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Document E3585
(Mise à jour : 27 avril 2012)


Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres et la République du Monténégro. Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Monténégro, d'autre part.


E3585 déposé le 12 juillet 2007 distribué le 17 juillet 2007 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0350 final du 21 juin 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 21 juin 2007)

Les Conseils européens de Feira en juin 2000 et de Thessalonique en juin 2003 ont offert à tous les pays des Balkans occidentaux une perspective d’adhésion à l’Union européenne, confirmée par le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006. Cette perspective est fondée sur les mérites de chacun et le respect des critères de Copenhague de 1993 et des critères définis dans le contexte du processus de stabilisation et d’association pour cette région. Elle constitue pour ces pays le seul point d’ancrage pour sortir par le haut du marasme dans lequel les a plongés les guerres de l’ex Yougoslavie. L’autre option du repli sur soi et du ressentiment créerait un trou noir pour la stabilité et la prospérité de cette région, mais aussi de l’Union européenne.

La conclusion d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) est la première étape d’un long processus de réformes devant conduire à l’adhésion. Toutefois, pour conclure cet accord et s’engager pleinement, ces pays doivent d’abord régler définitivement la question de leur statut.

L’ordre de progression des pays de la région vers leur intégration dans l’Union européenne distingue en effet ceux dont le statut est encore incertain et les autres.

Si l’on met à part la Slovénie qui a adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 et à l’euro le 1er janvier 2007, la Croatie, signataire d’un ASA en 2001, a ouvert les négociations d’adhésion avec l’Union européenne le 3 octobre 2005, le même jour que la Turquie. Elle est suivie par l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), signataire d’un ASA en 2001 et reconnue candidate le 15 décembre 2005 mais ne bénéficiant pas encore d’une décision d’ouverture des négociations d’adhésion. Au troisième rang figure l’Albanie, qui a signé le 12 juin 2006 un ASA dont la ratification par l’Union et les Etats membres va commencer.

La négociation d’un ASA a été officiellement ouverte le 10 octobre 2005 avec la Serbie et Monténégro et le 25 novembre 2005 avec la Bosnie et Herzégovine, mais, avec le premier pays, elle a été interrompue en mai 2006 en raison d’une coopération insuffisante avec le Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie (TPIY), pour reprendre en juin 2007 et s’achever sur le plan technique le 10 septembre. Par ailleurs, le statut définitif du Kosovo n’est toujours pas réglé après l’échec des négociations engagées depuis février 2006 entre les deux parties serbe et kosovare et la présentation des propositions de l’envoyé spécial de l’ONU, M. Ahtisaari, le 2 février 2007. Enfin la négociation avec la Bosnie et Herzégovine piétine en raison de la difficulté de ce pays à s’émanciper du régime transitoire défini par les accords de Dayton en novembre 2005.

L’Union étatique de la Serbie et Monténégro se composait de deux Etats membres – la République de Serbie et la République du Monténégro – et constituait le dernier vestige de l’ancienne fédération yougoslave dont les autres républiques s’étaient détachées lors des conflits de la décennie quatre vingt dix.

L’indépendance du Monténégro, approuvée à 55,4 % lors du référendum du 21 mai 2006, a permis à ce pays de se libérer des blocages dans lesquels est encore empêtrée la Serbie et de négocier rapidement un ASA le mettant sur le chemin de l’adhésion à l’Union européenne.

Le choix du Monténégro montre que, pour réaliser leur vocation à recréer un système d’échanges et de coopération et entrer dans l’Union européenne, les Etats de l’ex Yougoslavie doivent d’abord sortir complètement du vieux système yougoslave dominé par la Serbie, et que ce pays doit tirer un trait définitif sur le mythe de la Grande Serbie à la source des crises yougoslaves.

A. L’indépendance du Monténégro scelle pacifiquement la fin de l’ancienne Yougoslavie mais ne marque pas pour autant la fin d’un processus d’émiettement régional à risques.

Le Monténégro en 2006 et l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), en septembre 1991, sont les seules républiques à s’être détachées de la Fédération yougoslave sans une goutte de sang.

