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Document E3480
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil portant sur la modification du règlement (CE) n° 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune.


E3480 déposé le 5 avril 2007 distribué le 13 avril 2007 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0122 final du 20 mars 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 20 mars 2007)

Cette proposition s’inscrit dans la cadre général de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne. Elle vise d’abord à compléter le règlement n° 1290/2005 afin de préciser, pour les dépenses du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), les conditions de publication des informations relatives aux bénéficiaires des financements communautaires. Elle contient aussi des dispositions sur la procédure d’apurement de conformité afin de faciliter l’action de la Commission envers les Etats membres qui ne respecteraient les règles communautaires. Enfin, elle prévoit des dispositions techniques, en particulier pour préciser les compétences d’exécution de la Commission pour assurer la transition entre la gestion du FEOGA, section orientation et le FEADER.

Cette proposition soulève des problèmes tenant tant à la modification de la procédure d’apurement de conformité qu’aux modalités de la publication d’informations relatives aux bénéficiaires des aides communautaires.

I. Publication d’informations relatives aux bénéficiaires des aides du FEOGA et du FEADER

Afin d’assurer la transparence des aides agricoles, l’obligation de publier des informations sur les bénéficiaires des fonds communautaires est prévue par le règlement (CE) 1995/2006. L’article 30 prévoit que «  la Commission communique de manière appropriée les informations sur les bénéficiaires des fonds fournies par les entités auxquelles les tâches d’exécution du budget sont déléguées  », à charge pour les Etats, en application de l’article 53 d’«  assurer, par le biais de réglementations sectorielles une publication annuelle a posteriori des noms des bénéficiaires des fonds en provenance du budget  ».

Certains Etats ont marqué quelques réticences à rendre publiques les informations sur l’affectation des subventions agricoles. A l’heure actuelle, seuls treize pays ont mis en place des registres en ligne accessibles au public, notamment par le biais du site Internet des institutions européennes. Ainsi, la France n’a pas mis en ligne un tel registre et a seulement commencé à publier l’année dernière les noms des bénéficiaires les plus importants des aides agricoles européennes.

Il est donc impératif de préciser les obligations relatives à la mise en œuvre de l’obligation de transparence. Le dispositif proposé prévoit que la communication de la liste des bénéficiaires et les montants reçus, sera assurée annuellement par les Etats membres au niveau national.

La France considère que cette obligation de transparence devrait incomber à la Commission, faisant notamment valoir que seule une centralisation permettrait d’identifier correctement et de façon harmonisée les bénéficiaires des aides dans plusieurs Etats membres et pourrait assurer ainsi une meilleure transparence. Par ailleurs, certains Etats membres – notamment parmi les nouveaux adhérents- n’ont pas les moyens de mettre en place une base de données avec le nom, l’adresse et le montant des aides versées. La publication par la Commission serait en outre nécessaire pour éviter les éventuelles difficultés résultant de l’application dans les Etats membres de certains droits nationaux qui limitent l’accès aux droits administratifs et aux données personnelles.

La Commission défend quant à elle l’idée que les administrations nationales sont les mieux placées pour se livrer à cet exercice de transparence dans la mesure où ce sont elles qui envoient le chèque aux exploitants.

De fait, toute l’application de la politique agricole commune étant du ressort des Etats membres, il est dans la logique du système et du principe de subsidiarité que la publication soit faite par eux. Il conviendra toutefois d’assurer un cadrage des obligations incombant aux Etats membres afin qu’elles soient limitées à un certain nombre d’éléments d’informations tels l’identité du bénéficiaire, la nature juridique de l’exploitation et le montant de l’aide accordée.

II. Modification de la procédure d’apurement de conformité

a) Cette proposition met en place un mécanisme continu de correction financière dés lors qu’un Etat membre a reçu deux décisions entraînant des corrections financières.

Selon les principes de la procédure d’apurement actuellement en vigueur, les Etats membres doivent pouvoir faire valoir leur défense, selon un débat contradictoire avec la Commission (lettre d’observations de la Commission suivie d’une réponse écrite de l’Etat membre, organisation d’une réunion bilatérale, saisine éventuelle de l’organe de conciliation). Ces principes sont issus de la réforme de 1995 très largement inspirée des conclusions du rapport Belle qui avait pour buts essentiels de développer le partenariat entre la Commission et les Etats membres et de donner à l’apurement un caractère préventif et correctif plutôt que répressif. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes se réfère systématiquement à ce rapport au titre des «  lignes directrices à suivre lorsque des corrections financières doivent être appliquées à l’encontre d’un Etat membre  ».

La proposition de la Commission ignore ce principe du contradictoire en permettant aux services de l’apurement de mettre en place un mécanisme de correction financière permanent. En tout état de cause, la réglementation actuelle permet déjà à la Commission de sanctionner les irrégularités répétées des Etats membres en ouvrant autant de procédure d’apurement que nécessaire, en respectant le droit des Etats à faire valoir leur défense.

