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PROCLAMATION DE JACQUES CHABAN-DELMAS
COMME PRÉSIDENT D'HONNEUR DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

 

Vidéo
extrait de la 2ème  séance du 12 novembre 1996

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2ème séance du 12 novembre 1996
(Compte rendu intégral des débats – Assemblée nationale)

M. le Président. Mes chers collègues, il y a cinquante ans - très exactement cinquante ans et deux jours - deux de nos collègues étaient élus pour la Première fois à l'Assemblée nationale. Ils entamaient ainsi avec le Parlement un bail d'un demi-siècle, constamment confirmé par l'élection. Cinquante années de vie parlementaires interrompues seulement, sous la Ve République, par leur participation au gouvernement.

J'ai rencontré ce matin, avec une délégation du bureau, pour lui exprimer l'hommage de notre assemblée le premier d'entre eux, M. Raymond Marcellin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la République, sur plusieurs bancs du groupe République et Liberté et sur divers bancs du groupe socialiste). Sa carrière ministérielle, ainsi qu'un passage au Sénat, de 1974 à 1981, font que Raymond Marcellin aura effectivement siégé et voté en notre assemblée pendant trente ans, onze mois et sept jours. Je veux lui renouveler, en séance publique, l'expression de nos félicitations.

Le second de nos collègues, élu le 10 novembre 1946 totalise pour sa part quarante-six ans, onze mois et dix-sept jours d'appartenance à l'Assemblée nationale. En effet, seul l'exercice des fonctions de Premier ministre, du 20 juin 1969 au 5 juillet 1972, aura temporairement privé notre assemblée de la présence de Jacques Chaban-Delmas. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs.)

Une telle fidélité à notre institution est pratiquement sans rivale en plus de deux cents ans d'histoire parlementaire. Un seul député, élu de Constantine, aura fait mieux que notre prestigieux collègue, en siégeant lui-même sans discontinuer de 1877 à 1932.

Jacques Chaban-Delmas ne devait, pour sa part, manquer aucun des scrutins législatifs qui se sont succédé au cours de ce demi-siècle. Il aura participé ainsi aux législatures de la IVe République et aux dix législatures de la Ve. Pour un total de treize législatures, il aura même poussé la coquetterie jusqu'à se faire élire quatorze fois par ses électeurs de la Gironde, puisqu'il participa à une élection partielle, organisée le 20 septembre 1970.

Une carrière parlementaire aussi longue et aussi riche suffirait, à elle - seule, à susciter notre admiration. Il est pourtant bien d'autres titres qui peuvent valoir à Jacques Chaban-Delmas la reconnaissance de la représentation nationale.

Il y a le résistant, le patriote, le compagnon de la Libération, entré dans l'Histoire alors qu'il n’avait pas trente ans. Il y a le ministre, le Premier ministre, la trace qu'il a laissée. Il y a, bien entendu, le maire de Bordeaux, qu'il fut pendant quarante-huit ans.

Mais pour nous, il y a sans doute plus mémorable encore. Porté à six reprises à la présidence de l'Assemblée nationale, Jacques Chaban-Delmas aura occupé ce fauteuil pendant, au total, seize années - dont onze sans interruption. Nul parmi les deux cent quarante autres présidents de la l'Assemblée nationale - pas même Edouard Herriot - ne peut justifier d'une telle longévité.

Ces fonctions, il les a marquées de la forte empreinte de sa personnalité. Il les a exercées pleinement, jusqu'à littéralement les incarner. C'est pourquoi, cet après-midi, c'est avant tout à notre ancien président que doit s'adresser l'hommage de notre assemblée. L'hommage de notre respect et de notre affection.

Mais il nous a semblé que les mots ne pouvaient suffire. Aussi, après avoir recueilli l'assentiment unanime de MM. les présidents de groupes parlementaires, après avoir entendu l'avis également unanime des anciens présidents vivants de l'Assemblée, je vais vous demander, mes chers collègues, de ratifier, par vos acclamations, la proposition de votre bureau, réuni ce matin, de conférer à Jacques Chaban-Delmas une distinction qu'un seul de ses nombreux prédécesseurs s'était vu jusqu'ici accorder,. en le proclamant président d'honneur de l'Assemblée nationale.(Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement)

La parole est à M. Jacques Chaban-Delmas.

M. Jacques Chaban-Delmas. Monsieur le président, mon émotion est extrême et je suis comme écrasé par la décision que vous avez proposée à notre assemblée et qu'elle a prise.

Je savais, depuis longtemps, qu'il existait une grande famille parlementaire. Aujourd'hui, elle se manifeste et son existence n'est pas discutable. J'y appartiens avec honneur, avec fierté et avec cette chance inouïe de me sentir soutenu par chacun et chacune d'entre vous.

Nous avons entretenu, les uns et les autres, quelle que soit notre appartenance politique, des relations confiantes, familiales. Cela a été possible non seulement parce que les personnes que nous sommes étaient attentives au respect de l'autre, mais aussi parce que nous avons été réunis, regroupés, rassemblés par un idéal dans lequel nous communions et qui peut se résumer en deux mots: la France et la République. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs.)

Monsieur le président, c'est à vous d'abord que mes remerciements chaleureux s'adressent, ainsi que, si vous le permettez, à l'Assemblée tout entière, à tous nos collègues en leur souhaitant à chacun un destin salutaire.

Lorsque que je cesserai de travailler, j'emporterai comme le plus grand et le plus précieux trésor cette communion d'esprit et de coeur qui nous réunit encore aujourd'hui et je vous remercie du fond de mon coeur. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs.)

M. le président. Avant de suspendre la séance, je demande aux membres du bureau de bien vouloir me rejoindre auprès de M. Chaban-Delmas pour lui remettre l'acte consignant notre décision.