Accueil > Archives de la XIe législature > Discours de M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale

Rencontre parlementaire franco-allemande « L'avenir de l'Europe élargie »
à l'Hôtel de Lassay le lundi 10 décembre 2001

Allocution de M. Raymond FORNI, Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président du Bundestag, Cher Wolfgang THIERSE,

Messieurs les Premiers ministres,

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Monsieur l'Ambassadeur,

Mesdames et Messieurs les Députés, Chers Collègues,

Mesdames, Messieurs,

C'est avec beaucoup d'émotion que je vous accueille en ces murs, dans cette maison de la démocratie. Nos amis du Bundestag ont fait ce geste, auquel nous sommes particulièrement sensibles, de nous rendre cette visite.

Allemands et Français, nous savons l'importance, dans l'absolu respect de nos autres partenaires européens, de l'amitié franco-allemande.

Allemands et Français, vous manifestez, par votre présence, tout le prix que vous attachez à l'avenir de notre continent.

Vous exprimerez cet après-midi, par vos interventions, la volonté qu'ont Allemands et Français de poursuivre ensemble ce que Charles de GAULLE appelait, en 1963, l' « oeuvre commune » à nos deux nations. Cette oeuvre commune nous appelle aujourd'hui à réfléchir à une Constitution pour l'Europe. Pour certains, une Constitution européenne présuppose une nation européenne.

Mais qu'est-ce qu'une nation ? A cette question, Ernest RENAN cherchait à répondre en 1882, dans une conférence célèbre. « Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l'avenir un même programme à réaliser ; avoir souffert, joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques ; voilà ce que l'on comprend malgré les diversités de race et de langue.(...) «avoir souffert ensemble» ; oui, la souffrance en commun unit plus que la joie. » Plus que tout cela, c'est « vouloir vivre ensemble », ce « plébiscite de tous les jours » qui, pour RENAN, constitue la nation.

L'Allemagne et la France répondent, encore aujourd'hui, à cette définition.

Mais l'Europe, elle-même, n'est elle pas une nation en puissance ? Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager : n'avons nous pas en partage la gloire des Empires, de Rome à Francfort, de CHARLEMAGNE à CHARLES-QUINT ? N'avons nous pas en commun les regrets d'un monde sans frontières culturelles, de l'Europe des Universités au Siècle des Lumières ? Ne sommes nous pas tous les héritiers de GOETHE et de VOLTAIRE, de MOZART et des frères LUMIERE ?

Avoir souffert ensemble : n'avons nous pas traversé ensemble les heures sombres du XXème siècle ? Nos soldats n'ont-ils pas, dans les tranchées de VERDUN, souffert de la même angoisse et des mêmes blessures ? Acteurs ou complices, nos peuples n'ont-ils pas eu chacun leur part à cette terrible éclipse de la conscience européenne que fut l'Holocauste ? N'avons nous pas partagé pendant cinquante ans la déchirure du continent européen ?

Avoir espéré, s'être réjoui ensemble : nous avons ensemble vécu l'intense moment historique de l'effondrement du mur de Berlin. La chute de ce mur fut le signal de la réunification du continent que le prochain élargissement de l'Union européenne viendra, dès 2004, parachever. Voilà qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques. Voilà ce que l'on comprend malgré la diversité des langues et des cultures : dans l'avenir, nous avons un même programme à mettre en oeuvre.

Mesdames, Messieurs,

Ernest RENAN l'avait écrit dans la conférence déjà citée : « Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. » c'est ce programme que les générations actuelles ont devant elles. Nous voulons doter l'Europe d'une Constitution fondée sur des valeurs communes. Nous voulons en faire une « Confédération d'Etats-nations » respectant les cultures de chacun. Nous pouvons travailler à ce qu'elle devienne une « nation » au sens où l'entendait RENAN : la communauté de ceux qui « veulent vivre ensemble ». Pour cela les peuples doivent mieux se connaître, mieux encore se comprendre. Pour cela leurs représentants doivent dialoguer plus intensément encore que par le passé. Je remercie chacun d'entre vous d'avoir accepté d'y oeuvrer cet après-midi. Vive l'Allemagne ! Vive la France ! Pour que vive l'Europe.