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Discours de M. Raymond FORNI, Président de l'Assemblée nationale
Voeux au personnel de l'Assemblée nationale - Le 10 janvier 2002

Messieurs les Questeurs,

Messieurs les Secrétaires généraux,

Mesdames et Messieurs, chers collègues, chers amis,

Nous sommes dans une maison de traditions, et parmi celles qui font vivre et demeurer l'institution parlementaire, je mets aux premiers rangs le moment particulier qui nous fait nous rassembler en ces premiers jours de janvier. Tout au long de l'année, nous travaillons ensemble, nous nous croisons, nous nous apercevons, mais les occasions d'entretenir l'amitié et la convivialité sont malheureusement trop rares.

C'est pourquoi, je suis particulièrement heureux que cette cérémonie nous permette de nous retrouver et de nous souhaiter « tout de bon », comme le disent nos amis suisses. Je vous présente donc tous mes voeux de bonheur, et vous souhaite très chaleureusement une excellente année 2002, en espérant qu'elle soit pour vous, votre famille, ceux que vous aimez et ceux qui vous sont proches, faite de joies, de succès, de santé, et de paix.

L'an dernier, en cette même occasion, j'avais formé le voeu que l'Assemblée nationale continue d'occuper pleinement la place qui doit être la sienne au sein de nos institutions, en usant de tous les pouvoirs que lui confère la Constitution. Je me réjouis que ce souhait, qui était aussi un projet ambitieux pour cette Chambre, se soit réalisé au cours de l'année qui vient de s'écouler. Je crois ne pas trahir le sentiment du plus grand nombre en affirmant qu'en 2001, l'Assemblée a pleinement exercé ses prérogatives, redevenant ainsi le lieu privilégié du débat politique.

J'en veux pour preuve la réforme fondamentale que l'Assemblée nationale a initiée et qui va, dans les années à venir, révolutionner la manière dont le budget de l'Etat est élaboré par le Gouvernement, examiné par le Parlement et exécuté par l'administration. La réforme de la sacro-sainte, de l'intouchable ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, c'est non-seulement, comme l'a titré le Sénat, une révision de la "Constitution financière de la France", mais sans doute aussi la plus importante réforme de l'Etat qui ait été réalisée depuis quarante ans, même si tout le monde n'en a pas encore conscience. Et cette petite révolution, on la doit d'abord à tous ceux, élus et fonctionnaires, qui, dans cette maison, ont conçu et fabriqué ce monument législatif qu'est la loi organique du 1er juillet 2001. Qu'ils en soient tous chaleureusement remerciés.

En 2001, l'Assemblée nationale est demeurée fidèle à sa vocation : être un lieu de débat et de réflexion. Je me réjouis particulièrement du dialogue constructif qui a pu s'établir, tout au long de l'année, entre le Parlement et le Gouvernement. Grâce à un esprit d'ouverture et de concertation, nous avons pu agir ensemble dans le sens de l'intérêt général. Cette année encore, l'Assemblée a pu exercer pleinement son rôle dans l'élaboration de la loi, et montrer, une fois encore s'il en était besoin, qu'elle n'est pas une simple chambre d'enregistrement de décisions prises ailleurs qu'en son sein. Je me félicite, aussi, qu'elle ait pu remplir sereinement sa mission d'évaluation et de contrôle de l'activité du Gouvernement, qui a « joué le jeu », en informant, en dialoguant, en associant, avec constance et confiance, la Représentation nationale à son action.

Avec votre précieux concours et votre indispensable collaboration, les députés ont adopté des textes essentiels, qui vont véritablement changer - c'est ma conviction - le quotidien des Français. Je pense, évidemment, aux lois portant sur des questions institutionnelles, essentielles pour l'avenir de notre République et de notre démocratie, comme celle relative à la Corse ou à la démocratie de proximité. Je songe, aussi, aux nombreux textes qui ont témoigné de l'attention portée par les députés aux questions sociales. Parmi ceux qui furent adoptés l'an dernier, certains ont donné lieu à de grandes avancées : la loi de modernisation sociale, l'allocation personnalisée d'autonomie, la loi relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la loi relative à l'IVG et la contraception, et les textes réformant le droit de le famille.

Nul ne contestera que 2001 aura véritablement été une année « utile »... Je souhaite que les prochaines semaines de session soient aussi riches de progrès, avec l'examen des projets de loi sur l'eau, la bioéthique et les lectures définitives des textes relatifs aux droits des malades, l'accès aux origines personnelles, l'autorité parentale ou la réforme du divorce.

