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Discours du Président de l'Assemblée Nationale, Monsieur Raymond FORNI,
A l'occasion de la visite officielle de M. Fernando Henrique CARDOSO,
Président de la République fédérative du Brésil,
Hémicycle du Palais-Bourbon, mardi 30 octobre 2001

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,

Vous avez fait, Monsieur le Président de la République fédérative du Brésil, un très grand honneur à la Représentation nationale française en acceptant son invitation. Nous sommes heureux et fiers de recevoir en votre personne le représentant du plus grand Etat démocratique d'Amérique latine et de saluer à travers vous le Brésil, si proche du c_ur et de l'esprit des Français.

Monsieur le Président, la France et le Brésil entretiennent des relations privilégiées faites de fascination et d'influences réciproques.

Il y a des siècles que les Français rêvent du Brésil, depuis la Découverte de Gonneville, l'expédition de Villegaignon et le songe d'une " France équinoxiale " de Daniel de La Touche. Le précurseur de l'Indépendance du Brésil, Tiradentes, arracheur de dents et visionnaire, séduit par l'idéal des Lumières vint en France puis retourna au Brésil où, en avance sur l'histoire, il mourut écartelé à Rio en 1792.

La devise " Ordre et progrès " de la jeune République du Brésil, proclamée en 1889, s'inspirait du positivisme d'Auguste Comte, qui parrainait ainsi la naissance de la future grande puissance d'Amérique latine.

Mais la France doit aussi beaucoup à l'influence du Brésil. Il suffit pour l'illustrer d'évoquer Paul Claudel, Darius Milhaud, Anatole France, première personnalité à entrer à l'Académie brésilienne des Lettres, mais aussi Santos Dumont et Blaise Cendrars qui appartiennent à notre Panthéon commun.

Votre littérature a nourri l'imaginaire des Français. Jorge Amado, cette grande voix du Brésil qui vient de s'éteindre, en fut l'un des plus illustres représentants. Bahia de tous les Saints et Cacao ont été les livres cultes de toute une génération. Faut-il mentionner aussi notre goût pour la musique brésilienne et notre admiration pour votre lumineux football qui a inspiré le notre, avec tant de joueurs brésiliens dans nos équipes ?

Si notre attirance pour votre beau pays est ancienne, elle n'a cessé depuis de se confirmer, elle est aujourd'hui plus forte que jamais, dans une relation d'authentique proximité.

Nos deux pays partagent d'abord la fidélité à la liberté. Après des décennies de régime militaire, la démocratie est depuis 1985 profondément ancrée dans l'identité du Brésil, qui a prouvé la vigueur de ses institutions politiques et son attachement aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales.

Le Brésil cherche aujourd'hui une voie propre vers la modernité politique, dont la généralisation du vote électronique et son succès populaire constituent un exemple particulièrement éloquent.

Tout en approfondissant sa démocratie, le Brésil est devenu une grande puissance économique. Il prouve par son exemple que les Nations engagées sur la voie de la démocratie sont aussi les plus aptes à la réussite économique.

Il n'est besoin, pour illustrer cette affirmation, que d'évoquer la densité et la diversité du tissu industriel brésilien, la renommée de ses grandes entreprises, telles Embraer dans l'aéronautique ou Petrobràs dans le domaine énergétique. La vigueur de l'économie brésilienne ne manque pas de susciter l'admiration. Les difficultés financières de 1998 ont été surmontées avec succès, votre croissance, soutenue et régulière, s'est élevée à 4 % en 2000 et se trouvait, avant les événements internationaux récents, sur une tendance identique en 2001.

Ce bilan positif, Monsieur le Président, doit beaucoup à l'action que vous avez menée avec constance, rigueur et détermination.

Vous vous êtes attaché à engager les réformes de fond qui ont permis de mieux préparer votre pays aux indispensables mutations. Pendant votre mandat, le Brésil a vaincu l'hyper-inflation, et a donc pu mettre fin au prélèvement qu'elle inflige aux revenus, notamment ceux des plus défavorisés. Ces différentes actions, je tiens à le souligner, ont contribué à faire reculer considérablement la pauvreté.

En vous efforçant de stabiliser la monnaie, de maîtriser la dynamique de l'endettement, vous avez consolidé l'économie brésilienne. En lançant de grands programmes d'infrastructures, vous vous êtes fixé pour objectif de poursuivre la modernisation de votre pays.

Dans cette démarche, vous avez eu à c_ur de faire vôtre le principe selon lequel il n'est pas de développement économique sans progrès humain et social.

Vous rappelez souvent que " le Brésil n'est pas un pays pauvre mais un pays injuste ". Votre politique sociale ambitieuse dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'accession à la terre, porte déjà ses fruits et constitue le véritable fil conducteur de votre action gouvernementale.

