires, je pense que cet amendement va dans le bon sens et répond à tous les vœux de moralisation de la vie économique et du comportement de certaines grandes entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Benoît Hamon.

M. Benoît Hamon. Je voudrais interroger le Gouvernement et la rapporteure générale sur le sujet. Qu’évoquent ces deux amendements, sinon la question du coût du capital, symétriquement à celle du coût du travail ? Nous pourrions définir le coût du capital comme la part des bénéfices décaissée sous forme de dividendes. À ce propos, je voudrais citer une étude extrêmement intéressante publiée en janvier 2013 par le laboratoire du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques – le CLERSÉ, rattaché à l’université de Lille 1 – que connaissent sans doute le secrétaire d’État et la rapporteure générale. Elle démontrait schématiquement l’existence d’une préférence française pour les dividendes par rapport à l’Allemagne, où la part des bénéfices réinvestis dans l’entreprise est beaucoup plus importante. De fait, en Allemagne, entre les années 1980 et 2000, on a constaté une augmentation de la part des bénéfices réinvestis, alors que l’on notait, au même moment, en France, un accroissement de la part des bénéfices distribués en dividendes et une diminution de la part des bénéfices réinvestis. Je vous donne un chiffre rendu public par ce très prestigieux laboratoire : schématiquement, dans les années 80, quand une entreprise française donnait 1 euro à son actionnaire et investissait 2 euros pour se moderniser, en 2009, la même entreprise donnait plus de 3 euros à son actionnaire et en investissait seulement 1.

La question qui se pose et que, traditionnellement, tous les partis politiques se sont posée, tout du moins à gauche, est de savoir comment on peut faire en sorte, par l’outil fiscal, de favoriser le réinvestissement. À cet égard, je me réjouis de la position énoncée tout à l’heure par le Gouvernement sur les groupes de SCOP, qui vise tout simplement à défendre des modèles entrepreneuriaux patients, tempérants. Nous avions évoqué plusieurs solutions, parmi lesquelles le crédit d’impôt investissement et la modulation de l’imposition des bénéfices des sociétés selon que ces bénéfices sont réinvestis ou distribués en dividendes.

Les amendements ont le mérite de poser cette question. Je ne sais pas si, à cette occasion, le Gouvernement pourrait dire quelle est sa politique ou son orientation, mais, pour ma part, j’aimerais savoir de quelle manière, aujourd’hui, en France, sur le même modèle que celui de l’Allemagne, on encourage l’utilisation des bénéfices en direction de l’investissement plutôt que la distribution de dividendes.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai beaucoup apprécié l’intervention de notre jeune collègue, qui pose la question de savoir pourquoi on assiste à une hausse de la part des bénéfices mis en réserve en Allemagne et à une évolution symétrique à la baisse en France. Mon cher collègue, cela s’explique par deux grandes raisons. La première tient à la baisse de la rentabilité en France par rapport à l’Allemagne, comme l’atteste la baisse du taux de marge des entreprises françaises, prises globalement, qui contraste avec la situation des entreprises allemandes : on a complètement décroché.

La deuxième raison tient à la dégradation du capitalisme familial français, largement liée à l’existence de l’ISF, qui tranche, là encore, avec la situation du capitalisme familial allemand. Je vous rappelle qu’en Allemagne, depuis déjà quelques années, il n’y a plus d’ISF – ou, plus exactement, d’impôt sur le capital, car celui-ci n’était pas strictement identique à notre ISF. Peut-être faudrait-il s’interroger là-dessus.

Enfin, aucun économiste digne de ce nom ne pourra vous expliquer pourquoi il faudrait appliquer un taux différencié selon que les bénéfices sont mis en réserve ou distribués. Dans un groupe, des filiales matures, très rentables, qui ne nourrissent pas de grand projet, peuvent distribuer de manière importante les bénéfices afin de les faire remonter au niveau du groupe et, partant, financer des filiales nouvelles ayant besoin d’être soutenues pendant trois, cinq ou dix ans avant de réussir. Le même problème se pose dans les entreprises, à l’égard des actionnaires. Pensez-vous que vous placeriez votre argent dans une entreprise qui affirmerait ne plus vouloir distribuer un sou ? Aucun fondement économique ne justifie donc cette différenciation. De surcroît, l’écart que vous signalez à juste raison entre la France et l’Allemagne s’explique par notre système fiscal, qui a détruit une partie du capitalisme familial, alors que l’Allemagne a eu l’intelligence de tout faire pour le protéger.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement, je le répète, est défavorable à ces amendements, pour plusieurs raisons, dont certaines ont été exposées par Mme la rapporteure générale. Cette taxe sur les dividendes avait été mise en place afin que son produit pallie l’impossibilité de taxer les dividendes versés en France par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières – OPCVM – d’origine étrangère. M. le président de la commission des finances doit se le rappeler : c’est d’ailleurs un mauvais souvenir pour lui, puisqu’il s’agit d’un contentieux dont nous continuons à payer les conséquences.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Les contentieux sont un problème permanent : il y en a d’autres, dont nous parlerons !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certainement, mais vous avez beaucoup d’avance en la matière, monsieur le président : entre celui-là et les autres, on a encore de la marge.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Certains sont plus coûteux que d’autres : le contentieux relatif aux OPCVM nous a coûté 6 milliards !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous ne sommes pas à l’abri d’une condamnation, puisque l’Union européenne nous a mis en demeure sur ce point. On n’en est certes pas au stade de l’alerte rouge ; nous sommes en train de discuter. Mais au moment où ce précontentieux, si j’ose dire, est amorcé, il serait difficile d’envisager un durcissement du dispositif.

Monsieur de Courson, certains des arguments que vous avez présentés ne tiennent pas. S’agissant des filiales existantes au sein d’un groupe, vous connaissez d’ailleurs certainement mieux que moi la question de l’intégration fiscale et de la notion de groupe. Vos arguments, je le répète, ne tiennent pas.

M. Charles de Courson. Mais si !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. De surcroît, cet amendement bouleverserait la fiscalité des entreprises, au moment même où nous essayons de donner un peu de stabilité et de visibilité.

(Les amendements identiques nos 596 rectifié et 680 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n591 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 813.

La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement.

M. Dominique Lefebvre. C’est le deuxième des trois amendements dont nous avons commencé l’examen tout à l’heure concernant le régime fiscal des groupements de SCOP, qui fait l’objet d’un sous-amendement pertinent du Gouvernement. J’espère donc qu’il sera adopté lui aussi.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n813.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce sous-amendement vise à préciser la notion de « SCOP de SCOP », cette fois s’agissant de l’impôt sur les sociétés. Un troisième sous-amendement du même type sera discuté ultérieurement. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n591 sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n591 et le sous-amendement n813 ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, avis favorable au sous-amendement et à l’amendement ainsi modifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis favorable à cette idée, mais je souhaiterais poser une question au Gouvernement. N’y aura-t-il pas d’effets collatéraux ? Par exemple, les unions de coopératives – qui sont également exonérées d’impôt sur les sociétés – seront-elles traitées de la même façon ? Autrement dit, fait-on preuve de cohérence à l’égard des différentes formes d’activités, qu’elles soient, par exemple, des coopératives ou des SCOP ? En est-on sûr et ne va-t-on pas créer des disparités entre les uns et les autres ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il ne s’agit pas du même sujet puisque les SCOP ont des droits précis – ce sont ceux-là qu’il est envisagé d’étendre aux SCOP de SCOP – alors que les coopératives ne bénéficient pas du même type de droits. J’espère avoir répondu à votre question, monsieur de Courson, mais peut-être en avez-vous une autre : vous n’en êtes jamais avare ! (Sourires.)

(Le sous-amendement n813 est adopté.)

(L’amendement n591, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 757 et 343 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n757.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement concerne le crédit d’impôt recherche. Le Gouvernement a rappelé à de nombreuses reprises qu’il ne souhaitait pas une modification des conditions d’application de ce crédit d’impôt. Pourtant, un rapport sénatorial qui a failli sortir montre bien que ce dispositif se heurte à de grosses difficultés. La décision de sanctuariser ce crédit d’impôt est donc pour le moins discutable. La preuve des dysfonctionnements du dispositif n’est plus à faire. Ce crédit, dont le coût est de 6 milliards d’euros contre 930 millions à sa création en 2004, est générateur d’importants effets d’aubaine pour les grands groupes qui captent une partie du dispositif. Une vingtaine de groupes bénéficient du quart du montant de ce crédit d’impôt : SANOFI a par exemple bénéficié de prêts de 150 millions d’euros par an au titre du CIR, tout en supprimant des centaines de postes de chercheur. Le secteur bancaire utilise le CIR pour financer des recherches sur les algorithmes de trading de haute fréquence.

Des marges de manœuvre existent pour mieux cibler le dispositif et déjouer les stratégies d’optimisation, afin de réduire le coût. Les économies réalisées pourraient permettre d’abonder les crédits de la recherche publique et soutenir l’emploi dans ce secteur, car l’arbitrage entre dépenses fiscales et dépenses publiques directes se fait terriblement sentir en ce domaine. Tel est le sens de notre amendement, qui n’est pas nouveau, et que la rapporteure générale, me semble-t-il, avait soutenu. Nous proposons que le seuil de 100 millions d’euros s’apprécie au niveau du groupe, au sens de l’article 223 A du code général des impôts. Nous savons en effet que les groupes intégrés fiscalement au sens de l’article précité peuvent légalement faire entrer ou sortir des entreprises du périmètre de leur intégration afin de bénéficier plus largement du crédit d’impôt recherche et maximiser artificiellement leur avantage fiscal.

Le présent amendement vise donc à ce que le CIR soit apprécié au niveau de chaque groupe. Il se situe dans le prolongement des recommandations de la Cour des comptes, qui estime l’économie pouvant être réalisée à 530 millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n343 rectifié.

Mme Eva Sas. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n309.

L’amendement n309, identique à l’amendement n755 de M. Sansu, vise à ce que le seuil de 100 millions d’euros, qui conditionne le taux du crédit d’impôt recherche, soit apprécié au niveau du groupe. Cela nous paraît extrêmement important pour éviter les effets d’optimisation fiscale pure, qui consistent notamment à apprécier le seuil au sein de chaque entreprise, ce qui permet de bénéficier d’un plafonnement beaucoup plus élevé au niveau des groupes.

De façon générale, on assiste aujourd’hui à une dérive du coût budgétaire du crédit d’impôt recherche. Il n’y a, à notre sens, aucune raison de sacraliser celui-ci, d’autant qu’il engendre des effets d’aubaine de plus en plus avérés. Aussi, plutôt que de défendre le système tel qu’il est, qui est devenu, en quelque sorte, un système d’optimisation fiscale, mieux vaut restaurer son objectif initial, c’est-à-dire encourager la R et D au sein des TPE-PME. Tel est le sens de nos deux amendements.

Comme je l’ai dit, l’amendement n309 vise à ce que le seuil de 100 millions d’euros soit apprécié au niveau du groupe et non de l’entreprise. Quant à l’amendement n343 rectifié, il a pour objet de plafonner le montant des dépenses de R et D éligibles à 50 millions d’euros. On est bien là dans une logique de ciblage, d’optimisation de ce crédit d’impôt recherche qui, je le répète, est un bon dispositif, qu’il faut rendre à son objectif originel, c’est-à-dire favoriser la R et D dans les TPE-PME.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 757 et 343 rectifié ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces deux amendements sont discutés dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances, ce qui signifie que, s’ils étaient votés aujourd’hui, une petite rétroactivité s’appliquerait. Ce serait contraire à l’engagement pris par le Premier ministre, qui a été rappelé hier soir par le secrétaire d’État au budget. La commission a émis un avis défavorable. Je vous invite donc à retirer ces amendements pour que l’on puisse rediscuter de ce sujet en deuxième partie.

Sur le fond, la Cour des comptes, que la commission des finances a auditionnée, a mentionné les points auxquels vous avez fait référence. Depuis, j’ai approfondi mon étude du sujet, comme je m’y étais engagée auprès de vous l’an dernier. Je vous communiquerai, lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi, les montants concernés, notamment celui du crédit d’impôt recherche versé à des entreprises étrangères, puisque tel était le sujet de la discussion que nous avions eue l’an dernier.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous sommes dans l’allée des marronniers : les propositions faites dans ces amendements sont connues, nous en avons déjà discuté. Qu’elles soient formulées d’une façon ou d’une autre, elles auraient à peu près le même effet et s’appuient sur l’idée que le crédit d’impôt recherche serait un véhicule d’optimisation, agressive ou non ; entre l’optimisation, l’agressivité et la fraude, il y a parfois peu de différence.

Ainsi que je l’ai rappelé ce matin, et je le répéterai cet après-midi, les entreprises se plaignent d’être trop contrôlées sur le crédit d’impôt recherche. Elles nous disent que c’est un facteur de lenteur qui les pénalise, les paralyse et les empêche de s’engager pleinement dans la voie de la recherche et du développement. J’ai ce débat toutes les semaines avec les chefs d’entreprise que je rencontre.

À l’inverse, certains parlementaires sont persuadés que le crédit d’impôt recherche donne lieu à un taux de fuite gigantesque alors qu’une autre idée est assez largement répandue : c’est l’un des outils, sinon le principal, d’attractivité de notre territoire. Nous avons à cet égard atteint un point d’équilibre. Nous avons discuté avec les entreprises pour que la fluidité des contrôles s’améliore et que le dialogue soit facilité lors de ces contrôles.

Monsieur Sansu, j’ai été auditionné par la commission d’enquête, et je me suis donc exprimé sous serment. J’ai peut-être convaincu, puisque le rapport n’a finalement pas été publié. Vous évoquez le secteur bancaire ; je n’ai pas les chiffres exacts en mémoire, mais ce secteur est bénéficiaire du crédit d’impôt recherche dans une très faible proportion. Je pourrai vous donner les chiffres, ils ne sont pas secrets. J’avais moi aussi lu des articles qui dans leurs titres affirmaient le contraire, mais c’est inexact.

Certes, comme pour toute mesure fiscale, il y a toujours un risque d’effet de bord, d’effet d’aubaine que l’on ne peut éviter à moins de tout contrôler pièce à pièce. Il me semble que nous avons trouvé là un bon équilibre ; je ne m’attarderai pas davantage sur le sujet à ce stade et n’y reviendrai pas au cours de la discussion budgétaire. La position du Gouvernement est constante et très claire : ne pas toucher à ce dispositif pour ne pas donner un mauvais signal au moment où celui-ci est un facteur d’attractivité très important.

M. Dominique Baert. Il a raison !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même si on pourrait parfois être tenté de le faire, nous ne voulons pas donner ce signal. Je m’opposerai donc à tous les amendements qui viseraient à toucher d’une façon ou d’une autre au crédit d’impôt recherche.

M. Dominique Baert et M. Alain Fauré. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. J’approuve la position du Gouvernement sur la stabilité du crédit d’impôt recherche. On pourra constater au demeurant que nos collègues sont plus ardents à toucher au crédit d’impôt recherche qu’à maîtriser les dépenses fiscales dans le domaine culturel, ainsi que cela a été évoqué tout à l’heure.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes montants qui sont en jeu, monsieur Mariton ! Vous confondez les millions et les milliards !

M. Hervé Mariton. Je reviendrai sur un point qui a été discuté en commission et qui est intéressant, monsieur le secrétaire d’État. Quand bien même nous comprenons et partageons cet objectif de stabilité du crédit d’impôt recherche, le Gouvernement peut-il nous indiquer précisément quelle est la part de ce crédit d’impôt consacrée aux dépenses de recherche réalisées hors de France ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. On aborde là un débat de fond, et c’est bien l’utilité de nos discussions dans cet hémicycle.

Monsieur le secrétaire d’État, si vous considérez le crédit d’impôt recherche comme un outil pour attirer les entreprises sur notre territoire, c’est plutôt grave. Lorsque j’ai entendu le groupe L’Oréal déclarer l’année dernière au Premier ministre qu’il continuait à travailler en France grâce au crédit d’impôt recherche, j’ai été sidérée de constater où nous en étions.

M. Hervé Mariton. Eh oui !

Mme Isabelle Attard. Est-ce cela l’objectif du crédit d’impôt recherche ? Au départ, ce dispositif visait à favoriser les activités de recherche au sein de toutes les entreprises, en particulier au sein des TPE et PME, qui aujourd’hui ne sont pas celles qui reçoivent le plus à cet égard. Selon la Cour des comptes, il y a un abus dans l’utilisation de ce crédit d’impôt. À un moment où nous rencontrons des problèmes de vétusté des universités, des laboratoires de recherche, précisément, le décalage entre les sommes importantes allouées au crédit d’impôt recherche et l’état de nos universités n’est pas acceptable.

Enfin, cher collègue Hervé Mariton, nous sommes là non pas pour supprimer le crédit d’impôt recherche, mais pour en faire un outil juste, pour que les entreprises puissent faire de la recherche et éviter qu’il y ait des abus tels que ceux que l’on constate aujourd’hui. Nous avons tous des entreprises sur nos territoires qui rencontrent des difficultés avec le crédit d’impôt recherche, qui devraient en bénéficier, et qui n’en bénéficient pas ou pâtissent de retards de paiement, tandis que des entreprises comme L’Oréal ou Sanofi, comme le soulignait notre collègue Nicolas Sansu voilà quelques instants, touchent de manière éhontée des sommes incroyables. Nous sommes là pour rétablir une certaine justice du crédit d’impôt recherche, et si nous ne pouvons pas le faire dans cet hémicycle, alors je ne sais pas où cela pourra être fait.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Mes chers collègues, nous avons eu cette discussion exactement dans les mêmes termes au cours de l’examen des projets de loi de finances pour 2013, pour 2014 et pour 2015. Je me souviens en particulier de débats dans cet hémicycle sur l’interprétation du rapport de mes anciens collègues de la Cour des comptes. Il est naturel que celle-ci s’interroge sur l’augmentation d’une dépense fiscale. Cela a néanmoins été interprété comme une critique de la part de la Cour du fonctionnement du CIR, notamment de la mesure ici ciblée, c’est-à-dire le seuil de 100 millions d’euros. C’est inexact, et je vous invite à relire le rapport pour le vérifier.

Les choses sont donc extrêmement simples. Contrairement à ce que vient de dire la rapporteure générale, si la commission des finances a rejeté cet amendement, ce n’est pas pour qu’il soit examiné lors de la prochaine lecture. Au moment où ce sujet a été débattu, j’ai rappelé, au nom du groupe socialiste, l’engagement qui était le nôtre, ainsi que je l’avais fait l’année dernière et l’année précédente : le groupe socialiste, à l’instar du Gouvernement, ne modifiera pas le crédit d’impôt recherche au cours de la législature. La raison en est simple : si des ajustements sont nécessaires, il convient néanmoins de permettre aux entreprises, notamment les PME – certains députés ont rencontré des chefs d’entreprise dans cette situation –, tant à l’international qu’en France, de conserver une certaine visibilité.

L’année dernière, lorsqu’un amendement de ce type avait été adopté par accident en commission des finances, cela avait jeté un doute sur la pérennité du dispositif. Les députés du groupe socialiste ne voteront donc ni cet amendement ni les suivants sur le crédit d’impôt recherche.

M. Dominique Baert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Christophe Borgel. Le débat sur le crédit d’impôt recherche n’est pas verrouillé, et je défendrai moi-même un amendement sur le sujet dans quelques instants. Je souhaite cependant ajouter quelques éléments à ce que vient de dire Dominique Lefebvre.

Les chiffres qui nous avaient été communiqués lors de la discussion budgétaire de l’année dernière montraient que les grandes entreprises touchaient un montant plus important au titre du CIR, mais on pouvait porter un autre regard sur ces données quand on rapportait la part de CIR qu’elles percevaient à leur part de dépenses de R et D.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais vous donner les chiffres !

