ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

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RAPPORT D'INFORMATION

Présenté à la suite de la mission effectuée en Italie
du 3 au 7 avril 2000

par une délégation du

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE-ITALIE (1)

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(1) Cette délégation était composée de M. Alain Bocquet, Président, M. Michel Bouvard, Mme Brigitte Douay, Mme Muguette Jacquaint, M. André Vallini, vice-Présidents, M. Loïc Bouvard, Secrétaire, et de M. Didier Quentin.

SOMMAIRE

Introduction *

presentation generale de l'italie *

i- une transition politique inachevée *

A- Les années 1990 et l'espoir d'une " seconde République " *

1- Une conjonction de facteurs favorables au changement *

2- Décomposition et recomposition des forces politiques *

3- Vers une alternance bipolaire *

B- La transition inachevée *

1- Une transition politique interrompue *

2- Une réforme institutionnelle bloquée *

3- Turbulences et retour des incertitudes *

ii- un redressement économique remarquable en dépit de handicaps structurels persistants *

A- Un remarquable redressement économique mis à l'épreuve d'une conjoncture difficile *

1- Le redressement économique sous la contrainte de l'euro *

2- L'épreuve d'une conjoncture difficile *

B- Une reprise à confirmer par la poursuite des réformes structurelles *

1- Une reprise économique amorcée *

2- La nécessité de poursuivre les réformes *

iii- l'affirmation d'une politique extérieure fidèle à un triple ancrage : européen, atlantique, méditerraneen *

A- Un rôle important dans la construction européenne *

B- L'attachement à l'OTAN en vertu d'une relation privilégiée avec les Etats-Unis *

C- Une vocation régionale en Méditerranée et dans les Balkans *

iv- le renforcement recent des relations bilatérales *

A- Un dialogue politique accru *

B- Des relations commerciales qui reflètent "l'imbrication" croissante des économies *

C- Des relations culturelles de premier plan *

v- principaux enseignements degages par la mission *

A- Le nécessaire renforcement de la coopération parlementaire franco-italienne *

1- L'approfondissement des relations bilatérales et l'émergence d'une diplomatie parlementaire de réseaux *

2- Les voies d'une coopération renforcée *

B- L'autonomie régionale au service du développement *

1- Les régions italiennes : des entités en quête d'autonomie *

2- L'autonomie au service du développement : le cas du Val d'Aoste *

c- la francophonie, expression de l'identité regionale *

1 - Un bilinguisme historique et officiel *

2 - La volonté de participer davantage à la francophonie institutionnelle. *

d- l'accident du tunnel du mont-blanc : une lecon en faveur de l'essor du trafic ferroviaire *

1- Une sécurité exemplaire, condition de la réouverture du tunnel du Mont-Blanc *

2 - Les perspectives offertes par la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin *

ENTRETIENS *

revue de presse *

programme de la mission *

Introduction

Une délégation du groupe d'amitié France-Italie de l'Assemblée nationale s'est rendue à Rome et dans le Val d'Aoste du 3 au 7 avril 2000, à l'invitation de la Chambre des députés italienne et du Président du groupe d'amitié Italie-France, M. Luciano Caveri, député du Val d'Aoste.

Conduite par M. Alain Bocquet, député (C) du Nord, Président du groupe d'amitié, elle était, en outre, composée de M. Michel Bouvard, député (RPR) de Savoie, Mme Brigitte Douay, députée(S) du Nord, Mme Muguette Jacquaint, députée (C) de Seine-Saint-Denis, M. André Vallini, député (S) de l'Isère, vice-Présidents, de M. Loïc Bouvard, député (UDF) du Morbihan, Secrétaire, et de M. Didier Quentin, député (RPR) de Charente-Maritime.

Cette mission répondait au souhait des Présidents des groupes d'amitié italien et français de " relancer la coopération " entre les assemblées, après une interruption regrettable des échanges durant une période de 16 ans. La dernière visite remontait en effet à 1984.

Le programme élaboré par la Chambre des députés italienne s'est révélé en tout point remarquable et les membres de la délégation ont été extrêmement sensibles à la qualité de l'accueil qu'ils ont reçu durant l'ensemble de leur séjour, que ce soit à Rome, à Tivoli ou dans le Val d'Aoste. Ils tiennent d'ailleurs à exprimer à M. Luciano Violante, Président de la Chambre des députés italienne et à M. Luciano Caveri, ainsi qu'à leurs collaborateurs respectifs qui ont contribué à la réussite de ce voyage, leurs plus vifs remerciements.

Remerciements qu'ils adressent également aux Présidents de la région et du Gouvernement du Val d'Aoste pour l'accueil exceptionnel qu'ils leur ont réservé.

Enfin, la délégation tient à remercier Son Excellence M. Jacques Blot, Ambassadeur de France, ainsi que ses collaborateurs pour la disponibilité et l'efficacité dont ils ont su faire preuve, tant dans la préparation que la réalisation de la mission, et M. Frédéric Basaguren, Consul général à Turin.

Cette visite, qui s'est déroulée en deux étapes, d'abord à Rome, puis dans le Val d'Aoste, a permis de souligner la nécessité de renforcer la coopération institutionnelle entre l'Assemblée nationale et la Chambre des députés italienne, de constater la convergence des positions européennes des députés français et italiens, de découvrir, au-delà de l'évolution de l'organisation territoriale de l'Italie, l'originalité du statut de la région autonome du Val d'Aoste. Enfin, la délégation a renforcé sa conviction relative aux impératifs de sécurité dans les tunnels routiers.

Presentation générale de l'Italie

i- une transition politique inachevée

En France, l'Italie a longtemps été considérée comme une démocratie bloquée, avec un régime institutionnel proche de celui de la IVème République, soumis à de nombreuses crises institutionnelles, et une situation politique figée par le contexte de la guerre froide. En effet, pendant près d'un demi-siècle, de la Libération au début des années 1990, les formations de gouvernement, dominées par la Démocratie chrétienne, profondément atlantiste et pro-européenne, se sont posées en rempart face au Parti communiste italien. Cette situation a permis à la Démocratie chrétienne et à ses alliés centristes ou socialiste, d'occuper le pouvoir de manière ininterrompue durant toute cette période. Dans le même temps, la vie politique italienne caractérisée par la prolifération de petits partis, a été marquée, sous la " première République ", par une forte instabilité et de nombreuses tensions internes (mafia, terrorisme, etc.).

Depuis le début des années 1990, l'Italie a connu des bouleversements politiques sans précédent, à tel point que l'on a pu parler de passage à une " seconde République ". Ces changements qui n'ont pas entraîné de transformation profonde des institutions semblent avoir atteint à l'heure actuelle certaines limites, l'Italie ayant retrouvé une situation d'incertitude politique.

A- Les années 1990 et l'espoir d'une " seconde République "

1- Une conjonction de facteurs favorables au changement

En mettant fin au face à face de la Démocratie chrétienne (DC) et du Parti communiste italien, les conséquences politiques de la chute du mur de Berlin ont été beaucoup plus fortes en Italie que dans tout autre pays de l'Union européenne, Allemagne exceptée.

En réalité, la désagrégation du système politique a été accélérée par le lancement au printemps 1992 de l'opération " mains propres " par le parquet de Milan, qui a mis au jour et démantelé une corruption généralisée. Menées par un pouvoir judiciaire émancipé et relayées par les médias, ces enquêtes ont contribué à exacerber la désaffection de l'opinion vis à vis de la classe politique traditionnelle.

En 1993, est intervenue une réforme institutionnelle de nature à modifier les règles du jeu électoral : à la suite du référendum abrogeant la loi électorale, le Parlement a substitué à la représentation proportionnelle intégrale en vigueur depuis 1946, un mode de scrutin majoritaire à un tour pour les trois quarts des sièges du Parlement, la représentation proportionnelle continuant à s'appliquer pour les 25 % restants.(1)

2- Décomposition et recomposition des forces politiques

Prenant la mesure des bouleversements internationaux, le Parti communiste italien - qui avait auparavant pris ses distances vis à vis de l'Union soviétique, a engagé sa transformation dès février 1991 pour devenir le parti démocratique de la gauche (PDS), puis les Démocrates de gauche (Ds) et s'affirmer au-delà de l'héritage marxiste comme un parti social démocrate, au prix de la perte de son aile communiste orthodoxe qui a créé, à l'initiative de M. Fausto Bertinotti, Refondation communiste.

En revanche, la Démocratie chrétienne est apparue, avec la disparition de son adversaire idéologique, comme la principale victime de la chute du mur de Berlin. A l'issue des élections de 1992, elle a perdu le cinquième de son électorat et, dans la foulée, la Présidence du conseil, avant de se disloquer au cours des années suivantes, malgré sa transformation en Parti populaire italien (PPI) en 1994. Ses anciens alliés ou partenaires n'ont pas connu un meilleur sort, le Parti socialiste italien prononçant sa dissolution en 1993 et son chef M. Bettino Craxi, ancien Président du conseil de 1983 à 1986, condamné pour des affaires de corruption, a choisi l'exil en Tunisie (où il est demeuré jusqu'à sa mort en janvier 2000) pour échapper à la prison.

Face à l'écroulement du centre de l'échiquier politique, les forces les plus à droite, qui canalisaient l'expression des mécontentements, ont su accomplir leur transformation : créées dans les années 1980, les Ligues ont progressé de manière régulière dans le Nord en mordant sur l'électorat chrétien démocrate. Le Mouvement social italien, parti issu du fascisme, a donné naissance en janvier 1994 à Alliance nationale sous l'impulsion de M. Gianfranco Fini en vue de se recentrer, d'apparaître comme une force de droite modérée et de s'intégrer au jeu politique.

3- Vers une alternance bipolaire

Sous l'effet conjugué de ces différents facteurs, le processus de décomposition-recomposition du paysage politique a été scandé au fil des trois échéances électorales de 1992, 1994 et 1996, qui ont constitué autant de pas en direction d'un régime d'alternance.

Dernières élections à se dérouler selon la représentation proportionnelle intégrale, les législatives de 1992 ont signé la fin de l'ancien équilibre, la DC et le PCI ne recueillant plus que 45,8 % des suffrages contre 60,9 % en 1987 et 73 % en 1977.

En mars 1994, les premières élections au scrutin majoritaire ont amorcé la polarisation, même si la fragmentation des partis est demeurée forte. La Démocratie chrétienne en est ressortie laminée. une coalition de droite organisée autour du parti " Forza Italia ", créé quelques semaines avant les élections par M. Silvio Berlusconi a obtenu la majorité absolue des sièges à la Chambre des députés et au Sénat. M. Silvio Berlusconi est devenu Président du conseil pendant six mois, jusqu'à la chute de son gouvernement provoquée par la rupture de son allié de la Ligue du Nord, M. Umberto Bossi.

A la suite de la dissolution de février 1996, les élections législatives du 21 avril 1996 ont confirmé la polarisation autour de quatre ensembles principaux : " l'Olivier ", coalition de centre gauche conduite par M. Romano Prodi et regroupant outre le PDS, le Parti populaire de M. Prodi, le Renouveau italien de M. Lamberto Dini et les Verts ; le Pôle des libertés (Forza Italia, Alliance nationale, divers ex-démocrates chrétiens) ; la Ligue du Nord ; Refondation communiste.

Ces élections ont surtout permis de franchir l'étape décisive de l'alternance démocratique, avec la victoire de la coalition de l'Olivier qui a obtenu une majorité relative à la Chambre des députés avec 284 sièges sur 630 et la majorité absolue au Sénat avec 157 sièges sur 315. Les Démocrates de gauche représentaient la principale force au sein de l'Olivier.

Le gouvernement de M. Romano Prodi constitué en mai 1996 a marqué une rupture avec les pratiques antérieures. Pour la première fois depuis la fondation de la République, d'anciens communistes accédaient au pouvoir en dépit des critiques du Vatican. Second gouvernement de l'après-guerre par la durée, l'expérience de l'Olivier s'est poursuivie pendant deux ans et demi, cette stabilité ayant permis d'affirmer l'autorité du pouvoir exécutif et de remporter de notables succès : entrée de l'Italie dans l'euro acquise en mai 1998 au prix d'une politique rigoureuse de réduction des dépenses publiques, début de réforme des retraites et de la Sécurité sociale, lancement de la réforme institutionnelle.

En l'absence de majorité à la Chambre des députés, l'Olivier avait besoin du soutien d'un partenaire extérieur à la coalition, que Refondation communiste lui a apporté jusqu'à l'entrée de l'Italie dans l'euro. Le retrait de la confiance du parti de M. Fausto Bertinotti a entraîné la chute du gouvernement Prodi mis en minorité à une voix près en octobre 1998.

B- La transition inachevée

Si le paysage politique italien a incontestablement changé au cours des années 1990, la chute du gouvernement Prodi en 1998 comme celle du gouvernement Berlusconi quatre ans auparavant, provoquées toutes deux par des défections internes à la majorité, ont montré que le système politique italien demeurait instable ; cela s'est confirmé sous les gouvernements D'Alema. De plus, la mutation politique ne s'est pas accompagnée d'une évolution institutionnelle de même ampleur, condition d'une véritable " seconde République ". A l'issue des élections régionales et des référendums du printemps 2000, la situation d'incertitude dans laquelle se trouve le gouvernement constitué par M. Giuliano Amato, le 27 avril 2000, n'est pas sans rappeler certaines périodes que l'on croyait révolues.

1- Une transition politique interrompue

Le mouvement de bipolarisation est loin d'être achevé. En particulier, la persistance de l'émiettement des forces politiques renforce l'absence de cohésion des deux pôles de la vie politique.

Aux deux extrêmes de l'échiquier politique, Refondation communiste et le MSI-flamme témoignent d'un refus de recentrage par rapport à l'évolution respective des Démocrates de gauche et d'Alliance nationale. Refondation communiste a été marginalisée à l'issue de la scission effectuée par certains de ses membres en octobre 1998 afin de soutenir le gouvernement de M. Massimo D'Alema. Bien qu'elle ait rejoint le Pôle des libertés lors des élections régionales du 16 avril 2000, la Ligue du Nord demeure un partenaire relativement instable au sein d'une coalition hétérogène.

Au centre de l'échiquier politique, de multiples petits partis issus de l'éclatement de la Démocratie chrétienne ont souvent un ancrage plus personnel que politique qui leur permet de jouer tantôt un rôle d'appoint, indispensable en l'absence de majorité à la Chambre des députés, tantôt une fonction de perturbation non négligeable. En octobre 1998, la formation du premier gouvernement de M. Massimo D'Alema a été rendue possible par le soutien, autour de M. Francesco Cossiga, de centristes et de personnalités transfuges de la coalition du Pôle des libertés, opposées à la bipolarisation et désireuses de reconstituer une grande force centriste. Ces forces dispersées ont contribué à fragiliser le gouvernement.

Devenu Président de la Commission européenne le 24 mars 1999, et n'ayant pas renoncé à son projet politique pour l'Italie, M. Prodi a inspiré la création du mouvement des Démocrates, qui a soutenu le gouvernement de l'extérieur tout en revendiquant une participation. Hostiles à cette perspective, les proches de M. Francesco Cossiga ont provoqué une crise de gouvernement qui a débouché sur la formation du deuxième gouvernement D'Alema le 22 décembre 1999. L'entrée des Démocrates au gouvernement a privé ce dernier du soutien de trois petits partis centristes.

2- Une réforme institutionnelle bloquée

Au-delà de quelques modifications, la réforme des institutions en profondeur semble bloquée.

L'élection directe des maires et des présidents de région, adoptée respectivement en 1993 et 1999 a favorisé d'une certaine manière la bipolarisation, ainsi que l'a montré le déroulement des campagnes électorales en 1999 et surtout au printemps 2000 (1). En revanche, la loi électorale adoptée en 1993 ne garantit pas nécessairement l'obtention d'une majorité solide, en raison du maintien d'une part de proportionnelle et de règles de répartition des restes favorables à la surreprésentation des petits partis. Les deux tentatives de référendums abrogatifs visant à faire modifier le système en vigueur par un mode de scrutin exclusivement majoritaire à un tour ont échoué en avril 1999 et en mai 2000, faute d'une participation suffisante des électeurs, alors que paradoxalement l'objet de la réforme est populaire.

