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11/05/2004 - 20ème anniversaire de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques

Monsieur le Président, Cher Claude Birraux,

Monsieur le Vice-Président, Cher Henri Revol,

Mes Chers Collègues Parlementaires,

Mesdames, Messieurs,

C'est avec un immense plaisir que j'interviens devant vous, ce soir, à l'occasion de cette conférence-débat qui marque le 20ème anniversaire de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Cet anniversaire est pour moi l'occasion de saluer chacune et chacun d'entre vous qui participez de près ou de loin à la marche de l'Office et à son succès, comme parlementaire ou comme chercheur, au titre du conseil scientifique ou comme représentant du monde économique.

C'est également pour moi l'occasion de rendre hommage, à travers vous, à la qualité du travail que vous effectuez et de souligner la remarquable contribution qu'a apportée l'Office, depuis sa création, aux travaux du Parlement.

C'est enfin pour moi, l'occasion, en saluant parmi vous la présence d'un certain nombre d'anciens présidents et vice-présidents de l'Office, de rappeler le travail réalisé depuis maintenant 20 ans.

- pas moins de 80 rapports sur les sujets les plus divers comme l'énergie et surtout le nucléaire sous tous ses aspects, le climat, la santé, les risques technologiques et naturels, les technologies de l'information et de la communication, la bioéthique... et il y a quelques jours les nanosciences et les nanotechnologies.

- des centaines de recommandations dont un grand nombre a reçu une traduction législative ou réglementaire quand elles relevaient de ces domaines.

- de multiples constats venant parfois infirmer un certain nombre de certitudes ou des rumeurs ou bien encore contenir des engouements infondés.

- des analyses très fines des enjeux économiques que peuvent avoir telles ou telles technologies et des avantages que peut en procurer la maîtrise sur le plan national ou européen.

La réussite de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques est certaine, comme en témoignent le nombre, la diversité et la qualité de tous les rapports que je viens d'évoquer.

Cette réussite mérite que l'on s'y attarde et que l'on cherche à en analyser les causes.

Pour ma part, j'en vois plusieurs.

_L'Office répond d'abord à un véritable besoin.

En 1983, lorsque l'Assemblée nationale et le Sénat, dans une rare unanimité, ont voté le principe de la création d'une délégation commune aux deux assemblées, la représentation nationale était déjà consciente de la nécessité de se doter d'une capacité d'expertise et de contrôle autonome, ne serait-ce que pour aborder une question déjà sensible à l'époque, celle de l'énergie et plus particulièrement celle du nucléaire. Ces besoins, depuis lors, n'ont cessé de se diversifier et l'Office y a chaque fois répondu.

_Sa composition strictement paritaire et son fonctionnement, ne sont pas, non plus, étrangers à son succès.

Délégation commune aux deux chambres, présidée alternativement par un député puis par un sénateur, siégeant tantôt dans les locaux du Sénat, tantôt dans ceux de l'Assemblée, elle permet de réunir les meilleures compétences parlementaires et d'éviter toute concurrence coûteuse et inutile. Surtout, elle confirme, de façon symbolique, l'unité du Parlement face à un certain nombre de sujets. Puissions-nous l'étendre à d'autres secteurs et nous en sortirions collectivement renforcés !

Mais au-delà de ce principe de parité, ce qu'il convient de retenir dans le fonctionnement de l'Office, c'est la part qu'y prennent les parlementaires eux-mêmes. L'Office n'est pas, et cela aurait pu être pour lui une tentation, une sorte de comité de pilotage ou de validation d'études confiées à des organismes extérieurs plus ou moins indépendants. Ce sont les parlementaires eux-mêmes qui sont à l'origine des rapports et qui les rédigent. Et leur implication mérite d'être soulignée car elle représente une charge de travail qui est loin d'être négligeable et s'ajoute au travail quotidien déjà très lourd du député ou du sénateur.

L'expertise ainsi acquise est mise à la disposition du Parlement dans son ensemble.

_L'ouverture de l'Office sur l'extérieur mérite également d'être soulignée. Bien sûr, si l'Office peut compter sur des compétences scientifiques de chacun de ses membres qui sont nombreuses et variées il ne saurait se priver de tout apport extérieur.

Pour mener à bien ses travaux, il s'appuie sur un conseil scientifique où siègent les chercheurs les plus réputés de notre pays et au sein duquel sont représentées nos institutions les plus prestigieuses et n'hésite pas à recourir à l'expertise et aux connaissances du secteur privé et des entreprises.

