N° 1066

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 1998.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1),

sur la fiscalité locale,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. EDMOND HERVÉ,

Député.

Impôts locaux.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LA CRITIQUE DE NOTRE SYSTÈME FISCAL LOCAL 7

I.- RAPPELONS LES PRINCIPAUX GRIEFS ADRESSÉS 7

II.- LA FORCE DU STATU QUO 8

DEUXIÈME PARTIE : PRINCIPES POUR UNE MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME FISCAL LOCAL 13

I.- NOTRE PAYS DOIT CONSERVER UN SYSTÈME FISCAL LOCAL 13

II.- LE RÉGIME DE LA FISCALITÉ LOCALE DOIT RESPECTER PLUSIEURS GARANTIES 15

III.- LA MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME FISCAL LOCAL DOIT RESPECTER UNE MÉTHODOLOGIE 16

TROISIÈME PARTIE : POUR UNE TAXE D'HABITATION RÉNOVÉE 17

I.- LE CALCUL DE LA VALEUR LOCATIVE 17

II.- LE MONTANT DE LA TAXE D'HABITATION COMMUNALE 19

III.- APPROCHES STATISTIQUES DES CONTRIBUABLES DE LA TAXE D'HABITATION 21

IV.- LA CRITIQUE DU RÉGIME ACTUEL DE LA TAXE D'HABITATION 22

V.-  PROPOSITIONS 25

QUATRIÈME PARTIE : POUR UNE TAXE PROFESSIONNELLE INTERCOMMU-NALE À TAUX UNIQUE 29

I.- PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE 29

A.- CALCUL DE LA VALEUR LOCATIVE DES IMMOBILISATIONS CORPORELLES 30

B.- LA FRACTION DES SALAIRES OU RECETTES 30

C.- LES RÉDUCTIONS DE BASE 30

D.- LE CALCUL DE L'IMPOSITION 31

II.- LE PRODUIT DE LA TAXE PROFESSIONNELLE 32

A.- PRÉSENTATION QUANTITATIVE 32

B.- RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE 33

III.- LES LIMITES DE L'ACTUELLE PÉRÉQUATION 33

IV.- LE CADRE JURIDIQUE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE À TAUX UNIQUE 35

V.- L'ORGANISATION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE À TAUX UNIQUE 36

VI.- LES AVANTAGES DE LA TAXE PROFESSIONNELLE À TAUX UNIQUE 37

VII.- PROPOSITIONS 39

CONCLUSION GÉNÉRALE 43

EXAMEN EN COMMISSION 45

Mesdames, Messieurs,

La réforme de notre système fiscal local fait partie d'une thématique politique permanente mais il faut bien reconnaître la timidité de sa traduction juridique.

Les causes d'une telle situation sont multiples : primat de la culture de centralisation, insuffisance des analyses exhaustives objectives, conflit d'intérêts et divergences de thèses, émiettement de la représentation associative locale... Sans oublier l'influence conservatrice du calendrier électoral.

Une première précision s'impose : lorsque nous évoquons " la réforme de notre système fiscal local ", de quoi peut-il s'agir ?

Deux approches sont en effet possibles :

- globale : dans ce cas, il s'agit d'appréhender la totalité du système composé des impôts directs " sur rôle " (taxe professionnelle, taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties), des autres impôts directs (ex : droit de mutation, " carte grise ", vignette, taxe sur l'électricité, taxe locale d'équipement...), de la participation de l'Etat finançant dégrèvements et exonérations, enfin des rapports entre collectivités locales et établissements publics locaux.

- spécialisée : dans cette hypothèse, il s'agit d'appréhender telle ou telle composante du système.

Par souci d'efficacité et de traduction législative à court ou moyen terme, nous retiendrons cette seconde orientation, privilégiant nos propositions en direction de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation.

Ces propositions, qui sont formulées dans le présent rapport d'étape précédant le rapport définitif que nous publierons dans les prochains mois, s'appuient sur une critique de notre système fiscal local.

PREMIÈRE PARTIE

LA CRITIQUE DE NOTRE SYSTÈME FISCAL LOCAL

Nombreux sont les rapports qui en traitent sérieusement et le temps n'affadit pas leur portée.

I.- RAPPELONS LES PRINCIPAUX GRIEFS ADRESSÉS

- La valeur locative, pilier de référence, reste une fiction administrative qui ne représente aujourd'hui ni un revenu, ni une valeur vénale, ni un loyer réel. L'absence de référence objective, conjuguée à l'extrême complexité des règles présidant aux évaluations laisse un grand champ à la subjectivité des décisions.

- La taxe professionnelle pénaliserait l'emploi, l'investissement. Elle pèse très inégalement sur les entreprises. Très concentrée, elle ne favorise pas l'aménagement du territoire.

- Nous avons une superposition d'impôts : chaque collectivité ajoute son propre prélèvement sur une même assiette. La responsabilité des élus se dilue. L'un reporte sur l'autre la décision d'augmentation. Ce qui ne fait qu'ajouter à la complexité de nos feuilles d'impôts et à la difficulté de compréhension.

- La gestion de notre système reste coûteuse. Elle mobilise 30 000 fonctionnaires pour des tâches d'assiette et de perception avec des coûts de gestion trois fois plus élevés que pour la fiscalité de l'Etat.

Force est de constater une double irrationalité économique (toute base d'imposition doit s'appuyer sur des valeurs évoluant en fonction de l'activité économique, être objective, réelle et moderne) et politique (le lien citoyen-contribuable se distend ; la sphère des contribuables se rétrécit ; une partie des cotisations décidées ne sont pas payées par les contribuables mais par l'Etat).

L'Etat a modernisé ses impôts : il semble difficile qu'un dialogue constructif et durable puisse exister avec les collectivités locales si celles-ci ne disposent pas de ressources tout aussi modernes.

Comment, par exemple, bâtir une politique partenariale de solidarité Etat-collectivités locales si la fiscalité locale tourne le dos à la justice ?

Comment expliquer ce statu quo ?

II.- LA FORCE DU STATU QUO

Nous ne voyons pas une mise en cause politique active de ce statu quo.

Notons tout d'abord que dans ce statu quo figurent des exonérations et dégrèvements importants financés par le premier contribuable local français : l'Etat.

Il paie 23% du produit fiscal local dont 30% du produit de la taxe professionnelle.

·   Les élus locaux n'entrent pas en dissidence. La situation financière des collectivités locales est bonne. L'autofinancement brut (excédent de la section de fonctionnement) couvre 54,3% des investissements (hors remboursement en capital) en 1995 contre 46,6% en 1988. La part des frais financiers dans les dépenses de fonctionnement a diminué de 11,4% en 1988 à 9,2% en 1995.

Le produit fiscal local croît en volume et en valeur.

En 1996, les produits de la fiscalité directe locale perçus par les collectivités territoriales et les organismes consulaires s'élèvent à 346 milliards de francs, soit une progression de 6,4% par rapport à 1995, après des progressions de 5,3% en 1995 et de 5,8% en 1994 (1).

Leur part dans le produit intérieur brut augmente également : 4,4% en 1996, 4,2% en 1995, 3,8% en 1992.

Les bases ont un taux moyen annuel de progression, de 1991 à 1996, positif, à une exception près :

taxe d'habitation

+ 1,5%

taxe foncière sur les propriétés bâties

+ 5,4%

taxe foncière sur les propriétés non bâties

- 0,3%

taxe professionnelle

+ 5,6%

Si l'on prend l'évolution des bases brutes de taxe professionnelle, on constate une évolution positive, même si au cours de ces dernières années il y a eu un ralentissement :

1996 :

+ 3,5%

1995 :

+ 3,4%

1994 :

+ 6  %

1993 :

+ 7,2%

1992 :

+ 7,9% (2)

Si l'on s'en tient à cette seule approche du produit, on ne peut donc dire qu'il y a crise de la fiscalité locale. Si crise il y a, c'est dans le mode de construction de ce produit, dans sa répartition et dans son inadéquation par rapport à l'évolution des besoins (3).

·   Le Parlement a également sa part dans ce statu quo.

Le temps fiscal demeure toujours très long du fait de la sensibilité de la matière, de la complexité des situations et des inéluctables transferts qui peuvent découler d'une décision.

La protestation critique et son relais médiatique l'emporteront toujours sur le sentiment non exprimé de satisfaction.

Les moyens d'expertise du Parlement sont limités et dépendants.

Regrettons que l'Institut des collectivités territoriales et des services publics locaux prévu par l'article 53 de la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République n'ait pas encore vu le jour. Notre pays - et le Parlement - pourrait disposer d'un centre de ressources fonctionnant en réseau avec les très nombreuses personnes morales de droit privé ou de droit public qui mènent des études et recherches sur l'organisation, le financement et les compétences des collectivités territoriales.

