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N° 2416

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 mai 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE (1) SUR LE VOLET TERRITORIAL DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGION

PAR M. JEAN-CLAUDE DANIEL,

Député.

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(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

Aménagement du territoire.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est composée de : M. Philippe Duron, président ; MM. Félix Leyzour, Jean-Michel Marchand, Patrick Ollier, vice-présidents ; MM. Yves Coussain, Nicolas Forissier, secrétaires ; MM. Pierre Cohen, Jean-Claude Daniel, Jean Espilondo, Gérard Hamel, René Mangin, Henri Nayrou, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Serge Poignant, François Sauvadet.

S O M M A I R E

RESUME DU RAPPORT 7

AVANT-PROPOS DE M. PHILIPPE DURON, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION 9

INTRODUCTION 10

I - LA LOI DU 25 JUIN 1999, UN NOUVEL ÉLAN POUR LES TERRITOIRES 13

A - LA TERRITORIALISATION : UNE IDÉE QUI A DÉJÀ FAIT DU CHEMIN 13

1. Des réalisations diverses 13

a) Les premières initiatives 13

b)Les PACT et la deuxième génération des contrats de plan Etat-régions 14

2. Les développements législatifs ultérieurs 15

a) La loi du 6 février 1992 relance l'intercommunalité 15

b) La loi du 4 février 1995 crée les pays 16

B - LES LOIS DU 25 JUIN 1999 ET DU 12 JUILLET 1999 : UNE AVANCÉE REMARQUABLE 16

1. Le pays se précise 17

a) Le pays permet le renforcement de la démocratie participative 17

b) Le pays n'est pas un nouvel échelon administratif 18

c) Le pays se crée en plusieurs étapes 18

2. L'agglomération s'affirme 19

a) La loi du 25 juin 1999 19

b) La loi du 12 juillet 1999 20

3. La contractualisation comble un manque 22

a) Le rapport de M. Jacques Chérèque "Plus de région et mieux d'Etat" 22

b) La circulaire du Premier Ministre du 31 juillet 1998 23

c) La contractualisation dans la LOADDT 24

II - DES DÉFIS À RELEVER 24

A - QUEL PROJET ? 25

1. Définir le projet 25

a) Une démarche délicate et nouvelle... 25

b)... qui doit parfois conduire à refuser un projet 27

2. Développer l'ingénierie 28

a) L'ingénierie, un impératif 28

b) Les politiques existantes 30

B - QUEL TERRITOIRE ? 31

1. Délimiter le périmètre pertinent 31

a) Les pays 31

b) Les agglomérations 33

2. Quels supports ? 37

a) Les pays 37

b) Les agglomérations 39

3. Des "emboîtements" à maîtriser 39

4. La difficile insertion des territoires dans le paysage existant 41

a) L'articulation avec les autres politiques 41

b) La question de la répartition des compétences entre les communes 41

c) Le lien entre territorialisation et maintien des services publics 42

C - QUELS ACTEURS ? 43

1. L'Etat 43

a) La nécessité d'une nouvelle approche 43

b) Les mesures à adopter 44

c) La nécessité d'un suivi 45

2. Les politiques territoriales de la région 46

3. Le rôle du département 47

4. Le conseil de développement 49

D - QUELLE CONTRACTUALISATION ? 50

1. L'instauration d'un volet territorial des contrats de plan Etat-régions 50

a) L'absence de crédits "fongibles" 50

b) Les lignes budgétaires affectées à la territorialisation 51

c) La convention d'application 53

2. La mise en _uvre du volet territorial du contrat de plan 53

3. Les questions à résoudre 54

a) Est-il souhaitable d'individualiser les lignes budgétaires dès l'origine
de la procédure ?
54

b) Est-ce facile à faire ? 55

c) La lecture des contrats de plan est parfois difficile 55

d) Le rythme de mise en _uvre des contrats de plan 56

e) La modulation, encouragement à la contractualisation 57

f) Le document de mise en _uvre et le suivi du contrat de plan Etat-région 57

III - QUELQUES EXEMPLES AU "POINT ZERO" 58

A - L'AGGLOMÉRATION ET LE PAYS DE RENNES 59

1. Un district déjà ancien 59

2. L'agglomération 59

3. La constitution d'un pays 60

4. Le conseil de développement 61

B - LE PAYS DE LANGRES 61

1. Une émergence progressive 61

2. Les objectifs et le programme du pays de Langres 62

3. La délimitation du territoire 63

4. Les structures 64

C - LE PAYS DU VAL DE LORRAINE 65

1. Un pays déjà ancien 65

2. La contractualisation à l'étude 67

D - LA SPÉCIFICITÉ DE L'ILE-DE-FRANCE 68

1. Une évolution spécifique 68

2. Une politique territoriale différente 69

a) Le schéma directeur de la région Ile-de-France 70

b) Les agglomérations et les pays 70

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION 73

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 79

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION 81

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 83

AUDITIONS 85

A N N E X E S 249

Cartes 251

Liste des groupements à fiscalité propre en Ile-de-France au 01/01/2000 267

Orientations de la politique des pays (DATAR) 273

RÉSUMÉ DU RAPPORT

La reconnaissance des pays et des agglomérations et de la possibilité qui leur est offerte de contractualiser est une innovation majeure de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADDT) du 25 juin 1999. Parallèlement, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a donné un nouvel essor à la solidarité territoriale en instaurant les communautés d'agglomération.

La mise en place de ces territoires est un exercice redoutable par sa nouveauté, même si le terrain n'était pas vierge en la matière et si les procédures s'étaient déjà multipliées (plans d'aménagement rural, chartes intercommunales de développement et d'aménagement, conventions de développement...).

Nous nous trouvons aujourd'hui au "point zéro" de la territorialisation et le rapport tente de faire le point sur les défis à relever pour qu'elle réussisse. La mise en _uvre des territoires est inédite par son ampleur et, de surcroît, les démarches adoptées dans chaque région sont différentes ; l'uniformité serait même un non sens en la matière.

Plusieurs défis sont à relever.

La définition du projet est délicate : de la qualité de la démarche d'élaboration du projet de territoire va dépendre le succès ou l'échec de l'approche territoriale. Un projet est à la fois un diagnostic, un point d'aboutissement à identifier et une stratégie à définir. Il ne doit pas être un catalogue et ne doit pas relever d'une logique de guichet.

Il n'est pas de projet viable sans ingénierie performante. L'objectif doit être de construire de petites équipes interdisciplinaires qui puissent assurer, dans la durée, le pilotage du projet auprès des collectivités locales.

La délimitation d'un périmètre pertinent est un autre défi. Pour les pays, le risque le plus fréquent est celui d'une trop faible dimension. Si définir un seuil a priori n'a pas de sens, on peut toutefois considérer que le périmètre des pays pourrait se rapprocher des bassins d'emploi ou des territoires vécus. Pour les agglomérations, la multiplicité des définitions -INSEE, LOADDT, loi du 12 juillet 1999 et projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains- est source de complexité.

Troisième défi : la juxtaposition des contrats de pays, d'agglomération, de ville, des contrats de plan Etat-région ; ce phénomène d'"emboîtement" sur un même territoire comporte des risques de redondance ou de non-recouvrement. Les territoires ne parviennent d'ailleurs pas toujours aisément à s'insérer dans le paysage existant : l'articulation entre l'émergence des agglomérations et la politique de la ville reste à faire.

Quant aux différents acteurs concernés, ils devront évoluer. La territorialisation va bousculer les pesanteurs administratives, car les politiques de l'Etat restent trop souvent verticales et cloisonnées, alors qu'elles devraient être transversales. Les régions devront s'habituer à insérer leur politique territoriale dans le contrat de plan. La tentation reste grande pour certains départements de contrôler la montée en puissance du pays. Enfin, le rôle du conseil de développement, lieu de l'élaboration du projet de pays ou d'agglomération, est trop souvent minoré.

L'absence de crédits "fongibles" constitue une autre difficulté. La présentation des contrats de plan doit permettre d'identifier ligne budgétaire par ligne budgétaire la partie qui pourrait être affectée aux contrats de territoire. Plusieurs questions restent à résoudre puisque les territoires ne sont pas encore mis en place. Un bilan devrait être dressé en 2003, afin de permettre de redéployer des crédits si cela s'avère nécessaire.

Tels sont les principaux défis à affronter, que le rapport approfondit à travers trois exemples concrets en région au "point zéro" (l'agglomération et le pays de Rennes, le pays de Langres, le pays de Val de Lorraine) et une analyse des spécificités de la région Ile-de-France.

La Délégation a retenu dix recommandations, parmi lesquelles la création d'un observatoire de la territorialisation, la production de documents permettant une meilleure connaissance des réalités sur le terrain, la mise à disposition des préfets de crédits non affectés pour les micro-projets, l'établissement d'un suivi annuel des contrats de plan et la nécessité de disposer d'éclaircissements sur la méthodologie d'"emboitement" des différents contrats.

AVANT-PROPOS DE M. Philippe DURON,

PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION

Le présent rapport de notre collègue Jean-Claude Daniel, Député-Maire de Chaumont, marque la fin du premier cycle d'étude de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, consacré au volet teritorial des contrats de plan Etat-régions.

Il était logique que ce thème soit le premier traité par la Délégation, dans la mesure où ce volet territorial constitue un des éléments novateurs de la Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durable du Territoire (L.O.A.D.D.T.), qui offre aux nouveaux territoires pertinents que sont les pays et les agglomérations la possibilité de contractualiser avec l'Etat et la région, dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

Pour traiter ce sujet, la Délégation a procédé, sous l'égide du rapporteur, à l'audition de nombreuses personnalités, dont des élus, des représentants de l'Etat dans les territoires, ou encore des membres de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). La Délégation a également effectué un déplacement dans la région Champagne-Ardenne.

Le programme de travail ultérieur de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire s'annonce chargé. Rappelons que la loi lui a confié un important rôle d'évaluation de la politique d'aménagement du territoire. La Délégation peut être saisie -par le Bureau de l'Assemblée nationale, ou par une commission spéciale ou permanente- ou se saisir elle-même de toute question relative à l'aménagement du territoire. Le Parlement devrait ainsi être mieux à même d'intervenir en amont des décisions, et de mieux faire valoir auprès du Gouvernement les propositions de la représentation nationale.

Notre prochain thème d'étude concernera les services publics et les territoires, dont nous avons pu récemment mesurer toute l'importance. Nous aurons également à rendre un avis sur les projets de décrets des schémas de services collectifs. Lors du Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire réuni à Paris le 18 mai 2000, le Premier Ministre a annoncé que les deux délégations à l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat seraient saisies à la fin de l'année 2000 de ces projets de décrets, qui devront être approuvés en juin 2001.

La Délégation à l'aménagement et au développement du territoire entend jouer pleinement son rôle, et permettre au Parlement de devenir une véritable force de contrôle et de proposition dans le domaine de l'aménagement du territoire.

Mesdames, Messieurs,

Pendant la dernière décennie, l'Etat a conduit une politique de contractualisation avec les régions, les agglomérations et plus récemment les territoires ruraux, caractérisée par une triple préoccupation : partir des besoins locaux, aider à leur formalisation et soutenir les équipes d'ingénierie.

Parler du "volet territorial" des contrats de plan aurait dû relever du pléonasme, car comment imaginer que les régions puissent ignorer la diversité des territoires et la nécessité des actions à y promouvoir ?

La période de contractualisation nouvellement ouverte doit permettre de poursuivre la construction de ces projets de territoires, inscrits dans la durée à l'échelle du sol national. Elle doit être l'occasion de mettre en relation les bassins de proximité, les intercommunalités et, en définitive, créer une logique d'ensemble intégrant unités urbaines, péri-urbaines et rurales. C'est bien là que réside l'enjeu principal : comment les récents textes législatifs sur l'intercommunalité, les agglomérations, les pays vont-ils permettre de faire vivre des projets de territoires qui intègrent la forte imbrication du rural et de l'urbain, voulus ou imposés par l'évolution sociale, économique ou culturelle de notre pays.

Le "volet territorial" est une innovation majeure de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Sa mise en place, nécessairement progressive, présuppose une organisation de ces territoires (la première échéance est fixée en 2003) autour de projets de qualité, ainsi qu'une modification des pratiques administratives. Une nouvelle étape significative de la décentralisation devra prendre en compte cet aspect.

A l'évidence, du côté des territoires, passer d'une logique de guichet à une politique de projets nécessite de surmonter de nombreux corporatismes locaux. En même temps, du côté des administrations, cela nécessite de mettre en _uvre une territorialisation des services publics dans une démarche stratégique et cohérente de présence de proximité et d'animation, moins centrée sur les procédures et leur contrôle.

La toute jeune Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, dans ce premier rapport, a pu mesurer la diversité et la richesse des approches, différentes de région à région, en même temps qu'elle a constaté lacunes ou incohérences et risques d'inéquité.

Une certitude se fait jour : l'ingénierie du développement local, levier puissant, sera un élément déterminant de la réussite et chacun doit en mesurer l'importance. Les moyens financiers sont indispensables. Le FNADT a fait l'objet d'une augmentation significative et d'une réorientation volontariste en faveur de cette ingénierie. Ces moyens financiers ne pourront constituer la seule réponse.

Les lieux et les moyens de la formation des techniciens, des élus, des acteurs locaux, donc des équipes d'ingénierie, les lieux et les moyens de la capitalisation des expériences, de la mutualisation des projets de territoires, de la mise en réseau des méthodologies indispensables, sont à imaginer ou à mobiliser.

La DATAR, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) intègrent déjà ce souci. Il faut aller plus loin. La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, en conclusion de ce premier rapport d'étape sur le sujet, émet des propositions en ce sens, avec pour seul objectif : faire du pari des territoires un pari gagnant.

I - LA LOI DU 25 JUIN 1999, UN NOUVEL ÉLAN POUR LES TERRITOIRES

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) met largement l'accent sur la recomposition des territoires, afin d'aménager le territoire au plus près des réalités vécues et des attentes de nos concitoyens. Elle permet un progrès décisif, mais qui n'aurait pu avoir lieu sans les expériences menées ces dernières années.

La loi s'appuie sur des milieux locaux déjà sensibilisés depuis longtemps à cette question.

A. LA TERRITORIALISATION : UNE IDÉE QUI A DÉJÀ FAIT DU CHEMIN

1. Des réalisations diverses

a) Les premières initiatives

Il est difficile d'en dresser un tableau exhaustif. Voici plus de 30 ans, la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 a créé les schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU), rendus obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, fixant pour le long terme les grandes orientations du développement urbain, parmi lesquelles la destination des sols et la localisation des infrastructures. On peut également rappeler les premiers contrats de pays mis en place par l'Etat en 1975/1978, puis par les collectivités locales et les régions, et les plans d'aménagement rural des années 1970, procédure lancée par le ministère de l'Agriculture et qui servait fréquemment de préalable aux contrats de pays.

Les chartes intercommunales de développement et d'aménagement, instituées par la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, témoignent d'une avancée réelle, puisque cette nouvelle procédure pouvait être appliquée également au milieu urbain et servir de base à des conventions avec le département, la région ou l'Etat pour la réalisation des projets et des programmes qu'ils ont définis. Quelque 300 chartes ont ainsi été élaborées au cours des quatre premières années. D'autres régions ont également pris l'initiative d'aménager les sous espaces régionaux, grâce aux conventions d'aménagement et de développement du littoral.

Malgré l'intérêt de ces différentes procédures, dont les effets bénéfiques sont encore réels aujourd'hui, force est de constater que, du fait de leur nombre et de leur complexité, la situation n'était pas entièrement satisfaisante, car beaucoup trop confuse.

A ces procédures nationales, se sont ajoutés les programmes d'initiative communautaire de développement rural (Leader) qui ont également contribué à l'organisation du territoire.

Une étape nouvelle a ensuite été franchie avec la mise en place par M. Jacques Chérèque, Ministre de l'aménagement du territoire, des conventions de développement, de manière expérimentale, sans grands moyens, et qui faute de temps, n'ont pu s'installer durablement. Mais ces conventions étaient la préfiguration de la formule "un territoire, un projet, un contrat" qui sous-tend la politique actuelle.

b) Les PACT et la deuxième génération des contrats de plan Etat-régions

Parmi les domaines ouverts à la contractualisation en 1989-1993, figurent les programmes d'aménagement concertés du territoire (PACT) permettant de conjuguer sur des zones géographiques prioritaires des politiques complémentaires dans divers domaines : compétitivité des entreprises, filières agricoles, touristiques, artisanales et solidarité.

Le Gouvernement de Michel Rocard a renforcé sur plusieurs points la procédure des contrats de plan :

-  renforcement de la priorité caractérisant déjà les actions concourant au développement économique local et à la création d'emplois, avec la création du Fonds régionalisé d'aide aux initiatives locales pour l'emploi (FRILE) doté de 250 millions de francs, admis à la contractualisation ;

- renforcement du dispositif relatif à l'urbanisme social (développement social des quartiers, PACT urbain) ; il a été demandé aux régions d'adopter une démarche volontariste pour l'aménagement de leur territoire régional, en identifiant avec précision les zones d'application des PACT.

Au cours de cette période ont également commencé d'émerger, à l'initiative de certaines régions, des contrats d'agglomérations.

2. Les développements législatifs ultérieurs

a) La loi du 6 février 1992 relance l'intercommunalité

La loi du 6 février 1992 renoue avec les tentatives d'harmonisation de l'organisation du territoire, en créant une commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) chargée d'élaborer un schéma départemental de la coopération intercommunale. Mais la principale innovation de ce texte réside dans la création de deux structures nouvelles, la communauté de communes et la communauté de villes, dotées de compétences originales et d'une fiscalité novatrice.

Cette loi dote la communauté de villes de la taxe professionnelle unique, inspirée du système des syndicats d'agglomération nouvelle, ce qui permet à ce groupement de mener une action solidaire sur le plan économique.

Elle instaure pour les communautés de communes la taxe professionnelle de zone : celles-ci peuvent décider d'instaurer une taxe professionnelle unique sur une ou plusieurs zones d'activité économiques. La loi supprime ainsi un élément important de distorsion de concurrence.

Si les communautés de villes n'ont connu qu'un faible développement, les communautés de communes ont enregistré un véritable succès, représentant 78 % du nombre d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

La loi de 1992 apparaît donc comme une étape importante. Elle relance le développement de l'intercommunalité, que la loi du 16 juillet 1971, relative aux fusions de communes, avait été bloqué pendant 20 ans.

Cette dernière disposait que, dans chaque département, il devait être procédé à un examen des caractéristiques de chaque commune afin de déterminer "les communes qui peuvent assurer par elles-mêmes leur développement ; les agglomérations et les communes dont le développement et la bonne administration appellent une mise en commun des moyens et des ressources ; les communes qui devraient fusionner avec d'autres communes". Une procédure permettait de passer outre les désaccords d'un ou plusieurs conseils municipaux, en cas d'avis favorable du conseil général.