La proclamation de l’indépendance par la Slovénie et la Croatie le 25 juin 1991 et par la Bosnie-Herzégovine le 15 octobre 1991 sera suivie par un conflit de dix jours dans le premier pays mais par une guerre de quatre ans qui ne s’achèvera qu’en août et en novembre 1995 dans les deux autres.

Le Monténégro et la Serbie se sont séparés à l’amiable parce que les deux peuples sont proches et partagent la même langue et la même religion orthodoxe et que le Monténégro a été épargné par les conflits ethniques.

La République du Monténégro dont la capitale est Podgorica a une superficie de 13 812 km2 et une population de 620 000 habitants comprenant 43,2 % de Monténégrins, 32 % de Serbes, 7,8 % de Bosniaques, 5 % d’Albanais, 4 % de Musulmans, 1,1 % de Croates et 4,3 % d’autres populations. Environ 70 % de la population est orthodoxe.

Le Monténégro, dernière région peuplée de Serbes à conserver une relative autonomie au moment de la conquête ottomane au XIVème siècle, est d’abord gouverné par des princes archevêques puis devient une monarchie au début du XIXème siècle. Premier Etat des Balkans avec la Serbie à obtenir sa reconnaissance internationale après le Congrès de Berlin en 1887, il entre en guerre aux côtés de la Serbie en 1914 et est annexé au nouveau royaume de Yougoslavie en 1918 lorsque la dynastie des Petrovic cède sa couronne à ses cousins serbes. Ce pays redevient un Etat en 1945 lorsque Tito crée la Fédération yougoslave.

La revendication d’indépendance prend sa source dans l’histoire mais ce pays l’a réalisée plus tardivement que les autres républiques yougoslaves, en raison de la crainte de l’Union européenne qu’une nouvelle séparation ne déstabilise un peu plus la région.

L’homme clé de la marche du Monténégro vers l’indépendance a été son précédent Premier ministre, M. Milo Djukanovic. Membre de la Ligue communiste yougoslave, il devient Premier ministre en 1991, à 29 ans, et apporte d’abord un soutien sans équivoque à la Serbie, notamment lors du bombardement du port croate de Dubrovnik, dont il s’excusera plus tard auprès de la Croatie. Après sa rupture publique avec Milosevic lors des manifestations d’opposition en Serbie durant l’hiver 1996, il refuse de reconnaître la déclaration de guerre de la Serbie lors de l’intervention de l’OTAN pendant la guerre du Kosovo en 1999, condamne la répression décidée par Milosevic contre les Albanais du Kosovo et accueille des dizaines de milliers de réfugiés ainsi que des opposants politiques serbes.

Toutefois cet allié des occidentaux dans le conflit du Kosovo n’obtiendra pas, en retour, la réalisation de ses ambitions indépendantistes, après la chute de Milosevic en octobre 2000. L’Union européenne craignait une nouvelle déstabilisation régionale, surtout après les tensions interethniques en ARYM auxquelles les accords d’Ohrid mettent fin de justesse en août 2001. Elle compte sur l’installation d’un pouvoir plus démocratique en Serbie pour fonder une nouvelle union avec le Monténégro, éventuellement capable d’inclure à terme le Kosovo aux côtés de la Serbie et du Monténégro.

L’Union étatique de la Serbie et Monténégro, créée par l’accord de mars 2003 pour une durée de trois ans, s’est avérée trop artificielle pour fonctionner durablement. La population du Monténégro pèse dix fois moins que celle de la Serbie et le déséquilibre démographique et économique entre les deux pays était trop grand. L’autonomie de chaque république était trop forte pour assurer une coopération efficace entre les deux entités : chaque pays avait ses lois, sa monnaie (le Monténégro avait adopté en 1999 le deutsche mark à la place du dinar puis l’euro), sa police et son système douanier. Cette union courait à la paralysie.

L’Union européenne s’est donc résolue à accepter l’organisation d’un référendum au Monténégro mais a exigé que le seuil de la majorité pour la création d’un Etat indépendant soit fixé à 55 %. La société monténégrine est traditionnellement divisée entre verts indépendantistes et blancs partisans du rattachement à la Serbie, mais M. Djukanovic a surmonté ce handicap en ralliant les minorités à la cause de l’indépendance.