Cette absence laisse le champ libre à la dispersion, à la confidentialité des analyses et aux groupes de pression.

Lorsqu'il y a décision, le Parlement n'est pas toujours à même de faire face aux campagnes critiques et à l'obstruction.

Nous l'avons constaté lors du vote de la loi de finances pour 1990 créant la taxe départementale sur le revenu.

·   Qu'en est-il des gouvernements ?

Ils ont à leur actif les grandes lois de décentralisation mais force est de constater que la réforme de la fiscalité locale n'a jamais été la priorité des priorités. Elle n'est à juste titre qu'un moyen.

Tout gouvernement se trouve dans une situation identique :

- il a besoin des collectivités locales, en raison des politiques contractuelles, partenariales, territoriales qu'il mène ;

- il doit tenir compte de la décentralisation financière communale (qui est l'une des plus poussées en Europe) ;

- il a une prééminence fiscale (art. 40 de la Constitution).

Dès lors, une voie s'impose : celle du dialogue afin de mobiliser toutes les énergies, de cimenter la cohésion nationale et d'alimenter une efficacité économique et sociale d'autant plus nécessaire que nous sommes dans un nouveau contexte européen.

·   Restent les contribuables.

Observons tout d'abord que leur nombre varie et qu'il n'y a pas correspondance entre citoyen et contribuable, contribuable d'Etat et contribuable local.

La traditionnelle aversion fiscale française (version financière de l'antiparlementarisme) ne facilite pas l'entretien d'un débat constructif. Un premier travail de pédagogie est à faire pour répondre à quelques questions essentielles : quels services publics, quelles prestations sont à assurer ? qui doit payer ? le contribuable ? quels contribuables ? l'usager ? l'usager et le(s) contribuable(s) ? quand ? tout de suite ou plus tard ?

La réponse à ces questions n'est pas une. Elle diffère suivant les choix politiques faits. A titre d'exemple, selon une thèse classique, l'apport fiscal des entreprises doit financer les coûts collectifs engendrés par leur présence sur le territoire communal.

Tout dépend de ce que l'on appelle " coûts collectifs ". Il sera facile de s'accorder sur ce qui a trait aux transports, à la circulation, à la voirie. Mais une politique culturelle, d'environnement, de logement, de sécurité constitue un apport appréciable aux entreprises. Au nom de quoi la fiscalité des entreprises ne devrait-elle pas participer à de tels financements ?

Il ne semble pas possible, objectivement, d'évaluer ce qui relève du contribuable particulier et du contribuable entreprise.

DEUXIÈME PARTIE

PRINCIPES POUR UNE MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME FISCAL LOCAL

Cette modernisation de notre système fiscal local est possible et nécessaire.

L'institution de la contribution sociale généralisée (CSG), de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la réforme des cotisations d'assurance maladie, le nouveau régime d'attribution des allocations familiales sont autant de décisions qui illustrent une volonté et une capacité réformatrices.

Ces dernières, appliquées à la fiscalité locale, doivent inspirer trois impératifs.

I.- NOTRE PAYS DOIT CONSERVER UN SYSTÈME FISCAL LOCAL

Certains pays n'en disposent pas. En Grande-Bretagne, depuis 1991, 80% des dépenses nettes des collectivités locales sont financées par des transferts de l'Etat constitués par :

- le " Revenue Support Grant " (RSG) équivalent d'une dotation globale de fonctionnement non affectée ;

- l'" Uniform Business Rate " (UBR) équivalent de notre taxe professionnelle ; il s'agit d'une imposition uniforme pour tout le territoire, votée par la Chambre des Communes ; son produit est redistribué aux collectivités territoriales en fonction de leur population adulte ;

- la " Council Tax " due par chaque foyer fiscal, avec des éléments de personnalisation, dont le taux est fixé librement par chaque collectivité locale dans une fourchette arrêtée au niveau national.

Sans mettre en cause l'existence d'un système fiscal local, diverses mesures peuvent néanmoins limiter son effectivité. Pour ne nous en tenir qu'à la France, on peut estimer que l'idée d'une taxe professionnelle à taux unique national peut modifier la nature de notre système tout comme l'institution, par l'autorité centrale, de zones franches, de régimes dérogatoires de la taxe professionnelle (à l'instar de celui de France Télécom), tout comme la part croissante de l'Etat dans le financement des dégrèvements, compensations et exonérations d'impôts locaux (4).

Voici les raisons d'être de notre système fiscal local :

Il assure la décentralisation, la mobilisation des compétences et la démocratie. Il rend libre, assure la cohérence de l'élection locale.

Nous avons tout spécialement besoin de cette mobilisation des initiatives et des compétences.

N'oublions pas que nos collectivités locales sont responsables des trois quarts des équipements collectifs de notre pays.

Pour jouer pleinement leur rôle politique, économique, social et culturel, nos collectivités locales doivent continuer de disposer d'une liberté de création.

Il est prouvé que l'investissement public local influence plus la croissance nationale que celle-ci n'influence l'investissement local.

Il est également vérifié que les collectivités locales - spécialement les grandes - peuvent prendre des décisions d'investissement " contracycliques " afin de corriger les effets négatifs de la conjoncture sur l'emploi ou sur le niveau de vie.

Cette corrélation " investissement public local " - " croissance nationale " entraîne également une amélioration de la productivité de l'économie nationale et de l'emploi. Et ceci dans tous les secteurs marchands (donc privés pour l'essentiel) non agricoles. Le bâtiment et les travaux publics ne sont donc pas les seuls à en profiter.

La citation qui suit et qui conclut une étude approfondie sur les liens entre dépenses publiques et croissance nationale mérite beaucoup d'attention :

Si l'on considère de façon plus synthétique l'ensemble des dépenses toutes composantes confondues de chacune des trois grandes catégories d'administrations publiques, on peut en tirer trois conclusions : les variations de la dépense totale de l'Etat n'ont pas d'impact systématique (ni positif, ni négatif) sur les variations concomitantes ou chronologiquement voisines du PIB ; les variations de la dépense des administrations de sécurité sociale sont corrélées positivement avec les variations du PIB, par l'intermédiaire des variations de transferts sociaux qu'elles financent, la causalité de cette liaison jouant à double sens ; enfin les variations de la dépense des collectivités locales exercent une influence stimulante sur la croissance nationale, essentiellement par le moyen de leurs investissements (5).

II.- LE RÉGIME DE LA FISCALITÉ LOCALE DOIT RESPECTER PLUSIEURS GARANTIES

Le régime de la fiscalité locale doit garantir :

- une diversité d'assiettes correspondant à la diversité des services rendus et des compétences assurées ;

- des bases d'imposition s'appuyant sur des valeurs évoluant en fonction de l'activité économique, objectives, réelles, modernes et faciles à appréhender ;

- un prélèvement proportionnel aux facultés contributives. Ainsi le financement des dépenses sociales doit avoir une fonction redistributive : la sollicitation fiscale doit donc se faire au prorata des capacités ;

- un cadre territorial de prélèvement coïncidant autant que possible avec l'aire géographique dans laquelle vivent les contribuables et les usagers des services financés par l'impôt. Ceci est particulièrement vrai pour les impôts de caractère économique ;

- une certaine spécialisation des compétences ayant pour corollaire une certaine spécialisation fiscale. Ceci résoudrait le problème de la confusion des responsabilités politiques née de la superposition des prélèvements ;

- la cohérence de l'interdépendance du système fiscal local et du système fiscal national ,

- les droits du citoyen et la sécurité de la collectivité ;

Pour le citoyen, il faut une fiscalité juste, transparente afin que son acte électoral - qui demeure l'instance d'évaluation - prenne tout son sens.

Pour la collectivité, il faut qu'elle puisse prévoir, anticiper, programmer, planifier.

Elle ne pourra le faire dans l'incertitude et l'instabilité fiscale.

III.- LA MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME FISCAL LOCAL DOIT RESPECTER UNE MÉTHODOLOGIE

Celle-ci doit s'inspirer d'un esprit réformateur, progressif, écartant systématiquement ce qui n'est pas démontré et qui n'a pas été confronté au tout.

Elle doit aussi s'appuyer sur des simulations croisées, diversifiées.

Enfin, faut-il rappeler que, comme pour toute construction humaine, il y a matière à débat avant de décider.

TROISIÈME PARTIE

POUR UNE TAXE D'HABITATION RÉNOVÉE

La taxe d'habitation est établie au nom des personnes qui ont, au 1er janvier de l'année d'imposition, la disposition ou la jouissance d'une habitation meublée.