Cette politique a échoué : le nombre de fusions réalisées a été nettement inférieur à celui prévu et, depuis, un certain nombre de communes ont retrouvé leur liberté par "défusion", malgré l'opposition de tous les gouvernements. Cet échec a laissé des traces ; le terme "fusion" a disparu de tous les projets ultérieurs. A l'échelon local, les dispositions législatives ne mettaient pas les communes à parité ; il en résultait une réelle amertume pour celles qui n'avaient que des maires délégués et qui n'étaient pas des communes centre.

Les communes, malgré leur nombre et leur taille -spécificité française- apparaissent comme le territoire de base de la démocratie. Les Français, autour de leurs conseils municipaux, y sont très attachés. Plus que d'en réduire artificiellement le nombre, il s'agit aujourd'hui d'examiner les moyens d'en fédérer les énergies à échelle de territoires choisis.

Bien que limitées et rencontrant des succès variables, nombre de ces actions ont permis le rapprochement des différents acteurs et ont fini par favoriser certaines habitudes de coopération. Un apprentissage collectif s'est fait jour.

b) La loi du 4 février 1995 crée les pays

La loi d'orientation et d'aménagement du territoire du 4 février 1995, dite "loi Pasqua", n'introduit pas d'innovation radicale, mais vient compléter ces efforts en consacrant la notion de pays.

Elle dispose qu'un pays peut être formé "lorsqu'un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale", après constatation de la commission départementale de la coopération intercommunale.

On estime que quelque 200 à 300 pays (selon les sources) de ce type étaient en cours d'organisation au niveau national avant l'adoption de la loi du 25 juin 1999, dont 104 pays administrativement reconnus, soit au titre de l'opération de préfiguration de 1995, soit par les commissions départementales de coopération intercommunale.

Malgré cette avancée réelle -c'est la première fois qu'une loi mentionne les pays- la loi du 4 février 1995 comporte des lacunes, en ne prenant pas suffisamment en compte la vie urbaine -la ville, qui concentre les deux tiers de la population, est négligée- et en ne prévoyant pas d'instruments, de cadre, pour la mise en _uvre de cette politique.

B. LES LOIS DU 25 JUIN 1999 ET DU 12 JUILLET 1999 : UNE AVANCÉE REMARQUABLE

La loi du 25 juin 1999, dite "loi Voynet", qui a pour objectif d'encourager le développement local, remédie à ces lacunes. Tout d'abord, la nouvelle politique n'est plus réservée aux seuls espaces ruraux, mais applicable à l'ensemble du territoire, avec les pays et les agglomérations, ces deux types de territoires étant complémentaires et non pas opposés. La loi reconnaît cette imbrication et promeut la coopération entre milieux urbains et ruraux.

Dans ses articles 25 et 26, elle offre la possibilité à ces nouvelles mailles territoriales de contractualiser avec l'Etat et la région dans le cadre du contrat de plan.

1. Le pays se précise

Le pays issu de la loi Voynet se dessine beaucoup plus précisément. Il s'agit d'un territoire caractérisé par une cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale. La politique de pays a pour objectif de proposer un mode d'organisation du territoire plus dynamique, d'intensifier la mobilisation des initiatives et des forces vives locales, en offrant un cadre collectif d'action, sur la base d'un projet et d'une stratégie clairement identifiée.

a) Le pays permet le renforcement de la démocratie participative

Lieu d'action collective, il met en partenariat tous les acteurs du développement local, communes, groupements de communes, organismes socioprofessionnels, entreprises et associations autour d'un projet commun de développement.

Sa raison d'être est, en effet, de mobiliser les différents acteurs, tant publics que privés, du territoire concerné, de dynamiser les initiatives nouvelles dans une logique de mission. La loi rappelle ce principe de partenariat en exigeant la création d'un conseil de développement au sein de chaque pays, librement organisé, et composé d'acteurs locaux, mais qui devra être associé à l'élaboration de la charte et la mise en _uvre des projets. Le conseil de développement, aux contours volontairement larges et non figés, est un élément central du dispositif, lieu d'une véritable démocratie participative.

Un pays se fonde sur le volontariat local. Il ne se décrète pas : ce qui doit émerger, c'est le territoire tel qu'il est vécu par ses habitants. Il doit permettre le renforcement de la démocratie participative, un dépassement du clivage ville/campagne, puisqu'il a vocation à englober des pôles ruraux, des villes petites ou moyennes, voire, le cas échéant, des agglomérations. Le dernier recensement de la population montre bien que le mythe de deux types de territoires ne tient plus et que la fusion est réelle entre espaces ruraux et urbains, même si de profondes spécificités subsistent qu'il faut mieux analyser pour en tenir compte.

b) Le pays n'est pas un nouvel échelon administratif

Le pays n'est ni une nouvelle circonscription administrative, ni une nouvelle collectivité locale. Il ne dessaisit aucun organisme de ses compétences et n'a pas de fiscalité propre. Il n'a pas vocation à être le maître d'ouvrage principal des actions qui auront pu être initiées dans le cadre du projet territorial. Il n'est donc pas de nature à se substituer aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en développement rapide dans le cadre des lois du 6 février 1992 et du 12 juillet 1999, dont l'existence, au contraire, peut aider à mieux le définir.

La loi supprime la source d'ambiguïté qui résultait, dans la loi de 1995, de l'évocation d'une future redéfinition des arrondissements sur la trame des pays.

c) Le pays se crée en plusieurs étapes

La création d'un pays relève des communes ou de leurs groupements. Le pays doit rechercher, dès sa création, l'adhésion la plus large des collectivités locales, dans la mesure où sa charte devra être approuvée par l'ensemble des communes.

Les pays seront reconnus après avis conforme de la conférence régionale d'aménagement et du développement du territoire (CRADT).

La loi prévoit deux phases. La définition d'un périmètre d'étude permettra aux acteurs locaux de mener un travail de concertation et de réalisation d'une charte, sans contrainte de structure. La charte permet de formaliser les engagements réciproques des différents acteurs concernés, en décrivant les orientations fondamentales du pays à un horizon minimal de dix ans et de préciser les moyens d'action retenus pour atteindre ces objectifs.

Le pays ne sera reconnu définitivement qu'au terme de l'élaboration de la charte et de son approbation par les communes et leurs groupements. Le périmètre du pays sera arrêté par le ou les préfets de région compétents après avis du ou des préfets de département, des conseils généraux et régionaux concernés.

Alors que le périmètre d'un pays n'est pas tenu de respecter les limites administratives des cantons, arrondissements, départements ou régions, la loi exige que ses limites respectent le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Pour demeurer un organisme léger, centré sur des missions d'études, d'animation et de conception, le pays a en effet besoin de s'appuyer sur les groupements intercommunaux : compte tenu des compétences qu'elles détiennent, les communautés sont destinées à être les maîtres d'ouvrage de nombreux projets décidés à son échelle. Il est donc logique qu'il respecte leur unité.

Les pays reconnus en périmètre d'étude pourront recevoir des crédits d'étude et d'animation dans le cadre de conventions d'objectifs, précisant la méthode et l'organisation que le pays a adoptées pour élaborer sa charte de développement.

Quant aux pays constatés par les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) à la date de publication de la loi, ils sont pérennisés lorsqu'ils disposent déjà d'une charte de développement.

2. L'agglomération s'affirme

a) La loi du 25 juin 1999

Comme le pays, l'agglomération repose sur une perception empirique d'une réalité vécue. La loi du 25 juin 1999 définit l'agglomération comme "une aire urbaine comptant au moins 50 000 habitants et dont une commune centre compte plus de 15 000 habitants".

Le projet d'agglomération est fondé sur une réflexion interdisciplinaire et repose sur un diagnostic partagé par l'ensemble des forces vives du territoire concerné. Il doit identifier les politiques publiques à mettre en _uvre et les initiatives privées à encourager dans le but de renforcer les solidarités entre les différentes composantes du territoire urbain, de développer la qualité urbaine pour tous et de proposer des stratégies cohérentes de développement économique.

L'agglomération n'est pas obligatoirement tributaire des délimitations administratives préexistantes. Toutefois, elle a vocation à devenir un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et à taxe professionnelle unique.

Il appartient aux collectivités locales de prendre l'initiative de constituer une agglomération : elles peuvent formaliser leur adhésion sous forme d'un syndicat d'étude, s'il n'existe pas déjà d'établissement public de coopération intercommunale, qui sera chargé d'élaborer le projet d'agglomération.

Comme pour les pays, la constitution d'une agglomération doit permettre de développer le partenariat entre élus et milieux socioprofessionnels et associatifs. C'est la raison pour laquelle la loi exige la création, au sein de chaque agglomération, d'un conseil de développement. Ce conseil, librement organisé et composé à l'échelle locale, devra être associé à l'élaboration du projet d'agglomération, ainsi qu'à sa mise en _uvre.

b) La loi du 12 juillet 1999

A la suite de la loi du 25 juin 1999, la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale du 12 juillet 1999, dite "loi Chevènement", consolide l'agglomération en mettant en place la communauté d'agglomération dans les aires urbaines de plus de 50 000 habitants. Trois éléments caractérisent cette nouvelle structure : elle est compétente obligatoirement dans le domaine du développement économique, de l'aménagement de l'espace, de l'équilibre social de l'habitat et de la politique de la ville. Son régime fiscal est la taxe professionnelle unique et elle bénéficie d'une dotation générale de fonctionnement (DGF) moyenne de 250 francs par habitant, garantie pendant les cinq premières années. La loi de 1992 fournissait la possibilité d'adopter la taxe professionnelle unique (TPU), la loi de 1999 comporte une véritable incitation à le faire. La première avait lancé avec succès l'intercommunalité de projets, la seconde donne un nouvel essor à la solidarité territoriale.

On assiste à un développement incontestable des groupements à taxe professionnelle unique depuis le vote de la loi. En six mois, la population concernée par la TPU a triplé, passant de 4,2 millions d'habitants à 12,6 millions, ce qui correspond à 298 groupements au total, regroupant près de 10 % des communes françaises (cf. cartes en annexe).

Au total, 51 communautés d'agglomération se sont constituées autour de 763 communes, comptant 6 millions d'habitants. Parmi ces 51 communautés, 20 comptent plus de 100 000 habitants et, parmi ces dernières, 7 rassemblent plus de 200 000 habitants. Parmi les plus peuplées, on distingue les communautés d'agglomération de Rouen (397 000 habitants), Grenoble (380 000 habitants) et Rennes (365 000 habitants). Cette nouvelle formule juridique a été choisie par sept capitales régionales (Rouen, Rennes, Clermond-Ferrand, Dijon, Amiens, Poitiers et Châlons-en-Champagne), et par 21 chefs-lieux de départements.

Le tableau suivant montre la progression appréciable du nombre de groupements passés sous le régime de la TPU :

Chiffres de l'intercommunalité à TPU depuis le 1er janvier 1993

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Nombre de groupements

18

40

48

55

78

92

107

298

51CA

2CU

9SAN

236CC CV et district

Nombre de communes regroupées

179

389

475

548

754

869

1031

3221

763

39

51

2368

Population regroupée

(en millions d'habitants)

2,12

2,72

3,02

3,14

3,6

3,84

4,18

12,56

6,1

0,3

0,7

5,5

Source : "Démocratie locale" supplément au n°87 (mars 2000) - Bulletin d'informations statistiques de la DGCL -Ministère de l'Intérieur.

CA : communauté d'agglomération

CU : communauté urbaine

SAN : syndicat d'agglomération nouvelle

CC : communauté de communes

CV : communauté de ville.

Comme le prévoit la loi, au 1er janvier 2002, le paysage intercommunal reposera sur trois types de groupements à fiscalité propre seulement : la communauté urbaine, regroupant 500 000 habitants et plus, la communauté d'agglomération, ensemble de 50 000 habitants et plus, et la communauté de communes, mieux adaptée au milieu rural.

Chiffres sur les groupements à fiscalité propre au 1er janvier 2000

 

CA

CA

SAN

CC, CV et districts

TOTAL

     

avec TPU

sans TPU

 

Nombre de groupements

51

12

9

236

1541

1849

Nombre de communes regroupées

763

309

51

2363

17870

21356

Population regroupée (en millions d'habitants)

6,092

4,637

0,715

5,453

20,200

37,100

Taille moyenne (en milliers d'habitants)

119,5

386,4

79,4

23,1

13,1

20,1

Source : "Démocratie locale" supplément au n°87 (mars 2000) - Bulletin d'informations statistiques de la DGCL -Ministère de l'Intérieur.

De plus, le bilan des contrats de ville pour la période 2000-2006, dressé par le Ministre délégué à la ville, montre qu'en 2000, 250 contrats ont été ou seront signés, dont huit sur dix à un niveau intercommunal : ceci traduit l'émergence des agglomérations comme territoires pertinents d'élaboration et de mise en _uvre des projets de développements solidaires. Par rapport à la période précédente, les contrats de ville bénéficieront de crédits accrus : 17 milliards de francs de l'Etat (soit +70 %) et 6 milliards de francs des régions (soit +60 %). A ceux-ci, s'ajouteront les contributions des communes et des départements, et de l'Union européenne en nette progression. Des sites déjà sélectionnés -au nombre de 80- recevront des moyens supplémentaires pour lancer des opérations de démolition d'immeubles insalubres, de production d'une nouvelle offre de logements, d'implantation de services publics et d'activités économiques et d'amélioration du cadre de vie.

3. La contractualisation comble un manque

Outre une définition beaucoup plus précise des pays et la reconnaissance des agglomérations, la loi du 25 juin 1999 innove en prévoyant la possibilité pour ces nouvelles mailles territoriales de contractualiser avec l'Etat. C'est là que réside sa profonde originalité.

On doit toutefois remarquer que si elle a innové, la loi s'appuie tout de même sur certaines prémisses.

a) Le rapport de M. Jacques Chérèque "Plus de région et mieux d'Etat"

En 1998, M. Jacques Chérèque, ancien ministre de l'aménagement du territoire, a été chargé par le gouvernement d'un rapport sur le réexamen des "instruments contractuels et financiers qui concourent au développement régional" et, en particulier, des contrats de plan Etat-région, afin que la nouvelle génération des contrats favorise en particulier "la contractualisation à l'échelle des territoires de projets que sont notamment les agglomérations et les pays".

Ce rapport comporte trente-trois propositions, dont on retiendra plus particulièrement les suivantes :

- l'exercice de contractualisation Etat-région doit être poursuivi ;

- le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) deviendra le cadre de référence pour tous les partenaires ;

- les préfets de région définiront la stratégie de l'Etat dans la région compte tenu de l'impact des schémas de services ;

- les présidents des conseils régionaux seront invités à élaborer le projet régional de développement et d'aménagement de leur territoire ;

- un processus d'échanges réciproques sera mis en place, la CRADT pouvant servir de cadre pour réunir tous les acteurs concernés ;

- le contrat doit contenir deux éléments politiquement égaux et financièrement équilibrés : le développement macro-régional et le développement infra-régional. Les objectifs du volet macro-régional auront pour pendant des objectifs plus qualitatifs permettant la mise en _uvre de politiques touchant à la réduction des inégalités de développement (contrats d'agglomérations ou de pays) ;

- le lien entre le projet et le territoire assurera, à tous les niveaux, la cohérence de la démarche du bas vers le haut et inversement. Son principe directeur sera le suivant : "un territoire + un projet + une stratégie = un contrat" ;

- le volet infra-régional exprimera une approche homogène : celle du projet de territoire, territoire d'agglomération ou de pays ;

- le contrat d'agglomération, comme le contrat de pays, devrait découler de la matrice que constituera le contrat conclu entre l'Etat et la région. Il s'inscrira dans la logique et la cohérence d'un développement global régional, consacré par le contrat Etat-région, signé exclusivement par le préfet de région et le président du conseil régional ;

- la participation financière de l'Etat devrait avoir un caractère d'enveloppe globale. Un Fonds national spécial des contrats de plan Etat-régions pourrait être créé, globalisant l'intervention financière de chaque ministère pour la durée des contrats.

- la création d'un Fonds régionalisé d'aménagement et de développement du territoire (FRADT) serait souhaitable. Il permettra au préfet de faciliter la mise en _uvre d'opérations inscrites dans les contrats infra-territoriaux grâce à un effet de levier, mais aussi d'aider au démarrage de projets d'organisation de territoires pour ceux qui sont en déficit.

b) La circulaire du Premier Ministre du 31 juillet 1998

La circulaire retient plusieurs des propositions de ce rapport. Elle précise que les contrats de plan Etat-régions seront conclus après consultation notamment des autres collectivités ou entités concernées (départements, villes, établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que les pays et les agglomérations) et se déclineront en partie en contrats de pays et d'agglomérations.

Les contrats comporteront deux volets, l'un régional, l'autre territorial. Ce dernier "présentera les modèles d'actions qui concourent au développement local et à une meilleure organisation du territoire". Il indiquera "les financements réservés par l'Etat et la région à la contractualisation avec les pays et les agglomérations".

c) La contractualisation dans la LOADDT

Les contrats de pays interviendront en application du contrat de plan Etat-région.

Il faudra donc, d'une part, que l'Etat et la région aient défini leurs priorités et que les pays aient constitué leur conseil de développement, fait approuver leur charte et reconnaître leur périmètre définitif, d'autre part, qu'ils négocient avec leurs deux partenaires financiers un programme d'actions de qualité et conforme aux priorités figurant dans la charte.

Enfin, ils devront être dotés d'une organisation minimale pour pouvoir contracter et être constitués en syndicat mixte ou en groupement d'intérêt public de développement local, sauf s'ils sont déjà intégralement constitués de groupements intercommunaux à fiscalité propre.

Peu après le vote de la loi, le CIADT du 23 juillet 1999 a précisé que 20 % des crédits des contrats de plan Etat-région seraient réservés au volet territorial.

*

* *

II - DES DÉFIS À RELEVER

Même si de nombreuses expériences ont déjà été menées, si des projets parfois ambitieux ont déjà vu le jour, la mise en _uvre des territoires définis par la loi reste malgré tout un exercice inédit par son ampleur.

Il s'agit d'une démarche totalement nouvelle, puisque c'est la première fois que, dans le cadre d'un contrat de plan, existe un volet territorial, qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs concernés à chaque étape de leur constitution pour faire face aux questions qui se posent.

Celles-ci sont d'ailleurs d'autant plus nombreuses que, même si la loi propose un cadre clair, les démarches adoptées dans chaque région sont très différentes. L'uniformité serait même un non sens en la matière, chaque territoire étant un cas particulier, et devant être traité comme tel.

A. QUEL PROJET ?

La définition du projet, étape préalable, est certainement la plus importante. En effet, un projet inadéquat au départ compromet toute chance de réussite ultérieure ; de la qualité de la démarche d'élaboration du projet de territoire va dépendre le succès ou l'échec de l'approche territoriale, qui doit permettre d'éviter le double écueil de la recherche d'un effet d'aubaine ou le glissement vers une logique de guichet.

1. Définir le projet

La définition du projet est un exercice redoutable, car inédit.

Il doit exister une véritable dynamique de projet qui doit être construit à partir des besoins de la population. La définition d'un projet de territoire est une démarche délicate.

a) Une démarche délicate et nouvelle...

