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24/09/2003 - Remise des insignes de Chevalier de l'Ordre National de la Légion d'honneur à Monsieur Paul-Olivier SELIGMAN

Chers amis, Cher Paul-Olivier Seligman,

Les hasards du destin ont voulu que votre nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur voulue par le Président de la République nous réunisse aujourd'hui ici, entre le Palais Bourbon et l'hôtel de Lassay, près de 70 ans après que mon père ait croisé pour la première fois votre grand-père dans les allées du Conseil d'État.

Je suis particulièrement heureux et ému que cette cérémonie à laquelle nous convie aujourd'hui notre ami Paul Olivier Seligman soit l'occasion de rappeler et de renforcer les liens amicaux tissés depuis longtemps par nos deux familles.

Si j'ai choisi de commencer mon propos en évoquant votre famille, c'est parce que celle-ci est au service, depuis plusieurs générations, des valeurs qui vous ont formé et façonné personnellement : la science, le droit, la République.

La science tout d'abord, je l'évoquerai au travers de la personne de votre arrière grand-père, Jules Oppert, qui fut à la fin du XIXème siècle un orientaliste de grand renom, professeur de sanscrit à la Bibliothèque nationale, professeur de philologie et d'archéologie assyrienne au Collège de France, élu en 1881 à l'Académie des inscriptions et belles lettres. Ce goût de l'étude et de la culture, vous en êtes l'héritier puisque vous êtes vous-même titulaire d'un diplôme d'études supérieures de sciences criminelles mais vous avez su également le transmettre puisqu'après avoir été major de sa promotion à l'École normale supérieure en 1996, votre fils Marc David a été reçu au concours d'agrégation d'économie et de gestion et est actuellement élève à l'École nationale d'administration.

Le droit est la deuxième tradition familiale autour de laquelle vous avez choisi, Paul Olivier Seligman, de construire votre vie. Votre grand-père et votre père avaient choisi le métier de juge : le premier, au sein de la juridiction administrative, fut Président de la Section du contentieux au Conseil d'État, le second fit le choix des juridictions pénales où il exerça le métier difficile et exigeant de juge d'instruction. Animé par cette passion familiale pour le droit, vécue comme une pratique et surtout comme une éthique, mais poussé par l'esprit de contradiction qui anime les jeunes gens à l'égard des générations qui les ont précédés, vous avez choisi une voie différente en embrassant la carrière d'avocat. Le mot "embrasser" trouve ici sa pleine acception puisque l'amour que vous avez d'emblée porté à votre profession se confondit très rapidement avec les tendres sentiments que vous avez éprouvés pour une jeune et brillante avocate, elle-même fille d'avocat, ancien bâtonnier du barreau d'Avignon, Francine Dreyfus, que vous avez épousée en 1976.

Vous avez fondé avec elle, il y a 26 ans, un cabinet d'avocats spécialisé en droit civil et commercial. Vous avez vécu ensemble, au sein de cette structure, les bouleversements qu'a connus votre profession au cours de ces années : fusion des branches juridiques et judiciaires du métier, ouverture des barreaux à l'implantation de filiales de cabinets étrangers, arrivée des grands cabinets anglo saxons ("big five" ou "big six" suivant les périodes). Vous avez choisi de perpétuer la tradition française des cabinets familiaux réunissant un nombre restreint d'associés, privilégiant les contacts directs avec vos clients, refusant de recourir à une spécialisation ou à un fractionnement des tâches excessifs, gardant à la profession d'avocat sa dimension essentielle d'humanité et de liberté. Ce sont les cabinets comme le vôtre, Paul Olivier Seligman, qui font la vie des barreaux, qui animent les palais de justice et qui permettent aux avocats de rester une composante essentielle de notre régime de libertés publiques et les auxiliaires privilégiés de notre système judiciaire. Je suis donc particulièrement heureux que votre nomination dans l'Ordre de la Légion d'honneur couronne ce parcours professionnel et intellectuel exemplaire.

J'en viens maintenant à la troisième tradition familiale sur laquelle vous avez pris appui pour mener votre parcours personnel : l'engagement dans les institutions juives de France au service de l'idéal républicain. Depuis la fin du XIXème siècle, les membres de votre famille ont accepté de participer activement à la vie de ces institutions. Votre arrière grand-père fut membre puis vice-président de l'Alliance israélite universelle fondée en 1860 pour affirmer l'ancrage des membres de la communauté juive de France dans la République, dans les principes d'humanisme, d'égalité et de fraternité issus de la Révolution française, refusant ainsi toutes les dérives du communautarisme. Votre arrière grand-père fut également vice président du Consistoire central.

Votre père, dont la génération fut frappée en pleine jeunesse par la tragédie de l'holocauste, fut à son tour un membre éminent de ces institutions poursuivant ainsi cette œuvre de défense de l'identité juive dans l'appartenance pleine et entière à la République.

Vous avez vous-même à votre tour choisi de poursuivre dans cette voie en vous faisant élire au Consistoire de Paris où vous siégez depuis 1993 et dont vous êtes vice-président depuis l'année dernière.

Cher Paul-Olivier Seligman, je ne saurais mieux définir ce qui fait l'unité profonde de votre personnalité au travers de l'ensemble de vos engagements professionnels et personnels qu'en affirmant que vous êtes un homme de loi, de parole et d'action. C'est pourquoi je suis particulièrement heureux de pouvoir, aujourd'hui, vous exprimer la reconnaissance de la République.