Souhaitée par les principales forces politiques, la réforme des institutions a été engagée en février 1997 avec la création d'une commission bicamérale, présidée par M. Massimo D'Alema et chargée d'élaborer un projet de révision de la Constitution de 1948. Le retrait du soutien apporté par Forza Italia à cette réforme a entraîné son abandon au cours de l'été 1998. Dans ses grandes lignes, le projet dessinait les contours d'un régime de type semi-présidentiel, avec un Président de la République élu pour 6 ans au suffrage universel direct, un gouvernement disposant de pouvoirs accrus par rapport au Parlement, la suppression du bicamérisme égalitaire - le Sénat devant assurer la représentation des régions et des collectivités locales, et le renforcement de la décentralisation.

3- Turbulences et retour des incertitudes

La grande hétérogénéité de la majorité (huit formations différentes sous le premier gouvernement D'Alema) et l'instabilité des petites formations centristes ont gêné le Président du conseil, M. Massimo D'Alema, en dépit de sa popularité personnelle, dans la mise en _uvre de son programme de réformes structurelles en matière institutionnelle, économique et sociale (privatisations, réforme des retraites), rendue de surcroît difficile par une conjoncture économique défavorable.

En 1999, en dépit du succès constitué par l'élection, le 13 mai, à la Présidence de la République au premier tour de scrutin de M. Carlo Azeglio Ciampi, ancien Gouverneur de la Banque d'Italie, ancien Président du conseil, et par la nomination de M. Romano Prodi à la Présidence de la Commission européenne, la majorité a essuyé trois revers électoraux : échec du référendum abrogatif de la part restante de représentation proportionnelle ; succès de Forza Italia aux élections européennes du 13 juin, devenant la première force politique avec 25,2 % des suffrages exprimés devant les Démocrates de gauche (17,4 %), Alliance nationale (10,3 %), les radicaux-liste Bonnino (8,5 %) et les Démocrates (7,7%) ; piètres résultats aux élections régionales et locales partielles des 13 et 27 juin, la gauche perdant en particulier certains bastions historiques comme la ville de Bologne. Forte de ses bons résultats, Forza Italia a su créer une dynamique de rassemblement de l'opposition dans la perspective des élections régionales d'avril 2000.

A l'issue du remaniement ministériel de décembre 1999, la majorité est apparue à la fois plus resserrée et plus fragile. En raison de luttes internes et de divisions sur les questions de fond, la marge de man_uvre de M. D'Alema est devenue de plus en plus réduite. Les élections régionales du 16 avril 2000 ont entraîné la perte de quatre présidences régionales pour la majorité, l'opposition, emmenée par M. Silvio Berlusconi au cours d'une campagne d'enjeu national, remportant huit présidences sur les quinze renouvelables (1). Ces résultats ont fini de déstabiliser le Président du Conseil qui a démissionné le 19 avril 2000 sans pouvoir accomplir son dessein de rester à la tête du gouvernement pour poursuivre les réformes économiques et sociales jusqu'au terme de la législature, en avril 2001.

Le répit accordé au nouveau Président du conseil, M. Giuliano Amato, qui a formé le 27 avril 2000, le 59ème gouvernement de la République italienne a été de courte durée. A l'issue de l'échec du référendum (2) du 21 mai 2000, les dirigeants de l'opposition ont redoublé de voix pour réclamer la démission du gouvernement et l'organisation d'élections législatives anticipées.

Pour la deuxième année consécutive, un référendum abrogatif des dispositions de la loi électorale de 1993 prévoyant la représentation proportionnelle pour 25 % des sièges au Parlement italien, a échoué en l'absence du quorum de 50 % de participation électorale. En dépit de plus de 82 % de réponses positives, le taux de participation n'a pas atteint le tiers des inscrits. Paradoxalement, les plus grandes formations politiques, - dont certaines comme Forza Italia avaient prôné l'abstention -, sont favorables à une réforme avant les prochaines élections législatives et à un mode de scrutin intégralement majoritaire.

L'échec du référendum du 21 mai 2000 consacre l'existence des petits partis et de leur jeu politique, source d'ingouvernabilité. Signifiant la défaite de la bipolarisation et la lassitude du peuple italien, il s'apparente au retour d'une ère que l'on croyait en voie de disparition, celle de la " première République ".

UN BICAMERISME EGALITAIRE

Le Parlement italien est composé de deux chambres, la Chambre des députés et le Sénat de la République, qui disposent d'une représentativité et de pouvoirs identiques. Les seules différences, tenant à la structure des deux assemblées, sont davantage de nature quantitative que qualitative. Dans son fonctionnement, le Parlement a accentué les éléments d'homogénéisation. Les élections législatives organisées le 21 avril 1996, à la suite de la dissolution du Parlement en février 1996, ont donné naissance à la XIIIème législature qui doit théoriquement s'achever en avril 2001. La durée de la législature est de cinq ans.

I - Système électoral

La Chambre des députés est élue au suffrage universel direct sur la base de circonscriptions. Le Sénat est élu sur une base régionale. Par voie de référendum, le 18 avril 1993, le peuple italien a abrogé la loi électorale en vigueur et a mis le Parlement italien en condition de substituer au système de la représentation proportionnelle intégrale un nouveau mode de scrutin à dominante majoritaire.

Le mode de scrutin prévu par la loi du 4 août 1993 et appliqué à partir des élections législatives de mars 1994, consiste en un scrutin uninominal majoritaire à un tour, pour 75 % des sièges et en un scrutin proportionnel pour les 25 % restants. 475 des 630 députés sont donc élus au scrutin majoritaire et 155 à la proportionnelle au plus fort reste. Sur les 315 sénateurs, 232 sont élus au scrutin majoritaire. Les différences les plus significatives entre les deux assemblées tiennent aux conditions d'âge s'appliquant tant à l'électeur (18 ans pour la Chambre des députés, 25 ans pour le Sénat) qu'à l'élu (éligibilité à 25 ans pour le mandat de député, à 40 pour celui de sénateur) ; ce qui peut faire varier la composition des assemblées sans altérer pour autant la représentativité de la chambre haute.

Le Sénat comprend en outre actuellement neuf sénateurs à vie, dont trois membres de droit (anciens Présidents de la République) et six membres nommés par le Président de la République.

Le Président de la Chambre des députés, comme celui du Sénat, est élu au début de la législature.

II - Pouvoirs du Parlement italien

Les deux Chambres doivent, l'une et l'autre, accorder leur confiance au Gouvernement lors de son entrée en fonction et peuvent également mettre en cause sa responsabilité (art. 94 de la Constitution). En contrepartie, elles peuvent, l'une et l'autre, ou l'une d'entre elles seulement, faire l'objet d'une dissolution (art. 88).

La Chambre des Députés et le Sénat de la République exercent conjointement (art.70) le pouvoir législatif, dans le cadre d'une session quasi-ininterrompue. La loi doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées et la navette parlementaire n'est en réalité jamais très longue.

L'organisation de la procédure législative permet de déléguer aux commissions permanentes, composées à la proportionnelle des groupes, l'examen et l'approbation de lois, à l'exception des plus importantes d'entre elles qui sont examinées et votées par chaque assemblée en formation plénière (art. 72).

Les commissions d'enquête (art.82) disposent des mêmes pouvoirs que l'autorité judiciaire et peuvent poursuivre leurs travaux en même temps que celle-ci, les enquêtes les plus significatives étant précisément celles qui ont fait l'objet d'une procédure judiciaire (construction de l'aéroport de Fiumicino, mafia, terrorisme).

III- Composition du Parlement issue des élections du 21 avril 1996-
mise à jour mars 2000

Composition de la Chambre des Députés - 630 sièges

Composition du Sénat de la République - 315 sièges + 9 sénateurs à vie

-Majorité gouvernementale : 333/334 sièges 167 sièges (Démocrates de Gauche)

15 sièges (Verts)

59 sièges (PPI)

21 sièges (Démocrates)

21 sièges (Udeur)

21 sièges (Communistes italiens)

6 sièges (Ri + Pe/Ri-Ld-Ind-Pe)

4 sièges (Autonomistes)

8 sièges (SDI, néo-socialistes)

6 sièges (Fldr)

6 sièges (Partisans de M. Cossiga)

2 sièges (MM. Pisapia et Delfino)

- Coalition du " Pôle des Libertés " : 220 110 sièges (Forza Italia)

91 sièges (Alliance Nationale)

13 sièges (CCD)

4 sièges (Pacte Segni/Réform. lib-dém)

3 sièges (MM. Sgarbi, Cito, Panetta)

- Ligue du Nord (M. Bossi) : 47

- Ex-Ligue : 8

- Refondation communiste (M. Bertinotti) : 13

- Ex-majorité (Partisans de M. Buttiglione) : 5

- Divers (M. Malavenda) : 1

- Majorité gouvernementale : 189/190 sièges

104 sièges (Démocrates de Gauche)

14 sièges (Verts)

32 sièges (PPI)

5 sièges (Démocrates)

4 sièges (RiPe/Ri-Ld-Ind-Pe)

10 sièges (Udeur/Mastella)

6 sièges (Communistes italiens)

4 sièges (Autonomistes)

3 sièges (SDI, néo-socialistes)

6 sièges (partisans de M. Cossiga)

2 sièges (Fldr)

- Coalition du " Pôle des Libertés " : 97

41 sièges (Forza Italia)

41 sièges (Alliance Nationale)

12 sièges (CCD)

3 sièges (divers)

- Ligue du Nord (M. Bossi) : 19

- Ex-Ligue : 6

- Refondation communiste (M. Bertinotti) : 3

- Autres

(Listes auton., Pannella, MSI-FR...) 9

L'Udeur (M. Mastella) a été formé en 1999 à partir d'une scission de l'ancienne UDR, tentative de reconstruction de l'ancienne DC par M. Cossiga (l'UDR était formée du CDU de M. Buttiglione, de la majorité du CCD (hors tendance Casini, demeurée avec le Pôle des Libertés) et de dissidents de tous horizons. Il s'est considérablement renforcé, en décembre 1999, à la faveur du passage (" trasformismo ") en son sein de députés auparavant favorables à M. Cossiga.

Parti formé par M. Cossuta, à partir d'une scission de Refondation communiste (ce parti comptait auparavant 35 députés), à la faveur d'une crise politique qui a mis un terme au Gouvernement de M. Prodi, en octobre 1998.

Ce qui reste du Renouveau Italien de M. Dini, dont la plupart des députés ont rejoint soit M. Cossiga, soit l'Udeur, soit l'opposition.

ii- un redressement économique remarquable en dépit de handicaps structurels persistants

L'Italie a su tirer parti de la construction européenne en se constituant une base industrielle solide dans les années 1970. Toutefois, la politique budgétaire laxiste suivie jusqu'en 1992 a entraîné un fort accroissement de la dette publique et de l'inflation.

Le gouvernement Prodi est parvenu, à marche forcée, à faire rentrer la lire dans le SME et admettre l'Italie dans le premier train de l'euro, au prix d'une politique économique de rigueur et de la réforme du système de retraites en 1997 notamment. Les gouvernements D'Alema ont continué sur cette lancée, dans un difficile contexte de croissance déprimée, de ralentissement de l'activité et de chômage important, surtout au sud de la péninsule.

Pour maximiser les effets d'une reprise amorcée plus tardivement que dans les autres pays européens, l'Italie doit accélérer le cours de ses réformes structurelles.

A- Un remarquable redressement économique mis à l'épreuve d'une conjoncture difficile

1- Le redressement économique sous la contrainte de l'euro

Après avoir engagé certaines réformes résultant de l'adoption du Traité de Maastricht en 1992, l'Italie est parvenue à maîtriser l'évolution des paramètres fondamentaux de son économie dans la deuxième moitié des années 1990, moyennant une politique économique rigoureuse et volontariste.

· l'inflation est passée de 5,4 % en 1995 à 1,8 % en 1998, avec en contrepartie une contraction de la croissance économique, ramenée de + 3 % en 1995 à + 0,7 % en 1996. En 1998, l'Italie a enregistré une croissance parmi les plus faibles de l'Union européenne, avec un taux de 1,4 %.

· Le déficit public, qui représentait 14 % du PIB en 1987, a été fortement réduit grâce à l'adoption d'une loi de finances exceptionnelle pour 1997 (recettes de plus de 200 milliards de Francs) motivée par la nécessité de ramener le déficit en dessous de 3 % du PIB conformément aux critères de convergence de l'Union européenne. Il est passé de 6,7 % du PIB en 1996 à 2,7 % en 1997 et 2,8 % en 1998. Portant pour 70 % sur les recettes (impôts et taxes) et 30 % sur les dépenses, ces mesures exceptionnelles n'ont eu toutefois qu'un effet marginal sur la maîtrises des dépenses sociales.

· Les dépenses des administrations, désormais inférieures au taux d'inflation, sont en recul depuis 1993 et les salaires ne sont plus automatiquement indexés sur celui-ci.

· Longtemps préoccupante, la situation des taux d'intérêt à long terme s'est beaucoup améliorée et l'on a observé une réduction progressive du taux d'escompte, de 9 % au premier semestre 1996 à 3 % en décembre 1998 (taux de l'euroland).

· Accumulée entre 1973 et 1993 à la faveur de politiques sociales généreuses, la dette publique demeure élevée mais tend à se réduire à long terme (de 123,4 % du PIB en 1995, elle atteindrait 114,9 % en 1999). La lenteur de sa résorption tient principalement aux insuffisantes réformes des régimes de retraites. La dette devrait passer le cap des 100 % en 2003 et satisfaire au paramètre de convergence (60 %) vers 2010.

2- L'épreuve d'une conjoncture difficile

L'Italie a traversé une conjoncture difficile caractérisée par une forte contraction de l'excédent commercial, une reprise modérée de l'inflation et une croissance plus faible que celle de ses partenaires européens.

L'industrie italienne, performante et flexible, est largement orientée vers l'exportation. Dans une période de faiblesse de la demande intérieure, sensible à la conjoncture internationale, la croissance italienne a été pénalisée par la contraction de la demande en Asie, les incertitudes russes et les difficultés de ses deux partenaires majeurs en Amérique latine (Brésil et Argentine). La hausse régulière de l'excédent commercial depuis 1995, qui a atteint un record de 224 milliards de Francs en 1996, s'est retournée en 1998 avec une baisse de 12,4 % par rapport à 1997, tout en demeurant excédentaire (158 milliards de Francs) pour diminuer de presque la moitié en 1999 (84 milliards de Francs) sous l'effet, en outre, de la hausse des importations dues au renchérissement du prix des hydrocarbures.

L'accélération de la hausse des prix à la consommation a constitué un autre fait marquant de la conjoncture en 1999, l'Italie connaissant une légère reprise de l'inflation (1,9 %). L'effet différé de la hausse du cours des matières premières et du pétrole brut, leur impact sur le coût des produits industriels importés, ainsi que les conséquences des faiblesses de l'euro expliquent largement ce renchérissement des prix. Il demeure un différentiel d'inflation avec les principaux partenaires européens de la zone euro (France, Allemagne).

B- Une reprise à confirmer par la poursuite des réformes structurelles

1- Une reprise économique amorcée

L'Italie a abordé l'année 2000 avec davantage d'optimisme. Les principaux indicateurs (croissance, balance des paiements, déficit public, solde commercial) en voie d'amélioration augurent d'une reprise amorcée à la fin de l'année 1999.

La croissance, légèrement supérieure aux prévisions à la fin de l'année 1999, avec un taux de 1,4 %, a été stimulée par le redémarrage de la demande, tant externe sous l'effet de la reprise de l'économie européenne et asiatique et de la vigueur de la demande américaine entretenue par la faiblesse de l'euro, qu'interne, la consommation des ménages ayant été encouragée par des dispositions fiscales arrêtées par la loi de finances pour 2000. Le taux de croissance prévu pour cette année varie de 2,2 % à 3 % selon les prévisions, celui projeté pour 2001 faisant également l'objet d'une réévaluation.