M. Christophe Borgel. Si les chiffres ont évolué, nous sommes prêts à les entendre, madame la rapporteure générale.

Par ailleurs, certains collègues dans cet hémicycle regrettent que le CIR ne serve qu’à favoriser les dépenses de recherche, donc la présence d’activités de R et D de telle ou telle entreprise dans notre pays. Cependant, la localisation de ces dépenses et de ces activités sur notre sol permet de développer en parallèle des activités industrielles de fabrication qui découlent de la R et D, et le départ d’un centre de R et D à l’étranger marque bien souvent le point de départ des activités industrielles. Il faut donc que les entreprises soient incitées à maintenir des activités industrielles dans notre pays. À cet égard, même si la discussion est loin d’être impossible, le CIR fait partie des instruments dont la France dispose pour faire valoir un avantage compétitif.

(Les amendements nos 757 et 343 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 309 et 755.

Sur ces deux amendements identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

L’amendement n309 a été défendu par Mme Eva Sas voilà quelques instants.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n755.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise à ce que le seuil de 100 millions d’euros pour le CIR s’apprécie au niveau du groupe. Personne ne remet en cause le dispositif, au contraire ! Il s’agit de le cibler davantage et de le rendre plus efficace.

Les dépenses de recherche des entreprises représentent aujourd’hui 1,43 % du PIB, alors que la moyenne de l’OCDE est de 1,58 %. Bien que notre dispositif soit présenté comme le plus merveilleux, le crédit d’impôt recherche est extrêmement coûteux, très dynamique en raison des effets d’aubaine qui, quoi qu’on en dise, sont bien réels. Les dépenses en recherche et développement représentent au total 2,25 % du PIB, ce qui est bien loin des 3 % qui seraient nécessaires à la modernisation de notre appareil productif. Telle est la réalité.

Le crédit d’impôt recherche, qui est extrêmement coûteux et très dynamique, est-il donc aujourd’hui adapté en tout point et en toutes circonstances ? Nous ne le pensons pas, et c’est la raison pour laquelle nous avons proposé certaines modifications.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. J’en profiterai pour vous donner quelques chiffres, car ceux qui ont été cités tout à l’heure par M. Borgel ne me semblent pas tout à fait exacts. Entre 2007 et 2012, les dépenses de R et D des PME ont progressé de 53 % et celles des grandes entreprises de 15 % – ce sont les chiffres de la Cour des comptes. Le montant de CIR a augmenté de 183 % pour les PME et de 482 % pour les grandes entreprises. Vous pouvez tordre les chiffres autant que vous le souhaitez, les faits sont là.

Je vais à présent relire l’analyse de la Cour des comptes pour notre collègue Dominique Lefebvre, car même s’il s’agit de sa maison d’origine, il a peut-être oublié ce qui figurait dans le rapport : « […], afin de s’assurer que le CIR n’est pas détourné de son objet, le bénéfice de ce crédit d’impôt pourrait être utilement réservé aux groupes dont les conventions d’intégration fiscale prévoient la réaffectation des créances de CIR aux filiales ayant généré les dépenses de R et D. Cette manière de procéder pourrait à tout le moins être mise en avant au titre des bonnes pratiques en matière de gestion du CIR et valorisées par les entreprises. »

Ce débat a eu lieu au sein de notre commission, qui avait voté l’année dernière les amendements auxquels vous avez fait référence, monsieur Lefebvre. J’entends bien qu’il faut absolument, dans cette première partie de projet de loi de finances, éviter les petits effets rétroactifs comme le Premier ministre s’y est engagé. J’ai pris le soin de citer avec exactitude le rapport de la Cour des comptes afin qu’il n’y ait pas de malentendu dans notre hémicycle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Puisque nous citons des chiffres, permettez-moi d’en donner sur un autre sujet, madame la rapporteure générale : entre 2007 et 2012, la part des dépenses de recherche et développement des entreprises est passée de 1,31 % à 1,45 % du PIB. On peut toujours estimer que cette augmentation est trop faible ou trop forte, il s’agit néanmoins d’une augmentation.

Afin d’apporter une réponse à la question de M. Mariton, je vous livrerai un autre chiffre. La recherche et développement sous-traitée à l’étranger, et il convient ici d’être attentif au sens des mots, représente 1,32 % du montant déclaré des dépenses de recherche et développement.

Cela n’empêche pas, car il faudra approfondir ce travail, de se pencher sur le montant des dépenses de recherche et développement déclaré par des entreprises étrangères dont certaines filiales font de la R et D en France, et il y en a, heureusement ! Je ne sais pas si je réponds à la question de M. Mariton, mais je suis précis. Le montant des dépenses de la recherche et développement sous-traitée à l’étranger s’élève à 1,32 %, taux faible qui peut susciter quelques doutes ou quelques fantasmes.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il n’y a pas de fantasmes dans tout cela. Le groupe Les Républicains votera bien sûr contre les amendements mettant en cause le crédit d’impôt recherche qui est une donnée importante du climat économique actuel en France. Par ailleurs, je prends acte du fait que Mme la rapporteure générale est soucieuse d’éviter toute rétroactivité, même petite. Nous aimerions que cela soit un principe général. Je ne sais pas si j’ai bien posé la question, monsieur le secrétaire d’État, ni si vous y répondez complètement.

Vous avez répondu s’agissant des dépenses de recherche sous-traitée. Je ne sais pas tout de l’organisation des circuits comptables des dépenses de recherche, mais j’imagine que des entreprises françaises sont susceptibles de mener à l’étranger des actions de recherche sans que celle-ci soit sous-traitée au sens que revêt la description ordinaire d’une chaîne de sous-traitance. Ma question est à la fois technique et financière. Ces dépenses sont-elles éligibles au crédit d’impôt recherche ? Quels sont les enjeux économiques et budgétaires si ce que je décris est exact ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais revenir à des aspects concrets. J’ai pris note des chiffres évoqués par Mme la rapporteure générale faisant état d’une progression des dépenses de R et D, entre 2007 et 2012, de 53 % pour les PME, ce qui est plutôt important, et de 15 % pour les grands groupes. Bien sûr, ces derniers investissant des montants largement supérieurs, 15 % cela représente une masse plus importante.

Mais je ne comprends pas l’acharnement dont font preuve nos collègues GDR et écologistes, ou apparentés. Pourquoi s’acharnent-ils à lutter contre le crédit impôt recherche ? Il s’agit tout de même d’un dispositif qui fait consensus, qui a traversé tous les gouvernements et qui garantit l’emploi à l’avenir, ne vous en déplaise, chers collègues ! Si le secteur de l’automobile ne pouvait pas s’appuyer sur des programmes lourds de recherche et de développement menés avec l’ensemble des co-traitants et des sous-traitants qui y travaillent, comment maintiendrait-on l’emploi dans nos territoires ? Approfondissez un peu votre réflexion au-delà du simple chiffre à court terme ! Ce serait intéressant pour l’avenir du débat sur le crédit d’impôt recherche au sein de cette assemblée !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je souhaite apporter une précision. J’ai demandé aux services de Bercy quels étaient le montant du CIR versé à des entreprises françaises pour la recherche en France, le montant du CIR versé à des entreprises étrangères pour la recherche en France, le montant du CIR versé à des entreprises françaises pour la recherche à l’étranger et le montant du CIR versé à des entreprises étrangères pour la recherche à l’étranger, soit quatre cas.

J’ai reçu du ministère certaines données, couvertes bien entendu par le secret fiscal. Je procède actuellement à leur traitement et vous les communiquerai sous forme statistique, mes chers collègues, en identifiant notamment la part du CIR versée à des entreprises étrangères pour de la recherche en France. Compte tenu des données dont je dispose, je ne suis pas en mesure d’identifier la part du CIR versée à des entreprises étrangères pour la recherche à l’étranger.

M. Hervé Mariton. M. le secrétaire d’État a parlé de sous-traitance !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Et s’il dispose de données, je suis évidemment preneuse !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je ne voudrais pas qu’il subsiste une erreur d’analyse, madame Dalloz. Personne ne remet en cause la nécessité d’aider la recherche et le développement !

Mme Marie-Christine Dalloz. Fort bien !

M. Nicolas Sansu. Nous sommes des amoureux de la production industrielle et savons ce que nous devons à la qualité de notre recherche et développement. La question que nous soulevons porte sur l’efficacité du dispositif. Comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État, les dépenses de recherche des entreprises sont passées de 1,31 % du PIB à 1,45 % du PIB entre 2007 et 2012, soit une augmentation de 0,14 %. Et depuis 2007, le CIR est passé de 2 à 6 milliards d’euros, soit 0,2 point de PIB. Autrement dit, il a davantage augmenté que la dépense de recherche totale !

Tel est le problème de ce dispositif. L’effet de levier ne fonctionne pas, car il y a trop d’effets d’aubaine ! Cela pose la question de l’arbitrage entre dépense fiscale et dépense publique. Je rappelle que les postes ouverts au concours du CNRS ne cessent de diminuer, passant de 400 en 2010 à 200 en 2016, et que le nombre de postes de techniciens et d’ingénieurs au CNRS a diminué de 26 %. Voilà la réalité ! C’est pourquoi nous souhaitons réorienter les crédits affectés à la recherche.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Selon l’expression favorite de M. le secrétaire d’État, ce sont deux amendements marronniers ! Une telle proposition nous est faite tous les ans ! Je croyais qu’il existait un consensus de tous les courants politiques en faveur du soutien au CIR. Nous avons passé un pacte pour ne plus toucher au dispositif, en dépit de ses imperfections.

Tout le monde sait ce qui se passerait si nous votions ces deux amendements. La recherche aéronautique, c’est-à-dire le groupe Airbus qui est l’un des rares fleurons de l’industrie française, serait pénalisée, ainsi que les groupes Peugeot-Citroën et Renault : bravo, ils ont bien besoin de cela ! Voilà à quoi on aboutirait ! Est-ce raisonnable ? Bien sûr, le plafond n’est pas parfait et il est optimisé, mais toutes les règles fiscales le sont.

Quant à l’objection de notre collègue Sansu selon laquelle la croissance du crédit d’impôt recherche a été plus rapide que celle de la dépense de recherche, elle est exacte, mais la vraie question consiste à se demander si la dépense de recherche ne se serait pas effondrée en l’absence de CIR ! Voilà une approche un peu rationnelle des problèmes ! Allez dans les entreprises grandes et moyennes, chers collègues, on vous dira qu’en l’absence de crédit d’impôt recherche on y aurait beaucoup moins investi dans la recherche. Gardons donc ce crédit impôt recherche, même s’il est imparfait ! Et évitons de le bricoler !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 309 et 755.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants35
Nombre de suffrages exprimés34
Majorité absolue18
Pour l’adoption6
contre28

(Les amendements identiques nos 309 et 755 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n344.

Mme Isabelle Attard. Il s’agit de conditionner le crédit d’impôt recherche d’un montant supérieur ou égal à un million d’euros à la création d’un poste attribué au titulaire d’un doctorat. Dans la plupart des pays de l’OCDE, le doctorat est considéré comme un passeport pour les postes à responsabilité dans le secteur privé en raison de l’autonomie des réseaux académiques et de l’ouverture internationale des diplômes. En France, la séparation entre les universités et les grandes écoles a éloigné les chercheurs de la R et D, ce dont il résulte que 9 % des docteurs sont en recherche d’emploi trois ans après leur soutenance de thèse contre 2 % à 4 % dans les autres pays de l’OCDE. C’est un énorme gâchis pour le développement économique de notre pays ! Notre amendement vise donc à encourager l’embauche de doctorants dans les entreprises en conditionnant l’obtention de chaque tranche de 1 million d’euros de créance de CIR au-delà du premier million à la création d’un emploi nouveau en R et D en contrat à durée indéterminée destiné à un docteur.

Je tiens également à préciser qu’il n’a jamais existé dans cet hémicycle de consensus s’agissant du crédit d’impôt recherche. Si chacun en était conscient, nous ne subirions pas de matraquage ou de lavage de cerveau. Le crédit d’impôt recherche pose un vrai problème. Quoi que vous en pensiez, chers collègues, c’était un sujet en 2012 et cela en sera un aussi l’année prochaine ! Nous ne lâcherons absolument pas le crédit d’impôt recherche ! Comme l’a dit M. Sansu, nous souhaitons non pas le supprimer mais le réajuster, conformément à ce que préconisent trois sources qui ne sont pas négligeables : le rapport d’Alain Claeys, celui de la Cour des comptes et le candidat François Hollande avant mai 2012.

M. Charles de Courson. Il a changé !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement qui tend à obliger les entreprises à recruter des docteurs en CDI pour bénéficier de montants élevés de CIR. D’une part, nous avons déjà voté l’année dernière la prise en compte double de la rémunération des jeunes docteurs dans l’assiette du CIR et, d’autre part, la recherche ne se limite pas aux postes offerts aux docteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il existe, dans notre pays, un problème d’insertion professionnelle des docteurs, c’est une réalité connue. Il est néanmoins un peu curieux de vouloir orienter systématiquement la recherche vers les docteurs. Leur contribution est certes importante, mais il existe d’autres voies de recherche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. J’ai du mal à voir ce qu’il y a de surprenant à faire en sorte que des docteurs qui ont fait huit années d’étude fassent de la recherche et soient embauchés, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Isabelle Attard. Qu’on oriente le crédit d’impôt recherche vers ceux qui font de la recherche, personnellement cela ne me choque pas et je dirais même qu’il est fait pour !

M. Hervé Mariton. Ils ne sont pas les seuls à faire de la recherche !

Mme Isabelle Attard. Si on compare les pays de l’OCDE, on constate des taux d’embauche très disparates. C’est ridicule ! Ou bien on tient un discours d’embauche et de valorisation de nos docteurs, ou bien on continue ainsi. Notre amendement permettrait de donner un coup de pouce à l’embauche de nos docteurs qui sont aujourd’hui en recherche d’emploi beaucoup plus longtemps qu’ailleurs en Europe. Il me semble tout à fait justifié d’utiliser l’outil idoine !

(L’amendement n344 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel, pour soutenir l’amendement n593.

M. Christophe Borgel. Cet amendement vise à renforcer une disposition grâce à laquelle les entreprises embauchant des docteurs peuvent modifier le crédit d’impôt recherche dont elles bénéficient. Dans le débat sur le rapport entre le financement de la recherche publique et le CIR, qui est récurrent lors de chaque discussion budgétaire et sans doute depuis que le CIR existe, cet amendement permettrait d’envoyer un message au monde de la recherche sans déstabiliser le dispositif. Par ailleurs, nous gagnerions à renforcer tout ce qui pourrait inciter les entreprises à se tourner vers nos docteurs dès qu’elles veulent embaucher pour leur R et D.

Si les docteurs, comme l’a dit Hervé Mariton, ne sont pas les seuls à faire de la recherche, leur état d’esprit, davantage tourné vers la recherche et la recherche-développement, n’est pas celui des diplômés des grandes écoles. La faiblesse de leur présence dans les entreprises n’est pas pour rien, à mon avis, dans les retards qu’elles accusent par rapport à certains autres pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure. La commission, soucieuse de ne pas déstabiliser le CIR, et en cohérence avec ce que vous avez mentionné précédemment, a émis un avis défavorable. Je rappelle que la loi de finances pour 2015 prévoit déjà que le salaire des docteurs est pris en compte pour le double de son montant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les dispositions actuelles sont satisfaisantes. Que le salaire des docteurs soit pris en compte pour le triple de son montant nous paraît excessif. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Christophe Borgel. J’entends le propos de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État, et je vais retirer cet amendement. Mais on ne peut pas dire qu’il déstabilise le dispositif du CIR – il ne se situe pas dans le même registre que l’amendement précédent, lequel visait à plafonner l’accès au CIR. Je pense que nous serions avisés de rechercher, dans ce débat sur le CIR, les voies et moyens d’un message en direction du monde de la recherche, notamment de la recherche publique. Il me semblait que cet amendement permettait de le faire, sans qu’il soit d’un coût considérable et bien qu’il succède à l’effort consenti l’année dernière avec la prise en compte des salaires pour le double de leur montant. Je le retire néanmoins.

(L’amendement n593 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n756.

M. Nicolas Sansu. Je le retire.

(L’amendement n756 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n758.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

(L’amendement n758, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 220 et 759, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n220.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je propose à M. de Courson, qui en est cosignataire, de le présenter.

M. Charles de Courson. Avec grand plaisir, madame la rapporteure générale ! Vous vous souvenez tous que l’article 64 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a intégré dans le code de la recherche les quinze instituts technologiques agricoles – ITA – et les quinze instituts technologiques agro-industriels – ITAI.

Cependant, alors que les dépenses de recherche des centres techniques industriels, organismes de droit privé, sont éligibles, depuis 2006, au doublement du CIR, celles des ITA et des ITAI ne le sont pas.

Il convient donc de tirer les conséquences du vote de la loi d’avenir pour l’agriculture sur le CIR et d’accorder le doublement du CIR aux dépenses de recherche des ITA et des ITAI. Le coût de cette mesure est estimé à 3 millions d’euros.

Mme la présidente. Vous conservez la parole, monsieur de Courson, pour soutenir l’amendement n759, qui est en discussion commune.

M. Charles de Courson. Son objet est strictement identique. Il n’y a qu’une toute petite différence de rédaction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je propose à M. de Courson de retirer l’amendement n759, au profit de l’amendement n220, adopté par la commission, qui vise à inclure dans le périmètre du CIR les quinze instituts technologiques agricoles et les quinze instituts technologiques agro-industriels. La commission a souhaité connaître l’incidence budgétaire d’une telle mesure avant d’adopter cet amendement : son coût est estimé à 3 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les instituts technologiques agricoles et technologiques agro-industriels sont des structures privées, souvent des associations loi de 1901. À ce titre, ils sont éligibles au régime de la sous-traitance de recherche, mais pas au doublement du CIR. L’adoption de cet amendement viendrait en contradiction avec les principes qui ont présidé au doublement du CIR pour les structures publiques. Le Gouvernement n’y est donc pas favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, puis-je me permettre, avec tout le respect que je vous dois, de vous faire observer que, depuis 2006, les centres techniques industriels, qui sont des organismes de droit privé, sont, eux, éligibles ? On ne voit pas bien pourquoi les centres techniques agricoles ne le seraient pas. Je crains que vos collaborateurs ne vous aient induit en erreur.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, retirez-vous l’amendement n259 ?

M. Charles de Courson. Tout à fait.

(L’amendement n759 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je veux être précis. Les CTI sont certes des organismes privés. Mais ils sont reconnus par la loi comme établissements d’utilité publique, et placés sous le contrôle économique et financier de l’État. À ce titre, ils sont assimilés à des organismes de recherche publique. Les organismes que vous visez ne répondent pas aux mêmes conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais l’article 64 de la loi du 13 octobre 2014 les a précisément intégrés dans le code de la recherche, comme cela avait été le cas pour les centres techniques industriels. C’est par souci de parallélisme des formes que j’ai déposé cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À malin, malin et demi ! La loi à laquelle vous faites référence a inclus ces organismes dans le cadre des organismes agréés, et c’est à ce titre qu’ils sont éligibles. Mais n’étant pas sous le contrôle de l’État, ils n’ont pas la qualité d’organismes de recherche publics. Votre interprétation de l’article 64 de la loi n2014-1170 est donc erronée.

Mme la présidente. Vous confirmez donc l’avis défavorable du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Plus que jamais !

(L’amendement n220 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 310 et 754.

La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n310.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à interdire le cumul entre le CIR et le CICE. Nous tenons compte des remarques qui nous ont été faites précédemment : nous ne touchons ni à l’un ni à l’autre, mais demandons simplement que le cumul de ces deux crédits d’impôt, pointé du doigt par la Cour des comptes en 2013, soit impossible.

Habituellement, les crédits d’impôt de ce type ne sont pas cumulables. De plus, la Cour a relevé le dérapage du coût du CIR. L’association Sciences en marche, dans une étude remise à la commission d’enquête du Sénat sur le CIR – dont le rapport n’a pas été adopté – estime que le coût du CIR a explosé depuis 2008, sans que les dépenses de recherche-développement n’aient évolué en proportion. Dans un souci d’équité de l’effort fiscal, il nous semble tout à fait normal que cette possibilité de cumul soit supprimée.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n754.

