Inauguration de l'exposition « Afghanistan », dans le cadre du « Printemps afghan »
à l'Hôtel de Lassay le jeudi 21 mars 2002
Discours de M. Raymond FORNI,
Président de l'Assemblée nationale
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur l'ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale, où j'ai grand plaisir à vous accueillir aujourd'hui, à l'occasion de l'inauguration de l'exposition « Afghanistan », présentant sur les grilles du Palais Bourbon les superbes photographies de Roland et Sabrina Michaud. Permettez-moi, tout d'abord, de rappeler qu'en ce 21 mars, où nous fêtons le premier jour du printemps, les Afghans, eux, célèbrent à nouveau Norouz, le nouvel an persan. A l'heure où l'Afghanistan entre dans une nouvelle ère, je forme pour le peuple afghan, tout simplement, des voeux de paix et de liberté.
Nouvelle saison, nouvelle année : cette heureuse coïncidence est à mes yeux un magnifique symbole, qui place notre rencontre sous le signe de l'espoir, de la création et de la vie. Des mots et des idées qui avaient, depuis longtemps, disparu de notre vocabulaire pour évoquer l'Afghanistan. Ce pays profondément meurtri par vingt ans de conflits sanglants ; douloureusement blessé par cinq ans d'oppression et d'obscurantisme fanatiques, incarnés par les Taliban. Ces années sombres sont une blessure pour notre conscience et, plus encore, une obligation d'agir.
Car l'urgence qu'il y a à défendre les opprimés, à dénoncer les atteintes intolérables aux principes universels de 1789, à combattre les dangers qui nous plongent dans l'insoutenable barbarie, n'a pas disparu. Au contraire. La Représentation nationale est dans son rôle lorsqu'elle accompagne la marche de la liberté, lorsqu'elle met sa parole et son action au service des valeurs humanistes qui fondent notre République.
Agir, disais-je, il y a un instant : nous n'avons pas su ou pu le faire. Mais écouter, comprendre, témoigner : nous nous sommes toujours attachés à répondre à cette exigence, qui était aussi une nécessité. Il y a près d'un an déjà, je recevais ici le Commandant Ahmad Shah Massoud, venu faire partager à nos compatriotes les attentes de son peuple et la passion pour son pays. J'avais alors été frappé par la profondeur du regard et la noblesse des traits de cet homme, que me rappellent aujourd'hui, avec émotion, certains portraits de Roland et Sabrina Michaud. On pouvait y lire la grandeur d'âme et la force de caractère de celui qui voulait être l'artisan de la paix et du renouveau. Avec mes collègues, nous l'avons écouté ; mais nous n'avons pas su l'aider.
Parce que la défense des droits de l'homme commence avec la reconnaissance des droits des femmes, les parlementaires de tous bords ont souhaité, aussi, faire entendre en France la voix des femmes d'Afghanistan. Aux côtés de Martine Lignières-Cassou, Présidente de la Délégation aux Droits des Femmes, dont je salue l'enthousiasme et l'engagement en faveur de la défense de leurs libertés et de leurs droits, nous avons reçu trois Afghanes de Kaboul. Le témoignage bouleversant qu'elle ont livré sur leurs conditions de vie sous le régime des Taliban, avait montré, dans toute sa violence et son horreur, la négation d'un sexe par un autre. Bien sûr, nous les avons écoutées ; mais nous n'avons pas pu les aider.
Enfin, il y a quelques semaines, j'ai accueilli à l'Assemblée nationale Monsieur Hamid Karzaï, Président de l'Administration intérimaire d'Afghanistan. A cette occasion, j'ai pu mesurer combien son pays avait, plus que jamais, besoin de la sagesse, de l'expérience et de la détermination de femmes et d'hommes qui, comme lui, dans un espoir et un effort communs, ont la volonté de retrouver le chemin de la paix. Nous l'avons écouté ; sachons maintenant l'y aider, l'accompagner et le soutenir, avec tolérance, confiance et persévérance.
Mesdames et Messieurs, comme vous le voyez, l'Assemblée nationale a témoigné, de longue date - et bien avant les événements du 11 septembre - de la force des liens qui unissent les peuples afghan et français. Mais aussi, de l'intérêt et de l'attention particulière qu'elle porte à l'avenir de l'Afghanistan. Au moment où les Afghans aspirent à redevenir maîtres de leur destin, elle souhaite, sincèrement et activement, les accompagner dans la renaissance de leur pays. Dans le respect de sa diversité, de ses traditions et de ses valeurs ; mais aussi au nom des principes universels de liberté, de solidarité et de fraternité.
Sur la voie de la reconstruction, deux chantiers sont apparus comme des priorités : l'éducation et la santé, plus particulièrement celle des femmes et des enfants. La Représentation nationale a donc contribué au financement des travaux de restauration des lycées Esteqlal et Malalaï de Kaboul, qui seront inaugurés dans quelques jours. Elle a voulu aussi s'associer très étroitement au « Printemps afghan », en exposant sur les grilles du Palais Bourbon les photographies de Roland et Sabrina Michaud. Au terme de cette exposition, ces photographies seront vendues aux enchères, au profit de Médecins sans Frontières, pour contribuer au financement d'un programme médical en Afghanistan.
Je tiens à rendre un hommage particulier à Mme Emmanuelle Dunoyer, qui a imaginé et porté ce beau projet avec une ardeur et un dévouement qui forcent l'admiration. Amoureuse des Afghans et de l'Afghanistan, elle voulait célébrer la richesse et la beauté de leur culture, en nous en présentant les plus grands symboles : la tulipe, le cerf-volant, mais aussi la musique et la poésie. Avec ce « Printemps afghan », elle nous offre finalement bien plus que cela : un autre regard sur l'Afghanistan.
Le regard du coeur, comme celui que les photographes Roland et Sabrina Michaud ont posé sur cet étonnant pays, en le parcourant pendant quatorze ans. Je les remercie chaleureusement d'avoir accepté de nous faire partager leur connaissance de cette terre sauvage et fascinante, et surtout leur amour sincère des ethnies fières et singulières qui la composent. Chacun de leurs clichés est à la fois une histoire et un voyage. Un hommage à la beauté et à l'humanité.
J'adresse mes plus chaleureux remerciements à tous ceux qui ont participé à cette initiative : les photographes Roland et Sabrina Michaud, dont je salue l'immense talent, Emmanuelle Dunoyer, Jean-François Camp, Directeur du Laboratoire Dupon, Chantal Soler de l'agence Rapho, les éditions de La Martinière, qui ont tous grandement contribué à faire de cette exposition un succès. Et bien sûr, Médecins sans Frontières, qui donnera, en Afghanistan, un sens et une réalité à ce projet.
En faisant revivre leurs souvenirs, Roland et Sabrina Michaud restituent la mémoire d'un peuple et d'un pays, dans sa simplicité et sa vérité. Leurs photographies sont, à mes yeux, une promesse d'espoir : le symbole de l'avènement d'un nouvel Afghanistan, où doivent renaître l'harmonie et la sérénité, la paix et la liberté.
En ce 21 mars, qui marque le retour du jour sur la nuit, ensemble, dédions notre printemps aux Afghans et à l'Afghanistan. |