Document

mis en distribution

le 12 octobre 1998

   

N° 1117

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur les recommandations de la Banque centrale européenne
relatives aux réserves obligatoires, à la collecte d'informations statistiques et à ses pouvoirs en matière de sanctions

- recommandation de la BCE pour un règlement (CE) du Conseil
concernant l'application de réserves obligatoires par la BCE
- recommandation de la BCE pour un règlement (CE) du Conseil
concernant la collecte d'informations statistiques par la BCE
- recommandation de la BCE pour un règlement (CE) du Conseil
concernant les pouvoirs de la BCE en matière de sanctions
(n° E 1145)

(Renvoyée à la commission des finances, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Gérard FUCHS

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

________________________________________________________________

Voir le numéro : 1099.

Politiques communautaires.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pour la première fois, l'Assemblée nationale est saisie au titre de l'article 88-4 de la Constitution de textes législatifs issus d'une initiative de la Banque centrale européenne (BCE).

Les trois propositions de règlement comprises dans le document E 1145 ont en effet pour origine, non un texte de la Commission, mais des recommandations élaborées par le Conseil des Gouverneurs de la BCE.

Ces propositions de règlement traitent respectivement des réserves obligatoires que la BCE demandera aux banques centrales nationales de constituer, de la collecte de statistiques qu'elle organisera auprès de celles-ci et des sanctions qu'elle pourra infliger en cas de violation des textes ainsi édictés.

La Délégation a examiné ces textes, qui lui ont paru soulever deux séries de questions.

· Les premières portent sur le contenu des propositions de règlement. S'agissant des réserves obligatoires, la Délégation s'est interrogée sur l'assiette et le taux prévus par le texte ; l'incertitude résultant du plafond de celles-ci - seul fixé par le texte (10 %) - a été dissipée par la suite, mais dans un simple communiqué de presse du Président de la Banque centrale européenne.

De même, la rémunération des réserves n'ayant pas été prévue par la proposition de règlement, le Président de la BCE a indiqué que les réserves seront rémunérées par référence à la moyenne des taux du Système européen de banques centrales (SEBC). Il y aura lieu, par la suite, de s'interroger sur l'adéquation de ces règles avec l'objectif de stabilisation des taux d'intérêt sur le marché et, au-delà, avec celui de la croissance et de l'emploi.

Les règles relatives à la collecte des statistiques doivent également faire l'objet de précisions qui ne figurent pas dans le texte : celui-ci donne à la BCE un droit de vérification des statistiques, définit les règles de confidentialité, mais ne précise pas quelles séries statistiques feront l'objet de la collecte.

Les sanctions susceptibles d'être infligées aux banques par la BCE en cas d'infraction à ses règlements ont également retenu notre attention, à plusieurs titres : la procédure applicable comprend elle les mêmes garanties que celles actuellement prévues en droit interne ? Les amendes et les astreintes prévues sont elles soumises au principe de légalité et de proportionnalité ? Quel sera le rôle dévolu aux banques centrales nationales dans l'instruction des dossiers ? Quels recours sont ouverts contre les sanctions ainsi prononcées ?

Ces questions ont été débattues par la Délégation au cours de ses réunions du 24 septembre(1) et du 8 octobre 1998.

· La deuxième série d'interrogations a trait au poids respectif des Etats participants à l'euro et des autres Etats membres dans la prise des décisions relatives à ces textes, qui sont soumis au comité monétaire avant d'être examinés par le Conseil des ministres de l'Union.

D'après les informations dont nous disposons, les trois recommandations de la BCE ont déjà fait l'objet de délibérations entre les Quinze.

Or le Traité prévoit que le Conseil statuera dans certains cas en ne prenant en compte que les voix des Etats membres participant à l'euro (cf. article 109 K, paragraphe 5). Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 105, qui dispose que « les missions fondamentales relevant du SEBC consistent à définir et mettre en oeuvre la politique monétaire de la Communauté », complété par l'article 19 des statuts du SEBC et de la BCE relatif aux réserves obligatoires, pour lequel l'article 43 de ces statuts stipule qu'il ne « [confère] aucun droit et [n'impose] aucune obligation » aux Etats membres non participants.

Une incertitude résulte toutefois des dispositions de l'article 108 A, qui prévoit que « dans les limites et selon les conditions arrêtées par le Conseil conformément à l'article 106, paragraphe 6, la BCE est habilitée à infliger aux entreprises des amendes et des astreintes en cas de non respect de ses règlements et de ses décisions ».

