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17/05/2003 - Discours à l'occasion du 10ème Parlement des enfants

Je suis heureux d'ouvrir cet après-midi cette 10ème session du Parlement des Enfants.

Nous allons fêter ensemble les 40 ans du traité scellant l'amitié franco-allemande, pour ce faire j'ai invité à se joindre à nous une classe d'enfants venus d'Allemagne, de la région de la Sarre, de la ville de Grossrosseln, conduite par Madame Elke Ferner, députée au Bundestag. Je la salue.

Je lui souhaite dans cet hémicycle la bienvenue.

En cet instant nous pensons aux nombreuses familles allemandes, endeuillées par le tragique accident de la circulation survenu ce matin dans le département du Rhône.

Je veux remercier aussi l'ensemble de ceux qui ont participé depuis septembre dernier à la préparation de ce grand rendez-vous civique qu'est la journée d'aujourd'hui. Les députés, qui ont accompagné le parcours des délégués juniors dans chacun de leur département, les enseignants qui ont aidé leurs élèves à préparer les propositions de loi dont certaines seront primées tout à l'heure, les parents enfin qui sont venus avec leurs enfants. A tous bienvenue dans le temple de la République et de la démocratie.

Nous voici donc réunis pour examiner un ordre du jour qui débutera dans quelques instants par l'intervention du ministre de l'éducation nationale, comme c'est souvent le cas dans les débats parlementaires habituels. Nous nous prêterons ensuite à une séance de questions et de réponses, sélectionnées parmi celles que vous avez préparées, qui vous permettront, à votre tour, de faire ce que les députés pratiquent couramment c'est-à-dire interroger le Gouvernement sur tel ou tel sujet qui les préoccupe, qu'il concerne la politique nationale ou l'avenir de leur département.

Après quoi nous passerons à l'examen des dix propositions de loi retenues par le jury national du Parlement des Enfants dont je tiens à saluer le travail exemplaire réalisé pour la circonstance. J'en remercie particulièrement le Président du jury, Edouard Courtial, député de l'Oise.

Ce matin, vous vous êtes réunis en commission sous la présidence d'un député pour sélectionner trois propositions dont l'intérêt et l'originalité méritent qu'elles soient particulièrement reconnues. Nous les départagerons par un vote qui, en démocratie, est le seul moyen d'arbitrer de manière incontestable entre des orientations différentes. Car le suffrage universel, c'est notre seul juge.

C'est dire que ce que vous allez faire aujourd'hui ce n'est pas un divertissement, c'est un apprentissage.

Apprentissage des règles de la vie commune.

Apprentissage des procédures qui régissent la vie d'une société organisée.

Apprentissage du respect des opinions des autres. - C'est à dire la tolérance.

La journée d'aujourd'hui n'est ni une parenthèse, ni un achèvement. Elle doit être pour vous tous et pour vous toutes un moment fort d'une éducation à la citoyenneté qui a commencé avant d'être dans cet hémicycle et qui se poursuivra bien après.

N'oubliez pas demain les leçons que vous aurez apprises en participant à cette aventure civique. N'oubliez pas que la démocratie, comme le sport, comme toutes les activités humaines, a besoin de règles qui soient reconnues par tous et acceptées de tous, même si elles ne vous sont pas favorables.

N'oubliez pas que la démocratie a besoin de citoyens qui s'engagent pour faire valoir l'intérêt général et pas seulement de consommateurs exclusivement préoccupés de leur bien-être personnel.

N'oubliez pas que la démocratie a besoin d'hommes et de femmes honnêtes qui pensent à servir et non à se servir.

La République, la démocratie sont des biens précieux et fragiles qui, au cours de notre Histoire, ont eu besoin d'être défendues, parfois même par les armes. Ce ne sont pas des régimes acquis pour toujours. La transmission aux générations nouvelles des valeurs et des procédures démocratiques doit rester une exigence quotidienne, un combat permanent. C'est aussi cela le sens du Parlement des Enfants.

