Abolition de la peine de mort

Le débat de 1908 à la Chambre des députés

Séance du 7 décembre 1908

M. de Folleville de Bimorel. Dans ces conditions, je le déclare nettement, messieurs, en conscience, je crois que l'heure n'est pas venue d'énerver nos lois pénales, et à vous, mes honorables collègues, hommes politiques, juges des principes et des opportunités, je soumets cette pensée : vous avez le devoir précis et certain, avant de supprimer les peines existantes, de les remplacer d'abord, et d'expérimenter ensuite l'effet des peines de remplacement que vous aurez admises. Il faut nous défendre contre les entraînements d'une sensibilité excessive et mal placée.

Regardons un peu moins du côté des criminels et un peu plus du côté des victimes (Très bien, très bien ! sur divers bancs) ; car enfin la société a comme premier devoir de défendre ses membres : elle doit aide et protection aux honnêtes gens qui vont à leur travail ou à leurs affaires ; elle doit assurer la sécurité des passants inoffensifs. Que penserez-vous d'ailleurs, en présence d'un fait matériel que je vais vous signaler et qui peut se réaliser demain chez l'un ou l'autre d'entre vous ?

Un malfaiteur s'est introduit dans votre maison, la nuit, par escalade, avec effraction ; il est en train de forcer votre secrétaire, votre armoire ou votre coffre-fort, Ipso facto, par le seul fait qu'il s'est placé dans ce cas - maison habitée, la nuit, escalade et effraction - il encourt les travaux forcés. Vous entendez le bruit et vous arrivez. Le malfaiteur n'a qu'une chose à faire, si la peine n'existe pas : il n'a qu'à vous tuer, rien ne peut le retenir, puisqu'il a déjà encouru le maximum des travaux forcés. Le cas s'est pré­senté, et souvent l'homme placé dans la situation spéciale que j'indique a pris la fuite et n'a pas frappé, précisément parce qu'il redoutait cette peine de mort qui, très certainement, beaucoup plus que beaucoup ne le croient, exerce sur les criminels une très forte intimidation et leur imprime une crainte salutaire du châtiment suprême : ceux de nos con­frères qui plaident aux assises le savent bien et peuvent en témoigner. Remarquez que les idées que je vous soumets en ce moment, dont nous devons bien tenir compte, nous députés, ce sont les idées certainement dominantes dans toutes nos circonscriptions. (Interruptions à l'extrême gauche.)

J'arrive de ma circonscription, où j'ai eu l'occasion de parler de la ques­tion avec de nombreux électeurs.

M. Lagasse. Moi aussi !

M. de Folleville de Bimorel. J'ai consulté mes commettants et tous m'ont répondu que, surtout dans les campagnes...

M. Jaurès. C'est ce que vous appelez un argument de conscience ?

M. Lagasse. C'est un argument électoral.

M. de Folleville de Bimorel. ... Ils sont placés en face d'une répression insuffisante : la gendarmerie ne peut pas être sur tous les points à la fois : ils ont besoin que l'arsenal de nos lois ne soit pas appauvri, dans l'étendue et dans la gravité des peines qu'il renferme.

(…)

M. Thierry Cazès. Nos cultivateurs demandent plus de justice dans l'impôt, mais ils ne réclament pas le maintien de la peine de mort. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.) Un vénérable paysan du Gers, qui signe sa lettre « Un vieux montagnard de 1848 », vieillard que je connais depuis mon enfance et qui est resté dans sa verte vieillesse comme le Burgrave du poète

Debout dans sa montagne et dans sa volonté

m'a prié de vous donner lecture de la lettre qu'il m'a écrite sur cette question :

« Mon cher député, vos collègues républicains me paraissent oublier que la peine de mort fut abolie par les fondateurs de la première République... (Dénégations au centre et à droite.)

M. le général Jacquey. Votre correspondant connaît mal l'histoire.

M. Thierry Cazès. ... que la deuxième République la supprima en matière politique ; qu'un grand nombre d'États ont suivi l'exemple de la Con­vention.