Comme tout impôt local, la taxe d'habitation est à l'image de ces monuments que l'on cite souvent mais que l'on visite fort peu.

Aussi, dans un souci d'objectivité, nous a-t-il semblé nécessaire d'en décrire les principaux mécanismes d'établissement. Ils contiennent en eux-mêmes l'essentiel de la critique.

I.- LE CALCUL DE LA VALEUR LOCATIVE

Chaque logement est classé dans une catégorie fiscale allant de 1 à 8 (1 pour le grand standing, 8 pour l'insalubre). Cette répartition dépend du confort, de la surface, de la qualité de la construction, du caractère architectural...

A chaque catégorie fiscale correspond un prix au mètre carré, qui est fonction du niveau des loyers en vigueur en 1970, actualisé en 1980 et revalorisé annuellement selon un indice national (6).

La surface dépend de la surface réelle du logement pondérée par tranches de superficie. A titre d'exemple, un logement de 70 m² classé en catégorie 5 aura une surface pondérée de 72 m². En effet, selon les textes en vigueur, les 20 premiers m² se voient attribuer un coefficient de 1,35 et les suivants de 0,9. Les coefficients de pondération sont fonction de la catégorie fiscale : plus la catégorie est élevée, plus la pondération pénalise le logement (7).

La surface pondérée finale sera déterminée par addition de différents coefficients :

- coefficient d'entretien (valeur 0,8 ; 0,9 ; 1 ; 1,1 ; 1,2). Il s'agit de l'état d'entretien de l'immeuble ou de la maison ;

- coefficient de situation générale (variable suivant la localisation dans la commune). Sa valeur peut être de - 0,05, de 0, de + 0,05 ou de + 0,1 ;

- coefficient de situation particulière (pour tenir compte du voisinage, de la vue, de l'agrément, des espaces immédiats). Sa valeur peut aller de - 0,1 à + 0,1.

Il existe enfin un correctif d'ascenseur (de -0,15 à + 0,05).

Le produit ainsi obtenu correspond à la surface pondérée nette.

A titre d'exemple, notre appartement neuf de 70 m², situé à Rennes, au troisième étage d'un immeuble avec ascenseur et localisé en centre-ville, à proximité d'espaces verts, aura sa surface pondérée majorée du coefficient 1,40 (soit 1,2 + 0,1 + 0,05 + 0,05).

La surface pondérée nette sera de 72 m² x 1,4 = 101 m².

Il est possible de faire des rajouts pour des équivalences superficielles de confort. Chaque équipement en état de fonctionnement est converti en nombre de mètres carrés additionnels.

Si notre appartement de 70 m² a l'eau, le gaz, l'électricité, une baignoire, un lavabo, un égout, le chauffage central, cela fera 30 m² supplémentaires (respectivement + 4, + 2, + 2, + 5, + 3, + 3, + 10).

Au final, pour 70 m², nous arrivons à une surface pondérée de 131 m².

Cette surface pondérée va nous servir à calculer la valeur locative brute qui résulte du produit de cette surface par le prix du mètre carré affecté à la catégorie dans laquelle se trouve l'appartement.

Reste à calculer la valeur locative nette : le code des impôts prévoit des abattements.

Certains sont obligatoires :

Ainsi, pour charges de famille, l'abattement est de 10% de la valeur locative moyenne des habitations de la commune pour chacune des deux premières personnes à charge et de 15% pour chacune des suivantes.

Ces taux peuvent être majorés de 5 ou 10 points par le conseil municipal. Ce qui fait des taux d'abattement de 10%, 15% ou 20% pour les deux premières personnes à charge et de 15%, 20% et 25% pour les suivantes.

D'autres sont facultatifs et dépendent du conseil municipal :

- ils peuvent s'appliquer à tous les contribuables. Ils sont de 5, 10 ou 15% de la valeur locative moyenne des habitations de la commune ;

- un abattement à la base de 5, 10 ou 15% peut encore être décidé au bénéfice des contribuables dont le montant des revenus de l'année précédente n'excède pas une certaine somme prévue par l'article 1417 du code général des impôts (8).

II.- LE MONTANT DE LA TAXE D'HABITATION COMMUNALE

Il résulte du produit de la valeur locative nette par le taux d'imposition fixé par la collectivité auquel viennent s'ajouter les frais prélevés par l'Etat (pour la confection des rôles, le recouvrement, les frais de dégrèvement, soit un taux de 4,4% pour la taxe d'habitation).

Ce montant n'est pas nécessairement celui qui sera effectivement acquitté.

Tout d'abord des personnes sont exonérées (9) :

- les titulaires de l'allocation supplémentaire de la sécurité sociale (ex allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité) ;

- les personnes bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés ;

- les contribuables atteints d'une infirmité ou d'une invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de leur existence, lorsque le montant de leur revenu est inférieur à une certaine somme ;

- les contribuables âgés de plus de 60 ans, veufs ou veuves au premier janvier de l'année d'imposition et sous conditions de ressources.

Pour les trois précédentes catégories de personnes, l'exonération n'est accordée qu'à celles ayant, au titre de l'imposition 1998, un revenu imposable 1997 inférieur à 43.550 F pour une part, plus 11.650 F par demi-part supplémentaire.

Des dégrèvements sont prévus :

- total pour les titulaires du RMI ;

- partiel :

* dégrèvement pour la partie supérieure à 1.500 F pour les personnes de moins de 60 ans ayant un revenu 1997 inférieur à 25.000 F (plus 10.000 F par demi-part supplémentaire) (10) ;

* dégrèvement pour la partie supérieure à 2.131 F pour les personnes de moins de 60 ans ayant un revenu imposable 1997 compris entre 25.000 F et 43.550 F (plus 11.650 F par demi-part supplémentaire) (11) ;

* dégrèvement de 50% pour la part d'impôt supérieure à 2.131 F pour les personnes ayant un revenu imposable 1997 compris entre 43.550 F et 49.480 F pour une part (plus 11.650 F par demi-part supplémentaire).

La taxe d'habitation est plafonnée à 3,4% du revenu imposable pour les contribuables ayant un revenu imposable 1997 compris entre 49.480 F et 102.370 F pour une part (plus 23.920 F pour la première demi-part et 18.830 F pour la demi-part supplémentaire).

III.- APPROCHES STATISTIQUES DES CONTRIBUABLES DE LA TAXE D'HABITATION

A titre d'exemple et sans que cette référence ait valeur exhaustive, voici ce qu'enseigne l'étude de la population fiscale rennaise :

-  5% ont une taxe d'habitation inférieure à 1.000 F ;

- 25% ont une taxe d'habitation comprise entre 3.000 F et 3.999 F ;

- 20% ont une taxe d'habitation comprise entre 4.000 F et 4.999 F ;

-  4% ont une taxe d'habitation supérieure à 8.000 F (281 contribuables acquittent un impôt supérieur à 15.000 F).

Du fait des dégrèvements, l'Etat prend en charge 27% du produit de la taxe d'habitation (TH).

Sur 96.560 contribuables :

- 10.825 ne paient pas de TH (dont 1.060 RMistes) ;

- 13.238 ont une TH réduite à 2.066 F (personnes en général non imposables sur le revenu) ;

- 24.575 ont, soit un dégrèvement partiel de TH, soit un plafonnement de la TH à 3,4% du revenu.

Donc 50,4% des contribuables rennais bénéficient d'une réduction.

- 48.000 ne bénéficient d'aucune réduction de TH.

Sur 22.215 contribuables occupant un logement HLM, 80% d'entre eux bénéficient d'une réduction de taxe.

Dans le parc locatif privé, 40% des locataires bénéficient d'une telle réduction.

L'effet " revenu " a un impact quantitatif important (12).

IV.- LA CRITIQUE DU RÉGIME ACTUEL DE LA TAXE D'HABITATION

Un impôt doit avoir trois qualités.

- Il faut tout d'abord qu'il soit compréhensible.

Si le contribuable ne le comprend pas, le citoyen s'interroge, questionne et finit par protester.

- Il faut ensuite qu'il soit juste, en correspondance avec les capacités contributives de celui qui paie.

- Il faut enfin qu'il soit efficace, c'est-à-dire facile à mettre en oeuvre, adapté à l'environnement et bien évidemment productif.

Qu'en est-il de la taxe d'habitation ?

L'étude de son système montre, pour le moins, la complexité de son mode de calcul, son manque de transparence et son caractère bureaucratique.

Autant de faiblesses que viennent augmenter l'absence d'évaluation récente, le poids de la subjectivité et les distorsions géographiques que l'on constate.