M. Nicolas Sansu. Pour compléter les propos d’Isabelle Attard, je vous donnerai un exemple révélateur de l’étendue de la question : pour un salaire brut versé de 40 000 euros, l’avantage global, CIR et CICE cumulés, est de 27 600 euros. Pourquoi faire bénéficier l’entreprise d’un CICE se montant à 6 % du salaire brut alors qu’elle profite déjà d’un CIR se montant à 30 % de ce même salaire ? Le recoupement des assiettes est estimé entre 400 et 600 millions d’euros. Le gain lié au cumul ne représente en conséquence que 30 millions d’euros environ. Cet amendement ne mettrait donc pas en péril le CIR, mais introduirait un peu de justice fiscale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pendant que vous y êtes, pourquoi n’élargissez-vous pas votre raisonnement à toutes les exonérations de cotisations sociales ?

M. Nicolas Sansu. Je le fais pour le CICE !

M. Charles de Courson. Où s’arrête-t-on ? Cela n’a aucune cohérence ! Les deux dispositifs n’ont pas le même objectif. Celui du CICE est beaucoup plus général : réduire le coût du travail. Allons directement aux faits… le reste n’est que commentaires !

(Les amendements identiques nos 310 et 754 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 122 et123, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l’amendement n122. Vous pourrez, monsieur Charasse, nous présenter également l’amendement n123.

M. Gérard Charasse. L’amendement n123 ne fait en effet que proposer une application différée au 1er septembre 2016 de la mesure prévue dans l’amendement n122. Celui-ci reprend la disposition votée par notre assemblée le 1er octobre dernier, à l’initiative du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, avec l’avis favorable du président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Elle est désormais incluse au projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, actuellement en navette.

À la demande expresse de Mme la ministre de la culture et de la communication, nous le déposons à nouveau en première partie du projet de loi de finances.

L’éligibilité des dépenses d’archéologie préventive des opérateurs privés agréés pose en effet question à notre assemblée. D’une part, ces aides publiques se répercutent sur les prix pratiqués par ces sociétés privées, alors que les services archéologiques de collectivités territoriales et l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, ne peuvent y prétendre. Elles contribuent amplement à la « spirale déflationniste » des prix, décrite par notre collègue Martine Faure dans un rapport d’information salué sur tous les bancs. D’autre part, selon le manuel de Frascati établi par l’OCDE, qui définit et identifie la recherche-développement en trois catégories précises menant à réaliser des prototypes, des modèles probatoires ou des schémas explicatifs – classification reprise par l’article 49 septies F de l’annexe III du code général des impôts – les activités d’archéologie préventive sont difficilement rattachables à la recherche-développement.

Rien non plus dans le Bulletin officiel des finances publiques du 4 avril 2014, qui concerne, entre autres, les dépenses éligibles au CIR, ne se rapporte à l’archéologie préventive, ce qui est logique. Pourtant, pas moins de plusieurs millions d’euros, car il s’agit bien d’une dépense fiscale, sont ainsi accordés tous les ans par le ministère de la recherche en dehors des clous fixés par Bercy, ce qui constitue un pur effet d’aubaine pour une activité qui n’est pas délocalisable.

C’est pourquoi l’Assemblée a adopté, début octobre, une disposition visant à compléter l’article 244 quater B du code général des impôts pour que n’ouvrent pas droit à ce crédit d’impôt les dépenses engagées dans le cadre des fouilles d’archéologie préventive, qui ressortent de la préservation de notre patrimoine commun et non de la recherche- développement.

Vous allez peut-être botter en touche, monsieur le secrétaire d’État, en nous renvoyant au ministère de la recherche mais le sujet vous concerne, tant pour ce qui est des montants engagés de manière contre-productive et qui pénalisent le service public que du caractère quelque peu étonnant de ces agréments qui entrent en contradiction avec les directives de votre ministère.

Peut-être pourriez-vous vous engager a minima, à défaut de l’inscrire dans le code, à exclure expressément par décret les dépenses d’archéologie préventive du bénéfice du CIR ? Je vous remercie par avance de votre réponse.

Mme la présidente. Vous avez donc également défendu l’amendement n123, monsieur Charasse.

M. Gérard Charasse. Tout à fait.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission les a repoussés, tout en sachant que des amendements identiques avaient été adoptés lors de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, contre l’avis du Gouvernement.

Si je traduis bien votre pensée, les entreprises privées, qui peuvent participer au même titre que le service public de l’archéologie, à de la recherche dans le cadre de contrats de fouilles archéologiques, seraient accusées de dumping sur les prix, rendu possible par le crédit d’impôt recherche auquel elles peuvent prétendre. Nous avons déjà eu ce débat, en réalité beaucoup plus large, s’agissant du CICE dont un certain nombre d’acteurs publics ne peuvent pas bénéficier. Pour autant, l’exclusion des acteurs privés d’un certain marché relèverait d’une distorsion de concurrence. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage le dernier argument de Mme la rapporteure générale. Comment pourrions-nous exclure un secteur d’activité d’une mesure d’ordre général concernant les dépenses de recherche-développement de l’ensemble des entreprises ? Ce serait contraire à tout principe d’égalité devant l’impôt et donc le crédit d’impôt. Nous avons eu tout à l’heure ce débat à propos du secteur bancaire et financier. Pensez-vous que le Conseil constitutionnel accepterait que nous prenions une mesure d’ordre général pour soutenir par un crédit d’impôt la recherche-développement dans tout le pays, à l’exception de tel ou tel secteur ? Ce serait enfreindre, à l’évidence, le principe d’égalité devant l’impôt.

Quant à l’argument tiré d’une distorsion de concurrence entre les entreprises privées et celles à caractère public, comme l’INRAP que vous visez sans doute, il ne tient pas face aux principes d’égalité et de libre concurrence. Il n’est pas possible d’adopter ces amendements qui enfreignent au moins deux principes : le principe, constitutionnel, d’égalité devant l’impôt et le principe de libre concurrence.

Vous me suggérez en repli de prendre cette décision par décret. Vous oubliez seulement que le Gouvernement n’a pas le pouvoir de fixer l’assiette de l’impôt par décret ! Là encore, la Constitution impose que l’assiette de l’impôt, son taux et ses caractéristiques soient fixés par le Parlement. Si j’agissais ainsi, j’enfreindrais les règles qui me confèrent certes un certain nombre de pouvoirs, mais pas celui-ci.

Si vous maintenez vos amendements, monsieur le député, je me verrais dans l’obligation d’inviter l’Assemblée à les repousser.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Je ne veux pas allonger le débat mais je regrette la réponse de M. le secrétaire d’État parce que je crois qu’en effet, si on ne peut pas exclure totalement un secteur du bénéfice du crédit d’impôt, il faut garantir l’égalité de traitement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Je le regrette profondément. J’aimerais bien que vous nous proposiez autre chose que le rejet pur et simple de ces amendements.

Mme la présidente. Les maintenez-vous, monsieur Charasse ?

M. Gérard Charasse. J’ai fait une contre-proposition. Je voudrais savoir ce qu’en pense le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, je veux bien que nous travaillions ensemble ce sujet qui mérite d’être approfondi mais je ne peux pas, par décret, exclure d’un crédit d’impôt une certaine catégorie d’entreprises. Le Conseil constitutionnel nous a déjà sanctionnés parce que le Parlement avait omis de fixer l’assiette, le taux et les caractéristiques d’un impôt. C’est un pouvoir qui lui est dévolu par la Constitution et dont le Gouvernement ne peut s’emparer. Votre solution de repli n’est pas envisageable.

Je vous ai ensuite rappelé les principes constitutionnels et de conformité au droit européen qui m’ont conduit à considérer que vos amendements ne pouvaient pas être adoptés.

En revanche, je suis prêt à réfléchir avec mes services à toute autre solution qui nous permettrait de remédier à la concurrence déloyale que vous évoquez, entre un organisme public et une entreprise privée qui concourent à un même objectif.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Je comprends la position du Gouvernement même si ce n’est pas celle que j’espérais. J’accepte votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, de réfléchir, avec vos services, à une solution acceptable qui permette de rééquilibrer la situation.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le débat, à la fois terminologique et de principe, est intéressant. Sans entrer sur le terrain de la concurrence entre organisme public et entreprises privées, car je me félicite plutôt de l’ouverture du champ d’activité des fouilles archéologiques, je me demande si la recherche en archéologie doit être exclue du crédit impôt recherche. Je ne vois pas pourquoi elle le serait. Si des entreprises développent des technologies intéressantes en matière de datation, de travaux d’origine, c’est une richesse pour le patrimoine de notre pays et nous devons soutenir ces actions culturelles d’autant plus qu’il existe des marchés de par le monde à faire prospérer. Il me semble donc judicieux d’inclure la recherche en archéologie dans le crédit impôt recherche. Comme le dit d’ailleurs très bien le secrétaire d’État, il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement.

En revanche, il faut distinguer la recherche archéologique de la recherche en archéologie. Ce n’est pas la même chose et tout le débat est là. Il serait intéressant que le secrétaire d’État nous donne son analyse, en doctrine : la recherche archéologique, au sens des fouilles, a-t-elle vocation à être incluse dans le champ du crédit impôt recherche ? La recherche en archéologie, oui. C’est moins évident pour la recherche archéologique, dont j’avoue découvrir qu’elle ouvre parfois au bénéfice du crédit impôt recherche. Il y a là un effet d’aubaine qui relève surtout d’un abus de terminologie. Il est clair que le terme de recherche n’a pas le même sens en l’espèce. La recherche de personnes par un détective n’est probablement pas éligible au crédit impôt recherche ! (Sourires.) Je n’exagère pas, monsieur le secrétaire d’État…

M. François André. Non, vous caricaturez !

Mme la présidente. Étant donné l’ouverture faite par le Gouvernement, je suppose, monsieur Charasse, que vous retirez vos amendements.

M. Gérard Charasse. En effet.

(Les amendements nos 122 et 123 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 5, 277, 317, 739 et 763, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 277 et 317 sont identiques.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n5.

M. Frédéric Lefebvre. Cet amendement me permet de rappeler qu’en 2014, je fus le seul député de ma famille politique à voter en faveur du pacte de responsabilité et du CICE. Je ne regrette absolument pas ce choix car ce dispositif, même s’il n’est pas parfait, permet d’alléger les charges des entreprises. J’avais d’ailleurs suggéré à l’époque, me retrouvant à défendre une position assez proche de celle des frondeurs du Parti socialiste – à moins que ce ne soit l’inverse (Sourires) –, que l’on pratique une politique à la fois de l’offre et de la demande et que les allégements de charge ne soient pas uniquement favorables aux entreprises mais profitent également aux salariés.

Je propose aujourd’hui de tirer les leçons des imperfections du CICE que chacun, ici, connaît et qu’un certain nombre d’études ont pointées. Pour autant, et cela me conforte dans mes choix passés, les entreprises ne souhaitent pas que ce dispositif soit supprimé, sauf à ce qu’il soit remplacé par un autre. C’est précisément celui que je propose. À un crédit d’impôt soumis aux aléas budgétaires et posant, de surcroît, certaines difficultés de ciblage, elles préféreraient en effet un système d’allégement de charges qui bénéficie à parts égales aux entreprises et aux salariés. C’est avec ce même souci que je défends mes amendements depuis hier, notamment lorsque nous avons débattu des heures supplémentaires. Je pense en effet qu’il est de notre devoir d’agir à la fois sur l’offre et la demande.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n277.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI s’est réjoui d’entendre, le 6 novembre 2014, le Président de la République déclarer, lors de son intervention télévisée : « Nous allons faire le CICE pendant trois ans, ça va monter en régime et après, en 2017, tout ce qui a été mis sur l’allégement du coût du travail, ça sera transféré en baisse de cotisations sociales pérennes ».

Je m’en félicite puisque les centristes défendent cette idée depuis près de vingt ans, à temps et à contretemps.

Cet amendement est un amendement hollandais – ou hollandiste, puisque les deux se disent, paraît-il. Nous prenons le Président de la République au pied de la lettre. Nous avions d’ailleurs fait cette proposition avant lui, et bien avant le débat autour du CICE. Le système doit être simple : il faut réduire les charges sociales patronales de manière simple et homogène. Tel est l’objet de cet amendement, dont je ne doute pas que les députés socialistes le votent avec enthousiasme.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement identique n317.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le même esprit, cet amendement vise à substituer au CICE une baisse des charges patronales et salariales.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pourrez pas nous reprocher de proposer une mesure au coût prohibitif, puisque nous compensons à due concurrence par une évolution du taux de la TVA. C’était ce que nous avions appelé la TVA sociale, si vous vous en souvenez. Je l’appelais, quant à moi, la TVA emploi, parce qu’elle avait vraiment vocation à réduire le coût du travail – nécessité dont vous avez pris conscience, fort heureusement.

Je vous propose d’abord de la simplification. Vous ne sauriez être contre, le Gouvernement comptant un secrétaire d’État chargé de la simplification ! En effet, les entreprises, même si elles bénéficient du CICE, trouvent ce dispositif complexe. Il n’a pas atteint son régime de croisière.

Mon amendement apporte aussi une plus grande lisibilité. Les entreprises ont besoin d’une certaine clarté. Après la hausse considérable qu’a subie l’impôt sur les sociétés ces trois dernières années, ce serait un juste retour sur le coût du travail.

Enfin, comme l’a expliqué Charles de Courson, nous anticiperions le calendrier prévu par le Président de la République, qui a annoncé que dès 2017, le CICE serait remplacé par une baisse de charges pérenne. C’est exactement ce que nous faisons, sauf que nous gageons cette baisse sur la TVA : c’est exactement l’idée de l’ancienne majorité que vous n’avez pas retenue.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n739.

Mme Véronique Louwagie. Il vise à substituer au CICE un mécanisme de baisse des cotisations sociales, comportant une baisse de 15 % sur les 500 premiers euros de salaire : le coût de cette mesure serait compensé par la mise en place d’une TVA sociale.

Je reprendrai les arguments de mes collègues. Ce dispositif serait plus lisible que le CICE, qui a pour assiette la masse salariale. Une baisse des cotisations sociales serait plus lisible au niveau des bulletins de salaire ou des déclarations sociales. En outre, l’effet serait immédiat et aurait ainsi un impact direct sur l’emploi, en levant les réticences ou les doutes qui, dans les entreprises, peuvent contrarie l’embauche. Le dispositif serait par ailleurs beaucoup plus facile à mettre en œuvre, au moment où on n’arrête pas de parler de simplification. Enfin, contrairement au CICE, cette baisse des cotisations sociales apparaîtrait dans les comptes de l’ensemble des entreprises.

Nous vous proposons donc un dispositif qui, selon les termes mêmes usités par certains députés de la majorité, clarifierait l’un des objectifs retenus de politique publique et serait facteur de simplification pour les entreprises, sans décalage dans le temps, ce qui est, je crois, très important.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n763.

M. Nicolas Sansu. Il me semble, mesdames et messieurs de l’opposition, que votre souhait est satisfait, puisque le pacte de responsabilité va se traduire par une baisse de 15 milliards des cotisations sociales.

Cette baisse étant prévue et allant même peut-être s’amplifier, nous pouvons supprimer le CICE. On aura bien les 20 milliards de baisse des prélèvements sur les entreprises. On n’est pas obligé d’aller jusqu’à 41 milliards ! Nous proposons donc par cet amendement de supprimer le CICE.

Lors de son évaluation du dispositif, France Stratégie a dû finalement conclure qu’il faudra attendre 2016 pour savoir s’il a favorisé l’emploi et la compétitivité. Les données globales révèlent, à ce stade, que les principales bénéficiaires du dispositif ne sont pas les entreprises industrielles exposées, mais au contraire les entreprises de service abritées, que ce soient les activités de service administratif, l’hôtellerie, la restauration, la construction ou, bien évidemment, la grande distribution, autant de secteurs qui ne sont pas vraiment menacés de délocalisation. Le rapport de 2015 sur le CICE relève en outre une utilisation du dispositif éloignée des objectifs : l’investissement des entreprises ne décolle pas, alors même que leur taux de marge a augmenté au premier trimestre, passant à 31,1 % contre 29,5 % en 2014.

Le Conseil économique, social et environnemental a souligné de son côté, en septembre, dans son rapport sur l’état de la France, que le CICE ne permettait que de sauver des emplois et ne permettrait pas nécessairement d’en créer. Pour le CESE, « la fragile reprise que connaît la France s’appuie avant tout sur des facteurs extérieurs auxquels le CICE est étranger ». Il juge donc « nécessaire de procéder à une évaluation complète des politiques mises en œuvre en matière de lutte contre le chômage : nombre d’emplois créés ou sauvés, pérennité de ces emplois, coût pour les finances publiques, impact sur l’activité, la compétitivité, le commerce extérieur ».

Il apparaît donc de plus en plus évident que le CICE n’a pas produit les effets escomptés en matière d’investissement ou d’emploi et qu’il a raté sa cible. La sagesse voudrait que nous supprimions cette niche fiscale au coût exorbitant pour privilégier des aides mieux ciblées sur les secteurs en difficulté : je pense bien sûr aux entreprises exposées à la concurrence et aux industries.

Ces aides devraient être assorties d’engagements fermes en termes d’investissement et de création d’emplois, ainsi que de mesures de soutien à l’investissement public. Je le redis, c’est d’autant plus nécessaire qu’aujourd’hui, aux 20 milliards de crédit d’impôt, montant qui paraissait déjà considérable en novembre 2012 à l’annonce du dispositif, s’ajoutent les exonérations et allègements de cotisations sociales annoncés en janvier 2014. La question est posée de l’efficacité de l’abaissement du coût du travail – si tant est que l’on considère que le travail soit un coût.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous allons examiner trente-quatre amendements au total portant sur le CICE. Tous ont au moins un point commun : aucun d’entre eux n’est chiffré.

M. Nicolas Sansu. Si : le mien !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’ai peur que nous n’ayons pas la même conception du chiffrage. Nous nous sommes engagés, dans cette discussion budgétaire, à ne voter que sur la base de données claires.

Monsieur Lefebvre, vous proposez de remplacer le CICE par toute une série de mesures. Je rappelle que, sur les cotisations patronales d’allocations familiales, un remboursement a déjà eu lieu l’an dernier. En outre, le dispositif général d’allégements dit Fillon demeure.

La commission n’a pas examiné ces amendements lors de sa réunion du 7 octobre, mais les a repoussés au cours de celle qu’elle a tenue avant-hier en application de l’article 88 du règlement. Ce sont certes des propositions étayées qui méritent d’être étudiées, mais nous l’avons vu hier soir, les différentiels entre ce qu’on supprime et ce qu’on prévoit peuvent aller de un à dix. Je crois donc que la prudence s’impose. D’où cet avis défavorable de la commission.

M. Frédéric Lefebvre. De l’audace, encore de l’audace…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la rapporteure générale, vous avez raison de dire que de nombreux amendements portent sur le CICE. La série qui vient de défiler sous nos yeux ébahis soulève plusieurs questions.

Certains ont mis en doute le caractère durable du CICE, par opposition à un dispositif d’allègement de cotisations. Qu’est-ce que cela signifie ? Le caractère durable d’une disposition, que celle-ci soit fiscale ou sociale, n’est lié qu’à la volonté du législateur qui est en face de moi ! Si demain vous voulez prolonger, amplifier ou arrêter une mesure, je ne vois pas la différence entre un crédit d’impôt ou une baisse des cotisations sociales. Nous n’avons pas fixé de limites temporelles au CICE. Si le législateur ne bouge pas, le dispositif perdurera. Votre argument sur ce point ne tient donc pas. Nous discuterons d’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, de la prolongation ou de l’interruption d’un certain nombre de « niches sociales », comme on dit.

Autre argument : le ciblage. En matière de crédit d’impôt, cibler une filière ou un secteur est très difficile, voire se heurte à une impossibilité constitutionnelle. Et pour les charges, les cotisations sociales, pensez-vous qu’il soit possible d’exonérer par exemple les entreprises de l’industrie automobile, pour lesquelles on a une affection particulière, mais surtout pas celles du secteur bancaire, parce qu’on ne les aime pas ? Je caricature, mais non, ce n’est pas possible : les exonérations de charges peuvent varier en fonction de la taille des entreprises, mais elles sont très strictement encadrées. Le taux de l’impôt lui aussi peut être modulé en fonction de la taille des entreprises. Vous avez tout à l’heure évoqué le taux réduit de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises de plus petite taille. Entre crédit d’impôt et cotisations, il n’y a donc pas non plus de facilités plus ou moins grandes en matière de ciblage.

