Accueil > Archives de la XIe législature > Discours de M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale

    Signature de l'accord de partenariat entre le Parlement européen,
    l'Assemblée nationale et la Chaîne parlementaire Assemblée nationale LCP-AN
    à l'Assemblée nationale le mardi 28 novembre 2000

    Allocution de M. Raymond Forni,

    Président de l'Assemblée nationale

    Permettez-moi de vous dire le plaisir que j'ai à vous recevoir, Madame Nicole Fontaine, ici à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la signature de cette convention de coopération entre LCP et le Parlement européen. Je voudrais expliquer en quelques mots ma conception de cette Chaîne parlementaire, qu'elle s'appelle d'ailleurs LCP-AN ou Public-Sénat. Dans mon esprit, il n'y a pas de différence. Sa première mission est d'informer nos concitoyens et au delà, de faire reculer l'anti-parlementarisme. Pour le faire reculer, le meilleur moyen est de se faire connaître, de faire connaître le travail qui est accompli ici. Je souffre toujours beaucoup de la caricature du travail parlementaire, et cette caricature nous en sommes responsables car nous ne présentons à l'opinion que la partie la moins valorisante du travail parlementaire. Ce peut être cette espèce de mise en scène finale d'un texte qui arrive dans l'hémicycle, ou les questions d'actualité, moment que l'on dit privilégié, mais qui n'est pas forcément la meilleure image que l'on offre à l'opinion publique. Le metteur en scène n'est pas toujours très bon, il a ses faiblesses comme tout metteur en scène et le résultat est que nous sommes jugés sur cela et rien que sur cela, oubliant qu'en amont, il y a un travail considérable qui est accompli par le Parlement français - au Sénat et à l'Assemblée - ou par le Parlement européen, dans le cadre de la construction européenne.

    Il faut un travail considérable pour qu'une loi soit votée. Elle n'est pas le fait du hasard ni de l'omniscience des parlementaires. C'est un travail quotidien, presque de bénédictin qui, de groupes d'études en commissions permanentes, fait qu'un projet est amélioré, amendé, peaufiné, jusqu'à ce que finalement il corresponde à l'attente de l'opinion publique. Et si nous arrivions à faire passer ce message là dans l'opinion, la cause serait évidemment gagnée. Permettez-moi de le dire en présence des deux responsables des chaînes, c'est pour cela que la chaîne a été créée et pour rien d'autre. Elle n'est pas là pour attiser les querelles entre deux assemblées qui sont institutionnellement appelées de toute manière à coopérer, comme l'indique notre Constitution. Elle n'est pas là pour attiser les querelles entre une majorité et une opposition, quelles qu'elles soient. Ce que je souhaite - par delà ces majorités qui peuvent changer -, c'est que nous accompagnions la chaîne parlementaire et quand je dis la chaîne parlementaire ce n'est pas LCP-AN, c'est la chaîne parlementaire dans son ensemble, à la place où nous sommes. Il faut lui assurer la pérennité et faire en sorte qu'au delà de nos différences et au delà de notre passage - dont chacun souhaite qu'il soit le plus long possible, moi le premier - nous ayons le sentiment d'avoir fait notre devoir par rapport à cette oeuvre de communication à laquelle on doit s'attacher. Voilà la conception que j'ai de cette tâche, et de ce point de vue ce que nous allons signer avec le Parlement européen - je le dis devant la Présidente Nicole Fontaine - est à mes yeux primordial.

    Pourquoi ? Je connais bien le Parlement européen, d'abord parce que j'y ai siégé à une époque dite bénie, mais qui ne l'était en fait pas tant que cela, où on n'était pas élu au suffrage universel, c'était avant 1979. J'y ai même siégé après, mais un temps suffisamment court puisque je n'ai fait qu'y passer, c'était en 1981, et sans doute aurais-je préféré à l'époque me trouver dans d'autres lieux que dans ce bureau du Parlement européen où je suis resté un mois, le temps que mon remplaçant arrive, en raison de la règle que nous avions fixée du non cumul entre une fonction nationale et une fonction européenne. Et je constate que le Parlement européen occupe une place de plus en plus importante dans la vie politique française.

    60 % des textes que nous adoptons ici sont d'origine communautaire, et bien entendu ils sont passés par le filtre du Parlement européen. Comment imaginer qu'un Parlement qui nous envoie autant de règles qui sont des règles communes que nous avons voulues, que nous avons souhaitées, que nous avons même désirées - car je suis, comme Nicole Fontaine, un européen convaincu - comment imaginer que cette institution essentielle par laquelle passent les règles de droit qui s'imposeront aux 15 pays membres de l'Union, examinées ici de manière je dirais presque, secondaire, n'ait pas une relation privilégiée avec nous ? Elle est d'autant plus nécessaire qu'il faut reconnaître que l'oeuvre du Parlement européen est assez mal connue par nos concitoyens. Elle ne l'est pas en tout cas suffisamment parce qu' il y a l'éloignement, parce qu'il y a la nouveauté, parce qu'il y a la complexité, bref, parce que on s'attarde peut-être trop aux problèmes de Bruxelles ou Strasbourg oubliant que là aussi, il y a du travail qui s'accomplit. Nous avons intérêt à faire connaître ce que fait le Parlement européen, et si nous pouvons le faire au travers de la Chaîne parlementaire, évidemment, je m'en réjouis.

    Je n'ai qu'un regret, c'est que les conventions avec le Parlement européen, Public-Sénat et LCP-AN n'aient pas été signées en même temps, ce qui aurait montré qu'il n'y a pas de "course à l'échalote" comme l'on dit, de course poursuite entre les deux assemblées. J'espère que ce n'est pas le cas.

    Voilà. On m'avait préparé un texte dont je me suis un peu éloigné, mais je voulais vous livrer ce que j'ai sur le coeur. Exercer la fonction de Président de l'Assemblée, c'est un honneur dont on doit être digne.

    Si on l'exerce de manière partisane, on rate l'occasion extraordinaire qui vous est offerte. Et moi je n'ai qu'un seul souci à la place où je suis, non pas de marquer l'histoire, mais tout simplement de servir l'institution qui à un moment donné m'a été confiée de manière évidemment temporaire.

    La servir c'est savoir, de temps en temps - ça peut nous arriver, car la qualité des hommes politiques est plus grande qu'on ne le dit - dépasser ses convictions partisanes ou les principes sur lesquels on fonde son action politique. Il y a un principe qui pour moi domine, c'est celui du respect des institutions de la République. La République, elle dure depuis suffisamment longtemps pour qu'on lui porte un respect infini avant que de chercher à exercer un pouvoir momentané dans une fonction déterminée qu'elle soit à gauche ou à droite. C'est sans doute parce que j'ai ce souci là que je me suis permis de sortir un peu du discours officiel pour vous livrer tout simplement le plaisir que j'ai de vous accueillir Madame, la joie qui est la mienne de signer cette convention avec vous et avec Ivan Levaï. Nous nous appuyons sur de grands talents - je pense à celui d'Alex Taylor - pour porter ces affaires européennes. C'est sans doute une chance pour nous Assemblée nationale, pour le Sénat et pour le Parlement européen et c'est une ambition qui est suffisamment grande pour que nous en éprouvions, quelque part, un peu de fierté. Donc merci Madame d'être à nos côtés ce matin.