Cette ouverture permet ainsi aux membres de l'Office de s'entourer des compétences les plus diversifiées, de se forger une opinion en confrontant les points de vue des uns et des autres et de rendre des rapports particulièrement bien argumentés dont l'autorité est alors peu contestable.

Parce que l'Office est un lieu de dialogue, il est devenu aussi une passerelle entre le monde parlementaire et le monde scientifique. Il est devenu un lieu d'échange où chacune des parties peut faire part à l'autre de ses questionnements, de ses interrogations et des moyens, juridiques ou non, qui lui font défaut ou qui lui paraissent nécessaires pour atteindre les objectifs fixés ou poursuivre leurs travaux.

Et c'est parce que l'Office est ce lieu d'échange et de dialogue reconnu, où les uns et les autres ont appris à s'apprécier et se comprendre, que je souhaite qu'il puisse apporter sa contribution à la préparation de la grande loi d'orientation et de programmation de la recherche en coordination avec les commissions permanentes concernées et dans le respect de leurs prérogatives.

_C'est un Office où la discussion est libre et où les questions scientifiques sont examinées en dehors de tout esprit partisan et permettent de trouver souvent des consensus. Les trois thèmes qui seront abordés ce soir, l'énergie, le climat et la santé, l'illustrent parfaitement.

S'il y a bien un domaine où l'objectivité doit être de mise, c'est bien celui-là.

Cette quête d'objectivité, cette exigence de vérité qui sont la raison même de l'Office sont facilitées par le fait que l'Office, lorsqu'il traite de sujets très médiatiques, ne le fait jamais dans l'urgence, sous la pression de l'actualité. Il intervient en amont du débat politique qui a lieu lors du vote des textes de loi ou en aval pour vérifier le bien-fondé ou leurs effets.

Bien sûr, certains pourront s'étonner que ces rapports adoptés par un large consensus puissent quand même donner lieu ici, à l'Assemblée ou au Sénat, à des débats et parfois à des polémiques.

C'est bien la preuve que l'Office a pour mission d'éclairer le Parlement et non pas de s'y substituer. Le constat scientifique est une chose, il ne saurait remettre en cause le primat du politique. Ainsi, l'Office montre comment avec une volonté forte, en s'appuyant sur les compétences là où elles se trouvent, en recourant aux avis les plus divers, on peut doter, sur un sujet déterminé, le Parlement d'une véritable capacité d'expertise et de contrôle qui lui permette de peser de tout son poids sur les questions scientifiques qui mettent en cause l'avenir de notre pays.

Ainsi, c'est donc sur cette alchimie très particulière que repose la réussite de l'Office.

Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée ce soir pour m'interroger, devant vous et à haute voix, sur l'intérêt qu'il y aurait à développer, sur le modèle de cet Office, une coopération accrue entre le Sénat et l'Assemblée nationale pour aborder, ou suivre, un certain nombre d'autres sujets sur lesquels le Parlement est amené périodiquement à s'exprimer et sur lesquels, pour jouer pleinement son rôle, il doit pouvoir exercer un réel contrôle.

Aujourd'hui, nous le voyons bien dans les grandes démocraties qui nous entourent, la fonction parlementaire tire un surcroît de légitimité de sa capacité à contrôler. Dans un pays comme le nôtre, le Parlement ne restaurera sa prééminence que s'il développe une capacité d'expertise véritable sans laquelle il ne peut exercer de contrôle véritable.

Nos concitoyens veulent des normes, ils veulent des lois. Ils en veulent peut-être parfois trop. Mais ils veulent aussi que les lois votées, que les normes édictées soient appliquées.

Si l'on veut réconcilier durablement nos concitoyens avec la chose publique, il faut leur donner l'assurance qu'il existe bien dans notre pays une instance qui contrôle effectivement les choix qui sont faits et dont les recommandations sont suivies d'effet.

Il est clair dans cette perspective du renforcement de la fonction de contrôle que cet office, dont nous fêtons aujourd'hui le 20ème anniversaire, constitue une référence. Référence qui a servi pour la création de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. Et dont un usage bien compris et bien calibré pourrait permettre au Parlement d'exercer mieux encore qu'aujourd'hui l'une des missions fondamentales que lui assigne notre constitution.

Je vous remercie.