* L'absence d'évaluation récente :

La taxe d'habitation se calcule aujourd'hui à partir de bases dont l'évaluation remonte à ... 1970.

Initialement, le législateur avait prévu, après la révision générale de 1970, appliquée aux rôles d'imposition en 1973, de procéder à une révision générale des locaux tous les six ans, à une actualisation des tarifs d'évaluation tous les trois ans et à une revalorisation forfaitaire tous les ans.

En réalité, seule une actualisation a été appliquée en 1978, département par département, pour les rôles de 1980. Depuis 1981, les bases sont revalorisées forfaitairement au plan national, selon l'évolution des loyers en n - 2 (de 1986 à 1990, pour tenir compte de la désinflation, un coefficient déflateur a en outre été instauré).

La loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 prévoyait une révision générale des évaluations cadastrales.

Elle reposait sur le constat que le vieillissement des bases d'imposition et leur inadaptation nuisaient de plus en plus à l'équité entre contribuables et entre collectivités.

Ce texte législatif est resté lettre morte quoique comportant des dispositions intéressantes (13).

Une loi ultérieure devait fixer " la date d'incorporation des résultats et les modalités d'application et d'étalement ". Les travaux déclenchés en 1991-1992 devaient faire l'objet d'un rapport au Parlement avant le 30 septembre 1992.

Ces travaux, réalisés dans des délais très courts, n'ont pas eu de suite législative, mais ils comportent un certain nombre de renseignements utiles au niveau des collectivités.

Quelles sont les conséquences d'une évaluation datant de 1970 ?

- elle n'est plus d'actualité ;

- les classements peuvent ne plus correspondre à la réalité : un immeuble mal classé en 1970, réhabilité par la suite, devrait être changé de catégorie. De plus, les services fiscaux du cadastre ne disposent pas des moyens humains et matériels suffisants pour effectuer ce travail de recensement de manière continue et approfondie.

* Le poids de la subjectivité :

L'attribution d'une catégorie fiscale ne répond pas toujours à des règles objectives. Plus le nombre de logements à classer augmente, plus il est difficile de parvenir à un classement global cohérent et homogène.

Tout ceci, ajouté aux effets des coefficients, ne fait qu'augmenter les inégalités. Nous pouvons également dire que le petit logement, du fait même du système, est surévalué. Nous constatons également une très grande disparité entre communes.

* A côté de ces critiques internes au régime de la taxe d'habitation, nous pouvons ajouter des critiques externes :

- la taxe d'habitation, dans son principe, ne dépend pas de la capacité contributive du foyer. La caricature de ce constat fut révélée en 1997 lorsque l'on apprit que 12.500 contribuables à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ne payaient pas de taxe d'habitation !

- cet impôt local est dégressif. Selon une note transmise par notre collègue René Dosière en mai dernier, pour un impôt moyen égal à 1,8% du revenu imposable, le prélèvement taxe d'habitation est supérieur à 2% lorsque le revenu est inférieur à 100.000 F, compris entre 1,5% et 2% pour un revenu imposable compris entre 100.000 F et 500.000 F, inférieur à 1% au-delà de 500.000 F de revenu imposable.

- l'Etat finance une part de la taxe d'habitation de plus en plus importante :

(en milliards de francs)

 

1983

1989

1995

1996

1997

Produit TH perçu par les communes

25,7

43,6

66

70,3

73,4

Part payée par l'Etat

3,2

8,7

16,1

16,9

17,6

Pourcentage

12%

20%

24%

24%

24%

Le nombre de contribuables exonérés partiellement ou totalement est de plus en plus important.

Voilà bien la situation paradoxale et le piège tendu à tout réformateur : pour corriger cet impôt utile, mais injuste, les exonérations et les dégrèvements sur la base du revenu ont été multipliés. Preuve, si besoin en était, du caractère critiquable de la base retenue. Piège, car toute réforme, au nom de la justice, risque d'élargir le nombre de cotisants.

V.- PROPOSITIONS

La valeur locative a pu, en son temps, être un incontestable indicateur de richesse. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

D'autre part, les compétences des collectivités locales ont évolué et le temps n'est plus où les dépenses de voirie constituaient la part privilégiée du budget.

Aujourd'hui, une commune doit avoir une politique sociale, culturelle, scolaire. Elle doit s'intéresser à l'environnement, à l'animation, à la formation, à la sécurité... Elle est partenaire de l'Etat, de la région, du département.

La diversification de ses activités doit induire la diversification de ses ressources, fiscales notamment.

L'impôt foncier demeure légitime : la gestion urbaine procure des plus-values - ou des moins-values - patrimoniales aux propriétaires fonciers et immobiliers.

L'impôt sur le capital foncier permettra donc un partage de la rente urbaine entre la collectivité publique et les propriétaires.

Ces principes étant affirmés, nous en tirons la conséquence que l'assiette de la taxe d'habitation doit être constituée par les revenus des habitants.

Plus juste, le nouveau régime de la taxe d'habitation permettrait de diminuer les trop nombreux dégrèvements et exonérations.

Pour des raisons de simplicité et d'équité, nous proposons de retenir les revenus pris en compte pour le calcul de la CSG.

Bien évidemment, cette proposition de fond demande étude et simulations avant d'être incluse dans un dispositif législatif.

La création d'un groupe de travail comprenant des élus et des fonctionnaires, ayant autorité pour commander toute étude utile, devrait être décidée.

La mise en application d'une telle réforme devrait se faire progressivement

Au cas où ce changement important ne serait pas accepté, nous suggérons de recourir à un système mixte qui, après évaluation, pourrait n'être que transitoire.

Nous retrouverions l'esprit qui avait présidé à l'instauration, dans la loi de finances pour 1990, d'une taxe départementale sur le revenu.

Elle fut confirmée par la loi du 31 juillet 1990 portant révision des valeurs cadastrales.

La loi du 16 juillet 1992 a suspendu sine die la taxe départementale sur le revenu.

Rappelons en quoi consistait, dans le droit de 1990, le principe de mixité : si la part départementale de la taxe d'habitation changeait d'assiette, la part communale demeurait fondée sur la base de valeurs locatives.

Nous pouvons reconduire ce type de mixité à titre transitoire.

Un autre dispositif est également possible. Notre collègue René Dosière nous l'a proposé en mai dernier :

- au nom de la spécialisation des impôts locaux, notre collègue propose d'affecter la taxe d'habitation aux communes et à l'intercommunalité ; en contrepartie, le département bénéficie du produit foncier bâti sur les locaux d'habitation, la région pouvant recevoir les taxes sur l'électricité. Ces exemples - qui restent à approfondir et à ajuster - montrent la possibilité de la spécialisation sans perte de recettes ;

- la taxe d'habitation (communale) aurait une assiette mixte composée d'une assiette revenus des habitants et d'une assiette valeur locative. La part de ces éléments constitutifs reste à déterminer.

Doit-elle être identique sur tout le territoire ?

Peut-elle au contraire varier ?

Là encore, il y a matière à simulations.

Bien évidemment, le choix de ce système mixte suppose que l'on mette à jour les valeurs locatives. Le travail effectué à partir de 1990 n'aurait pas été totalement inutile (14).

Le succès de ces réformes est lié à une information objective, approfondie et ambitieuse.

Dans notre esprit, le système mixte que nous avons décrit ne peut être qu'un compromis transitoire pour mieux réussir une réforme attendue.

QUATRIÈME PARTIE

POUR UNE TAXE PROFESSIONNELLE INTERCOMMUNALE À TAUX UNIQUE

La taxe professionnelle résulte de la loi du 29 juillet 1975. Cet impôt a été très certainement le plus décrié, or, nous vivons avec. En vérité, cet impôt a des potentialités et des vertus.

I.- PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

Pour les activités qui lui sont soumises, les bases de la taxe professionnelle reposent sur deux éléments (15) : 

- les valeurs locatives des immobilisations corporelles ;

- une fraction des salaires versés, soit 18%. Cette fraction est remplacée par le dixième des recettes pour les titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC), les agents d'affaires et intermédiaires de commerce ayant moins de 5 salariés.

Des réductions de bases peuvent exister sous différentes formes : réductions catégorielles, exonérations partielles, écrêtements de bases, abattements. Afin de permettre aux collectivités locales de connaître avec précision le montant des bases d'imposition lorsqu'elles votent leur budget, la taxe professionnelle est établie à partir des bases d'imposition de l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition.

A.- CALCUL DE LA VALEUR LOCATIVE DES IMMOBILISATIONS CORPORELLES

Il s'agit des terrains et des constructions (biens soumis aux taxes foncières bâties et non bâties) des aménagements, installations, matériels, outillages, mobiliers, moyens de transport...