- Elaborer une stratégie dans le cadre d'un partenariat.

Il convient au préalable d'identifier le but à atteindre. Un projet est d'abord un diagnostic, mais aussi un point d'aboutissement à identifier et une stratégie à définir. A partir de là, un plan d'action pluriannuel, avec les financements correspondants, peut être élaboré. Il faut se garder d'inverser le processus et de raisonner en termes d'actions déconnectées de la stratégie.

Un projet de territoire ne doit pas être un catalogue. Dans certaines régions, la mise en place des programmes Leader I et Leader II a abouti à la compilation de tous les souhaits. Or, des choix doivent être faits pour bâtir un véritable projet cohérent.

Ce projet doit, en outre, être élaboré dans le cadre d'un véritable partenariat, et issu d'un dialogue local qui doit être préservé pour conserver l'objectif de pertinence et de qualité des contrats.

Il doit résulter d'une volonté collective, ce qui suppose que soient définis la population concernée et ses besoins. De la qualité de la démarche d'élaboration du projet dépendra le succès de l'approche territoriale. Pour mener à bien ce changement culturel très important, il faut beaucoup de créativité et de capacité de négociation.

- Définir conjointement un projet et un territoire.

Enfin, la réflexion doit porter également sur le territoire à retenir, projet et territoire étant liés. Quand les limites sont floues, on ne peut cerner réellement ni le projet, ni le territoire, et le pays ne peut émerger.

L'exigence de qualité s'impose à chaque étape de la démarche. Il ne serait pas souhaitable de juger du succès de cette politique de territorialisation à l'aune du nombre de contrats signés. L'objectif n'est pas non plus de couvrir le plus rapidement possible l'ensemble du territoire de contrats mal construits, mais de fonder une politique de qualité.

Il en résulte que la définition d'un projet suppose qu'un équilibre soit trouvé. L'exigence de qualité du projet, la définition précise d'un périmètre, issue d'une indispensable réflexion, ne doivent pas pour autant entraver le développement d'un pays et brider les initiatives.

Pour appuyer cette démarche nouvelle, délicate, différente dans chaque région, nécessitant à la fois vigueur et imagination, et pour mieux l'inscrire dans la durée, on devrait pouvoir, dans certains cas, sur quelques territoires particulièrement significatifs, expérimenter un certain nombre d'indicateurs, afin de développer les opérations qui permettront d'enrichir le projet.

- Accepter la diversité.

D'une région à l'autre, les situations peuvent se révéler semblables, ou au contraire, largement différentes, selon leurs caractéristiques géographiques, démographiques, historiques, économiques. Il en est de même pour les solutions adoptées. Les membres de la Délégation l'ont largement perçu à travers les propos des personnalités auditionnées. C'est d'ailleurs là toute la difficulté, en même temps que tout l'intérêt de cette politique nouvelle, qui ne peut comporter de normes, ni être menée à travers une grille d'analyse homogène.

Cette variété, source de difficultés, peut être également source de richesse et susciter la constitution d'une bourse d'échange qui permettrait de confronter points de vue, expériences et résultats.

Quant aux délais, s'il est souhaitable de conclure des contrats relativement rapidement, sans alourdir la procédure, il faut veiller à ne pas glisser trop vite, à l'inverse, vers une procédure d'aubaine, dans laquelle la démarche d'élaboration n'aurait pas suffisamment été construite et mûrie pour déboucher sur un vrai projet, qui ne soit pas une simple opportunité sans conséquences réelles.

b) ... qui doit parfois conduire à refuser un projet

L'exigence de qualité suppose le refus de certains projets. Le préfet devra s'opposer à ceux qui se résument en fait à un catalogue d'actions, sans cohérence propre. La philosophie de la loi est en effet d'écarter la logique de guichet qui consiste à présenter des séries de mesures, sans stratégie, dès lors que des moyens financiers sont dégagés pour les réaliser.

En effet, le risque, pour le projet de territoire, est qu'il s'agisse pour certaines collectivités d'un exercice formel, dont le principal but serait de drainer les crédits publics. Dans ces conditions, le projet ne progresserait pas. Il faudra s'assurer que ces actions répondent non seulement à une stratégie, mais à une stratégie construite au sein d'un véritable partenariat qui traduise une mobilisation des différents acteurs concernés.

Or, dans certains cas, le projet global n'est que l'addition des souhaits, qui finit par devenir inopérante, dans la mesure où son financement est hors de portée. Des choix s'imposent, du fait de l'écart existant entre les projets mobilisables à l'échelle d'un pays et ceux qui peuvent réellement se concrétiser. Par conséquent, le rôle des responsables de projets est autant de pouvoir éliminer qu'apporter, ce qui est une question redoutable.

De même, la nécessité d'une stratégie cohérente au plan territorial conduit à écarter les actions isolées.

Cet examen de la qualité du projet risque de prendre du temps, d'augmenter les délais, mais un refus peut, paradoxalement, être parfois indispensable pour progresser et éviter l'enlisement de cette nouvelle démarche.

Il est également indispensable d'éviter les doublons et d'assurer la complémentarité. Il est souvent difficile de faire accepter à un territoire en cours de création qu'il ne doit pas axer son développement sur les mêmes activités qu'un territoire voisin de la même région, surtout s'il s'agit d'activités de pointe et coûteuses. L'Etat et la région doivent y veiller, même s'il est vrai qu'ils ne doivent pas non plus être trop réducteurs et imposer leurs points de vue à tout prix.

Tout aussi nécessaire est le refus de ce que l'on pourrait appeler le "pays de notable", pays né uniquement de la volonté d'un notable de rassembler autour de lui un certain nombre d'élus, sans réel projet.

Cela sera le rôle des préfets d'estimer si le territoire est réellement porteur d'un projet. Dire non n'est cependant pas facile à gérer sur le terrain, bien que le préfet de région soit tout de même moins impliqué au jour le jour que le préfet de département dans la constitution des territoires.

2. Développer l'ingénierie

a) L'ingénierie, un impératif

Il n'est pas de projet viable sans ingénierie performante. Les présidents de région ou les préfets auditionnés par la Délégation ont précisé que l'ingénierie était un élément important, et que des crédits non négligeables y seraient consacrés. Plusieurs d'entre eux ont souligné que, là où elle fonctionnait déjà bien, les résultats étaient visibles. L'ingénierie contribue à établir sur le projet un diagnostic qui en montre les nécessités et les limites et permet de dessiner les actions et d'apprendre à travailler ensemble.

L'ingénierie de projet est indispensable, car on ne peut ignorer les étapes d'un apprentissage à peu près incontournable. L'ambition doit être maintenant de construire une ingénierie territoriale significative pour qu'elle soit à la fois stable et d'une certaine importance. L'étape des contrats de plan actuels est l'occasion de franchir un palier par rapport à ce à quoi a été trop souvent réduite, jusqu'à présent, l'ingénierie territoriale de projets, c'est-à-dire un agent isolé, bien formé, mais sans expérience particulière, mal armé face à la complexité des problèmes rencontrés et trop accaparé par la gestion quotidienne du projet. L'objectif est donc de constituer de petites équipes pluridisciplinaires qui puissent assurer, dans la durée, le pilotage du projet auprès des collectivités locales, incluant les compétences acquises des acteurs de terrain.

Le levier financier de cette politique est le FNADT, qui permettra de doter les territoires de divers moyens d'ingénierie (expertises, animation...) afin d'aider les territoires à mettre au point des stratégies, ceux-ci se trouvant très différemment pourvus selon les cas.

C'est ainsi que le Gouvernement a prévu, dans le cadre de la préparation des contrats de plan, un quasi-doublement des crédits du FNADT, puisqu'ils passent de 4,8 milliards de francs pour la précédente génération des contrats de plan, à 8,2 milliards de francs pour celle-ci.

Afin d'éviter toute conclusion trop hâtive du contrat, la DATAR prévoit une procédure transitoire pour les territoires qui partiraient de zéro et ne seraient donc pas en état, dans un délai très rapide, de bâtir un projet conforme aux exigences de qualité requises. Des conventions d'objectifs seraient conclues, d'une durée maximale de trois ans non renouvelable, principalement axées sur les moyens d'ingénierie à mettre en _uvre, afin d'aider les territoires à se construire et à se rassembler, ce qui n'excluerait toutefois pas, pendant cette période, de financer quelques actions. Cette procédure permettrait aux différents partenaires de ne pas attendre pendant un délai trop long la constitution définitive du territoire, mais de commencer à travailler ensemble assez vite, de se rassembler sur quelques projets et quelques actions qui ne forment cependant pas encore, en tant que tels un projet global cohérent. L'idée est d'entamer un processus avec peu de contraintes, dès lors que l'on constate une véritable volonté des acteurs concernés et un minimum de partenaires sur le territoire avant de mettre en _uvre le contrat proprement dit, avec des moyens plus importants.

Ces conventions d'objectifs ont l'avantage d'éviter l'écueil rencontré avec la mise en _uvre des fonds européens. En effet, on a rassemblé, en prévision de la mise en _uvre des fonds européens de développement régional (FEDER), dans les zones éligibles, un très grand nombre de projets sans pour autant parvenir à leur réalisation, en raison de la longueur des études menées. Les différents partenaires y ont travaillé pendant de très nombreux mois, mais, au moment de la mise en _uvre, le délai était dépassé : pour l'objectif 5b) notamment, des projets n'ont pas été réalisés ou le seront vite et mal.

Il faut souligner enfin, la très grande inégalité entre les régions. Certaines pourront trouver en leur sein des forces nécessaires au développement de l'ingénierie ou, en cas d'insuffisance, bénéficier en appoint d'apports extérieurs : c'est le cas, en particulier des régions jouxtant l'Ile-de-France ; d'autres, au contraire, insuffisamment pourvues, ne pourront pas compter a priori sur cette aide.

Il faut, en renforçant l'ingénierie, tenir compte de l'existant, et, en particulier, ne pas créer une nouvelle équipe d'ingénierie là ou les moyens étaient déjà importants. Dans ce domaine aussi, formation, mutualisation, échange, devraient être les maîtres-mots.

b) Les politiques existantes

Il existe d'ores et déjà des politiques de développement et de structuration de l'ingénierie.

Du côté des régions, certaines d'entre elles mènent une politique dynamique, réunissant régulièrement les différents agents qui travaillent dans tous les territoires pour échanger leurs expériences et organiser une formation permanente, et ont passé un contrat d'assistance avec la Caisse des dépôts et consignations pour aider à la structuration de ces échanges. D'autres ont tenté de mettre en place par bassin d'emploi, au-dessus des coopérations intercommunales traditionnelles, des structures d'animation associatives, des structures d'études et des animateurs emploi-formation. Le problème est de savoir dans quelle mesure ces politiques pourront être contractualisées dans le contrat de plan Etat-région, ou si elles resteront l'apanage de la région. Ces structures de veille et d'éveil à la territorialisation ne sont-elles par l'un des éléments indispensables du dispositif ?

On rencontre également des difficultés avec l'implication d'organisations plus ou moins bien reconnues selon les régions.

Du côté de l'Etat, la mise en réseau des différents services devient indispensable, afin d'échanger les expériences de manière performante. Or, elle est encore peu développée. La création de centres de ressources ou d'observatoires serait un progrès non négligeable.

Par ailleurs, se pose le problème du risque de la superposition des moyens. Il convient de respecter le principe de subsidiarité et ne pas superposer les moyens des pays, des agglomérations, par exemple, quand ceux-ci se juxtaposent. Il faut partir d'un diagnostic des moyens et commencer par essayer de les coordonner pour constituer des équipes cohérentes, sachant que la solution peut beaucoup varier d'un cas à l'autre. Une bonne gestion consiste à faire évoluer le dispositif existant par la mise en réseau des agents de développement et la mutualisation de l'existant à une échelle de territoire plus vaste. L'ingénierie peut, en outre, être développée grâce à d'autres sources, les chambres consulaires, les comités de bassin d'emplois, les comités d'expansion. Toutefois, il importe de ne pas oublier qui fédère et a la responsabilité de l'ingénierie : celle-ci doit être sous l'autorité de la structure qui porte le projet.

Prendre le relais de l'existant n'est paradoxalement pas aisé dans les régions ayant déjà une politique d'ingénierie. Dans certains cas, le changement d'échelle pose problème : c'est ainsi que sur le plateau de Langres, dans le cadre du programme Leader II, a été mise en place une équipe performante. Ce plateau est désormais inclus dans une dynamique de pays très intéressante ; or l'ingénierie locale, déjà installée sur une partie de ce territoire, est en difficulté, en raison de l'inclusion dudit plateau dans l'ensemble du projet de ce pays, avec changement d'échelle.

C'est ainsi que dans les endroits où l'ingénierie fonctionnait, elle peut enregistrer un regrettable ralentissement.

Le projet ne peut pas être défini indépendamment du territoire. Une réflexion approfondie est nécessaire avant toute décision.

B. QUEL TERRITOIRE ?

Si les projets sont très différents, d'une région à l'autre, la délimitation des territoires l'est aussi, qu'il s'agisse de leur nombre, de leur taille, de leur nature, ou de leur degré d'avancement. Sur ce dernier point en particulier, on remarquera une assez forte avance du Grand Ouest et, dans une certaine mesure aussi, du Nord (cf. cartes en annexe), dans la mesure où les régions les constituant sont quasiment recouvertes de pays en projet, à des degrés divers toutefois, en raison notamment d'une tradition communautaire très forte et ancienne.

1. Délimiter le périmètre pertinent

a) Les pays

On a vu que la loi prévoit deux phases distinctes, afin d'offrir une plus grande souplesse : par la définition d'un périmètre d'étude, les différents acteurs concernés s'engageront progressivement dans un travail de concertation et d'élaboration d'une charte. Le périmètre du pays sera arrêté par le préfet de région, après approbation de la charte par les communes ou leurs groupements et après avis du préfet de département, des conseils généraux et régionaux concernés.

La loi précise seulement que les pays doivent respecter le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre et obtenir l'accord de l'organisme de gestion du parc naturel régional, si le territoire du pays recouvre une partie du périmètre du parc.

- La taille du pays.

Le premier problème qui se pose est celui de la taille du pays. La loi n'impose pas de seuils ou de critères rigides, mais définit les pays par leur cohésion territoriale, afin de prendre en compte l'hétérogénéité des territoires.

Toutefois, il faut veiller à ce que les pays ne soient pas de trop petite dimension, problème qui se rencontre dans certaines régions. Or, si le territoire est trop exigu, le projet risque de ne pas être viable à terme, faute de ressources financières et humaines.

La logique de seuil n'a pas de sens : si un seuil de 20.000 habitants paraît absurde dans certaines régions, il sera au contraire pertinent ailleurs.

On peut toutefois dégager quelques critères assez grossiers qui peuvent donner des ordres de grandeur et servir de guides. On peut considérer que le périmètre des pays pourrait se rapprocher des bassins d'emploi, au nombre de 348 en France. Il faut toutefois garder à l'esprit que cet ordre de grandeur peut être pertinent dans certaines régions, et pas dans d'autres.

On pourrait aussi considérer que le pays peut se rapprocher du territoire vécu (cf. carte en annexe), notion qui a été évoquée pendant les débats parlementaires, et qui montre comment nos concitoyens vivent, travaillent, consomment, et qui identifie un certain nombre de pôles plus ou moins importants structurant le territoire. On en dénombre au total 691.

Ces deux ordres de grandeur peuvent servir de guide pour refuser les territoires trop petits, tout en tenant compte des spécificités de chaque région, dont les densités démographiques et l'organisation du territoire peuvent varier sensiblement : à cet égard en effet, on relève peu de points communs entre la Bretagne ou les pays de la Loire et Midi-Pyrénées ou la région PACA. Dans une région comme Champagne-Ardenne, dont la densité est la moitié de la moyenne nationale, les pays seront relativement peu peuplés. Il est tout aussi vrai que le périmètre ne doit pas forcément être apprécié au regard de la seule population, mais aussi du projet. Des périmètres peuvent être larges pour un projet fort où les investissements sont importants et qui concerne une population non négligeable. En revanche, dans certains cas, il faudra accepter des projets locaux de moindre envergure.

Il semblerait toutefois que l'émergence de pays trop petits soit surtout le fait de zones caractérisées par une absence d'intercommunalités.

Il manque d'ailleurs pour enrichir la discussion un élément de dynamique démographique. En effet, s'il existe des cartes sur les structures existantes, régions, départements, pays constitués, il n'y a pas d'information sur la dynamique démographique de ces mêmes collectivités ou territoires. Or, connaître cette corrélation permettrait une autre interprétation de cette géographie.

- La juxtaposition des pays et des villes.

Outre le problème de la taille du pays, il faudra résoudre celui de la juxtaposition des pays et des villes. La loi n'a pas souhaité que les pays ne concernent que les seuls espaces ruraux. L'objectif est, au contraire, qu'ils puissent, par leur plasticité, répondre à des réalités territoriales différentes, afin de renforcer les complémentarités entre espaces ruraux et urbains. Ils peuvent donc s'organiser autour de petites villes, de villes moyennes ou d'agglomérations significatives (cf. cartes en annexe).

Or, dans les faits, il faut veiller à ce que la délimitation des pays en cours corresponde à l'esprit de la loi, et proscrire les périmètres en croissant de lune, par exemple, évitant la ville centre. De tels projets ne sont pas viables car ils n'ont pas de force d'entraînement et, à terme, les bourgs centre n'auront pas les moyens d'en supporter les charges.

Une autre source de complications peut également surgir du fait qu'un pays soit à cheval sur deux ou plusieurs départements, même si la loi en offre la possibilité.

- Un équilibre à trouver.

De façon générale, il existe un équilibre à trouver, il convient en effet de laisser une certaine souplesse aux pays pour se définir et se délimiter ; toutefois, il incombe au préfet de région de refuser un périmètre trop étroit ou aberrant.

En outre, si le pays veut avoir les capacités d'agir et ne pas être tributaire des seules ressources externes, ce qui ne serait pas acceptable, car le lien entre l'effort et le projet disparaîtrait, il faut que, parmi les éléments permettant de déterminer le périmètre, soient prises en compte les capacités financières du futur territoire.

Il convient de veiller aussi à l'existence d'une cohérence entre les différents pays qui se dessinent, afin qu'aucune zone ne soit laissée pour compte.

b) Les agglomérations

- Les seuils prévus par la loi

La notion d'agglomération résulte de la perception empirique que se font les citoyens de la réalité vécue dans les espaces caractérisés par une forte densité. Elle est caractérisée par la continuité du bâti, et n'est pas tributaire obligatoirement des délimitations administratives préexistantes.

Alors que la loi ne mentionne pas de seuils pour les pays, leur laissant la plus grande souplesse, elle en impose pour les agglomérations. Elle prévoit que peuvent élaborer un projet d'agglomération, dans les aires urbaines comptant au moins 50 000 habitants, et dont une ou plusieurs communes centre comptant plus de 15 000 habitants, le ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique et les communes de cette aire qui ne sont pas membres de ces établissements publics, mais souhaitent s'y associer.

