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mis en distribution

le 6 avril 1998

   

N° 817

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 avril 1998

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur les recommandations de la Commission européenne
relatives au passage à la monnaie unique :

- recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil conformément à l'article 109 J, paragraphe 2, du Traité (n° E 1045),

- recommandations de décisions du Conseil abrogeant les décisions constatant l'existence d'un déficit excessif en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie, en Autriche, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni - application de l'article 104 C, paragraphe 12, du traité instituant la Communauté européenne

(SEC [1998] 1999 final / n° E 1046),

(Renvoyée à la commission des finances, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Alain BARRAU

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

________________________________________________________________

Politique économique.

Mesdames, Messieurs,

Au 1er janvier prochain, une monnaie unique réunira onze Etats membres de l'Union européenne, dont la France.

Telle est la proposition que la Commission européenne a présentée le 25 mars au Conseil de l'Union européenne et sur laquelle celui-ci doit statuer le 2 mai.

Certes, ce passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire était prévu par le Traité de Maastricht, que la France a ratifié à la suite du référendum du 20 septembre 1992.

Mais il n'aurait pas été satisfaisant que les décisions ultimes des instances européennes soient prises sans que la représentation nationale puisse se prononcer. Et cela pour trois raisons.

En premier lieu parce que la France, par les initiatives qu'elle a prises dès la fin des années quatre-vingts - et qui prolongeaient elles-mêmes des réflexions plus anciennes - a été largement à l'origine de l'inscription dans un traité européen des objectifs et des conditions d'une monnaie unique.

En second lieu, bien des événements sont intervenus depuis l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht, qui ont affecté les économies des pays membres ; le nombre de ceux-ci a été accru de trois éléments, tous trois candidats à la monnaie unique ; la physionomie de l'Union monétaire a changé, notamment depuis le Conseil européen d'Amsterdam, tenu en juin 1997, et qui a infléchi les priorités en faveur de la croissance et de l'emploi. Les conditions dans lesquelles l'« euro » est appelé à naître, ainsi que le nombre des Etats participants, ont évolué au cours des derniers mois.

Enfin, la tâche qui attend les Etats et les peuples après l'euro est immense. Car si la réalisation de la monnaie unique est le fruit d'une convergence incontestable des politiques budgétaires, son fonctionnement stable exige des efforts d'harmonisation dans bien d'autres domaines, en particulier ceux de la fiscalité, de la protection sociale et de l'environnement, afin d'éviter les distorsions de concurrence, ainsi qu'un effort accru de transparence et de démocratie.

L'euro ouvrira une nouvelle période, dans laquelle l'emploi devra être au coeur de la construction européenne. A la suite du Conseil européen de Luxembourg des 20 et 21 novembre 1997 consacré à l'emploi, il a été décidé que chaque Etat présenterait au Conseil européen de Cardiff en juin 1998 un plan national d'action pour l'emploi et qu'une évaluation de ces initiatives aura lieu tous les ans au Conseil européen de décembre. Ainsi les efforts intenses qui ont été réalisés pour parvenir à la création d'une monnaie unique devront être réorientés - avec une égale intensité - en faveur de la lutte contre le chômage, de la croissance et de l'emploi.

De tout cela, nous devons délibérer, afin de clarifier les problèmes qui se posent, rechercher ensemble les solutions, fixer des objectifs, informer les citoyens.

Tel est le sens du débat qui aura lieu à l'Assemblée nationale les 21 et 22 avril prochain.

Les dispositions de l'article 88-4 de la Constitution paraissent d'autant plus propices à un tel débat, qu'elles permettent à l'Assemblée de l'engager sur la base d'une proposition de résolution et de la conclure par un vote sur le texte qu'elle aura retenu après l'avoir amendé.

Telles sont les raisons pour lesquelles la Délégation pour l'Union européenne a décidé, le 2 avril, de déposer la présente proposition de résolution(1), que nous vous demandons d'adopter.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil conformément à l'article 109 J, paragraphe 2, du Traité (document n° E 1045),

- Vu les recommandations de décisions du Conseil abrogeant les décisions constatant l'existence d'un déficit excessif en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie, en Autriche, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni - application de l'article 104 C, paragraphe 12, du traité instituant la Communauté européenne (document SEC (1998) 1999 final / n° E 1046),

Considérant que les deux rapports présentés le 25 mars 1998 respectivement par la Commission européenne et par l'Institut monétaire européen dressent un état des progrès des Etats membres en matière de convergence de leurs économies, en insistant sur le caractère durable de celle-ci ;

Considérant que la Commission européenne recommande au Conseil statuant à la majorité qualifiée, conformément à l'article 109 J du Traité instituant la Communauté européenne, de désigner les onze Etats membres suivants pour participer, à compter du 1er janvier 1999, à la monnaie unique : la France, l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Espagne, la Finlande, l'Irlande, l'Italie et le Portugal ;