La valeur locative des autres immobilisations peut être de 16% du prix de revient (pour l'outillage par exemple), de 12,80% ou 19,20% ou égale au loyer.

Des abattements sont possibles.

B.- LA FRACTION DES SALAIRES OU RECETTES

Pour la plupart des redevables, le second élément de la base d'imposition de la taxe professionnelle est constituée par une fraction des salaires, soit 18%.

Pour les titulaires des bénéfices non commerciaux, agents d'affaires ou intermédiaires de commerce employant moins de 5 salariés, le second élément à prendre en considération pour calculer le montant des bases de la taxe professionnelle est égal à 10% des recettes.

La taxe professionnelle impose donc le capital et le travail.

C.- LES RÉDUCTIONS DE BASE

Citons :

- la réduction pour embauche et investissement (REI) (16) ;

- la réduction pour diminution ou cessation d'activité ;

- l'abattement général à la base de 16% (article 1472 A bis du code général des impôts ).

Des réductions sont liées à la localisation géographique. La loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire et la loi du 14 novembre 1996 portant mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ont systématisé le recours à une fiscalité dérogatoire. Sont concernées les entreprises situées en zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones urbaines sensibles. Ces exonérations peuvent être de plein droit avec un plafond de bases exonérées (l'Etat compense). Il peut y avoir exonération facultative dans ces mêmes zones, à la discrétion des collectivités. Dans ce cas, l'Etat ne compense pas.

D.- LE CALCUL DE L'IMPOSITION

Le montant de la taxe professionnelle s'obtient en multipliant la base d'imposition par le taux voté par la collectivité ou l'établissement public compétent (17).

Des planchers et des plafonds sont prévus :

- les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs doivent acquitter au titre de 1996 et des années suivantes une cotisation minimum de taxe professionnelle de 0,35% de la valeur ajoutée (article 1647  E du code général des impôts) ;

- pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 140 millions de francs, la cotisation de taxe professionnelle est plafonnée à 3,5% de la valeur ajoutée de l'année d'imposition (article 1647 B sexies du code général des impôts) ;

- une cotisation de péréquation de taxe professionnelle est due par les établissements situés dans une commune où le taux global de taxe professionnelle est inférieur au taux moyen global national. Le taux de la cotisation de péréquation peut être de 0,80%, de 1,25% et de 1,70% ;

- les véhicules de transport routier ouvrent droit à un dégrèvement de taxe professionnelle de 800 francs par véhicule.

II.- LE PRODUIT DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

A.- PRÉSENTATION QUANTITATIVE

LA TAXE PROFESSIONNELLE DEPUIS 1988

(en milliards de francs courants)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Recettes perçues par les collectivités (1)

97,6

104,9

117,1

129,8

140,1

152,2

159,0

163,0

Cotisations des entreprises

72,8

79,3

89,4

96,3

100,7

107,8

110,7

110,7

Prise en charge par l'Etat

24,8

25,6

27,7

33,5

39,4

44,6

48,3

52,3

(1) Les recettes perçues par les collectivités locales comprennent les produits votés et les dotations de compensation versées par le budget au titre des divers allégements de la base.

ÉVOLUTION DES PRODUITS PAR COLLECTIVITÉ LOCALE

(France métropolitaine)

(en milliards de francs courants)

 

Communes

Départements

Régions

Ensemble

 

1988

1995

1988

1995

1988

1995

1988

1995

Taxe professionnelle

40,9

81,3

18,7

36,7

3,6

11,3

67,7

129,3

Taxe d'habitation

26,1

37,3

11,3

16,9

1,9

4,8

41,1

59,0

Taxe sur le foncier bâti

24,8

44,6

10,8

19,1

1,7

5,1

39,0

68,9

Taxe sur le foncier non bâti

4,3

4,7

2,4

0,7

0,4

0,1

7,3

5,5

Total

96,1

167,9

43,2

73,5

7,7

21,3

155,1

262,7

RÉPARTITION DES PRODUITS VOTÉS PAR NIVEAUX

(en %)

 

Communes

Départements

Régions

Ensemble

 

1988

1995

1988

1995

1988

1995

1988

1995

Taxe professionnelle

42,6

48,4

43,3

49,9

46,8

53,1

43,6

49,2

Taxe d'habitation

27,2

22,2

26,2

23,0

24,7

22,5

26,5

22,5

Taxe sur le foncier bâti

25,8

26,6

25,0

26,0

22,1

23,9

25,1

26,2

Taxe sur le foncier non bâti

4,5

2,8

5,6

1,0

5,2

0,5

4,7

2,1

Total

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

La taxe professionnelle représente près de la moitié des impôts directs locaux. Les communes en perçoivent 63,8% contre 27,7% pour les départements et 8,8% pour les régions.

Entre 1988 et 1995 les produits de la taxe professionnelle ont presque doublé avec un avantage aux régions et aux départements. Cette hausse du produit voté résulte à titre principal de la croissance des bases (18).

B.- RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE

Divers constats sont à faire :

- Les écarts entre communes par comparaison du produit communal par habitant sont très importants :

En 1995, le produit moyen par habitant atteignait 1.447 francs. La moitié des communes avait un produit inférieur à 200 francs par habitant.

L'écart départemental va de 1 à 5,3.

L'écart de taux entre les communes varie de 1 à 44.

- La concentration demeure très forte : Paris dispose de près du dixième des bases nationales. Dix entreprises publiques (dont surtout EDF) acquittent le cinquième du produit.

Ces constats concernent d'abord la localisation géographique de l'activité économique. La carte de la taxe professionnelle n'en est que la photographie.

III.- LES LIMITES DE L'ACTUELLE PÉRÉQUATION

Un mot magique vient alors à l'esprit : celui de " péréquation ". Celle-ci consiste à aménager des partages de ressources entre les collectivités publiques afin de redistribuer entre elles des moyens, en fonction inverse de leur richesse relative (19).

Les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle, le Fonds national de péréquation de taxe professionnelle, le Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France ont redistribué en 1995 5,6 milliards de francs, soit 6,5% des recettes de taxe professionnelle perçues par les communes et leur regroupements.

Encore convient-il de faire savoir que ces 5,6 milliards de francs ne proviennent pas tous de la taxe professionnelle mais, pour partie, de dotations de l'Etat.

Cette enveloppe modeste ne garantit que 40% du produit communal moyen de taxe professionnelle par habitant.

Si l'on souhaitait garantir dans une proportion de 70 à 80%, il en coûterait de 15 à 19 milliards de francs.

Heureusement, à côté de cette péréquation fiscale (en partie), nous disposons d'une péréquation financière. C'est affaire de dotation globale de fonctionnement, de dotation globale d'équipement, de dotation de développement rural, de subventions spécifiques...

Les sommes en jeu sont très différentes :

La part de la dotation globale de fonctionnement des communes et groupements consacrée à la péréquation intercommunale s'est élevée, en 1994, à 30 milliards de francs sur un total de 81,5 milliards de francs.

Il est démontré que la dotation globale de fonctionnement a la plus forte capacité péréquatrice : elle réduit de 40% les inégalités de potentiel fiscal par habitant entre communes de métropole.

Peut-on aller au-delà ? Il nous semble que la péréquation nationale touche à ses limites : dans ces conditions " un nouveau pas significatif sur la voie de l'équité fiscale suppose l'instauration complémentaire d'une péréquation locale "par le bas" à la fois puissante et pérenne " (20).

Le développement de la taxe professionnelle intercommunale constitue la voie obligée de la modernisation de notre système fiscal local en général et de la taxe professionnelle en particulier.

En effet, il nous semble difficile de changer la nature de son assiette (21).

Outre que cela demande toujours du temps, il faudrait se mettre d'accord sur de nouvelles bases :

- la valeur ajoutée a été plaidée. Les objections sont connues et recevables : difficulté de localisation, variabilité du produit, pénalisation de l'emploi, mauvais indicateur de santé économique. Le basculement vers l'assiette valeur ajoutée ne peut se faire que si l'impôt est prélevé nationalement, ce qui, à terme, met en cause le système fiscal local (22).

- l'excédent brut d'exploitation est également difficile à localiser, son solde est tout aussi variable. Il n'intègre pas les produits financiers et, pour l'instant, n'a pas de définition fiscale (23).

La taxe professionnelle intercommunale a un double mérite : elle réduit géographiquement les écarts de taux et organise une nouvelle forme de péréquation.

IV.- LE CADRE JURIDIQUE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE
À TAUX UNIQUE (24)

La loi du 6 février 1992 créant les communautés de ville et les communautés de communes donne toute sa dimension à la taxe professionnelle à taux unique (TPU).