Vous nous dites que le crédit d’impôt n’est pas durable et qu’il n’est pas ciblé : pas plus mais pas moins qu’une exonération ou une réduction de cotisations !

Autre reproche adressé au dispositif : une exonération de cotisations serait d’effet immédiat, alors qu’il faut attendre un an pour bénéficier du crédit d’impôt. Voilà trois ou quatre fois que j’entends cet argument, qu’il s’agisse des entreprises ou des particuliers. J’attends d’ailleurs avec gourmandise le débat sur la retenue à la source : ce différé d’imposition par rapport à l’année de perception des revenus est en effet ce que résout pour les particuliers la retenue à la source, laquelle résout aussi la question de la petite rétroactivité, permanente et universelle concernant l’impôt sur le revenu. Mais fermons cette parenthèse.

Soyons clairs : pourquoi le Gouvernement a-t-il préféré le crédit d’impôt à la réduction de cotisations ? Parce que nous n’avions pas un sou ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Parce que nous sortions d’une législature qui avait plombé le déficit et fait exploser la dette ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Et quelle est la grande vertu, madame Dalloz, du crédit d’impôt ? Il est perçu l’année courante, il est rattaché à l’exercice pour les entreprises, alors que pour l’État, il est comptabilisé l’année suivante.

M. Charles de Courson. C’est de la cavalerie !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons fait de la cavalerie légale, exactement ! C’est d’ailleurs ce qui a lieu tous les ans s’agissant de l’impôt sur le revenu : merci de nous soutenir sur la retenue à la source !

C’est pour cela que nous avons choisi le crédit d’impôt. Imaginons que quelqu’un décide ex abrupto de remplacer le crédit d’impôt par une réduction de cotisations : vous l’avez tous compris ici, il y aurait dans ce cas une année double.

Pour mettre fin à de la cavalerie légale, il faudrait payer le crédit d’impôt de l’année précédente et en même temps supporter la réduction de cotisations sociales. C’est d’une simplicité biblique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Alors, l’engagement du Président de la République est faux ! Pourquoi l’avoir pris ?

M. Frédéric Lefebvre. C’est bien ce que vous allez faire pour la retenue à la source !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame Dalloz, votre amendement a un autre défaut : il prévoit une réduction des cotisations salariales. C’est ce que nous avons voulu faire au mois d’août : c’était une bonne idée. Mais vous avez certainement lu dans les journaux que le Conseil constitutionnel – et je ne porte aucun jugement sur sa décision – a censuré cette disposition.

Vous proposez de diminuer les cotisations salariales et patronales, alors même qu’on sait, à présent, qu’on ne peut pas réduire les cotisations salariales.

M. Frédéric Lefebvre. Qu’est-ce que c’est que ces balivernes ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour toutes les raisons que j’ai développées – je serai plus bref à présent, et je vous remercie, madame la présidente, de ne pas m’avoir interrompu –, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Frédéric Lefebvre. Alors maintenant, selon vous, on ne peut plus réduire les charges ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les charges salariales !

Mme la présidente. Nous sommes en train d’examiner plusieurs amendements en discussion commune qui portent sur le CICE. Mais ce ne sont pas les seuls à ce sujet ! Je vais donner la parole à M. Alauzet qui me la demande, mais puisqu’il y a encore beaucoup d’amendements sur le même sujet, je vous propose d’éviter de discuter longuement chacun d’eux.

Monsieur Alauzet, vous avez la parole.

M. Éric Alauzet. Faut-il substituer un allégement de charges au CICE ? Cette question n’est pas plus évidente que celle que nous avons abordée tout à l’heure, avec M. de Courson, à propos de la C3S et de l’impôt sur les sociétés. Ce n’est pas si évident que cela !

Je mets à part les critiques que je pourrais formuler à propos du CICE, et j’en reviens à la comparaison entre les deux systèmes. C’est, je crois, Mme Louwagie qui a dressé la liste des nombreux avantages que présenterait un allégement de charges. Mais le CICE a aussi certains avantages, qu’il ne faut pas négliger. Je signale au passage qu’au moment des Assises de la fiscalité, qui ont eu lieu il y a un an et demi, le Président de la République avait évoqué la possibilité de revenir à un allégement de charges. Nombre d’entreprises ont alors dit : « Non, finalement, laissez le CICE comme il est ! » De leur point de vue, la supériorité des allégements de charges n’est donc pas si évidente que ça…

Deuxièmement, si l’on change le dispositif, les bénéficiaires ne seront plus les mêmes. Si l’on fixe le seuil à 2,5 SMIC, la redistribution sera totalement modifiée. Quel secteur est le plus demandeur, aujourd’hui, d’un passage à un système d’allégement de charges ? Le milieu bancaire, qui ne bénéficie pas autant qu’il le voudrait du CICE, du fait que les salaires y sont globalement plus élevés. Le CICE bénéficie plus largement aux petites et moyennes entreprises que ne le ferait un allégement de charges. Voilà un élément à prendre en compte : beaucoup de petites entreprises viennent d’ailleurs me voir pour me dire leur inquiétude en cas de passage du CICE à un allégement de charges – à enveloppe constante, bien sûr, car si l’on décidait de doubler l’enveloppe, les choses ne seraient pas les mêmes !

Troisièmement, l’un des mérites du CICE est lié à son inconditionnalité. Cet avantage est aussi un inconvénient – nous nous sommes déchirés, à gauche, sur ce point. Le CICE n’est pas assorti de conditions au sens formel du terme, mais il n’empêche que cela nous a amenés à une extrême vigilance sur certains points, ce qui n’aurait pas été le cas avec les allégements de charges. L’on parle régulièrement – cela figure d’ailleurs dans la loi – de la rémunération des dirigeants, du versement des dividendes, de l’évasion fiscale. L’inconditionnalité du CICE a donc au moins le mérite de maintenir la vigilance des parlementaires et des partenaires sociaux dans l’entreprise quant à l’usage du CICE.

Vous voyez donc que la supériorité des allégements de charges sur le CICE n’a rien d’évident !

Mme Marie-Christine Dalloz. On croit rêver ! Je crois que nous ne vivons pas dans le même monde !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai une question très simple à poser : comment le Gouvernement appliquera-t-il la décision prise par le Président de la République de substituer des exonérations de charges patronales au CICE en 2017 ? 2017, c’est demain ! Si vous n’intégrez pas des mesures pour cela dans le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, comment le ferez-vous dès 2017 ?

Ce n’est pas moi qui dis qu’il faut substituer des exonérations de charges patronales au CICE, c’est le Président de la République lui-même : j’ai cité tout à l’heure la phrase qu’il a prononcée lors de sa déclaration télévisée. Pourriez-vous donc éclairer la représentation nationale sur ce point ?

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 277 et 317 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 739 et 763, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n770.

M. Nicolas Sansu. Je serai très bref, car nous avons déjà abordé la question du ciblage et de la conditionnalité du CICE. Le plus important, c’est l’efficacité des mesures fiscales que l’on prend. Cela fait maintenant deux ans, bientôt trois, que le CICE monte en charge, et l’on ne voit pas les résultats sur l’emploi. Voilà le vrai problème du CICE qui, aujourd’hui, crée parfois quelques tensions dans le monde du travail.

Il est quand même invraisemblable qu’un certain nombre d’entreprises – je pense en particulier à Air France – puissent toucher 109 millions d’euros au titre du CICE, et en même temps se permettre d’annoncer des plans de licenciements. Il est question de 2 900 suppressions de postes, chiffre qui sera peut-être revu, et, dans un plan prétendument caché, de 5 000 suppressions de postes à l’horizon 2017-2018.

Ces questions-là doivent être abordées. Le CICE ne saurait être une aide à la suppression d’emplois dans notre pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. Vous renvoyez la définition de la liste des entreprises concernées à un décret, ce qui rend de plus votre amendement inconstitutionnel.

M. Nicolas Sansu. Je le sais bien, mais il sert à lancer le débat !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Moi, ça m’énerve ! D’année en année, on retrouve les mêmes amendements, avec les mêmes défauts. Tout le monde sait qu’ils sont inconstitutionnels et inapplicables, mais leurs auteurs reviennent encore et toujours dans cet hémicycle pour les défendre. Leurs interventions sont certes sympathiques, mais portent sur des dispositions inconstitutionnelles et inapplicables. Et on recommence, encore et encore !

Vous proposez de réserver le CICE aux « entreprises les plus exposées à la concurrence internationale ». Vous imaginez le rédacteur du décret d’application, devant sa page blanche, essayant de dresser la liste des entreprises soumises à la concurrence internationale ? Parce qu’il écrit le droit, lui, en tout cas la partie du droit que le législatif lui délègue.

Pour prendre un exemple, La Poste est-elle, oui ou non, soumise à la concurrence internationale ? Je pense qu’aujourd’hui, la réponse est plutôt « oui ». Tout le monde, pourtant, dit qu’il n’est pas normal qu’elle bénéficie du CICE. Or combien d’emplois La Poste aurait-elle dû supprimer si elle ne percevait pas le CICE ? Je ne sais pas. Ce que je sais, en revanche, c’est que La Poste est près de perdre de l’argent, et que si elle n’en perd pas aujourd’hui encore – mais cela va arriver –, c’est tout simplement parce qu’elle perçoit le CICE.

M. Nicolas Sansu. Vous dites : « C’est mieux que si c’était pire. » Ce n’est pas un argument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On peut continuer à avoir tous les ans le même débat, au même endroit et avec les mêmes personnes – au demeurant fort sympathiques –, mais on arrivera au même résultat. Et quand bien même un amendement tel que le vôtre serait adopté, le Conseil constitutionnel nous rappellerait immédiatement à l’ordre !

M. Dominique Baert et M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez bien prendre un ton professoral ; vous avez le droit d’être énervé, mais les parlementaires aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est cela ! Fâchez-vous !

M. Nicolas Sansu. Je ne me fâcherai pas, monsieur le secrétaire d’État : vous savez bien que ce n’est pas mon habitude.

Mme Véronique Louwagie. M. Sansu ne se fâche pas, il s’énerve ! (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Nicolas Sansu. Une chose ne va pas. On connaît bien, aujourd’hui, l’efficacité de ce dispositif, mais on n’en parle pas. Nous allons consacrer 17 milliards d’euros à ce dispositif pour l’année 2016, alors que son efficacité est nulle. Et vous nous dites : C’est mieux que si c’était pire. » Mais on ne peut pas accepter une telle réponse ! Je n’accepte pas que vous me rétorquiez qu’en l’absence de CICE, La Poste aurait supprimé encore plus d’emplois, encore plus de postes : c’est insupportable.

En revanche, vous avez raison de dire que ce n’est pas ici que cette question sera réglée. Les salariés de notre pays sont en train de démontrer que cela se réglera ailleurs !

M. Alain Chrétien. Dans les urnes ! À Vierzon !

(L’amendement n770 n’est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie de quatre amendements, nos 29, 60, 281 et 403, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 60, 281 et 403 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n29.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement concerne l’une des nombreuses scories du CICE, monsieur le secrétaire d’État.

Les compagnies maritimes de commerce sont imposées selon le régime de la taxe au tonnage, qui est un régime forfaitaire. Elles ont, de ce fait, été exclues du CICE et ne peuvent bénéficier d’un allégement de charges sociales. Ces entreprises sont pourtant soumises, comme les autres, à la concurrence internationale, et elles représentent, en France, 22 000 emplois directs et 300 000 emplois induits.

Vous allez me dire, monsieur le secrétaire d’État, qu’avant la création du CICE, le régime de la taxe au tonnage était plus favorable aux compagnies maritimes que l’impôt sur les sociétés. Mais ce régime leur est aujourd’hui très défavorable. Ces compagnies auraient pu opter, à une époque, pour le passage du forfait au réel. Mais, d’après les informations dont je dispose – et j’attends que vous me disiez si vous les confirmez – ce droit d’option était fermé au moment où elles ont voulu changer de régime fiscal. Est-ce bien le cas ? Est-il par ailleurs imaginable qu’elles puissent encore bénéficier du CICE, à la condition qu’elles passent au régime d’imposition au réel ?

Mme la présidente. Nous en venons aux trois amendements identiques, nos 60, 281 et 403.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n60.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement tend à ouvrir le CICE aux entreprises imposées selon un régime forfaitaire, sachant que, aujourd’hui, seules les entreprises imposées d’après le bénéfice réel peuvent en bénéficier. Un certain nombre d’entreprises, des exploitations agricoles notamment, se trouvent aujourd’hui exclues du CICE, au motif qu’elles sont soumises au régime forfaitaire, sans que cette exclusion soit justifiée techniquement.

Il a parfois été avancé que l’ensemble des crédits d’impôt en faveur des entreprises était réservé aux entreprises relevant d’un régime réel d’imposition, mais cela n’est pas exact, puisqu’il existe un crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, dont le calcul ne repose pas sur des données comptables, et qui est ouvert, sans discrimination, à toutes les entreprises, y compris à celles qui sont imposées sous le régime du forfait.

Les exploitants au forfait qui emploient des salariés ont les mêmes charges que les exploitants au réel. Il est donc légitime qu’ils puissent bénéficier, comme eux, du CICE. Ce serait par ailleurs un signal positif adressé au monde agricole, qui connaît aujourd’hui de grandes difficultés.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n281.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, au moment de la création du CICE, plusieurs d’entre nous avaient souligné que son champ d’application posait un certain nombre de problèmes, dont celui des forfaitaires. On nous avait répondu qu’ils n’avaient pas de salariés, ou très peu. Or ce n’est pas exact : certains emploient des salariés. Ce sont en général de petits agriculteurs, et notamment des éleveurs, qui ont souvent besoin d’un salarié pour les aider à s’occuper des bêtes sept jours sur sept. Étant donné la crise que connaît actuellement l’élevage, ouvrir le CICE aux éleveurs serait une manière de leur apporter une aide peu coûteuse, et surtout durable. Les mesures élaborées par le Gouvernement ont en effet l’inconvénient d’être essentiellement conjoncturelles, alors que les mesures structurelles se font attendre.

Cet amendement présente un deuxième volet, tout à fait mineur, relatif aux sociétés translucides. Je ne rappellerai pas ce que sont les sociétés translucides en agriculture – il s’agit d’un cas tout à fait particulier. Elles sont éligibles au CICE, mais une usine à gaz veut que le CICE ne soit versé que sur ceux des associés, au prorata de leur part, qui ont le statut d’exploitant agricole. Ils sont éligibles, mais seulement pour partie, et au prorata ! Imaginez l’usine à gaz !

Mais je répète qu’il ne s’agit là que d’un problème secondaire. Le problème principal, c’est celui des forfaitaires, auxquels il conviendrait d’étendre le bénéfice du CICE.

Il s’agit là d’un amendement d’appel qui s’adresse à vous, monsieur le secrétaire d’État, mais aussi à votre collègue, le ministre de l’agriculture, que j’engage à prendre des mesures structurelles en faveur de l’élevage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n403.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement concerne également les exploitations agricoles soumises au régime forfaitaire. Le CICE repose sur la déclaration des salaires, et sur la déclaration spécifique de liquidation pour l’ensemble des salariés. Les groupements agricoles d’exploitation en commun – GAEC –, qui sont soumis à un régime forfaitaire, ne peuvent donc prétendre à ce dispositif, même s’ils ont des salariés. Pire, lorsque des membres de la famille ne travaillant pas dans le GAEC ont souscrit des parts de celui-ci, ils en sont exclus. Or, dans les entreprises classiques, soumises à l’impôt sur les sociétés, les personnes qui ont apporté des parts au capital peuvent, lorsque la rentabilité de l’entreprise s’est accrue grâce au CICE, bénéficier d’une distribution supplémentaire de dividendes, ce qui n’est absolument pas le cas, ni dans le monde agricole, ni dans les entreprises soumises au régime forfaitaire. Et c’est un peu dommage.

Je reconnais, monsieur le secrétaire d’État, que nous soulevons ce problème chaque année, mais nous y reviendrons, parce que le traitement particulier qui est réservé à ces entreprises, alors même qu’elles emploient des salariés, nous semble leur être préjudiciable, notamment à celles du monde agricole.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons déjà eu l’occasion examiner ces amendements à plusieurs reprises, ici ou en commission, et je me permets de rappeler que le CICE bénéficie à des entreprises qui sont au régime réel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, et c’est bien dommage !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Lorsque vous êtes au régime forfaitaire, vous bénéficiez déjà d’un avantage…

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …puisque vous payez moins d’impôts.

Nous avons discuté, en commission, du régime de la taxe au tonnage, qui a été validé par la Commission européenne. Nous avons demandé l’an dernier au Gouvernement d’interroger la Commission européenne pour savoir s’il était possible de donner de nouveau aux entreprises le choix entre deux options : ou bien conserver la taxe au tonnage, sans pouvoir bénéficier du CICE ; ou bien revenir au régime normal de l’impôt sur les sociétés, et pouvoir prétendre au CICE.

Mais permettez-moi d’appeler votre attention sur un point : vous avez déposé un grand nombre d’amendements tendant à transformer le CICE en réduction de cotisations sociales. Si jamais cela se produisait, et si le droit d’option était de nouveau reconnu aux entreprises, celles qui choisiraient de conserver la taxe au tonnage ne pourraient pas bénéficier des exonérations.

Toujours est-il que j’ignore si le Gouvernement a obtenu la réponse de la Commission européenne sur le droit d’option. Si celui-ci n’est pas possible, vous ne pourrez pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

M. Jean-Luc Laurent. Avec, en sus, le sourire de la rapporteure générale ! (Sourires.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il faut choisir ! Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous confirme que le Gouvernement a interrogé la Commission européenne sur le sujet. Il semblerait qu’une réponse nous soit parvenue et qu’elle soit positive : le droit d’option serait possible. Mais celui qui exercera le droit d’option devra évidemment passer au régime réel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si ce régime est plus favorable, les entreprises que vous évoquez pourraient être assujetties à l’impôt sur les sociétés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Marc Le Fur sera ravi de cette réponse.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Toutefois le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements. Pour ce qui est des professions agricoles, il travaille déjà à une éventuelle évolution des régimes, au forfait ou au réel, sur la base de travaux parlementaires dont je tiens à saluer les auteurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, la constance a un mérite : elle permet que se retrouvent dans les comptes rendus de nos débats l’ensemble des arguments que nous échangeons. Depuis la création du CICE, vous nous avez répondu, s’agissant du droit d’option, qu’il fallait interroger la Commission européenne. Vous venez de reconnaître que vous l’aviez fait et que celle-ci vous a, semble-t-il, fourni une réponse positive : je suis certaine que mon collègue Marc Le Fur, qui demande l’ouverture de ce droit d’option pour les compagnies maritimes, se réjouira de cette réponse. Toutefois, assumez-vous le fait que vous ne voulez pas rouvrir le droit d’option alors que vous le pourriez juridiquement ? Ai-je bien compris ce que vous avez dit ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je veux éviter tout malentendu. Mes propos ne visent que les compagnies maritimes imposées au tonnage. Je souhaite simplement pouvoir disposer du temps nécessaire pour analyser et confirmer des éléments de réponse récents. Le moment venu, le Gouvernement ne s’opposera pas à l’exercice du droit d’option.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est parfait. Je vous remercie, monsieur le ministre.

(L’amendement n29 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 60, 281 et 403 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n31.

Mme Véronique Louwagie. Si le CICE comporte une injustice, c’est bien celle à laquelle l’amendement n31 veut mettre fin.

Le CICE est réservé aux entreprises imposées au bénéfice réel, même si elles bénéficient d’exonérations à différents titres : aménagement du territoire – zones franches urbaines, zonage de revitalisation rurale – ou encouragement à la création et à l’innovation – entreprises nouvelles, jeunes entreprises innovantes. En revanche, les entreprises agricoles « jeunes agriculteurs », qui sont pourtant imposées au régime réel mais qui bénéficient d’une exonération à hauteur de 50 % de leurs bénéfices durant leurs soixante premiers mois d’activité et de 100 % au titre de l’exercice en cours à la date d’inscription en comptabilité de la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs, ne peuvent pas bénéficier du crédit d’impôt.