Le seuil de 50 000 habitants a été retenu afin de tenir compte de la variété des situations. Ces seuils ne sont pas perçus de la même façon d'une région à l'autre. Il serait d'ailleurs intéressant d'établir et d'étudier le ratio : population de l'agglomération/population du département afin de mieux prendre en compte les disparités existantes. Dans des départements peu peuplés, les seuils représentent une contrainte plus importante que dans d'autres régions où la densité de la population est plus élevée. Le débat, lors de l'examen de la LOADDT, avait porté sur la pertinence du seuil de 50 000 habitants. Un seuil supérieur avait été envisagé. Il est vrai que s'il avait été établi à 80 000, certaines régions n'auraient été constituées que d'un nombre très faible d'agglomérations. Pour ces régions d'ailleurs, l'idée d'une métropolisation multipolaire peut permettre un travail intéressant.

Comme pour les pays, les seuils des agglomérations n'ont donc pas partout la même signification : leur respect mécanique n'est d'ailleurs pas toujours souhaitable. En effet, en Champagne-Ardenne, Chaumont, à l'échelle du pays, compte probablement plus de 50 000 habitants. Toutefois, elle ne constituera sans doute pas une agglomération, bien qu'elle atteigne le seuil requis, car le territoire est trop diffus pour cela et sa consistance est loin de celle d'une agglomération. Il n'est donc pas souhaitable de s'en tenir à une vision arithmétique des territoires mais de prendre en compte les particularités locales.

- Les différentes définitions existantes de l'agglomération

Un autre problème se pose aux initiateurs de projet, l'existence de définitions différentes des agglomérations, sans cohérence suffisante d'un texte à l'autre. C'est ainsi que l'on trouve plusieurs définitions, celles de l'INSEE, de la LOADDT, de la loi du 12 juillet 1999 et du projet de loi "solidarité et renouvellement urbain".

L'INSEE, quant à elle, définit la notion d'aire urbaine à l'aide du critère de l'emploi : une aire urbaine est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constituée par un pôle urbain et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaillent dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. Un pôle urbain est une unité urbaine offrant 5.000 emplois ou plus et n'appartenant pas à la couronne périurbaine d'un autre pôle urbain. Une aire périurbaine est l'ensemble des communes de l'aire urbaine à l'exclusion de son pôle urbain. Les 141 aires ainsi déterminées représentent 36 millions d'habitants.

La loi du 12 juillet 1999 appelle communauté d'agglomération le regroupement de plusieurs communes formant un ensemble de plus de 50 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave, autour d'une ou plusieurs communes centre de 15 000 habitants ; quant au seuil des communautés urbaines, il est fixé à 500 000 habitants.

Les communautés d'agglomérations intéressent des communes de zones urbaines susceptibles de se regrouper autour d'un projet intéressant l'emploi, l'intégration ou la politique de la ville. En plus de leurs compétences obligatoires (développement économique, aménagement de l'espace et transport, habitat et logement, politique de la ville), elles doivent exercer trois compétences parmi les cinq suivantes : eau, assainissement, environnement, équipements communautaires, voirie communautaire. Quant au périmètre, la loi dispose qu' il pourra être étendu, pendant trois ans, puis de nouveau pendant trois ans après une période de douze ans.

En outre, cette loi apporte fait du régime de taxe professionnelle unique le régime obligatoire des communautés d'agglomération et des communautés urbaines créées après son entrée en vigueur.

La LOADDT retient les mêmes seuils. L'agglomération n'est pas tributaire des délimitations administratives préexistantes. Elle a seulement vocation à devenir un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et à taxe professionnelle unique. Il appartient au projet d'agglomération de déterminer les orientations qu'elle se fixe "en matière de développement économique et de cohésion sociale, d'aménagement et d'urbanisme, de transport et de logement, de politique de la ville, de politique de l'environnement et de gestion des ressources selon les recommandations des agendas 21 locaux du programme "Actions 21" qui sont la traduction locale des engagements internationaux finalisés lors du sommet de Rio de Janeiro des 1er et 15 juin 1992" Les compétences ne sont donc pas les mêmes que celles délimitées par la loi du 12 juillet 1999.

Sur ces textes, se greffent les articles figurant dans le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. Celui-ci retient des dispositions en matière d'habitat particulières à certaines agglomérations, c'est-à-dire aux communes dont la population est au moins égale à 1500 habitants en Ile-de-France, et 3 500 habitants dans les autres régions, et qui sont comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, comportant au moins une commune de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente moins de 20 % des résidences principales, à l'exception de celles comprises dans une agglomération dont le nombre d'habitants a décru entre les deux derniers recensements de la population et qui appartiennent à une communauté urbaine, une communauté d'agglomération ou une communauté de communes compétentes en matière de programme local de l'habitat.

La multiplication des textes ajoute à la complexité des définitions.

- Le problème de la cohérence entre agglomérations et schémas de cohérence territoriale

Une réflexion s'impose également sur les schémas de cohérence territoriale. Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbain détermine leur objet : ceux-ci doivent fixer "les orientations fondamentales de l'aménagement des territoires intéressés". Ils fixent non seulement des orientations stratégiques en termes d'urbanisation future et d'espaces à protéger, mais aussi en termes de restructuration urbaine, d'implantations d'activités économiques ou d'intérêt général ou de politique locale de transports collectifs.

Ce périmètre doit déterminer un territoire d'un seul tenant et sans enclave ; il s'agit de la même exigence que celle figurant dans les lois du 25 juin et du 12 juillet 1999. Il est également prévu que ce périmètre inclue la totalité des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de schémas de cohérence territoriale, à savoir les communautés d'agglomération, de communes, ou urbaines.

Lorsque l'agglomération est entourée d'un pays, le périmètre du schéma devrait coïncider avec celui du pays, ce qui ne paraît pas toujours assuré. Quant aux périmètres des parcs naturels, ils paraissent plus étendus que ceux des schémas de cohérence territoriale. Quoiqu'il en soit, les recoupements ne sont pas clairs.

- L'opération "sites témoins"

La DATAR a engagé en partenariat avec l'Association des Maires des grandes villes de France (AMGVF) et dans un cadre interministériel associant les ministères de l'équipement, de l'environnement, de la ville, de la culture et de l'intérieur, une opération "sites témoins pour les contrats d'agglomération", afin de tester, en situation réelle, la mise en _uvre du processus de contractualisation avec les agglomérations. Celle-ci concerne quatorze agglomérations (Bordeaux, Brest, Caen, Dunkerque, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montbéliard, St-Nazaire, Orléans, Perpignan, Poitiers et Rennes) pour une durée de six mois. La liste en a été arrêtée par l'Etat et par l'AMGVF.

Il s'agit d'expliciter non seulement le processus contractuel, les conditions techniques et politiques permettant de finaliser un contrat d'agglomération, mais aussi les enjeux majeurs à traiter par ce contrat et de démontrer l'intérêt de la démarche du contrat d'agglomération.

Cette opération répond à trois objectifs : convaincre, en démontrant la faisabilité de la contractualisation à partir de sites repères ; explorer, en mesurant les possibilités réelles de mise en _uvre, en situation réelle, des dispositions de la LOADDT ; et témoigner, en transférant les savoir-faire auprès des autres agglomérations susceptibles de contractualiser. Chaque site a été doté d'un expert local financé par l'Etat. Par ailleurs, deux experts nationaux dirigent cette opération.

Les contributions de ces sites, qui devront être faites le 22 juin 2000 lors de la "Rencontre nationale des agglomérations", seront riches d'informations sur le processus de contractualisation. Une première rencontre s'est déjà tenue à Clermont-Ferrand le 30 mars 2000 pour tirer les premiers enseignements de l'opération. Un document en est résulté, dégageant les principes méthodologiques adoptés et faisant le point sur les huit groupes de travail existants.

Néanmoins, de façon plus générale, il serait opportun que soit constituée une équipe d'étude sur le périmètre des 140 agglomérations en cours d'élaboration. Cette initiative pertinente aurait intérêt à être également conduite pour les pays.

2. Quels supports ?

a) Les pays

Le pays n'est pas une circonscription administrative supplémentaire ou une collectivité territoriale de plus : la loi fait de la cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, le critère essentiel pour déterminer le pays. Celui-ci naît d'un partenariat. Il a vocation à s'affranchir des limites territoriales administratives et politiques existantes, le département et le canton : un même pays pourra être "à cheval" sur deux départements différents.

Mais la loi précise que, pour conclure un contrat particulier portant sur les principales politiques qui concourent au développement durable du pays, les communes ou groupements de communes qui constituent le pays devront (sauf si le pays est déjà organisé sous la forme d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, intégrant l'ensemble des communes inscrites dans son périmètre), soit créer un groupement d'intérêt public de développement local, soit se constituer en syndicat mixte.

Un équilibre doit être trouvé entre souplesse et efficacité. L'élaboration du pays doit être souple. Il est souhaitable de laisser les projets prendre forme, les périmètres se définir ; cette phase de préparation pourra durer trois ans. Mais il serait regrettable que cette période ne soit consacrée qu'à la discussion des projets sans qu'aucune action ne soit mise en _uvre, comme cela a été le cas dans le cadre des programmes Leader I et Leader II. Or, il faut un interlocuteur pour contractualiser. Il est impératif, évidemment, que la contractualisation passe par une personne morale de droit public ; on ne peut contractualiser avec une association.

Une approche territoriale doit être accompagnée d'un partenaire relativement structuré. D'ailleurs, peu de pays sont aujourd'hui parvenus à ce stade, mais les pays actuellement bien avancés ont émergé dans des régions où l'intercommunalité était déjà développée.

La personne morale peut prendre plusieurs formes, en fonction du projet soutenu. L'approche doit être suffisamment pragmatique pour considérer qu'il n'existe pas de modèle unique de l'établissement public support, mais cet établissement public est indispensable. Le choix du support du maître-d'_uvre doit donc être rigoureux, sinon le territoire n'aura pas de survie à terme.

Si le pays est déjà organisé sous la forme de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, l'Etat peut contractualiser, en principe, avec chacun d'entre eux. Dans le cas d'interlocuteurs multiples, le processus risque d'être assez complexe. Or, il faut que l'interlocuteur soit clairement défini pour le versement des subventions, l'octroi de prêts, etc... La question du maître-d'_uvre est fondamentale, et doit être abordée très tôt dans la définition du projet et du territoire. Il faudrait également réfléchir au devenir des établissements publics existants, au cas où serait constituée une structure unique.

La loi a retenu comme type de support pour les pays qui ne disposaient pas déjà d'un établissement public, le syndicat mixte ou le groupement d'intérêt public (GIP). Ce groupement, personne morale de droit public, doté de l'autonomie financière, est créé par convention entre les communes et les groupements de communes constituant le pays pour exercer les activités d'étude, d'animation ou de gestion, qui sont nécessaires à la mise en _uvre des projets économiques, sociaux, environnementaux, culturels et touristiques d'intérêt collectif, prévus par la charte du pays. Sa convention constitutive doit être approuvée par l'autorité administrative chargée d'arrêter les périmètres du pays. Le groupement obéit aux règles de la comptabilité publique.

Le GIP est plus souple que le syndicat mixte ; il offre, en effet, par exemple, la possibilité de recruter des personnels contractuels, afin d'élaborer le projet. Il permet de mettre à disposition des personnels des collectivités territoriales qui composent le pays, mais sans créer une fonction publique du pays.

b) Les agglomérations

La loi prévoit que pour contracter, les agglomérations devront être constituées en établissement public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique d'au moins 50.000 habitants et comprenant une ou plusieurs communes centre de plus de 15.000 habitants.

A titre transitoire, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique n'étant pas constitués sous cette forme pourront conclure un contrat particulier, par la signature duquel ils s'engagent à se regrouper, avant son échéance, au sein de l'établissement public défini ci-dessus.

3. Des "emboîtements" à maîtriser

Contrats de pays, contrats d'agglomérations, contrats de villes, contrat de plan Etat-régions, il n'est pas aisé de juxtaposer ces divers contrats et de les rendre cohérents dans leur application à un même territoire. Il semble, a priori, que l'application du principe de subsidiarité permette à chaque problème de trouver sa solution à la bonne échelle spatiale, mais la réalité est souvent plus compliquée : aux principaux territoires, s'ajoutent en effet d'autres limites spatiales qui servent de base à la mise en _uvre des politiques sectorielles ou de droit commun (l'arrondissement, les parcs naturels régionaux, les bassins versants, les quartiers en contrat de ville, les villes en grand projet de ville...).

Ce phénomène d'emboîtement comporte des risques évidents de redondance, ou, au contraire, de non recouvrement.

Il faudra donc appliquer la loi du 25 juin 1999 avec souplesse, en considérant que chaque pays ou chaque agglomération est un cas particulier. Une fois de plus, il sera en effet difficile d'avoir un cadre de référence unique.

Par ailleurs, l'ordre chronologique fait défaut.

La territorialisation a commencé de se mettre en place au début de l'année 2000, parce que les contrats de plan Etat-régions venaient à échéance le 31 décembre 1999, et que devait se mettre en route le processus d'élaboration des contrats de plan de la nouvelle génération ; on ne pouvait pas dépasser le 31 décembre 1999, puisque leur durée avait déjà été rallongée d'un an. Or les schémas de services collectifs prévus par la loi et les schémas régionaux d'aménagement du territoire (SRADT) ne sont pas encore achevés.

La logique aurait voulu que l'année 2000 soit consacrée à la mise en place de la réflexion sur les SRADT, qui fournissent une image à vingt ans, de la LOADDT et des schémas de services collectifs, et qu'au terme de ce processus, découlant de cette approche, soit élaborée la contractualisation. La stratégie du contrat de plan Etat-région aurait dû s'appuyer sur les schémas qui, pour l'instant, n'existent pas. De ce fait, quand ceux-ci seront disponibles, peut-être faudra-t-il réinsérer certaines de leurs dispositions dans les contrats.

Certaines régions ont pu rétablir une relative cohérence. C'est ainsi que la Basse-Normandie a mis au point un document d'analyse et de prospective qui a servi de base à la réflexion pour l'établissement du contrat de plan. Deux démarches ont été entreprises, l'une du conseil régional, associant le Conseil économique et social régional, et l'autre de l'Etat, sur les stratégies de l'Etat en région, qui ont permis d'échanger des points de vue sur les objectifs, les actions à mener et sur l'effet de levier des opérations que l'on pourrait retenir.

D'autres ont engagé très en amont l'élaboration de leur projet régional, et estimant qu'il correspond, de fait, au SRADT, ont décliné le contrat de plan sur ce projet.

Dans d'autres régions au contraire, la lecture du SRADT et du contrat de plan met en évidence des contradictions importantes. Dans d'autres encore, on peut déplorer l'absence de débat au sein de la CRADT qui n'a pu aboutir à la mise en valeur de la cohérence qu'il pourrait y avoir entre d'une part, les attentes des territoires, et d'autre part, les grands enjeux du contrat de plan Etat-région.

4. La difficile insertion des territoires dans le paysage existant

a) L'articulation avec les autres politiques

Si l'on prend l'exemple de l'émergence des agglomérations, on constate que l'articulation avec la politique de la ville reste à faire. Souvent les agglomérations correspondront à des sites de la politique de la ville. Mais parvenir à conserver l'ensemble des politiques de la ville existantes et les insérer dans un projet de communauté d'agglomération ne sera pas aisé, car cette harmonisation exige une excellente connaissance de chaque élément des politiques nationales, afin de les agréger à des politiques plus spécifiques et concernant des acteurs multiples. Peut-être faudra-t-il, en 2003, des arbitrages de simplification. Plus précisément, il sera nécessaire de mettre en cohérence les contrats de ville et les contrats d'agglomération.

Dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais, l'Etat a pris le parti de créer un groupe technique des territoires chargé de traiter à la fois des problèmes de pays, d'agglomération et de ville, dont le pilotage a été confié au secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) et à la direction régionale de l'équipement. Ce groupe est composé de membres du conseil régional, les départements étant représentés par les responsables des services techniques. Un groupe plus restreint a été chargé de préparer le travail de ce groupe technique, et il a été prévu un comité de pilotage unique pour gérer, à la fois, les politiques de pays et d'agglomération, et assurer la cohérence de l'ensemble après la signature du contrat de plan.

Quoiqu'il en soit, ce problème devra être abordé rapidement, parce que la politique de la ville a connu, l'année dernière, une refonte de son approche et que, pour être efficace, elle ne peut pas subir de discontinuité.

b) La question de la répartition des compétences entre les communes

La communauté de communes étant une communauté de compétences, elle n'existerait pas si les communes ne lui conféraient pas certaines de leurs compétences.

Or, dans certains cas, les communes qui la constituent ne sont pas prêtes, car elles pensent qu'elles vont perdre leur identité, et préfèrent faire partie d'un pays car, dans ce cadre, elles ne doivent pas déléguer leurs compétences.

c) Le lien entre territorialisation et maintien des services publics

Il existe un lien très étroit entre la politique des pays et des agglomérations et la modernisation des services publics. L'objectif est de faire coïncider une politique de pays et de communautés d'agglomérations avec le maintien des services publics.

La loi du 25 juin 1999 a pour ambition la modernisation des services publics.

Elle prévoit que l'évolution des services publics doit s'accompagner d'un certain nombre de précautions. Les obligations d'aménagement du territoire des organismes, établissements publics ou entreprises nationales seront fixées par des conventions, contrats ou cahiers des charges ou, en l'absence de ce type de texte, par un plan d'organisation au niveau départemental, approuvé par le préfet. En cas de non respect de ces documents, la décision prise sera suspendue par le préfet et une étude d'impact devra lui être présentée par l'organisme concerné. Il appartient au ministre de tutelle de trancher.

La suppression simultanée de plusieurs services sur une même commune, du même service sur deux communes limitrophes ou de plusieurs services au sein d'un groupement de communes, entraîne également la suspension de la décision et la réalisation d'une étude d'impact.

La loi encourage la création de maisons des services publics par la mise en commun des moyens pour assurer l'accessibilité et la qualité des services publics sur le territoire et les rapprocher des citoyens. L'Etat peut rembourser tout ou partie des dépenses engagées par les collectivités pour les maisons des services publics, dans les zones urbaines sensibles (ZUS) et les zones de rénovation rurales (ZRR).

Cependant, une réflexion approfondie est encore à mener sur ce thème. La solution d'un moratoire est la plus mauvaise qui soit, car elle gèle une situation déterminée dans un contexte qui n'est plus celui du développement local que l'on souhaite pour des projets territorialisés. Il ne faut ni moratoire, ni concentration des services publics dans les pôles urbains.

Il est fondamental que soit affirmée la présence de l'Etat au travers des services publics sur les territoires et qu'un travail soit engagé sur le rôle de l'Etat et les maisons des services publics. Il en est de même pour les services de la région.

Beaucoup de nos concitoyens souhaitent que le développement de ces territoires soit lié à la présence du service public et des services, plus généralement. Ils auraient intérêt à une vraie présence territoriale des services publics, mais il n'existe pas actuellement de réponse claire à cette attente.