Son principe est simple : les entreprises localisées sur le territoire d'un même établissement public de coopération intercommunale sont soumises à un même taux de taxe professionnelle, dépendant de l'autorité intercommunale qui en maîtrise le produit.

Impôt lié à l'activité économique, il s'avère normal que cette TPU profite à des établissements ayant pour compétence l'aménagement du territoire et le développement économique. Cette TPU est de droit dans les communautés de ville.

Les communautés de communes, dotées de la fiscalité propre additionnelle, peuvent opter pour la TPU, tout comme les communautés urbaines créées avant le 8 février 1992.

Les districts urbains, créés eux aussi avant le 8 février 1992, dotés de la fiscalité propre et ayant compétence en matière économique et en matière d'aménagement du territoire peuvent également choisir la TPU.

L'établissement public de coopération intercommunale bénéficiant de la TPU dispose des plus larges recettes budgétaires : revenu de ses biens, participation des usagers, subventions, dons et legs, produits de taxes et redevances, produits des emprunts et taxe professionnelle. En fonction de ses compétences, il peut ajouter la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe de balayage, la taxe de séjour, la taxe sur la publicité, la taxe sur l'électricité.

V.- L'ORGANISATION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE À TAUX UNIQUE

La TPU relève d'une décision de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), suivant la procédure décisionnelle en vigueur : l'EPCI se substitue aux communes, il vote le taux et en perçoit le produit, les communes conservant les trois autres taxes directes (25).

Le régime du taux de la TPU demeure celui de la taxe professionnelle, lié, quant à son évolution, aux taux des impôts sur les ménages et plafonné selon le régime commun. La première année, le taux unique de taxe professionnelle est déterminé par le taux pondéré de taxe professionnelle des communes membres. Il peut lui être inférieur.

La généralisation du taux unique demande un certain temps compris entre un et dix ans : il est fonction de l'écart entre le taux le plus faible et celui le plus élevé. Chaque année rapproche du taux moyen.

La loi a prévu l'utilisation de la taxe professionnelle par l'EPCI. Une première partie sert à financer les charges de l'EPCI, une seconde (dite attribution de compensation) restitue aux communes ce qu'elles percevaient (l'équivalent des transferts en moins), une troisième (appelée dotation de solidarité) finance une péréquation selon des critères adoptés par le conseil communautaire.

En cas de désaccord, la loi a prévu des critères de répartition :

- 30% en fonction de l'augmentation des bases de TP ;

- 30% en fonction de l'augmentation des bases de TP par habitant ;

- 30% en fonction de la population communale ;

- 10% en fonction du nombre d'établissements de la commune soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

VI.- LES AVANTAGES DE LA TAXE PROFESSIONNELLE À TAUX UNIQUE

Le découpage administratif communal français, héritage d'une histoire et d'une culture, ne facilite pas l'organisation optimale de nos agglomérations, tout spécialement lorsqu'il s'agit d'aménager leur territoire.

La TPU permet la mise en _uvre d'une stratégie territoriale de plus en plus nécessaire, pour des raisons liées notamment à l'évolution de l'Union européenne. Elle permet une maîtrise de l'aménagement du territoire local et la mutualisation des risques du développement local.

·   La maîtrise de l'aménagement du territoire local :

La taxe professionnelle demeure très inégalement répartie dans un même ensemble de communes. Les différences de bases par habitant augmentent avec la fragmentation des circonscriptions. L'inverse est vrai. Elargissons donc la carte administrative de la taxe professionnelle pour en réduire les inégalités souvent injustes et toujours difficiles à admettre.

A partir du moment où il y a taux unique, péréquation, il sera plus facile de maîtriser l'implantation des activités. L'intérêt à la concentration n'aura plus la même signification financière.

Bien évidemment, la TPU, à elle seule, n'a pas toutes ces vertus : encore faut-il qu'elle soit accompagnée d'un authentique plan d'aménagement intercommunal, d'une véritable charte d'urbanisme commercial, d'un plan local de l'habitat... Elle leur donne consistance.

Est-ce à dire que les communes ne seront plus motivées par la recherche de nouvelles entreprises, l'extension des activités existantes ? Non : chaque commune conserve ses taxes foncières, dans les critères d'attribution de la dotation de solidarité il est possible d'inclure un système de récompense ou de compensation (dans l'hypothèse par exemple d'activités à nuisances).

Au plan économique, la TPU peut avoir un apport financier non négligeable : la concurrence intercommunale amène la création désordonnée de zones industrielles, de zones artisanales, de " parcs d'activités "... Tout ceci a un coût pour chaque collectivité qui ne réussit pas à " remplir " son espace. La TPU évite ce genre de perte et permet une utilisation optimale des ressources. Elle freine la compétition fiscale et financière entre communes, surenchère dangereuse, coûteuse et risquée : " Le partage de la ressource fiscale donne en effet aux autorités intercommunales le moyen d'imposer la fermeture ou l'abandon des projets de zones d'activités les moins performantes. Les duplications d'aménagement peuvent ainsi être évitées et donc, en définitive, la stérilisation de fonds publics dans des opérations fiscalement, économiquement et socialement non rentables ".

La TPU devrait, par conséquent, réduire le coût d'aménagement et de développement des agglomérations et augmenter l'efficacité de la gestion publique locale (26).

·   La mutualisation des risques du développement local :

Toute commune, toute entité intercommunale doit avoir une stratégie de développement. Elle se marque par des plans, des démarches, des investissements. Elle a bien sûr sa part de dépendances et de risques. Le succès n'est pas toujours assuré. En cas d'échec important, la commune connaîtra le surendettement, l'augmentation de la pression fiscale, l'instabilité politique... Autant d'avatars qui peuvent remettre en cause, pour un certain temps -et de manière imméritée- l'avenir de la commune et la qualité des services dus aux habitants.

La TPU n'empêche pas ces sinistres en eux-mêmes, mais en élargissant le cercle des partenaires, elle allège le poids qu'aurait à supporter la commune siège.

En contrepartie, la TPU peut également permettre à l'EPCI de faire des paris de développement qu'aucune commune ne pourrait faire isolément. Une nouvelle fois, nous voyons tout l'intérêt que tire l'Etat d'une coopération intercommunale active et ambitieuse.

VII.- PROPOSITIONS

A partir du moment où il est démontré que la TPU préserve un pouvoir fiscal local s'appuyant sur un impôt important, qu'elle permet une authentique spécialisation, qu'elle réduit les écarts d'imposition, qu'elle institue une péréquation, favorise des économies, concourt à l'aménagement du territoire, à la mutualisation des risques et à l'élaboration d'une stratégie de développement, une question vient immédiatement : comment la faire avancer ?

La réponse est d'ordre politique. Il est prouvé que l'on sait toujours résoudre les difficultés techniques que révèle la vie quotidienne dès lors que la volonté existe, que les responsables locaux trouvent en eux-mêmes et dans le dialogue les compléments à la loi. Ne demandons pas tout à celle-ci ou au décret ou à la circulaire.

Nous proposons :

·   de rendre obligatoire la TPU dans les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'aménagement et d'économie dès lors qu'ils comptent 100.000  habitants et plus.

Se pose le cas particulier de la région parisienne : une consultation doit permettre de trouver la meilleure circonscription d'application de la taxe. Est-ce la région ? Sont-ce les départements ? Y-a-t-il des solutions de troisième type (27) ?

Diverses objections de nature juridique ont été produites contre cette proposition d'obligation qui porterait atteinte au principe de libre administration communale. Il est facile de trouver des précédents :

- la loi du 31 décembre 1966 créant les communautés urbaines de Bordeaux, Lyon, Lille et Strasbourg ;

- la loi de finances de 1990 obligeant les districts à se doter d'une fiscalité propre dans un délai de cinq ans.

·   Un système incitatif :

Si le principe d'obligation que nous venons d'exposer n'était pas retenu, nous pourrions bâtir un système incitatif (qui pourrait parfaitement fonctionner dans un cadre obligatoire) dont les principaux éléments sont les suivants :

- la décision de recourir à la TPU (au cas où elle serait facultative), pourrait se prendre à la majorité des deux tiers du conseil communautaire ou districal (et non plus des trois quarts) ;

- le lien à la baisse entre la TPU et les impôts sur les ménages serait supprimé (28) ;

- la DGF des EPCI dotés de la TPU devrait passer de 120 francs à 240 francs par habitant ;

- l'écrêtement des bases pourrait être gelé à la date du passage à la TPU ;

- TPU et fiscalité additionnelle sur les impôts sur les ménages ne doivent pas être incompatibles ;

- le soutien financier de l'Etat résulterait d'un juste partage :

* La mutualisation des risques de perte de base limite le recours au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ;

* La péréquation des richesses entre les communes réduit à terme l'intervention de l'Etat pour corriger les écarts de richesse fiscale ;

* L'abaissement du taux de TP des entreprises peut limiter le niveau de compensation des dégrèvements dus au plafonnement des contributions par rapport à la valeur ajoutée.