Les résultats du référendum du 21 mai 2006 – 55,4 % des voix en faveur du oui à un Etat souverain – ont été suivis d’une déclaration d’indépendance de l’Assemblée nationale du Monténégro, le 3 juin 2006, et de la reconnaissance officielle de la République du Monténégro par le gouvernement serbe le 15 juin 2006, assortie de la garantie d’une libre circulation sans formalités ni passeports entre les deux Etats.

Aux élections législatives du 10 septembre 2006, la coalition pour un Monténégro européen, conduite par M. Milo Djukanovic et l’Union démocratique des socialistes (DPS), remportait la moitié des sièges (41 sur 81), face à une opposition éclatée entre trois forces égales, une liste serbe, une coalition menée par le parti socialiste populaire (SNP) et le mouvement pour le changement, obtenant respectivement 12, 11 et 11 sièges.

Cette séparation à l’amiable a mis fin à une phase d’incertitude sur le destin de l’Union de la Serbie et du Monténégro et contribué en ce sens à la stabilité de la région. Elle a par ailleurs constitué un exemple de processus pacifique, démocratique et légal, légitimé et supervisé par la communauté internationale. En revanche, elle pourrait susciter des impatiences dans les trois zones de la région où perdurent des risques de déstabilisation.

Le groupe de contact pour le Kosovo, composé de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la Russie, dispose de quatre mois, jusqu’au 10 décembre 2007, pour conduire un dernier cycle de négociation sur le statut du Kosovo, après huit années de protectorat international sur la province, quatorze mois de négociations directes engagées entre les autorités serbes et kosovares depuis février 2006 et la menace de veto opposée par la Russie à l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations Unies du plan de M. Martti Ahtisaari. Celui-ci propose une indépendance surveillée par la communauté internationale et reconnaît les aspirations à l’indépendance de 90 % de la population kosovare d’origine albanaise, tout en offrant des garanties aux 100.000 membres de la communauté serbe.

En cas d’échec de cette nouvelle tentative de médiation, les Etats-Unis et l’Union européenne pourraient envisager de revenir au plan Ahtisaari et de bâtir un consensus international suffisamment fort pour que l’indépendance du Kosovo s’impose en dehors du Conseil de sécurité et se fonde sur des reconnaissances bilatérales nombreuses.

Encore faut-il que l’Union européenne maintienne son unité et que certains de ses membres ne soient pas tentés par une formule de compromis fondée sur la partition du Kosovo.

Une partition de la province le long de la rivière Ibar qui coupe en deux la ville de Mitrovica, pour rattacher le nord à la Serbie et donner l’indépendance au sud, remettrait en cause le principe d’inviolabilité des frontières et tous les efforts déployés par la communauté internationale pour maintenir un Kosovo multiethnique. Une partition fondée sur de nouvelles frontières et une base ethnique pourrait inciter les Albanais de Macédoine dans la région de Tetovo où ils sont majoritaires, les Serbes de Bosnie, les musulmans du Monténégro ou ceux de la vallée du Precevo, au sud de la Serbie, à faire également sécession.

Divisé depuis les accords de Dayton de 1995 en deux entités, la Fédération croato-musulmane et la République serbe de Bosnie, l’Etat commun de Bosnie Herzégovine est soumis à la tutelle du Haut représentant de la communauté internationale dont la fonction a été prolongée d’un an jusqu’à la fin de juin 2008. Les chefs de deux principaux partis musulmans et de tous les partis serbes ont rejeté en août 2007 le projet de réforme de la police, actuellement divisée sur une base ethnique, présenté par le représentant spécial de l’Union européenne, M. Miroslav Lajcak, et considéré par l’Union européenne comme une des conditions à la conclusion de l’ASA en cours de négociation. Ce blocage ne peut que satisfaire ceux qui attendent du règlement du statut du Kosovo un éclatement de l’Etat multiethnique de Bosnie Herzégovine.

Enfin, une reprise des tensions au Kosovo ou sa partition pourraient avoir des répercussions sur l’équilibre multiethnique encore fragile de l’ARYM qui était parvenue à désamorcer la crise en 2001 en accordant une large décentralisation à la communauté albanaise en échange d’une démilitarisation de la guérilla.