Tout en demeurant inférieur à la moyenne de la zone euro, l'investissement a accompagné la hausse de la demande. Outre le secteur des transports, les investissements ont été soutenus par celui de la construction, stimulé par les chantiers du jubilé et par un régime fiscal encourageant l'acquisition du premier logement.

Le marché de l'emploi a enregistré pour la première fois depuis longtemps des signes de redressement. Comme dans la plupart des pays européens, cette amélioration est caractérisée par le développement des services aux particuliers et aux entreprises, par l'essor du travail à temps partiel, des contrats à durée déterminée, en particulier parmi la population active féminine et jeune - les deux tiers des emplois créés concernant les femmes.

La politique d'assainissement des finances publiques visant à satisfaire aux engagements du Pacte de stabilité a commencé à porter ses fruits. Sous l'effet de bonnes rentrées fiscales et du succès des privatisations, le déficit des administrations publiques devait finalement être inférieur en 1999 aux prévisions (2,1 % du PIB contre 2,4 %) et atteindre 1,7 % du PIB en 2000. Une stricte politique monétaire a permis de respecter les objectifs de réduction graduelle de la dette publique. De 118,4 % du PIB en 1998, elle pourrait être ramenée à 111,7 % du PIB à la fin de l'année 2000.

Au total, si l'année 2000 apporte une embellie économique, la reprise doit être confirmée. L'Italie ne peut plus compter comme par le passé sur la dévaluation de sa monnaie, ni sur une politique budgétaire expansive. Elle doit non seulement stimuler la demande interne, ainsi que le prévoit la poursuite de la politique d'allégements fiscaux envisagés pour la période 2001 - 2003, mais elle doit surtout s'attaquer aux faiblesses structurelles qui pénalisent la compétitivité de son économie et limitent la portée des programmes de relance.

2- La nécessité de poursuivre les réformes

Le programme de privatisations partielles (STET-Telecom Italia, ENEL, ENI, IMI, Autostrade, Finmeccanica, Finmare, Alitalia, Telecom Italia, Aéroports de Rome, secteur bancaire) longtemps freiné par l'aile gauche de la majorité, s'est poursuivi en 1999. L'Etat entend conserver une " golden share " dans des entreprises telles que l'ENEL (électricité) et l'ENI (pétrole, gaz).

En revanche, la réforme du système des retraites demeure inachevée et les modifications intervenues en 1992 et 1997 ne produiront pas intégralement leurs effets avant 2040. Parallèlement à l'augmentation du nombre d'années d'activités de référence pour le calcul des pensions, l'âge de la retraite a été relevé de 60 à 65 ans pour les hommes et de 55 à 60 ans pour les femmes. L'âge de départ en pré-retraite a également été relevé. Le " traitement de fin de rapport ", somme forfaitaire assise sur des contributions des salariés et des employeurs, reversée au salarié au moment de la cessation d'activité a été réorienté vers des fonds de pension. Mais le maintien de régimes divers associé à une opacité de leur gestion permet à certains bénéficiaires à cumuler plusieurs pensions, les " pensions d'or ", coûteuses pour l'ensemble du système.

De fait, le coût de l'assurance vieillesse et invalidité équivalent à environ 16 % du PIB contre 5 % en 1960, représente une part plus importante du total des dépenses sociales en Italie (61,5 %) qu'en France (48,4 %) ou en Allemagne (51 %). Les dépenses au titre des retraites (+3,5 % en 2000) augmentent plus vite que le PIB et le déficit de l'ensemble des caisses a atteint 20 milliards d'euros en 1999. A tendance démographique constante, les plus de 65 ans qui représenteront, en l'an 2020, plus de 23 % de la population contre 18 % à l'heure actuelle, rendront un tel système explosif.

Malgré une nette amélioration globale, le taux de chômage (11,1 % de la population active en 1999 contre 12,4 % en 1998) demeure préoccupant en raison d'une grande disparité régionale qui a tendance à se creuser entre les régions du Nord et du Centre (dont les taux sont passés respectivement, de 5,6 % à 4,9 % et de 9,1 % à 8,4 %) et celles du Sud (de 21,6 % à 22 %). Si l'Agence pour le développement infrastructurel du Mezzogiorno a pris un nouveau départ en décembre 1999, de nombreuses incertitudes persistent.

Fortement exposée aux variations de la conjoncture internationale, l'économie italienne, présente une compétitivité insuffisante en matière de prix à la consommation, de coût unitaire du travail, de taux d'intérêt proposés par les banques aux entreprises. L'Italie subit la concurrence de pays plus attractifs en Europe, à la fois du point de vue fiscal, - le taux de l'impôt sur les bénéfices de 37 % étant le plus élevé de l'Union européenne- et bancaire. L'Italie a capté en 1998 dix fois moins d'investissements directs que la France et les transferts courants du secteur privé vers l'étranger sont déficitaires de 967 millions d'euros. Positionnée sur des secteurs encore largement traditionnels (mécanique, textile-habillement), l'industrie italienne doit être réorientée vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée. Dans un tissu industriel constitué pour l'essentiel de petites et moyennes entreprises, l'innovation technologique demeure insuffisante, le budget de la recherche étant par ailleurs à peine supérieur à 1 % du PIB. La surface capitalistique limitée de certaines petites entreprises s'ajoute à la faible compétitivité du système financier italien.

Partie intégrante de la zone euro, l'Italie est donc confrontée au double enjeu de mettre en _uvre une forme de relance économique, tout en accélérant les réformes structurelles. Telles sont les conditions d'une reprise durable.

DONNEES ECONOMIQUES ESSENTIELLES

PIB : 1.163 milliards de dollars US en 1998 (dont 1,9 % pour la défense)

PIB/hab : 20.300 dollars US (avec des disparités allant de 22.450 dollars en Lombardie à 10.030 dollars en Calabre).

Structure globale du PIB : Agriculture : 4 % - Industrie : 33 % - Services : 63 %

 

1995

1996

1997

1998

1999

20001

20011

20021

Taux de croissance

(% PIB)

+ 3,0

+ 0,7

+ 1,5

+ 1,4

+ 1,4

2,5

2,5

2,5

Taux de chômage

12,0

12,1

12,2

12,4

11,1

11,0

10,7

#

Taux d'inflation

5,4

2,6

1,7

1,8

1,9

1,7

1,5

1,5

Solde commercial caf-fab (milliers de Mds de lires)

+ 45,5

+ 67,7

+ 51,3

+ 46,6

#

#

#

#

Déficit public (en % PIB)

7,4

6,7

2,7

2,8

2,1

1,5

1,2

0,8

Dette publique (en % PIB)

123,4

123,8

121,6

118,4

114,9

111,7

108,5

#

Taux d'intérêt à long terme (%)

11,9

7,6

5,8

4,7

2,9

#

#

#

Principaux fournisseurs de l'Italie (1998) : Allemagne (18,8 %) - France (13,1 %) - Royaume-Uni (6,4 %) - Pays-Bas (6,2 %) - Etats-Unis (5,1 %) - Espagne (4,5 %)

Principaux clients de l'Italie (1998) : Allemagne (16,5 %) - France (12,7 %) - Etats-Unis (8,5 %) - Royaume Uni (7,2 %) - Espagne (5,8 %) - Pays-Bas (2,9 %)

Source : ministère des Affaires étrangères

iii- l'affirmation d'une politique extérieure fidèle à un triple ancrage : européen, atlantique, méditerranéen

Sixième puissance industrielle mondiale, l'Italie n'a pas eu pendant longtemps de politique extérieure à la hauteur de son rang. Ce n'est qu'avec la fin de la guerre froide, puis l'arrivée au pouvoir d'une majorité stable en avril 1996, que s'est dégagée une politique plus délibérée de défense des intérêts nationaux dans le cadre européen, d'affirmation d'un rôle régional et de recherche d'une reconnaissance internationale.

Cette politique a dynamisé les choix fondamentaux qui guident l'Italie depuis la fondation de la République en 1946 : la construction européenne, l'engagement atlantique, la vocation méditerranéenne et balkanique.

A- Un rôle important dans la construction européenne

Pays fondateur des Communautés européennes, l'Italie entend participer activement aux évolutions en cours de l'Union européenne, en particulier depuis qu'elle a montré qu'elle attachait une priorité absolue à l'euro et assuré ses partenaires de la durabilité du redressement des comptes publics. De ce point de vue, la nomination de M. Romano Prodi, Président du conseil de 1996 à 1998, à la Présidence de la Commission européenne, en avril 1999 (1) signifie une certaine reconnaissance des efforts de l'Italie.

En ce qui concerne la réforme des institutions, l'Italie défend des options proches de la position française (réduction du nombre de commissaires, repondération des voix des Etats membres de préférence à la règle de double majorité, extension de la majorité qualifiée) tout en préconisant un élargissement des pouvoirs du Parlement européen. Elle est favorable au renforcement des institutions préalablement à l'aboutissement des premières négociations d'adhésion des pays d'Europe centrale.

Elle souhaite jouer un rôle de premier plan en faveur du rééquilibrage Nord-Sud au sein de l'Europe et envisage l'élargissement qu'elle estime pour l'instant trop profitable à l'Europe continentale dans une double perspective, centre-européenne et méditerranéenne, afin notamment de renforcer sa présence politique et économique dans des zones qui font partie des priorités de sa politique étrangère.

Sa situation géographique la place au premier plan dans le développement du partenariat euro-méditerranéen entre l'Union et douze pays tiers du bassin méditerranéen. Elle y voit le moyen de mieux défendre certains de ses intérêts stratégiques, tant économiques (importations de pétrole) que politiques (immigration clandestine, terrorismes).

Cette situation contribue à la rendre vulnérable dans l'espace défini par la convention de Schengen, dans lequel elle a été effectivement admise le 1er avril 1998. L'afflux incessant d'immigrants (notamment turcs, irakiens d'origine kurde, albanais) s'est considérablement accru depuis la guerre au Kosovo avec le débarquement de clandestins sur les côtes des Pouilles.

En dépit de la fidélité à son engagement atlantique, l'Italie a une volonté de plus en plus manifeste de ne pas être tenue à l'écart de la construction d'une Europe de la défense dans laquelle elle s'est désormais engagée.

B- L'attachement à l'OTAN en vertu d'une relation privilégiée avec les Etats-Unis

Alliée des Etats-Unis, l'Italie a longtemps considéré l'OTAN comme le meilleur garant de sa sécurité et de sa participation à la défense européenne. Mais la solidarité traditionnelle avec les Etats-Unis entretenue par l'importance des relations commerciales (9,5 % des exportations de l'Italie en 1999, les Etats-Unis constituant son troisième client) et par la présence d'une forte communauté italienne, n'est plus inconditionnelle.

Lors des frappes de l'OTAN sur la République Fédérale de Yougoslavie en 1999, le Président du conseil, M. Massimo D'Alema, est toutefois apparu comme le garant de la fermeté de l'engagement de l'Italie aux côtés de l'OTAN, malgré l'opposition au sein de la majorité des Communistes italiens, des Verts et de certains Démocrates de gauche hostiles à une opération terrestre au Kosovo non avalisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, assortie de fortes réserves dans l'opinion.

C- Une vocation régionale en Méditerranée et dans les Balkans

L'Italie souhaite être davantage présente dans la zone des Balkans et dans le bassin méditerranéen pour des raisons à la fois économiques et stratégiques. Elle redoute une instabilité durable (trafics, flux migratoires clandestins, intégrisme, terrorismes) dans des régions essentielles pour sa sécurité. Outre une vaste opération de régularisation des immigrés clandestins réalisée en 1999, elle a mis en oeuvre une politique de quotas pour accueillir les ressortissants de certains pays , tels que l'Albanie, le Maroc et la Tunisie.

Elle a eu l'occasion d'affirmer sa vocation régionale à l'occasion des crises dans les Balkans tout en étant favorable à l'implication politique de l'Union européenne. En 1999, elle a joué un rôle de premier plan dans la campagne de frappes aériennes contre la RFY : départ de la plupart des vols des bases italiennes de l'OTAN, mise à disposition d'une quarantaine d'avions, d'unités navales de contrôles et de surveillance aérienne dans la zone Adriatique, participation de 7500 militaires répartis entre le Kosovo, la Macédoine, l'Albanie et la Bosnie. Depuis 1996, elle est membre du Groupe de contact.

En Albanie, dont elle est le premier partenaire bilatéral, l'Italie a pris l'initiative de l'opération Alba en 1997. Confrontée à une importante immigration en provenance de ce pays, elle s'emploie à lutter contre le trafic clandestin directement à partir de la côte albanaise et a apporté à l'Albanie une coopération institutionnelle, économique et humanitaire, notamment pour l'aider à gérer l'afflux de près de 450 000 réfugiés.

Elle entretient des relations étroites avec la Slovénie et la Croatie du point de vue économique et commercial. Un différend l'opposait jusqu'en 1995 à la Slovénie au sujet de l'indemnisation de ressortissants italiens expulsés d'Istrie après la deuxième guerre mondiale. La Croatie compte une minorité italienne, dont le statut fait l'objet de quelques litiges.

En Méditerranée la politique repose sur le maintien de bonnes relations avec tous les pays de la rive sud : normalisation récente des relations avec la Lybie qui fournit un tiers du pétrole italien, dissipation avec l'Algérie de malentendus sur le terrorisme liés à la communauté de Sant'Egidio, attention particulière pour la Tunisie, dont l'Italie est le deuxième partenaire commercial après la France, ainsi que pour le Maroc.

L'Italie qui plaide en faveur du développement d'un pôle sud européen au sein de l'Union européenne cherche en outre à coordonner ses positions méditerranéennes avec la France et l'Espagne lors de réunions de concertations tripartites -voire quadripartites avec le Portugal, dans plusieurs domaines.

iv- le renforcement recent des relations bilatérales

Les relations bilatérales, traditionnellement bonnes entre deux partenaires proches au sein de l'Union européenne, sont caractérisées par une imbrication croissante des économies, la densité des échanges culturels et un rapprochement politique significatif depuis quelques années.

A- Un dialogue politique accru

Le dialogue politique traditionnellement régulier et important entre deux partenaires fondateurs de l'Europe s'est intensifié avec l'arrivée au pouvoir d'une majorité stable en Italie, la proximité politique des deux majorités à partir de l997 ayant favorisé l'établissement de liens plus étroits.

Si la proximité des positions s'exprime d'une manière générale, dans la construction européenne, les liens ont été néanmoins renforcés par le soutien apporté par la France à l'entrée de l'Italie dans l'euro et par l'évolution de cette dernière en faveur de l'Europe de la défense, concrétisée notamment par son engagement dans les Balkans .

Symboles de la qualité des échanges, les sommets annuels bilatéraux ont été marqués par celui de Chambéry qui a relancé, à l'automne 1997, un dialogue intense entre les deux exécutifs.

Le 19ème sommet qui s'est tenu à Nîmes les 23 et 24 septembre 1999 a souligné une très forte convergence sur la réforme des institutions de l'Union européenne et l'élargissement, ainsi que sur l'Europe de la défense, les deux pays ayant l'ambition commune de mettre en place des instances politiques et militaires à l'issue du conflit au Kosovo et de renforcer les forces multinationales européennes (Eurofor et Euromarfor) auxquelles ils participent. Des progrès ont été enregistrés en ce qui concerne l'industrie de la défense, avec la construction d'une frégate anti-aérienne commune.

La perspective de la Conférence de Seattle a été l'occasion d'exprimer un point de vue commun sur la diversité culturelle et sur la nécessité d'intégrer un certain nombre d'exigences sociales et environnementales au sein de l'OMC.

Ont également été abordés la question de la réouverture du tunnel du Mont-Blanc, à la suite de l'incendie qui a fait 39 victimes, le 24 mars 1999, et la politique des transports à travers les Alpes. L'Italie et la France se sont prononçées en faveur d'un rééquilibrage de la route vers le rail, de la mise en _uvre de mesures de régulation du trafic routier et de la poursuite des études sur le projet de nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin qui doit permettre de multiplier par quatre le trafic de marchandises sur rail à l'horizon de 2015 (). La décision définitive de réaliser ce projet doit intervenir lors du prochain sommet bilatéral à l'automne 2000.