Le nouveau pacte de solidarité Etat-collectivités locales pourrait prévoir une dotation spécifique.

La possibilité d'un système mixte TPU/fiscalité additionnelle peut surprendre, car a priori elle va formellement à l'encontre du principe de spécialisation que nous ne cessons de préconiser.

En vérité, dans le cas qui nous occupe, il s'agit de renforcer la coopération intercommunale.

Dans cette optique, ce système mixte diversifie les sources de financement, assure une meilleure gestion des fluctuations conjoncturelles des bases économiques, compense le risque d'instabilité de l'impôt sur les entreprises et élargit les possibilités de solidarité financière.

La recherche de la justice fiscale ne doit pas se limiter à la seule taxe professionnelle.

CONCLUSION GÉNÉRALE

C'est par pragmatisme que nous nous en sommes tenus à ces deux thèmes principaux : ils ne sont ni incompatibles, ni exclusifs.

Dans un esprit tout aussi concret, il nous faudrait analyser le fonctionnement des systèmes de péréquation nationaux et départementaux, plaider la cause d'une fiscalité propre pour les services départementaux d'incendie et de secours, réfléchir sur la taxe foncière des propriétés bâties dans un souci d'équité sociale.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information dans sa réunion du 16 juillet 1998.

Après l'exposé de votre Rapporteur, plusieurs orateurs sont intervenus.

M. Gilbert Gantier a exprimé un désaccord de principe sur la proposition tendant à asseoir la taxe d'habitation sur les revenus des contribuables. Il a estimé que l'habitation est un choix de consommation et qu'à revenu égal certains peuvent privilégier leur habitation ou, par exemple, les loisirs. Il a donc jugé qu'il n'était pas souhaitable d'instaurer une troisième imposition sur le revenu, venant se surajouter à l'impôt sur le revenu progressif et à la contribution sociale généralisée proportionnelle.

Votre Rapporteur a observé que cette remarque mettait en exergue la différence philosophique existant entre la majorité et l'opposition. Il a constaté que, dans le passé, la taxe d'habitation était la contrepartie de services liés à la propriété immobilière, alors qu'aujourd'hui les services offerts par les collectivités locales sont beaucoup plus liés au niveau de revenu de leurs habitants.

M. Jean-Jacques Jegou a estimé que la population demandant le plus de services aux collectivités locales était celle disposant des plus faibles moyens et que la proposition tendant à asseoir la taxe d'habitation sur le revenu inciterait les catégories aisées ou moyennes à quitter les communes les plus démunies.

M. Gilles Carrez a félicité votre Rapporteur pour la clarté de son rapport et de ses propositions. Il s'est ensuite interrogé sur la possibilité de mettre en _uvre prochainement la révision des valeurs locatives cadastrales effectuée en 1990-1991, préalable absolu, à ses yeux, de toute réforme de la fiscalité locale, mais que les gouvernements successifs ont préféré différer. Il a jugé que cette mise en _uvre était réalisable si l'on s'en tenait aux dispositifs adoptés à l'unanimité, en juillet 1996, par le Comité des finances locales et prévoyant, d'une part, de ne pas créer une catégorie spécifique pour les logements sociaux et, d'autre part, certes au prix d'un coût de l'ordre de 1 milliard à 1,5 milliard de francs, d'étaler sur quatre ans la réforme et d'écrêter les trop fortes progressions de l'imposition. Il a néanmoins constaté qu'une mise en _uvre rapide de la révision effectuée en 1990 produirait ses premiers effets à l'automne 2000, c'est-à-dire juste avant les prochaines élections municipales. Il a donc jugé souhaitable de mettre à profit les mois à venir pour effectuer un travail d'actualisation des résultats de la révision et de n'appliquer cette dernière qu'à l'automne 2001.

Il a exprimé ses doutes quant à la possibilité d'asseoir la taxe d'habitation sur les revenus, en rappelant l'échec de la taxe départementale sur le revenu. Il a également critiqué la proposition concernant la spécialisation des ressources par échelon local, en affirmant que des simulations détaillées montreraient d'importants transferts.

Il a jugé que les propositions de votre Rapporteur relatives à la taxe professionnelle étaient séduisantes, dans la mesure où les trois-quarts des inégalités de richesse fiscale entre les communes proviennent de la seule taxe professionnelle et dans la mesure où le développement des activités de service accroît les possibilités de délocalisation des entreprises. Il s'est ainsi déclaré surpris du vote récent par le Parlement d'une disposition visant les recettes procurées par la vignette, à la faveur de la fixation d'un taux bas, au département de la Marne, alors que ces recettes ne portent que sur un montant de 100 millions de francs et que les véhicules concernés sont localisés en Ile-de-France et représentent, pour cette région, une recette de taxe professionnelle de l'ordre de 300 à 400 millions de francs par an. Il a également noté que la moitié des communes du département des Hauts-de-Seine ont des bases de taxe professionnelle dix fois supérieures à celles de la moitié des communes du département de Seine-Saint-Denis. Observant que la péréquation ne concerne que 5,6 milliards de francs sur un produit total de taxe professionnelle de 160 milliards de francs, alors que dans le même temps l'Etat consacre 35 milliards de francs à la compensation du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, il a estimé indispensable de réformer au plus vite l'assiette territoriale de la taxe professionnelle, soit en généralisant la taxe à taux unique, soit en augmentant jusqu'à 10 ou 15 milliards de francs les moyens affectés à la péréquation, grâce, par exemple, à une majoration de la cotisation minimale.

M. Gilles Carrez a rappelé qu'une réforme visant à asseoir la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée conduirait à ce que la part des salaires dans les bases de cet impôt atteigne 55%, au lieu de 38% actuellement. Il a également jugé qu'il n'était pas souhaitable de retenir les bénéfices comme base de la taxe professionnelle, en raison de leur forte variabilité. Il a conclu qu'il convenait de distinguer une réflexion à long terme et des actions ponctuelles permettant de vaincre certaines réticences du ministère de l'économie et des finances.

Votre Rapporteur a souligné qu'il avait retenu cette dernière approche et qu'au lieu de proposer de trop nombreuses réformes, il s'était contenté de deux propositions, dont la généralisation de la taxe professionnelle à taux unique, qui est l'exemple même d'une réforme pragmatique. Il a donc invité les élus de la région parisienne à soutenir cette proposition. Il a observé qu'en matière de logements sociaux, il importait de distinguer le calcul des valeurs locatives et le produit effectif de la taxe d'habitation, puisque la majorité des locataires des HLM ont des revenus inférieurs à 60% des plafonds de ressources. Il a ainsi observé que, dans sa ville de Rennes, 20% seulement des locataires du secteur locatif public paient la totalité de leur taxe d'habitation et que ce ratio est de 40% pour le secteur locatif privé. Il a enfin indiqué qu'il avait conservé un fort ressentiment à l'encontre de ceux qui avaient saboté la taxe départementale sur le revenu votée en 1990 en la comparant à la " poll tax " britannique.

M. Christian Cuvilliez a déclaré soutenir toute réforme permettant une meilleure justice dans la collecte fiscale et un meilleur rendement social dans la distribution. Estimant que la prise en compte des revenus dans l'établissement de la taxe d'habitation devait faire l'objet de longues et nombreuses simulations, il s'est prononcé en faveur de mesures immédiates telles que l'abaissement à 2% du revenu du plafonnement de la taxe d'habitation prévu par l'article 1414 C du code général des impôts, le rétablissement des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties accordées aux logements HLM ou l'institution, au profit de ceux-ci, d'un plafonnement de cette taxe. Il a exprimé de fortes réticences sur l'affectation de la taxe d'habitation aux seules communes, car cela conduirait notamment à faire assumer les ressources des régions par EDF, par l'intermédiaire de la taxe sur l'électricité.

S'agissant de la taxe professionnelle, il a dénoncé une situation permettant aux collectivités locales disposant de bases importantes de voter des taux faibles. Il a suggéré la suppression progressive de l'abattement de 16% sur les bases, la prise en compte des actifs financiers, ainsi que l'alignement sur le droit commun de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom.

Votre Rapporteur a approuvé cette dernière suggestion, tout en notant qu'il en coûterait de 6 à 7 milliards de francs à l'Etat. Il a également estimé nécessaire de réformer la taxe foncière sur les propriétés bâties en vue d'une plus forte équité fiscale.