Comme vous le voyez, il y a encore beaucoup à faire en ce début d'année, et je ne doute pas que vous saurez relever ces défis, avec énergie et enthousiasme. Je connais votre engagement en faveur de l'administration parlementaire, dont vous incarnez l'excellence, et vous remercie chaleureusement de la faire vivre au quotidien. Je sais que vous contribuez grandement à la faire évoluer, en mettant en oeuvre et en accompagnant les réformes qui permettront de l'adapter à ses nouvelles missions. Soyez remerciés pour votre dévouement et votre sens du service public.

J'ai dit, il y a quelques instants, la force et l'intérêt des traditions. Mais tradition ne veut pas dire indifférence aux temps qui changent, ni frilosité devant la modernité. Nous tous ici, nous devons nous former, évoluer, innover, afin d'accompagner les changements qui doivent rythmer la vie de notre Assemblée. C'est la raison pour laquelle j'avais souhaité, dès mon élection à la Présidence, que nous puissions adapter nos méthodes et nos idées au siècle qui s'ouvre, en engageant des réformes essentielles, décisives, pour cette maison. C'était le sens que je voulais donner aux lettres de mission adressées aux directeurs de services nouvellement nommés. Je suis heureux que les projets que j'avais évoqués l'an dernier soient, pour beaucoup d'entre eux, devenus réalité. Mais je suis convaincu qu'il faut encore aller plus loin, et je vous assure de ma détermination à poursuivre mon action en ce sens.

Comme c'est son devoir, le personnel s'est mis en demeure de suivre ce nouveau cours. Je m'en réjouis et en vous en félicite. L'an dernier, je vous avais fait part de ma volonté de mettre en oeuvre une véritable mobilité professionnelle à l'Assemblée nationale. Cette ambition, que je sais partagée par beaucoup d'entre vous, nous a d'abord conduits à améliorer les conditions de mutation à l'intérieur de cette maison. Je pense, notamment, à l'instauration d'une obligation de mobilité pour le corps des agents, et à la faculté nouvelle offerte aux administrateurs et administrateurs-adjoints de formuler chaque année des voeux d'affectation. Surtout, notre volonté d'accroître la mobilité externe s'est traduite par une augmentation sensible et une diversification des postes qui leur sont proposés.

Aujourd'hui, aux emplois traditionnels de la Cour des Comptes, du Conseil constitutionnel et de l'Association pour la Francophonie, s'ajoutent des postes au Budenstag, à la Médiature, à la Commission européenne, au Conseil de l'Europe, au Conseil d'Etat, au CSA, et bientôt à la CNIL. J'y vois l'occasion sans précédent de faire bénéficier notre maison des expériences et des compétences que les fonctionnaires de l'Assemblée pourraient acquérir dans d'autres institutions, mais aussi de faire valoir leur savoir-faire à l'extérieur.

Comme vous le savez, la réforme du service des agents, que j'ai soutenue, est entrée en vigueur en avril dernier. Je me félicite des résultats que nous pouvons dès à présent constater, mais je n'oublie pas que cette réforme, comme toute action d'envergure, doit faire l'objet d'un suivi attentif, sans que la première brise ne conduise à changer de cap.

Permettez-moi d'évoquer brièvement quelques mesures qui me tiennent à coeur, comme à tous ceux, je crois, qui souhaitent voir le fonctionnement de notre maison suivre l'évolution de la société. Je tiens à souligner qu'en 2001, nous avons souhaité donner à tous les fonctionnaires la possibilité de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, en accordant aux jeunes mères la possibilité de prolonger leur congé de maternité, ou en supprimant les quotas de temps partiel. L'emploi des personnes handicapées est aussi mieux pris en compte, et constitue désormais un enjeu prioritaire de la gestion des ressources humaines. Comme le prévoit la loi, je souhaite que nous satisfassions, d'ici trois ans, à l'obligation d'employer 6% de travailleurs handicapés.

Vous le savez, au cours des derniers mois, de nombreuses initiatives ont été prises pour accroître la qualité des services proposés aux députés. Les conclusions de l'étude destinée à améliorer les prestations rendues en matière d'informatique, sont aujourd'hui connues. A la lumière des résultats de cet audit, nous avons pu déterminer précisément les besoins et procéder à une réorganisation nécessaire du service informatique. Je pense, d'abord, au renforcement des effectifs et à leur regroupement sur un même lieu, qui permettront de gagner en efficacité. Je songe, aussi, à l'unification du parc informatique des députés - qui seront tous bientôt dotés du même équipement -, qui facilitera le travail des personnels assurant la formation et la maintenance.

