Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

24/09/2003 - Assemblée générale de l'Association des Directeurs Généraux des Communautés de France

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Directeurs généraux,

J'ai beaucoup de plaisir à vous recevoir aujourd'hui à l'Assemblée nationale, et plus exactement à l'Hôtel de Lassay, à la fois et d'abord, comme Président de l'Assemblée nationale, mais également et aussi, comme Président d'une toute jeune communauté d'agglomération et je voudrais remercier, en votre nom à tous, Jean-René Moreau qui m'en a suggéré l'idée.

Vous êtes ici, à l'Assemblée nationale, à quelques mètres de l'hémicycle, ce temple de la démocratie où s'élabore, se discute et se vote la loi.

Il ne peut y avoir de loi, dans une démocratie, sans une réflexion préalable, sans un véritable débat qui permet à chacun d'exprimer son point de vue, de le comparer à d'autres. Ce débat est nécessaire et indispensable. Faute de ce débat, c'est le rôle même de l'Assemblée nationale, du Parlement qui peut être remis en cause.

Dès lors, vous comprendrez mon attachement comme responsable de cette prestigieuse institution, à veiller à ce qu'elle puisse jouer le rôle essentiel qui est le sien dans notre vie publique.

L'actualité parlementaire de la dernière session a été particulièrement riche, et il est probable que celle de la prochaine le sera tout autant, même si les échéances électorales du printemps prochain obligeront à suspendre les travaux pendant plusieurs semaines.

Parmi les grands textes que l'Assemblée nationale examinera dans les prochains mois figurent les projets de lois relatifs à la décentralisation, le projet de loi concernant le transfert de compétences et le projet de loi organique relatif aux finances locales qui vous intéressent tous deux au premier chef.

Dans le premier, l'intercommunalité y a une place, afin de permettre des évolutions aujourd'hui devenues nécessaires et je crois que les dispositions qui sont prévues devraient simplifier et faciliter la vie à plusieurs d'entre nous.

Mais ce matin, je ne voudrais pas commenter un projet de loi qui ne sera soumis au conseil des ministres que la semaine prochaine. Je voudrais simplement revenir sur l'intercommunalité, ce mouvement qui est en train de modifier, de façon profonde, notre paysage et notre organisation administrative.

Le succès qu'il rencontre depuis 1992, et plus encore depuis la loi de 1999, montre qu'il correspond à un besoin, à un besoin profond de dépasser le cadre communal aujourd'hui devenu inadapté à la mise en œuvre rationnelle de certaines politiques ou services publics.

Mais parce que ce mouvement est encore jeune, il convient de veiller avec une particulière attention à éviter quatre écueils.

Si nous n'y arrivions pas, l'intercommunalité au lieu de faciliter la vie de chacun de nos concitoyens ne serait plus qu'une structure administrative parmi tant d'autres. Elle viendrait compléter la liste déjà passablement longue des niveaux d'administration et ajouter confusion et opacité dans un paysage déjà très complexe.

Le premier de ces écueils, c'est celui d'un impérialisme stérile. L'objectif de la communauté doit être le service rendu aux habitants. Qu'elle soit d'agglomération ou de communes, la communauté ne doit exercer que les compétences pour lesquelles elle est en mesure d'apporter une véritable valeur ajoutée soit en terme de service, soit en terme de coût, soit en terme de couverture géographique.

Il ne sert à rien de vouloir concentrer le pouvoir si celui-ci n'est pas correctement exercé. On reproche trop et de façon souvent injuste, aux collectivités locales d'être des féodalités pour ne pas éviter de prêter le flanc à ce type de critique.

Le second, c'est la tentation de la coquille vide ou de l'effet d'aubaine, celle de créer une structure parce que c'est à la mode, parce que cela peut apporter des subventions tout en continuant à travailler chacun dans son coin comme auparavant. Ce n'est pas une hypothèse d'école. Et certaines dispositions du projet de loi pourraient inciter certains à persévérer. Il faut être clair. Dès lors qu'une compétence est transférée à la communauté, c'est à cette dernière à l'exercer directement si elle en délègue l'exécution de tout ou partie à la commune, on ne voit pas bien à quoi sert l'intercommunalilté.

La troisième enfin, c'est celui de la fiscalité. La mise en place d'une structure intercommunale doit être fiscalement neutre. A défaut, elle sera rejetée par les habitants. Nos concitoyens, on le voit bien depuis quelques semaines, sont extrêmement sensibles à tout ce qui concerne la fiscalité, qu'elle soit directe ou indirecte, nationale ou locale.

Pour asseoir leur légitimité, les communautés doivent être exemplaires sur ce point et se garder d'investir inconsidérément dans des sièges somptueux ou de recruter un personnel nombreux qui tôt ou tard finira par peser sur le budget. Dans ce domaine, il faut d'abord regarder quelles sont les ressources en personnels que les communes membres peuvent apporter avant d'en créer de nouvelles. Je sais bien que gérer une petite commune n'est pas la même chose que gérer des projets à un échelon supérieur mais je suis confiant dans les capacités de formation et d'adaptation de la FPT.

Je sais bien que pour fédérer les énergies, il faut un peu de visibilité dans le projet de la communauté, mais cette visibilité sera d'autant plus grande que l'équipement créé bénéficiera effectivement au plus grand nombre.

En matière de finances et de fiscalité, je suis d'accord avec vous, il faut travailler sur des bases claires. Mais le pacte que vous avez évoqué ce matin doit être passé non seulement entre la communauté et ses membres mais aussi avec l'ensemble de la population.

Vous le voyez, vous le savez, les contraintes sont fortes, j'en suis conscient, mais je suis confiant dans votre capacité d'imagination et d'adaptation pour proposer à vos exécutifs des solutions et des projets qui entrent dans ce cadre.

Le quatrième écueil est celui des relations entre la communauté et la ville centre, entre le Maire de cette commune et le Président de la communauté, entre le Directeur général de cette commune et celui de la communauté.

Pour que ça marche, il faut qu'il y ait identité de vue des deux exécutifs et cela est d'autant plus facile lorsqu'il s'agit de la même personne.

En tout cas, c'est avec une grande attention que je prendrai connaissance des résultats de vos travaux de ce matin et le déjeuner qui vous sera servi sera l'occasion de les prolonger dans un cadre plus informel et que je souhaite agréable.