Même si on peut constater certaines réalisations -ainsi, en Alsace, la mise en place d'un fonds de localisation des services publics- au quotidien, les progrès sont en général peu fréquents. Par exemple, l'implication de certaines missions locales dans les actes de développement territoriaux est très variable. Elles restent trop souvent attachées à la ville qui les finance, même si elles sont territorialisées et ont compétence sur l'ensemble de l'arrondissement. Ces services doivent se remettre en cause par un réel redéploiement en intégrant la logique des territoires, encore faut-il qu'ils en aient les moyens. Il arrive parfois aussi que des services déconcentrés soient en fait reconcentrés au niveau de la préfecture ou de la sous-préfecture.

C. QUELS ACTEURS ?

1. L'Etat

a) La nécessité d'une nouvelle approche

La territorialisation va bouleverser les pesanteurs administratives. Les préfets de région ont le pouvoir de conduire l'ensemble des politiques de l'Etat, et normalement de les mêler. Mais les politiques restent en fait scindées. Or, l'esprit même de la LOADDT est de remettre en cause le morcellement des actions, et, au contraire, de parvenir à une harmonie et à une synergie de celles-ci.

L'Etat doit donc se familiariser avec cette nouvelle démarche : la conduite de projets transversaux et la logique d'action territoriale ne sont pas les principales caractéristiques du comportement administratif. Or, les territoires qui se développent attendent de leurs interlocutrices, les administrations, qu'elles soient prêtes, culturellement, à changer de méthodes de travail. Si les services pilotes adhèrent à cette démarche, elle reste, au contraire, étrangère à de nombreux autres services. Il reste, en la matière, un terrain à défricher : c'est, en effet, une révolution culturelle qu'il convient d'entreprendre, l'administration devant devenir une administration de partage.

Il est vrai que deux cultures coexistent : face à la culture de projet qui émerge dans presque toutes les administrations, grâce à des agents prêts à s'investir dans la construction des territoires, il existe, à l'opposé, une attitude de défiance à l'égard de ces territoires, en raison de la double fonction de l'Etat, animateur, mais aussi contrôleur.

L'absence d'approche territoriale pour l'Etat peut être, d'une certaine manière, un atout, puisqu'une grande souplesse est possible : les acteurs peuvent s'organiser suivant les réalités régionales. Mais tout est à construire, et le succès de la territorialisation repose sur la conviction des services de l'Etat.

Ceux-ci vont avoir de multiples tâches nouvelles. Il convient de trouver les arguments pour qu'ils s'adaptent à cette démarche territoriale.

Travailler avec d'autres services de l'Etat présentera l'avantage de développer l'esprit de réseau, ce qui permet une ouverture sur d'autres logiques. Il faut d'ailleurs remarquer que la démarche territoriale ne remet pas tout en cause, chaque service continuant quand même à mettre en _uvre ses compétences techniques propres, et à conserver la maîtrise au moins partielle de la plupart de ses lignes budgétaires.

L'efficacité de l'action administrative pourra en être accrue. La mise en place d'équipes d'ingénierie stimulera les services de l'Etat qui se trouveront en face d'acteurs de qualité.

La tâche de l'Etat sera double : le paradoxe est qu'il devra s'adapter à une nouvelle démarche, la territorialisation, mais aussi faire _uvre de pédagogie, en matière d'intercommunalité notamment et apporter son concours aux territoires qui élaborent un projet.

b) Les mesures à adopter

Certains ministères ont l'habitude d'intervenir et de maintenir des contacts directs avec les destinataires finaux de leurs politiques et de leurs crédits. Les faire participer à une logique beaucoup plus collective qui intégrera des acteurs socioprofessionnels de toutes origines et un certain nombre d'élus correspond à une démarche inhabituelle et difficile à mettre en _uvre.

Il faut que chaque service de l'Etat en région parvienne à définir ses propres modalités pour donner du sens à la démarche territoriale : nommer un chargé de mission qui traiterait de l'ensemble du problème du développement du territoire, sans changer le mode de fonctionnement actuel du reste du service, serait un échec. Les habitudes doivent être bouleversées : dans la phase de mise en _uvre et d'animation du territoire, un service pourrait, par exemple, être amené à jouer le rôle de rapporteur devant le comité de pilotage au nom d'autres services, sur des questions relatives à des secteurs autres que son secteur propre.

Le problème se pose de la coordination interne des services de l'Etat sur le territoire -pays ou agglomération-. Il faut réfléchir à la nécessité de créer un guichet unique et à la définition de ce guichet, du moins là où cette solution sera adoptée.

Il sera souhaitable d'apprécier la pertinence d'une action, non plus seulement par rapport à des décrets ou à des circulaires relatifs à la mise en place d'une politique sectorielle, mais par rapport à un projet de développement global du territoire.

Parallèlement, d'ailleurs, les textes eux-mêmes devraient évoluer. C'est ainsi que la DATAR travaille actuellement avec certains ministères sur quelques circulaires afin de supprimer les rédactions susceptibles de donner lieu, dans une interprétation trop rigide de celles-ci, à des difficultés d'application. Par exemple, la circulaire sur les opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce (ORAC) limite leur utilisation à des territoires de moins de 60 000 habitants : il serait intéressant de faire évoluer ce texte, compte tenu du fait que la population de certains pays dépasse ce chiffre, afin qu'il ne soit pas un obstacle au développement des politiques territoriales.

Pourtant, un certain nombre de politiques ne posent pas problème ou ne le devraient pas : ce sont toutes celles qui s'inscrivent déjà dans une démarche collective, telles que les opérations groupées, pour lesquelles une démarche transversale existe, alors que la territorialisation des aides individuelles, aux PME, aux agriculteurs, plus individualisée, est de ce fait, problématique.

c) La nécessité d'un suivi

Il sera prochainement proposé aux préfets de mettre en place un collège des administrations, constitué d'agents désignés au sein des principales administrations concernées par la territorialisation, afin de disposer d'un vrai suivi décloisonné.

La DATAR a déjà constitué entre représentants des administrations un certain nombre de lieux de suivi et d'observation de la territorialisation des politiques publiques ; elle est en train de créer un répertoire de toutes les procédures territoriales, récensant toutes celles qui peuvent être définies par le terme de territorialisation (nécessitant une négociation, un diagnostic, une mobilisation collective).

Plus ponctuellement, il importe pour les services de l'Etat de mener une démarche de conduite du changement, de recourir à des expertises extérieures, à des cabinets de consultants, d'organiser des formations et de promouvoir des phases d'expérimentation.

Enfin, dans ce domaine comme dans les autres, tout est affaire d'équilibre. La synergie des actions est difficile à mettre en _uvre. A l'inverse, il est indispensable de veiller non seulement aux progrès de la territorialisation, mais à la bonne application des politiques. Il serait en effet dangereux que la politique menée au travers des pays et des agglomérations, instruments assez autonomes, se dilue sans qu'on puisse retrouver l'origine des actions entreprises.

2. Les politiques territoriales de la région

Les régions mènent souvent leur politique territoriale propre en dehors de la contractualisation, ou en plus de la contractualisation. Elles n'ont en général pas attendu le vote de la loi pour encourager le développement des territoires, les politiques conduites dans ce domaine étant déjà assez anciennes. Cette situation est tout à fait normale et inhérente à leur rôle politique.

Il en résulte toutefois deux effets pernicieux. Tout d'abord, le contrat de plan Etat-région risque de manquer de lisibilité. C'est le cas, par exemple, des régions Centre et Poitou-Charentes. Le paradoxe est que ces deux régions ont des politiques territoriales développées, anciennes. Or, elles n'ont pas engagé dans le contrat de plan les moyens très élevés qu'elles consacrent aux pays. D'autres régions ont d'ailleurs adopté la même politique. Ce choix soulève une difficulté dans la mesure où le financement de l'Etat n'a pas de contrepartie, puisque l'apport régional n'est pas contractualisé. Il n'est donc pas aisé de construire le volet territorial des contrats de plan, y compris dans les régions où l'on pouvait penser qu'a priori la mise en _uvre de la territorialisation allait être, au contraire, plus facile, étant donné qu'il existait déjà un socle important sur lequel prendre appui.

L'autre problème est que, de ce fait, l'on ne se trouve plus dans une logique de projet émergeant grâce au volontariat et à la préparation locale, mais dans un cas de tutelle de la région sur une politique territoriale qui sera peut être contractualisée. Il en résulte un biais qui mériterait de donner lieu à une sérieuse analyse. Ce phénomène existe dans de nombreux domaines, par exemple, en matière de formation professionnelle, d'action sociale et d'emploi. Le Premier Ministre, lors du comité interministériel d'aménagement du territoire de juillet 1998 a indiqué que 20 % des enveloppes des contrats de plan seraient consacrés au volet territorial. Depuis, des chiffres plus élevés, 25 %, voire 30 %, ont été fournis aux préfets et aux élus. La politique suivie par certaines régions amène donc à se demander quels crédits entrent réellement dans ces enveloppes contractualisées pour des projets territoriaux.

La situation étant très différente d'une région à l'autre, les comparaisons en sont rendues d'autant plus malaisées.

3. Le rôle du département

La position des départements a évolué au sujet des pays : ceux-ci sont maintenant, en majorité, favorables à leur émergence, alors que leur création avait parfois été mal accueillie, le département craignant d'être concurrencé par les nouveaux territoires.

L'Assemblée des Départements de France (ADF) a mis en place, au niveau national, un dispositif de suivi pour évaluer l'implication des conseils généraux dans la procédure de négociation des contrats de plan et en tire les conclusions dans un rapport, paru en mars 2000, intitulé "Contrats de plan 2000-2006 - Premier bilan de l'implication des conseils généraux".

A la question "Votre conseil général est-il impliqué dans la constitution des pays ?", 60 % ont répondu oui et 24 % non, les autres n'ayant pas fourni de réponse. Le souhait de la plupart des conseils généraux est d'être associés le plus possible en amont à cette constitution. Plusieurs d'entre eux financent des études préalables de configuration confiées à des cabinets conseils ou à des universitaires ; certains départements apportent également une aide financière pour l'embauche d'un animateur, au travers de plans ou de fonds départementaux pour les pays.

Certains départements ont créé ou adhéré à la structure juridique qui portera le pays et apportent une aide à son fonctionnement.

A la question "Serez-vous signataires des contrats de pays ?", 35 % ont répondu par l'affirmative, 39 % n'ayant pas encore définitivement arrêté leur position.

S'agissant des agglomérations, 34 % des conseils généraux ont été saisis jusqu'à présent pour être partie prenante à un contrat d'agglomération, et 81 % d'entre eux l'ont été pour un contrat de ville.

Au total donc, les départements se sentent concernés par l'émergence de pays et d'agglomérations, une part d'entre eux aidant la nouvelle structure, même si, comme le note le rapport de l'ADF, ils témoignent de leur inquiétude en raison de l'absence d'information sur leur mise en place.

Il ne faut pas oublier que dans certains cas, comme la Marne, par exemple, le conseil général a lui-même favorisé depuis longtemps le développement de l'intercommunalité, à des niveaux d'intégration différents, pour ne pas avoir une politique communale émiettée. La plupart des départements souhaitent que la constitution de pays ne laisse pas des zones de côté, mais qu'elle concerne, au contraire, la plus grande partie de leur superficie. S'il n'en était pas ainsi, la disparité s'accroîtrait entre les différentes composantes du département. Il appartiendra aux préfets de veiller à ce que des zones ne restent pas en dehors de cette dynamique.

Mais la problématique de la territorialisation reste très variable d'un département à l'autre, malgré ces aspects très positifs. On trouve une situation très contrastée : de nombreux départements sont très actifs, dynamiques, favorables à cette nouvelle politique, tandis que d'autres semblent la craindre et y mettent des conditions, qui rendent les objectifs plus difficiles à atteindre.

Le premier risque est celui du clientélisme. De même que l'émergence des territoires remet en cause les habitudes de l'Etat, cette dynamique bouleverse celle des départements : dès lors que le pays se construit grâce à une démarche de partenaires, de projet et de stratégie, cela réduit la possibilité pour un conseil général d'entretenir le clientélisme pouvant exister à travers le développement local. Alors que la plupart des présidents de conseils généraux se demandent loyalement comment participer au développement des pays, la tentation est grande pour certains départements de penser qu'il faut maîtriser les outils du développement durable que sont les pays et les agglomérations et que les élus territoriaux doivent être forcément présents. Il leur paraît donc judicieux de mettre à la tête du pays un conseiller général, et de lui donner des crédits sous conditions, afin de contrôler la montée en puissance du pays.

Le deuxième problème est celui des pays trans-départementaux.

Dans l'enquête réalisée par l'ADF, à la question posée sur la possibilité de créer des pays sur plusieurs départements, ou même sur plusieurs régions, 31 % des conseils généraux s'y déclarent favorables, 56 % au contraire ne l'envisageant pas.

Quand se dessinent de vrais pays trans-départementaux, avec un vrai bassin d'emplois, ce peut être une démarche intéressante ; néanmoins, cela accroît la complexité de la démarche territoriale. L'établissement d'un pays sur deux ou plusieurs départements impose de veiller de façon étroite à la cohérence du maillage territorial. Mais il est vrai que l'établissement de deux pays semblables de chaque côté de la frontière séparant deux départements -et la tentation existe parfois- est tout à fait regrettable.

4. Le conseil de développement

La loi prévoit l'existence d'un conseil de développement tant pour les pays que pour les agglomérations.

Elle dispose que les communes concernées et leurs groupements créent un conseil de développement composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs. Ce conseil, qui s'organise librement, est associé à l'élaboration de la charte de pays ou du projet d'agglomération, peut être consulté sur toute question relative à l'aménagement et au développement du pays ou des agglomérations, est informé au moins une fois par an de l'avancement des actions engagées par les maîtres d'ouvrage pour la mise en _uvre du projet de développement du pays et est associé à l'évaluation des actions menées.

Le législateur a souhaité que le conseil de développement -lieu de l'élaboration du pays ou de l'agglomération- soit un organisme souple, doté d'une grande liberté de constitution.

Cette marge de man_uvre est nécessaire car la présence des associations reconnues peut parfois être source de difficultés dans la mesure où cette reconnaissance est souvent nationale, alors que, sur le territoire émergent, les associations ayant une dimension nationale ne sont pas forcément représentées ; du fait de la difficulté de qualifier ou de prédéterminer les associations qui devaient faire partie des conseils de développement, le législateur a jugé opportun de laisser une marge d'autonomie au territoire qui élabore son projet.

Dans la pratique, il est encore difficile de faire vivre ce conseil de développement, même dans les régions caractérisées par une grande richesse associative, et où ont déjà été menées des expériences intéressantes.

On constate que les personnes souhaitant participer au conseil de développement sont en général peu nombreuses. Un important travail de pédagogie doit être réalisé. Les réunions sur le terrain concernant les contrats de plan auxquelles ont été invitées les associations ont montré que pour celles-ci, il s'agissait souvent d'un exercice qui paraissait loin des réalités ; il est difficile de faire comprendre aux personnes susceptibles d'en faire partie que leur participation au conseil de développement serait positive pour elles-mêmes et pour le territoire.

Quelle que soit la région, des progrès considérables restent à réaliser. Le travail sur un projet de pays ou d'agglomération rassemble souvent des réseaux sportifs et culturels. Même si, grâce à ces réseaux, il arrive que de nombreux citoyens soient mobilisés, la possibilité d'élaborer avec eux un contrat puis de le soumettre à leur concertation, voire à leur approbation, représente un saut qualitatif qui n'est pas réalisé.

Plus grave, il arrive que dans certaines régions les pays en voie de formation se constituent en association avant de savoir comment ils évolueront et forment des conseils de développement presque uniquement composés d'élus, dans lequel le conseil général prend la prééminence, refusant les partenaires sociaux et économiques. La démocratie participative est dans ce cas remise en cause.

D. QUELLE CONTRACTUALISATION ?

1. L'instauration d'un volet territorial des contrats de plan Etat-régions

Le volet territorial des contrats de plan Etat-régions est l'élément profondément novateur de la loi du 25 juin 1999. L'apport fondamental de la loi est que l'on ne se situe plus dans un cadre informel et expérimental, puisque dorénavant la territorialisation est adossée aux contrats de plan, procédure lourde financièrement et en termes d'intervention publique, ce qui devrait conférer à cette nouvelle génération de politiques contractuelles une base beaucoup plus solide que précédemment.

Cette procédure, nouvelle et riche de projets intéressants, suscite de multiples questions.

a) L'absence de crédits "fongibles"

La première se rapporte à la technique financière et budgétaire. Il avait été évoqué la possibilité de crédits "fongibles", c'est-à-dire qu'une part de la totalité des crédits affectés à chaque contrat de plan Etat-région soit mise à la disposition du secrétaire général pour les affaires régionales de chaque région, les ministères renonçant à employer eux-mêmes ces crédits jugés particulièrement adaptés à la politique d'agglomération ou de pays. Cela aurait permis de mener dans les pays et les agglomérations des actions qui n'étaient pas jusque là inscrites en tant que telles dans la nomenclature budgétaire de l'Etat.

Cette solution n'a pas été retenue pour plusieurs raisons. La première est que le droit budgétaire repose dans une large mesure sur le principe de la spécificité des crédits. On peut souligner toutefois que le Fonds interministériel d'intervention pour la politique de la ville (FIV) regroupe une partie des crédits ordinaires des différents ministères consacrés aux contrats de ville, mettant ainsi à la disposition des préfets une enveloppe "fongible" afin de financer l'ensemble des actions relatives au développement social urbain.

La deuxième raison pour laquelle des crédits fongibles n'ont pas été retenus est qu'on ignore le nombre de contrats qui seront signés dans chaque région et leur contenu, et qu'il n'a pas été jugé cohérent d'enfermer a priori cette politique, qui est une politique de projets, en instaurant un dispositif fixant, dès le départ, le nombre des contrats et le volume financier de chacun.

De surcroît, on a estimé important de changer la manière dont un certain nombre de politiques actuelles sont mises en _uvre et non pas de construire une politique territoriale à côté des actions existantes, ce que des crédits fongibles n'auraient peut être pas permis de faire.

b) Les lignes budgétaires affectées à la territorialisation

La présentation des contrats de plan doit donc permettre d'identifier, ligne budgétaire par ligne budgétaire, la partie qui pourrait être affectée aux contrats de territoire.

La circulaire du Premier Ministre d'août 1999, donnant mandat à l'ensemble des préfets de négocier le contrat de plan, définit le volet territorial qui "regroupe les politiques ayant vocation à s'inscrire dans un projet de territoire. Il se présente notamment sous la forme d'un cadre à l'intérieur duquel il convient d'identifier, avec toute la souplesse nécessaire, d'une part les contrats de ville et, d'autre part, les projets de territoires porteurs d'une stratégie globale de développement en faveur desquels l'Etat et la région sont prêts à se mobiliser de manière spécifique avec les collectivités locales concernées, dans le cadre de contrats de pays, de contrats d'agglomération, de chartes de parc naturel régional (existantes ou potentielles). Ces contrats pourront être signés jusqu'en 2003".

