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Séance solennelle des Assises sur l'avenir de l'Europe
Hémicycle de l'Assemblée nationale le jeudi 8 novembre 2001

Allocution de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames, Messieurs,

L'hémicycle où nous sommes aujourd'hui réunis est familier à certains d'entre vous, qui y travaillent constamment à l'élaboration de la loi.

Mais beaucoup de ceux qui nous ont rejoints ici pénètrent sans doute pour la première fois dans ce lieu riche de symboles, plein de l'histoire de notre République, vibrant encore des propos et des arguments qui, hier soir encore, s'y échangeaient.

Cette enceinte où vit chaque jour notre démocratie accueille ce matin le débat sur l'avenir de l'Europe.

Ouvrir cet hémicycle sur l'avenir de l'Europe, c'est inscrire vos réflexions dans le sillage de grandes voix de la République.

Ici même, il y a cent cinquante ans, le 17 juillet 1851, Victor HUGO évoquait dans un discours inoubliable « l'immense édifice de l'avenir qui s'appellera un jour les Etats-Unis d'Europe ». Il s'était alors exprimé sous les huées de nombre de ses collègues parlementaires.

D'autres voix, après la sienne, ont porté dans cette enceinte la même volonté de paix et d'unité de l'Europe : Aristide BRIAND, qui rêvait de réaliser ce qui, pour son temps, restait une utopie ; Robert SCHUMAN, qui prononça ici le 9 mai 1950 la déclaration dont tout est parti, et dont les paroles étaient aussi un peu celles de Jean MONNET.

L'Europe fut longtemps ce rêve de quelques-uns, qui avec détermination ont su lui donner corps. En 1870, à Guernesey, HUGO plantait le « Chêne des États-Unis d'Europe » alors qu'éclatait la guerre entre la France et l'Allemagne. Lorsque ce chêne serait grand, disait-il, l'Europe unie réaliserait : « l'esprit de conquête transfiguré en esprit de découverte, (...) la patrie sans la frontière, (...) le commerce sans la douane, la circulation sans la barrière,(...) la justice sans l'échafaud... ». Aujourd'hui, la vision de HUGO est pour partie devenue réalité. L'Europe est un vaste marché, un espace sans frontières intérieures, d'où la peine de mort est bannie, mais aussi presque un ensemble politique qui n'aspire plus qu'à une seule conquête : celle d'une paix et d'une prospérité durables.

Il nous appartient, à notre tour, de bâtir une vision commune de l'avenir de l'Europe.

Ouvrir cet hémicycle à un public plus large, c'est manifester que ce projet européen doit être plus démocratique.

Des référendums nous l'ont rappelé, en Irlande, au Danemark : lorsque des peuples ne se sentent pas à l'unisson de ce projet européen, ils n'hésitent pas à le rejeter.

L'idée d'un tel divorce entre l'Europe et les Européens est inacceptable. Le projet européen est en effet par essence démocratique. Nous nous sommes dotés, l'an dernier, d'une Charte des droits fondamentaux, qui rassemble les principes essentiels communs à nos démocraties. Les pays candidats à l'adhésion le sont aussi parce que l'appartenance à l'Union européenne est un synonyme d'ancrage démocratique.

Surtout, l'Union est engagée sur la voie d'une transformation de sa nature même. En 2002, nous aurons dans nos mains, dans nos poches, l'euro. En 2003, nous verrons se former une première force armée européenne. En 2004, nous devrons accueillir ces pays qui nous demandent de refermer définitivement la longue parenthèse de l'Histoire que fut l'Europe des blocs. Nous devrons adopter, en même temps, une nouvelle Constitution de l'Europe. Il nous faut être bien conscients de toutes les implications de cette transformation, dont la première doit être la volonté d'instaurer une véritable démocratie européenne.

Or la démocratie vit d'abord au sein des parlements. Débattre, dans cet hémicycle, de l'évolution des politiques et des institutions européennes, c'est rappeler cette évidence. Sans plus attendre, je souhaite donc ouvrir ce débat.