Je forme le voeu que cette réorganisation permette d'engager, dès à présent, la réflexion sur le traitement informatique de l'ensemble de la procédure législative. A l'instar du Sénat, qui a récemment mis en oeuvre le système « AMELI » - dont je ne doute pas que le destin soit fabuleux ! -, je souhaite que nous puissions réaliser rapidement l'informatisation du traitement des amendements, dès la prochaine session budgétaire.

L'an dernier, j'avais évoqué la politique immobilière active que j'entendais mener pour l'Assemblée nationale. Je me réjouis que les projets que j'avais alors présentés soient aujourd'hui en cours d'achèvement. Les travaux se poursuivent, à un rythme soutenu, dans l'immeuble du 123 rue de Lille, qui permettra l'aménagement de plusieurs salles de réunion et de soixante-douze bureaux de députés. Nous pourrons inaugurer ensemble cet immeuble avant la fin de la législature. Mais cela n'est pas suffisant. C'est pourquoi un autre projet d'acquisition est en cours d'étude, afin d'offrir à tous de meilleures conditions de travail et d'améliorer le fonctionnement des services.  

Sachez, enfin, que je demeure particulièrement attentif à l'image et au rayonnement de l'Assemblée nationale, que j'entends continuer de promouvoir et de moderniser. A l'aube d'échéances électorales décisives pour notre pays, il me paraît plus que jamais nécessaire de mieux faire connaître aux Français la réalité et la grandeur de la mission qui est confiée aux parlementaires. Mon souhait, exprimé l'an dernier, d'une politique de communication dynamique a été largement exaucé. Sous l'impulsion d'Yves Cochet et de Marie-Hélène Aubert, présidents successifs de la délégation du Bureau chargée de la Communication, d'importantes initiatives ont été prises en ce sens.

Des émissions de télévision ont permis à un large public de mieux comprendre les rouages de la démocratie. L'ouverture doit primer sur le secret. La refonte du site Internet, plus riche de contenu et plus convivial d'utilisation, a permis d'accroître sa fréquentation, qui avoisine aujourd'hui un million et demi de visiteurs par an. La création d'une boutique électronique permet désormais aux internautes d'acheter en ligne tous les documents parlementaires.

De nouveaux outils pédagogiques, comme l'encyclopédie multimédia pour les enseignants et le grand public, ont renforcé nos capacités d'éducation à la citoyenneté. De nombreuses expositions (notamment les photographies de Uwe Ommer sur les Familles du monde), colloques et autres manifestations (en particulier l'Assemblée des Réfugiés) ont été organisés tout au long de l'année. Plus de 60 000 visiteurs viennent désormais chaque mois sur le site consulter la rubrique « Événements au Palais-Bourbon ». Je n'oublie pas le rôle essentiel joué par la Chaîne Parlementaire - à laquelle je suis très attaché -, qui témoigne de la vitalité de notre démocratie et rapproche davantage l'Assemblée nationale de nos concitoyens.

D'autres projets importants seront prochainement soumis au Bureau, qui manifesteront la volonté des autorités de cette maison de mener une politique de communication ambitieuse, dans la durée. L'image de l'Assemblée nationale a trop besoin d'être valorisée auprès du grand public pour que cette politique puisse souffrir d'interruptions pour cause d'échéances électorales. Le Parlement des Enfants aura notamment lieu, comme chaque année, le 11 mai prochain et je sais qu'il mobilise déjà vos énergies, tout comme la préparation de cette grande opération qu'est l'accueil des députés de la nouvelle législature. Je n'ignore pas l'ampleur de cette tâche, à laquelle vous vous consacrerez dans les prochaines semaines, et vous remercie de cet engagement, au service de la République et de la démocratie.

Mesdames et Messieurs, chers amis, j'ai la conviction que cette nouvelle année sera riche d'initiatives et de propositions pour que notre Assemblée retrouve dans l'opinion de nos concitoyens la place qui aurait toujours dû rester la sienne. Les occasions d'être fiers de cette belle maison, votre maison, ne manquent pas. Vous y contribuez grandement et je vous en remercie chaleureusement. Je sais que je peux compter sur chacun d'entre vous.

Ensemble, poursuivons nos efforts et unissons nos talents : pour dessiner le visage du Parlement du XXIème siècle, pour continuer d'y faire vivre la République et la démocratie. Très bonne et heureuse année à tous.