Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

08/12/2003 - Remise du prix "Manager de l'année 2003" du Nouvel Économiste

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Commissaire,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans les salons de l'Hôtel de Lassay, où je suis particulièrement heureux de vous accueillir ce soir pour la cérémonie de remise des prix du Nouvel Économiste.

Je suis ravi que vous ayez élu domicile à l'Assemblée nationale pour organiser cette manifestation, devenue au fil du temps une véritable référence, qui met à l'honneur des personnalités du monde économique s'étant illustrées par leur esprit d'initiative, par leur vision de l'avenir, leur aptitude à mobiliser des hommes et des femmes autour d'un projet collectif.

Dans ce choix de l'Assemblée nationale, je ne peux m'empêcher de voir la marque d'une reconnaissance du travail que nous avons engagé, depuis près de deux ans, pour renouer les fils parfois distendus des relations entre les pouvoirs publics et le monde de l'entreprise et de l'économie, et retrouver un langage commun.

Redonner à nos concitoyens le goût d'entreprendre ;

Restaurer la valeur sociale du travail, trop souvent malmenée dans un passé récent ;

Investir sur la formation des hommes ;

Améliorer l'efficacité de l'Etat, qui doit accompagner les entreprises dans leur développement plutôt que de les entraver dans leur vie quotidienne.

Telles sont les lignes de force de notre action dans lesquelles, j'en suis sûr, chacun d'entre vous se reconnaît. La tâche du Gouvernement et de sa majorité est immense, nous en avons conscience. Elle est parfois ingrate, car les réformes suscitent inévitablement des craintes, et se heurtent naturellement aux habitudes prises et aux conservatismes les plus divers.

Mais cette action résolue commence à porter ses fruits. Cela doit donc nous encourager à poursuivre nos efforts, pour accomplir les réformes indispensables à la modernisation de notre pays.

L'Assemblée nationale y prend toute sa part et j'entends faire en sorte que sa contribution aux réformes soit encore plus décisive dans les années à venir. A la fois par une amélioration de son rôle de législateur et par le développement de ses missions d'évaluation et de contrôle.

Je souhaite en premier lieu que nous parvenions à légiférer moins, et mieux. Je sais que les habitudes sont bien installées et que la tentation est forte, pour tout ministre, de marquer son passage au gouvernement par le vote d'une loi. C'est naturel, mais c'est bien souvent contre-productif, reconnaissons-le. Les entreprises se plaignent, à juste titre, de l'instabilité juridique qui naît de l'inflation législative, indépendamment même du poids grandissant de la réglementation communautaire.

Évaluer de façon systématique l'impact et l'efficacité des lois existantes ; ne pas hésiter à abroger des lois devenues totalement obsolètes et inutiles ; éviter l'adoption de lois de pure circonstance... Telles sont les règles de conduite que le Gouvernement et le Parlement doivent observer, pour rendre à la loi la force et la lisibilité qu'elle a perdues. Je souhaite que l'Assemblée nationale ait un rôle précurseur en la matière.

Pour ce faire, nous devons être à l'écoute, davantage que par le passé, des acteurs de la société civile et du monde économique, que vous représentez ici ce soir. Votre expérience du terrain, votre connaissance intime des réalités économiques et sociales de notre pays apportent toujours un éclairage précieux à nos travaux législatifs.

Pour réfléchir aux réformes nécessaires, l'Assemblée nationale veut en outre accorder une plus grande place aux travaux de fond, menés de façon dépassionnée et sans la pression souvent liée à l'actualité politique immédiate. Auditionner plus et questionner davantage pour légiférer juste, utile et précis.

C'est dans cet esprit et dans ce but que nous mettons régulièrement sur pied des commissions d'enquête ou des missions d'information ; je pense par exemple à la mission présidée par Pascal Clément qui, après un travail approfondi et une large concertation menée depuis un an, va déboucher sur des propositions utiles de réforme du droit des sociétés.