Comme cet article 106, paragraphe 6, ne figure pas parmi ceux pour lesquels les droits de vote des Etats non participants à l'euro sont suspendus, force est de constater que le traité peut faire l'objet de lectures contradictoires.

Tels sont les éléments du débat qui motivent le dépôt de la présente proposition de résolution, que la Délégation vous demande, en conclusion de son rapport, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu les trois recommandations de la Banque centrale européenne en vue de règlements du Conseil concernant l'application de réserves obligatoires par la BCE, la collecte d'informations statistiques par la BCE et les pouvoirs de la BCE en matière de sanctions (n° E 1145) ;

- Vu sa résolution (TA n° 123) du 22 avril 1998 sur les recommandations de la Commission européenne relatives au passage à l'euro ;

Considérant que l'article 106, paragraphe 6, du Traité instituant la Communauté européenne stipule que « le Conseil, statuant à la majorité qualifiée soit sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et de la BCE, soit sur recommandation de la BCE et après consultation du Parlement européen et de la Commission, arrête les dispositions visées aux articles 4, 5.4, 19.2, 20, 28.1, 29.2, 30.4 et 34.3 des statuts du SEBC » ;

Considérant que l'article 108 A, paragraphe 3, du Traité instituant la Communauté européenne stipule que « dans les limites et selon les conditions arrêtées par le Conseil conformément à la procédure prévue à l'article 106, paragraphe 6 [du Traité], la BCE est habilitée à infliger aux entreprises des amendes et des astreintes en cas de non-respect de ses règlements et de ses décisions » ; considérant que cette stipulation est reprise à l'article 34, paragraphe 3, des statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE, contenus dans le protocole n° 3 annexé au Traité de Maastricht ;

Considérant que les articles 5.4 et 19 des statuts du SEBC et de la BCE permettent au Conseil de l'Union européenne de réglementer respectivement la collecte d'informations statistiques nécessaires aux missions du SEBC et la constitution de réserves obligatoires par les établissements de crédits ;

Considérant que l'article 109 K, paragraphe 5, du Traité instituant la Communauté européenne stipule que « les droits de vote des Etats membres faisant l'objet d'une dérogation sont suspendus pour les décisions du Conseil » visées à l'article 109 K, paragraphe 3 du Traité et que l'article 43 des statuts du SEBC exclut cet Etat membre et sa banque centrale nationale des droits et obligations dans le cadre du SEBC ;

Considérant que les dispositions de l'article 106, paragraphe 6, du Traité instituant la Communauté européenne ne figurent pas au nombre de celles mentionnées à l'article 109 K, paragraphe 3 de ce traité ;

Considérant, cependant, que l'article 105, paragraphe 2, relatif à la politique monétaire, et l'article 108 A, paragraphe 3, relatif aux sanctions de la BCE, du Traité instituant la Communauté européenne sont mentionnés à l'article 109 K, paragraphe 3, de ce traité ; que, par conséquent, les droits de vote du Danemark, de la Grèce, du Royaume-Uni et de la Suède sont suspendus pour l'élaboration des deux recommandations de la BCE relatives à la constitution de réserves obligatoires et aux sanctions de la BCE ;

1. Estime acceptables, eu égard à la situation actuelle, les taux de réserves obligatoires que la BCE envisage de fixer entre 1,5 % et 2,5 % des dépôts qu'elle mentionne ; tient comme un engagement de la BCE son communiqué du 8 juillet 1998 en faveur d'une rémunération des réserves au taux appliqué par le SEBC à ses opérations principales de refinancement ;

2. Admet que la nature des sanctions proposées par la BCE et les garanties juridiques qu'elle prévoit sont conformes aux principes régissant les procédures analogues existant aujourd'hui en droit interne ;

3. Insiste sur le fait que, conformément au principe de subsidiarité, les banques centrales nationales doivent demeurer les acteurs de l'instruction des poursuites et de la mise en oeuvre de ces sanctions ;

4. Souligne qu'en application de l'article 109 K, paragraphes 3 et 5, du Traité instituant la Communauté européenne et de l'article 43, paragraphe 1, des statuts du SEBC et de la BCE, il appartient aux seuls Etats membres de l'Union européenne participant à l'euro de prendre les décisions relatives à la constitution de réserves obligatoires et aux sanctions que la BCE peut imposer en cas de non-respect de ses règlements, et compte que le Gouvernement veille à la bonne application de ce principe.

1 () Rapport d'information n° 1099.

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