B. L’Accord de stabilisation et d’association prépare le Monténégro à une adhésion future à l’Union européenne et à recréer un système d’échanges et de coopération avec son voisinage.

La négociation d’un accord séparé avec le Monténégro a repris le 26 septembre 2006, conformément au nouveau mandat adopté par le Conseil le 24 juillet 2006, dans la mesure où la coopération de ce pays avec le TPIY a été jugée excellente. La négociation s’est achevée le 1er décembre et a abouti au paraphe du futur accord par la Commission et le Premier ministre monténégrin, M. Želijko Šturanovic, le 15 mars 2007.

La négociation rapide de cet ASA a justifié a posteriori l’argument des indépendantistes. L’indépendance a relancé la perspective européenne du Monténégro qui poursuit un objectif stratégique : l’intégration européenne et euro atlantique. En novembre 2006, le Monténégro a rejoint le partenariat pour la paix de l’OTAN, première étape d’une éventuelle adhésion à l’Alliance atlantique.

a) un accord substantiel

L’accord est construit sur le modèle des autres ASA et comprend 139 articles, sept annexes et sept protocoles.

1. Les principes généraux

Le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme, du droit international et de l’Etat de droit, ainsi que de l’économie de marché constitue les éléments essentiels de l’accord.

L’importance de la paix et de la stabilité internationales et régionales, du développement des relations de bon voisinage et de la lutte contre le terrorisme est soulignée.

L’association sera mise en œuvre progressivement et sera entièrement réalisée à l’issue d’une période de transition d’une durée maximale de cinq ans.

Le conseil de stabilisation et d’association créé par l’accord réexaminera régulièrement la mise en œuvre des réformes juridiques, administratives, institutionnelles et économiques. Au plus tard dans trois ans, il évaluera les progrès réalisés et prendra éventuellement des décisions quant aux étapes suivantes de l’association.

2. Le dialogue politique mentionne notamment la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, par les acteurs tant étatiques que non étatiques, comme un élément essentiel de l’accord et évoque la mise sur pied d’un système efficace de contrôles nationaux des exportations, y compris de l’utilisation finale des technologies à double usage.

3. La coopération régionale comporte l’engagement du Monténégro de conclure dans les deux ans avec les pays ayant déjà signé un ASA des conventions, notamment en vue de l’établissement de zones de libre échange, et avant cinq ans, un accord de libre échange avec la Turquie.

4. La libre circulation des marchandises sera assurée par l’établissement progressif d’une zone de libre échange entre la Communauté européenne et le Monténégro dans les cinq ans qui suivent l’entrée en vigueur de l’accord. Le Monténégro devra accomplir l’essentiel de l’effort d’ouverture, dans la mesure où il bénéficie déjà de mesures commerciales autonomes de la Communauté accordées par le règlement 2007/2000 du Conseil du 18 septembre 2000. Elles permettent à presque toutes les importations originaires du Monténégro d’entrer dans l’Union européenne sans restrictions quantitatives ni droits de douane.

Le calendrier de libéralisation des échanges prévoit :

– la suppression immédiate des droits de douane sur les produits industriels dans les deux sens, sous réserve de la suppression progressive des droits de douane, en trois ou cinq ans, pour l’importation au Monténégro de produits originaires de la Communauté figurant à l’annexe I. Les restrictions quantitatives sont supprimées immédiatement ;

– pour les produits agricoles, la suppression immédiate des restrictions quantitatives par les deux parties ainsi que des droits de douane par la Communauté (sauf sur six produits) et par le Monténégro (sur les produits énumérés à l’annexe III, point a), avec un calendrier de réduction progressive sur les autres produits de l’annexe III. Les produits agricoles transformés font l’objet du protocole n° 1 et les vins et spiritueux du protocole n° 2. Pour les produits de la pêche, la Communauté supprimera la totalité des droits de douane sur les produits autres que ceux énumérés à l’annexe IV faisant l’objet de dispositions particulières.

Une clause de rendez vous est fixée trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord pour examiner la possibilité de s’accorder de nouvelles concessions, produit par produit et de façon harmonieuse et réciproque.

