N° 1161

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 novembre 1998

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES(1)

sur

les évolutions actuelles du paysage audiovisuel américain

et présenté

par M. Didier MATHUS,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Audiovisuel.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Mme Raymonde Le Texier, MM. Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

-

Pages

PRÉFACE : LE PARADOXE AMÉRICAIN 5

INTRODUCTION 7

I.- LA RÉGLEMENTATION : UNE LIBÉRALISATION CROISSANTE 9

A. LA PROPRIÉTÉ DES MÉDIAS 9

B. LA CONCURRENCE ENTRE OPÉRATEURS 11

C. LA PROGRAMMATION 13

II.- LE PAYSAGE AUDIOVISUEL : VERS UNE DIVERSIFICATION DES ACTEURS 15

A. LES DIFFÉRENTS TYPES DE DIFFUSEURS 16

1. Les networks 17

2. Les stations hertziennes locales 19

3. Le réseau public PBS 19

4. La télévision par câble 21

5. Les plates-formes satellites numériques (DBS) 22

B. LES PARTS DE MARCHÉ DES DIFFUSEURS 23

C. LA PRODUCTION ET LA DISTRIBUTION : UNE CONCENTRATION CROISSANTE 24

III.- TÉLÉCOMMUNICATIONS ET AUDIOVISUEL : LES ENJEUX DE LA CONVERGENCE 27

A. LE MARCHÉ AMÉRICAIN EN 1998 : DYNAMISME ET EFFET DE TAILLE 27

B. LA PERSPECTIVE DE LA CONVERGENCE 28

1. La libéralisation du cadre juridique par le Telecom Act de 1996 28

2. La révolution numérique 28

C. LA RÉALITÉ DU SECTEUR : ENTRE INTÉGRATIONS ET CONSOLIDATIONS 29

1. Intégration verticale pour les industries de contenus 29

2. Consolidation pour les possesseurs de réseaux 30

3. L'internet : véritable lieu d'expression de la convergence 31

ANNEXE 33

PRÉFACE : LE PARADOXE AMÉRICAIN

Chacun sait que la dimension du marché intérieur américain assure à l'industrie audiovisuelle des Etats-Unis une primauté de fait à l'échelle de la planète dans ce secteur économique.

Si les Etats-Unis ne sont pas dans ce domaine nécessairement une référence, ils sont plus que jamais un lieu d'expérimentation que nous avons le devoir d'étudier, au moment où s'amorcent des bouleversements considérables qui vont révolutionner le rôle et la fonction des médias dans nos sociétés.

La mission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a pu mesurer concrètement l'intensité du paradoxe américain. Ce pays que l'on dit libéral a assuré le développement de son industrie audiovisuelle jusque dans les années 1990 en s'appuyant sur un dispositif anti-concentration extrêmement coercitif.

Si le Telecom act de 1996 a sérieusement assoupli ce dispositif pour s'adapter à la convergence naissante des médias, c'est néanmoins une instance publique, la Federal communication commission (FCC), qui décide sans appel de la marche au numérique pour l'ensemble des acteurs du système, et tous doivent s'y plier... On constate même que la religion du business doit parfois céder le pas à des préoccupations éthiques proches de ce que l'on appellerait en Europe l'intérêt collectif.

L'apparition du numérique, d'Internet et des nouvelles technologies va précipiter dans le monde entier cette fameuse convergence dont on parle depuis quelques années, convergence - ou fusion - entre téléphone, informatique, télévision qui pourra, peut-être, transformer nos façons de vivre et qui mettra assurément en cause les structures audiovisuelles que nous connaissons aujourd'hui.

C'est pourquoi il est important que l'Assemblée nationale soit informée de la manière dont s'esquisse cette révolution au sein du premier marché économique mondial.

Didier Mathus,

rapporteur

INTRODUCTION

Du 5 au 11 juillet dernier, une mission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, composée de M. Didier Mathus, président, Mme Odette Grzegrzulka, M. Louis de Broissia, M. Noël Mamère et de M. Rudy Salles, s'est successivement rendue à New-York, Washington et Los Angeles afin de s'informer sur les évolutions et les défis du secteur de l'audiovisuel et, plus largement, de la communication aux Etats-Unis.

La mission avait plus particulièrement pour objet d'étudier, au travers de rencontres, visites et entretiens, les évolutions du secteur en ce qui concerne :

- la production et la distribution de programmes (par les majors, les producteurs indépendants mais aussi, plus récemment, les networks),

- les choix techniques de diffusion (renforcement des réseaux câblés, analogiques ou numériques, résistance des réseaux hertziens généralistes, émergence de bouquets satellites numériques),

- les mouvements capitalistiques dans le secteur de la communication (intégrations des différentes activités au sein de compagnies uniques, arrivée des sociétés de télécommunication sur le marché de l'image).

Au fil de leurs rendez-vous, les membres de la mission ont pu se rendre compte de l'enjeu économique majeur que représente pour ce secteur le passage au numérique et la convergence technologique croissante des différents domaines du marché de la communication.

Ils ont également pu constater combien la démarche européenne qui tend à faire de l'audiovisuel un outil culturel spécifique et donc distinct des produits et services marchands était incomprise aux Etats-Unis, et même combattue comme une entrave à la liberté d'entreprendre et au développement optimal de l'industrie américaine de l'" entertainment ".

Les membres de la mission sont donc revenus des Etats-Unis avec une vision plus claire des défis à la fois technologiques, économiques et culturels que la France et l'Europe vont devoir affronter prochainement dans les secteurs de la communication.

Les avancées actuelles en matière de technologie numérique doivent à tout prix être exploitées et préservées afin de garantir l'existence d'une industrie de programmes autonome et notre vigilance devra être renforcée en matière de normes applicables aux services IP (internet protocole) si la France et l'Europe souhaitent, demain, pouvoir maîtriser la production, la transmission et la diffusion des données, qu'il s'agisse de sons, de textes ou d'images.

*****

Les membres de la mission souhaitent adresser ici leurs remerciements aux personnels des services culturels de l'ambassade de France aux Etats-Unis, du consulat général de France à Los Angeles et du poste d'expansion économique pour l'ouest des Etats-Unis pour leur aide et assistance durant la préparation et le déroulement de cette mission.