On a l’impression que les rédacteurs de l’article 244 quater C, qui établit la liste des entreprises qui bénéficient de ce crédit d’impôt, ont commis un oubli. Pourquoi en effet les entreprises qui sont imposées selon le régime des BIC – bénéfices industriels et commerciaux – ou des BNC – bénéfice non commercial – en bénéficieraient-elles et pas les entreprises agricoles ? Pourquoi les entreprises commerciales et artisanales qui bénéficient de dispositifs d’exonération seraient-elles éligibles au CICE et pas celles des jeunes agriculteurs, qu’il convient par ailleurs d’aider ? Cet amendement permettrait de corriger cette iniquité fiscale qui est une vraie injustice.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’avoue être un peu perdue, puisque le 13 novembre 2014, lors du débat sur le PLF pour 2015, M. Le Fur avait retiré un amendement qui avait le même objet, le Gouvernement lui ayant indiqué qu’il était satisfait. En effet, les jeunes agriculteurs, qui bénéficient pour leurs cinq premières années d’exercice d’un abattement de 50 %, sont imposés d’après leur bénéfice réel. Rien n’interdit donc qu’ils bénéficient du CICE. Je suis donc étonnée que vous déposiez de nouveau cette année un amendement que M. Le Fur a retiré l’an passé.

Si cet amendement est bien satisfait – j’attends la réponse du Gouvernement –, je demanderai son retrait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement confirme l’éligibilité de la catégorie des jeunes agriculteurs au CICE puisqu’ils ne sont pas imposés au forfait mais au bénéfice réel, une fois déduit l’abattement de 50 %. Cet amendement est donc sans objet. S’il n’était pas retiré, j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je fais évidemment confiance aux propos de M. le secrétaire d’État. Puisque l’amendement est satisfait, je le retire.

(L’amendement n31 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement n571 rectifié.

M. Pouria Amirshahi. La création du CICE a donné lieu à une forte controverse et nous avons été plusieurs à regretter que le Gouvernement l’ait emporté. Le débat a été relancé l’année suivante dans l’hémicycle : nous avons alors fait des propositions de réorientation du dispositif sous réserve que les grandes entreprises respectent des conditionnalités que, malheureusement, le Gouvernement n’a pas retenues. Celui-ci avait toutefois pris l’engagement, à nos yeux a minima, de soumettre le CICE à une évaluation, permettant de le réorienter dès le PLF pour 2016 s’il s’avérait que l’argent public était indûment utilisé par des entreprises, en servant à financer, par exemple, la rémunération non attendue et non souhaitée d’actionnaires ou en n’étant pas fléché vers les salaires, la recherche, la protection des brevets, ou, enfin, les territoires et l’investissement local ou productif : bref, tout ce qui permet de trouver un compromis sur ce dispositif de crédit d’impôt, dont la nature reste discutable.

Or, non seulement cette étude n’existe pas – nous ne disposons que d’une enquête de l’INSEE donnant quelques indications sur le fondement d’entretiens –, mais, de plus, la prochaine enquête prévue sur le sujet ne sera publiée qu’en 2016 et ne concernera que l’année 2013. C’est pourquoi il est de notre responsabilité de prévoir les conditionnalités que j’ai évoquées afin de ne pas avoir le regret, dans deux ans, de devoir constater que ces sommes importantes – plus de 20 milliards d’euros – ont été données indûment à des entreprises. Je tiens à souligner que ces conditionnalités du CICE sont attendues autant par les territoires que par les petites entreprises, les salariés et tous ceux qui sont investis dans les pôles de recherche de ces entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne répondrai pas sur le fond de l’amendement mais sur sa rédaction. En effet, il modifie, au I, les dispositions du CICE, et donc son assiette, tout en conservant, au II, l’assiette initiale, ce qui rend contradictoires le I et le II. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je n’ai pas signé l’amendement n571 rectifié mais je le soutiens car il offre une perspective très sérieuse.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué les deux raisons pour lesquelles en 2012 nous avons fait le choix d’un crédit d’impôt. La première était d’ordre budgétaire : agir vite tout en étant capable de financer le dispositif choisi, ce qu’autorise le crédit d’impôt – son préfinancement, assuré par la Banque publique d’investissement, ayant permis d’amorcer la pompe.

La seconde raison, quant à elle, et c’est ce qui nous sépare des amendements déposés par l’opposition, visant à transformer le CICE en une baisse des charges, est que le crédit d’impôt permet d’imposer des contreparties. M. Eckert, alors rapporteur général du budget, et nous-mêmes avions déposé en commun des amendements précisant, madame la rapporteure générale, que l’objet du crédit d’impôt n’était pas de faire baisser les prix via la baisse du coût du travail – chacun sait, en effet que, même avec 20 milliards d’euros, cette baisse serait infinitésimale et donc sans effet sur l’emploi – mais bien d’orienter ce dispositif vers des dépenses vraiment utiles à la compétitivité, comme celles de recherche, d’innovation et de formation.

L’amendement n571 rectifié est utile parce qu’il va encore plus loin dans cette logique. En effet, alors que nous avions établi une liste ouverte de dépenses qui, dans le cadre de la masse salariale brute en dessous de 2,5 SMIC, doivent être fléchées – il n’y a donc pas incompatibilité entre le I et le II –, l’amendement a le mérite de rendre cette liste limitative. Si l’entreprise ne réussit pas à remplir toutes ces conditions de dépenses, alors il n’est pas possible de lui attribuer la totalité de ce à quoi elle pourrait prétendre dans le cadre de la masse salariale brute en dessous de 2,5 SMIC. Cet amendement vise à rapprocher le CICE d’un dispositif auquel je suis très attaché, à savoir le crédit impôt recherche, en l’étendant à la formation et aux process de production. C’est pourquoi j’y suis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Ce débat, nous l’avons depuis plusieurs années. L’idée n’est pas de remettre en cause l’effort en faveur de la compétitivité des entreprises qui, en tout cas de ce côté de l’hémicycle, ne fait pas débat entre nous. Les marges des entreprises se sont en effet fortement dégradées entre 2002 et 2012, dix années durant lesquelles l’actuelle opposition n’a rien fait pour sauver une compétitivité économique, que nous voulons précisément rétablir. Le tout est de déterminer la façon dont les dépenses publiques, c’est-à-dire l’impôt des citoyens, seront le plus utilement employées, non seulement pour aider les entreprises à retrouver des marges de manœuvre et à se redresser, mais également pour favoriser l’investissement et l’emploi. Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à mieux flécher l’effort du pays, du moins les 15 milliards restants.

Le texte, signé en juin dernier par un grand nombre des parlementaires qui m’entourent ce soir, permet d’aller de l’avant. Si vous me le permettez, mes chers collègues, je vais lire quelques extraits de ce texte : « Un effort de 41 milliards d’euros, étalé jusqu’en 2017, a été décidé en faveur des entreprises à travers le CICE et diverses baisses de cotisations et d’impôts qu’elles acquittent, dont 25 milliards déployés jusqu’en 2015 et 15 autres milliards qui restent à engager dans les lois de finances. […] Les engagements ne semblent pas, à ce stade et par toutes les branches professionnelles, respectés. Si cette situation est confirmée par l’évaluation nationale, nous estimons que les 15 milliards du pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics. Par ailleurs, nous considérons qu’il convient de mieux cibler les dispositifs d’intervention pour les entreprises qui en ont un réel besoin […] et sur les leviers réellement utiles à la compétitivité comme la recherche, l’innovation, la formation. »

C’est ce que nous proposons dans cet amendement. Puisque le texte que je viens de citer est intitulé « Adresse pour le renouveau socialiste », il serait peut-être de nouveau temps de nous mettre d’accord et d’avancer dans le même sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Il ne m’appartient pas de délibérer d’un texte du bureau national du Parti socialiste.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est méchant !

M. Nicolas Sansu. Cependant, je soutiendrai évidemment cet amendement, qui présente au moins un avantage : il met en place les conditionnalités qui nous avaient été promises. Lors de la création du CICE, à la fin de l’année 2012, on nous avait indiqué que des conditionnalités seraient remises sur le tapis pour encadrer le dispositif et lui donner une certaine efficacité.

La question posée est celle de l’efficacité. L’OFCE vient de publier une note de conjoncture, certes peu agréable, qui estime que 150 000 emplois ont été maintenus ou créés grâce au CICE, un dispositif qui pèse 15 milliards d’euros. Le calcul est rapide : un emploi maintenu ou créé grâce au CICE coûte 100 000 euros. C’est quand même extraordinaire ! Le dispositif est à la fois extrêmement coûteux et très peu efficace. C’est pourquoi la mise en place de conditionnalités serait bienvenue.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je me félicite du ton avec lequel nous avons ce débat. Ce n’est pas la première fois que nous débattons de cette question dans notre hémicycle, et nous assumons tranquillement nos désaccords. La rapporteure générale ayant apporté une réponse sur la forme, j’apporterai une réponse politique, sur le fond, qui portera à la fois sur le moment et sur la logique de cet amendement.

Ce dispositif est mis en œuvre depuis deux ans. Nous ne disposons aujourd’hui que de chiffres partiels, publiés en septembre par France Stratégie, qui sont positifs quant à l’appropriation par les entreprises de ce crédit d’impôt qui était un dispositif compliqué. Il fallait d’abord qu’elles comprennent qu’il s’agissait d’un engagement dans la durée, et non un coup d’éclat qui serait remis en cause le lendemain matin. Aujourd’hui, le CICE est demandé et l’enveloppe qui lui est consacrée est quasiment entièrement mobilisée. Il améliore les délais de paiement, puisque toutes les entreprises ne le demandent pas en même temps. Il est beaucoup utilisé par les PME. Comme je l’avais indiqué dans la discussion générale, trois entreprises interrogées sur quatre affirment que ce crédit d’impôt favorise leurs décisions d’investissement et d’emploi.

M. Dominique Baert. Eh oui !

M. Dominique Lefebvre. La première évaluation détaillée de ce dispositif interviendra en juin 2016.

Mes chers collègues, vous vous demandez si cette politique était celle qu’il fallait conduire, mais c’est celle que nous avons mise en œuvre. Nous sommes aujourd’hui au milieu du gué. Je ne crois pas que le meilleur message à adresser aux chefs d’entreprises, qui élaborent des plans d’investissement et des projections financières, soit de leur dire que les allégements de charges fiscales et sociales dont ils bénéficient seront peut-être remis en cause, ou que nous changerons de logique. La logique proposée par cet amendement, qui consiste à flécher le crédit d’impôt sur certaines dépenses, implique la mise en œuvre d’un contrôle administratif.

Pour notre part, nous avons privilégié le dialogue social et encouragé les discussions, notamment dans le cadre des comités d’entreprise. Le Gouvernement s’est exprimé sur ce sujet, et M. le secrétaire d’État le confirmera : dans un certain nombre de branches, les discussions n’avancent pas suffisamment. Mais ce n’est pas parce que nous connaissons encore des difficultés qu’il faut jeter du trouble et de la confusion. Cela n’aurait qu’un seul effet, mes chers collègues : stopper toute décision d’investissement et d’embauche par les entreprises de ce pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Je ne conteste pas les chiffres donnés à l’instant par mon collègue Lefebvre. Ces chiffres ne sont pas ceux de France Stratégie : ils proviennent d’une enquête de l’INSEE qui n’est, du reste, qu’un sondage. Néanmoins, cela ne change rien au fond de la problématique que j’ai exposée tout à l’heure.

La commission et le Gouvernement ne m’ont pas répondu sur le fond. Permettez-moi de m’interroger sur deux ou trois sujets concrets.

Premièrement, le Gouvernement lui-même déclare, comme d’autres, qu’il faut absolument aider les petites entreprises plutôt que les grandes. Notre amendement ne fait rien d’autre que d’opérer une distinction entre les petites et les grandes entreprises pour ce qui concerne le montant du crédit d’impôt.

Deuxièmement, on parle énormément, à la veille de la COP 21, la grande conférence qui se tiendra bientôt à Paris, de l’engagement que devraient prendre les entreprises mais qu’elles ne prennent pour l’instant qu’oralement ou en l’affichant sur leur logo. Or notre amendement vise à prendre en compte la contribution concrète de ces entreprises à la réduction de l’empreinte carbone.

Troisièmement, suite à une décennie de dialogue et de combats sociaux, le Président de la République a récemment évoqué la formation professionnelle tout au long de la vie et le compte personnel de formation. Notre amendement ne propose rien d’autre que d’inclure parmi les critères d’octroi du CICE les dépenses des entreprises affectées au compte personnel de formation des salariés.

En cohérence, et nonobstant les remarques de Mme Rabault, je ne comprends pas pourquoi nous n’intégrons pas au CICE ces dispositions, qui ne font rien d’autre que de concrétiser les intentions affichées, pour le moment seulement en principe, par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. En tant que rapporteur pour avis du programme « Industrie » de la mission « Économie », je suis en train de procéder à quelques études sur le CICE et le dispositif mis en place par le Gouvernement suite au rapport rendu par M. Gallois.

Il faut bien mesurer que les choix effectués par le Gouvernement avaient deux objectifs. On dit parfois que le CICE n’est pas ciblé : c’est faux !

Son premier objectif est la lutte contre le chômage, dans la mesure où il concerne les salariés qui y sont les plus exposés. L’OFCE souligne que 150 000 emplois ont été sauvés, ce qui est déjà une bonne chose.

Surtout, son second objectif est l’accroissement de la compétitivité des entreprises. Le transfert des crédits du CICE vers une baisse des charges en 2017 me semble être la bonne trajectoire : c’est d’ailleurs ce qui était préconisé, à l’origine, dans le rapport Gallois, mais pour des raisons budgétaires, le Gouvernement avait fait un autre choix dont nous avions débattu.

Une évaluation est en cours. Il serait utile que notre assemblée se saisisse de ces questions pour trouver la bonne maille, en ne perdant pas de vue le fait que nous avons mis dix ans à perdre notre industrie et notre compétitivité. Louis Gallois, que je viens d’auditionner, affirme qu’au moins dix ans seront nécessaires pour reconquérir la compétitivité que nous avons perdue. J’espère que nous irons plus vite. À nous de faire de bons choix dans la phase nouvelle qui va s’ouvrir à partir de 2017 !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah ! C’est intéressant !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement n’introduit pas de « conditionnalités » – j’ai entendu plusieurs fois ce terme –, mais un changement radical de l’assiette du crédit d’impôt.

M. Charles de Courson. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Au lieu de conserver une assiette correspondant à la masse salariale comprise entre 1 et 2,5 fois le SMIC, il énumère une liste de dépenses, auxquelles il applique un coefficient de 33 % pour les entreprises de moins de 2 000 salariés et de 16 % au-delà.

Indépendamment de l’aspect technique qu’a opportunément soulevé tout à l’heure Mme la rapporteure générale, un certain nombre de ces dépenses posent question. À quoi correspondent les « dépenses liées aux trente-quatre plans industriels prioritaires ainsi désignés par le comité de pilotage installé le 14 mars 2014 » ? Prenez-vous en compte toutes les dépenses, y compris les salaires, de toutes les entreprises entrant dans ce dispositif ? Dans ce cas, le crédit d’impôt serait massif, probablement même excessif. Nous pourrions discuter de chaque type de dépenses que vous énumérez.

À la lecture de chacune de ces dépenses, choisies comme nouvelle assiette du crédit d’impôt, je veux dire ma perplexité. Je ne l’ai pas rappelé tout à l’heure, mais on avait reproché au CICE d’être une « usine à gaz » – c’est une expression que l’on entendait en permanence du côté droit de cet hémicycle.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. On ne l’entend plus !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En fait, le dispositif est très simple, et aujourd’hui, plus personne – certainement pas les chefs d’entreprises – n’affirme que le CICE est une usine à gaz.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il y a une case à cocher : tout directeur financier ou tout expert-comptable digne de ce nom est capable de le faire !

M. Jean-Luc Laurent. Bien sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’assiette est calculée de la même façon que pour les allégements de cotisations salariales – dont le nom est d’ailleurs à revoir, mais je ne veux pas troubler l’Assemblée avec ces polémiques.

Le dispositif actuel du CICE est donc très simple, alors que celui proposé par l’amendement n571 rectifié est plutôt complexe, puisqu’il énumère huit types de dépenses pour lesquels il faudra se demander à chaque fois ce qui est éligible au crédit d’impôt, et à quel taux. Cela complexifie beaucoup le dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement hante le débat sur le CICE.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il ne hante rien du tout, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Nous avons déjà eu ce débat lors de la création du CICE. Un groupe de députés, auquel nous appartenions, disaient qu’il fallait tout simplement baisser les charges sociales patronales, tandis que d’autres refusaient une réduction générale et plaidaient pour un ciblage – le tout était de savoir sur quel élément.

Les auteurs de cet amendement reviennent sur un débat qui a été tranché. L’opposition, toutes tendances confondues, est contre cette approche, pour des tas de raisons. Quel est le fondement de l’éligibilité de ces huit catégories ? Je prendrai quelques exemples.

Tout d’abord, les « dépenses de formation affectées au compte personnel de formation des salariés ». Il s’agit de dépenses de fonctionnement. L’amendement vise donc à mettre en place un crédit d’impôt de 33 % ou de 16 % sur des dépenses de fonctionnement.

Pour les « dépenses liées aux économies d’énergie et à la diminution de l’empreinte carbone des activités de l’entreprise », comment faites-vous ? Lorsque j’achète des LED, est-ce une dépense de fonctionnement ou d’investissement ? (Murmures sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Quant aux « dépenses de prospection de nouveaux marchés à l’international », ce sont forcément des dépenses de fonctionnement.

M. Mathieu Hanotin. Et la masse salariale, c’est quoi ?

M. Charles de Courson. J’en viens aux « dépenses en matière de modernisation des machines-outils ». Qu’est-ce que la modernisation d’une machine-outil ? Cela veut-il dire que si j’achète une machine-outil, ma dépense n’est pas éligible au CICE, mais que si je modernise une machine-outil, elle est éligible ? Où va-t-on, mes chers collègues ? Pourquoi les machines-outils, et pourquoi pas les bâtiments ? Avez-vous déjà vu des machines-outils en plein air ?

C’est une usine à « super-gaz », monsieur le secrétaire d’État ! Les contentieux seront pléthore. Des entreprises vont être créées pour gérer votre nouveau dispositif, mes chers collègues !

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Charles de Courson. Plus de deux ans après la création du CICE, une bonne partie de la majorité socialiste en est encore à rêver de créer un crédit d’impôt affecté à des dépenses d’investissement et à des dépenses de fonctionnement !

Monsieur le secrétaire d’État, il y a un dernier problème que vous n’avez pas soulevé :…

Mme la présidente. Merci, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. …celui de l’euro-compatibilité de cet amendement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

(L’amendement n571 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n777.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement est un peu plus simple que le précédent, mais il vise aussi à orienter le crédit d’impôt – en tout cas, à le conditionner, essentiellement à l’investissement, puisque c’est surtout là que le bât blesse et que l’investissement des entreprises, dont on nous dit qu’il devrait repartir, est aujourd’hui très faible malgré des taux de marge qui se sont beaucoup améliorés.

C’est pourquoi il est proposé de remplacer la formule « à travers notamment des efforts », qui est assez vague – on nous dit parfois que nos propositions ne sont pas acceptables juridiquement, mais alors là… –, par les mots « si ces entreprises augmentent leurs dépenses ». Si les entreprises n’augmentent pas leurs dépenses d’investissement, elles ne seront pas éligibles au CICE.

(L’amendement n777, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n404.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 244 quater C du code général des impôts a exclu certaines entreprises du dispositif du CICE. Or, et je ne cesserai de le répéter, monsieur le secrétaire d’État, ces entreprises produisent des emplois. Elles ont prouvé qu’elles contribuaient à maintenir des emplois sur des territoires et qu’elles avaient une capacité de résilience dans les périodes difficiles, dans les périodes de crise. Ces entreprises, ce sont bien évidemment les coopératives.

Le statut de coopérative est large, mais il s’inscrit totalement dans le champ de l’économie. Je pense notamment aux fruitières, dans les territoires ruraux, où le nombre d’emplois est très important. Ces structures constituent un facteur essentiel de stabilisation de l’activité économique dans les territoires.