La France a obtenu l’introduction d’un article 33 sur la protection des indications géographiques dans les échanges de produits agricoles autres que les vins protégés par un protocole, afin d’éviter toute usurpation de marques.

5. L’accord comporte des dispositions diverses relatives à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement, à la fourniture de services, aux paiements courants et à la circulation des capitaux.

6. Dans les cinq ans, le Monténégro s’engage à rapprocher sa législation de celle de la Communauté européenne en se concentrant d’abord sur les éléments fondamentaux de l’acquis dans le domaine du marché intérieur, y compris le secteur financier, et dans d’autres domaines tels que la justice, la liberté et la sécurité ainsi que le commerce.

7. L’accord comprend des dispositions relatives à la coopération dans un large éventail de domaines, notamment la justice, la liberté et la sécurité qui font l’objet de dispositions détaillées sur la circulation des personnes, la lutte contre le blanchiment des capitaux et les drogues illicites, la lutte contre le terrorisme et la criminalité.

8. Enfin, l’accord prévoit des dispositions institutionnelles créant un conseil de stabilisation et d’association, composé de membres du Conseil et de la Commission et de membres du gouvernement monténégrin, pour superviser la mise en œuvre de l’accord, un comité composé de leurs représentants et une commission parlementaire composée de membres du Parlement européen et du Parlement monténégrin.

Dans l’attente de la ratification de l’ASA par le Monténégro, les Etats membres et la Communauté européenne, la Commission propose au Conseil de conclure un accord intérimaire pour mettre en œuvre rapidement les dispositions commerciales de l’ASA qui relèvent de la compétence exclusive de la Communauté européenne.

Cet accord s’appuie sur un régime commercial privilégié, un partenariat européen adopté en 2004 et scindé en 2006 de celui de la Serbie pour fixer les priorités de réformes du Monténégro à court et moyen terme, enfin une assistance financière de l’Union européenne substantielle.

Le programme CARDS a fourni au Monténégro une aide de 49 millions d’euros, de 2002 à 2004, et de 46,5 millions d’euros en 2005 2006, non compris le programme régional. Le nouvel instrument de pré adhésion prévoit pour ce pays, de manière indicative, une aide globale de 131,3 millions d’euros pour les quatre années 2007 2010.

L’accord s’appuie enfin sur un ensemble d’initiatives pour recréer un espace commun de stabilité et de prospérité dans la région des Balkans occidentaux.

Un nouvel accord de libre échange centre européen (ALECE), signé le 19 décembre 2006, remplace un accord de 1991 et réunit pour la première fois tous les pays des Balkans occidentaux (plus la Moldavie mais moins la Bulgarie et la Roumanie qui ont quitté l’ALECE le 1er janvier 2007 lors de leur adhésion à l’Union européenne). Il se substitue à 32 accords bilatéraux et libéralise plus de 90 % des échanges commerciaux. Il s’étend à de nouveaux secteurs, tels que les services, la propriété intellectuelle et les marchés publics et devrait attirer les investisseurs étrangers en mettant fin à la fragmentation des marchés de la région.

Par ailleurs, le traité instituant la Communauté de l’énergie entre l’Union européenne et les pays partenaires de la région commence à s’appliquer depuis le second semestre 2006 et l’accord aérien multilatéral en voie d’adoption entre l’Union européenne et ses voisins, notamment les Balkans, devrait permettre d’unifier l’espace aérien du continent européen.

Des accords sur la simplification de l’octroi des visas et la réadmission des immigrés illégaux dans leur pays d’origine ont été négociés avec tous les pays de la région pour entrer en vigueur en principe le 1er janvier 2008. Un accord d’action concertée de lutte contre le crime organisé et le terrorisme, en collaboration avec l’Union européenne, a été conclu en octobre 2006 entre sept pays du Sud-est de l’Europe (Albanie, ARYM, Bosnie Herzégovine, Croatie, Monténégro, Serbie et Roumanie).

Enfin, le Monténégro devrait prochainement se joindre à d’autres pays de la région pour permettre à ses étudiants et chercheurs de participer au 7ème programme cadre de recherche et de développement de l’Union européenne.

b) les principaux défis

Le Monténégro présente cependant des lacunes très importantes sur des points fondamentaux qu’il doit combler au plus vite pour progresser sur le chemin de l’adhésion.

