Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

03/07/2003 - Allocution à l'occasion de la présentation de la collection "Le journal officiel de la France au combat avec le Général de Gaulle"

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues,

C'est un grand honneur et un grand privilège pour l'Assemblée nationale, pour ses représentants ici présents et pour son Président bien entendu, de vous recevoir toutes et tous à l'Hôtel de Lassay et d'accueillir dans ces murs, chargés de la petite, comme de la grande Histoire, ces documents exceptionnels retraçant les débats de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger.

L'occasion est ainsi donnée à l'Assemblée nationale de s'incliner devant celle qui l'a précédée, il y a soixante ans, aux heures sombres de notre histoire, et loin du territoire métropolitain, sur l'autre rive de la Méditerranée.

Vous comprendrez donc que lorsque le Président de la Fondation Charles de Gaulle, mon ami Yves GUENA, m'a fait part de son souhait de réserver à l'Assemblée la primeur de la présentation de ces documents, j'ai immédiatement accepté avec le plus grand plaisir, et non sans une certaine émotion. Le gaulliste que je suis n'a oublié ni ses racines, ni ses convictions.

Je voudrais profiter de ce moment qui nous rassemble pour rendre un double hommage.

Hommage au travail accompli, tout d'abord, par la direction des Journaux Officiels, sous l'impulsion et avec le concours de la Fondation Charles de Gaulle. Il en aura fallu des heures de travail minutieux, consciencieux, passionné aussi, pour parvenir au résultat que vous nous présentez aujourd'hui. Il aura fallu mobiliser des énergies et des talents pour permettre la réédition des débats de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger ainsi que l'édition, sous la forme la plus vivante qui soit - je veux parler du Dvd-rom -, de l'ensemble de la production des Journaux Officiels de la France au combat avec le Général de Gaulle. La prouesse technique que vous avez collectivement réalisée mérite d'être saluée à sa juste mesure, d'autant qu'elle participe à la diffusion de ce que nous avons de plus précieux : notre mémoire commune.

Que tous les historiens, les chercheurs, les techniciens du Journal Officiel, les témoins de l'époque qui ont apporté leur contribution à la réalisation de ces documents soient ici remerciés. C'est grâce à eux, grâce à vous, que l'ensemble des débats de cette Assemblée, qui n'avait pas encore reçu l'onction du suffrage et pour cause, - qu'ils se soient tenus à Alger, au Palais Carnot, ou au Palais du Luxembourg dans Paris libéré, de l'automne 1944 à l'été 1945 -, c'est grâce à vous, disais-je, que l'ensemble de ces débats retrouvent une nouvelle jeunesse, en faisant leur entrée dans le grand livre des débats de l'histoire de la République, le Journal Officiel.

Je salue donc l'œuvre accomplie qui rend enfin accessibles à tous des débats, des discours, souvent méconnus, dont la lecture éclaire pourtant d'un jour nouveau la vie politique de la France de l'ombre et de la France au combat, et la préparation de l'élection de l'Assemblée constituante.

Mon second hommage ira à l'institution elle-même et à ses acteurs, sans lesquels nous ne serions pas réunis aujourd'hui.

Bien sûr, l'Assemblée d'Alger n'a pas la légitimité d'une assemblée élue, et pour cause ; la France est en guerre et son territoire occupé. Mais sa création, à l'initiative du Général de Gaulle, marque la volonté de faire renaître les institutions représentatives françaises, quand celles qui incarnaient la IIIème République ont lamentablement sombré face à la défaite et à l'installation du régime de Vichy.

De la même manière, l'Assemblée d'Alger n'a pas de pouvoirs réels. Elle est consultative et provisoire. Consultative, elle rend des avis et pose des questions, sans pouvoir légiférer et contrôler. Provisoire, elle attend la victoire tant espérée.

L'Assemblée d'Alger sait qu'elle est une Assemblée en attente. En attente de réintégrer le siège naturel de la représentation nationale. En attente de recouvrer la plénitude de ses pouvoirs. Mais l'heure est au combat, plus qu'aux débats.

Pour autant, l'Assemblée d'Alger incarne pleinement la France du renouveau et de la reconquête, la France qui ne renonce pas, celle qui tourne le dos à la défaite et à la collaboration. Composée d'hommes neufs, sans véritable expérience politique, ses débats sont vifs, animés, souvent désordonnés, comme en attestent les documents que vous nous présentez. Mais qu'importe, la France est en guerre et le cœur de l'Assemblée d'Alger bat à l'unisson de celui de tous ces hommes et ces femmes qui combattent dans l'ombre ou sous l'uniforme. Vous fûtes de ces derniers, Monsieur le Président, quand Officier du 1er spahis, vous participiez à la campagne de Tunisie avant de rejoindre la seconde division blindée. D'autres de vos compagnons de combat sont parmi nous, et je tiens à leur rendre également hommage pour leur engagement.

D'Alger à Paris, où le nombre de ses membres passe de 103 à 248 et où elle s'installe à la libération de la capitale, l'Assemblée consultative provisoire n'a cessé de faire vibrer le patriotisme français et de faire vivre le désir de liberté, de démocratie et d'indépendance de la Nation. Elle a travaillé sans relâche et apporté une précieuse contribution aux réflexions qui étaient également menées, dans la clandestinité, sur le territoire métropolitain. Car il fallait bien penser au lendemain, au temps où la France serait libérée du joug de l'occupant et du régime de Vichy. Pendant ces longues années de souffrance et de blessures pour notre pays, elle a appuyé et soutenu l'action du Général de Gaulle, même si, parfois, des divergences se sont faites jour, ce qui est naturel dans toute Assemblée. Elle le soutiendra encore après la formation du Gouvernement provisoire, à l'heure de la reconstruction du pays.

Alors, tous ces débats qui ont agité l'Assemblée consultative provisoire, ces nombreux discours prononcés d'une tribune qui n'était pas celle que nous connaissons de nos jours et qui sont désormais gravés dans le marbre du Journal Officiel, font revivre dans nos mémoires les noms et leurs auteurs. Qu'ils s'appellent Paul GIACOBBI, Jules MOCH, Louis VALLON ou Pierre COT, sans oublier mes prédécesseurs Félix GOUIN et Vincent AURIOL, tous comptent parmi nos illustres et glorieux aînés. Le temps ne me permettrait pas de les mentionner tous, mais je voudrais citer aussi André PHILIP, qui reçut un vibrant hommage, il y a peu, lors d'un colloque organisé à l'Assemblée nationale, au cours duquel fut rappelé le rôle clé joué par l'Assemblée consultative provisoire. Ses travaux, ses réflexions ont, en effet, largement inspiré l'action menée par la suite par le Général de Gaulle et le Gouvernement provisoire, notamment pour ce qui touche aux grandes ordonnances qui ont façonné la France de la deuxième moitié du XXème siècle.

C'est donc cette France du redressement national que j'ai tenu à honorer en vous accueillant ici aujourd'hui et en faisant entrer dans cette maison la mémoire écrite d'une époque douloureuse pour la France et pour les Français.

Monsieur le Président de la Fondation Charles de Gaulle, Monsieur le Directeur des Journaux Officiels, Mesdames, Messieurs, soyez une fois de plus remerciés d'offrir à l'Assemblée nationale - ne serait-ce que quelques instants - l'occasion de quitter l'actualité immédiate pour se pencher sur son passé.