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Ouverture des 9èmes Rencontres parlementaires « Paix et défense »
« Défense européenne et relations transatlantiques »
à l'Assemblée nationale le mardi 15 janvier 2002

Discours de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN,

Mesdames et Messieurs les députés, Chers collègues,

Mon Général, Monsieur le chef d'état major des armées,

Messieurs les Officiers,

Mesdames, Messieurs,

C'est un privilège pour moi d'ouvrir, avec vous, ces 9èmes rencontres parlementaires « Paix et défense », à l'invitation de nos collègues Jean-Michel BOUCHERON et Arthur PAECHT. Je veux les féliciter de l'initiative qu'ils ont prise, voici bientôt dix ans, d'organiser ce dialogue entre les représentants des industries de défense, les parlementaires, les représentants de nos forces armées et tous ceux qui réfléchissent à l'avenir et aux conditions de notre défense. Ce dialogue est une contribution essentielle à l'information de ceux qui, chaque année, en votent le budget. Il permet aussi d'enrichir la réflexion qu'il nous faut consacrer à l'articulation entre nos politiques nationales et le développement d'une politique européenne de défense. Vous l'aviez fait l'an dernier, en travaillant sur « Une programmation militaire pour l'Europe. » Vous y consacrez en 2002 vos travaux, sur le thème des liens entre défense européenne et relations transatlantiques, en nous invitant à réfléchir au rôle que peut tenir l'Europe dans l'alliance qui nous unit aux Etats-Unis.

Ce rôle, il nous faut le redéfinir dans un monde qui change.

Le monde nous est, ces quatre derniers mois, apparu moins sûr. Le besoin d'une défense européenne pleinement opérationnelle se fait d'autant plus vivement ressentir, que la lutte contre les menaces à la fois plus vastes et plus diffuses de l'hyperterrorisme promet d'être longue. Ce besoin qui nous est propre, nous ne pouvons l'analyser sans prendre en compte l'évolution de notre principal allié.

Les Etats-Unis ont réuni autour d'eux une large coalition. Celle-ci a mis en lumière quelques déplacements des frontières traditionnelles auxquelles l'Europe aura à s'adapter. Il nous faudra par exemple tirer toutes les conséquences du rapprochement qui se dessine entre la Russie et les Etats-Unis. Quelle place « l'Europe puissance » que nous, Français, souhaitons bâtir, peut-elle occuper entre les deux grands pays qui se sont longtemps partagé notre continent ? Peut-elle jouer un rôle plus actif dans l'architecture multipolaire qui s'esquisse, et où s'affirment des pays-continents, comme la Chine et l'Inde ?

Enfin, les attentats du 11 septembre ont souligné le besoin d'Europe en matière de défense. La solidarité des Européens avec les Américains fut spontanée, profonde et dénuée de réserve. Mais nos alliés américains, aussi considérables que soient les moyens dont ils disposent, doivent pouvoir s'appuyer sur des partenaires fiables.

C'est pourquoi l'Union européenne doit travailler - plus encore qu'elle ne l'a fait - à devenir ce partenaire fiable.

Un partenaire fiable, c'est d'abord un partenaire avec lequel se bâtit une relation de confiance.

Nous avons fixé le cadre du dialogue entre l'OTAN et l'Union européenne. Les consultations et la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN se poursuivent sur les questions de sécurité, de défense et de gestion des crises d'intérêt commun. Elles permettent de rechercher la réponse militaire la plus appropriée aux crises et d'assurer une gestion efficace de chacune d'entre elles -dans le respect de l'autonomie de décision de l'OTAN et de l'Union européenne.

Nous avons appris à travailler ensemble dans des situations difficiles. Notre capacité commune de gestion des crises en est sortie renforcée. En particulier, l'intervention de l'Union européenne et de l'OTAN dans les Balkans au Kosovo, en Macédoine - a souligné l'efficacité de cette coopération.

Quelques points restent à régler. Un accord sur le degré de participation de la Turquie aux opérations de l'Union européenne a été trouvé entre les deux parties. Il clarifie les arrangements arrêtés au Conseil européen de Nice par les Quinze. La Grèce a fait connaître ses réticences à l'égard de ce texte. Je suis convaincu qu'avec le temps, elle saura trouver la voie d'un accord.

Un partenaire fiable, c'est aussi un partenaire pleinement autonome.

L'ambition de l'Union européenne est de jouer tout son rôle sur la scène internationale et d'assumer ses responsabilités en matière de gestion des crises, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, dans le respect des prérogatives du Conseil de sécurité.

Elle devait pour cela conquérir son autonomie opérationnelle. Les chefs d'Etat et de Gouvernement réunis à Laeken l'ont annoncé officiellement le 15 décembre dernier : « L'Union européenne est désormais capable de conduire des opérations de gestion de crise. » Nous savons quels progrès vers l'autonomie de la défense européenne ces mots recouvrent. Dix ans seulement après la définition des missions de Petersberg, c'est un succès qu'il faut souligner.

L'autonomie de l'Europe de la défense doit être aussi industrielle. Depuis les premières initiatives, avec la création de l'OCCAR (Organisme conjoint de coopération en matière d'armement), en 1996, nous avons su accompagner le développement d'une base industrielle solide. Je veux saluer à cet égard le lancement, en décembre 2001, par huit pays européens de l'avion cargo A400M, et la naissance, le 2 janvier 2002 , de MBDA, pôle européen de missiles.

Une défense européenne autonome doit enfin disposer de moyens propres de renseignement et de navigation. Des travaux sont engagés en vue de l'élaboration d'un système global européen d'observation par satellites. En septembre 2001, les états-majors d'Allemagne, du Royaume-Uni, d'Italie et de France ont rendu public leur projet sur ce sujet. Par ailleurs, on peut regretter que le Conseil européen de Laeken n'ait pu lancer le projet GALILEO de radionavigation par satellite : souhaitons que tout soit mis en oeuvre pour qu'un accord se dégage en mars 2002, comme l'a prévu le Conseil.

Mesdames, Messieurs,

Vous allez aborder aujourd'hui les conditions du développement d'une nouvelle relation transatlantique, fondée, comme il est souhaitable, sur plus de synergies, plus de réciprocité, et, surtout, plus d'égalité. Je voulais souligner, vous l'aurez compris, que c'est à nous, Européens, qu'il appartient d'accomplir les changements qui nous permettront d'atteindre ces objectifs. C'est sur les efforts de chacun de nos pays en matière de défense, sur les efforts que nous pouvons réaliser ensemble, au sein de l'Union européenne, pour la rendre plus forte, que nous pourrons fonder cette nouvelle relation avec les Etats-Unis. C'est avec ce message que je voudrais souhaiter un plein succès à vos travaux.