Dans le premier rapport de progrès sur le Monténégro indépendant, présenté en novembre 2006, la Commission a appelé ce pays à concentrer ses efforts sur l’amélioration de sa capacité administrative alors qu’il se trouve au tout début d’un processus de reprise de l’acquis communautaire, ainsi que sur la réforme d’un système judiciaire défaillant de manière à le rendre efficace et totalement indépendant du gouvernement. Ce pays doit éradiquer la corruption et le crime organisé qui restent à des niveaux élevés. La commission des affaires étrangères du Parlement européen a également souligné, dans sa résolution du 3 octobre 2006, la nécessité de réformer le droit de la communication pour garantir plus de transparence et éviter les monopoles médiatiques.

L’adoption d’une constitution n’était pas une condition préalable posée par l’Union européenne, même si la Commission juge vital qu’elle soit adoptée de manière consensuelle, en impliquant tous les partis politiques, dans le respect des normes européennes. Or, le Monténégro n’a toujours pas adopté de nouvelle constitution et les débats menés depuis des mois sur le projet du gouvernement ont montré un pays plus divisé que ne l’avait laissé paraître son accession pacifique à l’indépendance.

Tout en se prononçant en faveur d’une intégration rapide du Monténégro à l’Union européenne, le dirigeant pro serbe du principal parti d’opposition, M. Andrija Mandic, a accusé le gouvernement de violer les normes européennes sur les droits des minorités ethniques et il a stigmatisé une corruption très élevée ainsi que l’origine douteuse de la plupart des investissements étrangers composés majoritairement de capitaux russes.

Les principaux défis consisteront à créer un pouvoir judiciaire indépendant, à lutter contre la corruption et à relever le niveau de vie.

Le Monténégro indépendant part en effet d’une situation où les juges en place ont été nommés au début des années 1990 pour une durée illimitée. L’adoption d’une nouvelle constitution permettra d’accélérer le renouvellement du corps de la magistrature. Par ailleurs, Transparency International rappelait, après le rejet d’un nouveau projet de loi sur les conflits d’intérêt par le Parlement monténégrin, le 31 juillet 2006, que les fonctionnaires pouvaient faire partie de plusieurs conseils d’administration de grandes entreprises et en recevoir rétribution. Plus symbolique encore, le Premier ministre, M. Djukanovic, qui avait mené le pays à l’indépendance et gouverné pendant quinze ans, était poursuivi, le 22 juin 2006, par la justice italienne pour l’organisation de contrebande de cigarettes avec la mafia des Pouilles, la Sacra Corona Unita. Lors de l’ouverture de l’enquête préliminaire en 1999, alors que s’affirmaient ses positions pro indépendantistes, il avait reconnu que ce commerce illicite alimentait le budget monténégrin quand la Yougoslavie de Milosevic était soumise à un embargo international. Il a décidé de se retirer le 3 octobre 2006.

Le régime des sanctions imposées par l’ONU lors des conflits yougoslaves a resserré les liens financiers entre la Russie et le Monténégro, deux peuples slaves et orthodoxes entretenant une longue tradition d’amitié. Le capital des alliés du régime Milosevic, dont une partie de l’élite monténégrine, a trouvé refuge en Russie, puis le capital russe s’est investi au Monténégro, en particulier dans l’industrie de l’aluminium, la distribution pétrolière et le tourisme lors de la privatisation des hôtels.

La Commission a confirmé la viabilité économique de ce petit Etat qui a privilégié la stabilité par rapport à la flexibilité pour sortir du marasme des années de guerre et doit maintenant développer la croissance d’une économie reposant sur trois secteurs : l’aluminium, le tourisme et l’agriculture.

Le Monténégro qui était la République la plus pauvre de la Fédération yougoslave a un PIB par habitant de 2 790 € et un salaire mensuel moyen de 377 €. L’adoption du deutsche mark en 1999 puis de l’euro a permis de passer d’une hyper-inflation de plus de 100 % à 2,5 % en 2006 et d’améliorer progressivement la croissance, de 3,7 % en 2004 à 6,5 % en 2006. Grâce à une réduction des dépenses publiques, le déficit budgétaire a été résorbé en 2006. Le commerce extérieur connaît un déséquilibre important, avec un taux de couverture de 46 % des importations (940 millions d’euros) par les exportations (435 millions d’euros) en 2005.