Si la Commission entend conserver cette facilité, il serait nécessaire que le règlement prévoie que la procédure normale soit réactivée dés lors que l’Etat membre apporte des éléments nouveaux pour expliquer la pratique nationale que la Commission conteste. Par ailleurs, la rédaction de l’article 17 bis devrait préciser que cette procédure d’apurement ne doit pas s’appliquer rétroactivement aux irrégularités constatées avant l’entrée en vigueur du nouveau règlement.

b) Cette proposition instaure une dérogation à la règle dite des 24 mois en cas de contrôle.

Cette règle des 24 mois impose à la Commission de prendre comme assiette de la correction financière les seules dépenses réalisées dans une période de 24 mois précédent le premier constat d’irrégularité. Cette règle peut ainsi faire échapper à la correction décidée par la Commission certaines irrégularités car ces contrôles se réalisent sur une longue période - au minimum un an - et peuvent en conséquence concerner des dépenses antérieures aux 24 mois, ce qui justifie la dérogation proposée par la Commission.

Il convient cependant d’assurer un encadrement strict de cette faculté de dérogation car la règle des 24 mois constitue une des bases essentielles de la procédure d’apurement. Il faudrait éviter que cette dérogation puisse en appeler d’autres en la limitant aux contrôles a posteriori .

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M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 9 octobre 2007.

Un débat a suivi son exposé.

Sur la publication de la liste des bénéficiaires des aides agricoles, M. Hervé Gaymard a indiqué qu’il avait une opinion dissidente de celle du rapporteur. Il a d’abord fait observer que les agriculteurs, tant français qu’européens, n’étaient pas demandeurs du système des aides directes quand il s’est substitué au mécanisme de soutien des prix. Derrière le slogan que l’on peut considérer comme facile : « On veut des prix pas des primes », il y a assurément un fond de vérité. Par ailleurs, il s’est dit opposé à tout ce qui fustige et est susceptible de désigner à la vindicte populaire. Ces aides sont des aides légales auxquelles les bénéficiaires ont droit et qui résultent d’une politique décidée et assumée par les autorités publiques. Pour cette raison, il est gênant de désigner des « coupables » potentiels.

Il a estimé que la transparence est nécessaire afin de donner aux citoyens et aux contribuables des informations sur le coût de la politique agricole commune. Ainsi, quand il était ministre de l’agriculture, il indiquait lors de ses visites dans les différents départements, le montant total des aides accordées, ce qui permettait en appliquant une règle de trois, d’avoir une idée assez précise du montant accordé par exploitation. En revanche, il a souligné que la transparence nominative est contraire à l’idée que l’on peut se faire des droits de l’homme et de la liberté individuelle. Enfin, il a rappelé que de nombreuses exploitations ayant la forme juridique de groupement juridique d’exploitation en commun (GAEC), la comparaison entre structures collectives et individuelles biaisent inévitablement le raisonnement.

Pour toutes ces raisons, il a émis des réserves sur la transparence totale.

Au Président Pierre Lequiller qui faisait observer que l’objet de la proposition était de déterminer le responsable de la publication, M. Hervé Gaymard a indiqué avoir voulu saisir l’occasion de ce débat pour évoquer, de manière plus générale, le problème de la transparence.

Mme Chantal Brunel a relevé que, lorsqu’une entreprise perçoit une aide, celleci est connue. Il n’y a donc pas de raison de cacher les aides agricoles alors que dans d’autres secteurs économiques, les aides sont identifiées, fléchées et remboursées si les critères d’attribution ne sont pas remplis.

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, a indiqué partager l’opinion de M. Hervé Gaymard sur la philosophie soustendue par le slogan «Des prix, pas des primes » et a espéré que ce débat sera pris en compte à l’occasion du bilan de santé de la PAC. La transparence est cependant indispensable afin de mettre fin aux fantasmes existant autour des aides agricoles. Il est vrai que de grandes exploitations du Nord sont les bénéficiaires importants de la PAC et la lumière doit être faite sur ces réalités. Le débat sur la responsabilité de la publication doit être tranché en faveur des Etats membres. Il souhaiterait que dans l’application de ces dispositions, il soit tenu compte des données nationales spécifiques et que l’intervention de la CNIL soit prévue . En conclusion, il a fait remarquer que le sujet est un sujet éminemment sensible comme celui des OGM ainsi que l’ont montré les débats au sein de la Délégation la semaine dernière. D’une façon générale, il faut prendre garde à ce que les informations mises en ligne, par exemple la publication des types de productions de maïs ou de soja, puissent être utilisées par des groupes de pression . Compte tenu du risque de débats frontaux, la sagesse veut que ces dispositifs soient encadrés juridiquement par les Etats membres.

Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a approuvé ce texte.