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Document E4221
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil instituant une procédure pour la négociation et la conclusion d'accords bilatéraux entre les États membres et les pays tiers concernant des questions sectorielles et portant sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des jugements et décisions en matière matrimoniale, de responsabilité parentale et d'obligations alimentaires, ainsi que sur le droit applicable en matière d'obligations alimentaires.


E4221 déposé le 16 janvier 2009 distribué le 16 janvier 2009 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0894 final du 19 décembre 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 19 décembre 2008)

L’effort d’harmonisation du droit international privé en matière civile et commerciale, entrepris sur le plan communautaire depuis la fin des années 60, a connu une nouvelle accélération au cours des années 2000.

Plusieurs instruments pris sur le fondement de l’article 65 du titre IV du traité instituant les Communautés européennes dans sa rédaction issue du traité d’Amsterdam ont permis de dessiner un espace civil commun tant pour la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale (règlement (CE) n° 44/2001 dit « Bruxelles I » et règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II ») que pour la définition de règles stables et prévisibles pour déterminer la loi applicable et désigner les juridictions compétentes à défaut de choix effectués par les parties (règlement (CE) n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », règlement (CE) n° 539/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit « Rome I » et proposition de règlement du Conseil du 17 juillet 2006 modifiant le règlement (CE) n° 2201/2003 instituant des règles relatives à la loi applicable en matière matrimoniale).

Cependant, cette construction progressive peut entrer en concurrence avec les nombreux accords bilatéraux conclus sur de mêmes sujets entre les Etats membres et des pays tiers.

Les accords antérieurs à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions communautaires ne posent guère de difficulté. L’article 307 du traité instituant les Communautés européennes impose en effet aux Etats membres, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, de tout mettre en œuvre pour éliminer les dispositions devenues incompatibles avec l’acquis communautaire.

En revanche, la question reste ouverte s’agissant de l’opportunité d’autoriser les Etats membres à conclure à l’avenir des accords bilatéraux dans les domaines dans lesquelles est intervenue l’Union européenne.

La Communauté a en effet acquis une compétence exclusive pour négocier et conclure des accords internationaux avec les pays tiers sur l’ensemble des questions affectant l’application uniforme et cohérente des règles énoncées dans les divers instruments européens de reconnaissance mutuelle et de détermination de la loi applicable (avis 1/03 de la CJCE, Lugano, points 161 et 172). Les accords bilatéraux sont en effet susceptibles de porter atteinte au nouveau cadre juridique européen en matière civile et commerciale et, partant, d’affaiblir l’acquis communautaire qui repose sur l’intégration et la sécurité juridique pour faciliter l’accès à la justice de l’ensemble des citoyens européens.

Dans ce contexte, plusieurs options sont envisageables.

La première serait de ne rien faire, en plaçant les Etats membres dans l’impossibilité de conclure des accords avec des pays tiers dans les domaines régis par l’intervention communautaire. Seule la Communauté européenne pourrait négocier ce type d’accords, conformément à la procédure prévue à l’article 300 du traité instituant les Communautés européennes, quand bien même un seul Etat aurait intérêt à conclure un tel accord. Cette solution radicale apparaît inadaptée, dans la mesure où elle aboutirait sans doute à freiner le développement d’accords bilatéraux qui apportent une réelle plus-value aux citoyens des Etats membres et des pays tiers concernés.

Une deuxième option serait à l’inverse de délivrer aux Etats membres une autorisation à négocier sur la base de critères généraux définis par un instrument juridique européen. Pour avoir le mérite évident de la simplicité, cette solution présente néanmoins l’inconvénient d’imposer à l’Union de définir des conditions préalables suffisamment précises pour étayer la qualité de l’acquis communautaire. Or le dynamisme de la construction de l’espace civil européen et la complexité des mesures adoptées suivant les domaines régis (obligations contractuelles civiles ou commerciales, régime matrimonial, obligations alimentaires, etc.) rendrait l’entreprise démesurée et fragile au fil des progrès de l’intégration.