La France est le onzième fournisseur (2,1 % des importations monténégrines) et le 31ème client. Elle a renforcé sa présence encore modeste grâce au rachat par la Société générale de la plus grande banque du pays, Podgoricka Banka, et à la signature d’un crédit d’aide de 8,5 millions d’euros pour la réhabilitation électrique du pays.

Après plus d’une décennie sans investissements dans les infrastructures, le Monténégro a mis en place en 2001, avec l’aide internationale, un programme ambitieux concentré sur les secteurs de l’énergie, des transports et de l’environnement.

L’amélioration de la transparence dans les affaires devrait favoriser le développement des investissements directs étrangers qui ont atteint 500 millions d’euros en 2006 et sont en progression constante depuis 2004. Leur essor permettrait de réduire le déficit des paiements courants et de l’endettement extérieur et de renforcer la compétitivité d’une économie dans laquelle la guerre a également creusé les inégalités. Le chômage, officiellement de 15 % mais plus élevé, est en partie absorbé par une économie informelle estimée à 20 % et la population au dessous du seuil de pauvreté s’élève à plus de 10 %.

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Le Conseil Affaires générales et relations extérieures doit se prononcer le 15 octobre sur l’ASA avec le Monténégro.

Cet accord est le résultat d’une négociation technique aboutie mais, avant de conclure, le Conseil devrait adresser un message politique clair aux peuples monténégrin et européens pour éviter tout malentendu sur sa portée.

Tout en confirmant la perspective européenne du Monténégro, le Conseil devrait clairement annoncer que l’ASA n’est pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne et que le Monténégro n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’il ne respectera pas complètement les critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans.

La conclusion de cet accord invite le peuple monténégrin non pas à relâcher l’effort de réforme mais à le redoubler avec l’aide renforcée de l’Union européenne. L’ASA n’est que le début d’un processus de réforme prévu sur cinq ans et tout reste à faire dans sa mise en œuvre avant d’envisager les étapes ultérieures de la reconnaissance du statut de pays candidat puis de la décision d’ouverture des négociations d’adhésion.

A cet égard, le Monténégro devrait dissiper les doutes sur deux points fondamentaux.

D’une part, ce pays ne parait pas en état de s’engager pleinement dans un processus de réformes tant qu’il n’aura pas adopté sa nouvelle constitution, censée notamment garantir le droit des minorités.

D’autre part, ce pays n’a pas respecté une position de principe de l’Union européenne sur la Cour pénale internationale (CPI), en signant le 1er mai 2007 un accord avec les Etats-Unis garantissant la non-extradition de citoyens américains suspectés de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité vers la CPI, en échange d’une aide militaire des Etats-Unis. La Roumanie avait signé un accord semblable en 2002 pendant les négociations d’adhésion mais ne l’a jamais ratifié en raison de l’opposition de l’Union européenne à ces accords affaiblissant l’autorité de la CPI. La Croatie, pays candidat aux négociations d’adhésion, a refusé de signer un accord de ce type, mais il conviendrait de s’assurer que l’ARYM, l’Albanie et la Bosnie Herzégovine ne l’ont pas fait pour en tirer les conséquences éventuelles sur la suspension ou la conclusion des ASA avec ces pays. Le Monténégro devrait se mettre en conformité avec la position de l’Union européenne sur la CPI pour que l’Union et ses Etats membres puissent conclure et ratifier cet accord.

Le Conseil doit également rassurer l’opinion européenne et lui garantir que la fragmentation de l’ex Yougoslavie en possiblement sept Etats (Slovénie, déjà entrée dans l’Union européenne, Croatie, Bosnie Herzégovine, Serbie, Monténégro, Ancienne république yougoslave de Macédoine et peut être Kosovo) n’affaiblira pas le système décisionnel de l’Union européenne après leur adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres.

L’Union européenne est fondée sur l’égalité entre Etats membres quelle que soit leur taille, corrigée au Conseil et au Parlement européen par une pondération des voix et des sièges en fonction de la population.