Par ailleurs, certaines coopérations entre administrations méritent d'être signalées : coopération policière dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, coopération policière et douanière dans l'espace Schengen, coopération judiciaire concrétisée par le détachement de magistrats de liaison auprès des deux ministères de la Justice.

B- Des relations commerciales qui reflètent "l'imbrication" croissante des économies

D'intenses relations commerciales :

Deuxième partenaire commercial de la France à égalité avec le Royaume-Uni, l'Italie est son deuxième fournisseur et son troisième client.

Les échanges, dont l'évolution est sensible aux variations de la conjoncture, sont marqués depuis 1995 par le redressement du taux de couverture en faveur de la France pour atteindre un quasi-équilibre, avec 169,7 milliards de francs d'importations et 166,5 milliards de francs d'exportations en 1999.

Le marché italien représente 9,13 % des exportations françaises et 9,61 % des importations. A l'instar de nombreux pays européens, la France a constaté cependant en 1999, sous le double effet de la concurrence asiatique et de la contraction de la demande italienne, une légère érosion de sa position qui représente 12,6 % du marché transalpin, dans un contexte de contraction des échanges bilatéraux.

La France, traditionnellement excédentaire dans l'agro-alimentaire (16 milliards de francs), subit toutefois une concurrence aiguë dans la filière de la viande de la part de l'Espagne. Le secteur de l'agroalimentaire italien connaît une progression régulière à l'exportation. Les échanges de produits industriels représentent près de 86 % des échanges bilatéraux et entraînent, en règle générale, un déficit pour la France. L'excédent français est traditionnel dans l'industrie automobile qui détient 14 % du marché italien, tandis que l'industrie automobile italienne a explosé sur le marché français en 1999. Les secteurs de la pharmacie et de la plasturgie, en hausse, ont stimulé en 1999 l'exportation des biens industriels français.

Parmi les importations françaises de biens de consommation, le secteur traditionnellement important du cuir-textile-habillement s'est contracté en 1999.

La reprise économique en Italie devrait en 2000 profiter à la France en raison de la dépendance traditionnellement forte de l'Italie pour les biens intermédiaires et d'équipement, la relance de la consommation des ménages et des investissements industriels.

"L'imbrication" des économies :

Au-delà de variations conjoncturelles dans les échanges commerciaux, les échanges intra-groupes, qui soulignent l'importance des investissements croisés entre les deux pays, reflètent l'imbrication des économies.

Seconde destination des investissements italiens, la France se situe parmi les premiers investisseurs de l'autre côté des Alpes, où ses investissements ont crû à partir de 1995. En termes de stocks, les investissements français en Italie représentaient en 1997, 41,8 milliards de francs contre 42,6 milliards pour les investissements italiens en France.

En 1998, la France détenait des participations dans 277 entreprises, employant plus de 91 000 personnes et réalisant 1/5ème du total du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises étrangères en Italie. Les investissements ont majoritairement été effectués dans les secteurs manufacturiers (50 % des investissements français, 30 % des investissements italiens) ainsi que, plus récemment, dans celui de services marchands. Au cours des dernières années, les investissements français se sont essentiellement concentrés dans la distribution, la banque et l'assurance-crédit. Les investissements italiens en France demeurent plus diversifiés.

Au total, quatre sociétés françaises (Alcatel-Alsthom, Danone, Michelin et Saint-Gobain) se situent parmi les vingt premières sociétés en Italie.

Depuis 1998, le secteur des télécommunications a également fait l'objet d'évolutions croisées avec l'investissement massif de Telecom Italia dans " 9 Telecoms " et l'acquisition par France Telecom de 24,5 % de l'opérateur de téléphonie globale WIND en vue notamment de l'obtention de la troisième licence de téléphonie mobile sur l'un des marchés les plus dynamiques d'Europe.

C- Des relations culturelles de premier plan

Deuxième partenaire économique, l'Italie est aussi le premier partenaire culturel de la France du fait de la richesse des échanges intellectuels et artistiques relancés par la volonté politique depuis 1996 et de la proximité des positions face aux enjeux de la diversité culturelle.

Il existe en effet une convergence de vues globale sur la promotion de la diversité culturelle, le souci de tenir les secteurs de la culture et de l'audiovisuel hors de la libéralisation des échanges et la volonté de préserver une identité culturelle et une industrie audiovisuelle nationale, même si les positions respectives recouvrent en pratique certaines nuances.

Des accords de coproduction favorisent l'accès réciproque aux systèmes d'aide publique dans le secteur du cinéma, huit coproductions franco-italiennes ayant été réalisées en 1999. L'Italie représente un marché important pour les films français. La distribution des films devrait être favorisée par la création en 1997 du bureau franco-italien du cinéma.

Le dynamisme des échanges se concrétise particulièrement dans le secteur de l'audiovisuel. Outre les accords de coopération signés en 1997 entre la RAI (télévision publique italienne) et ARTE d'une part, en vue de l'achat de programmes et de coproduction, et, d'autre part, en 1998, entre la RAI et France Télévision, la télévision italienne a conclu pour la première fois en avril 1999 une alliance stratégique avec un groupe privé, Canal +, pour la fourniture de six nouvelles chaînes numériques par l'intermédiaire de la chaîne Telepiu.

Canal +, propriétaire à 98 % de cette chaîne, est devenu, depuis 1997, l'un des principaux opérateurs de TV en Italie. Lors de son implantation dans la péninsule, ce groupe s'est engagé auprès du gouvernement italien à effectuer des investissements importants dans la production, l'achat et la diffusion par ses chaînes de films italiens en Europe.

La présence de la France en Italie est assurée par le rayonnement sur l'ensemble du territoire d'un réseau culturel et linguistique important déployé par le ministère des Affaires étrangères comprenant, outre les services culturels de l'ambassade à Rome et le bureau de coopération linguistique, six instituts français (Milan, Turin, Gênes, Florence, Naples, Palerme), leurs antennes (Bologne, Aoste ) ou délégation (Venise) et une cinquantaine d'Alliances françaises.

L'enveloppe totale de crédits d'intervention pour la coopération culturelle et scientifique en Italie, qui a baissé de 4 % par rapport à 1998, s'élève à 15.316.000 F pour l'année 2000. 86 % des crédits sont consacrés aux secteurs culturel, linguistique et audiovisuel. Le nombre de postes budgétaires a été réduit en 1999.

Des institutions prestigieuses concourent par ailleurs de longue date à la présence culturelle de la France, telles que l'Académie de France à Rome établie à la Villa Médicis et l'Ecole française de Rome. De nombreux acteurs privés et/ou décentralisés participent au dialogue culturel et aux échanges, conformément au mode de gestion de la culture en Italie.

En dépit de l'importance des efforts du réseau français pour promouvoir l'apprentissage de la langue française en Italie, force est de constater que la situation est moins favorable que par le passé. Si l'Italie n'a pas le monopole de la progression de l'anglais au détriment du français, le phénomène est plus douloureux dans un pays où, jusqu'à une époque récente, les élites parlaient et écrivaient une langue aussi proche de la leur. Tel ne sera probablement plus le cas parmi les générations montantes.

Si à l'heure actuelle, 30 % des jeunes italiens choisissent l'apprentissage du français comme première langue vivante, celui-ci a été néanmoins menacé par une réforme du système éducatif visant à rendre obligatoire l'apprentissage d'une seule langue. Un projet de loi relatif à l'enseignement d'une deuxième langue vivante étrangère en cours d'examen relativiserait cette menace sous réserve, d'une part, du statut relativement marginal de la deuxième langue en Italie et, d'autre part, de la vive concurrence exercée par l'allemand, soutenu par d'importants moyens et, de plus en plus, par l'espagnol dans le cadre d'une offre linguistique proposée de manière autonome par chaque établissement. Tant l'allemand que l'espagnol sont désormais perçus comme des langues de communication internationales au même titre que le français.

Quel que soit le recul du français en Italie, sa position demeure largement plus enviable que celle de l'italien en France, relégué dans la plupart des cas au rang de troisième langue vivante, bien que la demande des élèves ne cesse d'augmenter.

v- principaux enseignements degages par la mission

A- Le nécessaire renforcement de la coopération parlementaire franco-italienne

La mission a paradoxalement révélé, après une interruption des échanges entre les deux groupes d'amitié, pendant seize ans, une nette insuffisance des relations parlementaires entre la France et l'Italie. En dépit d'une indéniable proximité géographique et d'une prétendue communauté culturelle entre deux pays fondateurs de l'Europe, il arrive que la connaissance mutuelle se borne aux apparences, voire aux clichés réciproques, entretenus par le caractère parfois superficiel de relations nouées dans un cadre multilatéral. Le renforcement de la coopération parlementaire bilatérale s'impose, non seulement en soi, en raison de l'importance du partenariat franco-italien, mais également dans le but d'agir plus efficacement sur le plan international et la construction européenne en particulier.

1- L'approfondissement des relations bilatérales et l'émergence d'une diplomatie parlementaire de réseaux

Le partenariat franco-italien, très important tant du point de vue politique et culturel qu'économique, ne trouve pas à s'exprimer de manière aussi intense dans l'enceinte parlementaire, lieu du débat par excellence et de la confrontation des expériences. Si les parlementaires français et italiens sont naturellement amenés à se croiser dans les différentes organisations régionales ou internationales dotées d'une Assemblée parlementaire, leurs rencontres ont nécessairement un objet multilatéral. En outre, les relations interparlementaires entre commissions permanentes demeurent très ponctuelles. Seuls les Présidents des Assemblées ont, jusqu'à présent, entretenu un dialogue riche et régulier.

L'abondance des sujets bilatéraux justifie d'instaurer, à l'image de ce qui existe avec l'Allemagne, une coopération parlementaire spécifique permettant à la fois une meilleure information, une plus grande compréhension mutuelle et un meilleur contrôle des décisions prises par les pouvoirs exécutifs respectifs. Différents sujets pouvant faire l'objet de débats tels que les transports transfrontaliers, la régionalisation, la lutte contre la contrefaçon, la lutte contre le crime organisé, etc... ont d'ores et déjà été envisagés au cours des entretiens avec les députés italiens.

Par ailleurs, les relations franco-italiennes, aussi bonnes soient-elles, ne sont pas irrémédiablement acquises, si l'on en croit l'attraction exercée sur l'Italie par une Espagne modernisée. Il ne serait par conséquent pas superflu de les consolider sur le plan parlementaire.

Au-delà des enjeux strictement bilatéraux, la volonté d'instaurer une coopération renforcée s'inscrit naturellement dans une démarche européenne. Il s'agit tout d'abord de corriger la relative marginalisation des représentations nationales dans la construction européenne, à la fois du point de vue de leur information et de leur possibilité d'intervention. S'informer mutuellement, se concerter, arrêter des position communes, permettrait d'influencer et de contrôler plus efficacement non seulement les instances communautaires, mais aussi les pouvoir exécutifs en première ligne en la matière.

Tel est sans doute l'objectif de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires. Pour autant, la mise en oeuvre de nouveaux réseaux, loin de concurrencer cette organisation, favoriserait au contraire, à travers l'implication d'un nombre plus important de députés, une association plus satisfaisante des parlements nationaux à la réflexion sur l'avenir de l'Europe, à la fois du point de vue politique et stratégique.

A la veille d'un élargissement caractérisé par le renforcement de l'Europe continentale, les deux assemblées pourraient ainsi, en particulier, oeuvrer en faveur du développement du pôle méditerranéen de l'Union européenne et de la coopération avec les autres pays de la Méditerranée, dans la continuité de la Conférence de Barcelone et des initiatives qui lui ont succédé.

2- Les voies d'une coopération renforcée

L'institutionnalisation et l'annualisation des échanges, à l'instar du sommet annuel franco-italien, créeraient les conditions d'un dialogue approfondi entre députés français et italiens.

Au-delà des 172 groupes d'amitié, l'Assemblée nationale est liée de manière plus étroite à un certain nombre d'Assemblées parlementaires, selon des modalités susceptibles d'inspirer la coopération franco-italienne.

Les " grandes commissions ", avec la Douma d'Etat, avec l'Assemblée du Québec, l'Association parlementaire France-Canada fonctionnent ainsi selon un rythme d'échanges annuels organisés autour de débats sur des thèmes d'intérêt commun bien définis qui donnent lieu à des visites alternées et se concluent par la publication d'actes.

En l'absence de structures ad hoc, des relations privilégiées ont été établies avec certains Parlements des pays proches, tel que le Bundestag. Un système d'échanges annuels de parlementaires - ainsi d'ailleurs que de fonctionnaires- est pratiqué avec ce dernier. Il a même pu prendre une forme originale au moyen du jumelage de députés et de séjours en circonscription.

En outre, différentes formes de coopération ont été institutionnalisées entre les commissions des Lois et des Finances de l'Assemblée nationale et du Bundestag, ainsi qu'entre les commissions des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, du Bundestag et de la Diète polonaise qui se réunissent une fois par an, à l'image des sommets du " Triangle de Weimar ".

La Chambre des députés italienne qui ne dispose pas, quant à elle, d'un instrument tout à fait équivalent à celui des groupes d'amitié français, a récemment opté pour la création de commissions bilatérales, en ciblant, parmi ses priorités diplomatiques, le Congrès des députés espagnol, la Diète japonaise, la Douma d'Etat russe.

Convaincu de la nécessité de renforcer les échanges avec l'Assemblée nationale et satisfait de l'expérience en cours avec l'Espagne, son Président propose de transformer cette commission italo-espagnole en une structure tripartite rassemblant, avec la France, trois des plus grands parlements de la Méditerranée.

Structure bilatérale ou commission tripartie, le choix de l'une ou l'autre de ces solutions doit être guidé par le seul souci de favoriser un dialogue constructif pour les Assemblées parlementaires.

B- L'autonomie régionale au service du développement

A l'occasion de sa visite dans le Val d'Aoste, la délégation s'est intéressée à la régionalisation italienne, à quelques jours du scrutin ayant pour objet d'élire pour la première fois, les Présidents de quinze régions au suffrage universel direct, et de l'entrée en application d'une réforme qui accroît sensiblement leurs pouvoirs. Elle a apprécié l'originalité du statut spécial de la région du Val d'Aoste, dont le remarquable développement économique a été favorisé par une réelle autonomie.

1- Les régions italiennes : des entités en quête d'autonomie

Prévoyant l'octroi d'un statut particulier d'autonomie à cinq régions spécifiques en raison de traditions culturelles et linguistiques propres (Val d'Aoste, Trentin-Haut-Adige, Frioul-Vénétie-Julienne, Sardaigne, Sicile), la Constitution de 1947 a également établi une liste de quinze régions à statut ordinaire(1). Toutefois, la régionalisation n'est pas entrée en application avant les années 1970 au terme d'un processus long et ardu de transfert de compétences.

Outre un pouvoir réglementaire et des compétences administratives déléguées, les régions à statut ordinaire sont dotées par la Constitution d'un pouvoir législatif, soumis à une procédure particulière de contrôle, dans certaines matières : urbanisme, travaux publics, voirie, transports, santé, tourisme, agriculture et artisanat.

Les régions à statut spécial disposent, en application de leur statut respectif, d'une plus grande autonomie d'organisation et des compétences législatives plus étendues, de différente nature (compétence exclusive, compétence concurrente ou compétence d'application). Le contrôle de conformité exercé par l'Etat italien est effectué par une commission de coordination présidée par un représentant du ministère de l'Intérieur pour le pouvoir législatif propre et par une commission paritaire s'agissant des lois d'application.