C’est pourquoi la Commission européenne propose de retenir une option médiane. Les présentes propositions prévoient en effet l’octroi, au cas par cas, d’une autorisation spécifique après une évaluation de l’accord notifié par l’Etat membre sur la base de critères objectifs. La démarche serait la suivante.

– Les Etats membres désireux d’obtenir l’autorisation de renégocier et de conclure un accord avec un pays tiers devraient notifier au préalable à la Commission européenne leur projet d’accord en respectant des conditions spécifiques appréciées au cas par cas.

– Toute demande visant à négocier un accord avec un pays tiers avec lequel la Communauté a conclu un accord sur le même sujet serait rejetée. Faute d’un tel accord, la Commission devrait établir s’il est prévu d’en adopter un dans un avenir proche.

– Si tel n’est pas le cas, la Commission pourrait accorder une autorisation pour autant que deux conditions soient remplies. L’Etat membre devrait d’abord démontrer qu’il a un intérêt particulier à conclure un accord avec le pays tiers, notamment en raison des liens économiques, géographiques, culturels ou historiques qu’il entretient avec lui. La Commission devrait ensuite constater que l’accord proposé n’a qu’une incidence limitée sur l’application uniforme et cohérente des règles communautaires en vigueur et sur le bon fonctionnement du système juridique que ces dernières instituent.

– Par suite, la Commission pourrait adresser à l’Etat membre des directives de négociation. Elle procéderait à une évaluation finale du résultat des négociations avant d’autoriser la conclusion de l’accord définitif.

– En dernier lieu, la procédure prévoit l’inclusion systématique dans les accords d’une clause de suppression automatique dès lors que la Communauté conclut un accord sur ces mêmes questions avec le pays tiers concerné.

La Commission propose de circonscrire l’application de cette procédure à des questions sectorielles strictement identifiées. Tel est l’objet des deux propositions.

– La première concernerait les questions sectorielles portant sur le droit applicable en matière civile et commerciale aux obligations contractuelles et non contractuelles, c’est-à-dire relevant, entièrement ou partiellement, du champ d’application des règlements (CE) n° 593/2008 et (CE) n° 864/2007 précités.

– La seconde s’appliquerait aux accords bilatéraux concernant des questions sectorielles portant sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des jugements et décisions en matière matrimoniale, de responsabilité parentale et d’obligations alimentaires, ainsi que le droit applicable en matière d’obligations alimentaires. L’application de l’unanimité pour ce dernier domaine justifie la scission des propositions en deux actes séparés.

Cette solution apparaît satisfaisante.

Elle offre en effet l’avantage de préserver le principe de la compétence de la Communauté en restreignant les accords bilatéraux à des mesures exceptionnelles, dûment validées par l’Union, et dont la portée et la durée demeurent limitées. Elle constitue à cet égard une application originale et pertinente du principe de subsidiarité, tout en respectant le principe de proportionnalité qui, en l’espèce, impose que l’exception au principe de la compétence européenne soit strictement encadrée et appréciée à l’aune de l’intérêt général de la Communauté.

Dans un même esprit, afin de réduire les formalités administratives à la charge de l’Union et des Gouvernements nationaux, les autorisations seraient soumises à la procédure dite « de comité » aux termes de laquelle la Commission européenne soumettrait ses projets de décision à l’avis d’un comité consultatif ad hoc (au sens de l’article 3 de la décision 1999/468/CE) composé d’experts des Etats membres. Enfin, la Commission devrait se prononcer dans les six mois qui suivent la notification par l’Etat membre du projet d’accord.

Compte tenu de ces éléments, la Commission a approuvé les propositions d’actes communautaires (E 4219 et E 4221), en l’état des informations dont elle dispose, au cours de sa réunion du 25 mars 2009.