Pour ma part, je déplore qu’on ne puisse pas faire profiter ces entreprises d’une exonération de charges sociales sur les salaires versés alors que le milieu économique, soumis à l’impôt sur les sociétés, en bénéficie. J’admets qu’elles font l’objet d’une exemption de l’impôt sur les sociétés, mais j’aimerais que l’on puisse trouver un dispositif pour leur venir en aide en matière de charges sociales.

M. Nicolas Sansu. Cotisations !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a déjà été examiné l’an dernier. M. le secrétaire d’État avait été très clair puisque la Commission européenne a été interrogée sur ce sujet : les coopératives peuvent bénéficier du CICE sur leurs activités lucratives elles-mêmes soumises à l’impôt sur les sociétés. Nous nous inscrivons dans le cadre européen et nous devons tenir compte de cette réponse très claire.

Par ailleurs, madame la députée, je n’ai pas calculé le coût de votre amendement, mais à mon avis, il dépasse les 100 millions d’euros. Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme que la Commission européenne a rendu un avis qui ne nous permet pas d’attribuer un crédit d’impôt à des entreprises qui sont exonérées d’impôt, sauf sur la partie lucrative, comme Mme la rapporteure générale vient de l’indiquer. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, un amendement avait été voté très largement, majorité et opposition confondues, visant à étendre le crédit d’impôt aux coopératives. En effet, comment justifier, en termes de concurrence, qu’une entreprise coopérative ne bénéficie pas du CICE quand une société de droit privé, elle, en bénéficie, alors qu’elles sont toutes les deux sur le même marché ? Dire que les unes sont soumises à l’impôt sur les sociétés et les autres non n’est pas une réponse, puisque c’est cette situation existait déjà avant la création du CICE.

Le Gouvernement ne fait pas preuve de beaucoup d’imagination. On pourrait parfaitement inventer un crédit d’impôt spécifique, calé sur le CICE, avec le même taux, mais qui serait imputé sur les salaires par exemple, qui réduirait la taxe sur les salaires. On pourrait aussi modifier la taxe sur les salaires de façon à arriver au même résultat. Une telle approche serait difficilement contestable puisqu’elle vise à rétablir les règles d’une concurrence normale, non à la dégrader.

Bref, comment justifiez-vous cela ? Je serais curieux de lire la fameuse lettre, que je n’ai pour ma part jamais vue, de la Commission européenne, et de voir de quelle direction il s’agit.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis d’accord.

(L’amendement n404 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n611 est-il défendu ?

M. Pascal Cherki. Ardemment, madame la présidente ! (Sourires.)

(L’amendement n611, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n279 rectifié.

M. Charles de Courson. Je veux appeler une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur la question du travail non salarié. Quelle est la justification d’un CICE qui ne bénéficie qu’aux salariés ? Les travailleurs indépendants représentent tout de même 10 % de la population active. Les arguments fondés sur la concurrence ne tiennent pas, car une partie des non salariés sont également dans la concurrence internationale. Par exemple…

M. Nicolas Sansu. Les avocats fiscalistes !

M. Charles de Courson. …les activités de conseil entrent dans le champ de la concurrence internationale. Bref, monsieur le secrétaire d’État, pour la énième fois, sur quels arguments vous fondez-vous ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur de Courson, j’aime beaucoup faire des additions et il faut appréhender les choses dans leur ensemble. Vous n’êtes pas sans savoir que les travailleurs indépendants bénéficient d’une réduction de cotisations familiales à hauteur de 1 milliard d’euros depuis le 1er janvier. Or vous voulez en rajouter.

M. Charles de Courson. Non ! Supprimez-la !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous êtes extraordinaire, monsieur de Courson. Tout à l’heure, vous plaidiez pour la suppression du CICE afin de pouvoir baisser les cotisations. Et maintenant, vous voulez supprimer une baisse de cotisations pour avoir plus de CICE ! Avouez qu’il faut vous suivre, monsieur de Courson ! Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il aurait été tellement simple d’étendre le CICE à tout le monde, à la place de cette réduction ! Vous avez été obligés de prendre cette mesure parce qu’il y avait rupture d’égalité entre le travail salarié et le travail non salarié. Reste à savoir la différence de coût entre les deux. La réduction des cotisations familiales a coûté 1 milliard. Savez-vous ce que coûterait l’extension du CICE aux non salariés ? Là est la question. Si c’est 800 millions, mieux vaut le CICE : on économisera 200 millions, et en plus on pourra dire que tout le monde est traité de la même façon. Et si c’est 1,2 milliard, vous pourrez toujours baisser un peu les plafonds pour tenir dans l’enveloppe.

(L’amendement n279 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n280.

M. Charles de Courson. Il s’agit de la même question, mais concernant les indépendants agricoles. À peu près deux tiers du travail dans l’agriculture est un travail non salarié, notamment dans l’élevage. Une nouvelle fois, c’est la question de la cohérence de l’action gouvernementale qui est posée par cet amendement. Il sera bien évidemment repoussé, mais le CICE a un vrai problème de cohérence.

(L’amendement n280, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n346.

M. Éric Alauzet. Par cet amendement, je reviens sur la question difficile des conditions d’application du CICE. Mes collègues se sont largement exprimés sur le sujet. Pour ma part, je suis toujours un peu embarrassé quand il s’agit de dire aux entreprises quelle stratégie elles doivent développer. Doivent-elles faire de l’investissement ou de la formation ? Augmenter les salaires ou baisser leurs prix ? Je ne sais pas s’il est possible de le dire.

En revanche, on sait ce qu’elles ne doivent pas faire. Certes, même sans parler de condition, la loi a tout de même prévu un certain nombre de garde-fous : le CICE ne doit pas servir à augmenter la rémunération des dirigeants, ni à augmenter les dividendes des actionnaires. J’aurais aimé qu’on ajoute que les entreprises ne doivent pas en profiter pour augmenter leur prix de transfert. J’ai parlé de vigilance tout à l’heure. Le mérite du CICE, c’est au moins cela : maintenir notre vigilance sur ce que les entreprises font de l’argent, ce qui ne serait pas le cas avec un allégement de charges.

Le présent amendement vise à vérifier que les entreprises communiquent à l’administration fiscale les prix de transfert, comme prévu dans la loi de 2013. Si tel n’était pas le cas, leur CICE serait réduit de 50 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Je rappelle que grâce à l’amendement présenté l’année dernière par Mme la présidente et un certain nombre de nos collègues, toutes les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 400 millions d’euros déclarent la politique de leurs prix de transfert. Je me permets de le rappeler à notre collègue, mais je sais qu’il ne l’a pas oublié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En matière d’obligation de communication et d’explication des prix de transfert, les choses progressent très vite. Michel Sapin s’en est expliqué lors d’une séance de questions au Gouvernement et il aura l’occasion d’y revenir très prochainement, probablement dès demain matin, pour vous dire à quel point cette question avance. Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Retirez-vous l’amendement, monsieur Alauzet ?

M. Éric Alauzet. Je le maintiens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Notre assemblée devrait voter cet amendement dans l’attente des explications du ministre, demain. Il s’agit d’un sujet fondamental, l’un des cinq ou six sujets que nous avons à régler si nous voulons maintenir un haut niveau de protection sociale dans ce pays.

Si les entreprises françaises ont un très fort taux de rentabilité, c’est parce que beaucoup de grandes entreprises, par le biais des mécanismes de prix de transfert, localisent leur valeur ajoutée et la création de richesses dans des pays qui ne taxent pas les richesses.

L’amendement de M. Alauzet est très important : il y a tout de même 20 milliards d’euros à la clé ! Nous pourrions l’adopter, quitte à corriger les choses au cours de la navette parlementaire si le ministre nous convainc que les dispositions qui sont prises notamment au plan européen permettent de régler cette question fondamentale.

(L’amendement n346 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n735.

M. Jean-Marc Germain. Le présent amendement, très simple, ne peut que faire l’unanimité – jusqu’à M. de Courson ! Je ne comprends pas que le débat lancé par notre collègue Amirshahi sur le fléchage des dépenses liées au CICE vers une palette assez large, qui représente le cœur de la compétitivité de notre économie, ait été repoussé une nouvelle fois à l’année prochaine. Il est clair que nous avons un désaccord sur ce point, comme l’a indiqué Dominique Lefebvre. Mais je tiens à préciser que nous n’avons aucun désaccord sur l’outil ni sur la nécessité de soutenir puissamment notre économie, mais sur les meilleurs voies et moyens de lui donner le maximum d’efficacité.

S’agissant des contreparties au CICE, M. Sansu a commencé à faire le calcul : 20 milliards d’euros pour le CICE, à 2 000 euros l’emploi chargé, cela peut permettre de couvrir le coût salarial d’un million d’emplois – le fameux million de M. Gattaz. Cela bien sûr sous réserve que le ciblage soit idéal, que chaque euro de CICE arrive in fine à créer de l’emploi : s’il y a ciblage, la contrepartie est efficace. L’absence de ciblage en revanche, même sans mauvaises intentions de la part des entreprises, fait que ces 20 milliards d’euros, soit 1 % du PIB, ne se traduisent que par 1 % d’emplois en plus, soit 150 000 emplois.

Ce ciblage auquel nous travaillons, l’orientation de ces sommes vers ce qui sera le plus efficace pour la compétitivité, doit permettre le passage de 150 000 à 1 million d’emplois, ou toute solution intermédiaire. Voilà pourquoi le ciblage est si important. S’il avait été mis en œuvre, il aurait permis à M. Rebsamen d’annoncer une baisse du nombre de chômeurs qui se serait chiffrée en dizaines de milliers. Le raisonnement est, j’en conviens, un peu simpliste, mais il permet de situer les enjeux.

Le présent amendement repose sur le seul enseignement clair que France Stratégie ait pu tirer de ses premières évaluations. De fait, nous avions prévu d’inscrire deux contreparties dans le dispositif du CICE : un fléchage, et surtout une obligation d’information et de consultation des salariés, c’est-à-dire une forme de contrôle social. Or, selon France Stratégie, cette obligation n’est pas remplie, ou pas suffisamment. Ainsi, sur 140 directeurs des ressources humaines ayant répondu à une enquête, seuls 24 déclarent avoir eu un dialogue détaillé et approfondi, fondé sur des chiffres, à propos de l’utilisation du CICE.

Rendons obligatoire cette information-consultation : pour que les entreprises perçoivent le CICE à l’année N+1, il faudra qu’elles aient rempli cette obligation durant l’année N. C’est le b.a.-ba de l’efficacité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé cet amendement. J’évoquerai deux points dont M. Germain est parfaitement conscient.

Première obligation : l’article 244 quater C du code général des impôts impose un suivi de l’emploi du CICE, qui doit figurer dans les comptes annuels des entreprises. On peut donc parfaitement y avoir accès.

Deuxième obligation : l’article 8 de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi prévoit que le comité d’entreprise doit être informé et consulté avant le 1er juillet de chaque année sur l’utilisation du CICE. Les sommes reçues par l’entreprise au titre du CICE doivent être retracées notamment dans la base des données économiques et sociales de l’entreprise.

Je tenais à rappeler l’existence de ces deux volets, qui sont déjà en vigueur. Avis défavorable donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse cette proposition de M. Germain. Depuis le début, le CICE fait l’objet d’un débat récurrent qui porte sur son bien-fondé, sur l’absence de conditionnalité, sur son périmètre un peu trop large. De fait, c’est un dispositif qui représente plusieurs milliards d’euros, dans une période où le Gouvernement compte chacun de ses sous et où l’on sait les difficultés que rencontrent certains ministères pour mobiliser des crédits… Ce premier débat, récurrent entre nous, ne sera pas tranché et se poursuivra jusqu’à la fin du quinquennat. Il appartiendra aux électeurs de dire, le moment venu, ce qu’ils en pensent.

Il y a également un deuxième débat : la moindre des choses, et c’est presque une question de morale, c’est que lorsqu’on mobilise de l’argent public sous la forme d’une dépense fiscale – car il s’agit d’argent qui, potentiellement, devait revenir dans les caisses de l’État mais qui n’y reviendra pas – on demande un minimum de contrôle et d’information des salariés ! À l’heure où l’on s’interroge sur la pertinence du dialogue social et où l’on veut le revaloriser et le remettre à l’honneur, il y aurait là une occasion de le faire à peu de frais – cela ne coûterait pas un sou au Gouvernement. Il suffirait d’appliquer aussi au CICE les règles relatives au devoir d’information et de consultation des salariés déjà prévues par le code du travail, sans avoir à ajouter le moindre article. Je ne comprends donc pas pourquoi le Gouvernement refuse cet amendement et je vous invite à y réfléchir.

Lorsque, par exemple, un steward ou un membre du personnel au sol d’Air France demande une aide à la Caisse d’allocations familiales pour la garde de son enfant, il lui faut justifier sa demande. C’est normal, car il s’agit d’argent public. Mais un chef d’entreprise qui toucherait le CICE n’aurait pas l’obligation de justifier de l’emploi qu’il en aura fait, ni d’en informer les salariés ? Il y a vraiment deux poids, deux mesures. Ce n’est pas très compréhensible et d’ailleurs, je ne suis pas sûr que nos concitoyens le comprennent bien.

(L’amendement n735 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n491.

M. Charles de Courson. Je l’ai déjà défendu sous une autre forme : il tend à étendre le CICE au travail non salarié agricole.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, retirez-vous l’amendement ?

M. Charles de Courson. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n491 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n771 rectifié.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement a pour objet de favoriser l’emploi en contrat à durée indéterminée. On sait combien la précarisation de notre société gangrène aujourd’hui notre modèle socio-économique. Dans le monde du travail, cette précarisation est de plus en plus importante. Nous souhaitons donc que le CICE soit consacré uniquement aux contrats à durée indéterminée. Ce serait un bon signe envoyé aux salariés et une belle condition imposée aux entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Votre amendement, monsieur Sansu, présente une légère contradiction. En effet, les CDD sont plutôt enregistrés dans les TPE et les PME, qui sont celles à qui vous voudriez que le CICE bénéficie le plus. Votre amendement aboutit au contraire, même si l’objectif que vous souhaitez poursuivre est clair ! La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n771 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n475.

M. Pascal Cherki. Je serai bref, car je me suis déjà expliqué dans le débat général sur l’article 5, ce qui avait d’ailleurs fort chagriné M. le secrétaire d’État. N’ayant pas eu le plaisir d’intervenir dans la discussion générale, il m’avait bien fallu trouver un petit créneau pour pouvoir exprimer une position de principe… Celle-ci est au demeurant assez simple, et je l’exprime en tant que socialiste.

En homme de gauche donc, je me demande pourquoi nous avons, depuis le début, intégré dans le dispositif du CICE les sociétés cotées, qui font appel public à l’épargne et qui, et c’est normal selon la loi du marché, rémunèrent souvent leurs actionnaires par des dividendes. Elles les rémunèrent plutôt bien, du reste, depuis des années.

Dans une période où nous voulons faire des efforts budgétaires – et le Gouvernement en fait, qui sont ressentis chaque jour dans le fonctionnement des services publics, de l’État ou des collectivités locales – ne pourrions-nous avoir une approche plus équilibrée de la distribution de l’argent – car il est ici question de dépense fiscale ? Bref, ne pourrions-nous en faire une dépense, plutôt qu’un cadeau ? Selon moi, la différence entre les deux, c’est faire profiter ou non les sociétés cotées du CICE.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En quoi le fait qu’une société soit cotée lui interdirait-il de bénéficier d’une mesure visant à la compétitivité ? La question peut se poser dans certains cas, et des points de vue parfaitement respectables s’expriment à cet égard, mais le fait qu’une société soit cotée ou non doit-il déterminer le droit de bénéficier d’une mesure destinée à soutenir la compétitivité ? Les grandes, ou moyennes, entreprises cotées n’ont-elles pas, elles aussi, besoin d’être compétitives ?

M. Charles de Courson. C’est du bon sens !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Franchement, nous touchons ici à la caricature. Le Gouvernement n’est évidemment pas favorable à cet amendement, qui présente en outre une fragilité juridique ainsi qu’une incompatibilité européenne quasi certaine.

M. Charles de Courson. Totale !

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Peut-être l’amendement de M. Cherki est-il trop large, mais son objet est que l’avantage fiscal soit accordé à des sociétés qui en ont besoin, et qui jouent le jeu. Peut-être faudrait-il proposer un sous-amendement visant à exclure du dispositif non pas l’ensemble des sociétés cotées, mais celles distribuant plus d’un certain pourcentage de leur résultat en dividendes. Cela nous ramène à une vraie question : dès lors qu’une société ne réinvestit pas son argent dans l’appareil productif mais le redistribue massivement en dividendes, doit-elle pouvoir bénéficier du CICE ?

N’ayant pas eu l’occasion d’intervenir à propos de l’amendement précédent de M. Germain, j’ajoute que, dans les grandes entreprises particulièrement, où les syndicats sont organisés et forts, ce serait une bonne chose que de leur donner des moyens, des armes leur permettant de s’assurer que l’argent est employé à bon escient dans l’entreprise, c’est-à-dire dans l’appareil productif plutôt qu’en dividendes.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. L’amendement de M. Cherki est tout à fait intéressant et votre préoccupation, monsieur Hanotin, sera satisfaite par l’amendement que nous présenterons dans quelques instants. Vous pourrez donc le voter avec moi ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. J’ai compris que la fonction première de cet amendement était de permettre à M. Cherki, qui ne s’était pas exprimé dans la discussion générale, de le faire. Cependant, au-delà du caractère juridiquement hasardeux de la rédaction – comment, en effet, définir en droit une activité régulière sur un marché ? – le critère retenu n’est absolument pas pertinent.

Ce sont ceux-là même qui déposent cet amendement qui s’interrogent souvent sur le mode de financement des entreprises ! Ne pas permettre aux entreprises de se financer sur les marchés, c’est-à-dire grâce à l’épargne des Français, qu’il faut plutôt mobiliser vers l’économie productive que vers la rente – même immobilière, monsieur Dumont ! – reviendrait à les livrer pieds et poings liés aux banques. Le critère retenu est donc tout sauf pertinent. On ne peut pas subordonner un avantage fiscal à un mode de financement alors même que l’on cherche précisément à faire accéder au marché un nombre croissant d’entreprises françaises, notamment de PME et TPE, qui ont besoin de financements longs pour investir, innover, se moderniser et créer des emplois.

M. Charles de Courson. Vive le socialisme !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Monsieur Lefebvre, ce n’est pas parce que je me serais senti frustré de ne pas être intervenu dans la discussion générale que j’aurais déposé cet amendement – ce n’est du reste pas la première année que je le fais. J’espère que nous aurons un débat sur les vertus comparées, dans l’économie capitaliste, du financement par l’appel à l’épargne et au marché et du financement bancaire classique.

M. Dominique Baert. Ce n’est pas ici qu’il faut l’avoir, mais dans des colloques !

M. Pascal Cherki. Nous en discuterons, mais cela ouvrirait ici de très longs débats. Je tenais à le préciser pour éviter tout malentendu. Je maintiens mon amendement et le déposerai à nouveau l’an prochain.

(L’amendement n475 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n312.

M. Éric Alauzet. Cet amendement propose de cibler le CICE sur les TPE, les PME et, le cas échéant, sur les entreprises de taille intermédiaire, plutôt que sur les grandes. Il tend à instaurer une modulation du taux du crédit d’impôt pouvant aller de 2 % pour les plus grandes entreprises à 9 % pour les plus petites, avec une dégressivité liée à leur taille.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n312 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 765 et 314, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n765.

M. Nicolas Sansu. Je l’évoquais à l’instant : il a pour objet de réduire de moitié le CICE en cas de versement conséquent de dividendes, dépassant en l’occurrence 10 % du bénéfice imposable. Les grands groupes cotés sont en effet très friands de versement de dividendes.

Aujourd’hui, il n’existe aucune condition pour bénéficier du CICE. Or les versements de dividendes ont augmenté, et on ne peut penser que le CICE n’y est pour rien. Il s’agit donc de limiter les versements de dividendes : ce serait vertueux pour l’économie, et aussi pour les finances publiques, monsieur le secrétaire d’État : voilà encore un amendement qui vous rapporterait des recettes !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n314.

