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Clôture de la session parlementaire
Hémicycle - mercredi 27 juin 2001

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le Ministre des Relations avec le Parlement,

Mesdames et messieurs les Ministres

Mes chers collègues,

Le bilan de cette session est exemplaire. Les élections municipales et cantonales nous ont certes contraints à interrompre nos travaux durant quelques semaines. Mais cette année ne fut pas moins « utile » que les précédentes : elle fut même exceptionnelle par la qualité des textes votés et la richesse de nos discussions. Nous avons en effet permis que la loi progresse sur des questions importantes aux yeux de nos concitoyens. Par la rigueur de son travail et par son attachement à faire respecter les valeurs de la République, le Parlement a encore montré qu'il était le coeur de la vie démocratique de notre pays.

Je souhaite rendre hommage à l'action du Ministre des Relations avec le Parlement, M. Jean-Jacques Queyranne, qui cette année encore, a grandement facilité notre travail. Je veux aussi saluer le respect qu'a manifesté le Premier Ministre, M. Lionel Jospin, à l'égard du pouvoir parlementaire. Jamais il n'a eu recours à l'article 49-3 de la Constitution et jamais le Parlement, en réponse, n'a déposé de motion de censure.

Au quotidien, l'efficacité de nos travaux doit beaucoup à la compétence et au dévouement du personnel de l'Assemblée nationale. Au nom de tous les parlementaires, je souhaite leur exprimer aujourd'hui nos plus sincères remerciements.

Enfin, en se faisant l'écho de nos discussions et de nos votes, la presse s'acquitte d'une tâche décisive pour la bonne santé de notre démocratie. Elle informe et suscite l'intérêt des citoyens sur les grands enjeux de nos débats. Qu'elle en soit ici vivement remerciée.

La session qui s'achève me paraît exemplaire du rôle que doit jouer le Parlement dans une République moderne. Notre rythme de travail a été soutenu ; les chiffres sont éloquents. En dépit de cette interruption de plusieurs semaines à la veille des élections municipales, nous avons ainsi siégé près de huit cent soixante dix heures en l'espace de quatre-vingt-dix sept séances. Nous avons adopté vingt cinq projets et seize propositions de loi. Environ huit mille cinq cents amendements ont été déposés ; plus de trois mille quatre cents ont été adoptés.

Au cours de cette session, quelques innovations adoptées par le Bureau de l'Assemblée ont permis d'améliorer la qualité de nos débats : le principe d'alternance dans les questions adressées au Gouvernement ; un plus grand respect du temps de parole; et enfin la décision de consacrer à l'Europe deux séances de questions d'actualité.

Les conditions étaient réunies pour voter de grandes lois. Le dernier grand bilan de cette législature montre que nous avons su entendre les exigences des Français en matière de justice sociale et de solidarité. Après la loi sur la réduction du temps de travail ; après la mise en place des « Emplois-jeunes » ; après la loi cadre contre les exclusions et l'instauration de la Couverture Maladie Universelle, nous avons poursuivi les réformes sociales que nous avions engagées. L'APA (l'Allocation Personnalisée d'Autonomie) en est un symbole fort. Elle exprime notre devoir de solidarité à l'égard des personnes âgées dépendantes, elle traduit notre volonté d'assurer à nos anciens le droit de continuer à vivre dans la dignité.

D'autres avancées, parfois plus discrètes, me semblent tout aussi significatives. Je pense à la loi sur l'interruption volontaire de grossesse et la contraception, et à la loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui, au quotidien, constituent une avancée fondamentale pour de très nombreuses Françaises. Je pense à la prime pour l'emploi, à la loi concernant la solidarité et le renouvellement urbains, à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité... Chacune de ces mesures illustre notre volonté de bâtir ensemble une société plus juste et plus humaine.

Ce regard humaniste, nous devons continuer à le porter dans le domaine social, sur des questions qui touchent au coeur de la vie des Français. Nous devons traduire leurs aspirations en des lois justes et équilibrées.

Tout cela est aussi vrai, bien sûr, des grandes réformes institutionnelles qu'attend notre pays. La République n'est pas une chose figée et immobile. Il faut accepter de la voir vivre au rythme des exigences du débat démocratique. La modernisation de la vie publique fut, cette année encore, au coeur de nos travaux. La loi constitutionnelle du 2 octobre 2000, qui a substitué le quinquennat aux sept années de mandat présidentiel, en est l'illustration. La loi organique sur la modification de la date d'expiration des pouvoirs de notre Assemblée aussi. Fidèles à l'esprit de la Vème République, nous avons rétabli l'ordre naturel des prochaines élections. Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, soumis en première lecture à la réflexion et à la discussion des parlementaires, est également un symbole fort des réformes institutionnelles que nous entendons mener localement pour démocratiser, dynamiser et moderniser la vie publique.

Enfin, j'ai bon espoir de voir aboutir le trente-huitième et sans doute ultime projet de réforme de l'Ordonnance de 1959, qui devrait conduire à une transformation radicale de l'examen du budget de l'Etat par le Parlement.

Les administrations seront désormais tenues à plus de transparence, à plus de lisibilité et donc à plus de responsabilité dans leurs pratiques budgétaires et comptables.

Ce texte important, véritable constitution financière de notre pays, a été adopté avec le soutien d'une opposition qui fut, cette année encore, énergique mais constructive. Mes chers collègues, comme vous le savez, je m'emploie à faire vivre en ces murs, avec conviction et dans le respect de tous, un débat démocratique équilibré. Chacun doit avoir le pouvoir de faire entendre librement sa voix et d'exprimer sereinement ses convictions, dans le respect de nos institutions et des valeurs de la République. L'opposition a joué son rôle et ainsi contribué à enrichir nos discussions. Nous avons exercé ensemble l'importante responsabilité de voter la loi.

Comme parlementaires, nous avons aussi le devoir de contrôler son application. Notre Assemblée est dans son rôle lorsqu'elle place ses qualités d'écoute et de réflexion au service de missions ou de commissions qui contrôlent la mise en oeuvre effective des lois qu'elle a votées, ou réfléchissent à leurs adaptations. Ce fut le cas, cet hiver, avec la constitution d'une commission d'enquête sur les farines animales ou, au printemps, sur la cause des inondations. Les rapports parlementaires sont devenus des éléments importants, souvent très attendus, du débat public. Clairs et circonstanciés, ils répondent à un droit fondamental : celui d'un accès égal à une information neutre et impartiale pour tous les citoyens.

En dépit des réserves de certains et de l'apathie de quelques autres, je ne crois pas que les Français se désintéressent de la politique. Néanmoins, nous devons trouver les moyens de leur rendre une parole dont beaucoup se sentent aujourd'hui frustrés. La politique n'a de sens et de noblesse qu'au sein d'une société de dialogue et d'ouverture, lorsque chacun se sent libre d'exprimer et de faire valoir ses convictions.

C'est la raison pour laquelle, depuis une année, je me suis personnellement engagé à mieux faire connaître cette belle institution de la République :

    - par des déplacements en province, afin de mieux comprendre les préoccupations des élus locaux ;

    - par des rencontres internationales, pour témoigner de la bonne santé démocratique de notre pays et apporter quelques conseils utiles, lorsqu'ils étaient sollicités ;

    - en attachant enfin une attention particulière à des outils de communication essentiels : chaîne parlementaire, site internet, rapport d'activité et autres CD-roms...

Lors de notre prochaine session, des échéances électorales importantes viendront interrompre prématurément nos travaux. Il nous reste cependant plusieurs longues semaines pour échanger nos idées, débattre et voter des lois importantes pour notre pays.

Mes chers collègues, je tiens aujourd'hui à vous assurer de toute ma confiance : je sais que nous continuerons à accomplir jusqu'au bout, dans la rigueur et le respect de l'autre, les missions pour lesquelles nous avons été élus par nos concitoyens.

Pour conclure, je tiens à vous dire en toute sincérité : je suis fier de vous, je suis fier du travail accompli, je suis fier de notre institution parlementaire.