« Rappelez, je vous prie, aux représentants du peuple les admirables et profondes paroles de Victor Hugo : « Pour nous, la guillotine s'appelle Lesurques, la roue s'appelle Calas, le bûcher s'appelle Jeanne d'Arc, le billot s'appelle Thomas Morus ; la ciguë s'appelle Socrate, le gibet se nomme Jésus-Christ ». (Très bien ! très bien ! sur divers bancs à l'extrême gauche.)

« N'attendez plus, législateurs, car il n'est conforme ni à la justice, ni à l'humanité, ni à l'intérêt bien compris de la sécurité de tous, que la socié­té imprime à ses erreurs le sceau de l'irrévocabilité, qu'elle répande le sang pour qu'on désapprenne de le répandre !

« Comment ! Vous qui voulez mettre fin aux guerres barbares, vous qui condamnez le duel toujours absurde, souvent mortel, vous ne sentiriez pas que la société doit commencer par ne plus répandre le sang elle-même: ne tuez pas ! (Applaudissements à l'extrême gauche.)

« Ce n'est pas en arrachant la vie au criminel que vous le réformerez !... » (Mouvements divers.)

Soyez plus tolérants, je vous en prie, mes chers collègues, pour des opi­nions que vous professiez il y a quelques mois encore. « Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.)

M. Jaurès. Étaient-elles donc si ridicules il y a quelques temps ?

M. Thierry Cazès. « Ne soyez pas plus implacables que Macbeth, quand il tua le sommeil ! Ne tuez pas le repentir, selon la belle parole de mon grand ami Louis Blanc. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.) « Les paysans, mes frères, savent tous que le châtiment le plus effrayant pour le criminel, ce n'est pas la mort mais le cri de la conscience. Nos vaillants instituteurs ont enseigné à mes fils le vers sublime du poète, que les enfants de mes enfants me récitaient hier encore :

« L'œil était dans la tombe et regardait Caïn ! »

Songez à vos grands ancêtres !

Pensez toujours aux principes qui doivent être pour vous comme la boussole pour le marin !

« Salut et fraternité ! »

Messieurs, j'estime qu'il m'appartient de ne tirer qu'un seul commentaire de cette lettre du vieux montagnard de 48, c'est qu'elle dicte leur devoir à tous les républicains ! (Applaudissements à l'extrême gauche.)

(...)

M. Allemane. Je disais que l'application de la peine des travaux forcés ne se fait pas d'une façon méthodique, égalitaire, et c'est cela qui a permis l'établissement des légendes que l'on a colportées à travers les populations. Nous avons vu, lorsque, transportés nous-même, nous pouvions observer de quelle façon s'appliquaient les règlements de la transportation, nous avons vu - et c'était scandaleux - à côté du directeur du service pénitentiaire, un forçat qui était devenu son secrétaire particulier et devant qui s'inclinaient, képi à la main, les surveillants militaires les plus haut gradés.

Quel était ce forçat ? C’était un homme appartenant à une famille aisée, un ex-officier de cavalerie ; il s'appelait Voisin. Ce Voisin réglait presque souverainement le service de la Ira importation en Nouvelle-Calédonie. Il y avait dans toutes les familles de nos fonctionnaires deux, trois, quatre, jusqu'à des douzaines de forçats. (Exclamations sur divers bancs au centre.)

Mais oui, messieurs, les uns étaient cuisiniers, les autres valets de chambre, d'autres encore -je vais soulever probablement les rires de mes collègues - jouaient le rôle de nourrices sèches. (Mouvements divers.) J'ai vu des hommes condamnés pour meurtre à quinze ou vingt ans de travaux forcés, tenant dans leurs bras de petits enfants de fonctionnaires. (Interruptions.)

Je ne sais pas si la grande presse a décrété l'abolition ou le maintien de la peine de mort, et si les quelques renseignements que très modestement j'apporte, ne valent pas d'être écoutés. (Parlez '.parlez ! sur divers bancs. - Interruptions sur d'autres bancs.)