Ils remercient tout particulièrement MM. Morad Koufane à New-York, Frédéric Paruta à Washington et François Truffart à Los Angeles pour leur accompagnement vigilant et efficace durant le séjour de la mission dans ces trois villes.

I.- LA RÉGLEMENTATION : UNE LIBÉRALISATION CROISSANTE

Le 8 février 1996, le président Clinton a signé la loi sur les télécommunications (Telecommunication act) qui constitue la révision la plus profonde de la législation en matière de communication depuis la loi de 1937.

Cette loi concerne l'ensemble des moyens de communication et son principal objectif est d'ouvrir divers segments de ce secteur à la concurrence. Pour son application, elle a conféré une autorité importante à la Federal Communication Commission (FCC), principal organe de régulation de l'industrie audiovisuelle.

Composée de cinq commissaires nommés par le président des Etats-Unis avec approbation du Sénat, la FCC est chargée de :

- veiller au respect de la libre concurrence (attribution des fréquences et des licences, approbation des rachats et des fusions, surveillance des tarifs d'abonnement, etc...),

- faire respecter l'intérêt public dans les médias (ce qui entraîne notamment une réglementation en matière " d'indécence " des programmes),

- baliser l'évolution du secteur par le choix de normes techniques (comme pour la télévision numérique par exemple).

La FCC a donc fixé, le 1er août 1996, les règles de mise en place des différents marchés du secteur de la communication. Celles-ci sont résumées ci-après pour ce qui concerne la diffusion télévisuelle. Le rapporteur reviendra dans la troisième partie de ce rapport sur la portée de la loi de 1996 pour l'ensemble du secteur de la communication.

A. LA PROPRIÉTÉ DES MÉDIAS

· Propriété des stations de télévision

L'ensemble des stations appartenant à une même société, et notamment à un réseau hertzien ou network (stations owned & operated), ne peut couvrir plus de 35 % des foyers américains. Suite au Telecom Act de 1996, le nombre de stations détenues n'est plus limité (auparavant, un network ne pouvait en détenir plus de 12, avec une couverture limitée à 25 % des foyers).

Cette règle est souvent contournée par la mise en place de Local Marketing Agreements (LMA) selon lesquels le network est en réalité opérateur de la station sans en être propriétaire. La FCC songe donc actuellement à inclure les LMA dans le décompte des 35 %.

· Actionnariat étranger

Une société étrangère peut détenir directement jusqu'à 20 % d'une station et indirectement jusqu'à 100 % mais au-delà de 25 %, la FCC peut s'y opposer.

· Concentration monomédia

La " duopoly rule " prévoit qu'un groupe ne peut posséder qu'une seule station de télévision par marché 1. Cette règle est, elle aussi, contournée par le biais des LMA et fait l'objet de nombreuses presssions de la part des diffuseurs qui souhaiteraient la voir assouplie.

Par ailleurs, la " dual network rule " empêche un groupe possédant un network hertzien de racheter un autre network existant. Depuis le Telecom Act, il est cependant possible pour un network existant de créer de toutes pièces un second network.

· Concentration multimédia

Au sein d'un même marché, un groupe ne peut pas posséder à la fois une station de télévision ou de radio et un organe de presse écrite, ou un journal et un réseau câblé. Par contre le Telecom Act a supprimé l'interdiction de détenir conjointement une station de télévision hertzienne et un réseau câblé sur un même marché.

B. LA CONCURRENCE ENTRE OPÉRATEURS

· Must Carry

Cette règle instaurée par le Cable Act de 1992 et confirmée par la Cour suprême en 1997 oblige les réseaux câblés à retransmettre toutes les chaînes hertziennes locales.

A l'occasion du passage à la diffusion numérique, l'application éventuelle de cette règle aux nouvelles chaînes numériques, dont le nombre pourraît être considérable, suscite d'importantes controverses entre les diffuseurs hertziens et les câblo-opérateurs et se révèle très délicate pour les autorités de régulation. Deux aspects peuvent être distingués :

- le HDTV must carry, ou obligation pour les câblo-opérateurs de retransmettre fidèlement les signaux en haute définition, ce qui est loin d'être acquis techniquement ; cette règle devrait a priori être confirmée par la FCC ;

- l'application du must carry à toutes les chaînes numériques des networks en cas de diffusion multiple en format standard (multiplexage), telle que la revendiquent les diffuseurs hertziens. Cet aspect fera sans doute l'objet de débats plus soutenus.

· Bouquets satellite et chaînes locales

Le Satellite Home Viewer Act (1988) limite la retransmission par un opérateur de satellites des stations hertziennes locales aux seuls foyers ne le recevant pas de manière " acceptable " par voie hertzienne.

La définition d'une réception " acceptable " pose problème suite à l'initiative de la plate-forme Echostar de retransmettre des chaînes locales à ses abonnés. Les câblo-opérateurs ont réagi en exigeant que le must carry soit étendu au satellite, obligeant Echostar à retransmettre toutes les chaînes locales du pays, ce qui dépasse largement ses capacités actuelles. Les régulateurs doivent donc se prononcer sur cette question.

· Règles d'accès aux programmes

Cette règle, instituée lors du Cable Act de 1992 et valable dix ans, interdit aux chaînes détenues par des câblo-opérateurs de passer des accords de retransmission exclusifs sur les réseaux câblés. Elle avait pour but de faciliter la reprise des principales chaînes câblées, souvent détenues par des groupes tels que Time Warner, Turner ou TCI, au sein des bouquets satellitaires.

Cette règle pose actuellement plusieurs problèmes :

- elle ne s'applique pas aux nouveaux acteurs qui souhaitent accéder à ces programmes, comme les diffuseurs par micro-ondes ou les expériences de câble des opérateurs de télécommunication (comme Americast) ;

- depuis 1992, de nombreux groupes autres que les câblo-opérateurs ont développé des chaînes thématiques qui peuvent, elles, passer des accords de retransmission exclusifs.

Parallèlement, certains networks jouent sur leur pouvoir de refuser leur retransmission sur un réseau câblé (retransmission consent) pour y imposer les nouvelles chaînes créées par leurs maisons mères (NBC/MSNBC, Fox/FX etc...).

Le House Judiciary Committee a donc préparé un texte de loi visant à interdire totalement les accords exclusifs de retransmission, à empêcher le recours au " retransmission consent " et à prolonger la validité de la " program access rule " au-delà de l'échéance de 2002. Ce texte prolongerait aussi la régulation des tarifs d'abonnement au câble au-delà de mars 1999 (date fixée lors du Cable Act).

· Reprise des networks par les plates-formes satellites

Le US Copyright Office a décidé en 1997 d'augmenter les taxes payées par les bouquets satellite pour la reprise des networks de 6 cents à 27 cents par abonné et par mois (les câblo-opérateurs payant 9 cents). Les présidents des commissions parlementaires en charge du secteur y sont opposés au nom de la saine concurrence au câble que représente le satellite ; le texte devrait donc être rejeté par le Congrès.

· Lois antitrust

Elles touchent de plus en plus l'industrie audiovisuelle en proie à une concentration croissante. Actuellement, la fusion des actifs satellitaires de NewsCorp dans Primestar est ainsi provisoirement stoppée par le ministère de la Justice en raison de l'avantage qu'elle conférerait aux câblo-opérateurs.

C. LA PROGRAMMATION

L'utilisation des fréquences hertziennes, qui sont un bien public, a pour contrepartie le service de l'intérêt public. Plusieurs règles ont été fixées par la FCC pour appliquer ce principe, notamment :

- l'obligation pour les networks de diffuser 3 heures par semaine des émissions à caractère éducatif destinées aux enfants,

- la mise en place par la FCC et les diffuseurs, en 1997, d'une signalétique (ratings) qui va être complétée par l'utilisation d'une puce commandant un système de blocage d'accès dont la FCC vient de fixer les caractéristiques. Cette " V-chip " devrait équiper tous les postes de télévision en vente dès le 1er janvier 2000,

- enfin, la FCC étudie la possibilité d'imposer aux stations de télévision des temps d'antenne gratuits pour les candidats aux élections. Une commission présidée par Al Gore a aussi été formée sur ce thème et devrait rendre ses conclusions à l'automne. La FCC, en butte à l'opposition du Congrès, attend ces conclusions pour faire des propositions.

II.- LE PAYSAGE AUDIOVISUEL : VERS UNE DIVERSIFICATION DES ACTEURS

Les Etats-Unis sont un pays à très fort taux d'équipement télévisuel : sur 99 millions de foyers, 98 millions ont au moins une télévision et le nombre total de postes dépasse largement les 200 millions. 96% des foyers sont connectables aux services de télévision par câble et 68,5% y sont effectivement abonnés, soit plus de 65 millions de foyers.

A ceux-ci s'ajoutent les presque 7 millions d'abonnés aux bouquets de télévision numérique par satellite (Direct Broadcasting Satellite, ou DBS). Le taux de foyers câblés tend à se stabiliser depuis quelques années mais le DBS connaît par contre une forte croissance, continue depuis ses débuts en 1994.

- Evolution des modes de consommation audiovisuelle des foyers américains -

en millions d'unités

 

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1996

1997

Foyers

90,0

-

-

93,3

-

-

-

97,1

98,0

98,7

Foyers TV

88,6

90,4

92,1

93,1

92

93,1

94,2

95,4

95,9

96,9

Abonnés câble " basic "

43,9

46,8

19,3

51,7

53,4

55,2

57,2

59,7

62,1

64,0

Abonnés câble " premium "*

34,8

38,8

41,1

41,5

39,9

40,7

41,5

45,7

48,2

49,1

Abonnés pay-per-view

4,6

6,7

12,4

15,2

17,5

20,8

20,9

22,5

24,9

30,4

Abonnés satellite

-

-

-

-

-

-

-

1,1

2,6

6,6

* télévision à péage Source : IDATE

Les revenus de l'industrie audiovisuelle américaine, c'est-à-dire la somme des dépenses directes (entrées en salles, achat de vidéos, abonnements) et indirectes (subventions publiques et investissements publicitaires) des ménages ont atteint près de 90 milliards de dollars en 1997.

Comme l'indique le tableau ci-après, la publicité demeure la ressource dominante, même si sa part dans le revenu global est moins importante qu'il y a dix ans. Les revenus provenant du pay-per-view et du satellite connaissent actuellement les rythmes de croissance les plus élevés, mais " pèsent " encore fort peu dans le revenu d'ensemble.

- Evolution des recettes du secteur audiovisuel aux Etats-Unis -

 

1987

1990

1994

1997 (estim.)

97/87

 

M $*

en %

M $*

en %

M $*

en %

M $*

en %

en %

Câble " basic "

6 555

15,0

10 903

19,4

15 749

21,1

20 550

22,9

213,5

TV à péage

4 171

9,5

5 177

9,2

4 798

6,4

5 153

5,7

23,5

Pay-per-view

71

0,2

253

0,5

668

0,9

815

0,9

1048

Satellite**

-

-

-

-

200

0,3

2 064

2,3

930

Vidéo

6 518

14,9

9 454

16,8

15 500

20,8

13 783

15,4

111,5

Publicité

21 988

50,3

25 156

44,8

31 862

42,8

40 790

45,5

85,5

Subventions publiques

200

0,4

229

0,4

300

0,4

321

0,4

60,5

Salles de cinéma

4 250

9,7

5 021

8,9

5 396

7,3

6 208

6,9

46,0

TOTAL

43 753

100

56 193

100

74 473

100

89 684

100

105,0

* Millions de dollars Source : IDATE

** A partir de 1994 seulement

A. LES DIFFÉRENTS TYPES DE DIFFUSEURS

Il existe aux Etats-Unis six chaînes hertziennes nationales ou " networks ", plus de deux mille cinq cents stations hertziennes locales (dont une grande partie reprennent le signal des networks), un réseau public réunissant trois cent cinquante stations locales affiliées et plus de deux cents chaînes retransmises par câble ou satellite, dont le nombre ne cesse de croître. Depuis quelques années enfin, des opérateurs de plates-formes numériques diffusées par satellite (DBS) sont apparus sur le marché.

Après avoir longtemps constitué le c_ur de l'industrie américaine de la télévision, les grands réseaux hertziens ont commencé à amorcer un déclin depuis le début des années quatre-vingts, tant en termes de parts de marché que de chiffre d'affaires en raison de l'essor de nouvelles formes de télédistribution (le câble tout d'abord, puis aujourd'hui le satellite et la vidéo).

L'industrie télévisuelle américaine est désormais pleinement entrée dans la révolution numérique, qui va avoir un impact progressif mais profond sur tous les aspects du paysage audiovisuel. La FCC a en effet mis en place un programme de passage à la diffusion numérique pour toutes les stations de télévision hertzienne du pays, étalé entre l'automne 1998 et 2006. Des fréquences ont été attribuées à cette fin et, en principe, en 2006, toutes les stations devront rendre les fréquences analogiques utilisées actuellement. D'ici là, les foyers seront équipés soit de téléviseurs numériques (haute définition), soit de décodeurs numérique/analogique permettant de regarder les programmes numériques sur les téléviseurs actuels.

Le passage à la diffusion numérique permettra aux diffuseurs d'émettre des programmes en haute définition, technique vivement encouragée par la FCC, ou bien de diffuser dans la fréquence impartie plusieurs nouvelles chaînes de définition standard (ce que l'on appelle du multiplexage). D'après les récentes annonces des networks, un mélange des deux (haute définition en prime time, définition standard en multiplexage le reste du temps) devrait en fait être proposé.

Ce défi du passage au numérique s'impose également aux réseaux câblés dont la qualité de diffusion, si elle est bien meilleure que celle des réseaux hertziens, n'est, en rien comparable à un son et une image numériques.

En la matière, l'avance technologique du DBS, élaboré dès le départ sur une base de " tout numérique ", va donc constituer un avantage stratégique pour la redistribution des rôles dans le paysage audiovisuel américain.

1. Les networks

La FCC définit un network par une durée de programmation minimale de quinze heures hebdomadaires en prime time, diffusées à destination d'un réseau de stations locales lui appartenant en propre ou affiliées et représentant au total une couverture d'au moins 75 % des foyers télévision.

Longtemps au nombre de trois (ABC, CBS et NBC), les networks sont désormais six avec l'arrivée en 1986 de Fox et en 1995 de UPN et WB.

- Détenue par General Electric depuis 1995, NBC possède onze stations locales. C'est le premier network en termes d'audience, affichant sur la dernière saison achevée (septembre 96/juin 97) une part de marché moyenne de 18 %. NBC est notamment largement en tête sur sa cible principale, c'est-à-dire les 18-49 ans, segment d'audience le plus convoité par les annonceurs. Le point fort de NBC est jusqu'ici la programmation du jeudi soir, avec notamment la diffusion d'Urgences, Seinfeld et Friends, les trois émissions recueillant la plus forte audience tous networks confondus (30 millions de téléspectateurs en moyenne pour les deux premiers).

- CBS appartient à CBS Corp. (ex-Westinghouse Electric Corp.) depuis 1995 et est l'opérateur direct de quatorze stations locales. Le réseau s'est classé second en termes d'audience (16 % de parts de marché) sur la saison passée, devançant ABC pour la première fois depuis plusieurs années. Son audience est légèrement plus âgée que celle de ses concurrents. CBS est leader en prime time le samedi et le dimanche, avec des émissions telles que 60 Minutes et Touched by an angel, qui attirent 19 à 20 millions de téléspectateurs en moyenne.

- ABC est détenue par Walt Disney Co. et possède dix stations locales. Classée derrière CBS en termes d'audience moyenne sur la saison passée avec 15 % de parts de marché, ABC est cependant leader auprès des femmes de moins de cinquante ans. Ses émissions phares sont notamment NFL monday night football, Home improvement et 20/20 (près de 23 millions de téléspectateurs pour la première).

- Le Fox Network appartient depuis sa création à NewsCorp et détient vingt-trois stations locales réparties sur tous les Etats-Unis. Il recueille la quatrième audience avec une part de marché moyenne de 13 %. Sa cible est plutôt jeune, son positionnement s'étant bâti en opposition à la programmation des "Big Three" (c'est-à-dire NBC, CBS et ABC) en diffusant par exemple The Simpsons en prime time. Son émission vedette est The X-Files (18 millions de spectateurs en moyenne) et son meilleur créneau est le samedi matin avec une programmation pour les enfants.

UPN, lancé en 1995, appartient à Chris Craft Industries Inc. (opérateur de 8 stations locales) et Paramount (groupe Viacom). Son audience moyenne sur la saison passée était de 5 % avec dix heures de programmes en semaine dont huit en prime time (lundi, mardi, mercredi, jeudi) et quatre le dimanche matin, destinées aux enfants. Son meilleur résultat d'audience est réalisé avec la série Star Trek (classée 125e en audience toutes émissions confondues).

- Le WB Network est détenu en majeure partie par Time Warner, ainsi qu'à hauteur de 21 % par Tribune Co., qui possède notamment la "superstation" WGN de Chicago retransmise par câble et satellite sur une large partie des Etats-Unis. Le score d'audience moyen de WB était de 4 % sur la saison 96-97, avec comme cible principale les enfants et adolescents. WB fournit dix-neuf heures de programmes par semaine, dont neuf heures en prime time et des dessins animés dans la journée. WB prévoit de diffuser bientôt vingt-huit heures de programmes et de cibler davantage les 18-34 ans.

2. Les stations hertziennes locales

Ces quelques deux mille cinq cents stations émettent pour la plupart d'entre elles dans des zones bien délimitées. L'institut de sondage Nielsen divise ainsi le territoire américain en deux cent dix marchés pour ses indices d'audience.

Environ un millier de ces stations est affilié à l'un des networks (voire détenu par lui pour quelques-unes d'entre elles) et retransmet donc les programmes du network aux heures où il émet (essentiellement le prime time, entre 18 heures et 23 heures, et le week-end), le reste de la programmation étant constitué de bulletins d'informations, d'émissions locales et de programmes achetés en syndication.

La syndication est le " marché d'occasion " des programmes de télévision, qui ont en général déjà été diffusés sur un network ou une chaîne câblée et commercialisés auprès des stations locales par des producteurs-distributeurs indépendants : les syndicateurs. Les grands studios d'Hollywood (les " Majors ") assurent toutefois eux-mêmes la syndication de leurs programmes et les networks commencent à faire de même depuis l'abrogation des fin-syn rules (cf. II.- C.).

Face à la puissance des networks et au développement de leurs activités de producteurs, les stations indépendantes sont aujourd'hui en situation de faiblesse. Elles cherchent donc à mettre en commun leurs moyens en créant des " mini-réseaux " permanents ou ponctuels basés soit sur une proximité locale, soit sur la définition d'une " cible " spécifique. C'est ainsi que se sont constitués différents réseaux " ethniques " et notamment hispanophones.

3. Le réseau public PBS

PBS, fondé en 1969, est un réseau public qui compte trois cent cinquante stations locales affiliées, propriétés d'associations locales, d'universités, de certains Etats ou de municipalités. Seule une dizaine de stations exercent un rôle majeur en matière de production nationale mais chaque station opère comme une entité indépendante, disposant d'une programmation autonome et versant une commission à PBS en contrepartie de son activité de diffusion. La plus importante d'entre elles est WNET située à New-York. PBS achète les programmes à travers une coopérative de stations (Station Program Cooperative, la SPC), qui détient elle-même un budget propre d'achat. Le système national ne produit donc aucun programme en direct et chaque station est responsable de sa propre programmation.

L'essentiel de cette programmation est constituée de programmes culturels et de programmes éducatifs destinés aux élèves et aux professeurs. Les émissions scolaires touchent ainsi plus de 30 millions d'enfants et 2 millions d'enseignants.

L'influence du réseau PBS est également importante en matière d'information, domaine dans lequel les chaînes sont copiées par les networks.

Le budget global des stations affiliées au réseau PBS est d'environ un milliard de dollars et est financé par des subventions fédérales, des gouvernements des Etats, de collèges ou d'universités, par le mécénat d'entreprise et par des donateurs individuels. Ces stations ne peuvent pas faire de publicité mais ont accès au parrainage.

A titre d'exemple, le budget de WNET-Channel 13 à New York est de 100 millions de dollars, provenant pour 30 % de donations, pour 20 % du parrainage, pour 30 % de la vente de programmes à d'autres stations du réseau, pour 10 % de subventions de fondations accordées pour des programmes déterminés et pour 10 % seulement de subventions publiques de l'Etat fédéral (programmées sur trois ans) et de l'Etat de New York.

En vingt-cinq ans d'activité, PBS a su canaliser une audience stable, en dépit d'une concurrence accrue, notamment de la part des chaînes culturelles du câble. PBS représente 2,2 % d'audience et 4 % de part de marché en prime time, chiffre très inférieur à celui des grands networks commerciaux, mais néanmoins supérieur à celui des principales chaînes du câble (0,8 % pour CNN par exemple).

Pour ce réseau dont l'image apparaît tout à la fois rigoureuse et un peu archaïque, le passage au numérique ouvre de nouvelles opportunités car il va lui permettre de mieux cibler son offre de programmes (par une déclinaison de chaînes thématiques) et de répondre de façon plus adaptée aux attentes du public. Cette mutation technologique a cependant un coût considérable (15 millions de dollars pour WNET-Channel 13, soit 15 % de son budget annuel) qui fait hésiter de nombreuses stations.

4. La télévision par câble

Avec 64 millions d'abonnés et un taux de pénétration aux alentours de 65 %, le marché du câble américain est le plus important du monde. Il représente une activité de près de 23 milliards de dollars et les recettes du câble représentent désormais environ 30 % des recettes totales de l'industrie audiovisuelle, juste après la publicité.

La majorité des réseaux propose entre trente et cinquante-trois chaînes. Un certain nombre de chaînes (qui varient peu d'un réseau à l'autre) constituent, de même qu'en France, le service de base du câble (" basic ") et sont accessibles pour un coût extrêmement modeste (20 dollars environ, montant surveillé par la FCC et de ce fait à peu près stable en dollars constants depuis 1980).

D'autres chaînes, dites " premium ", sont disponibles moyennant un abonnement supplémentaire (notamment les chaînes de cinéma diffusant des films récents).

Enfin, le marché du " pay-per-view ", ou paiement à la séance, connaît une croissance constante de ses recettes même si, en 1995, il ne représentait qu'une dépense audiovisuelle marginale pour les ménages (de l'ordre de 1 %), ce qui peut s'expliquer par le choix des studios de privilégier la diffusion en vidéo, estimée plus rentable que le " pay-per-view ".

La majeure partie des chaînes les mieux distribuées appartient à de grands groupes de communication comme Disney et Time Warner, ou sont liés à des filiales des grands câblo-opérateurs (TCI, CableVision). Le marché du câble est en fait extrêmement concentré puisque les dix premiers câblo-opérateurs regroupent près de 70 % des abonnés.

Près de 60 % des revenus du câble proviennent des abonnements au " basic " (près de 19 milliards de dollars en 1996), mais ce sont les recettes publicitaires qui ont observé la plus forte croissance depuis le début des années 90. Elles comptent désormais autant que les revenus de la télévision à péage (chaînes premium), qui s'élevaient à environ 5 milliards de dollars en 1996.

Au total, fin 1994, cent vingt-huit services nationaux de télévision étaient disponibles sur les réseaux câblés, dont quatre-vingt quatorze chaînes en " basic ", vingt services premium et huit services de " pay-per-view ".

Il faut noter que de nombreuses nouvelles chaînes, essentiellement numériques, vont être lancées ou sont en projet grâce aux capacités accrues que va offrir très rapidement la numérisation des réseaux câblés. Celle-ci implique cependant des choix technologiques d'importance stratégique et va entraîner des coûts considérables.

En effet, soit les réseaux câblés vont devoir refaire toute leur installation en fibres optiques (c'est le choix fait par Time Warner qui prévoit de réaliser ce passage à une distribution à hauts débits d'ici 2008), ce qui est extrêmement coûteux (200 dollars par prise soit 2,4 milliards de dollars au total pour Time Warner), soit conserver une installation en câble coaxial et opérer une compression maximale des données. Le coût ne sera alors pas très important mais l'opération ne permettra pas d'améliorer la qualité de l'image, ce qui semble a priori le plus attendu par les télespectateurs.

5. Les plates-formes satellites numériques (DBS)

A ses débuts, le Direct Broadcasting Satellite (DBS) ne devait être qu'un moyen de réception multichaînes pour les zones qui n'étaient pas câblées. En moins de dix ans, il est cependant devenu un mode de réception standard pour tous ceux qui désirent à la fois plus de chaînes (environ 150 contre 50 en moyenne sur les réseaux câblés) et des images et un son de qualité numérique.

La première plateforme, DirecTV, a été créée en 1991 et est opérationnelle depuis octobre 1994. Elle appartient à Hughes Electric et General Motors. Pour un abonnement de 30 dollars par mois (plus l'achat - pour 199 dollars - ou la location - pour 70 dollars par mois - du décodeur fabriqué par Thomson), elle propose cent-soixante-quinze chaînes complémentaires de l'offre hertzienne (il n'y a pas de reprise des chaînes locales), toutes en numérique.

Cette diversité et cette qualité sont les premiers arguments des plateformes satellites numériques (on estime que près de la moitié des abonnés à DirecTV sont d'anciens abonnés au câble). Au total, en 4 ans, DirecTV a conquis environ 4,5 millions d'abonnés et espère atteindre 12 millions de foyers au bout de 10 ans.

L'autre service par satellite, PrimeStar (qui a notamment pour actionnaire TCI et Comcast), connaît un développement comparable avec 1,9 million d'abonnés en mai 1997. Ce service analogique propose actuellement 93 chaînes. Son succès repose essentiellement sur son mode de commercialisation fondé sur la location des équipements.

L'entrée de nouveaux acteurs AlphaStar, EchoStar et AskyB et la baisse vertigineuse du prix du matériel vont favoriser le développement du marché de la télévision numérique qui compte aujourd'hui plus de 5 millions d'abonnés et connaît une forte croissance.

Ces services possèdent un avantage indéniable par rapport au câble et aux stations hertziennes : celui d'avoir été créés dans la logique de la technologie numérique. Ils sont donc prêts pour la diffusion en haute définition et les services interactifs et capables de transférer leur savoir-faire technologique vers d'autres modes de diffusion (numérique de terre par exemple).

Leur principal défi est plutôt aujourd'hui de parvenir à conquérir une autonomie en matière de contenus, en passant d'un rôle d'assembleur à celui de producteur de programmes, comme cela se fait déjà en France.

B. LES PARTS DE MARCHÉ DES DIFFUSEURS

La tendance actuelle est à la régression des scores des networks au profit des chaînes du câble et du satellite, à laquelle s'ajoute une légère baisse globale de l'audience télévisuelle. Les six networks ne réalisent plus sur la saison passée que 60 % de l'audience en prime time, contre 75  % en 1995, et les " Big Four " sont passés sous la barre des 50%.

Pour une chaîne câblée, un bon score moyen en prime time se situe actuellement autour d'un point d'audience.

- Part de marché des différents diffuseurs en prime time

en %

 

Networks stations affiliées

Stations indépendantes

Total hertzien

Câble "basic"

Câble premium

Total câble

1989

55,1

23,3

78,4

15

6,6

21,6

1995

60,6

9,8

70,4

24,4

5,2

29,6

Source : Direction des relations économiques extérieures - USA

C. LA PRODUCTION ET LA DISTRIBUTION : UNE CONCENTRATION CROISSANTE

La réglementation " fin-syn ", en vigueur depuis le début des années 70, interdisait aux networks de produire leurs émissions (à l'exception du sport et des informations) et a largement contribué au développement d'une industrie de programmes prospère, tant du côté des sept grandes compagnies hollywoodiennes (les " majors " : Disney, Warner-Bros, Paramount, 20th Century Fox, Sony - anciennement studios Columbia et Tri-Stars - Universal et MGM) que pour les producteurs indépendants.

Depuis 1993, les networks se sont vu progressivement ouvrir la possibilité de produire ou de coproduire une partie de leur programmation et d'en assurer la commercialisation sur le marché de la syndication. La réglementation " fin-syn " ayant finalement été abolie, les networks peuvent désormais détenir des parts dans les sociétés de production et de distribution.

Les majors ont réagi à cette tendance soit en se portant acquéreurs d'un network (Disney a ainsi racheté ABC) soit en lançant de nouveaux réseaux (la 20th Century Fox a créé le Fox Network, Paramount le réseau UPN et Warner Bros le WB network). Au total, 60 % des émissions des networks sont aujourd'hui coproduits par une major. Il arrive cependant assez souvent qu'une émission produite et distribuée par les filiales de production et de distribution d'une de ces majors soit vendue à un réseau concurrent. Un grand nombre de programmes télévisés continuent par ailleurs à être produits par des producteurs indépendants des majors et des networks.

La tendance est aujourd'hui à une forte hausse des coûts de production et, par suite, des prix de vente aux networks des séries les plus en vogue (Seinfeld, Urgences, Home Improvement etc.), en raison notamment des hausses des salaires des stars. NBC ainsi a acheté la prochaine saison de Urgences à Warner pour 13 millions de dollars par épisode, pour les droits de première fenêtre uniquement.

En raison de cette hausse des coûts, les ventes aux networks ou au câble ne couvrent généralement plus la totalité des coûts de production et des revenus additionnels doivent être recherchés par les ventes à l'étranger et, plus tard, la syndication. Les distributeurs jouent donc un rôle de plus en plus important. Les principaux sont Buena Vista Television, Columbia Tristar Television Distribution, Warner Bros TV, Paramount TV Group, 20th Television, Universal TV Group (toutes filiales de majors) ainsi que des sociétés comme CBS-Eyemark, Fremantle Corp., Hallmark Entertainment, Hearst Entertainment, King World, Pearson All American, Polygram TV, présentes aussi bien en production et coproduction (dont coproduction internationale) qu'en distribution.

Comme l'indique le tableau ci-après, l'intégration verticale du marché - production, diffusion, distribution - est donc désormais réalisée, ce mouvement dépassant le seul secteur de l'audiovisuel pour atteindre l'ensemble des industries de la communication.

- La filière audiovisuelle chez les grands acteurs du marché américain -

GROUPE

Cinéma

TV hertzienne

Câble

Vidéo

Multimédia

Musique

Presse Edition

Radio

Time-Warner/

TBS

- Warner Bros

- TBS Production

- WB International Theaters

- WB Television

- HBO-Cinemax

- TBS Superstation

- CNN

- TNT Cartoon Network

- Time Warner Câble

- Warner Home Video

- Warner Music Group

- Time Inc

 

Walt Disney/ABC

- Walt Disney

- Touchstone

- Miramax

- ABC

- Buena Vista TV

- The Disney Channel

- ESPN

 

- Buena Vista

- Disney Interactive

- WD Records

- Touchstone Records

- Capcities/ABC

- Publishing Group

- ABC Radio

Viacom

- Paramount

- UIP

- Famous Players

- UCI

- UPN

- MTV

- Nickelodeon

- Showtime

 

- Paramount

Home Video

- Blockbuster

 

- Simon & Schuster

- Mac Millan

 

TCI

 

- Discovery

- HSN

- QVC

- TCIC

- TCI Technology

- The Sega Channel

     

News Corp.

- 20th Century Fox

- Fax TV

 

- Fax Video

 

- New York Post

- Harper Collins  Publishers

- TV Guide

 

MCA/Universal

- MCA

- Cineplex Odeon

- UIP

- USA Network (50%)

- Brillstein Grey Ent.

   

- MCA

- Interscope Records

   

Westinghouse/CBS

- Groupe W

- CMT

- CBS

       

- Infinity

Sony

- Columbia

- TriStar

- Columbia TriStar TV

- Game Show Network

   

- Sony Music Ent.

   

Source : IDATE

III.- TÉLÉCOMMUNICATIONS ET AUDIOVISUEL : LES ENJEUX DE LA CONVERGENCE 2

A. LE MARCHÉ AMÉRICAIN EN 1998 : DYNAMISME ET EFFET DE TAILLE

Le câble a débuté aux Etats-Unis dans les années cinquante et le marché américain se caractérise aujourd'hui par une très forte pénétration de l'électronique et de l'informatique grand public.

Ainsi, sur les 98 millions de foyers, 98,5 % possèdent au moins une télévision, 80 % un magnétoscope, 70 % sont abonnés au câble et/ou au satellite, près de 50 % possèdent un micro-ordinateur et 31 % sont connectés à l'internet.

Dans le même temps, en France, 92 % des foyers sont équipés d'au moins un poste de télévision et 69 % d'un magnétoscope mais seuls 15 % des foyers sont abonnés au câble ou au satellite, 17 % possèdent un ordinateur et 5 % sont en ligne.

Le secteur américain de la communication est, de plus, un marché sur lequel l'histoire s'accélère puisque s'il a fallu trente huit ans à la radio pour atteindre les 50 millions d'utilisateurs, ce délai s'est réduit à treize ans pour la radio, dix ans pour le câble, et devrait être limité à cinq ans (1998) pour l'internet.

Conjuguant ressources, talents, promesses et réelle demande, l'internet est aujourd'hui devenu un véritable moteur pour la croissance américaine puisque 40 % de la croissance du PIB provient désormais des nouvelles technologies (" high-tech "). Ce dynamisme est favorisé par l'effet de taille du marché intérieur américain : celui-ci, avec près de 100 millions de foyers, est en effet suffisamment grand pour assurer à lui seul à ses industries une capacité de développement satisfaisante.

B. LA PERSPECTIVE DE LA CONVERGENCE

1. La libéralisation du cadre juridique par le Telecom Act de 1996

La loi sur les télécommunication adoptée en 1996 a fait entrer le secteur dans un processus de libéralisation en permettant à tous les acteurs d'offrir tous les types de service. En matière de télécommunications par exemple, le marché local a été ouvert à la concurrence et les sociétés régionales de téléphone (RBOC) peuvent être autorisées à fournir des services longue distance et des services d'édition électronique.

Dans le secteur du câble, la nouvelle loi inverse très largement les effets du Cable Act de 1992 en s'en remettant à la concurrence des compagnies de télécommunications pour discipliner la tarification du câble. La loi a déréglementé les tarifs des gros réseaux (au plus tard pour le 31 mars 1999) et des petits réseaux et a autorisé les câblo-opérateurs à s'introduire sur le marché local du téléphone.

Enfin, le régime de propriété des médias a également été assoupli et les règles anti-concentration allégées (cf. I.).

2. La révolution numérique

De plus, les évolutions technologiques sont à l'origine de profonds changements dans l'organisation interne du secteur. L'adoption de nouvelles techniques comme les semi-conducteurs (plus petits, plus rapides et moins chers), la fibre optique, la transmission sans fil, l'internet (services IP) et l'intégration des services conduit à adopter de nouveaux modèles de développement. Le numérique se substitue à l'analogique, la diffusion à large bande à la diffusion sur bandes étroites et la commutation de paquet à la commutation de circuit.

La voix, les données, les images fixes et animées, toutes peuvent être codées et transportées sous un forme binaire... L'ancienne vision de l'industrie de la communication est en train de disparaître.

Ce processus de convergence concerne aujourd'hui une grande partie de l'industrie américaine :

- le secteur des médias et des contenus (éditeurs papier, éditeurs multimédia, industries du film et de la musique, chaînes de radio et de télévision, sites internet, commerce électronique),

- le secteur de l'informatique (P.C., périphériques, microprocesseurs, logiciels),

- le secteur de l'électronique grand public (télévisions, postes de radio, magnétoscopes, décodeurs),

- le secteur de la transmission et de la diffusion de données (opérateurs et équipementiers de télécommunication, câblo-opérateurs, opérateurs de données).

Pour tous ces secteurs, toutes les restructurations sont possibles : l'intégration peut se faire de façon horizontale, au sein d'un même métier, mais aussi verticale, entre des activités de contenus, d'interface ou de distribution qui ont aujourd'hui recours à la même technologie.

L'ensemble du secteur espère donc la formation d'un cercle vertueux par le développement conjugué de l'innovation technologique, des attentes et des demandes des consommateurs et des revenus des investisseurs.

Des interrogations demeurent cependant : quelle sera l'importance de la demande des consommateurs ? Quels usages de ces nouvelles technologies seront privilégiés ? Où et quand situer le point de rentabilité pour les investisseurs ?

C. LA RÉALITÉ DU SECTEUR : ENTRE INTÉGRATIONS ET CONSOLIDATIONS

1. Intégration verticale pour les industries de contenus

Le développement des technologies multimédias a certainement permis aux fournisseurs de contenus d'optimiser la distribution de leurs produits, la multiplication des supports de diffusion permettant une maximisation de l'audience. Dans les faits cependant, les dernières années ont surtout été marquées, comme cela a été évoqué en deuxième partie, par des mouvements d'intégration verticale entre les activités de producteurs, de diffuseurs et de distributeurs.

