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« Etats Généraux de la Sclérose Latérale Amyotrophique »
à l'Assemblée nationale le lundi 23 octobre 2000

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames, Messieurs,

Soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale, où j'ai grand plaisir à vous accueillir pour vos Etats Généraux. Je remercie chaleureusement Madame Michèle Fussellier, Présidente de l'Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, de m'avoir proposé d'introduire vos travaux. J'y vois l'occasion, trop rare, de vous dire l'intérêt que la représentation nationale porte à la question des droits des malades et des handicapés, et de vous assurer de son entier soutien. J'espère que l'Assemblée que je préside prendra une part active à la réalisation des projets définis au cours de cette journée.

Il est difficile de connaître avec précision le nombre de personnes handicapées en France, mais il est certain que la sclérose latérale amyotrophique, qui touche aujourd'hui près de 10 000 personnes, est une des maladies neurologiques dégénératives les plus sévères et les plus fréquentes.

Membres d'associations de malades ou thérapeutes, coordonateurs de soins ou chercheurs, je sais combien votre travail est difficile. Vous soignez et soutenez des malades, souvent jeunes, qui devront affronter une maladie gravement et rapidement invalidante. Vous tentez de répondre aux besoins de malades atteints d'une affection peu connue, pour laquelle il n'existe pas encore de traitement curateur. Vous cherchez à mieux comprendre cette maladie, pour y apporter un remède. Soyez salués, et remerciés, pour vos efforts et votre dévouement de tous les instants.

Affronter cette maladie, c'est faire face aux handicaps et à un environnement trop souvent inadapté. C'est faire face à l'inaccessibilité soudaine, pour les malades, de leur cadre de vie : les rues, les moyens de transport, leur domicile ou leur lieu de travail, pour ceux qui ont la possibilité de le conserver. C'est faire face à la perte d'autonomie, progressive et irrémédiable.

Les particularités de la sclérose latérale amyotrophique rendent les difficultés que rencontrent habituellement les handicapés plus douloureuses encore. C'est une maladie rare qui répond à la définition des maladies « orphelines », ce mot dans lequel j'entends aussi la détresse et l'isolement de ceux qui en sont atteints. Cette affection est mal connue des médecins ; son traitement, ses lieux et ses modalités de prise en charge spécialisée ne le sont pas davantage.

La recherche avance, le savoir scientifique existe mais la grande majorité des médecins ne parvient pas facilement à en prendre connaissance. Les progrès sont souvent ignorés des malades et de leur famille, isolée, impuissante. Trop peu de médecins sont spécialistes de cette maladie, et, parmi les autres praticiens, peu nombreux sont ceux qui orientent leurs patients vers les consultations spécialisées.

Je suis convaincu que vous allez nous montrer aujourd'hui que la prise en charge des malades est possible et, comme le dit le professeur Meininger, qu'il faut réviser le jugement selon lequel « il n'y a rien à faire ». Il y a toujours quelque chose à faire : un geste, une parole, un sourire. Cette prise en charge doit être faite dans des centres spécialisés afin de permettre un diagnostic plus rapide, une mise sous traitement plus précoce, un accompagnement du malade et de sa famille plus adapté, et surtout plus humain.

Vous devez, nous devons également relever un grand défi : celui de la dépendance, liée à l'âge, aux handicaps ou aux affections dégénératives. En raison des progrès scientifiques et techniques, grâce aux performances médicales toujours plus grandes, les décennies futures verront la population dépendante s'accroître. Il n'est pas concevable que le pays dont la médecine est une des meilleures au monde, classée première par l'OMS, puisse ignorer cette part croissante de sa population. Il n'est pas acceptable que ses élus choisissent de ne pas entendre ses souffrances, ses attentes, ses espoirs. J'y vois une urgence et une nécessité.

Votre présence ici témoigne d'une même conviction et d'un même engagement : nous devons rapidement mettre en oeuvre une véritable politique de prise en charge de la dépendance. Il nous faudra apporter notre plus grand soutien aux équipes médico-sociales soignant les malades ; il nous faudra unir nos efforts pour rendre plus accessibles notre urbanisme, nos logements, nos transports. Ces initiatives visent un même objectif : rendre les malades plus autonomes, leur permettre de mieux vivre au quotidien.

Les soignants, les chercheurs et les malades sont, bien sûr, directement concernés. Mais pas seulement. Tous les acteurs sociaux doivent se mobiliser en faveur de cette grande cause. La recherche, la connaissance scientifique des maladies et de leurs mécanismes seront déterminantes pour améliorer le traitement et la prise en charge des malades. Nous attendons évidemment avec impatience chaque découverte, qui est une avancée pour la médecine et une victoire sur la sclérose latérale amyotrophique. Je crois à la vertu du progrès ; mais je crois aussi à l'éthique de la solidarité, sans laquelle il n'y a pas de société organisée, une société à visage humain !

Je ne doute pas que vos débats et vos échanges de ce jour soient une contribution précieuse à notre réflexion sur l'assistance à apporter aux personnes handicapées. J'espère que vos conclusions seront entendues par le plus grand nombre, pour que nous puissions, ensemble, enfin progresser dans la voie de l'intégration et de l'autonomie. Soyons unis et solidaires : nous ne serons que plus forts face à la maladie. C'est le voeu que je forme aujourd'hui ; ce doit être notre projet pour demain.

Je vous souhaite de bons et fructueux travaux.