Si, dans des bagnes de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie, au lieu d'agir comme je l'ai dit à l'égard de certains condamnés, on les avait tous soumis au même régime, nous n'aurions pas entendu réclamer ici comme ailleurs, des peines plus dures, plus implacables. Je connais, pour l'avoir éprouvé, le régime pénitentiaire, je sais combien ce régime fauche annuellement d'existences quand il est réellement appliqué aux individus qui y ont été condamnés. Là-bas, monsieur le président de la commission, on n'a pas besoin de les guillotiner, je vous assure qu'il y en a une grande proportion qui passe de vie à trépas ; mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a les fils de famille, ceux qui sont employés comme cuisiniers, blanchisseurs, couturiers, que sais-je encore ? Il y a les écrivains, il y a ceux qui font la besogne des fonctionnaires, pour les­quels vous votez des crédits. Ces fonctionnaires ne travaillent pas, ils font faire leur besogne par des forçats, ce sont les forçats qui sont dans les bureaux, ce sont les forçats qui règlent les notes chez le commandant, chez le directeur de la transportation. On a aussi, dans cette discussion, abordé la question de l'exemplarité on a demandé si réellement la guillotine pouvait empêcher certains individus de se livrer à des actes anti-humains. Eh bien ! J'ai vu, de mes yeux vu, à peu près une centaine d'exécutions I capitales ; j'ai vu, à deux mètres de distance, tomber une centaine de tê­tes, et à ceux qui parlent de la peine de mort pour en faire un exemple terrifiant je pourrais citer des faits nombreux. (Protestations à droite.) Messieurs, vous croyez que je veux abuser de vos instants ; telle n'est pas mon intention. S'il n'avait pas plu à certains de nos collègues de couper les quelques paroles que j'avais à dire, assurément il y a longtemps que j'aurais terminé.

M. Tournade. Vous avez parlé sans discontinuer !

M. Massabuau. Si l'un de nous parlait avec pareille abondance, vos amis auraient vite fait de l'empêcher de poursuivre.

M. Allemane. Monsieur Massabuau, inscrivez-vous et je vous écouterai ! Je veux rappeler, et nul ne m'en empêchera, que j’ai vu le même jour trois exécutions capitales et une fusillade. Trois ou quatre jours après ces quatre exécutions, un condamné, un jeune homme de vingt ans nommé Charpentier -je cite des faits et je donne le nom pour vous permettre d'aller aux renseignements si vous le désirez - a pris une massette de tail­leur de pierres et a frappé sur la tempe un libéré qui dormait sous un arbre ; et allant à la carrière n" 2 où travaillaient d'autres condamnés, il a dit ; Moi aussi, je viens de tuer un homme. (Interruptions au centre.) La morale de ce fait, c'est que la société a fait œuvre de sang et a donné l'exemple de regorgement et de la tuerie.

M. Pugliesi-Conti. Et l'exécution des otages, était-ce une œuvre de sang ?

M. Allemane. Je vais en parler, si vous le voulez. Cela ne me gêne pas : rien ne me gêne !

Vous voyez bien, messieurs, qu'on mêle la politique à cette affaire. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.)

M. Massabuau. Et quand, rue Haxo, on traversait plusieurs malheureux de la même baïonnette ?... (Bruit.)

M. Allemane. Il y a quelques jours, un de nos collègues, qui pourtant est de caractère débonnaire, l'honorable M. Berry, m'interrompait de ces hommes : « Et les otages ? Et l'assassinat des communards ? » On en parle encore.

Je demanderai à nos collègues de la droite qui a commencé. (Bruit.) C'est une conversation que nous pourrons reprendre. Je suis toujours prêt à répondre sur ce point.

Notre code est assez souvent impitoyable, que point n'est besoin de l'aggraver.

Ce qu'il faut à mon avis c'est se montrer à la hauteur de sa tâche. Nous sommes un gouvernement républicain...

Plusieurs membres à l'extrême gauche. Si peu !