Les nouvelles règles de majorité qualifiée prévues par le Traité modificatif préservent la pondération des voix au Conseil sous une autre forme.

En revanche, il serait très difficile d’attribuer des sièges au Parlement européen à l’ensemble des Etats de l’ex Yougoslavie sans remettre en cause les critères définis par le Conseil européen en juin 2007 pour l’après 2009 (plafond global de 750 députés, seuil maximal de 96 et seuil minimal de six pour chaque Etat et proportionnalité dégressive). En particulier, le seuil minimal de six députés pour les Etats les moins peuplés aboutirait à un doublement de la représentation des sept Etats par rapport à ce qu’aurait été celle de l’ex Yougoslavie, en considération d’une population d’environ 21 millions d’habitants.

Par ailleurs, une forme de pondération n’existe plus à la Commission depuis la disparition du deuxième commissaire pour les Etats fortement peuplés et la rotation égalitaire de deux tiers des Etats membres après 2014, même tempérée par le reflet de l’éventail démographique et géographique de l’ensemble des Etats membres, pourrait renforcer l’avantage de la fragmentation dans une institution décidant à la majorité simple.

Enfin, la pondération n’a jamais existé à la Cour de justice des Communautés européennes. Elle juge à la majorité simple avec une composition fondée sur le principe qu’un juge par Etat membre égale une voix.

La prime à la fragmentation des Etats dans le système décisionnel de l’Union européenne présente le risque de délégitimer les décisions des institutions et de provoquer un recul de l’intégration communautaire au profit d’un retour à la coopération intergouvernementale dans laquelle la puissance respective des membres serait mieux prise en compte.

Elle risque également de favoriser la revendication de certaines régions à compétence législative, beaucoup plus riches et peuplées, de devenir des Etats membres de plein exercice pour participer directement aux décisions de l’Union européenne et de la communauté internationale en tant que membres de l’ONU.

L’échéance de ces futures adhésions est encore lointaine mais la réflexion mérite d’être engagée dès maintenant.

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Mme Chantal Brunel, rapporteure, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 9 octobre 2007.

Le Président Pierre Lequiller a approuvé les conclusions de la rapporteure assortissant l’approbation de l’ASA par la Délégation d’un certain nombre de réserves sur le fait que l’ASA n’était pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne, sur l’adoption d’une nouvelle constitution par le Monténégro garantissant son plein engagement dans le processus de réformes, sur la renonciation de ce pays à un accord non conforme aux positions de l’Union européenne sur la Cour pénale internationale, enfin sur les garanties à prévoir pour que la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés n’affaiblisse pas le système décisionnel de l’Union européenne après leur adhésion.

Sur proposition de la rapporteure, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l’article 88 4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la République du Monténégro, et la proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République du Monténégro, d’autre part, (COM(07) 350 final / E 3585) ainsi que la proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion d’un accord intérimaire sur le commerce et les mesures d’accompagnement entre la Communauté européenne, d’une part, et la République du Monténégro, d’autre part (COM(07) 351 final / E 3578),

1. Se prononce en faveur de l’accord de stabilisation et d’association dans la mesure où il ouvre un processus de longue durée invitant le Monténégro à redoubler son effort de réforme pour se préparer à une future adhésion avec l’aide renforcée de l’Union européenne ;

2. Estime toutefois que, tout en confirmant la perspective européenne du Monténégro, le Conseil doit clairement annoncer que l’accord de stabilisation et d’association n’est pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne et que le Monténégro n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’il ne respectera pas complètement les critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans occidentaux ;

3. Considère que l’Union européenne et ses Etats membres ne peuvent conclure ni ratifier cet accord tant que le Monténégro n’a pas adopté sa nouvelle constitution et n’est pas en état de s’engager pleinement dans un processus de réformes ;

4. Estime également nécessaire que le Monténégro renonce à tout accord avec un pays tiers non conforme aux positions de l’Union européenne sur des questions fondamentales, comme le respect de l’autorité de la Cour pénale internationale ;

5. Souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les garanties à prévoir pour que la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés n’affaiblisse pas le système décisionnel de l’Union européenne après leur adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres ».