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Hommage solennel à Guy Hermier,
Hémicycle le mardi 2 octobre 2001

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Au coeur de l'été, le 28 juillet dernier, Guy Hermier nous a quittés. L'émotion fut vive du côté de Marseille et de ses environs, comme elle l'est aujourd'hui, au sein de cet hémicycle. Une ombre s'est posée sur cette région habituellement gorgée de soleil. Elle ne pouvait manquer d'atteindre notre Assemblée. Au-delà des partis, des clivages et des courants, nous partageons la douleur de sa famille, de ses proches, mais aussi la peine des habitants des quartiers nord de la cité phocéenne, dont il fut un élu estimé et respecté. Nous perdons un collègue. Nous perdons un ami. Nous voyons surtout disparaître une personnalité noble et généreuse, qui avait su faire de l'élégance, du coeur et de l'esprit, une inestimable règle de vie.

Guy Hermier représentait un mélange rare et subtil de passion, d'action et de réflexion. Avec ardeur, il s'engagea très tôt en faveur des idéaux de la gauche communiste. Il en sera toute sa vie un défenseur passionné. Même s'il dut parfois lutter pour faire exister sa différence, la fidélité à ses convictions fut son honneur et sa force. Son intégrité ne fut jamais discutée. Elle suscitait depuis longtemps le respect de ses adversaires. Elle continue aujourd'hui à faire la fierté de ses compagnons.

A leurs côtés, Guy Hermier avait choisi de militer, pour donner à ses idées une réalité sociale et politique. C'était un homme d'action, qui voulait transformer le monde, pour le mettre en accord avec ses convictions. Ce fut le sens de son engagement au sein des structures dirigeantes du Parti Communiste, dont il devint rapidement un membre influent et écouté.

Il fut enfin un homme de réflexion, amoureux des belles lettres et des choses de l'esprit, un penseur éclairé, soucieux de défendre avec rigueur et pragmatisme la modernité de l'idée communiste.

Cette intelligence vive et profonde accompagna toute sa vie ce fils de maçon devenu agrégé de lettres. Dès l'Ecole Normale, à Nîmes puis à Montpellier, il prit la décision de la mettre au service du progrès et de la justice sociale. En 1965, il devint responsable de l'Union des étudiants communistes. A la veille des événements de mai 1968, il défendit avec courage, mais aussi avec fermeté, la ligne qui lui semblait la plus juste, celle du Parti, face à la contestation révolutionnaire de quelques-uns.

Sa clairvoyance et son autorité ne pouvaient passer inaperçues. Il fut rapidement remarqué par Roland Leroy, puis par Georges Marchais. Il entra au comité central à l'âge de 27 ans, puis rejoignit dès 1972 le prestigieux bureau politique. Il devint alors l'un des principaux rouages de la vie du Parti communiste, employant son influence et ses responsabilités à donner corps au modèle démocratique, juste et fraternel, en lequel il avait foi. Homme d'idées autant que d'idéal, il accepta la mission, à la fin des années soixante-dix, de faire vivre le débat et la réflexion au sein de l'appareil communiste.

Pendant de nombreuses années, il contribua à assurer le dynamisme intellectuel du Parti de la classe ouvrière. Il lança une revue inspirée et stimulante, baptisée Révolution, qui sut devenir, au-delà des oppositions, un espace de dialogue et d'ouverture pour tous les communistes. Son influence fut décisive, rappelant et défendant au fil des pages, l'actualité des valeurs du PCF.

Guy Hermier s'était définitivement convaincu de cette modernité, en confrontant très tôt ses idées à la réalité du terrain. Il ne doutait pas que le communisme eût un rôle à jouer dans la vie démocratique de notre pays. Il n'était pas une utopie, mais un faisceau d'idées fortes et de convictions, et notamment, une certaine conception de la solidarité, qui devaient trouver à s'incarner politiquement. A l'échelon national, comme à l'échelon local. En 1978, pour défendre une terre communiste depuis 1936, il prit donc la succession de François Billoux et se présenta dans la quatrième circonscription des Bouches du Rhône. Il fut depuis sans cesse réélu. En 1983, il devint l'un des plus énergiques conseillers municipaux de Marseille, puis de 1986 à 1998, un conseiller régional de très grande qualité. Depuis 1995, il était maire du 8ème secteur de cette belle cité phocéenne, terre de mélange et de partage, de diversité et de tradition. Chaque jour, avec passion, il s'efforçait de faire vivre et de valoriser les quartiers nord de la ville. Leurs habitants partagent aujourd'hui notre émotion et notre tristesse. Pour eux, pour nous, sa générosité et son engagement laisseront un impérissable souvenir.

Guy Hermier fut un collègue ardent, enthousiaste et travailleur. Ses qualités rendaient hommage à notre Assemblée. En 1978 et en 1979, il occupa la charge de vice-président. Il s'acquitta alors de son rôle avec talent et fermeté. Depuis quelques années, il était devenu, au sein de cet hémicycle, l'un des plus fervents animateurs de la Gauche plurielle. Lui, le « refondateur », faisait valoir avec coeur l'identité des communistes et la force de leurs convictions. L'unité autour des valeurs de la Gauche, l'humanisme, le progrès et la justice, ne devait pas faire taire le droit à la différence. Il fut un parlementaire écouté et apprécié, dont l'influence s'avéra déterminante. Je pense notamment à son rôle de vice-président au sein de la commission d'enquête sur la mafia en France, première du genre dans l'histoire de notre pays. Je pense aussi à la façon dont il assuma, en 1998 et 1999, ses responsabilités de président de la commission d'enquête sur le service d'ordre du Front national. Je souhaite saluer sa rigueur et sa détermination, car elles furent alors exceptionnelles, comme le furent son courage et sa ténacité face à la maladie.

Mesdames et messieurs, chers amis, en pensant avec affection à ses proches, à sa famille, à son épouse Simone et à ses enfants, Anne et Jean-Paul, à qui j'adresse les condoléances émues de notre Assemblée, je vous demande de bien vouloir vous recueillir à la mémoire de Guy Hermier.