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Ce document a été présenté par M. Robert LECOU , rapporteur, au cours de la réunion de la Commission du 9 juin 2009. * * * En matière alimentaire, les contrôles sur la nature et la qualité des denrées ou boissons répondent à un objectif de santé publique. Il s’agit de s’assurer que leur ingestion ne provoque pas d’intoxication de l’organisme. C’est dans cette perspective et en raison de la nécessité d’opérer une certaine harmonisation, de manière que les produits puissent circuler en toute sécurité dans le marché intérieur, dans tous les Etats membres, que la matière est régie par des textes communautaires. Ceux-ci se fondent sur le principe de l’évaluation préalable, par des experts scientifiques, des risques encourus avant toute décision d’autorisation, ou d’interdiction, de l’autorité compétente. Pour les aliments traditionnels, le principe est celui de la libre autorisation de mise sur le marché, des raisons sanitaires pouvant uniquement engendrer des retraits ou des interdictions. Pour le cas particulier des nouveaux aliments, le principe retenu a été celui du l’évaluation scientifique a priori et de l’autorisation préalable. Les grandes crises sanitaires du milieu des années 1990, notamment la crise de la « vache folle », ont montré qu’une vigilance particulière était nécessaire. Les nouveaux aliments sont définis comme ceux mis sur le marché après 1997. L’évaluation permet notamment de mesurer les quantités quotidiennes maximales qu’un individu peut consommer par jour. C’est ce régime applicable aux nouveaux aliments que la Commission européenne a proposé de modifier. I. Les règles européennes actuellement applicables aux nouveaux aliments Les nouveaux aliments et ingrédients alimentaires relèvent de règles actuellement fixées par le règlement communautaire (CE) n° 258/97 du 27 janvier 1997. C’est un texte de portée générale qui s’applique à toutes les innovations intervenant dans l’alimentation depuis 1997, qu’il s’agisse de nouveaux produits, aliments ou ingrédients, issus de l’industrie agroalimentaire ou de l’alimentation traditionnelle des pays tiers ou bien de l’usage nouveau d’éléments, d’organismes, de végétaux ou d’animaux. Il concerne notamment les produits alimentaires nouvellement importés des pays tiers, de même que les produits végétaux ou animaux que les fabricants proposent d’utiliser à des fins alimentaires alors que tel n’était pas actuellement le cas. Il ne s’applique en revanche ni aux additifs, ni aux solvants d’extraction, ni aux arômes, ni encore aux compléments alimentaires, qui font l’objet de leurs propres règles. Ce dispositif de 1997 repose sur les deux éléments précités : l’évaluation et l’autorisation préalables. Celles-ci font l’objet d’une procédure nationale avec reconnaissance mutuelle, avec recours au niveau communautaire en cas de difficulté. L’évaluation dite initiale est ainsi opérée par l’autorité nationale compétente d’un seul Etat membre. Il s’agit de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) en France. Au cas où il n’apparaît pas nécessaire de procéder à une évaluation complémentaire et où ni la Commission européenne, ni un autre Etat membre ne présente d’objection, cet Etat informe l’entreprise demandeur qu’elle peut procéder à la mise sur le marché du nouvel aliment. Dans les hypothèses inverses, c'est-à-dire en cas de difficulté ou en cas d’objection de la part d’un Etat membre ou de la Commission européenne, la décision d’autorisation relève de cette dernière, assistée du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale. Une procédure de suspension est par ailleurs prévue. Un Etat membre peut ainsi suspendre ou restreindre provisoirement la commercialisation d’un nouvel aliment ou ingrédient, s’il estime qu’il y a risque pour la santé humaine. Les mesures alors prises sont notifiées à la Commission européenne. Par ailleurs, le règlement de 1997 fixe des exigences spécifiques d’étiquetage, avec la mention des caractéristiques des nouveaux aliments, la présence de matières pouvant avoir des incidences sur la santé des personnes ou la présence de matières pouvant soulever des réserves éthiques. Pour leur part, les OGM font l’objet d’un règlement spécifique, le règlement 1829/2003. Ceux-ci sont donc « hors champ ». Ce dispositif doit maintenant évoluer. Les désaccords, notamment dans l’évaluation, entre les Etats membres impliquent selon les informations communiquées un recours presque systématique au niveau communautaire. Les délais de procédure sont donc particulièrement longs, ce qui nuit à l’innovation.
II. Les aménagements proposés par la Commission européenne La proposition de règlement présentée par la Commission européenne le 14 janvier 2008 vise d’abord et par conséquent, dans le cadre d’un nouveau règlement entièrement refondu, à mettre le droit en conformité avec la pratique. Elle prévoit par conséquent de remplacer les procédures nationales par une procédure européenne d’autorisation unique, centralisée au niveau communautaire, avec une évaluation de l’innocuité menée par l’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA/EFSA). La décision finale d’inscription sur la liste communautaire des nouveaux aliments sera de la compétence de la Commission européenne, par comitologie. La proposition de règlement vise en outre à améliorer les procédures actuelles sur plusieurs points de manière à : – clarifier son champ d’application, avec une définition plus précise du nouvel aliment, notamment par rapport aux règlementations existantes sur les denrées, les additifs ou les compléments alimentaires. Quant à la date, il est rappelé que sont des nouveaux aliments ceux dont la consommation a été inexistante ou est restée négligeable dans l’Union européenne jusqu’au 15 mai 1997. De même, est prévu un système de collecte d’informations pour établir le caractère nouveau d’un aliment ; – repréciser les critères d’évaluation des nouveaux aliments : absence de danger pour le consommateur ; pas de présentation ou d’usage induisant le consommateur en erreur ; pas d’inconvénient nutritionnel en cas de vocation à remplacer d’autres aliments ; – mettre en place une procédure simplifiée pour les aliments traditionnels provenant des pays tiers, fondée sur l’innocuité de leur utilisation passée comme denrée alimentaire dans le pays d’origine. En effet, la recherche de la diversité alimentaire, de l’innovation ou de produits considérés comme porteurs de bienfaits conduit régulièrement à redécouvrir des aliments qui n’étaient pas jusque-là distribués en Europe, notamment des fruits et légumes ; – prévoir que les registres d’inscription des nouveaux aliments détailleront davantage les caractéristiques des denrées, notamment pour une meilleure information des consommateurs (doses, mélanges possibles et mentions d’étiquetage obligatoire) ; – poser le principe d’une protection, pendant cinq ans, des données scientifiques ayant servi à l’évaluation. Il s’agit de permettre au à l’entreprise concernée, propriétaire de ces données, une exploitation exclusive pendant ce délai. Cette dernière procédure vise les nouvelles molécules qui seraient élaborées par l’industrie agro-alimentaire ; – prévoir une procédure de suivi des éventuelles difficultés, après la mise sur le marché ; – obliger les Etats membres à prévoir des sanctions en cas d’infraction. Néanmoins, la Commission européenne ne s’est pas limitée à cette actualisation. Elle a souhaité que le futur règlement concerne également les aliments issus d’animaux clonés et de leur descendance (viandes et laitages notamment), avec une procédure d’autorisation de mise sur le marché des « techniques de reproduction émergentes ». C’est l’un des principaux éléments du débat. III. Un texte qui peut être approuvé sous réserve que des dispositions spécifiques, éventuellement dans le cadre de futurs textes, soient prévues sur le clonage comme sur les nanotechnologies Pour sa part, le Parlement européen a adopté à une très large majorité (658 voix pour, 15 contre et 11 abstentions), sur le rapport de Mme Kartika Tamara Liotard (GUE/GVN, Pays-Bas), une résolution législative qui propose notamment deux types d’amendements. Les premiers s’inscrivent dans la perspective d’une actualisation du texte de 1997 et n’appellent pas de commentaire particulier. Ils concernent : – la prise en compte du bien-être animal et de l’environnement ; – une clause de sauvegarde explicite au profit des Etats membres, en donnant la possibilité à l’un d’entre eux de restreindre provisoirement ou de suspendre la commercialisation ou l’utilisation sur son territoire d’un aliment, dès lors qu’il dispose d’éléments précis permettant d’estimer que l’usage conforme d’un nouvel aliment présente les risques pour la santé ou pour l’environnement ; – des précisions sur les définitions, notamment sur les aliments traditionnels des pays tiers, définis comme ceux consommés par une large partie de la population depuis au moins 25 ans ; – le rappel explicite de l’interdiction de mise sur le marché des nouveaux aliments qui ne figurent pas sur la liste établie par la Commission ou qui ne sont pas utilisés d’une manière conforme ; – la prise en compte de la dimension environnementale et éthique des nouveaux aliments, avec la consultation, sur initiative de la Commission européenne ou à la demande d’un Etat membre, du Groupe européen d’éthique et des nouvelles technologies ; – des règles d’étiquetage très précises pour les nouveaux aliments et les nouveaux ingrédients alimentaires ; – un étiquetage explicite des produits issus d’animaux nourris avec des OGM ; – un renforcement des obligations des exploitants, avec la transformation en obligation de la faculté prévue pour la Commission européenne d’imposer aux entreprises une obligation de surveillance postérieure à l’autorisation de mise sur le marché, même si certains aliments tels que l’huile d’argan ne justifient pas, selon les informations communiquées au rapporteur, un tel suivi ; – une transparence renforcée, avec une amélioration de l’information du public sur les décisions de la Commission européenne ; – enfin, un renforcement de la portée la clause de révision, en réduisant à 3 ans le délai de réexamen du dispositif par la Commission européenne, au lieu des quelque 5 ans initialement prévus (échéance au 1er janvier 2015). La deuxième catégorie d’amendements adoptés par le Parlement européen concerne les deux sujets de fond qui appellent des développements : les produits issus d’animaux clonés ou de leur descendance ; les produits issus des nanotechnologies. Comme ils sont au cœur d’un important débat, ces sujets ont également fait l’objet de réflexions dans le cadre des travaux préparatoires au Conseil, tant sous présidence slovène que sous présidence française, puis sous présidence tchèque. Celles-ci ont permis de régler l’essentiel des difficultés, d’établir une perspective d’accord. Sur les produits issus des animaux clonés et de leur descendance, la Commission européenne avait prévu la possibilité de faire évaluer dans le cadre du futur règlement les denrées alimentaires issues du clonage animal. Cette hypothèse d’une légalisation discrète, et donc inadaptée, a été critiquée. Ainsi, le Parlement européen a pris la position inverse et s’est prononcé pour qu’un futur texte interdise la mise sur le marché de ces aliments, qu’il s’agisse des aliments dérivés des animaux clonés ou de ceux de leur descendance. Entre ces deux voies, celui de l’autorisation sans préalable et celui de l’interdiction pure et simple, le Conseil s’est orienté, sur une initiative allemande, vers une autre voie, qui paraît plus adaptée. L’Allemagne a, en effet, proposé d’assortir le texte d’une déclaration du Conseil reconnaissant que le clonage a des implications importantes et spécifiques dont il ne peut être traité dans le cadre « nouveaux aliments » et demandant, par conséquent, à la Commission européenne un texte spécifique, sans préjuger de son contenu futur. Pour éviter tout risque de vide juridique dans l’attente de ce texte, cette déclaration irait dans le sens d’une inscription temporaire des aliments issus des animaux clonés et de leur progéniture dans le cadre du futur règlement « nouveaux aliments ». Une telle position peut être retenue dès lors : – que le clonage soulève, tant pour les animaux issus de leur opération, que pour leur descendance, des problèmes spécifiques de très grande ampleur d’ordre non exclusivement scientifique, lesquels justifient pleinement un texte spécifique et l’application du principe de précaution ; – que l’avis de Conseil national de l’alimentation en France, comme ceux de l’AESA et du groupe européen d’éthique, au niveau communautaire, font apparaître que si l’innocuité des produits d’animaux clonés ou de leur descendance peut être considérée comme probable, pour certaines espèces uniquement, il n’y a aucune certitude en la matière compte tenu du faible nombre de données ; – que l’état actuel de la science reste incertain, un clone n’étant pas strictement identique à l’original et les données en la matière étant très limitées ; – que les problèmes de bien-être animal, toujours pris en compte au niveau européen, se posent d’une manière accrue, les animaux clonés étant plus sensibles aux pathologies que ceux issus des modes de reproduction contrôlée actuels, notamment l’insémination artificielle ; – que les questions d’ordre éthique doivent être traitées avec toutes les précautions nécessaires ; – que le clonage animal ne concerne la seule utilisation des animaux domestiques à des fins alimentaires. Il faut également poser examiner la possibilité de cloner les animaux de compagnie et des animaux de courses (chevaux, chiens de concours) ; – que les risques pour le maintien de la diversité génétique indispensable aux espèces animales doivent également être considérés ; – que l’opinion publique, en France et en Europe comme aux EtatsUnis, est très réservée. En outre, selon les informations communiquées, les éleveurs européens étant réticents, le problème devrait se poser dans un avenir proche pour les seuls produits importés. Un deuxième problème soulevé au Parlement européen, est celui des risques d’une éventuelle utilisation des nanotechnologies, notamment dans les emballages ou les matériaux au contact des aliments. Le problème ne se pose pas encore en pratique, car s’agissant de ces domaines, les entreprises n’en sont, selon les informations communiquées au rapporteur, qu’au stade de la recherche. Le Parlement souhaite que la procédure d’autorisation soit précédée d’une approbation préalable de la méthode d’évaluation de l’innocuité. Pour sa part, le Conseil a fait part de préoccupations voisines, mais essentiellement dans les considérants. En tout état de cause, des dispositions adaptées éventuellement dans le cadre d’un texte spécifique devront être prévues. Un troisième problème en suspens est celui des conditions de l’admission des denrées traditionnelles des pays tiers. Le Conseil a établi un compromis qui paraît adapté avec une évaluation centralisée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), dans un délai de 6 mois et une procédure d’ensuite 3 mois pour la Commission européenne, pour proposer l’éventuelle inscription de la denrée dans la liste des nouveaux aliments. * * * A la suite de l’exposé de M. Robert LECOU , rapporteur, le Président Michel HERBILLON a relevé qu’il s’agissait d’un texte essentiel pour la protection des consommateurs. C’est un apport de l’Europe qui s’est déjà occupée de la sécurité d’un certain nombre de secteurs comme celui du jouet. C’est aussi une illustration de l’Europe concrète. La sécurité alimentaire est très importante pour nos concitoyens. Le rapporteur a observé que ce texte permettrait en effet un progrès vers des produits alimentaires parfaitement sains avec la réserve concernant les produits animaux clonés et les nanotechnologies. Puis la Commission a adopté les conclusions suivantes sur ce texte : « La Commission chargée des affaires européennes, Vu l’article 88-4 de la Constitution, Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil sur les nouveaux aliments et amendant le règlement …/…. (procédure commune) (COM [2007] 872 final/E 3767) ; Vu la résolution législative du 25 mars 2009 sur cette proposition, Vu la proposition de déclaration du Conseil du 29 mai 2009 concernant l’ensemble des questions relatives aux techniques de clonage des animaux, Considérant que les exigences de la sécurité alimentaire doivent être pleinement respectées, notamment pour les nouveaux aliments issus du progrès scientifique et technologique, 1.– Approuve la proposition de règlement précitée, dès lors qu’elle garantit la sécurité alimentaire des nouveaux aliments et que son dispositif est renforcé, notamment selon les orientations de la résolution précitée ; 2.– Estime que des mesures renforcées doivent être prévues pour l’éventuelle utilisation des nanotechnologies pour les produits et emballages alimentaires, ainsi que pour les matériaux au contact des denrées, éventuellement dans le cadre d’un texte spécifique ; 3.– Considère que l’utilisation dans l’alimentation humaine ou animale des produits issus d’animaux clonés et leur descendance dépasse le cadre du futur règlement et doit par conséquent faire l’objet d’un texte spécifique, lequel devra, au-delà de ce seul sujet, régler l’ensemble des interdictions et des éventuelles autorisations de cette technique en matière alimentaire et en matière non alimentaire. » |