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Réunion du groupe de travail de la Conférence des Présidents
d'Assemblées parlementaires européennes
sur la lutte contre le crime organisé et la corruption
à l'Assemblée nationale le jeudi 15 février 2001

Discours de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe,

Madame et Messieurs les Présidents,

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais simplement, pour inaugurer cette journée de travail, saluer l'initiative de notre collègue et ami, Luciano VIOLANTE, et la décision de Lord RUSSELL-JOHNSTON, de nous réunir aujourd'hui à l'Assemblée nationale afin de réfléchir ensemble à la lutte contre la corruption. Nous connaissons tous la force de leur engagement personnel, leur pugnacité, leur volonté de faire entendre la voix des politiques sur les questions qui occuperont aujourd'hui notre réunion.

Sans m'engager dans le vif de la discussion que Luciano VIOLANTE présidera bientôt, je voudrais vous livrer à titre liminaire quelques « réflexions sur les réflexions » que nous a fait parvenir Lord RUSSELL JOHNSTON.

L'application effective du droit est une indispensable exigence. Des règles existent, je n'y reviens pas. Elles doivent être réellement appliquées. Les conventions - civile et pénale - du Conseil de l'Europe ont été signées. Elles doivent encore être ratifiées par un nombre suffisant de pays signataires. Je sais que, par exemple, pour ce qui concerne la France, la préparation de leur ratification est en cours au niveau administratif. Le dispositif des réserves assez novateur et complexe explique notamment les délais que nous constatons. Nous, législateurs, sommes suspendus au déroulement de cette procédure. Il nous faut cependant faire tout ce qui peut l'accélérer. C'est pourquoi je crois essentiel que nous parvenions à un appel commun sur ce sujet, de façon à marquer l'urgence politique d'une application effective de ces textes.

Le mécanisme du GRECO1, celui du PC-R-EV2 servent un objectif voisin : assurer le respect effectif des règles de droit international en vigueur. Je suis donc très attaché à leur bon fonctionnement. Je m'interroge cependant sur la contradiction qui pourrait survenir entre la confidentialité des rapports du GRECO et du PC-R-EV - sauf décision de l'Etat concerné - et la demande que nous ferions de débattre au sein de nos Assemblées de ces rapports.

L'action du Conseil de l'Europe peut contribuer à bâtir une véritable « Europe citoyenne ». Le Code européen de conduite des élus qui est envisagé dans les réflexions de l'Assemblée parlementaire, la proposition de travailler ensemble à la formulation de règles communes ou proches sur le financement des partis politiques me paraissent aller en ce sens. L'Europe est depuis plus de dix ans aujourd'hui potentiellement réunifiée. Et l'Union européenne demeure un pôle autour duquel se construit politiquement l'unité du continent. Mais la perception que nos concitoyens peuvent avoir, dans chacun de nos pays, de la qualité de la vie civique n'est pas toujours celle que nous souhaiterions. Dans les « jeunes démocraties », de nouvelles institutions ont été établies, mais la démocratie ne se décrète pas. Elle s'apprend « en marchant », si je puis dire. Dans les « vieilles démocraties », nos institutions souvent anciennes souffrent parfois de discrédit : la démocratie est de ce point de vue un travail toujours recommencé.

Tous, nous avons donc besoin d'échanger nos expériences, de clarifier les règles existantes, voire d'élaborer ensemble des règles harmonisées. C'est ainsi une culture civique commune que nous contribuerons à bâtir. C'est pourquoi je voudrais dès maintenant marquer mon soutien aux propositions que formule, sur ces deux points, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Telles sont, mes chers collègues, les réflexions liminaires que je souhaitais vous livrer. Vous l'avez compris, je suis convaincu que nous pouvons avoir, au sein de notre Assemblée parlementaire, comme par notre action dans chacun de nos pays, un rôle décisif dans la lutte contre la corruption. Il nous faudra pour cela exprimer avec force et persévérance nos convictions. A aucun d'entre vous ces qualités ne manquent. Je souhaite à vos travaux un plein succès.

1 GRECO : Groupe d'Etats contre la Corruption. Le GRECO regroupe actuellement 28 pays :

. Etats membres du Conseil de l'Europe : Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Norvège, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, « L'ex-République yougoslave de Macédoine », Royaume-Uni.

. Observateurs auprès du Conseil de l'Europe : Bosnie et Herzégovine, Etats-Unis.

2 PC-R-EV : Comité restreint pour l'évaluation des mesures anti-blanchiment.