Comme il s'agit ici de savoir-faire et de marques, ces intégrations se sont réalisées par le biais d'acquisitions. Ainsi, en dix ans, Disney est passé d'un simple studio de production de dessins animés à :

- la production et distribution cinématographiques et audiovisuelles de grande échelle (rachat de Touchstone et Miramax),

- la multiplication des parcs de loisir et des magasins aux Etats-Unis et à l'étranger,

- l'acquisition de vecteurs majeurs de diffusion, tant pour le hertzien (rachat du network ABC) que sur le câble (chaîne ESPN).

La logique d'intégration verticale répond ici avant tout à la volonté d'optimiser la présence de la marque et des produits Disney.

2. Consolidation pour les possesseurs de réseaux

Ce n'est cependant pas parce que tout est possible qu'il faut tout faire... Dans le secteur de la distribution, les opérateurs sont plutôt restés centrés sur leur " métier " (télécommunication ou audiovisuel) afin de conforter leurs positions et de préserver la santé financière de leurs entreprises.

Les expériences d'intégration ont ainsi été soit arrêtées soit annulées tant dans le secteur des télécommunications (retrait de AT&T du bouquet satellite DirecTV, arrêt de Americast et TeleTV, les deux groupes de programmes des opérateurs régionaux de téléphone, séparation des activités câble et téléphonie chez US West) que chez les câblo-opérateurs (fort ralentissement des projets de téléphonie et recentrage sur le marché de la vidéo).

Les opérateurs ont donc plutôt tendance à se rapprocher, au sein de leur secteur, pour atteindre une taille plus imposante. Ainsi, dans le domaine des télécommunications, MCI (une des cinq grandes compagnies nationales) s'est rapprochée de World Com (fédération de petits opérateurs) alors que, dans le câble, un processus de rationalisation des territoires des différents câblo-opérateurs était initié par TCI et Times Warner et que, dans le secteur du satellite, les plates-formes Primestar et AskyB cherchaient à fusionner.

Seule la récente fusion de AT&T (un des principaux opérateurs du téléphone longue distance) et de TCI (premier câblo-opérateur mondial avec 17 millions de foyers servis directement et 16 millions par l'intermédiaire de ses affiliés) semble véritablement entrer dans une logique de convergence. Le coût du rachat de TCI pour AT&T (32 milliards de dollars en actions plus 16 milliards de dollars de reprise de dette) semble se justifier par l'ouverture que le câblo-opérateur va offrir à AT&T sur les télécommunications locales, TCI n'ayant quant à lui pas les moyens d'affronter seul le coût du passage au numérique.

3. L'internet : véritable lieu d'expression de la convergence

Les protocoles internet permettent une intégration de tous les processus d'information, de tous les types de services et de tous les acteurs. La transmission de données, la diffusion audio et vidéo, le transfert de textes (de l'e-mail à la messagerie universelle), le transport de la voix : toutes les branches de la communication peuvent aujourd'hui être assurées par un seul vecteur et une même technologie. En l'an 2000, l'internet représentera un marché de plus de 200 milliards de dollars (7-8 milliards pour l'accès au réseau, 17 milliards pour les abonnements aux services, 5 milliards pour la publicité en ligne et surtout 180 milliards pour le commerce électronique).

Face à cette convergence de fait, la véritable question est donc de savoir qui détiendra le pouvoir sur le " réseau des réseaux " : les offreurs de contenus ? Les câblo-opérateurs ? Les opérateurs spécialistes de l'internet, comme Yahoo !, Excite ou AOL ?... Ou Microsoft qui, non content de la quasi-domination mondiale de Windows, commence à investir dans le câble et a racheté WEB-TV, une société qui propose l'accès à l'internet via le poste de télévision, afin de parvenir à intégrer son logiciel d'accès à l'internet dans les décodeurs câble de la prochaine génération ?

Ce défi, s'il semble moins immédiat sur le marché européen, n'en est pas moins présent et mériterait très certainement un plus grand intérêt de la part des différents opérateurs français et européens si l'on souhaite éviter de se trouver mis devant le fait accompli lorsqu'il s'agira de défendre une conception européenne de l'audiovisuel et de la communication. L'enjeu est aujourd'hui majeur ; le déplacement aux Etats-Unis a permis à l'ensemble des membres de la délégation de s'en convaincre.

ANNEXE

MISSION SUR LE PAYSAGE AUDIVISUEL AMÉRICAIN

Liste des organismes et des personnes rencontrées

· A New-York

Ø France Telecom Inc.

- Mme Marie Monique Steckel, President

- M. Alexandre Moha, Manager Business Development

Ø WNET/Channel 13 (service public américain)

- M. Ward Chamberlin, Vice President & Managing Director

Ø Time Warner Cable

- M. Gerald De Grazia, Vice President International relationships

- M. Jim Chiddix, Chief Technical Officer/Senior Vice President Technology

Ø NBC (réseau hertzien)

- Mme Gaby Hammel, Director of Business Development Worldwide

- M. Carles Gablonski, Vice President of Broadcasting & Network Engineering

· A Washington

Ø C-Span (chaîne civique et parlementaire)

Ø FCC (Federal Communications Commission)

- M. Mark Berlin, Enforcement division, mass media bureau

- Mme Margo Domon, Chief of cable services bureau

- Mme Mania Baghdadi, Policy and rules division, mass media bureau

- M. Jonathan Weinberg, Legal scholar-in-residence

Ø NCTA (National Cable Television Association)

- M. David Pierce, Director Public Relations Affairs

· A Los Angeles

Ø Universal Pictures

- M. Blair Westlake, Vice President TV departement

Ø Direct TV (bouquet satellite)

- M. Eddy Hartenstein, President

- Mme. Terry Ferguson, Development Director

Ø Motion Picture Association of America (MPAA)

- M. Bill Backer, Vice President

Ø American Film Marketing Association (AFMA)

- Mme Melanie Lynn Moen, Vice President

Ø SHOWTIME network (TV à Péage)

- Mme Melinda Benedik, Executive Vice-President

__________

N° 1161.- Rapport d'information de M. Didier Mathus, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des affaires culturelles, sur les évolutions actuelles du paysage audiovisuel américain.

1 Le territoire américain est divisé en deux-cent dix marchés locaux qui correspondent à des bassins d'audience.

2 la quasi-totalité des données citées dans cette partie provient d'informations communiquées à la mission parlementaire par France Telecom North America