Considérant que le Royaume-Uni et le Danemark ont obtenu en 1992 une exemption de participation à la monnaie unique, tandis que la Suède, ne faisant pas partie du système monétaire européen, s'est mise dans l'impossibilité d'y participer à ce stade et que la Grèce ne remplit pas, aux termes de la recommandation de la Commission européenne, les conditions requises ;

Considérant que la Commission européenne, conformément aux conclusions du Conseil européen de Madrid des 15 et 16 décembre 1995, a désigné sous le terme d'« euro » la monnaie unique européenne, appelée « écu » dans le texte du traité précité ;

1. Rappelle que les Etats membres qui ont ratifié le Traité de Maastricht signé le 7 février 1992 et qui n'ont pas de clause d'exemption se sont engagés à participer à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, qui prévoit le remplacement des monnaies nationales par une monnaie unique ;

2. Rappelle que ce traité a été ratifié par la France en vertu d'une loi adoptée par référendum le 20 septembre 1992 ;

3. Constate que la Commission européenne a fait une interprétation des critères prévus à l'article 104 C, paragraphe 2, du Traité conforme à l'esprit de celui-ci, l'endettement public excessif qui subsiste dans plusieurs Etats membres n'ayant pas été jugé incompatible avec leur participation à la monnaie unique ;

4. Constate que l'objectif que représente la constitution d'une monnaie unique a permis de réaliser, au cours des dernières années et même des derniers mois, une accélération de la convergence de caractère économique et financier entre les Etats candidats à cette monnaie et un assainissement des finances publiques qui aurait été, en tout état de cause, nécessaire ;

5. Constate que de bonnes conditions de mise en oeuvre de la monnaie unique sont réunies, à savoir : un euro incluant un grand nombre d'Etats membres ; le renforcement des pouvoirs du Conseil « économie et finances » et la création du « Conseil de l'euro », instances qui devraient permettre d'équilibrer les pouvoirs de la Banque centrale européenne ; une prise de conscience croissante de la nécessaire réorientation des politiques économiques en faveur des priorités que constituent la croissance et l'emploi ; réaffirme également que la monnaie unique ne sera un succès que si l'euro reste compétitif par rapport au dollar ;

6. Estime que la monnaie unique, qui est une exigence complémentaire du marché unique et une source de rayonnement sur la scène internationale, permet d'envisager dans de bonnes conditions macro-économiques des politiques en faveur de l'emploi ;

7. Insiste sur l'enjeu politique et démocratique que constitue la mise en oeuvre du « Conseil de l'euro », qui permettra une représentation des Etats participant à l'euro, en face de la Banque centrale européenne, pour définir les grandes orientations et faciliter une plus grande coordination des politiques économiques ;

8. Souligne que les « parités bilatérales », c'est-à-dire liant entre elles les monnaies des Etats membres participant à la monnaie unique, seront fixées le 2 mai 1998, par voie intergouvernementale, afin d'éviter les risques de tension spéculative ; souligne également que les taux de conversion en euros des monnaies des Etats membres participant à la monnaie unique seront fixés le 1er janvier 1999 par le Conseil statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission européenne et après consultation de la Banque centrale européenne ;

9. Déplore les conditions de délai dans lesquelles l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur une proposition d'acte communautaire de cette nature, l'ensemble de la procédure d'instruction, de discussion et de vote devant se dérouler entre le 25 mars, date de présentation des recommandations de la Commission européenne, et le 2 mai, date de la réunion du Conseil ;

10. Insiste sur l'ampleur de l'effort d'harmonisation qui reste à accomplir, en particulier dans les domaines fiscal, social et environnemental ;

11. Demande que l'introduction et le fonctionnement de la monnaie unique fassent l'objet d'une transparence totale afin que l'Assemblée nationale puisse accomplir sa mission d'information et de contrôle, dissiper la méfiance des citoyens et les préparer à cette mutation ; demande, en particulier, que le fonctionnement de la période transitoire qui s'écoulera du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2002 fasse l'objet d'une information complète et régulière ;

12. Demande qu'à cette fin l'Assemblée nationale soit saisie systématiquement et dans les meilleurs délais de toutes les décisions de la Banque centrale européenne, ainsi que des comptes-rendus du « Conseil de l'Euro » qui sera institué entre les Etats membres participant à la monnaie unique, et que ses organes compétents puissent entendre régulièrement le Gouverneur de la Banque de France ;

13. Invite le Président du Directoire de la Banque centrale européenne à rendre compte périodiquement des objectifs et de l'action de la Banque devant les organes compétents de l'Assemblée nationale ;

14. Approuve, sous ces réserves, les recommandations de la Commission européenne.

1 () En conclusion de son rapport d'information (n° 818).

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