Accueil > Archives de la XIe législature > Discours de M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale

Colloque « Le cheval - passion, tradition, et démocratisation »
organisé par François Patriat, député de Côte-d'Or
le 25 mai 2000 à la Maison de la Chimie

Introduction par M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Il est rare que les grands enjeux d'un secteur caractérisé par sa diversité apparaissent aussi clairement que dans l'intitulé de ce colloque que j'ai grand plaisir à introduire. Le cheval : passion, tradition et démocratisation. Passion, cela veut dire que tous les acteurs s'engagent à fond, mais peut-être aussi qu'ils peuvent parfois avoir une vision un peu exclusive de cet engagement. Tradition, cela signifie que l'on perpétue de génération en génération une certaine vision de l'équitation, mais aussi que l'on peut avoir du mal à voir celle-ci changer. Enfin, démocratisation, cela signifie que l'on constate ou que l'on souhaite une évolution de fond, mais que celle-ci risque de bousculer certaines habitudes. Je félicite donc François Patriat d'avoir pris l'initiative de ce colloque, et de poser aussi clairement les termes de cette journée de débats.

Il est trois sujets qui me semblent devoir revenir de manière récurrente au cours de vos travaux, et que je souhaiterai effleurer en guise d'introduction : l'évolution du rôle de l'Etat, la professionnalisation de la filière du cheval, et le décloisonnement entre les composantes de celle-ci.

En tant que premier intervenant, je ne crains pas la redite en rappelant que le cheval est la plus noble conquête de l'homme - ce que personne ne démentira ici - mais en rappelant que cette citation n'a plus, dans notre esprit, le sens que lui donnait Buffon, beaucoup plus utilitariste, celui d'un simple véhicule militaire. C'est d'ailleurs avec la même idée militaire que Colbert avait créé, un siècle auparavant, les haras nationaux, l'armée se trouvant confrontée à la nécessité de sécuriser ses approvisionnements.

Une page aura été tournée avec les taxis de la Marne, qui auront probablement cantonné les chevaux aux activités de loisirs. Nul ne s'en plaindra aujourd'hui, même si je dois avouer que je suis loin d'être insensible à l'allure de la haie d'honneur que forment les cavaliers de la Garde Républicaine dans l'allée qui mène à l'Hôtel de Lassay, lorsque je suis amené à recevoir un chef d'Etat.

Aussi, il était sûrement urgent, 430 ans après leur création, de modifier le statut des haras nationaux. C'est désormais chose faite, et le nouvel établissement public des haras, plus proche du terrain, sera mieux à même d'accompagner les évolutions tout en poursuivant sa mutation. Ce devra être avant tout un lieu de débat, notamment entre le public et le privé, qui permettra à la filière du cheval de s'adapter en permanence à l'évolution du secteur, entamée au début du siècle, et en forte mutation depuis une quinzaine d'années.

Les courses, leur professionnalisme, leur organisation, leur financement, offrent une vitrine assez exemplaire de la France dont ne profite probablement pas suffisamment l'ensemble de la filière. Si le grand public est sensible à cette image, il me semble qu'il attend - et qu'il demandera de plus en plus - une offre professionnelle de ce qu'on pourrait appeler le cheval loisir, qui devra être en mesure de toujours fournir les prestations proposées. S'il est évident que ceux qui créent un centre équestre le font par passion, il est tout aussi évident qu'ils doivent tous en faire avant tout un vrai projet professionnel et mettre leur métier au service de leur passion afin de faire partager durablement celle-ci.

Il y a une véritable continuité dans la pratique du cheval, entre le poney, en plein développement, qui permet aux enfants de découvrir le plaisir de la pratique, les centres équestres qui doivent permettre aux jeunes de progresser, et les pratiques adultes, de la promenade au sport de compétition en passant par la randonnée. Il est essentiel que toutes ces activités liées au cheval soient organisées de manière harmonieuse - car elles sont profondément dépendantes les unes des autres - à travers une fédération française de l'équitation unifiée, largement ouverte à l'extérieur, et attentive aux évolutions des pratiques.

J'aurai pu évoquer longuement le rôle important que pourra tenir le cheval pour l'aménagement du territoire à travers la vitalité du monde rural et l'occupation de l'espace, mais il me semble que si ce rôle doit bien évidemment être fortement encouragé, il est avant tout naturel et tributaire du dynamisme de la filière. La France dispose de tous les atouts ; image, espace, adaptation récente des structures de décision. Nous ne devons pas laisser passer l'opportunité qui nous est offerte de développer les activités équestres, dans une société de plus en plus orientée vers les loisirs.

Je vous souhaite un excellent travail.