M. Éric Alauzet. Selon moi, il n’est pas question d’ajouter de nouvelles conditions. En revanche, il convient de nous en tenir à ce que nous avons inscrit dans la loi : le CICE ne doit pas servir à augmenter la rémunération des dirigeants ni le versement de dividendes. Je conviens que mon amendement est mal rédigé, mais je propose que le versement de dividendes ne dépasse pas 12 % de la valeur des actions.

L’année dernière, j’avais proposé un taux de 10 %. Nous verrons cette année si l’on tolère 12 % et si, l’année prochaine, il ne faudra pas aller jusqu’à 14 %… Bref, jusqu’à quel niveau est-on prêt à admettre que le CICE serve à augmenter les rémunérations des actionnaires ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable à ces deux amendements.

M. Pascal Cherki. Oh !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais si, monsieur Cherki, vous le savez bien puisque nous en avons parlé en commission des finances : aujourd’hui, les distributions de dividendes sont largement supérieures à 10 % en moyenne, et c’était déjà le cas avant le CICE.

M. Mathieu Hanotin. Alors fixons le seuil à 20 % !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je vous ai bien entendue, madame la rapporteure générale, nous expliquer que le taux était trop bas. Proposez-nous un taux acceptable, qui permette au CICE de jouer son rôle en étant orienté vers l’investissement et la formation et non pas vers le versement de dividendes ! Proposez-nous ce taux pour que nous puissions en discuter !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La philosophie politique implicite de tous ces amendements est très simple : le profit est illégitime !

M. Jean-Marc Germain. Mais non ! Il ne s’agit pas de profit, mais d’argent public !

M. Charles de Courson. Si vous interdisez aux entreprises de distribuer une partie de leurs dividendes, pensez-vous qu’il y aura beaucoup de gens pour investir dans les entreprises ? Dire que l’on dépose encore, dans cet hémicycle, des amendements aussi fous !

Vous êtes socialistes – terme signifiant la propriété sociale des moyens de production. Faites ce que vous voulez, mais je rappelle que le socialisme a échoué partout. Il est mort, le socialisme, il n’y a plus de socialisme – défini comme la propriété sociale des moyens de production.

M. Lionel Tardy. Ils ne l’ont pas encore compris !

M. Charles de Courson. Un seul débat demeure : comment encadrer le système capitaliste d’une façon raisonnable ? Vous proposez un taux de 12 %. Pourquoi pas 30 % ? Quel en est le fondement économique ? Votre philosophie implicite, c’est le refus de reconnaître que le profit est un outil permettant de bien gérer et d’avoir une bonne affectation des ressources.

M. Jean-Marc Germain. Comment avoir 10 % de dividendes avec 2 % de création de richesse ? Il y a un problème !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur de Courson, nous ne sommes pas d’accord, mais c’est normal. Le débat porte sur le partage de la valeur ajoutée. Vous avez parfaitement raison : la question est de savoir si l’on va rémunérer le capital avec les profits obtenus grâce au travail, ou bien si l’on va rémunérer le travail.

M. Charles de Courson. Il faut rémunérer, c’est de l’épargne !

M. Nicolas Sansu. En trente ans, dans le partage de la valeur ajoutée, la part du capital a grossi de dix points : c’est tout !

M. Charles de Courson. Mais non ! C’est l’inverse en France !

M. Nicolas Sansu. Mais si, monsieur de Courson, c’est cela, la réalité ! Aujourd’hui, 200 milliards sont passés d’un côté vers l’autre. Il faut donc les encadrer. Personne aujourd’hui ne veut interdire le versement de dividendes : ce que nous proposons, c’est de minorer le CICE si les dividendes versés sont excessifs.

M. Charles de Courson. C’est très intelligent.

(Les amendements nos 765 et 314, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n33.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit ici d’évoquer le cas des sociétés agricoles disposant d’associés exploitants et d’associés non exploitants. Aujourd’hui, le crédit d’impôt compétitivité emploi se répartit, dans les sociétés ou dans les groupements soumis au régime fiscal des sociétés de personnes, entre les sociétés relevant de l’impôt sur les sociétés et les personnes physiques associées exploitantes, à proportion de leur participation au capital.

Il en découle, dans la mesure où il est bien prévu que seuls les associés exploitants personnes physiques peuvent bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi, que les associés non exploitants ne peuvent bénéficier de ce crédit d’impôt.

Une structure sociétaire composée de plusieurs associés, lorsque l’un d’eux n’est pas exploitant et ne participe pas aux travaux de l’exploitation, est soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et se retrouve ainsi injustement pénalisée par cette disposition, par rapport aux structures soumises à l’impôt sur les sociétés, car le crédit d’impôt est directement imputé par la structure sur l’impôt qu’elle acquitte.

Une telle situation décourage les structures agricoles puisque la part du crédit d’impôt calculée au prorata de la participation des associés non exploitants se trouve complètement perdue.

Il vous est donc proposé de permettre une répartition du CICE entre les bénéficiaires du dispositif, c’est-à-dire les associés exploitants, à hauteur de leurs droits dans le capital de la société ou du groupement. Nous avons une vraie difficulté liée à la perte d’une partie du crédit d’impôt à proportion de la participation des associés non exploitants dans le capital social de l’entité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons déjà vu cet amendement à plusieurs reprises : il illustre la confrontation entre les associés que l’on fait venir pour apporter du capital, parce que l’on a besoin de financer sa structure, et les associés exploitants, qui participent aux travaux de l’exploitation.

Ainsi, dans une structure comportant cinq associés dont quatre travaillent sur l’exploitation et le cinquième apporte seulement des capitaux, si vous avez 100 euros de CICE, vous divisez en cinq parts : chacun obtient 20 euros, mais seuls les associés qui participent à l’exploitation agricole perçoivent ce crédit d’impôt. Cela vaut pour l’ensemble des dispositifs existants et non uniquement le CICE : aussi, faire une exception pour le CICE serait compliqué.

En outre, et même si j’entends bien le problème, il faudrait quand même disposer d’une statistique précise sur le nombre de groupements…

M. Charles de Courson. Ils ne sont pas nombreux !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur de Courson, j’ai demandé des statistiques car je trouve que nous en manquons, notamment concernant la structure capitalistique des exploitations agricoles. Nous devons avoir une vision précise.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour en revenir à cet amendement, il peut arriver que vous ayez besoin d’un nouvel d’associé : vous allez alors chercher la grand-mère, qui va investir ses économies pour vous accompagner dans le développement de votre exploitation agricole. Comme elle n’y travaille plus, on perd le bénéfice de son crédit d’impôt, mais cela ne concerne pas que le CICE : cela vaut pour l’ensemble des crédits d’impôts qui peuvent s’appliquer.

Il y a donc confrontation entre un mode de financement – l’apport de capital – et les véritables exploitants de la structure. Il n’y a pas de raison juridique pour faire une exception en faveur du CICE. Voilà donc ma réponse, même si j’entends bien le problème que vous avez soulevé. Il faudrait en fait modifier l’ensemble des dispositifs permettant d’assurer le financement des exploitations agricoles et de leurs associés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, nous n’avons pas de données précises. Je pense qu’il existe de plus en plus de structures de cette nature parmi les structures agricoles, avec des associés exploitants et non exploitants. Il serait effectivement intéressant d’avoir les chiffres.

Vous évoquez les situations où l’on est allé « chercher la grand-mère », pour reprendre vos propos. Je pense que dans nombre de cas, les exploitations agricoles ont des associés non exploitants pour des raisons de transmission en cours d’organisation. Les associés non exploitants assurent ainsi une transmission progressive en faveur des associés exploitants au travers d’une sorte de mécanisme de crédit vendeur, en restant associés dans la structure.

Compte tenu des difficultés que l’on connaît dans le monde agricole – et j’ai apprécié que vous soyez attentive à cette situation – nous pourrions essayer de trouver une vraie réponse à cette situation qui aujourd’hui porte préjudice au monde agricole.

(L’amendement n33 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 151 et 492.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n151.

M. Lionel Tardy. Le présent amendement vise à étendre le bénéfice du CICE aux agriculteurs. Le CICE profite finalement assez peu aux agriculteurs et aux viticulteurs, du fait de son mode de calcul. La situation dominante des sociétés agricoles est en effet la société translucide. Nous proposons dans cet amendement que les sociétés translucides ayant cours en agriculture puissent bénéficier du CICE.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement identique n492.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un marronnier, comme dirait M. le secrétaire d’État. Le problème est plus large que la seule question des sociétés translucides agricoles : que veut-on faire ? Lorsque l’on veut aider l’entreprise, qui veut-on aider ?

Dans le cas d’une société civile d’exploitation agricole composée, pour reprendre l’exemple pris par notre rapporteure, de quatre associés qui sont exploitants et d’un cinquième qui ne l’est pas, que va-t-il se passer à cause de cette discrimination, les quatre bénéficiant du CICE et pas le cinquième ? C’est simple : ce dernier expliquera aux autres qu’il leur nuit et qu’il faut qu’ils lui rachètent ses parts, et il se sauvera !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela ne se passe pas ainsi, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Mais si ! Et si la composition est à 49-51, c’est encore pire : seule la moitié de la structure bénéficiera du crédit d’impôt !

Il y a donc un problème de fond : il faut réfléchir à toutes les structures translucides. C’est l’entreprise qui doit bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi. Parce que ces sociétés sont translucides, on transfère à l’impôt sur le revenu pour ceux qui sont exploitants, mais pas pour celui qui n’est pas exploitant agricole : vous avouerez qu’il n’y a pas de logique !

En outre, il existe d’autres structures, madame la rapporteure générale. Tout cela mériterait donc une petite étude, pour déterminer comment rendre le CICE à l’entreprise et non pas aux détenteurs de parts. Le problème, me répondrez-vous, c’est qu’ils ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés mais à l’impôt sur le revenu. Toutefois, dans le cas des sociétés translucides, il y a une coque juridique : la solution ne serait-elle pas de dire que le CICE ne sera pas transféré aux porteurs de parts, exploitants agricoles ou non, mais laissé dans l’entreprise ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La coque se trouve entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Je suis surpris de voir une telle succession d’amendements sur le CICE émaner de nos collègues des bancs de la droite.

Mme Marie-Christine Dalloz. Parce que chez vous, il n’y a pas d’amendement ?

M. Alain Fauré. Lorsque nous l’avons mis en place, vous n’avez cessé de dénoncer sa complexité. Moi je vous invite, mesdames et messieurs, à ne pas compliquer la vie de ceux à qui vous voudriez appliquer un dispositif que vous prétendiez illisible et complexe. Il serait bon d’arrêter cette litanie d’amendements qui n’aboutiront à rien, si ce n’est à nous fatiguer sérieusement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quel apport au débat !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je veux juste rappeler que nous sommes ici pour débattre. Vous parlez de litanie, mais les situations précises qui ont été évoquées sont empreintes d’injustices, d’inégalités et d’iniquités.

M. Alain Fauré. Justement ! Il ne faut pas leur compliquer la vie !

Mme Véronique Louwagie. Quand un dispositif peut être amélioré, il doit l’être. Il peut y avoir des failles, des impacts qui n’avaient pas été mesurés. Je regrette de devoir vous rappeler que nous sommes là pour cela, pour améliorer les dispositifs.

(Les amendements nos 151 et 492, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n787.

M. Lionel Tardy. Actuellement, sous certaines conditions, certaines PME bénéficient d’un crédit d’impôt lorsqu’elles exposent des dépenses de prospection commerciale afin d’exporter des services, des biens et des marchandises.

Toutefois, contrairement au crédit d’impôt recherche, ce crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale ne peut être utilisé qu’une seule fois. Le processus d’exportation ou d’implantation sur un marché étant par nature un processus long, cette restriction amène à s’interroger sur l’efficacité réelle de cet instrument.

Cet amendement vise donc à autoriser la reconduction de ce crédit d’impôt sur au moins trois exercices, car le retour sur investissement est long et n’intervient généralement qu’au terme de plusieurs années.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce dispositif est déjà valable pour une période de vingt-quatre mois, pour un crédit d’impôt égal à 50 % de ces dépenses : je pense que c’est suffisant. Vous demandez trois ans – pourquoi pas l’éternité ? Je pense qu’en deux ans on a le temps de s’organiser pour faire de la prospection commerciale. Avis défavorable.

(L’amendement n787 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n80.

M. Lionel Tardy. Cet amendement soutient l’initiative de Gérald Darmanin et David Douillet, qui avaient déposé la proposition de loi n494 visant à accorder un prêt à taux zéro pour l’aménagement du domicile des personnes handicapées moteur.

Il est important que l’État joue son rôle d’intégrateur en favorisant l’accessibilité et la participation des personnes handicapées à la vie en société, notamment en facilitant leur autonomie. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a contribué à la réalisation des objectifs d’autonomisation et d’intégration des personnes handicapées moteur, mais des efforts restent à faire.

L’objet de cet amendement est de permettre aux personnes handicapées moteur ou à celles qui en accueillent à leur domicile de bénéficier d’un prêt à taux zéro pour le financement de travaux d’aménagement de leur résidence principale. Cette mesure participe à l’égalité des droits et à l’intégration des personnes en situation de handicap.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Votre appel à la solidarité nationale est légitime mais je me permets de rappeler qu’à côté d’allocations spécifiques, le bénéfice du taux de TVA de 5,5 % s’applique aux équipements médicaux et paramédicaux. Il existe également un crédit d’impôt de 25 % pour les dépenses d’équipement de ce type.

Enfin, à l’occasion de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a annoncé un certain nombre de dispositions en matière d’adaptation des logements à la situation de handicap, au bénéfice notamment des locataires du parc privé. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme la rapporteure générale vient d’énumérer les aides budgétaires et fiscales, notamment un taux réduit de TVA, qui existent déjà. Abondance de biens ne nuit certes pas, mais reconnaissez que tout cela constitue un dispositif solide d’accompagnement de ces personnes. Avis donc défavorable.

(L’amendement n80 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement n713.

M. Dominique Lefebvre. Nous allons parler à cet instant de cuisine française traditionnelle, dont la cuisine budgétaire ne fait pas partie même si j’accorderais volontiers, si j’en avais l’autorité, le titre de maître-restaurateur au membre du Gouvernement qui nous présente le PLF et celui de chef de rang à la rapporteure générale, alors que nous-mêmes serions de modestes marmitons – sans parler des quelques pique-assiettes qu’on rencontre parfois dans cet hémicycle.

M. Hervé Mariton. On veut des noms !

M. Dominique Lefebvre. Plus sérieusement, le titre de maître-restaurateur a été créé en 2006 pour soutenir la cuisine traditionnelle française. Il en existe aujourd’hui environ 3 000. Cela suppose des investissements, et un dispositif fiscal a donc été élaboré : un crédit d’impôt de 50 % des dépenses de modernisation du restaurant dans la limite de 30 000 euros, soit un crédit d’impôt de 15 000 euros. Ce dispositif coûte au budget de l’État la somme modique de 6 millions d’euros pour 1 400 bénéficiaires.

Il se trouve que l’actuelle majorité a voté l’extension de l’attribution du titre de maître-restaurateur à des salariés, alors qu’il était jusqu’alors réservé au chef de l’entreprise. La demande de la profession est que ce crédit d’impôt puisse donc bénéficier aux entreprises dont un employé est maître-restaurateur. Cette demande est raisonnable puisque sa présence prouve la qualité de la cuisine servie.

Nous proposons en compensation une limitation de l’assiette du crédit d’impôt à certaines dépenses d’investissement. Certes cela ne suffit pas à gager complètement l’amendement, mais entre quelques bénéficiaires supplémentaires et quelques dépenses en moins, je pense que cet amendement coûte moins de quelques dizaines de milliers d’euros.

Tel est l’amendement que je soumets à l’appréciation des spécialistes de la cuisine budgétaire que vous êtes.

M. Dominique Baert. Il est copieux !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission n’a pas été convaincue par cet amendement. Je rappelle que ce crédit d’impôt a déjà été prorogé en 2013, pour un an seulement, puis en 2014 jusqu’en 2017, avec l’accord de notre commission.

Vous nous demandez aujourd’hui d’en étendre le bénéfice, au prix d’une restriction d’assiette minime, puisque vous le limitez aux grosses dépenses d’équipement. Cela fait quand même une dépense supplémentaire – entre 6 et 10 millions d’euros par an. Je ne sais pas ce que sera l’avis du Gouvernement mais j’observe que le secrétaire d’État a refusé des amendements moins coûteux. Quoi qu’il en soit, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est assez visible que le secrétaire d’État aime la bonne cuisine ! (Sourires.) Mais trêve de cabotinage : le Gouvernement est sensible à votre argumentation, monsieur Lefebvre. Le titre de maître-restaurateur constitue un label qu’il nous paraît utile de développer. En outre, vous nous proposez de recentrer le dispositif fiscal sur les dépenses d’investissements nécessaires et les dépenses d’audit externe, en excluant certaines dépenses assimilables à des dépenses de fonctionnement qui sont en l’état actuel du droit comprises dans le champ du crédit d’impôt. Voilà pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. La promotion des maîtres-restaurateurs était une bonne initiative et l’extension de ce titre à certains salariés est une évolution positive. Cet amendement nous paraît aller dans le bon sens et c’est pourquoi le groupe Les Républicains le votera.

(L’amendement n713 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 345 rectifié, 539 rectifié et 454, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 345 rectifié et 539 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n345 rectifié.

M. Éric Alauzet. Je crois que les maîtres-restaurateurs apprécient de pouvoir se fournir auprès de producteurs locaux. C’est précisément l’objet de cet amendement, qui tend à créer un crédit d’impôt afin de favoriser le développement des abattoirs multi-espèces, adaptés aux filières de proximité.

Cet amendement a été accepté par la commission des finances dans le cadre de son examen en application de l’article 88 : il avait été retravaillé en tenant compte des critiques de la commission quant à l’assiette ou au taux retenus au départ.

Cet amendement, issu de la proposition n41 du rapport parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, propose donc de créer un crédit d’impôt pour inciter les abattoirs à diversifier leurs activités. Aujourd’hui seuls 5 % des abattoirs ont une activité véritablement différenciée. La concentration massive et la spécialisation des abattoirs auxquelles on a assisté ces dernières années ne les ont pas conduits à la prospérité mais les ont au contraire fragilisés. Cela fragilise aussi l’activité des agriculteurs, mais aussi des bouchers et des charcutiers – qui fournissent les maîtres-restaurateurs – et plus globalement l’ensemble du tissu économique d’un territoire.

Pour soutenir la territorialisation des filières agricoles et l’emploi lié, il est indispensable de soutenir le maintien et de le développement des abattoirs accueillant plusieurs espèces d’animaux et adaptés aux circuits de proximité – et à la fourniture des maîtres-restaurateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l’amendement n539 rectifié.

M. Gérard Charasse. Je voudrais rappeler le contexte dans lequel nous présentons cet amendement. Depuis hier circule sur internet une vidéo sur l’activité de l’abattoir d’Alès. Les images sont tellement choquantes que le maire de la ville a demandé la fermeture immédiate, à titre conservatoire, de cet établissement. Comment a-t-on pu en arriver là dans un pays comme le nôtre, dont le savoir-faire en la matière est traditionnel ?

Le constat de la mission d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, dont Brigitte Allain était la rapporteure et qui a rendu ses conclusions en juillet dernier, était parfaitement clair : non seulement les outils de transformation collectifs sont très peu développés, mais surtout la spécialisation et la concentration accrues des abattoirs ont entraîné la quasi-disparition des abattoirs de proximité multi-espèces, pourtant indispensables aux circuits de proximité.

L’activité des agriculteurs en subit les conséquences, comme celle des bouchers et des charcutiers, et plus globalement l’ensemble du tissu économique territorial. Sans abattoir de proximité, les éleveurs constatent que leurs marges ne sont pas optimisées et déplorent une dégradation de la qualité de la viande, occasionnée par le transport des animaux vivants et le retour des carcasses sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Pour soutenir une territorialisation des filières agricoles et de l’emploi, il est indispensable de soutenir le maintien et le développement des abattoirs accueillant plusieurs espèces d’animaux et adaptés aux circuits de proximité.