La circulaire précise que les politiques de l'Etat seraient traduites par une action territoriale, cette action devant permettre d'accompagner les dynamiques de projets en proposant un mode d'action du territoire plus efficace, en intensifiant la mobilisation des initiatives locales et en renforçant la cohésion de l'action publique.

Elle souligne, notamment, qu'il importera "de préserver dans le volet territorial, (...) pour la durée du contrat, des financements suffisamment importants pour permettre à l'Etat de participer aux contrats de pays, d'agglomération et aux chartes de parc naturel régional".

Dans les deux premières années, certaines lignes pourront être utilisées à des actions communes, même si elles ne sont pas délimitées dans le contrat du futur territoire et même si d'ailleurs celui-ci n'est pas encore constitué. Grâce à ce volet territorial, on peut réserver des crédits qui permettent peu à peu la constitution de cette mécanique.

Dès 2001, année à partir de laquelle des contrats de pays seront signés, des crédits seront réservés pour ces politiques territoriales qui concernent trois secteurs, le développement économique, la solidarité et les services publics et l'aménagement durable du territoire.

La circulaire précise encore que "certaines actions pourront relever de lignes budgétaires non contractualisées dans le contrat de plan Etat-région" : il existe une part contractualisée, le volet territorial des contrats de plan, et l'on peut aussi avoir recours pour ces politiques, à des lignes budgétaires non contractualisées ayant déjà fait l'objet d'un arbitrage et qui devraient être officialisées par l'ensemble des ministères.

Il va sans dire que, a contrario, certaines politiques sont exclues de la territorialisation, comme celles, par exemple, des infrastructures de transport, des réseaux interurbains, de grands équipements universitaires, soit près de 40 % des enveloppes régionales attribuées au titre du contrat de plan.

D'autres lignes au contraire ont particulièrement vocation à animer cette politique de territorialisation, comme les lignes concernant la politique de la ville et les lignes du FNADT.

Chaque ministère a donc identifié les lignes budgétaires dont il pouvait donner l'usage -complet ou partiel- aux préfets de région. C'est ainsi que, pour n'en citer qu'un, le ministère de l'agriculture a identifié dix lignes, parmi lesquelles, à titre d'exemple, "installation d'agriculteurs et développement d'emplois salariés", "développement des activités de montagne et zones défavorisées", "diversification et développement local".

c) La convention d'application

Le décret sur les pays devrait prévoir la nécessité de construire, entre l'Etat et la région, les deux signataires du contrat de plan, une convention d'application qui serait une annexe permettant d'expliciter les règles du jeu que se donnent les deux partenaires pour la mise en _uvre de cette politique.

Ce texte est d'autant plus indispensable que les situations sont extrêmement diverses selon les régions. Il ne faut pas arrêter une norme nationale pour le volet territorial du contrat de plan, mais au contraire prendre appui sur la réalité locale, afin de s'adapter aux caractéristiques géographiques, historiques et économiques des territoires, et essayer de disposer d'un document d'application qui permettrait aux différents acteurs de voir les règles du jeu explicitées, afin de faciliter la mise en _uvre de cette politique.

2. La mise en _uvre du volet territorial du contrat de plan

La région Basse-Normandie a distingué dans son contrat de plan, d'une part, les opérations à caractère structurant dont l'impact est régional et, d'autre part, les opérations dont la résonance est plus locale, afin de déterminer la part réservée à l'approche sectorielle et celle réservée à l'approche territoriale.

Ce volet territorial sert à exprimer la solidarité entre les territoires de la région et favoriser un meilleur équilibre économique et social. Les interventions de l'Etat et de la région seront subordonnées à l'existence d'une stratégie cohérente au niveau territorial. Les financements se répartiront en fonction des compétences de chacun et dans le cadre d'une concertation.

Pour chacun des trois objectifs du contrat, les actions qui entrent dans le volet territorial ont été délimitées et sont marquées d'un logo spécifique. L'essentiel des actions devrait être financé dans le cadre des contrats, contrats de pays, contrats d'agglomération, mais il n'a pas été prévu une procédure exclusivement contractuelle, afin de pouvoir intervenir ultérieurement, en fonction de l'évolution.

A titre d'exemple, pour le premier objectif, le développement économique, il est prévu de territorialiser, au moins partiellement, entre autres actions, le développement des technologies de l'information et de la communication, l'installation des jeunes agriculteurs et l'encouragement à l'agriculture biologique, la formation dans le domaine maritime ainsi que le tourisme. Pour le deuxième objectif, l'aménagement du territoire, citons, entre autres, la déviation Est de Cherbourg, la liaison ferrée Lisieux-Caen-Bayeux et Saint-Lô, et le volet portuaire. Pour le troisième objectif, à savoir le développement de la qualité du cadre de vie et de la solidarité, ont été retenus les programmes de maîtrise de pollutions d'origine agricole, les réseaux culturels, le développement des pratiques sportives et de loisir, des actions en matière de logement et l'ensemble des actions relatives à la politique de la ville.

D'autres régions ont un volet territorial significatif dans leur contrat de plan. Parmi ceux dont votre rapporteur a pu disposer, figure celui de l'Alsace, qui a pour objectifs le développement des territoires, le renforcement de la cohésion sociale, le développement de la politique culturelle et la connaissance des territoires. Seront en particulier territorialisées les actions relatives au Massif vosgien, à la potasse et au Grand Est.

Au volet territorial du contrat de plan de la Picardie, figurent en particulier des crédits relatifs aux contrats de ville et contrats régionaux d'agglomération, à l'aménagement et au développement du territoire (pays et agglomérations), à l'enseignement supérieur et à la recherche (réhabilitation, extension, vie étudiante), à l'agriculture (maintien des pollutions d'origine animale), et à la culture (rénovation ou construction de musées).

Dans le contrat de plan de la Bourgogne, le volet territorial comporte notamment des crédits qui seront affectés aux actions d'accompagnement des projets de territoire, aux routes en milieu urbain, à diverses dessertes ferroviaires, au patrimoine et aux musées.

3. Les questions à résoudre

La mise en place de cette politique soulève plusieurs questions, d'autant que les démarches sont différentes d'une région à l'autre.

a) Est-il souhaitable d'individualiser les lignes budgétaires dès l'origine de la procédure ?

Certaines régions ont choisi de définir d'abord le cadre des lignes contractuelles et de laisser ensuite les projets mûrir sur le terrain. D'autres régions ont proposé une démarche différente, c'est-à-dire de partir des projets contractualisables pour déterminer les lignes les plus importantes dans le volet territorial des contrats de plan.

La première optique a pour avantage de donner des règles du jeu claires et simples aux acteurs locaux. Il est vrai que, pour la mise en _uvre des fonds européens, dans le passé, l'insuffisante clarification des règles du jeu avait suscité des difficultés.

Mais elle comporte plusieurs risques. Le premier est de définir les projets en fonction des moyens financiers disponibles et de rétablir une logique de guichet, alors qu'il est souhaitable de privilégier la responsabilité des territoires émergents par rapport à une vision régionaliste ou étatique de la mise en place des territoires. Il n'en demeure pas moins que ce sont tout de même les acteurs qui feront que ce contrat aura réellement porté tous ses fruits.

La question qui se pose également est de savoir si les lignes budgétaires peuvent être individualisées avant que les conventions d'application ne soient signées. Là encore, les solutions divergent selon les régions, certaines estimant que la convention d'application est un préalable.

b) Est-ce facile à faire ?

Il est, en général, par nature, relativement facile de financer des opérations groupées dans le cadre d'une démarche territoriale. Il en est ainsi notamment pour les opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, des opérations programmées de l'amélioration de l'habitat et des actions allant dans le sens des plates-formes d'initiative locale, alors que cela est beaucoup plus difficile en matière d'aides individuelles aux industries, aux PME.

On constate à cet égard un certain nombre d'évolutions positives, dans la mesure où les contrats de plan comptent surtout des opérations groupées ou des démarches qui s'inscrivent dans une logique de projet territorial.

c) La lecture des contrats de plan est parfois difficile

Comme on l'a vu précédemment, du fait de la propension de certaines régions à poursuivre et financer leur propre politique territoriale en dehors des contrats de plan et d'apporter parallèlement leur participation financière à ces contrats, ces derniers deviennent difficiles à déchiffrer. Il en résulte qu'il est parfois malaisé de faire la part des deux types d'actions et des crédits figurant réellement au volet territorial du contrat de plan Etat-régions. Cette confusion rend donc difficile la comparaison d'une région à l'autre et rendra également délicate ultérieurement l'examen de l'évolution de la politique territoriale dans la même région.

De la même façon, certaines régions indiquent que leurs actions traditionnelles seront partiellement intégrées dans les contrats de ville, si bien qu'il s'agit d'un habillage d'une politique qui est, en fait, la politique régionale territorialisée hors contrat.

Dans d'autres régions, au contraire, une politique différente, et plus conforme à l'exprit de la loi, est menée, et il n'est pas envisagé de contractualisation séparée Etat-territoire ou région-territoire.

d) Le rythme de mise en _uvre des contrats de plan

Plusieurs écueils sont à éviter.

Le risque est important qu'il existe des rythmes différents dans l'exécution des contrats : une certaine vitesse jusqu'en 2003, puis une autre ensuite, qui serait fonction de la capacité qu'auront les pays et les agglomérations à se projeter dans l'avenir et à imaginer la réalisation de leurs projets. Le risque extrême est celui du gel en attendant 2003.

Ce retard serait d'autant plus fâcheux que l'année 2003 coïncide avec la période de l'examen de notre performance par la Commission européenne, qui décidera de la mise en place de la réserve de 4 % de la dotation des fonds structurels.

Parallèlement, on peut craindre, surtout dans le cas où les lignes budgétaires du volet territorial sont individualisées dès le début de la procédure, l'apparition d'un effet d'aubaine, l'instauration d'un droit de tirage ouvert sur les premiers projets, uniquement parce qu'ils sont les premiers et l'application trop systématique de la règle "premier arrivé, premier servi", alors même que la démarche d'élaboration n'aurait pas été suffisamment mûrie pour déboucher sur un vrai projet.

Il faudra sûrement, dans nombre de régions, accélérer dans les premières années la mise en _uvre de la territorialisation, en incitant les acteurs locaux à ne pas attendre la date butoir de 2003 pour proposer leur projet, étant donné qu'il sera d'autant plus difficile au-delà de pouvoir répondre à toutes les demandes.

Afin de parer au risque "premier arrivé, premier servi", il est envisagé, dans certaines régions, une concertation entre l'Etat et la région pour établir des critères d'appréciation afin de mesurer l'aide qui est accordée au fur et à mesure dans le cadre des contrats de pays et d'agglomération et d'éviter que les crédits inscrits au volet territorial ne soient immédiatement dépensés.

Au sein d'autres régions, il est prévu de dresser un bilan du contrat de plan en 2003, qui permettra, éventuellement, de redéployer une nouvelle vague d'actions sur des pays qui n'étaient pas prêts auparavant.

Il serait aussi souhaitable, pour permettre une mise en _uvre des contrats de plan à un rythme le plus régulier possible, de trouver des modalités de contractualisation sur des objectifs qui feront peu à peu l'objet d'une déclinaison plus fine au fur et à mesure de l'avancement du projet, car on ne peut pas, dès à présent, contractualiser pour les sept années à venir sur un programme d'opérations fouillées, définies et précises.

e) La modulation, encouragement à la contractualisation

Il est essentiel que les différentes politiques territoriales puissent faire l'objet de modulation, de façon à encourager la contractualisation. Cet avantage peut prendre des formes diverses, soit une bonification, c'est-à-dire un meilleur taux de financement, soit l'élargissement de l'assiette sur laquelle est calculée la subvention, soit, pour certains types d'opérations, de transferts de maîtrise d'ouvrage avec récupération de TVA, tout en veillant à ne pas déroger aux règles communautaires de la concurrence.

Des essais en ce sens existent déjà ; des régions accordent une prime pour le financement des équipements intercommunaux afin d'encourager le regroupement. En outre, quant les acteurs d'un territoire ont travaillé ensemble, certains déterminent des enveloppes pour ce territoire, en fonction du potentiel fiscal et de la population. Il est indispensable de continuer à réfléchir aux différentes modalités possibles de cet encouragement.

f) Le document de mise en _uvre et le suivi du contrat de plan Etat-région

Il est souhaitable que les deux partenaires du contrat de plan préparent un document de mise en _uvre de ce volet territorial.

Dans un des cas examinés par le rapporteur (Basse-Normandie), ce document prévoit la constitution d'un comité régional de suivi (qui sera peut-être au niveau de la commission régionale d'aménagement durable du territoire) et un comité de pilotage entre l'Etat et la région, auquel seront associés les conseils généraux afin de mettre au point les modalités d'examen des projets qui seront présentés et les décisions relatives aux financements nécessaires.

Dans une autre région (Nord-Pas-de-Calais), il a été créé un groupe technique des territoires, qui traitera à la fois des problèmes de pays, d'agglomération et de ville, dont le pilotage est confié au directeur général de l'équipement, et comportant des représentants du conseil régional. Après la signature du contrat de plan, un comité de pilotage unique traitera à la fois des politiques de pays et d'agglomération.

Il est d'ailleurs fondamental que le document soit annuel, afin de mieux apprécier le développement de la territorialisation et les difficultés rencontrées. Dans l'une des régions citée ci-dessus, il est même prévu une réunion semestrielle du comité d'évaluation et de suivi afin d'apporter les corrections nécessaires.

Dans une autre (Champagne-Ardenne), un bilan du contrat de plan sera effectué en 2003 et il est envisagé de réajuster le volet territorial en fonction de l'état de développement des pays.

Dans une autre encore (Alsace), le volet territorial comporte des crédits destinés à la mise en place de divers observatoires (de la ville, de la culture, des transports, du tourisme) afin d'améliorer la connaissance des territoires.

A moyen terme, il sera en outre utile d'évaluer s'il n'existe pas des incohérences voire des contradictions entre les actions résultant du volet territorial du contrat de plan et les dispositions des schémas collectifs ou le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire.

III - QUELQUES EXEMPLES AU "POINT ZÉRO"

Il n'est évidemment pas question ici de citer des réalisations pour les donner en exemple et indiquer qu'il faut s'en inspirer, d'autant moins que chaque démarche est particulière. Le propos est plutôt de considérer que l'on se trouve actuellement après le vote de la loi, au démarrage de la démarche de territorialisation, au "point zéro". Certes, des expériences nombreuses avaient déjà été mises en _uvre avant la loi, des pays avaient été créés ou ébauchés, mais ce n'est qu'avec les contrats de plan Etat-région, actuellement en cours de signature, que la problématique prend tout son sens.

Il est donc intéressant de choisir quelques pays ou agglomérations en cours d'élaboration, d'essayer de faire le point sur les avancées, mais aussi sur les difficultés rencontrées, d'en dresser un premier bilan, qui pourrait être confronté à un bilan ultérieur, ce qui permettrait de retracer leur évolution.

A - L'AGGLOMÉRATION ET LE PAYS DE RENNES

1. Un district déjà ancien

Dès 1983, le district de Rennes élaborait son premier plan de développement, sous l'égide du comité de développement économique et social pour l'aménagement du bassin d'emploi de Rennes (CODESPAR), qui réunit les élus et les partenaires sociaux (entreprises et syndicats) d'une aire géographique rassemblant 123 communes autour de Rennes. Ce plan était déjà pris en compte dans la négociation du contrat de plan régional. Cet exercice s'est renouvelé à chaque génération de contrat de plan.

Le quatrième plan de développement a été préparé en 1998 et 1999, l'objectif étant d'en faire le document préparatoire au futur contrat d'agglomération.

La taxe professionnelle d'agglomération a été mise en place en 1993. Rennes était le premier groupement et longtemps le seul à avoir adopté ce système. Le produit en est reparti en trois parts. La première, appelée "attribution de compensation" restitue aux communes, comme le veut la loi, leurs recettes de taxe professionnelle de l'année précédant l'application du dispositif (soit 1992). Une deuxième part alimente le budget propre du district. Une troisième part, la "dotation de solidarité communautaire" réduit les écarts de richesse entre les communes. Ce mécanisme s'est avéré efficace, dans la mesure où les écarts de richesse dus aux recettes de taxe professionnelle sont passés, dès les trois premières années, de 1 à 67 à 1 à 9.

2. L'agglomération

Le quatrième plan de développement a défini les enjeux du futur contrat d'agglomération : il se propose de faire de Rennes une métropole contribuant à l'internationalisation de la Bretagne, en assurant un développement durable et solidaire au bénéfice de l'ensemble de la population.

Le contrat d'agglomération devrait traiter des enjeux propres aux métropoles (universités, activités de hautes technologie, culture), de la qualité urbaine (déplacements, ceinture verte) et de la cohésion sociale de l'agglomération grâce au contrat de ville, signé en février 2000.

Rennes Métropole est prête à signer son contrat d'agglomération.

3. La constitution d'un pays

La loi du 25 juin 1999 a prévu que le ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des aires urbaines de plus de 50 000 habitants pouvaient élaborer un projet d'agglomération.

A Rennes, l'aire urbaine est composée d'une centaine de communes. Or, l'organisation d'un EPCI regroupant un aussi grand nombre de communes est complexe : les EPCI existants atteignent en général au maximum 30 à 40 communes. La communauté d'agglomération Rennes Métropole comporte 36 communes. Dans la quasi-totalité des agglomérations, le périmètre de l'EPCI est bien inférieur à celui de l'aire urbaine.

La loi du 25 juin 1999 a offert la possibilité de créer des pays englobant une agglomération qui correspond au périmètre de l'EPCI et une couronne péri-urbaine plus lointaine regroupant les autres communes de l'aire urbaine.

Le pays de Rennes a été créé en novembre 1999 ; il compte 67 communes, regroupées dans 5 EPCI, dont Rennes Métropole. Sa taille est inférieure à l'aire urbaine, car certains des EPCI en faisant partie ont choisi d'appartenir à d'autres pays ou n'ont pas encore pris de décision.

Il s'est donné deux ans pour élaborer une charte de développement. Il a pris actuellement la forme d'une association régie par la loi de 1901 ; pour contractualiser, il devra choisir entre le groupement d'intérêt public ou un syndicat mixte. L'agence d'urbanisme et de développement intercommunal de l'agglomération rennaise (AUDIAR) est chargée de l'élaboration de la charte. Les EPCI périphériques ont recruté un agent chargé de travailler avec l'AUDIAR et de représenter leur sensibilité au sein du pays.

Le contrat de pays devrait porter sur la consolidation de pôles secondaires, le maillage des équipements culturels et sportifs, le commerce, les déplacements, la répartition de l'habitat et des populations, la préservation des espaces naturels et le maintien et le développement des activités concourant à la vie de l'ensemble des communes du pays.

Au total, le pays compte 419 559 habitants dont :

- communauté d'agglomération : 364 652 habitants

- Pays d'Aubigné : 9 898 "

- Val d'Ille : 15 280 "

- Châteaugiron : 14 241 "

- Pays de Lisseré : 13 166 "

A ces chiffres, s'ajoute une commune isolée.