L'analyse des rapports financiers des régions avec l'Etat a montré que la pratique avait sensiblement atténué la portée du principe, également reconnu par la Constitution, d'autonomie financière, les régions à statut spécial bénéficiant en réalité d'une plus grande autonomie financière que les régions ordinaires. En 1991, les régions à statut spécial dépendaient des transferts de l'Etat pour 39,5 %, contre 83 % pour les régions ordinaires. Leurs ressources propres (14 % de leurs recettes en 1991) sont complétées par l'attribution, en fonction de l'impôt recouvré sur leur territoire par chacune d'entre elles, de quotes-parts du rendement des principaux impôts levés par l'Etat. Ces dotations globales sont libres d'affectation. L'ensemble des recettes non affectées représentent en moyenne plus de 60 % des ressources des régions spéciales. A l'inverse, les recettes des régions ordinaires étaient, en 1991, constituées pour 83 % par des transferts affectés, pour 6,6 % par des transferts libres d'affectation, pour 2,7 % par des impôts levés directement par la région (taxe sur les véhicules automobiles pour l'essentiel), et pour 7,7 % par d'autres ressources propres ou emprunts.

Considérée comme insuffisante par les tenants d'une régionalisation plus poussée, l'autonomie des régions ordinaires a fait l'objet d'une réforme adoptée en 1999, qui tend à les rapprocher des régions à statut spécial.

Cette réforme étend leurs pouvoirs de manière considérable. Les régions disposeront d'une compétence législative étendue, l'Etat ne gardant en définitive de compétence exclusive que dans ses fonctions régaliennes (politique extérieure, défense, politique budgétaire, monnaie et sécurité). Elles pourront élaborer leur statut, choisir leur mode de scrutin, décider de leur forme de gouvernement, conclure certains accords internationaux. Elles bénéficieront également d'une large autonomie financière et fiscale.

Outre cette extension des pouvoirs, la loi constitutionnelle du 22 novembre 1999, appliquée pour la première fois le 16 avril 2000 conforte la légitimité des présidents de régions élus au suffrage universel direct, pour une durée de cinq ans.

2- L'autonomie au service du développement : le cas du Val d'Aoste

Avec un taux de croissance de 2, 8 %, un taux de chômage inférieur à 6 %, un revenu par habitant de 31,7 millions de lires, soit 105 700 francs, contre une moyenne nationale de 25,6 millions de lires, et une valeur ajoutée par habitant supérieure de 20 % à la moyenne nationale, la région du Val d'Aoste a continué, en 1999, à se classer parmi les premières régions italiennes et européennes en terme de niveau et de qualité de vie.

Le statut de la région autonome du Val d'Aoste prévoit ainsi la compétence législative exclusive du Conseil régional dans de nombreuses matières (élections, institutions, budget et finances, urbanisme, agriculture, eau, forêt, tourisme, artisanat, culture, enseignement technique, voirie, transport, police locale, etc..) sous réserve du respect des principes fondamentaux de la République italienne et de ses engagements internationaux, et un pouvoir d'adaptation des lois de la République dans certaines autres.

Au-delà des aides européennes dont elle est une des premières régions bénéficiaires en Italie, cette petite région, enclavée, a su transformer ses handicaps en atouts, grâce à une large autonomie financière.

La région autonome reçoit, en effet, 90% des recettes fiscales recouvrées dans la région par l'Etat. Le budget, qui s'élève à environ 6,8 milliards de francs en 2000, est également alimenté par les recettes reversées par la société concessionnaire du Casino de Saint-Vincent, propriété de la région (environ 442 millions de francs) et par celles engendrées par le transit transfrontalier (compensation de la TVA à l'importation depuis son intégration au budget de l'Etat en 1993) et par le tourisme, pour un montant annuel d'environ 1,8 milliards de francs.

En contrepartie, la région assume seule la charge du corps forestier régional, l'entretien des routes nationales, ainsi que le financement des dépenses d'éducation (20 % du budget régional), tant en ce qui concerne l'entretien des bâtiments que la rémunération des personnels.

Elle pratique une politique active d'intervention économique et de soutien à l'emploi, en particulier dans les secteurs de l'industrie, du tourisme et des transports et est actionnaire de sociétés telles que la Centrale laitière d'Aoste, " l'Autoport " et la Finaosta, société financière régionale. Cette dernière a joué un rôle fondamental dans le développement économique en faveur de la transformation de l'agriculture de montagne, la restructuration des industries sidérurgiques, l'encouragement des investissements locaux des petites entreprises, la valorisation du tourisme de montagne et l'attribution d'aides financières destinées à distinguer les atouts de la région dans ce secteur (accueil, formation professionnelle, etc...). Le tourisme, qui contribue pour 35 % au PIB régional, a fortement progressé depuis 1990.

c- la francophonie, expression de l'identité regionale

1 - Un bilinguisme historique et officiel

C'est en raison de la présence d'une population francophone (85.000 sur 115. 000 habitants, soit 70 % de la population) que le Val d'Aoste jouit d'un statut spécial. Et c'est sous l'étiquette de " minorité linguistique " que les représentants du Val d'Aoste siègent au Parlement italien.

Du point de vue historique et politique, la francophonie a représenté un enjeu substantiel pour la région qui milite activement en sa faveur. Rattachée au royaume de Bourgogne au Moyen Âge, puis à la maison de Savoie, annexée à la République française après la Révolution, intégrée au royaume d'Italie lorsque celui-ci fut créé en 1861, cette communauté fut à deux doigts de revenir à la France à la fin de la seconde guerre mondiale. Les " Mémoires de guerre " du général de Gaulle l'attestent : " Quant au Val d'Aoste, nous aurions eu les meilleures raisons ethniques et linguistiques de nous l'assurer [...] Mais comme pendant huit mois de l'année les neiges du Mont Blanc interrompent les communications entre la France et les Valdôtains, dont l'existence est, de ce fait, liée à celle de l'Italie, nous avions pris le parti de ne pas revendiquer la possession de la vallée. Il nous suffirait d'obtenir que Rome en reconnût l'autonomie ".

Dans cette région officiellement bilingue, le français et l'italien sont à parité en application du statut spécial. Les actes administratifs peuvent être rédigés en application du statut dans l'une ou l'autre langue, à l'exception des actes de l'autorité judiciaire rédigés en italien. Le statut prévoit une priorité d'embauche pour les fonctionnaires francophones ou autochtones.

L'enseignement est organisé selon les dispositions et les programmes en vigueur dans l'Etat italien, moyennant des adaptations régionales, l'une d'entre elles ayant, par exemple, consisté en 1998 à rendre obligatoire une quatrième épreuve de français à la " maturità " (équivalent du baccalauréat). Si les enseignements sont dispensés en majorité en italien, un nombre d'heures hebdomadaires, égal à celui consacré à l'enseignement de l'italien est toutefois réservé au français dans les écoles du premier et du second degré.

Cependant l'évolution démographique fait peser des menaces sur l'usage du français du fait de la moindre expansion d'une population autochtone attachée au français et de la progression d'une immigration, autrefois en provenance du " Mezzogiorno ", et désormais originaire des pays d'Europe orientale et du Maghreb. Les immigrants se révèlent être, dans l'ensemble, indifférents voire hostiles au statut bilingue des écoles.

La France soutient les efforts des autorités régionales en faveur de la langue française au moyen de plusieurs instruments : un attaché linguistique chargé de mettre en _uvre un projet de coopération éducative et linguistique (formation des professeurs du secondaire, échange d'enseignants), l'Alliance française d'Aoste qui s'efforce depuis 1979 de favoriser des manifestations culturelles, la présence auprès de la RAI régionale d'un coopérant du service national qui apporte un appui à la production du journal télévisé en français.

Les autorités valdôtaines ont souhaité attirer l'attention de la France sur l'originalité, en même temps que la précarité linguistique et culturelle de leur région et réclamé une plus grande considération de sa part.

2 - La volonté de participer davantage à la francophonie institutionnelle.

La région bénéficie du statut d'" observateur privilégié " dans les sommets de la Francophonie. Elle participe également au Forum francophone des affaires, à l'Association des maires francophones, et à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dont une commission permanente est présidée par le Président du Conseil régional.

La région du Val d'Aoste revendique toutefois, au sein de la francophonie, le statut de membre plein -dont bénéficient certaines provinces ou Etats fédérés, par exemple le Québec ou la Communauté française de Belgique- qu'elle ne peut obtenir du fait de la non-appartenance de l'Italie à la communauté des Etats ayant le français en partage. Cette même raison fait obstacle à ce que les deux représentants du Val d'Aoste au Parlement italien fassent partie de l'APF.

Le groupe d'amitié soutient la double demande d'une meilleure intégration du Val d'Aoste dans la Francophonie, tout en appelant de ses voeux l'essor de la francophonie dans la société civile, au moyen notamment de jumelages, échanges scolaires, constitution de réseaux informatiques, etc...

d- l'accident du tunnel du mont-blanc : une lecon en faveur de l'essor du trafic ferroviaire

1- Une sécurité exemplaire, condition de la réouverture du tunnel du Mont-Blanc

Au cours de la visite du tunnel du Mont-Blanc, la délégation a conforté sa conviction de la nécessité d'un dispositif de sécurité rigoureux, afin que ne se reproduise un drame tel que celui qui a entraîné la mort par asphyxie de 39 personnes, le 24 mars 1999.

Le tunnel du Mont-Blanc, long de 11,6 kilomètres, était considéré depuis sa mise en service en 1966, comme sûr, 17 incidents seulement ayant été recensés en 34 ans d'activité. L'incendie du 24 mars 1999 analysé comme un enchaînement de circonstances néfastes (transport de matières hautement combustibles, insufflations malheureuses d'air, etc...) a, en outre, révélé un environnement peu rigoureux : inadaptation de consignes de sécurité -de surcroît anciennes, insuffisante coordination des deux sociétés exploitantes (ATMB - Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc pour la partie française du tunnel et SITMB, Société italienne du tunnel du Mont-Blanc pour la partie italienne), inexistence d'une galerie de sécurité permettant l'évacuation des usagers.

Indépendamment de l'action judiciaire, l'accident a fait l'objet d'une enquête administrative et technique qui a débouché sur le rapport définitif franco-italien le 30 juillet 1999, contenant, outre l'analyse de l'" enchaînement tragique des séquences qui vont de l'incident à la catastrophe ", 41 propositions et recommandations (1)..

Les ministres français et italiens chargés des transports ayant arrêté une série d'orientations en vue de soumettre la réouverture du tunnel au respect de très hautes conditions de sécurité, la commission intergouvernementale de contrôle a approuvé en décembre 1999 un programme de travaux de remise en état et de sécurisation du tunnel, présenté par les sociétés concessionnaires et amendé par le comité de sécurité.

Parmi les points non négociables retenus par les gouvernements des deux pays, figure en particulier l'unité de commande, d'une part de la maîtrise d'ouvrage des travaux, et d'autre part, de l'exploitation, la maintenance et la surveillance du tunnel. La structure commune d'exploitation prendra la forme d'un GEIE (groupement européen d'intérêt économique), dont la création sera approuvée par voie de lettres entres les deux gouvernements, sans qu'il soit nécessaire de modifier la convention de 1953 qui lie la France à l'Italie sur le tunnel du Mont Blanc.

Au cours de sa visite, la délégation du groupe d'amitié a pu observer les travaux de réfection et de sécurisation qui ont débuté en avril 2000 dans la partie italienne du tunnel, après la reconstitution partielle de l'accident à la demande de la justice française.

Au-delà de la remise en état du tunnel, les travaux visent donc à renforcer les installations de sécurité (ventilation, doublement des refuges, connexion des refuges à des gaines d'air frais). Dans le nouveau dispositif, outre les postes de secours de pompiers à chaque extrémité du tunnel, un poste de garde sera installé à mi-parcours, près du kilomètre 6 où a démarré l'incendie du 24 mars 1999.

Le maître-d'_uvre des travaux est commun aux deux sociétés d'exploitation, ATMB et SITMB.

Le rapporteur de l'OPECST a, quant à lui, fait part de ses réserves sur certaines des dispositions prévues, en particulier l'utilisation d'une galerie de ventilation comme lieu d'évacuation des usagers, qu'il a qualifiée de " solution plus qu'a minima ", et sur l'insuffisance de l'ensemble du dispositif. Il redoute que des pressions en faveur de la réouverture rapide d'un ouvrage économiquement rentable n'aient raison de l'impératif de sécurité. Il préconise de limiter l'usage du tunnel aux seuls poids lourds de desserte locale, étant donné la difficulté d'effectuer un contrôle des poids lourds à l'entrée du tunnel côté français, du fait de la forte déclivité de la pente.

La réouverture du tunnel est annoncée pour le printemps 2001 à l'issue de l'achèvement des travaux et d'une expertise externe du dispositif de sécurité. La délégation a exprimé à plusieurs reprises la nécessité de faire prévaloir un haut niveau de sécurité sur une réouverture précipitée.

Outre la pénalisation de l'économie régionale (manque à gagner estimé à environ 2,3 milliards de francs en un an pour le Val d'Aoste), l'isolement psychologique subi de part et d'autre de la frontière, la fermeture pendant deux ans de l'une des plus importantes voies de communication à travers les Alpes (16 % des échanges franco-italiens) et la déviation du trafic qui engorge les vallées environnantes mettent à nu la fragilité et l'inadéquation du réseau actuel de traversées alpines et plaident fortement en faveur de l'essor du fret ferroviaire.

2 - Les perspectives offertes par la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin

Depuis 1970, le trafic de marchandises a quintuplé, plus d'un million et demi de poids lourds transitant chaque année sous les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, sans compter le trafic autoroutier littoral.

Pour des raisons de sécurité, de régulation du trafic et de protection de l'environnement, la réouverture du Tunnel du Mont-blanc s'inscrit nécessairement dans une perspective claire et résolue de transfert du fret de la route vers le rail, que les gouvernements français et italien se sont engagés à mettre en _uvre. L'objectif est de doubler le trafic ferroviaire de marchandises entre la France et l'Italie d'ici 10 ans, de manière à atteindre 20 millions de tonnes sur l'ensemble des lignes qui convergent vers l'actuel tunnel ferroviaire du Fréjus.

Une fois cette capacité maximale atteinte, un nouveau mode de franchissement reposant sur le ferroutage devra être mis en service. La nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin permettra, à l'horizon de 2015, de multiplier par quatre le trafic de marchandises sur rail. Les ministres français et italiens des Transports ont pris acte, le 15 mai 2000 à Modane, de l'avancement du programme triennal d'études de faisabilité du projet Lyon-Turin dont les conclusions seront soumises aux deux gouvernements à la fin du mois de juillet 2000. La décision d'engager sa réalisation doit intervenir lors du prochain sommet bilatéral à l'automne 2000. D'ores et déjà, la Commission Intergouvernementale (CIG) s'est prononcée pour la réalisation de l'ouvrage de franchissement des Alpes, en faveur de la variante, comprenant un tunnel de base avec une pente maximale de 8 °/°°, qui se révèle être la plus intéressante au regard des critères techniques, économiques et d'environnement. Dans cette hypothèse, le coût du tunnel de base est estimé à environ 6 milliards d'euros en cas de réalisation complète du projet, et à 3,8 milliards d'euros pour la réalisation d'un premier tube. Le projet sera financé à part égale entre la France et l'Italie, avec une participation européenne.

S'agissant des itinéraires d'accès au nouveau tunnel international, le ministre des Transports français a arrêté, dès septembre 1998, le choix du tracé entre Lyon et la limite du département de la Savoie. Les décisions relatives au choix du tracé à l'approche de Chambéry et aux aménagements à réaliser entre l'aéroport de Lyon-Satolas et la Combe de Savoie seront prises à l'automne 2000. Sur la partie italienne du projet, qui comprendra la création d'une ligne nouvelle entre Bussoleno et Turin, le ministre italien des Transports devrait définir d'ici septembre 2000 la solution retenue tant pour la sortie du tunnel que pour le contournement de Turin.

Lors de leur rencontre à Modane, les deux ministres des Transports ont également chargé la CIG de définir le programme de travail préalable à la construction du tunnel pour la période 2001-2006, qu'ils arrêteront en novembre 2000.

Au-delà de la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, un programme d'action a été engagé en 1997 pour améliorer, dès 2001, les conditions d'acheminement du fret ferroviaire sur la ligne existante Ambérieu-Turin.

La France, soutenue par le gouvernement italien, a déposé auprès de la Commission européenne, lors du Conseil des ministres des Transports du 6 octobre 1999, un mémorandum relatif à l'amélioration de la sécurité dans les tunnels, au développement politique résolument tourné vers les rééquilibrages au profit du fer et à la mise en oeuvre de mesures de régulation du trafic routier à l'échelle de l'Arc alpin. Les suites que la Commission se propose de donner à ce mémorandum seront examinées sous la présidence française au deuxième semestre 2000.

