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10ème Journée du Livre Politique
Auteur : Luce Perrot, Présidente-fondatrice de
Lire La Politique
Au Kiosque de l'Assemblée : Une boutique où vous pouvez acheter l'ensemble des documents parlementaires, les livres récents sur l'histoire du Palais Bourbon, le droit parlementaire, la vie politique, et les ouvrages écrits par les députés, des objets souvenirs siglés au nom de l'Assemblée. Comment venir au Palais Bourbon ? LE DEROULEMENT DE LA JOURNEE DU LIVRE POLITIQUE, 10h00 : Salle des Fêtes - Ouverture solennelle de la Journée du Livre Politique par René Rémond, Historien, Membre de l'Académie française, Président de la Fondation Nationale de Sciences Politiques. La force des convictions Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale A l'heure où la volonté de connaître prime sur le désir de comprendre, le discours politique est souvent ramené au règne de l'instant et de l'immédiat ; l'écrit politique se déploie dans un temps plus long : celui des équilibres, des expériences et des projets. Dans le tumulte des échanges ou la vigueur des débats, le livre est un refuge où s'élaborent les pensées et les théories, une étape qui permet d'éprouver la force des convictions et la sincérité des engagements. Désir d'écrire, devoir d'agir : la singularité de l'écrit politique réside dans la rencontre des actes et des mots. C'est le paradoxe du livre que de figer la parole pour la faire exister ; c'est la noblesse du politique que d'inspirer la réflexion autant que l'action. Le livre politique incarne l'ambition et l'exigence de traduire les idées en projets, et de changer les projets en réalités. Il est la preuve tangible de la vitalité de notre vie politique, essentielle à la démocratie, c'est-à-dire à tous, jusque dans le quotidien de chacun. La longévité et le succès du Prix du Livre Politique, qui fête son dixième anniversaire, attestent de l'intérêt des Français pour la " chose publique ". En attisant la passion du débat et même le goût de la polémique, la littérature politique contribue à nourrir notre amour de la République. Nos concitoyens ont besoin des regards que les intellectuels portent sur notre temps, des mots que ce temps inspire aux écrivains, car leurs livres, en éclairant le présent, donnent un sens, une signification autant qu'une direction, à notre avenir. Je sais que l'ouvrage distingué cette année par le Jury, présidé par Jean-Claude Casanova, est de ceux-là. L'Assemblée nationale est dans son rôle lorsqu'elle favorise le dialogue entre les acteurs et les témoins de la vie publique. Je suis heureux et fier de vous y accueillir, à l'occasion de la Journée du Livre Politique. Vous êtes au Parlement, lieu étymologiquement dédié à la parole et juridiquement inséparable de l'écrit. Vous êtes donc, auteurs et lecteurs, pleinement chez vous. Les Grands rendez-vous de la L'Espace-Signatures, la librairie Avec la participation des auteurs les plus prestigieux, cet espace - organisé dans l'esprit "Pen Club" - s'attache à rendre hommage au travail des éditeurs, à la diversité et à la richesse des ouvrages publiés. Les membres du Comité de Parrainage déterminent les principes de cette librairie : les ouvrages sont choisis en fonction de leur actualité, de leur rigueur scientifique et de leur adéquation avec les objectifs de la manifestation. Les débats et les ateliers Des débats qui inviteront le public et les intervenants à s'interroger sur le thème suivant : "A t-on encore besoin de politique ? ". Quatre points seront abordés pour tenter d'apporter quelques éléments de réponse : " Reste-t-il encore une place pour les utopies ? ", "L'Économie domine-t-elle la politique ? ", " Médias et politique : qui décide ? ", et enfin, " Réflexion : militantisme et nouvelles formes d'engagement ". Des ateliers qui seront consacrés à la découverte des Grands Textes politiques, et à une réflexion générale sur l'acte de " Lire la politique ". La remise des Prix du Livre Politique Deux Prix récompensent deux ouvrages parus dans l'année écoulée : le Prix du Livre Politique décerné par des jurys constitués de journalistes, professionnels et remis le samedi 24 mars par Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale, et Jean-Claude Casanova, Président du Jury, et le Prix Étudiant du Livre Politique, est décerné par un jury d'étudiants et remis par Catherine Tasca, Ministre de la Culture et de la Communication et Jacqueline Costa-Lascoux, Présidente du Jury Étudiant. Ces ouvrages doivent contribuer à la revalorisation de la pensée, de l'analyse et de la réflexion politique. Dix ans de combats et de débats Luce Perrot, Présidente-fondatrice de Lire la Politique, Dix ans déjà... Dix ans formidables, Dix ans, que la Journée du Livre Politique organise cette triple rencontre entre les citoyens, ceux qui nourrissent et animent la vie politique et l'Assemblée Nationale, cette Grande Institution Républicaine où siègent les élus du suffrage universel. Dix ans, que pour répondre à la demande de plus en plus pressante de transparence et d'éthique des citoyens, nous invitons à s'exprimer toutes celles et tous ceux qui représentent la diversité des opinions politiques, toutes celles et tous ceux qui, pour se faire entendre et transmettre leurs idées, ont choisi le livre. Dix ans, que de plus en plus nombreux vous vous associez à ce Grand Forum de l'écrit dont la seule ambition est d'être un moment privilégié de rencontres et de débats pour toutes celles et tous ceux qui, comme nous, sont par-dessus tout attachés aux valeurs de la République. Dix ans, que chaque printemps, nous vous sentons mobilisés, motivés, passionnés par la chose publique. Pourtant, les deux derniers scrutins ont été assez calamiteux quant à la participation des électeurs. Aussi, forts de nos convictions et de votre fidélité, avons-nous été amenés à nous poser cette question essentielle, à la fois bilan et prospective.. : " A-t-on encore besoin de politique ? " En effet, quand l'État-nation, cadre traditionnel de l'intervention du citoyen, semble frappé d'une obsolescence croissante par la construction européenne, la globalisation des échanges et la mondialisation des problèmes.. Quand tend à s'instaurer la domination de la technique sur l'éthique, de la finance sur l'économique, et que le consumérisme tend, lui, à se substituer au civisme par une fétichisation croissante de la marchandise.., on peut légitimement se demander : " L'économie domine-t-elle la politique ? " Quand l'emprise médiatique sur l'opinion publique, sur le débat d'idées et sur la culture s'étend..,on s'interroge, " Médias et politique : qui décide ? " Quand les partis perdent de leurs adhérents et que de nouveaux engagements prennent le relais.., réfléchissons ensemble à ces nouvelles formes de militantisme.. Quand à la communauté des citoyens voulue par la République semble se substituer la juxtaposition des communautés identitaires... Quand les notions de droite et de gauche apparaissent comme les ultimes repères d'un monde désormais révolu, il nous faut bien nous demander, même si cela peut ressembler à une provocation. " A-t-on encore besoin de politique ? " Qu'est-ce qui demain pourrait la remplacer ? Et, sans elle, nous est-il possible de vivre ensemble ? " Reste-t-il enfin, encore, une place pour les utopies ? " Pour nourrir nos interrogations et nos réflexions, nous nous proposons de nous interroger sur cet acte tellement personnel : " Qu'est-ce que lire la politique ? " Et enfin, comme dans tout engagement, il y a émotion, nos amis comédiens nous feront des lectures des Grands Textes politiques. Ainsi, tout au long de cette Journée, serons-nous complètement fidèles à nos promesses : rencontrer, débattre et proposer. Laurent Fabius, Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Que de rivaux aujourd'hui pour la modeste écriture ! On se défie des signes, on se méfie de l'écrit, la lettre devient une fatigante incongruité, le journal un interminable imprimé, le livre un pesant annuaire. Même l'e-mail, annoncé comme un retour numérique à la communication littéraire, s'affirme moins comme le dernier avatar de la correspondance que comme un symbole supplémentaire de l'oralité victorieuse. La préférence pour l'instantané est d'autant plus irrésistible qu'elle participe de la grande course contemporaine contre le sablier ou la durée. Si l'on s'en tenait à cette rumeur des temps, au message triomphant qu'un vent mauvais colporte, ce n'est certainement pas en se tournant vers la politique, vers les femmes et les hommes qui la font vivre au quotidien, que le livre pourrait trouver de l'espace. Comme lui, la politique serait discréditée. Même motif, même punition. C'est aller, à mon avis, beaucoup trop vite en besogne. Alors que la mondialisation des échanges, la standardisation des technologies, l'internationalisation des consciences bouleversent les histoires nationales et unifient les cultures, la France préserve en effet une singularité : l'importance de l'écrit au cœur de la vie publique. Il ne s'agit pas seulement de textes de loi, que Gouvernement et Parlement produisent souvent en stakhanovistes, mais de littérature, de pensées et de mots. Le front des bibliothèques et des librairies est aussi celui de la démocratie. Les Lumières, Dreyfus, Sartre et Aron, Aron contre Sartre, sont passés par là. Oui, la République française aime les lettres et le phénomène ne date pas d'hier. Curiosité, que ce peuple pour lequel un homme d'État reste incomplet tant qu'il n'est pas un homme d'écrit. Particularité, que cette nation où un écrivain ne tarde jamais à trouver dans le tumulte du monde un trésor romanesque. " Eh ! Lecteur ", apostropher la conscience civique, en appeler à ce que la raison recèle d'esprit critique, telle est bien la fonction de ce genre mélangé qui prend place aux bancs des académies comme dans les kiosques de gares et qu'on nomme, faute d'une classification plus affinée, "le livre politique". Ce livre politique, parce qu'il contribue à l'éveil des consciences et qu'il permet le réveil des mémoires, parce qu'il peut éclairer un destin individuel ou guider un chemin collectif, manifeste la force de l'écrit. Il joue un rôle essentiel dans la formation du sentiment national. Longue est la galerie des écrivains qui ont marqué ce domaine : Montaigne, délaissant la plume pour devenir premier magistrat de Bordeaux, Fénelon auteur de "remontrances" trop méconnues sur l'état du Royaume, Rousseau dont le Contrat social irradia les travaux de la Constituante, Zola dont chaque page est un manifeste pour l'égalité, Malraux ministre artiste esthète du gaullisme, Aragon, combien d'autres. Ainsi Jaurès se fit-il journaliste - "éditorialiste" dirait-on aujourd'hui -, De Gaulle mémorialiste - de lui-même plus que de son époque -, et Mitterrand pamphlétaire - mais aussi chroniqueur. L'écriture offre aux responsables politiques un moyen de suspendre l'immédiat et de vaincre le périssable, tendance fâcheuse de nos démocraties d'opinion. Le livre fut politique avant qu'on ne le définisse comme tel. Il fut un recours avant d'être un genre. Comme le citoyen dont il prend le parti, le livre politique ne se laisse pas facilement embastiller. Action ou réaction, opposition ou proposition, construction ou interprétation, il est, selon l'usage, le support de l'explication ou la patrie de la dissidence. Journalistes, historiens, philosophes, élus, la littérature politique n'est la propriété d'aucune corporation. Diversité de projets et d'auteurs mais surtout diversité de formes : les tragédies de Racine en disent aussi long sur le pouvoir, sa conquête, sa conservation, son usage, qu'Aristote ou Bodin. Les Châtiments ont fait du vers un cri de rage. Philosophie, fragment, roman, mémoire, biographie, essai, théâtre : le livre politique a embrassé tous les genres littéraires. Une objection est parfois formulée par certains écrivains, parmi les plus admirables. Pour eux, l'écriture serait nécessairement en rupture de ban à l'égard du monde, donc de la politique, afin de forger son propre territoire. La littérature a-t-elle d'autres fonctions qu'elle-même ? On ne tranche pas un tel débat en quelques lignes. Deux remarques seulement. D'une part, nous entrons dans un âge où l'imaginaire, s'il reste puissant, ne dépasse plus le réel mais l'accompagne ou s'en inspire le plus souvent : économie et société, biotechnologies et éthique, global et local posent des questions qui, désormais, défient l'anticipation et excèdent la fiction. En outre, ceux qui font couler le sang, dictateur à Berlin ou général à Santiago, n'aiment pas beaucoup voir couler l'encre. Autodafé, fatwa, censure : on tient un stylo ou un fusil, on frappe sur un clavier ou sur un visage. Le geste même d'écrire est fondamentalement politique. Mettre en page, désormais mettre en ligne, c'est d'une certaine façon mettre le monde en marche. Projets, programmes, constitutions, chants, hymnes, discours : les convictions à défendre, les réformes à accomplir se nourrissent de phrases rédigées, de propositions publiées, d'ouvrages diffusés. Je crois que la force du livre politique et son succès trouvent leur source dans cette quête de sens, cette demande d'action. La fin des idéologies, que les années 1990 ont proclamée, n'a heureusement pas mis un terme aux idées. Qu'on jette un _il, pour s'en convaincre, sur le classement des meilleures ventes. Chaque récit est une analyse, chaque biographie un regard, chaque investigation une mise en garde. Parce qu'elle possède ses codes et ses symboles, la vie publique a besoin qu'on la décrypte. L'écrivain politique est le géologue de notre démocratie : il en extrait l'éclat par-delà les couches sédimentaires qu'on appelle domination de l'instant, emprise de l'opinion ou préférence pour le spectaculaire. La démocratie n'est pas qu'un mécano d'institutions, elle relève d'abord d'une exigence morale : c'est pourquoi le livre politique la renforce à chaque page. Les précédents Lauréats du Prix du Livre Politique 1995 - La Journée du Livre Politique crée pour sa cinquième édition le Prix du Livre Politique. Son premier lauréat, François Furet, est félicité par le Président du Sénat, René Monory, ravi de ce choix. Pour lui, l'ouvrage couronné Le Passé d'une illusion (Robert Laffont), est une œuvre monumentale et incontournable. 1996 - Quand un jury de journalistes distingue les mémoires d'un ancien Premier Ministre, c'est un événement ! Un baume sur Les Blessures de la vérité de Laurent Fabius (éditions Flammarion). Philippe Douste-Blazy, alors Ministre de la Culture, congratule le lauréat, avec humour et sympathie. Ce n'est pas tous les jours qu'un ministre en exercice consacre un ancien Premier Ministre. 1997 - La Journée du Livre Politique s'installe à l'UNESCO et met en place sa première visio-conférence avec New York. A Paris, Jean-François Revel s'impose, face à des ouvrages d'une exceptionnelle qualité. La Présidente du Jury, Élisabeth Badinter, le félicite pour son livre de mémoires : Le Voleur dans la maison vide (éditions Plon). 1998 - Retour à la Présidence de l'Assemblée nationale. Régis Debray est le premier lauréat du Prix du Livre Politique à être primé à l'unanimité du Jury, lequel a tenu à rendre hommage tant à la qualité de sa réflexion qu'à la beauté de son écriture. Laurent Fabius le félicite chaleureusement pour son ouvrage : Par Amour de l'Art (Gallimard). 1999 - Deuxième année consécutive à la Présidence de l'Assemblée nationale. Laurent Fabius remet le 5ème Prix du Livre Politique à Alain Duhamel pour Une ambition française (Plon), essai d'envergure et de qualité ancré dans l'actualité européenne à laquelle était consacrée la 8ème Journée du Livre Politique. 2000 - Jean Guisnel est le lauréat du Prix du Livre Politique 2000. Laurent Fabius le lui remet pour son ouvrage journalistique: Libération, la biographie. Une aventure moderne (La Découverte). Le prix du Livre politique remis par Raymond Forni, président de l'Assemblée nationale et Jean-Claude Casanova, Président du Jury Le Prix du Livre Politique récompense, chaque année, le meilleur livre à thème politique. La Sélection Le Règlement Le Jury du Prix du Livre Politique 2000 Président du Jury, Jean-Claude Casanova, Membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques), Membre du Conseil économique et social, Directeur de la revue Commentaires Secrétaire Général, Jean-Philippe Moinet, Journaliste à La Chaîne Parlementaire, Assemblée Nationale Membres du Jury Jean-François Bège, Directeur de l'agence parisienne - Sud-Ouest Le prix étudiant du livre politique Pourquoi un Prix étudiant du Livre Politique ? Qu'est-ce qu'Anima'Fac ? L'Organisation du Prix Étudiant par Anima'Fac Le Prix Étudiant du Livre Politique est doté de 15 000 Francs (2286,73 euros). Le jury étudiant Le Jury du Prix Étudiant du Livre Politique 2001 : Présidente :Jacqueline Costa-Lascoux Les Français et la lecture des Livres politiques Philippe Méchet, Directeur général adjoint de la SOFRES, Depuis près de 20 ans, la politique est déclarée en crise, presque sinistrée, conduisant les citoyens à se détourner de l'engagement dans les partis politiques, voire de la participation aux scrutins. Les 70% d'abstentionnistes au référendum sur le quinquennat sont là pour souligner ce qui peut se traduire par une démobilisation massive. Et pourtant, les Français éprouvent toujours autant de passion à traiter de la chose publique, à s'investir dans des associations, à se tourner vers les pouvoirs publics dès qu'un problème apparaît, mais aussi à continuer de manifester leur goût pour la lecture politique. Depuis 1991, la Journée du Livre Politique témoigne à la fois de la production toujours riche d'ouvrages ayant trait à la chose publique et d'un afflux de visiteurs qui ont envie d'échanger et de débattre avec les auteurs et acteurs de notre vie politique. Il faut bien reconnaître que la politique a davantage à voir, aux yeux des personnes sondées, avec l'économie, la société et l'histoire qu'avec le microcosme. Il ressort des enquêtes réalisées par la SOFRES pour la Journée du Livre Politique qu'à l'intérêt évident des Français pour les grands bouleversements du monde autant que pas ses évolutions économiques et sociales, vient s'ajouter une attente d'œuvres dénonçant les inégalités ou les injustices de notre société. Au pays de Victor Hugo, le livre est une arme ; une arme contre les pouvoirs, une arme contre les puissants. Manifester sa passion pour un ouvrage est aussi souvent un moyen de se définir dans une communauté d'idées, dans un courant de pensée et de se placer dans le débat politique. Le livre est devenu pour beaucoup de nos concitoyens une manière de s'engager, de se projeter dans l'univers public ou de s'identifier à des personnages au travers des biographies. L'Histoire politique et la biographie figurent parmi les ouvrages privilégiés du public. Et ce n'est pas un hasard, tant " ce que raconte l'Histoire n'est que le long rêve, le songe lourd et confus de l'humanité " (A.Schopenhauer) et tant les biographies nous invitent à repenser nos propres vies. C'est cela la magie de l'Histoire et du livre politique : toujours pousser l'être à faire un soi-même avec de l'autre et à réfléchir sur son devenir. La dixième édition de la Journée du Livre Politique sera comme toujours le moment du débat, de l'échange et de la réflexion. Merci à Luce Perrot et à Raymond Forni de nous procurer ce plaisir. Débat 1 - 10 H 30 - Salon de la Paix présidé par Robert Badinter, Sénateur, ancien Président du Conseil Constitutionnel, ancien Garde des Sceaux animé par Jean-Pierre Elkabbach, Editorialiste - Europe 1, Président Directeur Général - Public Sénat avec Aussi longtemps qu'il y aura des hommes, ils créeront des utopies. Parce que l'utopie est invention du futur et que l'être humain a besoin de croire au bonheur, sur terre ou au ciel, pour continuer à vivre. Parce que l'utopie est porteuse de progrès, et que l'être humain ne cesse pas de transformer le réel. Qu'il s'agisse d'un univers maîtrisé par la science, d'une nature sauvegardée par l'écologie, d'une société gouvernée par la justice, d'une espèce humaine libérée des tares génétiques, sauvée des épidémies dévastratices, régénérées par des greffes ou des clonages thérapeutiques d'une information globale diffusée en temps réel par internet, dans tous les champs de la connaissance, jamais l'utopie n'a été plus florissante qu'à notre époque. Le XXIème siècle qui s'ouvre sur un apparent désenchantement des utopies en est plus porteur que ses prédécesseurs. Simplement, l'horizon de l'utopie s'est élargi à la mesure des avancées du savoir et des progrès de la technologie. Loin d'être marqué par la fin des utopies, le XXIème siècle en sera le temps privilégié. Robert Badinter Débat n°2 - 15 H 00 - Salon de la Paix présidé par Jean-Marcel Jeanneney, Ancien Ministre, Président d'honneur de l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques animé par Erik Izraëlewicz, Rédacteur en chef - Les Echos avec Des entreprises plus riches que des États, des réseaux plus influents que des nations, des marchés plus puissants que les élus: avec ce qu'il est convenu d'appeler, d'une manière rapide, lamondialisation, les hommes politiques ont de plus en plus le sentiment d'avoir été dépossédés de leurs pouvoirs. Désormais, l'économie dicterait sa loi à la politique, les marchés imposeraient leur dictature aux peuples du monde entier. Partout, les responsables politiques ont le sentiment que leurs marges de manoeuvre se sont considérablement réduites au cours des dernières années. S'agit-il là d'une réalité ou d'un simple alibi ? Avec le marché-roi, la réduction des distances et la suppression des frontières, les nouvelles technologies ont transformé l'économie. La politique a-t-elle tiré toutes les leçons de cette transformation ? Erik Izraëlewicz Débat n°3 - 16 H 15 - Salon de la Paix présidé par Hervé Bourges, Ancien Président du CSA, Président de l'UIJPLF avec Politique et médiatique sont dans un bateau, l'un des deux tombe à l'eau Qu'est-ce qui reste ? Pas grand chose, bien sûr, de notre bonne vieille République démocratique, qui a vu s'opposer, ou collaborer jusqu'à l'indécence, des pouvoirs de contrôle fondamentalement différents. Aujourd'hui, il nous faut réinventer les règles du vivre ensemble, en respectant, chacun, scrupuleusement, la libre démarche de l'autre. Ce ne devrait pas être trop difficile avec les nouvelles techniques de communication, et de maturité des nouvelles générations. D'autant que, responsables politiques et journalistes ont progressé, ces dernières années, face à des censeurs bien différents : les électeurs, pour les premiers, et les lecteurs-auditeurs-téléspectateurs pour les seconds. Comme le disait il n'y a pas si longtemps, Jean-François Lemoîne, notre regretté confrère du journal Sud-Ouest : L'information est un métier qui a sa propre logique. Sil vous plaît, Messieurs les hommes politiques, respectez-là. Car les seuls censeurs que nous nous reconnaissons ne sont pas dans vos rangs, ce sont nos lecteurs. Jolie formule pour nourrir un débat ! Ivan Levaï Jean-Marc Roirant, Secrétaire général de la ligue de l'enseignement Voilà dix ans déjà, se déroulait la première Journée du Livre Politique. Dix ans plus tard, une fois encore, la Ligue de l'Enseignement soutient et participe activement à ce rendez-vous important. Il y a au moins trois bonnes raisons à ce soutien actif. - La première tient à la vocation, à l'histoire et à la nature même de notre mouvement. Se voulant depuis sa création un espace permettant au plus grand nombre d'accéder au savoir et à la culture, organisée en un vaste réseau fédérant plus de trente mille associations et rassemblant plus de deux millions trois cent mille adhérents, la Ligue a fait de la citoyenneté la clef de voûte de son projet et de son action. Non pas une citoyenneté réduite au seul usage du suffrage universel, mais bien davantage une citoyenneté active permettant à chacun, en tout lieu, à tout moment, de s'informer, de s'exprimer et d'agir. - La seconde tient au mérite de nos amis de l'association Lire la Politique, organisateurs de cette Journée. Comment pourrions-nous ne pas être à leurs côtés lorsque ceux-ci se fixent pour objectif le retour du politique par la revalorisation du débat d'idées ? L'association animée avec ténacité et talent par Luce Perrot depuis sa création, développe un peu plus le champ de ses interventions, notamment par la création d'un Prix Européen du Livre d'Économie et surtout, en partenariat avec La Ligue, d'un Prix Citoyen de la Communication, "Le Prix Médiation". Le premier du genre fut remis en août dernier, dans le cadre de l'université de la communication" que nous organisons chaque année à Hourtin, à Daniel Schneidermann pour son émission "Arrêt sur images ". - Enfin, ultime raison de notre soutien, l'importance centrale accordée à l'écrit, donc à la lecture, au cours de cette Journée. Mouvement d'éducation populaire, la Ligue de l'Enseignement a toujours fait du livre et de l'écrit les instruments privilégiés du savoir et de la culture qui sont les conditions premières de l'engagement civique. - Cette dixième édition sera pour nous l'occasion d'un investissement affirmé dans son déroulement par la coordination d'un débat touchant à une question qui est pour nous centrale: " Militantisme et nouvelles formes d'engagement. " Débat n°4 - 17 H 45 - Salon de la Paix présidé par Claude Estier, Sénateur, Président du groupe Socialiste animé par Laurent Joffrin, Directeur de la Rédaction - Le Nouvel Observateur avec Rony Brauman, Ancien Président de Médecins Sans Frontières, Membre de la Fondation MSF L'engagement. Naguère, malgré leurs frictions, philosophes, politiques et militaires étaient d'accord avec le caricaturiste : engagez-vous, rengagez-vous... La politique et la pensée étaient la continuation de la guerre par d'autres moyens. S'engager, prendre parti, prendre un parti, se décider dans la liberté par un acte de volonté, s'y tenir, se sentir responsable. Se lier individuellement à la collectivité : dire non à la France, à Pétain, et oui à la Résistance, à de Gaulle. Partir seul mais se retrouver ensemble dans le groupe en fusion, y trouver sa morale et le sens de sa vie dans la fidélité et la solidarité. Mon parti m'a rendu les couleurs de la France... Après la cérémonie des adieux aux lendemains qui n'ont pas chanté, aux prophètes qui se sont trompés, ou aux princes qui en ont abusés, le temps du dégagement serait-il venu? Faudrait-il brûler ce que nous avons adoré : maudits soient nos seigneurs et redevenons des chats qui s'en vont tout seuls... Mais que seront alors le bien commun, l'intérêt général, la république, la nation ? Se dégager d'accord mais pour aller où et pour comprendre quoi ? pour repasser éternellement après Montaigne et Voltaire : Il faut nous dénouer d'avec la société parce que nous n'y pouvons rien apporter , cultivons notre jardin le sentier déjà emprunté de l'éducation politique à la française ? Ou plutôt pour rompre une fois pour toute avec la confusion des genres : pour ne plus mélanger la transcendance et l'action, la religion et la politique, la moralisation et la morale, la volonté (de puissance) et la liberté, en construisant cette fois, pas à pas, par les choix incertains et rectifiables des individus, la démocratie commune. Engagez-vous ou dégagez-vous, mais à temps et dans le temps de la vie humaine. Blandine Kriegel Atelier n°1 - Lire la politique présidé par René Rémond, Historien, Membre de l'Académie française, Président de la Fondation Nationale de Sciences Politiques animé par Michèle Cotta, Directrice Générale - France 2 avec Enki Bilal, Auteur, Dessinateur Il est difficile de définir un livre politique. D'abord parce qu'il correspond à plusieurs formes : essai, biographie, mémoires, débats à plusieurs voix dans une revue, et même roman, poésie, Bande Dessinée ou pièce de théâtre. Leur point commun ? Intervenir dans le débat politique, discourir sur la politique, ou sur les hommes politiques et, parfois, marquer dans son oeuvre un engagement politique. Le livre, cet espace ouvert, libre dans sa forme comme dans son contenu, laisse place au développement des idées, à leur argumentation, loin des cadres convenus des petites phrases, des interviews de quelques minutes où le ton l'emporte sur le fond. Alors que la politique disparaît progressivement des plateaux de télévision et des postes de radio, ou devient un argument de vente pour des émissions de divertissement, le livre politique, malgré son caractère protéiforme, pourrait ainsi apparaître comme un élément indispensable, une sorte de dernier refuge pour le débat public. Mais le livre doit être vivant, ce qui ne semble pas toujours le cas. En effet, le livre politique peut également devenir un rite, se traduisant par la parution régulière de livres de campagne, associés à la promotion de tel ou tel candidat, ou même de biographies de précurseurs célèbres, érigés en miroirs de leurs auteurs, et débouchant sur des textes certes de qualité, mais dont on peut se demander s'ils sont écrits pour être lus ou pour donner matière à un éditorial dans un quotidien, et surtout à un entretien au journal de 20h00. Alors quelle place pour l'écrit, à l'heure où toute construction intellectuelle et politique ambitieuse est suspectée au même titre que les idéologies du début de siècle ? Quelle place à l'heure où le débat politique peine à trouver sa place face au primat de l'économique et à la suspicion qui pèse, via les affaires, sur le monde politique ? Le livre n'est-il pas justement l'espace de reconquête que les politiques attendent pour redonner toute sa noblesse au débat ? Reste alors à savoir comment écrire : mettre en avant la rigueur du raisonnement face aux raccourcis audiovisuels est une solution. Une autre est de mélanger les genres et de redonner sa force à une littérature politique bien absente aujourd'hui, en ayant en tête la nostalgie des grands écrivains engagés : écrire avec à l'esprit la voix poétique de Victor Hugo ou de René Char, le poids théâtral de Bertolt Brecht, la force de Zola ou de Malraux... Emmanuel Suard Atelier n°2 - 15 H 30 - Salle des Fêtes introduits par : Christophe Barbier, Rédacteur en
chef - L'Express Lectures par : Daniel Bérioux, Henri Delmas, Gretel Delattre, Frédéric Cherboeuf, Etienne Coquereau, Mathieu Marie, Sarah Mesguich, Michèle Taïeb, Jonathan Cixous, Isabelle Starkier, et les comédiens de la Fabrique des Artsd'à côté. Le 11 septembre 1848, Victor Hugo se lève au milieu de l'Assemblée constituante, respire profondément et se lance dans son oraison : La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre. Composer un éditorial, brosser un article ou écrire un livre politique, c'est en quelque sorte rapprocher ces deux miroirs, instaurer le dialogue entre les mots et le vote... Parce que qu'il est inspiré, tout grand texte politique est un texte poétique. Au sens propre, en ce poïen antique qui dit que le mot porte l'action : ce qui se dit se fait en se disant. Quand elle est proférée, sous la mitraille de barricades ou face à la houle d'un hémicycle hostile, la parole politique devient vivante, atteignant en cette fonction tribunicienne son fondement démocratique. Nourris de poésie, les comédiens redonnent aux textes politiques cette vibration de vie et réveillent devant nous ces mots de République ou de Résistance, pour lesquels certains ont su mourir. Christophe Barbier Espace Signature Laure Agron, Histoire du vocabulaire fiscal, LGDJ - Montchrétien Instances de la Journée du Livre Politique Création : Septembre 1991. |