4. Le conseil de développement

Un conseil de développement unique sera compétent à la fois pour le pays et pour l'agglomération, compte tenu de l'imbrication des problèmes des deux entités, ce qui permettra une meilleure cohérence entre les deux contrats. C'est le CODESPAR, comité de bassin reconnu de longue date, qui assumera ce rôle. Un collège associatif vient d'être ajouté à ses membres initiaux, afin d'être en conformité avec la loi. Il faut souligner qu'il a la particularité d'avoir un territoire élargi par rapport à celui du pays de Rennes, ce qui permettra des échanges plus riches avec les pays voisins.

B - LE PAYS DE LANGRES

1. Une émergence progressive

Le territoire du pays de Langres s'est constitué progressivement, sur des bases géographiques, historiques et culturelles, à la suite de l'apparition des premières intercommunalités. La nécessité de la création d'un pays résulte de deux évolutions : d'une part, l'existence séculaire de Langres et du territoire qui se rapporte à cette ville, le sud du département de la Haute-Marne et d'autre part, la naissance, très récente, des structures intercommunales, puis d'une démarche de développement local menée dans le cadre du programme européen Leader, dont le terme était le 31 décembre 1999.

Un effort important a été engagé pour faire aboutir le maximum de projets en deux ans, ce qui a nécessité une mobilisation de tous les acteurs.

Il était donc logique de rechercher un cadre territorial plus vaste que l'intercommunalité de base, afin de permettre, à l'échelle du pays, une définition de stratégies de développement basées sur la complémentarité des richesses et des compétences, sur une solidarité de proximité et sur la mise en _uvre de projets transversaux susceptibles de mobiliser l'ensemble des acteurs concernés.

Le pays de Langres bénéficie de nombreux atouts, parmi lesquels une situation géographique au carrefour de trois régions (Champagne-Ardenne, Lorraine, Bourgogne), un réseau de voies de communication nord-sud (autoroutes et voie ferrée entre l'Europe du nord et la Méditerranée, et est-ouest (voie ferrée et future autoroute Paris-Bâle), une ville moyenne, chef lieu d'arrondissement, dotée d'équipements nombreux et d'un patrimoine monumental remarquable. Il convient de souligner également l'existence d'un patrimoine naturel riche, qui constitue une ressource économique et touristique non négligeable, d'un dynamisme associatif et culturel déjà important et d'équipes de techniciens du développement pluridisciplinaires.

Ces nombreux atouts ont été valorisés et développés dans le cadre du programme Leader II. Les acquis résultant de cet apport extérieur doivent donc logiquement être pérennisés par une dynamique endogène.

2. Les objectifs et le programme du pays de Langres

Le pays a pour objectif de ne pas se disperser sur une multiplicité de pistes, mais d'adopter une stratégie claire. Il affirme vouloir respecter le principe de subsidiarité : les communes gèrent, sur leur territoire, les équipements de base et les services de proximité et sont maîtres d'ouvrage des programmes qui les concernent dans ce cadre. Les structures intercommunales assurent la conception et la maîtrise d'ouvrage des actions menées sur leur territoire, selon les compétences dont elles se sont dotées, que ce soit ou non dans le cadre du pays. A leurs compétences s'ajoute l'action culturelle.

Enfin, le pays de Langres assure la programmation et la mise sur pied des actions qui concernent le pays dans les secteurs prioritaires qu'il s'est fixé et négocie leur financement. Le pays articule ses programmes avec ceux du département et de la région et intervient dans la préparation et la négociation des contrats de plan. Dans certains cas, le pays pourra être directement maître d'ouvrage.

Parmi ses priorités figure le développement culturel ; il propose notamment à l'Etat de signer une convention de développement culturel de pays et soutient la constitution d'un réseau culturel du pays de Langres, c'est-à-dire d'une structure semi-publique de coordination et d'assistance technique professionnelle. Ses objectifs stratégiques dans ce domaine sont de favoriser l'expression et la créativité de la population, d'équilibrer l'offre culturelle entre le milieu urbain et le milieu rural et de renforcer l'image du pays auprès des résidents et des visiteurs.

Par ailleurs, le pays mettra l'accent sur le développement économique, afin de soutenir le tissu existant, d'établir des liens avec le nord du département et la zone économique de Dijon, de favoriser l'initiative locale, en particulier la micro-entreprise, et d'offrir une formation adaptée à l'emploi et à l'insertion. Le développement du tourisme est une des actions majeures du pays, avec un projet important, le centre européen de cynégétique.

Ces priorités ne pourront réellement se réaliser que si le pays parvient à créer une identité et une image commune, dans l'esprit des habitants, des partenaires, des visiteurs, et des investisseurs. C'est pourquoi il entend élaborer un plan local de l'habitat sur l'ensemble du pays, obtenir la création d'une mission locale rurale, pour couvrir l'ensemble du territoire de façon décentralisée, organiser un système de communication et aider la population à participer à une démarche de pays en la tenant informée et en assurant des relations interactives entre le citoyen, le technicien et l'élu. Chaque année, des "assises de pays" permettront de faire le bilan, d'évaluer, de recueillir des idées et de mobiliser la population.

Il faut remarquer que la plupart de ces thèmes d'action - développement économique, insertion, services aux personnes, culture, identité communautaire et développement touristique - figuraient déjà dans le programme Leader II, qui a représenté un financement de 3,9 millions de francs.

3. La délimitation du territoire

Le pays de Langres recouvre à peu près le territoire de l'arrondissement, c'est-à-dire celui des trois groupes d'action locale (GAL) du programme Leader II. Il se compose de dix cantons 1. Cet ensemble peut être considéré comme le noyau dur fondateur. La dynamique de pays devra poursuivre le rééquilibrage entre les différents éléments de ce territoire, autour du pôle de la ville de Langres (cf. carte en annexe).

Depuis quelques années, huit établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre se sont constitués, auxquels adhèrent la majorité des communes des dix cantons. Ils se composent de cinq communautés de communes et de trois districts. Il s'y ajoute un SIVOM et une commune fusionnée. Enfin, un syndicat mixte (Les Quatre Lacs) assure une part importante de la promotion et de la programmation touristique du territoire. Une réflexion a été menée sur la taille de ces EPCI.

Les trois associations de développement créées dans le cadre du programme Leader II ont acquis une solide expérience du développement, disposent de techniciens bien implantés et bénéficiant d'une notoriété réelle : il s'agit de l'ADECAPLAN, à l'ouest et au sud, de l'Association de développement de la région de Langres (ADRL) au centre et au nord, et du Pays d'eau et d'osier, à l'est.

Ce territoire possède des liens importants, géographiques, historiques et humains, avec les territoires voisins (Chaumont ; les Vosges, le nord de la Côte d'Or).

Il faut en outre souligner que le pays ainsi défini souhaite rester ouvert et accueillant à d'autres adhésions.

D'après le recensement de 1999, la population du pays est répartie de la façon suivante :

- CC de l'Etoile de Langres 13 810 habitants

- CC du Pays d'Amance 2 150 "

- CC du Pays de Vannier 2 999 "

- CC du Pays de Chalindrey 5 266  "

- District de la Ferté-sur-Amance 1 531  "

- CC de la Vingeanne 2 635  "

- District des Quatres Vallées 1 585  "

- CC de Prauthay-en-Montsaugeonnais 3 251  "

- Commune de Val-de-Meuse 2 211  "

- CC de la Vallée de la Suize 917  "

- SIVOM de Bourbonne-les-Bains 3 983  "

- Communes isolées 1 487  "

CC : communauté de communes

SIVOM : syndicat intercommunal à vocation multiple

4. Les structures

L'Association de préfiguration du pays de Langres a été constituée en octobre dernier. Il s'agit d'une association régie par la loi de 1901, chargée d'élaborer et de mettre en _uvre une charte de pays.

Elle est composée :

- de plusieurs EPCI à fiscalité propre,

- d'un SIVOM,

- d'une commune fusionnée,

- de communes isolées (hors des structures énumérées précédemment),

- des maires des communes adhérentes aux EPCI eux-mêmes adhérents à l'Association,

- des personnes morales qui constituent le conseil de développement,

- de membres de droit (le préfet de la Haute-Marne ou son représentant, le président du conseil régional Champagne-Ardenne ou son représentant, le président du conseil général de la Haute-Marne ou son représentant),

- les conseillers généraux de la zone concernée et trois conseillers régionaux nommés par le président du conseil régional.

Les statuts de l'Association prévoient que les personnes morales impliquées sur le territoire (associations, chambres consulaires, entreprises) peuvent y adhérer. L'ensemble de ces adhérents forment le conseil de développement qui donne son avis sur chaque projet élaboré par le pays et propose également des actions qui sont avalisées par le conseil d'administration de l'association.

C - LE PAYS DU VAL DE LORRAINE

1. Un pays déjà ancien

Le pays du Val de Lorraine, en Meurthe-et-Moselle, est un pays constaté au titre de la loi du 4 février 1995 par la commission départementale de coopération intercommunale. Il en existe deux autres du même type dans le département.

Une Association de développement des vallées de la Meurthe et de la Moselle (ADVMM) a été créée en 1989, sous l'impulsion de M. Jacques Chérèque. Elle regroupe 43 communes, comptant elles-mêmes à l'époque 80 000 habitants au total. Parmi celles-ci, on dénombre 22 communes de 500 habitants, plusieurs villes de 5 000, 7 000 ou 8 000 habitants qui sont des communes industrielles, ainsi que la ville de Pont-à-Mousson (14 000 habitants). L'ensemble de ces communes se trouve dans de grands bassins industriels sidérurgiques, dont l'une des usines majeures a disparu dans la restructuration de 1985.

Les 22 communes rurales ont fait l'objet de politiques de rénovation du patrimoine qui les fédéraient et l'Association a signé avec le conseil général et le conseil régional des conventions, appelées programmes de coopération intercommunale sur les communes rurales.

Quant aux communes de 5 000 à 8 000 habitants, ce sont les dispositions de la politique de la ville qui s'appliquent. Il s'agit d'anciennes communes ouvrières, désormais en pleine recomposition, mais qui ont encore des quartiers ouvriers, de mineurs et de sidérurgistes.

Cette Association est dotée d'un conseil d'administration tripartite, composé de vingt deux élus, onze chefs d'entreprise et onze représentants d'associations qui ont une importance à l'échelle du territoire. Ce conseil d'administration a créé un bureau, relevant également de la loi de 1901, qui compte six élus et trois chefs d'entreprise.

Depuis dix ans, chaque commune contribue au financement d'une agence de développement et d'urbanisme.

Il n'y avait à l'origine pratiquement pas d'établissement public de coopération intercommunale. La loi de 1992 a favorisé l'émergence de communautés de communes dont la plus importante, constituée en 1995, avec une taxe professionnelle unique, compte 35 000 habitants et est passée du désastre sidérurgique à une dynamique de redéveloppement.

Cette communauté de communes a maintenant des moyens financiers satisfaisants. On remarque toutefois quelques difficultés : les communes qui la composent hésitent à leur déléguer leurs compétences et se trouvent mieux, de ce fait, dans la dynamique du pays.

Grâce à une équipe technique pluridisciplinaire, l'ADVMM a pu, en tenant compte des besoins et des volontés des acteurs locaux, bâtir une stratégie de développement et mener à bien de multiples projets publics et privés. En 1998, l'Association a mobilisé plus de 10 millions de francs pour accompagner près de 300 projets (réouverture de commerces en milieu rural, location de bâtiments d'accueil d'entreprise, opérations d'embellissement des villages, requalification des territoires pour accueillir des activités nouvelles, réinsertion professionnelle de publics en grande difficulté, animation du dispositif emplois-jeunes, coordination des interventions périscolaires...).

La préoccupation du pays est désormais de contractualiser avec l'Etat et la région.

2. La contractualisation à l'étude

Le pays passe à une étape différente. Son institutionnalisation et la mise en _uvre d'un futur contrat de pays obligent à une rigueur et à une concertation accrues. L'enjeu sera d'associer plus de personnes à sa construction, et grâce à une démarche d'évaluation, de modifier, le cas échéant, les actions engagées.

Plusieurs étapes devront être franchies.

Afin de préparer la signature d'un contrat de pays pour la période 2000-2006, l'association anime, depuis septembre 1998, un travail collectif de réflexion, ouvert à tous les acteurs du Val de Lorraine, ainsi qu'à leurs partenaires administratifs et institutionnels. Des commissions créées au sein de l'ADVMM, au nombre de 23, ont émis de nombreuses propositions concernant leurs objectifs et leurs projets.

Les enjeux liés au devenir du Val de Lorraine sont à la fois régionaux et locaux.

Les enjeux sont régionaux, car le Val de Lorraine est un des lieux où se joue la cohésion de la région Lorraine. Il est notamment au centre des réseaux de transport qui relient la Lorraine du nord au sud, ce qui lui permet d'assumer un rôle de "vitrine régionale" et de présenter une image attractive de la région. Le Val de Lorraine est en outre un espace d'équilibre entre Nancy et Metz, ouvrant sur le parc naturel régional adjacent. Il est aussi un espace de cohésion économique, où doit être favorisé le développement des relations entre les entreprises et les centres de recherche de Nancy et Metz.

Parallèlement à ces enjeux régionaux, le Val de Lorraine doit aussi relever des défis locaux. Le pays est caractérisé par une grande cohésion, du fait de l'appartenance à une même vallée et à une même culture industrielle. Mais il est aussi composé de sous-ensembles aux caractéristiques très différentes.

C'est ainsi que l'on rencontre trois types de zones urbaines entre lesquelles se tissent des relations complexes : le pôle urbain de Pont-à-Mousson, avec un bassin rural relativement étendu ; l'agglomération du Bassin de Pompey, à la charnière entre la communauté urbaine de Nancy et le pays, et deux villes secondaires, dont les activités industrielles ont tendance à décliner.

Quant au développement économique, il s'opère aujourd'hui de façon inégale, le Bassin de Pompey bénéficiant des retombées d'une politique de reconversion très vigoureuse, alors que la cohésion sociale du pays est mise à l'épreuve dans certaines villes où se concentrent habitat social et habitat ancien dégradé et où l'on observe des taux de chômage élevés.

Afin de contrecarrer ces facteurs de déséquilibre, le Val de Lorraine s'est doté, pour contracter avec l'Etat et la région, d'un projet comportant quatre axes :

- politique de développement pour l'emploi,

- politique de l'environnement, de la gestion durable de l'espace et du cadre de vie,

- politique de la vie quotidienne, de l'habitat, des services et des transports,

- politique d'animation du pays, de la communication et de la participation des citoyens.

Outre la définition d'un programme, des adaptations institutionnelles devront être réalisées. Le conseil d'administration doit devenir conseil de développement, et l'association doit céder la place à un groupement d'intérêt public. Le pays est donc actuellement en pleine mutation.

D - LA SPÉCIFICITÉ DE L'ILE-DE-FRANCE

Il a paru indispensable à votre Rapporteur de faire le point sur la région d'Ile-de-France qui, du fait de sa spécificité, se coule mal dans le moule des lois actuelles, en particulier la loi du 25 juin 1999.

1. Une évolution spécifique

Les raisons de sa spécificité sont évidentes. Elle se caractérise par la présence d'une grande métropole mondiale, une taille réduite au regard de sa population, elle même très importante (11 millions d'habitants) par rapport à la population nationale, et de son rôle éminemment central, ne serait-ce qu'en matière de réseaux de transport (ferrés et routiers).

Cette région est marquée par une évolution et une politique spécifiques. On constate, depuis les années 60, un phénomène continu de desserrement de Paris, avec l'émergence de "pôles restructurateurs de banlieue" (la Défense, Créteil, Bobigny), de villes nouvelles, au nombre de cinq, et l'élaboration d'un "schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme" (SDAURIF) en 1965, révisé en 1976, rebaptisé ensuite schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), avec lequel doivent être compatibles les documents d'urbanisme locaux.

La décentralisation de 1982 a été marquée, en Ile-de-France, par la poursuite de l'émergence des cinq villes nouvelles sur un périmètre intercommunal, avec la création d'établissements publics d'aménagement, et l'existence d'un pôle important, le quartier de la Défense, géré directement par l'Etat, afin de remédier au déséquilibre ouest-est.

Les 1281 communes de la région ont connu, depuis les quinze dernières années, d'importantes différences de développement, ce qui a conduit à des révisions partielles du SDRIF et à l'incitation, par l'Etat, à des réflexions d'aménagement pluri-communales, grâce à la constitution de syndicats intercommunaux d'études et de programmation (SIEP) chargés des projets de schémas directeurs locaux (SDL).

Un nouveau SDRIF, adopté par décret du 26 avril en 1994, afin de remédier aux déséquilibres persistants, a défini une série de sites stratégiques, parmi lesquels les cinq villes nouvelles et la Défense, ainsi que de nouveaux pôles (Roissy, Plaine Saint-Denis, Seine amont, Seine aval, Massy- Saclay-Orly, Boulogne, Genevilliers, le Bourget) dont les périmètres sont informels et qui sont ou des pôles d'excellence ou des zones de reconversion industrielle. Un contrat interrégional du grand Bassin parisien a été mis en _uvre en 1994.

En raison de ces efforts déjà anciens, l'Ile-de-France bénéficie d'équipes d'ingeniérie confirmées, au sein de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile de France (IAURIF) pour la région et des établissements publics administratifs et des missions de pôles stratégiques, pour l'Etat.

Il faut préserver le rayonnement de Paris, mais aussi lutter contre les nuisances existant dans le reste de la région. En effet, de fortes disparités et une réelle fracture sociale s'aggravent au sein de l'Ile-de-France, si bien qu'une politique territoriale se révèle indispensable pour y remédier.

2. Une politique territoriale différente

Le contrat de plan Etat région 2000-2006 comprend un volet territorial comportant quatre parties :

- les politiques de la ville et la requalification urbaine

- les territoires prioritaires (dix territoires ont été retenus)

- le soutien aux dynamiques territoriales

- la coopération interrégionale

Malgré l'existence de ce volet, de nombreuses questions restent posées.

a) Le schéma directeur de la région Ile-de-France

Le SDRIF est un document spécifique à l'Ile-de-France. Il tient lieu, en vertu de la loi du 4 février 1995, de schéma régional de l'aménagement et du développement du territoire (SRADT), mais diffère des autres schémas régionaux. Il est élaboré par la région ou en association avec l'Etat, à l'initiative soit de la région, soit de l'Etat, alors que les autres sont élaborés par le conseil régional. Le SDRIF est le seul schéma régional (avec celui de Corse et de deux DOM) à être de nature prescriptive, puisqu'il est précisé par la loi du 4 février 1995 qu'il a les mêmes effets juridiques que les directives territoriales d'aménagement avec lesquelles il doit être compatible, lorsqu'elles s'appliquent sur tout ou partie du territoire régional. Les autres SRADT restent des documents indicatifs.