C’est la raison pour laquelle nous proposons à notre tour la création d’un crédit d’impôt ayant pour objet de favoriser la diversification des activités des abattoirs, au bénéfice des établissements traitant plus de deux espèces d’animaux et de ceux dont les activités de découpe ou de vente sont établies.

Ce crédit d’impôt serait égal à 50 % des investissements nécessaires à cette diversification et au développement d’un circuit court.

Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n454, présenté au nom de la commission des affaires économiques. Vous en êtes cosignataire, monsieur Alauzet.

M. Éric Alauzet. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La question est difficile car on ne sait pas exactement ce sur quoi le crédit d’impôt doit porter. Le périmètre n’est pas précisé. Lors la réunion de la commission tenue au titre de l’article 88 de notre règlement, j’avais rendu un avis de sagesse et la commission avait accepté les deux amendements identiques. Sachant qu’il n’existe pas d’estimation du coût et de définition du périmètre, et même si j’entends bien l’idée qui préside à ces propositions, je maintiens un avis de sagesse pour les trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai retenu des réunions interministérielles consacrées aux crises agricoles auxquelles j’ai participé que, dans la filière viande, c’est surtout la structuration des abattoirs qui est défaillante. Ils sont, pour le dire avec prudence, très nombreux, pour ne pas dire trop nombreux. Leur efficacité se trouve de ce fait limitée et la concurrence est vive, ce qui se traduit un renchérissement du coût des produits finis ou semi-finis. Je pense donc que c’est sur cette dimension qu’il nous faut surtout travailler, afin de soutenir cette filière intermédiaire dans la transformation des produits.

Le crédit d’impôt que vous proposez, messieurs les députés, est parfois limité à certains types d’opérations. Il ne saurait constituer une réponse globale à la situation. En outre, en nous inspirant du rapport de M. François André et d’autres éléments d’analyse, nous vous proposerons dans le projet de loi de finances rectificative un aménagement de différents points de la fiscalité agricole. Il s’agit de la fiscalité des exploitants, bien entendu, mais nous pourrons aussi, le cas échéant, travailler sur les filières.

En l’état, il me paraît que la réponse que vous proposez est partielle, insuffisante et probablement mal adaptée à un problème qui relève bien plus, j’en suis persuadé, d’un travail de structuration que d’une réforme de l’investissement dont bénéficierait tel ou tel abattoir soit pour multiplier les types d’animaux traités, soit pour d’autres opérations.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. En termes aimables, le secrétaire d’État a livré une analyse à peu près inverse de celle qui a motivé ces amendements. Du reste, je me demande comment l’on pourrait définir légalement une « filière de proximité ». La proximité, est-ce l’Europe par opposition au monde, la France par opposition à l’Europe, la région par opposition à la France, le canton par opposition à la région ? Derrière le problème de rédaction, on voit bien qu’il existe un problème conceptuel.

Après les crises agricoles que nous avons vécues cet été, nous ne devons pas encourager l’envoi de faux signaux. L’affaire de l’abattoir d’Alès est en effet inacceptable, monsieur Charasse, mais n’a-t-elle pas à voir avec la logique de la proximité et de la multiplication des sites ?

Les structures d’abattage ont connu, depuis une trentaine d’années, une évolution extrêmement lente. Ce qui est proposé là est un contre-signal qui va à l’encontre de toute amélioration de la productivité de l’agriculture dans notre pays. Nous avons besoin de circuits courts, mais nous avons aussi besoin de certaines évolutions de l’outil industriel. Gardons-nous d’aller à l’inverse des évolutions qu’une partie de l’agriculture française doit connaître.

Les circuits courts ont leur place, les circuits longs également. Encourager, comme vous le proposez…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai rien proposé ! En tout cas pas d’aller à l’inverse !

M. Hervé Mariton. C’est à mes collègues que je m’adressais, monsieur le secrétaire d’État, et je disais plutôt du bien de vous !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ah ! C’est tellement rare…

M. Hervé Mariton. Il faut l’apprécier d’autant ! Et cette surprise gouvernementale me tiendra lieu de conclusion. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je m’exprimerai, moi, sans prudence. Le secrétaire d’État pose la vraie question. Quiconque s’intéresse aux abattoirs français peut constater que l’écart de productivité ramené au kilo de carcasse abattue est, tenez-vous bien, de l’ordre de 1 euro par rapport aux abattoirs allemands !

Nous sommes d’ailleurs collectivement responsables de cette situation, puisqu’une partie de ces abattoirs sont des abattoirs publics, souvent soutenus par les collectivités territoriales. On a voulu maintenir l’emploi local par ce moyen, sans voir que, l’établissement étant non compétitif, non seulement il se plombait lui-même mais il plombait aussi tous les autres ! Dans un pays bien géré, on élaborerait un plan de concentration et de modernisation des abattoirs. À défaut, il se passera ce qu’on observe actuellement dans l’Est, où une partie des animaux sont abattus en Allemagne avant de revenir en France.

Dans les petits amendements qui nous sont proposés sur un crédit d’impôt, techniquement, rien n’est défini, pas même l’assiette. Mais de toute façon, le problème est très secondaire par rapport à la question de fond. Je suis donc hostile à ces propositions.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je suis stupéfait, et même un peu effrayé, par ce que j’entends. Selon vous, il n’y aurait donc qu’un modèle, et un seul.

M. Hervé Mariton. Mais non !

M. Éric Alauzet. Généralement, les personnes qui défendent ici un modèle qui n’est pas le mien conviennent au moins que l’on peut aussi tenter d’autres choses. Mais pour vous, non : il n’y a qu’un modèle, celui de la massification et de la mondialisation inéluctables. Hors ce modèle, point de salut !

M. Hervé Mariton et M. Charles de Courson. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Éric Alauzet. Comment comptez-vous donc lutter avec des abattoirs allemands qui ont des employés à 4 euros de l’heure ? En abaissant les charges des paysans, et des autres d’ailleurs ? Dans ce cas, nos concurrents abaisseront à nouveau les leurs. Et à la fin, tout le monde sera mort !

Que certains défendent ce modèle qui conduit à notre échec collectif, pourquoi pas ? Mais essayez au moins d’avoir l’ouverture suffisante pour tolérer que l’on puisse développer, dans ce domaine comme dans tant d’autre, des modes alternatifs. Sinon, il ne faut s’attendre à aucune créativité !

M. Charles de Courson. Il n’y a pas besoin de crédit d’impôt pour cela !

M. Éric Alauzet. Il faut bien, là comme ailleurs, soutenir les initiatives, mon cher collègue !

Si j’ai mal compris vos propos, monsieur le secrétaire d’État, tant mieux, mais j’avoue que ces interventions m’effraient un peu.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne sais si vous m’avez mal compris ou si je me suis mal exprimé, monsieur Alauzet. En tout cas, je n’ai pas dit qu’il fallait tomber dans le gigantisme et condamner la proximité et le circuit court. Je ne suis pas spécialiste des questions agricoles – on ne peut être spécialiste de tout, même quand on est chargé du budget ! – mais il me semble qu’il faut parfois rechercher la complémentarité. Certaines filières agricoles orientées vers cette proximité peuvent difficilement offrir une surface de marché suffisante : il faut aussi faire appel, au moins pour quelques années sinon pour quelques décennies, à des circuits plus classiques, plus traditionnels. Il nous faut trouver le bon équilibre entre le développement des circuits courts, donc la proximité, et les filières plus traditionnelles, qu’il faut dès lors renforcer.

Aujourd’hui, le nombre d’abattoirs par rapport aux besoins et à la situation du marché est assez inadapté, qu’on le veuille ou non.

M. Charles de Courson. Il est carrément excessif !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vos amendements ne répondent pas à cette situation. Mais sur ce point aussi, nous avons le droit d’être en désaccord !

(Les amendements identiques nos 345 rectifié et 539 rectifié et l’amendement n454, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n341.

M. Éric Alauzet. Il s’agit d’instaurer une réduction d’impôt pour l’embauche d’un apprenti.

Il faut bien reconnaître que nous avons eu une politique un peu erratique en matière de soutien à l’apprentissage depuis le début de la législature. La trajectoire est aujourd’hui rétablie et les choses sont claires : priorité est donnée à la jeunesse et à l’emploi des jeunes, moyennant un dispositif important qui donne des résultats. Les emplois d’avenir et les contrats de génération ont été créés. Le soutien à l’apprentissage est une autre forme de cet effort.

Nous proposons de le renforcer par une aide de 500 euros par mois, soit 6 000 euros par an. Si l’on rapporte ce montant aux 10 000 euros par an des emplois d’avenir, on voit que l’on reste dans l’épure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable.

Permettez-moi de rappeler les soutiens qui existent déjà en faveur de l’apprentissage : un crédit d’impôt apprentissage de 1 600 euros par apprenti présent sur l’année ; le CICE, qui est applicable à l’apprentissage ; l’exonération d’impôt sur le revenu dont peuvent bénéficier les apprentis ; l’exonération de cotisations sociales, d’impôt sur les salaires des apprentis, de CSG et de CRDS pour les entreprises de moins de onze salariés ; l’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale, de cotisations salariales, de CSG et de CRDS pour les entreprises de plus de onze salariés ; l’aide financière TPE jeunes apprentis de 4 400 euros la première année pour l’embauche d’un apprenti mineur, aide qui se prolonge à hauteur de 1 000 euros les années suivantes ; la prime régionale apprentis TPE de 1 000 euros par euros de formation, versée aux entreprises moins de onze salariés ; la prime régionale apprentis PME, prévue à hauteur de 1 000 euros à l’issue de la période d’essai de l’apprenti sous certaines conditions. Bref, dans le cas d’un salarié de moins de dix-huit ans employé au SMIC par une entreprise de moins de onze salariés, le total des soutiens s’élève à 12 000 euros sur une période de quatre ans. C’est un montant jamais atteint, je crois, dans l’histoire de notre pays.

D’ores et déjà, donc, les aides sont importantes. Personne ne nie ici la crise de l’apprentissage et le fait que le nombre d’apprenti a baissé. Mais, pour faire face à cette situation, les soutiens aux entreprises de moins de onze salariés embauchant des apprentis mineurs, qui représentent les trois quarts des apprentis en France, sont très significatifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Votre amendement, monsieur Alauzet, pose plusieurs problèmes. Il prévoit, est-il indiqué, un crédit d’impôt sur les sociétés pour l’embauche en CDI d’une personne de moins de trente ans au moment de la signature de son contrat avec un des organismes mentionnés à l’article 207 du code général des impôts. Or cet article 207 dresse la liste des organismes qui, précisément, sont exonérés de l’impôt sur les sociétés, tels les organismes de HLM ou les coopératives. Vous proposez donc d’accorder un crédit d’impôt aux organismes qui n’en paient pas !

L’amendement précise en outre que « les organismes bénéficient du crédit d’impôt mentionné au I durant une période de trois ans renouvelable par deux fois ». Autrement dit, l’aide est prévue pour neuf ans. Je crains vraiment qu’il ne vous faille retravailler ce dispositif, car un crédit d’impôt de 500 euros par mois pendant neuf ans risque d’obtenir un succès fort coûteux pour nos finances !

C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement, si du moins vous le maintenez.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le secrétaire d’État, il y a eu une confusion. Vous avez donné l’avis du Gouvernement sur l’amendement n341, qui avait été appelé mais que je n’ai pas présenté. Je vais le retirer. Mme la rapporteure générale avait donné l’avis de la commission sur l’amendement n347, que j’ai présenté par erreur. Je le retirerai également.

(L’amendement n341 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 347 et 645.

Monsieur Alauzet, vous retirez donc l’amendement n347 ?

M. Éric Alauzet. Je le retire en effet.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l’amendement n645.

M. Gérard Charasse. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Charasse ?

M. Gérard Charasse. Je le retire.

(Les amendements identiques nos 347 et 645 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n348.

M. Éric Alauzet. Le sujet de cet amendement est un peu plus délicat. De plus en plus de jeunes âgés de plus de dix-huit ans suivent une formation en apprentissage. Or les aides accordées aux chefs d’entreprise et aux artisans sont les mêmes pour tous les apprentis, quel que soit leur âge, alors que les rémunérations versées aux plus « âgés » sont sensiblement supérieures. Cet amendement vise donc à calibrer l’aide financière en fonction de l’âge de l’apprenti.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous proposez donc d’augmenter la réduction d’impôt en fonction de l’âge de l’apprenti, afin de soutenir les majeurs qui pourraient se trouver pénalisés. C’est un dispositif très imaginatif, mais il se trouve que les trois quarts des apprentis ont moins de dix-huit ans.

Ce dispositif n’est pas chiffré, mais il se pourrait que son coût soit important. Parallèlement, je vous rappelle l’ensemble des dispositifs que j’ai déjà cités, dont le montant est significatif. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous proposez de soutenir l’apprentissage par le biais d’une réduction d’impôt progressive en fonction de l’âge de l’apprenti, à hauteur de 1 000 euros par an par exemple pour un apprenti de moins de dix-huit ans.

Il existe déjà un crédit d’impôt, comme l’a souligné tout à l’heure Mme la rapporteure générale, et une mesure « zéro charge » pour les apprentis dans les petites entreprises. Nous estimons que le dispositif est suffisant. Il commence d’ailleurs à montrer son efficacité. Il reste des progrès à faire, je le concède, surtout dans la fonction publique où le nombre d’apprentis, s’il progresse, reste inférieur à nos objectifs. Il est vrai que, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités, on partait de tellement bas…

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement estime que les dispositifs existants sont suffisants. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je maintiens cet amendement car il révèle un vrai problème qui se pose sur le terrain. La réduction d’impôt s’élève à 1 000 euros par an et par apprenti jusqu’à dix-huit ans, à 1 250 euros de dix-huit à vingt-et-un ans, et à 1 500 euros au-delà. Nous parlons beaucoup de deuxième chance, or aujourd’hui un certain nombre de jeunes âgés de plus de dix-huit ans sont exclus de l’apprentissage. Ils sont pourtant souvent très motivés, mais malheureusement le coût de leur embauche pour l’employeur est sensiblement supérieur, ce qui peut être très dissuasif. Il s’agit de donner un coup de pouce à ces jeunes.

(L’amendement n348 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n385.

M. Charles de Courson. L’ordonnance du 30 mai 2014 relative au financement participatif que nous avons votée a ouvert la voie au développement en France d’un mode de financement alternatif qui met en relation, le plus souvent via des plateformes Internet, des porteurs de projets cherchant à se faire financer et des personnes désirant les soutenir. Avec notre esprit décentralisateur et notre goût pour l’économie de marché bien connus, nous avons considéré que c’était un axe intéressant.

Cette avancée était souhaitable et doit être saluée, mais ce mouvement doit à présent être amplifié afin de permettre le développement rapide du financement participatif. C’est pourquoi nous proposons une expérimentation, d’une durée de trois ans, pour, sous la forme d’un crédit d’impôt sur le revenu, encourager les particuliers investissant dans des projets de financement participatif.

Reste à calibrer la mesure. L’amendement propose un taux de 50 %, mais on peut en discuter, descendre par exemple à 20 %. Dans trois ans, on saura si ce crédit d’impôt est efficace ou non.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Vous savez très bien, cher collègue, que ce genre de prêts sont accessible via des plateformes et que leur nombre a été multiplié par quatre en un an. Vous qui faites également partie de la mission d’information sur les normes prudentielles et le financement non bancaire de l’économie, vous savez qu’avec le shadow banking, on entre dans un système non régulé. C’est pourtant ce que vous voulez encourager avec ce crédit d’impôt.

Je crois que nous devons nous montrer très prudents et tout d’abord bien vérifier que nous n’inciterons pas les prêteurs à prendre des risques dont ils n’auraient pas conscience.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est sensible à la question qui est soulevée dans cet amendement. Le crowdfunding, comme on dit…

M. Charles de Courson. Ou financement participatif !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …est un dispositif qui se développe. Il peut séduire un certain nombre de filières ou d’investisseurs. Mais je rejoins Mme la rapporteure générale sur un point : il faut garder une certaine prudence pour ne pas exposer des épargnants qui pourraient se trouver non pas trompés, mais mal orientés et subir de grosses déceptions.

Nous disposons néanmoins d’un certain nombre de rapports concernant les dispositifs qui ont déjà été mis en place. Le Gouvernement aimerait des mesures plus incitatives que ce qui existe actuellement. Nous avons agi pour ce qui est du crowdfunding, mais il y a peut-être lieu de renforcer d’autres dispositifs.

Vous cherchez à aller plus vite, mais il nous faudra réfléchir à un grand nombre de formes d’investissement dans les entreprises, notamment l’ISF-PME. Pour cela, je vous donne rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Ce n’est pas tout à fait le même sujet, mais nous devons réformer l’ISF-PME, qui n’est pas euro-compatible. Nous le ferons dans ce projet de loi de finances rectificative et ce sera pour nous l’occasion d’avancer sur le sujet que vous évoquez. En attendant, je vous propose de retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour cette ouverture, mais avant de retirer mon amendement, j’aurais aimé que vous en disiez un peu plus sur vos axes de réflexion.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je fais du teasing ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Certes, il existe des solutions autres que le crédit d’impôt. Quoi qu’il en soit, nous ne pourrons jamais dire que ce mode de financement ne présente pas de risque.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas de risque, au contraire !

M. Charles de Courson. Par définition, financer ce type de projet comporte un risque. Simplement, les gens doivent pouvoir apprécier correctement le risque qu’ils prennent. Bien sûr, il y aura des échecs, comme il y en a toujours dans la vie, mais l’important est que le dispositif d’ensemble aille dans le bon sens.

Monsieur le secrétaire d’État, je retire cet amendement et nous attendons vos propositions. Ou alors devrons-nous présenter de nouveaux amendements dans la loi de finances rectificative ?

(L’amendement n385 est retiré.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à M. François André, inscrit sur l’article.

M. François André. Mon propos ne porte pas sur le contenu de l’article 6 lui-même mais sur une importante série d’amendements qui viendra en débat après l’article et qui concerne la fiscalité agricole – M. le secrétaire d’État y a fait allusion il y a quelques instants.

Chacun le sait, l’agriculture française, ou plutôt les agricultures françaises sont soumises à de nombreuses turbulences. Si certaines sont de nature conjoncturelle – je pense à l’embargo russe ou à des événements climatiques ou sanitaires – d’autres, en revanche, sont de nature plus structurelle – je pense à la sortie progressive du système des prix garantis ou à l’interconnexion de plus en plus forte des marchés à l’échelle mondiale.

Face à cela, il convient de s’adapter. C’est le sens de la mission d’information que nous a confiée la commission des finances et qui a abouti à un rapport dont l’objet est d’adapter la fiscalité agricole à l’agriculture telle qu’elle évolue.

Soyons clairs : la fiscalité ne réglera pas, à elle seule, les défis de l’agriculture française. La réorientation de la PAC ainsi que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt portent en elles les mesures structurantes nécessaires à l’évolution de notre agriculture.

En revanche, il nous paraît indispensable de réorienter la fiscalité agricole dans trois directions. La première en encourageant l’agriculture de groupe et en développant les dispositifs applicables aux GAEC ; la deuxième en stimulant la diversification des activités – c’est le sens de l’article 7 que nous examinerons dans la soirée ; la troisième, enfin, en prenant mieux en compte sur le plan fiscal la gestion des risques et l’impact de la volatilité des coûts, donc les revenus des agriculteurs. Le débat sur la déduction pour investissement et la déduction pour aléas est d’ailleurs au cœur des travaux de notre mission d’information.

Face aux crises récentes du secteur de l’élevage, des mesures d’urgence ont été prises. Elles étaient nécessaires et ont été saluées. L’heure est venue de toiletter cette fiscalité agricole, de la rendre plus souple mais aussi plus simple, pour le plus grand profit de ce que l’on peut appeler la « ferme France ».

Je souhaitais, madame la présidente, résumer ainsi l’esprit des nombreux amendements qui seront présentés après l’article 6.

M. Jean Launay. Très bien !

Mme la présidente. Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, l’Assemblée examinera par priorité, au début de la prochaine séance, l’article 15 relatif à la réforme de l’aide juridictionnelle.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly