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Remise du Prix littéraire des « Nouveaux Droits de l'Homme »,
à l'Assemblée nationale le mardi 17 octobre 2000

Discours de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Mesdames les Présidentes,

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

C'est une joie et un honneur pour moi de vous accueillir ce soir à l'Assemblée nationale. Je crois que vous ne pouviez trouver meilleur endroit que cette maison, où bat le coeur de la démocratie. Parce qu'il est un élu de la nation, le député est naturellement le défenseur des droits de l'homme et du citoyen, partout où ils sont menacés. L'Assemblée que je préside est dans son rôle lorsqu'elle accompagne la marche de la liberté, lorsqu'elle met sa parole au service des valeurs humanistes qui fondent notre République.

Rien n'est plus actuel, rien n'est plus essentiel. L'urgence qu'il y a à défendre les opprimés, à dénoncer les atteintes aux principes universels de 1789, n'a pas disparu. Au contraire. Les progrès ne doivent pas avoir raison de notre vigilance. C'est pourquoi, en ce jour qui est aussi la Journée mondiale du refus de la misère, je tiens à saluer l'action de Pierre Bercis et de son association. Depuis plus de vingt ans, vous êtes au premier rang du combat pour les droits de l'homme. Vous avez fait des idéaux républicains et démocratiques les plus belles armes de votre lutte. Avec audace et enthousiasme, vous portez sur tous les continents votre message de paix, de justice, de tolérance. Soyez salués et remerciés pour votre dévouement de tous les instants.

Ensemble, nous allons remettre ce soir le Prix des Nouveaux Droits de l'Homme à Madame Fariba Hachtroudi, pour son livre Iran, Les rives du sang, distingué cette année par votre jury. Nous honorons son oeuvre et son talent ; nous rendons aussi hommage à son courage et à sa détermination.

Madame, quand, en 1979, l'Iran a basculé dans la nuit de l'intégrisme et la dictature religieuse, vous avez choisi la liberté. Vous avez choisi la France. Et c'est aujourd'hui parmi nous, partagée entre deux cultures chères à votre coeur, que vous poursuivez votre combat contre la violence et le fanatisme.

Votre second roman, Iran, Les rives du sang, est le reflet de votre engagement en faveur des droits de l'homme. Votre livre, fort, dur, passionnant, ne vaut pas seulement par son intrigue policière : suivre l'inspecteur Tadjik dans son enquête sur la mort suspecte de cette vieille femme de Téhéran, c'est aussi découvrir le tableau d'une société iranienne blessée, meurtrie, déchirée par vingt années de dictature religieuse.

A l'heure où l'Iran laisse entrevoir quelques signes d'ouverture, vous dévoilez une terre entre ombre et lumière, où l'obscurantisme des hommes n'a pas altéré l'éclat de sa beauté. Vous nous faites partager les attentes et les doutes d'un pays fragilisé par deux décennies de peur et d'arbitraire. Vous nous plongez au coeur de votre révolte pour nous rappeler, simplement, sobrement, combien est longue et difficile la conquête de la liberté.

Dans votre livre, cette quête est d'abord celle de femmes iraniennes, d'hier, d'aujourd'hui et de demain. De ces mères et de ces filles, qui refusent la soumission ; qui, chaque jour, ont le courage et la force de se lever contre l'oppression. Vous lisez l'avenir de votre pays dans l'âme et le coeur des femmes, comme votre héroïne voit dans leur ventre les convulsions du monde. Vous avez choisi de rendre hommage, dites-vous, à ces « combattantes de la liberté et à toutes celles qui disent non à l'intolérance et à la barbarie ». Vous portez aujourd'hui leurs désirs et leurs espoirs.

En vous lisant, j'ai pensé au Tableau Noir, ce film distingué au Festival de Cannes, cette magnifique fable poétique réalisée par votre compatriote Samira Makhmalbaf. Comme elle, vous avez la conviction que, pour briser la loi du silence et de la tradition, il faut être, s'affirmer, agir. Le crime contre la paix commence avec la volonté de tuer le désir de créer. A un moment où les intégristes brûlent les livres et condamnent à mort les écrivains, vous avez choisi, vous aussi, de résister.

« Il faut persévérer, c'est le seul remède, notre seule arme... Il faut se battre pour notre liberté. La désirer éperdument, comme le plus aimant des amants. Il faut la gagner par le plus ardent des amours ».

Ces mots sont les vôtres. Ce combat est le nôtre. C'est la raison pour laquelle je suis particulièrement heureux de vous remettre ce prix. Que cette distinction soit le témoignage de mon amitié et de mon engagement à vos côtés.