M. Allemane. Peu importe. Pour ceux qui ne sont pas républicains, je dis que nous devrions être un gouvernement républicain et qu'il ne devrait pas y avoir, même dans le monde pénal, une certaine aristocratie. Il fau­drait que les peines fussent égales pour tous. Je considère même que si l'administration pénitentiaire a parfois quelque raison d'être moins dure c'est à l'égard des miséreux, de ceux desquels la société n'a songé à s'occuper qu'à la minute même où il fallait sévir. Mais jamais une main secourable ne leur a été tendue ; on ne s'était pas plus préoccupé pour eux du pain du corps que du pain de l'esprit. Instruction, nourriture ou gîte, peu importe ! Il y a l'agent de police, le gendarme, le geôlier et pardessus tout le bourreau ! (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.) Eh bien ! Nous qui avons vu, qui avons pris obligatoirement contact avec cette population des prisons et des bagnes, nous savons qu'à l'époque où nous nous trouvions au milieu de ces malheureux, 90 p. 100 d'entre eux ne savaient ni lire ni écrire, que peut-être 70 p. cent n'avaient jamais connu les caresses d'une mère. (Interruptions à droite.) Nous savons où sont les enfants gâtés, les fils à papa et à maman. Partout où on n'a pas connu la faim, partout où on n'a pas été terriblement tenaillé par le besoin animal, on ne peut pas comprendre pourquoi on commet des délits et pourquoi, ayant commis ces délits, on arrive à commettre des crimes (...)

Généralement, lorsque dans nos prisons, dans nos bagnes, des situations moins mauvaises sont accordées à des prisonniers, elles sont attribuées - l'exception ne fait que confirmer la règle - à des gens qui ne méritent pas et qui sont presque toujours détestés de leurs camarades ; ceux-ci savent pertinemment pourquoi la situation de ces gens a été améliorée et pourquoi leur peine a été écourtée. (Interruptions.) J'ai cette conviction intime, je voudrais la communiquer à tous nos collègues, c'est bien naturel. Ce n'est pas le socialiste qui parle, c'est l'homme qui a traversé des jours mauvais, qui a pris forcément contact avec une population bien triste sans doute, mais dont il faut également s'occuper et à laquelle il convient de donner l'égalité de traitement, afin de ne pas voir se reproduire les scandales dont je vous ai entretenus.

Dans une colonie où il y a une population très nombreuse, plus de 6.000 forçats, et peut-être 7.000 ou 8.000 libérés, c'est un forçat, un homme condamné peut-être à vingt ans de travaux forcés, qui règle les situations, qui donne les permissions, qui envoie celui-ci à tel endroit parce qu'il y sera mieux, etc. C'est là un scandale, je le répète. J'en ai été témoin, et je sais ce qui en résulte au milieu de cette population pénale. Dans les bureaux, partout, encore des forçats, toujours des forçats, exploitant leurs camarades, leur faisant souvent commettre des larcins pour avoir de l'argent à leur soutirer. Il se passe là des faits monstrueux. C'est plutôt cela qui devrait occuper notre attention.

Je déclare que nous n'avons pas à augmenter l'échelle de nos peines, que celles qui existent sont déjà trop épouvantables. Il y a dans le bagne huit catégories de condamnés : 1ère, 2e, 3 e classe, 4e classe sans chaîne, 4e classe avec une chaîne, 4e classe avec deux chaînes, 4e classe avec accouplement, et puis internement. L'homme est rivé dans une cellule. Il y a le banc de justice, le martinet ; avec ce martinet à sept branches on déchire le corps humain. Mais enfin que voulez-vous de plus dans l'horreur ? (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.)

Il y a la cellule. J'ai vu ce que c'était : on enferme le malheureux. On lui donne de 300 à 400 grammes de pain par vingt-quatre heures. Il n'a même pas une gamelle, pas une assiette, il n'a rien pour manger. Deux fois par semaine on lui donnait une soupe qu'il devait manger dans son soulier !

Ce sont là des vérités. Je crois que la plupart d'entre vous les ignoraient Que voulez-vous de plus ? Je trouve qu'il est déjà honteux pour la République française d'avoir des pénalités comme celles-là. (Très bien ! Très bien ! à l'extrême gauche.)