Par ailleurs, trois accords internationaux essentiels ont jeté les bases potentielles d'une autre politique de transport dans les Alpes. Ils reposent sur l'exigence d'une solidarité alpine accrue, sur la prise de conscience de l'exceptionnelle qualité de cet espace nécessaire à l'ensemble de l'Europe et sur la nécessité d'adapter et de coordonner la politique des transports au profit de la protection des Alpes.

Il s'agit de la Convention alpine signée en 1991, l'accord CE-Suisse sur les transports de voyageurs et de marchandises signé en 1999, la directive " Euro-Vignette " sur les péages et droits d'usage des infrastructures par les transports de marchandises.

ENTRETIENS

Entretien avec M. Nerio NESI (1), député de Ligurie
(Parti des communistes italiens)

Président de la Commission des activités productives

de la Chambre des députés

mardi 4 avril - 10 h 00

Après avoir souhaité la bienvenue à la délégation, M. Nerio Nesi souligne la réelle proximité de la France et de l'Italie, en dépit de la différence d'organisation des deux Etats. Ayant qualifié la France, qu'il connaît bien, de " pays homogène, au centralisme heureux ", il signale la montée en puissance des régions en Italie, tout en indiquant que les communes demeurent le niveau d'administration le plus populaire.

Abordant les caractéristiques de la politique économique italienne, il souligne trois faits marquants au cours des années récentes :

- L'entrée de l'Italie dans l'Union économique et monétaire, fondamentale pour le pays. Elle était soumise à la réduction de la dette publique et aux mesures d'assainissement des finances publiques prises à partir de 1996. Le mérite en revient au ministre du Trésor d'alors, M. Carlo Azeglio Ciampi, qui a été élu Président de la République en mai 1999, et au peuple italien qui a accepté d'en payer le prix en termes d'impôt -un impôt spécial ayant été créé- et de réduction des avantages sociaux.

- Le considérable programme de privatisations réalisé au cours de ces dernières années. L'Italie est allée beaucoup plus loin que la France dans l'étendue des privatisations, à tel point que l'Etat italien n'est plus en mesure de mener une politique industrielle.

- L'industrie de défense. L'Italie dispose d'une industrie de défense qui lui permet de produire des engins sophistiqués. Elle accomplit actuellement une réorientation européenne de cette industrie et vient de conclure un accord avec ses partenaires européens (français, allemands et espagnols). Finmeccanica devrait ainsi signer prochainement une alliance pour l'activité aéronautique militaire de sa filiale Alenia avec le groupe européen d'aéronautique et de défense (E.A.D.S.). Cette alliance permettra de créer une filiale commune spécialisée dans l'aéronautique militaire et de réorganiser l'industrie européenne de défense.

En conclusion, il constate à regret que le Royaume-Uni continue à garder des liens aussi étroits avec les Etats-Unis en matière de défense.

Après avoir remercié le Président Nesi pour son accueil, le Président Alain Bocquet indique que la mission a pour objectif de relancer les liens bilatéraux, après une interruption des échanges de seize années entre les deux groupes d'amitié.

Il estime que la mondialisation et la dérégulation auxquelles sont confrontés tous les pays posent, d'une manière générale, les problèmes de l'adaptation de la puissance publique et de l'Etat et de l'indépendance des grands groupes industriels obligés de modifier leurs stratégies de développement, ainsi qu'en témoigne l'exemple récent de l'alliance entre Fiat et General Motors. Ces questions interpellent tous les responsables politiques, quels que soient leur pays et leur parti.

M. Nerio Nesi ajoute que l'on observe, à l'heure actuelle, une " exaspération pathologique de la financiarisation de l'économie " particulièrement aiguë en Italie, où de nombreuses personnes ont tendance à perdre de vue l'économie réelle pour la spéculation financière et boursière.

Evoquant l'introduction des 35 heures en France, il salue une réforme qu'il aurait souhaité pouvoir mettre en _uvre en Italie en regrettant qu'elle n'y ait pas rencontré le même succès qu'en France. Son groupe politique, à l'origine d'une proposition de loi en faveur des 35 heures, s'est heurté à l'hostilité de la Cofindustria, le patronat italien, plus puissant que son homologue français, le Medef. Il reconnaît toutefois que l'accueil réservé à ce projet par les classes moyennes n'a pas été non plus très favorable.

Comparant les situations politiques française et italienne, il souligne deux différences majeures :

- Le cumul des mandats, impossible en Italie, à la différence de la France. Ainsi, le maire de Naples, récemment devenu ministre, a dû abandonner ses fonctions municipales.

- La superstructure administrative solide et puissante dont dispose la France avec, en particulier, une autorité préfectorale établie à côté des élus, et qui n'existe pas en Italie.

Après avoir évoqué l'évolution récente du Parti communiste français, il s'interroge sur la signification du remaniement du Gouvernement en France.

En réponse à ce dernier point, Mme Brigitte Douay indique que le remaniement, visant à renforcer la majorité plurielle, avait été approuvé, selon un sondage d'opinion, par 60 % des Français.

Il s'ensuit un échange de vue sur la situation politique française au cours duquel le Président M. Alain Bocquet et M. Michel Bouvard soulignent la difficulté de mener à bien une action politique en France, à l'heure actuelle.

S'interrogeant sur la primauté du politique, M. Loïc Bouvard estime que le pouvoir considérable de l'administration contribue à accroître la domination du Parlement par le pouvoir exécutif. Il approuve son collègue italien au sujet de l'essor de la sphère boursière et mentionne l'alliance récente des bourses de Paris, Bruxelles et Amsterdam.

Il considère que les réformes récentes relatives à la réduction du temps de travail et à la parité auraient dû se produire de manière naturelle et évolutive, sans l'intervention d'une loi ou d'une révision constitutionnelle. Il rappelle l'exemple de la loi Robien qui favorisait la réduction du temps de travail de manière incitative et facultative tout en soulignant que les effets de cette loi sur la réduction du chômage ont été inférieurs à celle observée dans certains pays dépourvus de tout dispositif législatif comparable.

Il pose ensuite quatre questions :

- sur la position de l'Italie sur le projet de vecteur spatial Vega dont la France s'est retirée,

- sur l'évolution préoccupante de la démographie italienne qui semble n'être plus en mesure d'assurer le renouvellement des générations à l'horizon de 2020,

- sur la compatibilité entre une carrière bancaire et l'appartenance au Parti communiste italien,

- sur l'appréciation portée par M. Mario Nesi sur la présidence de la Commission européenne par M. Romano Prodi, après avoir formulé le souhait que ce dernier contribue au renforcement de l'Europe du sud dans l'Union européenne.

M. Nerio Nesi répond à ses collègues que le poids de l'administration est également très important en Italie, tout en considérant que l'administration française est de meilleure qualité que l'administration italienne. Après avoir souligné la grande compétence des anciens élèves de l'Ecole Nationale d'Administration, il trouve toutefois surprenant que des banquiers soient issus de cette école et du corps de l'Inspection Générale des Finances.

Revenant sur les 35 heures, il exprime son admiration pour la ministre française en rappelant combien il regrette d'avoir échoué dans sa tentative de réforme. Il ajoute qu'outre son désaccord sur la réduction du temps de travail, la Cofindustria milite, de même que la droite italienne, en faveur de la suppression du principe de la convention collective nationale. Il est quant à lui favorable à ce type de norme protectrice des salariés.

En ce qui concerne l'évolution démographique, il confirme la baisse de la natalité qui, avec un taux de natalité de 9,4 pour mille et un indice de fécondité de 1,2, ne permettra pas à l'Italie d'assurer le renouvellement des générations. Il stigmatise un comportement démographique frileux, typique de la petite bourgeoisie italienne qui traverse actuellement une phase de repli et de crise identitaire.

Il considère que M. Romano Prodi, dont il salue l'intelligence, est politiquement proche de M. Raymond Barre.

S'agissant de ses activités professionnelles antérieures, il précise que, issu d'un milieu ouvrier de la région du Piémont, il a effectivement présidé une banque publique tout en militant pendant 20 ans au parti socialiste italien avant de rejoindre le parti communiste.

Rencontre avec M. Giangiacomo Migone,
député du Piémont (Démocrates de gauche),
Président, et des membres de la
commission des Affaires étrangères du Sénat

mardi 4 avril - 15 h 00

Après avoir souhaité la bienvenue à la délégation française, M. Giangiacomo Migone appelle de ses v_ux le renforcement des liens entre le Parlement français et le Parlement italien, en particulier dans le cadre de la construction de l'Union européenne.

Le Président Alain Bocquet se réjouit de ces propos et rappelle qu'il s'agit précisément de l'objectif de la présente mission, qui, après une interruption de seize ans des échanges entre les deux groupes d'amitié, souhaite relancer des contacts plus réguliers et plus étroits, en particulier dans le but de peser sur la construction européenne entre pays du sud de l'Europe. Dans cette perspective, il souligne l'intérêt d'instaurer un instrument de travail commun assurant la régularité des échanges entre les deux Parlements.

M. Giangiacomo Migone apporte son soutien à cette initiative de nature à diffuser les préoccupations européennes et internationales auprès de parlementaires qui, n'appartenant pas à la commission des Affaires étrangères, sont parfois moins attentifs aux enjeux internationaux.

Il ajoute que les commissions permanentes, et en particulier, les commissions des Affaires étrangères, de la Défense et des Affaires européennes, doivent également entretenir des contacts réguliers.

M. Michel Bouvard indique qu'à l'issue de cette reprise de contacts, le groupe d'amitié a pour objectif d'instaurer un échange annuel, à l'instar des sommets bilatéraux franco-italiens afin, notamment, de faire le point sur les dossiers communautaires et de renforcer le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. Il fait remarquer que le pouvoir du Parlement italien est supérieur à celui du Parlement français.

M. Giuseppe Basini (Alliance Nationale) approuve l'objectif visant à replacer les parlements nationaux au centre de la construction européenne et à dépasser la problématique qui oppose l'Europe des Etats à l'Europe fédérale pour aller vers une Europe confédérale.

Le Président Alain Bocquet précise que le développement des échanges entre commissions parlementaires permettrait de faire contrepoids à la Commission européenne et de ne pas laisser aux seuls gouvernements le soin de conduire les politiques européennes.

En réaction à ces remarques, M. André Vallini souligne le rôle du Parlement européen, omis jusque là par ses collègues, en dépit de son importance pour l'avenir de la construction européenne. Il partage cependant leur point de vue sur l'insuffisante participation des parlements nationaux et sur la nécessité de développer les relations bilatérales entre les commissions.

M. Saverio Salvatore Porcari (Forza Italia) estime que l'on peut réciproquement s'interroger sur le devenir des Parlements nationaux par rapport à l'évolution du Parlement européen. Il invite ses collègues à réfléchir à la nature de l'Europe qu'ils désirent : une Europe des patries, une Europe confédérale, ou bien une Europe fédérale qui se substituerait aux gouvernements et parlements nationaux.

M. Tana de Zulueta (Démocrates de gauche) suggère des échanges sur les thèmes de la coopération judiciaire et, notamment, la lutte anti-mafia et la lutte contre l'immigration clandestine, qui constituent toutes deux des questions préoccupantes.

M. Loïc Bouvard, après avoir salué deux de ses collègues membres de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, approuve le projet de développement des liens entre parlements nationaux au sein de l'Union européenne et interroge ses collègues italiens sur le bilan des sommets franco-italiens. Concernant la construction de l'Europe de la défense et d'une industrie européenne de la défense, il souhaite connaître leur point de vue sur les possibilités de la concilier avec, respectivement, la structure de l'OTAN et la puissance industrielle des Etats-Unis.

M. Giangiacomo Migone considère qu'aucun pays européen n'est suffisamment fort pour se faire entendre, à titre individuel, au niveau où sont prises les décisions qui s'appliquent à l'ensemble de l'Union, et que cette faiblesse individuelle justifie l'action collective. Convaincu de la nécessité de ne pas négliger le Parlement européen, il souhaite un renforcement rapide de celui-ci, afin qu'il soit en mesure d'exercer un pouvoir de contrôle. Favorable à la construction d'une défense européenne, il estime qu'il est de l'intérêt des alliés américains de renforcer un pôle européen susceptible de représenter une stimulation dans l'équilibre des pouvoirs.

M. Giuseppe Basini estime qu'en l'absence de programme de travail précis, les sommets franco-italiens n'ont pas produit jusqu'à présent les résultats escomptés. Il apporte son soutien à la construction d'une défense européenne en souhaitant que l'OTAN s'appuie sur deux piliers. Il interroge ses collègues sur l'adhésion de la Turquie, à laquelle il est personnellement défavorable.

M. Enrico Pianetta (Forza Italia) demande des précisions sur les conditions d'organisation des deux scrutins qui doivent se dérouler au printemps 2002, pour élire le Président de la République et les députés, compte tenu du calendrier fixé par la Constitution.

Le Président Alain Bocquet précise que les élections législatives sont en principe prévues en mars 2002 tandis que l'élection présidentielle doit intervenir en juin de la même année. Il ajoute que la législature semblant devoir aller à son terme, il serait délicat, en période de cohabitation, de vouloir modifier le calendrier électoral et que le Premier ministre et le Président de la République semblent tous deux songer à la compétition présidentielle. Il estime, à titre personnel, que l'inversion des séquences électorales pourrait entraîner une modification de l'importance politique des scrutins par rapport au schéma traditionnel, le scrutin législatif devenant alors déterminant par rapport à l'élection présidentielle, après avoir indiqué que, jusqu'à présent, l'expérience de la Vème République a montré le rôle fondateur du scrutin présidentiel dans les cycles de la vie politique française. Il conclut qu'il est très difficile de présumer de l'avenir à deux ans des échéances électorales.

M. Giulio Andreotti (Parti populaire italien) constate qu'hormis des contacts individuels privilégiés, les parlementaires n'ont pas les moyens de se tenir informés sur les travaux des parlements nationaux et signale que la réunion à Paris, en octobre 2000, de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) permettra de s'informer sur l'état d'avancement de la Conférence intergouvernementale.

Après avoir invité ses collègues à une réflexion commune, au moyen éventuellement des nouvelles technologies de la communication, sur la manière de mieux associer les parlements nationaux à la construction européenne, le Président Alain Bocquet conclut que cette question est essentielle pour l'avenir du Parlement.

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Entretien avec M. Luciano CAVERI,

député du Val d'Aoste (Union valdôtaine),

Secrétaire d'Etat auprès du Président du conseil ()

chargé des questions régionales,

Président du groupe Italie-France

mardi 4 avril - 18 h 00

M. Luciano CAVERI souhaite une chaleureuse bienvenue à la délégation française qu'il est heureux d'accueillir après tant d'années d'interruption des échanges. Il rappelle les différences d'organisation entre les deux groupes d'amitié : le groupe italien de l'UIP, qui comprend des députés et des sénateurs, est réparti en sous-groupes bilatéraux (Italie-France, Italie-Allemagne, etc.) qui constituent en quelque sorte l'équivalent des groupes d'amitié français. Ces groupes bilatéraux ont des effectifs inférieurs à ceux des groupes d'amitié français, le groupe Italie-France comprenant ainsi seulement quatre députés et deux sénateurs ().

Après avoir remercié au nom du groupe d'amitié français M. Luciano Caveri pour son invitation et effectué les présentations, le Président Alain Bocquet se réjouit de reprendre les échanges avec la Chambre des députés italienne et précise que la dernière visite du groupe d'amitié français remonte à 1984. Il souhaite que cette mission donne un nouveau départ aux relations parlementaires bilatérales et ouvre la voie à une véritable coopération sur les dossiers fondamentaux.

M. Luciano Caveri fait observer que les Présidents des assemblées se rencontrent régulièrement et que de nombreux moyens s'offrent désormais aux parlementaires pour multiplier les échanges d'informations, en mentionnant en particulier le développement des nouvelles technologies de la communication.