Le Brésil a fait le choix de l'ouverture : il est devenu un acteur majeur de la construction régionale en Amérique latine et un partenaire proche de la France dans l'indispensable effort de régulation de la mondialisation.

Le Brésil est convaincu que, dans ce monde global, les solidarités régionales, fondées sur le partage des cultures, des intérêts économiques et du développement, constituent une chance pour les peuples. Le Brésil a fait le pari de l'intégration régionale et, aujourd'hui, le MERCOSUL constitue le quatrième ensemble économique du monde.

Profondément attachée à la construction européenne dont elle sait pour elle-même les avantages qu'elle comporte, la France se réjouit de la détermination des dirigeants brésiliens à construire, sur le continent sud-américain, un espace d'échange et de liberté.

Je souhaite très vivement que les négociations entre l'Union européenne et le MERCOSUL ouvrent un nouveau chapitre de l'histoire de nos relations. Le Brésil a déployé beaucoup d'efforts en faveur du rapprochement de nos deux ensembles.

Sachons poursuivre cette action dans les prochains mois et créer les conditions de l'établissement d'une zone de prospérité commune, qui sera un facteur d'équilibre des rapports économiques mondiaux.

Monsieur le Président, la devise de votre pays " Ordre et progrès " , malgré l'usage discutable qui a pu un temps en être fait dans votre pays, correspond bien au programme que nos deux pays souhaitent voir appliquer aux relations internationales et à la mondialisation des échanges.

On ne peut, en effet, les laisser se développer dans le désordre et l'injustice. Les événements internationaux dramatiques que nous vivons depuis le 11 septembre dernier rappellent l'urgente nécessité de l'équité et de la solidarité, de l'élaboration de règles communes.

Toutes les institutions doivent être animées du même souci d'organiser et d'harmoniser la mondialisation, de maintenir la paix et la sécurité, d'éviter les crises financières qui déstabilisent les économies et sont particulièrement nocives pour les pays en développement.

Mais il nous faut aussi maîtriser l'ouverture commerciale. Veiller à ce qu'elle se fasse, dans les deux sens, et sans entraîner de drames sociaux.

Nos peuples ne craignent pas de s'ouvrir au monde. Mais ils entendent le faire selon leur vision propre, qui repose sur un respect de la réalité économique, des équilibres sociaux et des références culturelles de chacun. Nous estimons, en effet, que l'économie a besoin d'un cadre stable afin d'en assurer une véritable régulation.

Sans règles, sans institutions internationales, véritablement démocratiques et suffisamment fortes pour être respectées, il n'est point de commerce équitable, de partage harmonieux des richesses, de respect des droits de l'Homme.

Ordre donc, mais aussi progrès.

Tous les pays développés ont besoin que les autres se développent. N'oublions pas ce que François Mitterrand écrivait déjà en 1985 : " L'écart, qui s'élargit entre les pays pauvres et les pays riches, voue le monde à des ruptures sans pardon " .

Ces propos restent plus que jamais d'actualité. Il faut un meilleur partage des richesses mondiales. La France appuie donc les initiatives visant à l'annulation de la dette des pays les plus pauvres.

Elle n'est pas opposée à ce qu'un prélèvement spécifique sur certains flux de capitaux soit créé pour financer des transferts supplémentaires vers les pays les plus pauvres.

Elle partage également les priorités du Brésil pour mieux préserver notre environnement. Depuis le Sommet de Rio, la prise de conscience de nos responsabilités collectives dans ce domaine a considérablement progressé. La France est favorable à une pleine et entière mise en _uvre des engagements internationaux contractés jusqu'ici, et tient à saluer le rôle actif du Brésil en faveur de l'application du Protocole de Kyoto sur les changements climatiques.

Le Brésil a également fait sien le principe moral selon lequel la santé des hommes exige la solidarité de la communauté internationale. Son action déterminée dans le domaine de la lutte contre le SIDA mérite d'être saluée et soutenue.

L'opinion publique mondiale, dont un des lieux de naissance a été Porto Alegre en janvier dernier, nous incite aujourd'hui à de telles mesures.

Autant de priorités, Monsieur le Président, qui appellent un dialogue et une concertation accrus entre nos peuples.

Pour une mondialisation, à tous égards solidaire, dont doivent profiter tous les hommes et tout l'Homme , soyez assuré, Monsieur le Président, de la détermination de la France à continuer sa route avec vous.

Notre histoire commune est placée sous le signe de la découverte. Hier, celle du Nouveau Monde par l'Ancien. Aujourd'hui, celle d'une solidarité renouvelée entre nos continents, pour construire un avenir plus sûr dans un monde plus juste.

Merci de nous éclairer et de nous accompagner dans cette voie. Merci d'être ici aujourd'hui.

Esta casa da democracia é sua e Vossa Excelência tem a palavra*.

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*Cette maison de la démocratie est la vôtre et vous avez la parole.