Voilà un homme accouplé avec un autre, voilà un homme avec deux chaînes, voilà un homme qui pour une peccadille reçoit vingt-cinq ou cinquante coups de corde. Et puis à côté de lui il y a un autre forçat comme lui, qui commande la chiourme, les surveillants militaires, qui est le secrétaire intime de M. le directeur de la transportation. Voilà, messieurs, l'abus qu'il faut faire cesser. Il importe de mettre un terme à cette différence de traitement. Même dans ce milieu de réprouvés il y a encore des hommes qui méritent qu'on s'occupe d'eux. Personnellement j'en sais qui ont été implacablement frappés. J'en sais qui ne sont peut-être pas ce que vous considérez comme des hommes tout à fait innocents ; mais c'est qu'ils ont été victimes des circonstances mêmes de la vie, des conditions qui s'imposent à certains êtres dans notre pays et un peu dans tous les pays, malheureusement, il faut établir l'égalité pour tous les condamnés : il faut commander aux directeurs des maisons centrales et des bagnes de ne pas oublier que, quand même, si bas qu'ils soient tombés, ce sont des hommes, les forçats ; ce sont des hommes, les détenus de la maison centrale. (Rumeurs au centre el à droite.) Mais oui, des hommes comme nous. Ce n'est pas au vingtième siècle, après les travaux admirables de nos savants, qu'on peut s'irriter de ce mot : ce sont des êtres humains comme nous. Oui, ce sont des êtres humains comme nous, et si on allait au fond des choses, il y en a plus d'un parmi nous qui devrait se frapper à la poitrine et dire : c'est peut-être un peu ma faute et nous sommes tous responsables peu ou prou.

Dans ces conditions, ne cherchez pas à faire fonctionner l'instrument fatal, ne vous mettez pas en peine pour créer encore un tourment. Je me souviens encore qu'il y avait là-bas un tortionnaire, un inquisiteur pourrai-je dire, un Torquemada, qui prenait les doigts des hommes sans rechercher si ces hommes étaient coupables, qui leur broyait les pouces, puis les chevilles. Il y avait les poucettes, la question. On dit que tout cela a disparu. Qu'en sais-je ? J'ai vu jeter les poucettes trois fois à la mer par ordre du ministre des colonies et peut-être du ministre de la justice. Eh bien, au fur et à mesure que l'on jetait ces instruments de torture à la mer, on en fabriquait à la forge. Par conséquent, quand on nous assure que ces supplices ont disparu, je me permets de répondre que j'ai le droit d'en douter.

M. Eugène Réveillaud. Il y a encore la double boucle. Le comman­dant Dreyfus en sait quelque chose.

M. Laurent Bougère. Louis XVI avait déjà supprimé la torture.

M. Allemane. Les poucettes ont disparu, mais peut-être sur le papier seulement. Ce n'est pas suffisant. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Pour l'honneur de notre pays, pour l'honneur du parti républicain, pour l'honneur de la République française, je vous supplie de ne pas aggraver notre système de pénalités et de vous contenter de celles, largement suffisantes, que peut-être un restant de barbarie a mises à votre disposition. N'appliquez pas la question. N'appliquez les peines dont je parlais que dans des cas tout à fait exceptionnels et ne cherchez pas d'autres mesures salvatrices. (Mouvements divers.) Il est largement suffisant d'appliquer le régime qui appartient à chaque lieu de détention.

Puisque vous voulez inspirer la peur des châtiments à la population pénale, lorsqu'elle saura qu'on ne peut échapper au régime, lorsqu'elle saura qu'il n'y aura pas d'exception à la règle, lorsqu'elle saura que l'éga­lité de traitement règne dans nos maisons centra]es et dans nos bagnes, à partir de ce moment, ainsi que le disait un ancien magistrat, notre collègue M. Tenting, à partir de ce moment je vous affirme qu'on ne tuera plus de gardiens pour aller au paradis calédonien où à la Guyane. Montrez-vous hommes de cœur généreux ; à mesure que vous aperce­vrez que la bonne application du régime existant a produit de bons effets, amendez autant qu'il sera possible les mesures pénales qui doivent être appliquées aux prisonniers. Ce faisant, vous vous honorerez et vous honorerez le régime républicain. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

(...)

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