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Hommage solennel à André Capet,
dans l'Hémicycle le mardi 23 janvier 2001

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues,

Madame,

La disparition d'André Capet fut brutale. Il nous a quittés subitement, à la veille de cette nouvelle année. La stupeur a très vite laissé place à l'émotion, celle que j'ai ressentie en allant m'incliner devant sa dépouille. Son absence nous est déjà douloureuse. Homme du Nord, homme de coeur et homme de gauche, il fut surtout l'ami et le camarade de beaucoup d'entre nous. Au nom de cette Assemblée, je lui rends hommage aujourd'hui.

Avant d'être un homme politique, André Capet fut d'abord un homme qui se voua au domaine social. De ses années de jeunesse, il avait gardé la certitude que la solidarité et le partage sont les plus grandes richesses. C'est sur le terrain qu'il a éprouvé ses convictions. Titulaire du seul certificat d'études, il entre en 1957 comme employé temporaire au service comptabilité de la Caisse d'Allocations Familiales de Calais. Il en deviendra le sous-directeur en 1988, puis un chargé de mission reconnu et apprécié.

La patience, la persévérance et la rigueur n'expliquent pas, seules, ce destin professionnel exceptionnel. Il témoigne d'abord d'une authentique sensibilité aux questions sociales, à leurs enjeux et à leur complexité parfois. Ici comme ailleurs, au cours de ses nombreuses activités, il a su être attentif à la dignité, aux attentes, aux espoirs de chacun.

Cette qualité naturelle est devenue avec le temps une expérience précieuse, irremplaçable mise au service des autres. Chef de l'action sociale, il a oeuvré, au sein de la délégation dont il avait la charge, à développer le partenariat, à favoriser la création d'équipements sociaux, et à soutenir, par exemple, l'aide au départ en vacances des plus jeunes. Il a également beaucoup réfléchi à la façon d'occuper le temps libre des enfants et des adolescents : il était convaincu que l'ennui et le désoeuvrement sont pour beaucoup dans l'explosion de violence et de délinquance qui frappent certaines de nos cités.

Mais il a surtout, et plus généralement, travaillé en faveur des familles en difficulté. Le malheur, la misère étaient pour lui ressentis comme une injustice ; la solidarité, une exigence quotidienne et un combat de chaque instant.

Cette conviction fut à l'origine de son engagement syndical. Dès 1966, il adhère à la section Force Ouvrière de la Caisse d'Allocations Familiales de Calais. Il en devient rapidement un représentant écouté et respecté, au niveau local comme au niveau régional. Proche d'André Bergeron, il n'hésite pas à lui offrir son toit lorsque le secrétaire général est de passage à Calais.

Il apprend alors patiemment la confrontation, la discussion, mais aussi la valeur d'un combat mené au nom d'idées fortes et généreuses. Homme de gauche, sincère, engagé, il décide d'entrer en politique aux côtés de ses camarades socialistes. En 1983, il devient adjoint au maire de la ville de Calais. Il rejoint en 1986 le Conseil régional, puis en 1988, il est élu député de la 7ème circonscription du Pas-de-Calais, un mandat qu'il réussira à reconquérir en juin 1997. Saluons, mes chers collègues, l'extraordinaire parcours, exemplaire de la méritocratie républicaine, de cet autodidacte qui, à la fin de sa vie, n'en avait pas oublié les débuts.

Il fut ici et ailleurs la voix des Calaisiens au sein de cette Assemblée. Une exceptionnelle capacité d'écoute et de dialogue avait su le rendre attentif aux aspirations de ses concitoyens. Lui, l'homme de la ville, n'hésitait pas à battre la campagne pour aller à la rencontre de ceux qui lui avaient accordé leur suffrage. Il était fier de cette confiance : elle était le prix de son engagement, une promesse qu'il avait faite à ceux qui l'avaient élu. Résolu à ne pas la trahir, il souhaitait tout simplement s'en montrer digne : il décida pour cela de demeurer accessible et proche de tous ceux qu'il représentait, mais également de faire écho, fidèlement, à leurs souhaits, à leurs espoirs, à leur colère aussi, à leur amertume parfois. Il fut un infatigable homme de terrain, toujours prêt à arpenter les routes pour expliquer ses projets ou faire partager ses convictions.

Les Calaisiens ont reconnu en André Capet leur représentant fidèle et sincère. Il aimait cette terre, dure et féconde à la fois ; il aimait ceux qui y vivaient. Je me rappelle, vous vous souvenez, des inflexions généreuses de sa voix, et cet accent si caractéristique des gens du Nord. Les couloirs de l'Assemblée résonnent encore de son rire profond, plein d'enthousiasme de sa voix à la victoire de son équipe. Partout où il allait, André Capet apportait avec lui la chaleur d'une région réputée à tort austère et difficile. Sa bonne humeur était communicative, sa compagnie toujours recherchée.

Nous n'oublierons pas cet homme exigeant, doué d'une formidable capacité de travail. Il a accompli en peu de temps, en ces murs, une oeuvre remarquable. Son engagement était exemplaire. Assidu, présent de jour comme de nuit, sa contribution à nos débats était souvent décisive, dans cet hémicycle comme au sein des différentes commissions auxquelles il a participé. Il fut aussi le Président remarqué du groupe d'études sur le tourisme. Chacun se souvient de la détermination avec laquelle il mit en garde notamment contre la suppression du commerce hors taxe au sein de l'Union européenne. Ses interventions dans le domaine des transports et de l'équipement furent également particulièrement appréciées.

Voyageur inlassable, il attachait beaucoup de prix à faire connaître et apprécier l'Assemblée nationale hors de nos frontières. Il fut ainsi le Président du groupe d'amitié France-Belgique, mais également le vice-président du groupe d'amitié France-Népal, et le secrétaire des groupes France-Grande Bretagne et France-Irlande. Il avait compris que la grandeur de notre pays résidait dans sa capacité à inspirer et à s'inspirer des autres.

André Capet fut un parlementaire rigoureux, une voix précieuse pour la démocratie. Son assurance dissimulait mal une tendresse et une sensibilité qu'il avait choisi de mettre au service de ses concitoyens. Avec émotion, je salue un ami fidèle, un homme d'honneur, un admirable serviteur de la République.

En pensant avec affection à son épouse Muriel, à ses enfants Lisbeth, Carine et Yan, à ses proches à qui j'adresse les condoléances émues de notre Assemblée et ma sympathie, je vous demande de bien vouloir vous recueillir à la mémoire d'André Capet.