Ici, vous n'apprenez pas seulement à élaborer des lois, à comprendre ce qu'est un député, à interroger un ministre. Vous apprenez aussi et surtout à écouter ce que dit l'autre, à échanger des arguments et des idées en respectant ceux de votre voisin. Vous apprenez à dialoguer en refusant la violence, le racisme, l'antisémitisme, toutes les formes d'intolérance qui conduisent à la haine, au fanatisme et à l'exclusion.

Cette assemblée d'un jour, ouverte cette année sur l'Europe, accueillante à l'outre-mer, illustrant la diversité de nos territoires, de nos régions, porte en germe une société que nous souhaitons tous demain plus apaisée, plus pacifique, plus tolérante, capable de régler ses différends, ses conflits, dans le cadre d'un dialogue entre tous ceux qui la composent.

Le Parlement des Enfants offre donc la belle image d'une démocratie qui reste à l'écoute de ses concitoyens, notamment les plus jeunes d'entre eux, une démocratie qui cherche à prendre en compte concrètement leurs aspirations les plus chères. Une démocratie qui ne ressemble pas forcément, dans sa réalité, à l'image déformée que vos concitoyens adultes retiennent parfois d'elle. L'expérience du travail parlementaire que vous aurez faite, la connaissance du rôle du député à laquelle vous aurez accédé doivent vous persuader de la noblesse de cette mission, parfois caricaturée et souvent si mal connue.

Il vous reviendra tout à l'heure, une fois les portes de ce Palais Bourbon derrière vous, de le dire autour de vous.

Alors, ce Parlement des Enfants aura rempli son but.

Et la démocratie en sortira fortifiée.

Je vous en remercie.

Questions posées au Président de l'Assemblée nationale
à l'occasion du 10ème Parlement des Enfants

Question n° 1

Monsieur le Président, si vous aviez la possibilité de redevenir enfant et de participer au Parlement des Enfants, quelle proposition de loi auriez-vous aimé présenter ?

Réponse

J'aurais aimé présenter une proposition de loi pour améliorer la situation des enfants handicapés. Tous les enfants sont égaux en droit. Mais tous n'ont pas les mêmes chances face à la vie.

Il y en a qui sont dans des situations de maltraitance et que la société doit essayer de protéger. A l'Assemblée nationale nous avons ainsi cette année décidé de créer une délégation pour les droits des enfants afin d'être toujours attentif au sort des enfants dont les droits élémentaires ne sont pas respectés.

Et puis, il y a aussi les enfants qui souffrent de handicaps physiques ou mentaux, pour lesquels il reste tant de choses à faire sur le plan des équipements, de l'accompagnement. Si j'avais été membre du Parlement des Enfants, j'aurai cherché à déposer une proposition de loi pour améliorer concrètement la vie des enfants handicapés, par exemple, en créant progressivement les moyens d'accueillir tous les enfants handicapés dont les parents le souhaitent dans les classes de l'Éducation nationale.

Question n° 2

Quel est l'événement qui vous a le plus touché depuis que vous avez été élu Président de l'Assemblée nationale ?

Réponse

L'événement qui m'a le plus marqué et qui je crois a le plus touché l'ensemble des députés, c'est la guerre en Irak qui a mobilisé notre attention durant des semaines.

La guerre est toujours quelque chose de terrible. J'appartiens à une famille qui a vécu la première et la seconde guerre mondiale, les souffrances qui y sont liées dans sa chair. Tous les Français savent combien la guerre est un drame, combien elle fait de victimes civiles innocentes, d'enfants orphelins. Les monuments aux morts qui sont présents dans toutes nos villes, les commémorations du 8 mai et du 11 novembre auxquelles il faut que les jeunes s'associent, et dont il faut qu'ils comprennent le sens, nous rappellent la mémoire et les noms de toutes ces familles endeuillées par la guerre.

Oui, j'ai été marqué par la guerre en Irak, par les efforts que la France a faits pour l'éviter, par l'unanimité des responsables politiques de droite comme de gauche autour de la position soutenue par le Président de la République. Ici, à l'Assemblée nationale, dans l'hémicycle où vous vous trouvez, nous avons débattu de la guerre et des initiatives de la diplomatie française pour montrer qu'il peut y avoir la liberté sans la guerre, le respect du droit international sans des conflits meurtriers.

Et je crois que ce fut le moment le plus intense que j'ai vécu depuis un an.