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Remise du Prix du livre Politique pour la jeunesse à M. Xavier-Laurent Petit
pour son roman « Fils de Guerre »
à l'Assemblée nationale le jeudi 23 novembre 2000

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Madame la Présidente,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Monsieur,

C'est une joie pour moi de vous accueillir ce soir à l'Assemblée nationale. Ensemble, nous allons remettre le Prix du Livre Politique pour la jeunesse à M. Xavier-Laurent Petit, pour son roman Fils de Guerre.

Depuis quelques années déjà, le Prix du Livre Politique pour la jeunesse, décerné par l'Assemblée nationale, distingue l'ouvrage d'un écrivain de langue française qui contribue à faire connaître les problèmes politiques, économiques et sociaux de notre temps à ceux qui seront les adultes de demain.

Je souhaite remercier chaque membre de ce jury pour sa rigueur, mais aussi pour son enthousiasme. Tous ont su faire preuve de l'esprit de sérieux et d'ouverture qu'exigeait leur responsabilité. Je tiens en particulier à féliciter Madame Michèle Kahn, Présidente du Jury, pour sa manière si vivante d'animer les débats en respectant l'opinion de chacun.

La sélection qui précède toute attribution d'un prix fut, cette année encore, d'excellente qualité. Editeurs, auteurs, libraires, bibliothécaires : vous n'avez pas rendu facile la tâche de notre jury... C'est la raison pour laquelle, pour la première fois, il a été décidé de décerner une mention spéciale au livre de Laurent Jézéquel : Liberté de croire, liberté de penser.

Le choix fut difficile compte tenu de la variété des ouvrages. Mais, pour mieux vous accompagner dans cette tâche, en accord avec l'ensemble des membres du jury, j'ai pris la décision de proposer au Bureau de l'Assemblée nationale, pour l'année prochaine, une modification des conditions d'attribution du Prix du Livre Politique pour la jeunesse. Remis au cours du dernier trimestre de l'année, ce prix devrait désormais venir récompenser, non plus un seul ouvrage, mais un essai (ou une oeuvre documentaire) ET une oeuvre de fiction.

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Rien n'est plus important pour l'avenir de notre démocratie que de préparer chaque enfant à ses responsabilités de citoyen. A eux, demain, de construire une société plus juste, plus solidaire, plus fraternelle, propre à incarner les valeurs de notre démocratie.

Notre Assemblée est dans son rôle lorsqu'elle informe la jeunesse des enjeux du monde contemporain. Je suis fier, ce soir, de remettre en son nom ce Prix du Livre Politique pour la jeunesse.

D'autant plus fier que, comme beaucoup, j'ai pris connaissance du monde par la lecture. J'ai vécu des aventures imaginaires, rencontré des héros qui, parfois, ont accompagné ma vie d'adulte. Le temps de la lecture, si propice à la réflexion, a également nourri mes premières convictions et je regrette parfois le temps trop court qu'il me reste pour la lecture. Certains livres ne réussissent-ils pas à changer le monde ?

Aujourd'hui, les jeunes générations découvrent souvent la vie autrement. Générations de l'écran, dit-on. La tâche de l'Etat est de démocratiser cette révolution technologique et de la mettre à la portée de tous les citoyens. Notre Assemblée s'y emploie, chaque jour, et de bien des manières.

Mais de grâce n'oublions pas le livre ! N'oublions pas les pages qui se tournent ! N'oublions pas cette fièvre et cette émotion que seule procure la lecture ! Elles aident à grandir. A réfléchir. A se construire. Quoi de plus nécessaire pour nos enfants ?

Le livre de Xavier-Laurent Petit remplit cette mission avec talent. C'est un livre fort, dur, douloureux parfois. Il faut du courage pour écrire sur la guerre. Xavier-Laurent Petit décrit avec des mots justes, précis, implacables l'horreur et la lâcheté des hommes : la colère du village ; le départ du père ; la trahison de ce frère qui, vilenie ou déraison, choisit le « mauvais » camp, celui de la haine et de la dictature ; puis, la lente agonie d'une mère, meurtrie, qui peu à peu s'enferme dans le silence...

Et au centre de ce monde qui s'effondre, alors que la douceur et la sérénité de son foyer laissent peu à peu leur place à la solitude et à la barbarie, le jeune Jozef, incrédule, apeuré, est incapable de comprendre et de donner une signification à tout cela. « C'est curieux, confie-t-il au narrateur, mais maintenant, quand je t'en parle, je crois que je n'avais pas peur. Je ne pensais pas que je pouvais mourir, parce qu'à mon âge, ce n'est pas possible ».

Fils de guerre, le roman que l'Assemblée nationale distingue ce soir, dresse un tableau réaliste de la folie des hommes. Mais il nous enseigne aussi, il enseigne à nos enfants, que les valeurs survivent à la barbarie. Au milieu de la violence et du chaos, alors qu'on les fait marcher vers les lignes ennemies, Jozef prend la main de Marek, l'ami d'enfance, et ne la lâche pas. Fil fragile du récit, on retrouve également cette tendresse jamais trompée, pour la jeune Nahalia, accusée de tous les maux, et que Jozef s'efforcera toujours de protéger. Il y a enfin cet instituteur, métier, je crois, Monsieur, que vous connaissez bien, résistant traqué, désemparé, qui ne sait plus s'il doit enseigner Pythagore ou la chasse au collet, et qui tente, malgré tout, d'échanger avec son élève de hasard quelques moments de savoir et de fraternité, comme ont su me conduire de cette manière mes instituteurs d'antan.

Comme vous le rappelez si bien en tête de votre livre, Monsieur, il existe des centaines de milliers de Jozef. Dans le monde entier, ils sont les otages de la guerre. Ils sont ces « fils de guerre » que vous avez voulu décrire.

Que ce prix ce soir nous aide à ne pas les oublier.

Merci.