Parallèlement, l'Assemblée nationale doit développer ses missions de contrôle et d'évaluation. C'est ainsi qu'elle pourra contribuer, à sa place et dans son rôle, à l'indispensable réforme de l'Etat. D'ores et déjà, j'ai tenu, en liaison avec Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, à ce que la discussion budgétaire évolue vers plus de rythme et de cohérence. Mais je suis convaincu que l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique sur les lois de finances, prévue pour 2006 constituera un nouveau et puissant levier d'action pour la modernisation de l'Etat, à condition que le Parlement ne rate pas le coche. Nous aurons la possibilité, si nous nous en donnons les moyens, en amont, de peser plus efficacement sur le choix des priorités budgétaires et, en aval, d'assurer un meilleur contrôle de la dépense publique.

C'est une réforme à laquelle, en tant que Président de l'Assemblée nationale, j'attache le plus grand prix. Il nous appartient collectivement d'en assurer le succès. Pour rendre l'Etat plus efficace, plus moderne, plus réactif. Le dynamisme et la compétitivité de notre pays en dépendent.

Pour conclure mon propos, et avant de laisser la parole à Madame Michèle Cotta et Monsieur Nijdam, je souhaiterais profiter de la présence de Monsieur Mario Monti, Commissaire européen, pour dire un mot sur l'importance que nous accordons, à l'Assemblée nationale, à l'examen des sujets européens.

Je n'ai pas besoin de rappeler le poids déterminant pris par la transposition des directives communautaires dans l'activité législative nationale. Au-delà, les enjeux politiques liés à la poursuite de la construction européenne (élargissement, politique de défense, politique étrangère, politique économique) sont considérables. Ces constats d'évidence justifient que le Parlement s'investisse très activement dans ces questions.

La Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing, a formulé des propositions intéressantes pour renforcer le rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne. Je souhaite que la Conférence intergouvernementale les approuve.

À l'Assemblée nationale, j'ai déjà pris, avec l'appui de Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l'Union européenne, un certain nombre d'initiatives. Ouverture d'un bureau de représentation à Bruxelles ; questions au Gouvernement réservées, un mercredi par mois, aux sujets d'actualité européens ; audition dans l'hémicycle de Monsieur Giscard d'Estaing.

Je souhaiterais désormais que l'on puisse aller plus loin. L'Assemblée nationale doit s'ouvrir sur l'Europe, les institutions communautaires ne doivent pas se refermer sur elle.

Définir un intérêt général européen, c'est bien. Mais il ne saurait être abstrait, lointain, ignorant des réalités nationales auxquelles il est appelé à s'imposer. Les instances communautaires sont les gardiennes de l'application des traités. Il leur appartient de mesurer l'impact politique des décisions qu'elles prennent dans ce cadre, notamment pour nos territoires, nos industries et nos emplois.

Car l'Europe est d'abord une construction politique. Sa légitimité repose sur l'adhésion des peuples. Son avenir sur sa capacité à montrer qu'elle apporte aux habitants une réelle valeur ajoutée. Ne l'oublions jamais. Alors oui, améliorons encore la compréhension mutuelle entre le Parlement français et les institutions européennes, tout particulièrement la Commission.

Dans cette perspective, je compte proposer au Président de la Commission de venir, une fois par an, débattre librement et de manière interactive, avec les députés français, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, en prenant appui sur les grands dossiers de l'actualité européenne et le programme législatif annuel de la Commission.

Conforter le droit de regard du Parlement sur les sujets européens ; multiplier les occasions de contact et de débat entre la représentation nationale et les instances communautaires. Ce sont là autant de leviers pour donner à la construction européenne un contenu plus démocratique, exigence essentielle que j'ai eu l'occasion de souligner la semaine dernière ici même, en présence des présidents des assemblées des dix nouveaux pays membres. Et que nous devons, sans cesse, avoir à l'esprit.

Je vous remercie de votre attention et laisse maintenant la parole à Madame Michèle Cotta et Monsieur Nijdam.