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Assemblée générale du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés
à l'Assemblée nationale le vendredi 12 mai 2000

Message de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Les réfugiés et les exilés ont laissé derrière eux leur foyer, leurs amis et souvent tous leurs moyens de subsistance. Certains ont fui instinctivement, face à une menace imminente et terrible. D'autres ont pris la pénible décision de quitter leur pays, après avoir épuisé toutes les autres possibilités. Ce sont, dans leur immense majorité, des femmes et des enfants. Tous ont vu leur vie bouleversée par des événements échappant totalement à leur contrôle. Tous seraient en danger s'ils étaient renvoyés chez eux.

Baromètre tragique des violences politiques, le nombre des réfugiés dans le monde a doublé au cours des dernières années pour atteindre 22 millions de personnes en 2000, auxquelles il faut ajouter 25 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, fuyant non seulement les persécutions, mais également les guerres, les désastres écologiques comme la désertification, la famine, l'oppression sous toutes ses formes.

Mais la caractéristique majeure du problème des réfugiés, au-delà même de son ampleur, c'est qu'il s'étend au monde entier et concerne principalement les pays les plus pauvres. Ainsi plus du tiers des réfugiés recensés se trouvent sur le continent africain. Pour la seule région des Grands Lacs d'Afrique, on dénombre plus de six millions de réfugiés et de personnes déplacées ! Le continent européen n'est pas épargné par ce phénomène. L'éclatement de l'ex-Yougoslavie a ainsi entraîné le déplacement de plus de trois millions de personnes. Si beaucoup de réfugiés et de personnes déplacées sont rentrés chez eux, d'autres attendent encore de pouvoir regagner leur foyer dans la sécurité et la dignité et ont besoin à cet effet de l'appui de la communauté internationale.

Chaque réfugié a le droit de bénéficier d'une protection internationale. Malheureusement, le dispositif censé assurer cette protection est encore insuffisant. En effet, véritable pilier de la solidarité internationale en faveur des réfugiés depuis sa création en 1951, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ne dispose pas des moyens suffisants pour faire respecter les droits des réfugiés. Les événements à l'origine des flux de réfugiés (guerres, conflits ethniques, persécutions, etc.) échappent en grande partie à son action ou à son influence qui se limite, en vertu de ses statuts, au seul aspect humanitaire. Or l'intervention humanitaire ne peut se substituer à l'action politique, seul l'arrêt de tels événements étant à même de faire disparaître les causes à l'origine de ces flux de réfugiés. L'histoire des crises humanitaires montre que seul l'engagement de la communauté internationale est à même d'éviter le déplacement forcé de populations. Les exemples récents du Kosovo et du Timor Oriental en sont une bonne illustration.

Dans ce contexte, il convient de rendre hommage à l'action courageuse du HCR qui, sous l'impulsion de Madame Ogata Sadako, tente de diminuer les contraintes inhérentes à son statut intergouvernemental, en mettant en place un système de réponse rapide à l'urgence, cherchant ainsi avec les Organisations non gouvernementales, les autres agences des Nations Unies et les médias, à rendre plus efficace le réseau d'aide aux réfugiés dans le monde. Reste que les programmes du HCR continueront à dépendre des contributions volontaires des gouvernements et, bien entendu, de leur appui politique.

Devant l'ampleur et l'extension géographique du phénomène des réfugiés, nous ne devons pas nous laisser aller au découragement. Il est regrettable que les Etats soient de plus en plus réticents à ouvrir leurs frontières aux réfugiés et à contribuer à la résolution politique et militaire des crises humanitaires. Il faut affirmer, au contraire, la volonté constante de préserver la dignité humaine, de mettre un terme aux souffrances que des hommes infligent à d'autres hommes pour des raisons que le c_ur rejette et que la communauté internationale condamne.

Toutes les énergies doivent être mobilisées et toutes les solutions explorées pour aider les réfugiés. Vous pouvez compter en cela sur le soutien sans faille de la représentation nationale qui est particulièrement heureuse d'accueillir dans ses murs l'assemblée générale du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés, à l'initiative de France Terre d'Asile. Il est en effet indispensable de continuer à alerter l'opinion publique française et, au-delà, la communauté internationale, sur la situation des millions de réfugiés dans le monde.