Le Président Augustin Bonrepaux a jugé qu'une spécialisation des ressources par niveau de collectivités comporterait des risques puisque, par exemple, la taxe sur l'électricité est déjà affectée par de nombreux départements aux syndicats d'électrification. Il s'est associé aux remarques suggérant un accroissement de la péréquation de la taxe professionnelle, tout en demandant à M. Gilles Carrez de convaincre ses collègues de l'opposition du bien fondé de cette orientation. Il a estimé qu'en matière de taxe d'habitation, on pouvait soit poursuivre dans la voie consistant à accroître les allégements pris en charge par l'Etat, comme cela a été le cas dans la loi de finances pour 1998, soit effectuer la vraie réforme, qui est la révision des valeurs locatives. Il s'est prononcé pour cette seconde voie et pour sa mise en _uvre le plus rapidement possible. En ce qui concerne la taxe professionnelle, il a estimé que la prise en compte des salaires dans les bases pourrait être réduite, tout en laissant les entreprises prendre en charge les conséquences d'une telle réforme.

Votre Rapporteur a rappelé qu'il n'était pas un partisan acharné de la spécialisation de la fiscalité locale et il a d'ailleurs noté qu'il avait suggéré d'autoriser les établissements publics de coopération intercommunale ayant opté pour la taxe professionnelle à taux unique à percevoir également une taxe additionnelle sur les impôts pesant sur les ménages. Il a considéré qu'il ne fallait pas continuer la poursuite des dégrèvements et des exonérations, car l'Etat finance déjà 23% du produit fiscal local. S'agissant de la réduction de la part des salaires dans les bases de la taxe professionnelle, il a jugé nécessaire d'étudier les conséquences d'une telle réforme sur les différents secteurs d'activité et son impact à moyen terme. Il a également estimé qu'un tel mécanisme ne devrait pas être compensé par une intervention de l'Etat, mais dans le cadre d'une refonte du calcul des bases. Il a enfin souligné que son rapport ne constituait qu'un rapport d'étape, susceptible de faire l'objet de compléments concernant, par exemple, l'instauration d'une fiscalité propre en faveur des centres départementaux d'incendie et de secours ou la taxe foncière sur les propriétés bâties. Il a néanmoins sollicité la publication de ce rapport d'étape à titre de contribution au débat en cours.

La Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

__________

N° 1066.- Rapport d'information de M. Edmond Hervé, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances, sur la fiscalité locale.

1 ) " La fiscalité locale de 1992 à 1996 ", Notes bleues de Bercy, 1er-15 avril 1998, n° 132.

2 ) Des dispositions législatives peuvent expliquer, parfois, en partie, ces évolutions.

3 ) Il est évident que ces besoins ont considérablement évolué.

4 ) La charge nette de l'Etat est passée de 54 milliards en 1992 à 61 en 1993, 65 en 1994, 71 en 1995, 72,5 en 1996. Parallèlement, la part des dotations de fonctionnement dans les ressources locales a diminué nettement, tout comme celle de la fiscalité locale directe, mais plus légèrement (Conseil des impôts - Rapport préparatoire, mai 1996, page 25).

5 ) Jacques MERAND, " Les collectivités locales et l'économie nationale ", Crédit Local de France, Dexia, 1997, p. 201.

6 ) Exemple : le prix du m² d'un appartement en catégorie 8 est de 17 F en 1970, de 63,44 F en 1998 (17 F x 3,732).

7 ) Notre logement de 70 m² aura donc une surface pondérée de (20 m² x 1,35) + (50 m² x 0,9) = 72m².

8 ) Les abattements à la liberté du conseil municipal limitent les comparaisons de taux de taxe d'habitation de commune à commune.

9 ) Article 1414 du code des impôts.

10 ) Il s'agit d'une nouveauté en 1998.

11 ) 2.066 F en 1997 au lieu de 2.131 F.

12 ) Au niveau national, la majorité des locataires HLM a des revenus inférieurs à 60% des plafonds de ressources, 17% ont des revenus inférieurs à 20% des plafonds. Les locataires accueillis depuis trois ans ont actuellement, pour 90%, des ressources inférieures au plafond d'accueil en PLA et pour 60% au plafond PLATS (" Les Offices en 1996, données sociales ", avril 1998, page 71).

13 ) En voici l'économie générale : prise en compte des loyers de 1990 au lieu de ceux de 1970, redéfinition des secteurs d'évaluation, suppression des équivalences superficielles, suppression des coefficients actuels et remplacement pour un coefficient de situation générale, distinction des logements sociaux et non sociaux.

14 ) La révision des valeurs locatives a été inscrite dans la loi du 30 juillet 1990 et dans celle du 5 février 1995. Ce travail d'actualisation a coûté 2 milliards de francs (financés par la fiscalité locale sur la base d'un taux à 0,4%). Un travail d'actualisation qui reste à appliquer sinon... à actualiser puisque les valeurs ont été calculées en 1992, à partir d'une loi de 1990 ! Ces retards ne sont-ils pas une condamnation de la référence " valeur locative " ?

15 ) De nombreuses activités sont exonérées de taxe professionnelle : ce sont celles de l'Etat, des collectivités locales, de leurs établissements publics, des exploitants agricoles, des artisans, des organismes HLM... La Poste est exonérées à 85% de ses bases. La Corse bénéficie d'un abattement général supplémentaire de 25%.

16 ) La REI est un indicateur de dynamisme pour les entreprises en expansion. Ce n'est pas un indicateur global.

17 ) Le taux de la taxe professionnelle est encadré par des dispositions législatives (loi du 28 juin 1982 et loi de finances pour 1997) qui instituent un mécanisme de liaison entre taxe professionnelle, taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties et taxe foncière sur les propriétés non bâties. L'objectif de ce système étant d'empêcher un transfert de la fiscalité des particuliers vers les entreprises.

18 ) Sur le montant de 65,4 milliards de francs d'augmentation des produits de taxe professionnelle constatés entre 1988 et 1995, près du quart est attribuable à la hausse des taux, et les deux tiers à la hausse des bases, le surplus revenant à des effets croisés (Conseil des impôts, op cit page 32).

19 ) Robert Hertzog " A propos de la péréquation dans les finances locales ", Revue française de finances publiques (n° 34-1991).

20 ) " L'avenir de la taxe professionnelle intercommunale " LGDJ, 1998, page 54.

21 ) Des ajustements internes sont toujours possibles, mais il faut bien en mesurer les conséquences.

22 ) Les simulations révèlent des transferts de charge importants : les petits chiffres d'affaires seraient désavantagés ; l'immobilier, la banque et l'assurance connaîtraient de fortes hausses ; l'industrie et l'énergie y auraient intérêt.

23 ) L'excédent brut d'exploitation est égal à la différence entre, d'une part, la valeur ajoutée augmentée des subventions d'exploitation versées à l'entreprise et, d'autre part, les frais de personnel et les impôts à la charge de l'entreprise (à l'exception de l'impôt sur les sociétés).

24 ) Les développements qui suivent s'inspirent très largement d'un ouvrage collectif " L'avenir de la taxe professionnelle intercommunale " paru à la LGDJ (1998) et faisant suite à un séminaire national organisé à Rennes, sur ce thème, en janvier 1998.

25 ) Regrettons la modeste application faite de la procédure TPU. Au 1er janvier 1998, 78 communautés de communes, 2 districts et 5 communautés de villes l'avaient adoptée. Ces 85 EPCI (soit 3,2 millions d'habitants) sont à comparer aux 1.446 qui se sont dotés de la fiscalité propre. Les sites urbains qui se sont dotés de la TPU sont Marseille, Rennes, Avignon, Aix, La Rochelle et Perpignan. Dix syndicats d'agglomération nouvelle, regroupant 800.000 habitants perçoivent la TPU en fonction de leur loi constitutive du 13 juillet 1983.

26 ) L'avenir de la taxe professionnelle intercommunale, op cit, page 56.

27 ) En tout état de cause, il faudra trouver un système qui évite le regroupement exclusif des communes riches. La TPU n'a de sens que si elle redistribue.

28 ) La liaison des taux va à l'encontre du principe d'autonomie des collectivités. La suppression du lien à la baisse supprime une absurdité qui fait que pour augmenter le taux de TP on soit amené à augmenter le taux des impôts sur les ménages sans y être matériellement obligé. Il y a une déconnexion fiscalité-besoin. Si les groupements à TPU ne représentent que 6% des structures pouvant être concernées, c'est peut-être dû à ce mécanisme de liaison à la baisse qui assujettit le groupement aux décisions fiscales des communes membres.