Approuvant vivement la proposition de coopération renforcée, il propose de la soumettre au Président de la Chambre des députés italienne au cours de l'entretien que la délégation doit avoir avec lui. Il suggère en outre l'inscription du thème des relations entre les parlements nationaux de l'Union européenne à l'ordre du jour de la prochaine réunion des Présidents des assemblées européennes. Il estime que les parlements nationaux doivent s'organiser en réseaux pour garder la place qui leur revient face au Parlement européen et à l'émergence des régions qui s'organisent également de leur côté.

M. Michel Bouvard rappelle qu'en 1996, tandis que lui-même présidait le groupe d'amitié, le Président de l'Assemblée nationale et le Président de la Chambre des députés avaient envisagé le renforcement des échanges entre les deux groupes d'amitié sous la forme d'une institutionnalisation et d'une annualisation des rencontres à l'instar des relations parlementaires franco-allemandes. Il souhaite que les commissions permanentes se réunissent sur des thèmes précis, relatifs à l'actualité bilatérale ou européenne, en vue de contribuer à la préparation des sommets franco-italiens.

M. Luciano Caveri précise que de telles réunions permettraient de contrôler de manière plus efficace les décisions prises à l'occasion des sommets. La délégation convient de soumettre au Président de la Chambre des députés la proposition de créer une structure de coopération bilatérale renforcée.

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Rencontre avec M. Francesco FERRARI,

député de Lombardie (populaire et démocrate),

vice-président, et des membres de la Commission spéciale (1)

des politiques européennes de la Chambre des députés

mercredi 5 avril - 15 h 30

Après avoir souhaité la bienvenue à la délégation, M. Francesco Ferrari souligne l'importance des rencontres entre parlements nationaux de l'Union européenne pour le renforcement de l'Europe. Il indique que la commission permanente des politiques européennes, qui est saisie de tous les projets de textes de l'Union européenne, envisage de mettre en place un lien informatique permettant de diffuser les informations relatives à l'Union européenne et de faire connaître les positions prises par chaque Parlement.

Le Président Alain Bocquet remercie M. Francesco Ferrari pour son accueil et indique, après avoir présenté la délégation, que la mission a l'objectif de donner un nouveau départ aux relations parlementaires afin de favoriser notamment l'émergence d'un pôle méditerranéen au sein de l'Europe. Il souhaite que les commissions parlementaires et les différents groupes de travail puissent entretenir des relations régulières sur des thèmes précis.

M. Domenico Bova (DSU) (2) demande si la perspective de l'élargissement de l'Union européenne, qui va mettre l'accent sur l'Europe continentale, est à l'origine de cette volonté de renforcement des échanges au sein des Parlements nationaux.

M. Alberto Lembo (Groupe Mixte) demande si le Parlement français a adopté un document d'orientation pour l'action du Gouvernement en matière communautaire pour les années(1) 2000-2005, comparable à celui approuvé par la Chambre des députés au mois de mars 2000.

Mme Paola Mariani (DSU), après avoir souhaité la bienvenue à la délégation, approuve la proposition de multiplier les échanges enrichissants pour les parlements nationaux.

Ayant précisé que les députés italiens souhaitent apposer un label " Italie " sur des produits typiquement italiens et engager une action auprès des autorités communautaires afin de pouvoir déposer cette marque au niveau européen avec le soutien, le cas échéant, d'autres parlements, elle souhaite connaître le point de vue des députés français sur ce type de mesure.

M. Domenico Pittino (Ligue du Nord) souhaite connaître la position française sur le rythme des négociations et le calendrier d'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale, dans le cadre de l'élargissement de l'Union européenne, et sur l'action de l'OTAN, dans les Balkans notamment.

Le Président Alain Bocquet estime qu'il est plus que jamais nécessaire pour les parlements nationaux de jouer un rôle actif dans la construction de l'Europe, à l'heure de son ouverture à l'Est, et de renforcer les échanges d'informations et les liens, en particulier grâce à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information. En ce qui concerne l'adoption d'un document d'orientation pour l'action européenne du Gouvernement pour les années 2000-2005, il précise que les questions européennes, appréhendées dans le contexte de la cohabitation, supposent un accord entre le Président de la République et le Premier ministre ; ce qui rend, par conséquent, l'adoption d'un document d'ensemble plus difficile. Il ajoute que la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, largement informée, est saisie de toutes les questions relevant de la compétence du Parlement.

S'agissant du rythme de l'élargissement, il rappelle la position de la France, qui est favorable, au sens de la formule " se hâter lentement ", à l'achèvement préalable des travaux de la Conférence intergouvernementale, afin de réussir l'intégration des pays d'Europe centrale.

En ce qui concerne la défense européenne, il souhaite que la construction de l'Europe de la défense permette de conquérir davantage d'autonomie.

Mme Brigitte Douay indique, en sa double qualité de Présidente du groupe d'études sur le textile de l'Assemblée nationale et de Présidente du Comité national de lutte contre la contrefaçon, qu'elle réfléchit actuellement avec les professionnels à la création d'une marque " fabriqué en France ". Le Comité national de lutte contre la contrefaçon invite, avec le concours de l'administration, tous les industriels à déposer leurs dessins, produits et créations, afin de les protéger. Il travaille, par ailleurs, avec les autorités de nombreux pays.

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Entretien avec M. Luciano Violante

député de Sicile (Démocrates de gauche)

Président de la Chambre des députés,

mercredi 5 avril - 20 h 30

Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à la délégation française, le Président de la Chambre des députés italienne se réjouit de l'élection récente par l'Assemblée nationale d'un Président d'origine italienne en estimant qu'elle est de très bon augure pour le renforcement des relations parlementaires bilatérales.

Après avoir remercié le Président de la Chambre des députés italienne pour l'invitation adressée au groupe d'amitié de l'Assemblée nationale, le Président Alain Bocquet rappelle l'interruption des relations entre les deux groupes d'amitié pendant seize années. Il propose de mettre en place une coopération plus étroite entre les deux assemblées.

Le Président Violante fait observer que le renforcement de la coopération entre parlements nationaux s'impose dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne, de même que celui d'un pôle méditerranéen. Il indique que dans la mesure où la commission bilatérale, créée avec le Congrès espagnol depuis deux ans et demi à l'initiative de la Chambre des députés italienne donne des résultats satisfaisants, une structure analogue pourrait être mise en place avec d'autres parlements nationaux tels que la Douma d'Etat de Russie. Dans la perspective de renforcer l'Europe du sud, il invite l'Assemblée nationale à rejoindre cette commission italo-espagnole afin de réunir les trois plus grands parlements de la Méditerranée. Il souhaite définir les modalités d'une telle coopération avec le Président de l'Assemblée nationale. Il approuve la proposition d'organiser régulièrement des réunions bilatérales sur des thèmes d'actualité.

M. Michel Bouvard estime que l'abondance des préoccupations communes milite en faveur de contacts réguliers entre les parlementaires, en vue de s'informer mutuellement et de définir des positions conjointes sur diverses questions d'ordre communautaire telles que l'harmonisation fiscale, la transposition de directives, ou l'élargissement de l'Union européenne... Il rappelle que dès 1996, les Présidents des deux assemblées avaient souhaité la multiplication des échanges institutionnels.

Convaincu que l'initiative du Président de la Chambre des députés italienne permettra de renforcer les relations franco-italiennes, le président Alain Bocquet s'engage à en faire part au Président de l'Assemblée nationale. Estimant que la situation est très favorable au rapprochement des deux assemblées, il remercie, au nom de la délégation, le Président de la Chambre des députés pour la cordialité de son accueil.

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Entretien avec M. Michele Tropiano

Directeur de l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc

jeudi 6 avril - 16 h 00

A l'issue de la visite du tunnel du Mont-Blanc, la délégation française s'est entretenue avec le directeur de l'exploitation du tunnel (société italienne du tunnel du Mont-Blanc).

En réponse à une série de questions de M. Loïc Bouvard sur la sécurité et le nombre d'accidents survenus dans le tunnel depuis son ouverture, sur l'opportunité de dédoubler le tunnel, et sur les conditions de travail des ouvriers sur le chantier, M. Michele Tropiano apporte les précisions suivantes :

- En 35 ans d'exploitation, le tunnel, d'une longueur de 11,6 km, a connu trois accidents mortels et une dizaine d'autres accidents, pour un trafic total de 46 millions de véhicules et une durée moyenne de traversée de 11 minutes, à raison de 60 km à l'heure.

- Les dispositifs de sécurité en cours d'installation apporteront les garanties optimales pour un tunnel bidirectionnel lors de sa réouverture. La vidéosurveillance intérieure sera unifiée et homologuée par les deux parties, française et italienne.

- le doublage du tunnel, susceptible d'entraîner un doublement du trafic, suscite l'hostilité des collectivités territoriales des deux côtés de la frontière. Un second tunnel, monodirectionnel, d'un coût très élevé d'environ 3 milliards d'euros, garantirait incontestablement une plus grande sécurité qu'un tunnel bidirectionnel.

- Des conditions réglementaires spécifiques au travail souterrain s'appliquent au chantier de reconstruction du tunnel. Travaillant sur un rythme de trois fois huit heures, les ouvriers doivent s'interrompre toutes les trois heures pour s'aérer avant de retourner sur le chantier. Soumis à des consignes strictes en matière de protection de la peau, ils portent un masque et une combinaison. Le port du masque est d'ailleurs obligatoire pour toute personne empruntant le tunnel, même pour une visite de courte durée. Ces conditions réglementaires spécifiques, figurant dans l'appel d'offres, qui a limité par ailleurs les possibilités de sous-traitance, s'imposent à l'entreprise adjudicataire.

Après avoir plaidé en faveur d'un tunnel ferroviaire, M. Michel Bouvard invite les autorités italiennes à réfléchir à une solution alternative au transport routier.

En conclusion, M. Tropiano confirme que la réouverture du tunnel est prévue pour mars 2001, à l'issue de l'achèvement des travaux prévu pour février 2001.

Le Président Alain Bocquet remercie la société italienne du tunnel du Mont-Blanc pour son accueil, après avoir rappelé l'impératif de sécurité qui doit présider à la réouverture du tunnel.

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Rencontre avec M. Robert Louvin

Président du Conseil régional du Val d'Aoste

(Union valdôtaine)

et des membres du Conseil régional

vendredi 7 avril - 10 heures

Le Président Robert Louvin souhaite la bienvenue à la délégation qu'il est très heureux d'accueillir à Aoste, à une semaine d'intervalle de la visite du nouveau Président de l'Assemblée nationale, dont il salue l'origine italienne.

Il présente les principales caractéristiques de la région : dès le Moyen-âge, elle a développé une conscience autonomiste aiguë et forgé sa propre langue. Mais ce n'est qu'à partir de l'unification de l'Italie, à la fin du 19ème siècle, que la Vallée d'Aoste a ressenti l'état de minorité. Ayant répondu au nationalisme fasciste par une très forte demande d'autonomie et de résistance, y compris pendant la guerre, elle a été le théâtre d'une bataille politique importante, de 1945 à 1947, qui s'est conclue par la naissance d'une région autonome à statut spécial en 1948. Dans cette région officiellement bilingue, sont enseignés à parité le français et l'italien. Sur le plan transfrontalier, la région a développé des relations avec la région Rhône-Alpes et les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie et transformé sa situation de frontière en une dynamique d'ouverture.

Les membres du Conseil régional participent activement aux institutions de la francophonie et en particulier à l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, dont lui-même préside la Commission éducation, communication et affaires culturelles.

Composé de 35 membres, le Conseil régional est élu au suffrage universel direct à la représentation proportionnelle. Outre un pouvoir législatif exclusif dans de nombreux domaines, l'Assemblée régionale exerce un pouvoir d'intégration et d'application des lois de la République italienne. Elle élit son Président, qui exerce la fonction de Préfet et dispose des pouvoirs de police administrative et réglementaire. Hormis les compétences régaliennes dévolues à l'Etat italien, l'ensemble de l'action administrative est de compétence régionale, en vertu d'une stricte application du principe de subsidiarité.

L'Etat italien n'exerce aucun pouvoir de tutelle sur l'action administrative et réglementaire du Conseil régional. Il existe un contrôle de compatibilité entre les principes généraux du droit italien et les lois adoptées par le Conseil régional.

Les membres du Conseil régional peuvent faire partie du gouvernement de la région, responsable devant le Conseil. La région autonome du Val d'Aoste est représentée au Parlement italien par un député et un sénateur, actuellement M. Luciano Caveri et M. Guido Dondeynaz.

Le budget de la région, d'un montant d'environ 1 milliard d'euros, dispose de ressources propres auxquelles contribuent les recettes du casino de Saint-Vincent, qui est l'un des quatre plus grands d'Europe.

Exprimant le très vif intérêt de la délégation pour la visite d'une région qui a su affirmer une forte identité tout en restant ouverte sur le monde extérieur, le Président Alain Bocquet remercie le Président Robert Louvin pour son accueil chaleureux. Le Val d'Aoste lui paraît constituer un bon exemple pour la construction européenne, à l'heure où certaines régions de l'Europe se replient au contraire sur une position nationaliste.

Du point de vue institutionnel, le statut spécial d'autonomie lui semble offrir des possibilités offensives, susceptibles d'inspirer la réflexion française sur la régionalisation et de faire progresser la décentralisation. Il précise que la France accuse un certain retard en matière régionale.

Il estime que la coopération interparlementaire permet de promouvoir la construction européenne sans négliger les parlements nationaux. A l'occasion de cette visite du groupe d'amitié France-Italie, il a proposé, avec son ami Luciano Caveri, le renforcement des relations parlementaires bilatérales.

Ayant rappelé à quel point le drame survenu en mars 1999 dans le tunnel du Mont Blanc, a profondément affecté la France, comme l'Italie, il précise la position française en matière de sécurité :

· des garanties maximales de sécurité doivent présider à la réouverture du tunnel ;

· un contrôle externe du dispositif de sécurité doit être effectué ;

· l'exploitation du tunnel doit être assurée par un Groupement d'intérêt économique européen (GIEE).

Il ajoute que la visite du chantier a permis de constater sa progression et d'apprécier le dispositif de sécurité prévu.

Il salue ensuite la francophonie du Val d'Aoste. Redoutant que les minorités linguistiques soient écrasées par le tourbillon de la mondialisation, il plaide en faveur du développement de la francophonie, expression d'une différence. Sans préjuger des prérogatives de l'Etat italien, il souhaite l'adhésion des parlementaires du Val d'Aoste à l'APF.

Ayant remercié le Président Robert Louvin pour son accueil et la délégation française pour sa visite, M. Luciano Caveri précise les raisons pour lesquelles il a proposé d'inviter ses collègues français dans le Val d'Aoste : outre l'indispensable examen du dossier, délicat et éminemment bilatéral, du tunnel du Mont Blanc, il a souhaité leur faire découvrir l'originalité de cette région, en particulier du point de vue institutionnel, dans la perspective d'une réflexion et d'un débat sur l'évolution des régions en France.

Appelant de ses voeux une étroite coopération interparlementaire sur certains dossiers d'intérêt strictement bilatéral ou européen, il exprime sa préférence pour une appellation autre que celle, un peu désuète, de " groupe d'amitié ". Il mentionne la proposition d'une collaboration tripartite avec l'Espagne, présentée par le Président de la Chambre des députés italienne, en soulignant l'intérêt d'aborder le thème régional dans un tel cadre. Soulignant à quel point la qualité du dialogue avec les députés français à permis de redécouvrir l'importance des relations interparlementaires, il formule le souhait de pouvoir se rencontrer d'ici quelques mois, peut-être à l'Assemblée nationale.

Enchantée par la cordialité de l'accueil, Mme Brigitte Douay salue la naissance d'une amitié franco-valdôtaine. Ayant souligné la faiblesse d'un taux de chômage inférieur dans le Val d'Aoste à la moyenne nationale italienne et très inférieur à celui de sa circonscription, dotée d'une population comparable d'environ 120 000 habitants, elle demande " la recette d'un tel succès ".

