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Déjeuner offert en l'honneur
de M. Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal
à Belfort le samedi 23 juin 2001

Discours de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président de la République du Sénégal,

Chère Madame,

Monsieur le Ministre, cher Pierre,

Messieurs les Préfets,

Monsieur le Ministre et Député-maire de Belfort, cher Jean-Pierre,

Messieurs les Sénateurs, cher Michel et cher Louis,

Monsieur le Président du Conseil général, cher Christian,

Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Depuis plus d'un an que j'assume la présidence de l'Assemblée nationale, j'ai eu assez souvent l'occasion de participer à des déjeuners officiels comme celui-ci. Mais j'éprouve aujourd'hui, ici, à Belfort, une émotion particulière. Je ne crois pas que nous la devions seulement, et je te prie de bien vouloir m'en excuser cher Jean-Pierre, à la majesté de la ville de Belfort, ni même à l'architecture futuriste de ce bel et récent hôtel Atria.

Je crois qu'en réalité, c'est parce que je suis - nous sommes tous - conscients, Monsieur le Président, de la signification particulière de votre visite aujourd'hui dans le Territoire de Belfort.

Votre venue témoigne en effet des liens d'amitié anciens qui vous unissent à notre région. Une amitié presque aussi longue que le fleuve qui porte le nom de votre beau et grand pays et qui prend, j'oserai le dire, sa source à la Faculté de droit de Besançon, où jeune syndicaliste étudiant, vous faisiez vos premiers pas de militant et rencontriez celle qui allait devenir votre femme. Permettez-moi de vous dire combien nous sommes émus et heureux de vous retrouver à Belfort aujourd'hui, dans cette ville où vous avez décidé d'unir votre destin à celui de Mademoiselle VERT, qui allait ainsi devenir Madame WADE.

Selon la sagesse populaire : « Il y a trois genres de personnes dans le monde : celles qui font que les choses arrivent, celles qui regardent les choses arriver et celles qui se demandent ce qui est arrivé. »

Monsieur le Président, vous appartenez sans aucun doute à la première catégorie : celles qui font que les choses arrivent. Opposant depuis 1974, vous n'avez jamais douté de votre destin. Vous avez été à quatre reprises candidat à l'élection présidentielle. Et c'est seulement vingt sept ans après la fondation de votre parti, sans jamais avoir renoncé à vos convictions, que vous avez été élu à la Présidence de la République. Je salue - nous saluons tous -, Monsieur le Président, votre volonté constante et opiniâtre de faire triompher l'alternance dans votre pays.

Cette ambition pour le Sénégal et pour vous-même vous tenait à c_ur. Vous l'avez portée, vous l'avez défendue pendant des années avec la détermination que l'on vous connaît. Et vous savez convaincre. Vous êtes aujourd'hui Président de la République du Sénégal. L'histoire, comme les fables, a parfois une morale.

Nul plus que vous n'est en effet convaincu que la démocratie est non seulement le fruit mais aussi la condition du progrès social. Vous avez, en payant de la prison en 1988 votre engagement personnel, prouvé votre attachement aux droits de l'homme et à la démocratie. Vous vous êtes donné pour tâche de les faire respecter dans votre pays. Vous voulez qu'ils rayonnent dans l'Afrique entière. Vous pouvez compter sur l'engagement de l'Assemblée nationale en ce sens.

« L'Afrique noire est mal partie » prédisait il y a près de 40 ans René Dumont dont je salue la mémoire aujourd'hui. Nous parlerons tout à l'heure au cours de notre débat des difficultés de faire évoluer l'Afrique au même rythme que celui de la mondialisation. Je voudrais pour ma part souligner que toutes les crises et toutes les catastrophes qui frappent encore durement le continent africain ne doivent pas nous faire oublier les lueurs d'espoir ou passer sous silence les progrès de la démocratie sur ce continent.

Depuis dix ans, l'Afrique a en effet connu la création de plus de partis politiques qu'à tout autre moment depuis la décolonisation. La démocratie s'est enracinée au Botswana, au Mali, au Mozambique, au Bénin, à Madagascar, en Namibie, en Afrique du Sud, au Ghana, pour ne citer que quelques pays. La transition pacifique du Nigéria à un gouvernement civil a été saluée partout, comme d'ailleurs la renaissance de son Parlement.

En 2001, 32 des 54 chefs d'État ont été choisis à l'issue d'élections libres où ils ont défait des adversaires soutenus par des partis d'opposition ; en 1975, seuls trois chefs d'État avaient été choisis par ce moyen. Nous devons aussi nous rappeler que moins de 50 ans se sont écoulés depuis que le premier pays d'Afrique noire s'est affranchi de la tutelle coloniale.

Ce sont là de grandes avancées en Afrique en termes de libertés fondamentales et je tiens à les saluer.

Je tiens également à saluer la décision prise à l'occasion du sommet de l'Organisation de l'Unité africaine à Alger en 1999 où les Etats africains abandonnant ainsi leur position traditionnelle, sont convenus de ne pas reconnaître un gouvernement qui serait issu d'un coup d'État militaire.

Ces évolutions augurent bien de l'avenir de la démocratie et des libertés fondamentales en Afrique. Car nous devons en être convaincus, il n'y aura pas de prospérité en Afrique sans démocratie. Les libertés et la croissance économique sont en réalité les deux dimensions du progrès.

Tout cela doit inspirer la confiance en l'avenir du continent africain et faire reculer « l'afropessimisme » ; inspirer la confiance dans votre pays qui veut amorcer et qui peut amorcer une nouvelle dynamique fondée sur les libertés fondamentales et une croissance économique durable.

Monsieur le Président, votre visite à Belfort est donc un temps fort de l'amitié franco-sénégalaise, inscrite dans le grand mouvement de rapprochement entre l'Europe et l'Afrique qui sera, souhaitons-le, une des tendances de fond du XXIème siècle.

Oui, nos deux pays ont beaucoup à faire ensemble. Puisse votre séjour parmi nous imprimer un nouvel élan à l'amical et chaleureux dialogue entre la France et le Sénégal.