Après avoir à son tour remercié les autorités valdôtaines pour la qualité de leur accueil, Mme Muguette Jacquaint exprime également son admiration pour le faible taux de chômage, inférieur à 6 % dans la région, en comparaison de celui, de 20 %, de sa circonscription. Au sujet de la question régionale, qui revêt un intérêt particulier dans le Val d'Aoste, elle demande s'il existe un mécanisme de redistribution de la région vers les communes et, dans une telle hypothèse, s'il s'agit d'un financement en provenance de l'Etat ou de ressources propres de la région.

M. Loïc Bouvard, après s'être associé aux remerciements de ses collègues, pose une série de questions : il souhaite savoir si l'organisation actuelle des pouvoirs donne satisfaction aux autorités de la région ou bien si ces dernières désireraient disposer d'une plus grande autonomie. Il s'interroge sur les compétences de la région en matière internationale et en particulier sur la possibilité de passer des accords avec des Etats étrangers, sur l'existence d'une représentation de la région autonome à Bruxelles, auprès de la Commission et du Parlement européens. Après avoir mentionné la différence d'organisation des régions françaises par rapport aux régions italiennes, il demande des précisions sur l'organisation bicéphale du pouvoir régional et sur la nature des relations entre le Président du Gouvernement et le Président du Conseil régional.

Ayant confirmé la faiblesse d'un taux de chômage inférieur à celui du Piémont et de la plupart des régions italiennes, le Président Robert Louvin présente les facteurs de réussite économique d'une région qui a connu, au lendemain de la guerre, une forte émigration avant de se développer : la réorientation de l'économie régionale basée, dans les années 50, sur l'industrie lourde de la Vallée, vers le tourisme de montagne, qui est devenu une source de revenus importants pour la région ; l'ouverture du tunnel à l'origine d'un réel désenclavement ; la politique de soutien à l'emploi pratiquée par la région, dépourvue toutefois de compétences en matière de droit du travail ; la politique de relance économique des années 1980 ; la perception de la TVA à l'importation jusqu'en 1993, remplacée ensuite par un mécanisme compensatoire ; la perception des 9/10ème des impôts régionaux, qui donne une grande autonomie à la région.

S'agissant de l'étendue des pouvoirs de la région, le Président Robert Louvin estime nécessaire de réviser le statut afin de donner une base plus solide à l'autonomie et de permettre une évolution des relations avec l'Union européenne. Il précise qu'en 1998, une commission a été chargée de l'élaboration d'un projet de réforme du statut et, qu'à défaut de compétences institutionnelles en matière de traités, la région exerce une compétence transfrontalière et peut signer des accords avec d'autres régions, sous réserve d'une approbation préalable du Gouvernement italien. Il mentionne l'accord liant le Val d'Aoste à la communauté francophone de Belgique. Il ajoute que la région, représentée officiellement à Bruxelles auprès du Comité des régions d'Europe, ne dispose pas d'élu susceptible de la représenter pour l'instant au Parlement européen, sans exclure une prochaine évolution sur ce point.

S'agissant de la dualité des pouvoirs régionaux, il indique qu'en application du statut spécial, les fonctions législative et exécutive sont séparées et que le fonctionnement des deux entités lui donne entièrement satisfaction.

En guise de conclusion, il invite les membres de la délégation à l'inauguration, par la région, de l'espace " Vallée d'Aoste " à Paris, le 12 avril 2000.

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Rencontre avec M. Dino Viérin (Union Valdôtaine)

Président, et des assesseurs du gouvernement

de la région autonome du Val d'Aoste

vendredi 7 avril - 11 heures

Le Président Dino Viérin souhaite une chaleureuse bienvenue à la délégation du groupe d'amitié France-Italie, après avoir précisé que le Val d'Aoste, terre d'expression française, est un symbole pour l'amitié franco-italienne. Ayant rappelé les caractéristiques de la région autonome depuis 1948, dotée par le statut spécial de compétences propres, réparties selon des critères d'ordre juridique et politique, il se réjouit de la présence au sein du gouvernement d'un Valdôtain en charge des questions régionales. Il incombe en effet à M. Luciano Caveri, excellent ambassadeur de sa propre région, de trouver, dans l'exercice de ses fonctions ministérielles, un juste équilibre entre les exigences respectives de la région et de l'Etat.

Mentionnant la progression du thème régional depuis quelques années en Italie, il ajoute qu'il a bon espoir de faire avancer les thèses en faveur d'une plus grande autonomie des régions au sein de l'Etat italien. Il indique que le statut spécial d'autonomie, inscrit dans la Constitution italienne, s'applique à quatre autres régions italiennes en raison de leur spécificité, soit linguistique à l'image du Val d'Aoste, comme le Trentin-Haut Adige, le Frioul-Vénétie Julienne, soit insulaire telles la Sicile et la Sardaigne. Se réjouissant de la particularité linguistique d'une population francophone à 70 %, il souligne que l'identité valdôtaine passe par la langue française, présente depuis le Vième siècle dans le Val d'Aoste, avant de devenir langue officielle en 1561. Il ajoute que le bilinguisme français-italien a succédé au bilinguisme français-valdôtain, ce dernier étant un dialecte proche de l'occitan.

Ayant rappelé la participation active des autorités régionales aux instances de la francophonie, il attire l'attention de la délégation sur l'insuffisante considération prêtée par la France à la région du Val d'Aoste, en comparaison de celle qu'elle accorde à certains Etats francophones. Il signale l'immensité du défi linguistique et la nécessité du combat en faveur du respect d'une diversité culturelle, face à l'uniformisation entraînée par la mondialisation.

Il affirme que la région s'est efforcée d'assurer l'intégration, y compris du point de vue politique, à ceux qui sont venus s'établir dans le Val d'Aoste sans y être nés. Soulignant l'excellente qualité des relations entre les autorités régionales et le Consulat général de France de Turin, il salue le choix de la ville d'Aoste pour siège d'une antenne de l'Alliance française de Turin. Il se réjouit de la visite du groupe d'amitié qui constitue une marque d'intérêt de la part de la France tout en renouvelant le souhait d'une attention plus soutenue. Il sollicite le soutien du groupe d'amitié en faveur, d'une part, de la participation des autorités valdôtaines aux sommets des pays francophones et de l'obtention d'un statut de plein membre dans les institutions de la francophonie et, d'autre part, de l'adhésion de l'Etat italien à ces organisations.

Abordant le dossier du tunnel du Mont Blanc, Il estime que la catastrophe a révélé la fragilité du système des transports à travers les Alpes et formule le souhait d'une réouverture rapide du tunnel en raison de l'importance des pertes économiques engendrées depuis sa fermeture, à rapprocher volume des échanges (16 %) assurés par le tunnel du Mont Blanc entre la France et l'Italie. Il insiste sur le considérable manque à gagner de l'économie régionale et la menace qui pèse sur plusieurs milliers d'emplois. Il redoute par dessus tout l'isolement psychologique ressenti par les Valdôtains privés de leur accès direct à la France.

Remettant à la délégation française la résolution adoptée par l'Assemblée régionale, le 5 avril 2000, en faveur d'une réouverture rapide du tunnel du Mont-Blanc, dans le respect des conditions de sécurité préconisées, dans leur rapport commun, par les missions administratives d'enquête française et italienne, il indique que cette résolution appelle une réponse globale au trafic transfrontalier, des décisions rapides en faveur de l'amélioration et la modernisation des réseaux ferrés ainsi que la réalisation de la nouvelle liaison transalpine Lyon-Turin. Il reconnaît que la vallée de Suse et le tunnel du Fréjus subissent une surcharge de trafic depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, tout en se déclarant opposé à l'interdiction de la circulation des poids lourds dans le tunnel.

En conclusion, il indique que la région du Val d'Aoste, au mieux de son intégration européenne, est très jalouse de son patrimoine naturel, qu'elle a su faire de sa situation de frontière un atout et qu'elle souhaite favoriser l'émergence d'une euro-région du Mont-Blanc.

Après avoir remercié le Président Dino Viérin pour la qualité de son accueil, M. Bocquet présente les membres de la délégation qui partagent son admiration pour la force d'une identité régionale d'autant plus positive qu'elle est ouverte sur l'Europe au lieu de céder à la tentation du repli.

S'agissant de la catastrophe du tunnel du Mont Blanc, il exprime sa compassion pour les pertes humaines et rappelle que les impératifs de sécurité doivent en tout état de cause prévaloir sur la réouverture du tunnel, au cours de la réalisation des travaux. Il regrette les conséquences négatives de l'interruption des échanges, du point de vue tant économique que psychologique étant donné que le tunnel constitue véritablement un trait d'union entre la France et les habitants du Val d'Aoste. Il promet de se faire sur ce point l'intermédiaire des autorités valdôtaines auprès du ministre des transports français.

Il souhaite que le Val d'Aoste puisse faire partie de plein droit de la francophonie et regrette l'absence de parlementaires italiens au sein de l'APF. Il estime toutefois que la francophonie doit gagner à sa cause la société civile et suggère l'organisation d'un Parlement des Enfants de la francophonie dans le Val d'Aoste, à l'image du Parlement des Enfants organisé chaque année à l'Assemblée nationale, en vue également de faire découvrir cette magnifique région par des jeunes du monde entier.

Il promet de relayer la demande d'attention exprimée par les autorités valdôtaines, auprès des autorités françaises.

En réponse à une question de M. Loïc Bouvard sur les motifs de l'organisation d'un pouvoir bicéphale, le Président Dino Viérin précise que le schéma institutionnel de la région s'inspire de celui des communes organisé autour de deux autorités distinctes, le Président du Conseil municipal et le Maire. Il précise en quoi l'organisation des régions italiennes diffère de celle des régions françaises : d'une part, le Président du Gouvernement est également Préfet de la région ; d'autre part, les régions dotées de l'autonomie budgétaire disposent d'importantes ressources financières propres.

M. Loïc Bouvard se demande en quoi la France n'a pas répondu aux attentes du Val d'Aoste, après s'être étonné de ne pas pouvoir capter les chaînes de télévision françaises à Courmayeur.

Le Président Dino Viérin signale la régularité des échanges entre la région et le Conseil général de la Savoie, ainsi que l'existence de nombreux jumelages avec des villes françaises. Souhaitant développer les relations bilatérales dans le secteur de l'éducation, il envisage une mise en réseau d'écoles de part et d'autre de la frontière et signale la signature, entre le Gouvernement valdôtain et l'académie de Grenoble, d'une convention favorisant les échanges d'élèves et d'enseignants.

En ce qui concerne la réception des chaînes francophones, il précise que, depuis 1990, le Val d'Aoste reçoit France 2 et la Télévision suisse romande, mais que la captation de France 3 se heurte à des obstacles techniques. Il ajoute que le tunnel du Mont-Blanc a permis d'assurer un acheminement plus rapide du courrier et de la presse. Il invite les parlementaires français à participer à l'inauguration de l'espace Vallée d'Aoste, le mercredi 12 avril 2000, à Paris.

A la demande du Président Alain Bocquet, le Président Dino Viérin apporte des précisions sur le statut et les ressources du casino de Saint-Vincent : géré de 1947 à 1974 par une première société privée, le casino a ensuite été confié à une autre société, concessionnaire pour le compte de la région qui en demeure le propriétaire. Le Comité directeur est nommé par l'Assemblée régionale. Le statut du casino et le cahier des charges définissant ses règles de fonctionnement sont de droit privé. Les recettes brutes ont atteint, en 1999, 160 milliards de lires, soit environ 500 millions de francs, les recettes nettes représentant 130 milliards de lires. La part des ressources provenant du casino dans le budget de la région est en baisse.

Ayant indiqué que les ressources propres de la région proviennent du tourisme de montagne, des taxes sur le trafic transfrontalier et des recettes du casino, il mentionne une réflexion en cours sur la création d'une zone franche prévue par l'article 14, non appliqué jusqu'à présent, du statut de la région.

Il précise que chaque commune perçoit une part de fiscalité locale qui lui assure également une certaine autonomie.

Mme Muguette Jacquaint pose deux questions, l'une sur l'origine de la population et sa répartition entre population extra-régionale et population autochtone, l'autre sur la politique régionale en matière de lutte contre le chômage, dont le très faible taux de 5-6 % l'a fortement impressionnée, en comparaison de celui de 20-21 % qui frappe sa circonscription.

Le Président Dino Viérin précise que les Valdôtains de souche représentent 60 à 65 % de la population et signale l'existence d'une communauté germanophone, répartie dans trois communes et dotée de ses propres écoles et de son propre dialecte, en saluant l'action menée par M. Luciano Caveri au gouvernement en faveur de la défense des langues régionales. Concernant le taux de chômage, il considère que la clef du succès réside dans l'autonomie régionale et les possibilités d'intervention budgétaire et de réaction rapide et ciblée et évoque le rachat par la région d'un site industriel comprenant trois centrales hydroélectriques.

Il invite, en conclusion, les députés français à participer à une conférence de presse.

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programme de la mission

lundi 3 avril

13 h 05 :

arrivée de la délégation à l'aéroport de Rome - Fiumicino

15 h 00 :

départ pour Tivoli

16 h 00 :

accueil par M. Giuseppe Tripodi, adjoint à la culture - Visite de la villa d'Hadrien et de la ville de Tivoli

19 h 00 :

rencontre avec le conseil municipal de Tivoli

19 h 45 :

dîner offert par le conseil municipal de Tivoli

   

mardi 4 avril

10 h 00 :

entretien avec M. Nerio Nesi (PDCI), Président de la commission des activités productives de la Chambre des députés

12 h 00 :

visite de la Chambre des députés et du palais Montecitorio

15 h 00 :

rencontre avec M. Gian Giacomo Migone (Ds), Président, et des membres de la commission des affaires étrangères du Sénat

16 h 30 :

visite de la villa Médicis, entretien avec M. Bruno Racine, Directeur, et Mme Marie-Christine Labourdette, Secrétaire générale

18 h 30 :

entretien avec M. Luciano Caveri (Union valdôtaine), Président du groupe d'amitié Italie-France, Secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil, chargé des questions régionales

20 h 30 :

dîner offert par le groupe d'amitié Italie-France

   

mercredi 5 avril

10 h 00 :

visite de la Domus Aurea et de la galerie Borghèse

15 h 00 :

rencontre avec M. Francesco Ferrari, vice-Président (PDU), et des membres de la Commission spéciale des politiques européennes de la Chambre des députés

16 h 00 :

salut de la délégation en séance publique

20 h 30 :

entretien avec M. Luciano Violante, Président de la Chambre des députés

21 h 15 :

dîner offert par M. Jacques Blot, Ambassadeur de France

   

jeudi 6 avril

7 h 45 :

départ vers Turin en compagnie de M. Luciano Caveri

10 h 10 :

accueil par M. Frédéric Basaguren, Consul général de France à Turin - départ vers Courmayeur

12 h 00 :

déjeuner de travail avec Mme Bianca Vetrino Nicola, Présidente, et M. Francesco Colombo, vice-Président de la Société italienne du tunnel du Mont-Blanc

14 h 00 :

visite du tunnel du Mont-Blanc suivie d'un entretien avec M. Michele Tropiano, Directeur de l'exploitation du tunnel

16 h 30 :

visite de Courmayeur en compagnie de M. Ettore Jaccod, Président de la Communauté de montagne Valdigne-Mont Blanc

20 h 30 :

dîner offert par la Communauté de montagne Valdigne-Mont Blanc

   

vendredi 7 avril

10 h 00 :

rencontre avec M. Robert Louvain, Président et des membres du Conseil régional du Val d'Aoste

11 h 00 :

rencontre avec M. Dino Viérin, Président et des assesseurs du gouvernement de la région autonome du Val d'Aoste

12 h 00 :

conférence de presse

13 h 00 :

déjeuner offert par le gouvernement de la région autonome du Val d'Aoste

15 h 00 :

Visite de la ville d'Aoste

15 h 45 :

retour vers l'aéroport de Turin - Caselle

18 h 35 :

départ pour Paris

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Rapport d'information de M. Alain Bocquet, présenté à la suite de la mission effectuée en Italie du 3 au 7 avril 2000 par une délégation du groupe d'amitié France-Italie.


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