L'objectif du SDRIF, dans la loi du 25 juin 1999, est de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l'utilisation de l'espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région. Il précise les moyens à mettre en _uvre pour corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, coordonner l'offre de déplacement et préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable.

Si les buts sont précisés, les textes restent néanmoins ambigus sur la nature du SDRIF. Celui-ci tient lieu de SRADT, mais il n'est pas précisé s'il vaut plan régional.

Il faut toutefois reconnaître que, malgré ces difficultés, il existe une véritable cohérence entre le SDRIF et le contrat de plan Etat-région (croissance raisonnée, rééquilibrage, mixité, sites stratégiques) du fait de l'existence déjà ancienne du SDRIF, largement préalable à celle du contrat de plan.

b) Les agglomérations et les pays

Il n'existe aucune agglomération en Ile-de-France au sens de la loi du 25 juin 1999, à moins qu'on ne considère que toute la région ne soit une agglomération.

La loi du 12 juillet 1999 est également difficile à appliquer pour les mêmes raisons, les seuils n'étant pas pertinents. Elle n'a suscité que trois communautés d'agglomération et quatre communautés de communes.

La notion de communauté d'agglomération s'adapte difficilement à cette région où l'aire urbaine principale correspond à la zone agglomérée centrale (400 communes, 9 millions d'habitants). L'intercommunalité a été jusqu'à présent faible dans cette région. Certes, le financement des opérations d'équipement intercommunal était assuré par le biais de contrats régionaux ou de contrats ruraux. Mais, de façon générale, l'émiettement communal très marqué constitue un handicap croissant au regard d'autres métropoles européennes. Les disparités locales de ressources et de charges freinent l'élaboration de projets d'envergure. Les disparités de taux communaux de la taxe professionnelle ont constitué un problème majeur d'aménagement du territoire et la complexité des mécanismes correctifs les a rendus peu efficaces.

Les inégalités de richesse ont cependant été atténuées par le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France (FSCRIF), institué par la loi du 13 mai 1991. Alimenté par un prélèvement sur les ressources fiscales des communes les plus favorisées, il a pour objectif l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines de la région supportant des charges particulières au regard des besoins sociaux de leur population, sans disposer de ressources fiscales suffisantes. Un montant de 542,6 MF a été réparti en 1998. La même année, 75 communes ont contribué au FSCRIF, qui a bénéficié à 118 communes de plus de 10 000 habitants, et à 12 communes de moins de 10 000 habitants, soit au total 130 communes.

En outre, l'intercommunalité de projets commence à se développer lentement, couvrant essentiellement les villes nouvelles et les zones rurales périphériques. Le tableau en annexe qui fournit la liste des groupements à fiscalité propre en Ile-de-France, donne une idée de cette évolution.

Il n'existe actuellement qu'un pays en cours de constitution, dans le secteur de la Bassée, en Seine-et-Marne, secteur agricole regroupant de petites communes rurales.

On remarque aussi, mais ce problème n'est pas spécifique à l'Ile-de-France, une faible lisibilité de l'action publique compte tenu de la multiplicité des contrats et des intervenants (contrat de plan Etat région, auquel il faut ajouter les avenants départementaux et les conventions interrégionales, les contrats d'entreprises publiques et les zones faisant l'objet d'interventions européennes, l'objectif 2, le programme d'initiative communautaire URBAN, les grands projets de ville, les contrats régionaux et ruraux).

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Au cours de sa séance du mercredi 17 mai 2000, la Délégation a examiné le rapport de M. Jean-Claude Daniel sur le volet territorial des contrats de plan Etat-région.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur, a rappelé qu'il était naturel que le premier thème de réflexion de la Délégation porte sur le volet territorial des contrats de plan, puisque, d'une part, la reconnaissance des pays et des agglomérations et de leur faculté de contractualiser avec l'Etat et la région était un des aspects majeurs de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire du 25 juin 1999, et que d'autre part, la plupart des contrats de plan avaient été signés depuis le début de l'année. Il a précisé que le rapport se proposait notamment de faire le point sur les défis à relever pour faire progresser la territorialisation.

Le rapporteur a indiqué que la définition du projet de territoire était une étape importante dans la mesure où un projet ne devait pas être un catalogue d'actions mais résulter d'un diagnostic et d'une stratégie. Il ne doit en effet pas s'agir d'un exercice formel, dont le but principal serait de mobiliser les crédits publics. Il a précisé ensuite qu'il n'existait pas de projet viable sans ingénierie performante. Celle-ci, qui se réduit trop souvent actuellement à un agent isolé, devrait se développer grâce à l'augmentation substantielle des crédits du FNADT, l'objectif étant de former de petites équipes interdisciplinaires qui puissent assurer le pilotage du projet auprès des collectivités locales. Il faut toutefois éviter plusieurs écueils : le changement d'échelle dans les régions déjà bien armées est délicat à maîtriser, l'inégalité des régions en ce domaine est réelle, certaines étant moins bien pourvues du fait de leur inexpérience ou de leur situation géographique ; il convient également de veiller à ce que, paradoxalement, des études trop longues ne conduisent à l'enlisement du projet.

Abordant le problème de la délimitation du périmètre du territoire, il a rappelé que certains pays risquaient d'être d'une dimension trop étroite, ce qui pouvait condamner le projet, faute de ressources financières et humaines. La LOADDT n'impose pas de seuils, mais quelques critères peuvent servir de guide : on peut considérer que le périmètre des pays pourrait se rapprocher de celui des bassins d'emploi ou de celui du territoire vécu, notion évoquée pendant les débats sur le projet de loi. S'agissant des agglomérations, il a déploré la multiplicité des définitions, source de complexité : à celle de l'INSEE, s'ajoutent celles de la LOADDT, de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et du projet de loi "solidarité et renouvellement urbain". Il a également indiqué qu'il n'était pas aisé d'appliquer à un même territoire différents contrats (de pays, d'agglomérations, de ville, contrats de plan Etat-région), ce qui comporte des risques de redondance ou de non recouvrement. De même, l'articulation entre l'émergence des agglomérations et la politique de la ville reste à faire.

Il a souligné que la territorialisation devait modifier les comportements des différents acteurs concernés. Les politiques de l'Etat restent cloisonnées et verticales, et non pas transversales, alors que l'esprit de la LOADDT est de parvenir à une harmonie et à une synergie des actions. Les régions mènent souvent depuis longtemps leur politique territoriale propre, ce qui fait partie de leur rôle, mais certains continuent de le faire en dehors de la contractualisation, ce qui pose problème dans la mesure où le financement de l'Etat n'a pas de contrepartie, et où le contrat de plan, dans ces conditions, ne correspond pas à la réalité. Quant aux départements, leur position a évolué : la plupart d'entre eux sont désormais favorables à l'émergence des pays, et s'y impliquent, alors qu'à l'origine, ils craignaient d'être concurrencés par le nouveau territoire. Toutefois, la tentation est grande pour certains de contrôler la montée en puissance du pays en imposant une présence importante des élus locaux.

En ce qui concerne le conseil de développement, instance d'élaboration du pays ou de l'agglomération créée par la LOADDT, et regroupant tous les acteurs concernés, il a déploré qu'il soit difficile de le faire vivre dans la pratique, les personnes souhaitant y participer étant peu nombreuses, même dans les régions caractérisées par une grande richesse associative.

Puis il a abordé l'instauration du volet territorial des contrats de plan Etat-régions. Il a précisé que la présentation de ces contrats devait permettre d'identifier ligne budgétaire par ligne budgétaire la partie des crédits qui pourrait être destinée aux contrats de territoire et dont l'usage pourrait être délégué aux préfets de région pour permettre la constitution de pays ou d'agglomérations. Il a regretté que, du fait du principe de spécialité de la loi de finances, il n'ait pas été possible de mettre à leur disposition des crédits non affectés, en particulier pour faciliter l'émergence de micro-projets.

Il a souligné, à propos de rythme de mise en _uvre des contrats de plan, que l'on pouvait craindre un effet d'aubaine, du type "premier arrivé, premier servi", alors que la démarche d'élaboration n'aurait pas été assez mûrie, ou, au contraire une certaine lenteur jusqu'en 2003 -date butoir pour la contractualisation des pays et agglomérations- puis une vitesse différente en fonction de la capacité des territoires à se projeter dans l'avenir et à imaginer la réalisation de leurs projets. Le bilan prévu pour 2003 devrait permettre de redéployer certains crédits. A cet égard, il a souligné qu'il était indispensable que soit publié annuellement un document relatif à la mise en _uvre de chaque contrat de plan.

Il a ajouté que le rapport contiendrait quelques exemples de pays et d'agglomérations, ainsi que quelques réflexions sur la spécificité de l'Ile-de-France, où le concept d'agglomération au sens de la LOADDT peut mal s'appliquer.

Puis M. Jean-Claude Daniel, rapporteur, a présenté à la Délégation plusieurs recommandations. La première recommandation tend à l'institution d'un observatoire, afin de mutualiser les différentes réalisations effectuées dans les territoires et de permettre une meilleure formation des acteurs concernés.

M. Pierre Cohen a fait remarquer qu'un observatoire instauré à l'échelon national risquait d'être un facteur d'uniformisation des savoir-faire liés à la territorialisation. Il a insisté sur la nécessité qu'il soit neutre afin de laisser s'exprimer les expériences locales.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur, a souligné que ce pourrait être, au contraire, un lieu d'échanges apportant des réponses diversifiées alors que, trop souvent, les cabinets de consultants existants proposaient des solutions identiques pour des territoires différents.

M. Philippe Duron, président, a suggéré qu'il soit territorialisé dans une université de province. Il pourrait collecter les données et par la suite, mener des études.

La Délégation a adopté cette recommandation.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur, a ensuite présenté d'autres recommandations.

La deuxième tend à ce que l'INSEE établisse une cartographie des communautés de communes et d'agglomération sur la base de critères démographiques, économiques et sociaux.

La troisième vise à ce que la DATAR produise des documents fournissant des informations précises sur les réalisations en cours dans le cadre de la territorialisation.

La quatrième demande au Gouvernement d'étudier le fonctionnement des services centraux et déconcentrés de l'Etat afin de développer les actions transversales adaptées aux territoires.

La cinquième demande qu'une réflexion soit menée sur la possibilité de mettre à la disposition des préfets des crédits non affectés pour les micro-projets.

La sixième tend à ce que le volet "environnement" des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) soit intégré dans les projets de territoire.

Après interventions de MM. Pierre Cohen et Henri Nayrou, portant sur des modifications de rédaction, la Délégation a adopté ces recommandations.

Puis le rapporteur a présenté la septième recommandation demandant au Gouvernement d'expliciter la cohérence et l'articulation entre contrats de ville et contrats d'agglomération.

M. Pierre Cohen a fait remarquer qu'en effet, l'articulation des divers contrats n'était pas réalisée, ce qui pouvait donner lieu à des financements croisés complexes et qu'une clarification était indispensable à cet égard. Il a également regretté que, dans certains cas, les pays tendent à former un niveau d'intercommunalité supplémentaire se superposant à celles qui existaient déjà.

M. Philippe Duron, président, a souligné qu'un éclaircissement sur la méthodologie d'emboîtement des contrats était indispensable, tout en laissant aux acteurs locaux une marge d'appréciation.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur, a estimé que la Délégation devait à nouveau examiner ces problèmes dans un an, quand la situation aurait évolué.

La Délégation a adopté cette recommandation.

Le rapporteur a ensuite présenté les recommandations suivantes :

La huitième souligne que le rôle du conseil de développement prévu par la LOADDT avait été minoré, alors que le contrat de pays ou d'agglomération devait être élaboré en concertation avec la population concernée.

La neuvième demande que les contrats de plan fassent l'objet d'un suivi annuel.

La dixième rappelle l'importance du rôle de la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire (CRADT), qui doit être l'instance d'une confrontation puis d'une harmonisation des projets de l'Etat et de la région.

Après les interventions de MM. Pierre Cohen et Henri Nayrou afin d'apporter des modifications rédactionnelles à ces recommandations, celles-ci ont été adoptées par la Délégation.

M. Philippe Duron, président, a souligné que l'ensemble des recommandations montraient que la Délégation souhaitait avoir une meilleure connaissance des réalités sur le terrain.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a autorisé à l'unanimité, en application de l'article 7 de son règlement intérieur, la publication du rapport sur le volet territorial des contrats de plan Etat-région.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

1. Etant donné l'importance de l'ingéniérie pour l'émergence des projets des territoires, puis pour la mise en _uvre de leurs actions, la Délégation propose que soient mutualisées les différentes expériences, savoir-faire et réalisations effectuées dans les territoires afin de permettre une meilleure formation des différents acteurs concernés et qu'un observatoire soit donc créé à cette fin.

2. La Délégation propose que l'INSEE établisse une cartographie des communautés de communes et d'agglomérations sur la base de critères démographiques, économiques, sociaux comme cela est déjà le cas pour les départements et les régions, afin de disposer d'outils performants d'étude de ces territoires et des effets produits par les actions déployées.

3. La Délégation souhaite que la DATAR produise à l'usage de l'ensemble des acteurs de la territorialisation des documents fournissant des informations précises sur les réalisations en cours dans le cadre de la territorialisation et sur les progrès de la démocratie participative.

4. La territorialisation des services publics et des services au public n'est pas encore conforme aux dispositions de la loi du 25 juin 1999. Il est difficile de limiter les actions verticales de chaque ministère au profit de mesures transversales adaptées aux territoires. La Délégation propose que soit conduite dès à présent par le Gouvernement une réflexion approfondie sur le fonctionnement de ses services centraux et déconcentrés.

5. La loi de finances étant fondée sur la spécialité des crédits, il n'a pas été possible de mettre à disposition des préfets de région des crédits non affectés pour la territorialisation. La Délégation souhaite qu'une réflexion soit menée sur ce thème, afin que des fonds non affectés soient disponibles pour les micro-projets, ce qui permettrait une meilleure efficacité de l'action publique.

6. La Délégation, considérant l'importance des contrats territoriaux d'exploitation (CTE), en particulier pour le maintien des paysages, et leur impact sur les pays et les agglomérations, souhaite que le volet "environnement" de ces contrats soit intégré dans les projets de territoire.

7. L'harmonisation entre les contrats de ville et les contrats d'agglomérations n'est pas encore réalisée. La Délégation souhaite que la cohérence entre ces deux types de contrats et leur articulation soit explicitée par le Gouvernement.

8. La Délégation déplore que, dans certains cas, le conseil de développement prévu par la LOADDT ne joue qu'un rôle minoré, et que, de ce fait, le contrat de pays ou d'agglomération soit élaboré sans concertation avec la population concernée. Elle rappelle que, selon la loi, le conseil de développement doit être associé à l'élaboration de la charte de pays.

9. La Délégation estime indispensable que le contrat de plan Etat-région, et son volet territorial, fasse l'objet d'un suivi annuel, même si la procédure de ce suivi peut différer selon les régions.

10. La Conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire devait être l'instance permettant la confrontation puis l'harmonisation des projets de l'Etat et de la région. Il n'en a rien été dans de nombreux cas, chaque partenaire restant sur sa position, si bien que les crédits dans le contrat de plan relèvent parfois plus d'une logique de guichet que de projets. La Délégation réaffirme l'importance du rôle de la CRADT.

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

- 19 janvier 2000

M. Adrien Zeller, Président du Conseil régional d'Alsace

Mme Jocelyne Riou, Vice-Présidente du Conseil régional d'Ile-de-France

représentant l'Association des régions de France

- 26 janvier 2000

M. René Beaumont, Président du Conseil général de Saône-et-Loire, M. Roger Besse, Président du Conseil général du Cantal, M. François Fortassin, Président du Conseil général des Hautes-Pyrénées

représentant l'Assemblée des Départements de France

- 27 janvier 2000

Mme Bettina Laville, conseillère du Premier Ministre pour l'aménagement du territoire et l'environnement

- 1er mars 2000

M. Dominique Parthenay, conseiller

M. Francis Ampe, conseiller

M. Nicolas Portier, chargé de mission,

de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR)

- 9 mars 2000 - Déplacement à Châlons en Champagne

(dans l'ordre chronologique)

.  M. Michel Thénault, Préfet de la région Champagne Ardenne

.  M. Jean-Claude Etienne, Président du Conseil régional de Champagne Ardenne

Mme Bérengère Poletti, Vice-Présidente du Conseil régional de Champagne Ardenne

M. Paul Lempereur, Directeur Général des services de la région

- 15 mars 2000

M. Hubert Fournier, Préfet de la région Basse-Normandie

M. Jacques Chérèque, ancien Ministre, Conseiller régional, Conseiller général

- 22 mars 2000

M. Rémy Pautrat, Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais

- 31 mars 2000

Mme Dominique Voynet, Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

- 28 mars 2000

Mme Catherine Vigneron, Vice-Présidente du Conseil économique et social régional de Poitou-Charente

M. Jean-Claude Boucherat, Président du Conseil économique et social régional d'Ile de France

- 29 mars 2000

M. Francis Ampe, conseiller à la Délégation de l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR)

- 4 avril 2000

M. Raymond Mondon, Président du Conseil économique et social régional de La Réunion

10.

AUDITIONS

Audition de M. Adrien Zeller, Président du Conseil régional d'Alsace

et de Mme Jocelyne Riou, Vice-Présidente du Conseil régional d'Ile-de-France,

représentants de l'Association des Régions de France

Réunion du mercredi 19 janvier 2000

Présidence de M. Philippe Duron, Président

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Adrien Zeller, président du Conseil régional d'Alsace, et Mme  Jocelyne Riou, vice-présidente du Conseil régional d'Ile-de-France, en qualité de représentants de l'Association des Régions de France.

Notre Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan Etat-régions actuellement en cours de signature . Elle s'intéresse d'ailleurs, dans ce cadre, tout particulièrement au volet territorial et souhaite que cette réunion porte principalement sur ce thème. La loi Voynet du 25 juin 1999 prévoit, en effet, dans ses articles 25 et 26, que les projets de territoire bénéficieront d'un contrat particulier avec l'Etat qui s'inscrira dans les contrats de plan Etat-régions.

Lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 23 juillet 1999, le Premier ministre a indiqué que 20 % des enveloppes seraient consacrés au volet territorial.

Cette disposition nouvelle, destinée à promouvoir les projets des territoires, est d'une application difficile. En effet, peu de pays et d'agglomérations sont aujourd'hui en état de contractualiser alors même que les contrats de plan sont sur le point d'être signés. Le CIAT a prévu que cette contractualisation resterait possible jusqu'en 2003 mais nombre d'interrogations subsistent, tant pour les présidents de région que pour les préfets, sur la méthode de cette contractualisation différée et sur la façon dont il convient d'affecter les lignes budgétaires du contrat de plan.

Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est de mieux connaître l'appréciation de l'Association des Régions de France et à travers elle, de vos mandants sur ce dispositif de la loi et les conditions concrètes de sa mise en _uvre, notamment en matière budgétaire.

M. Adrien Zeller: Chers anciens collègues, Mme Jocelyne Riou et moi représentons ici l'Association des Régions de France qui a notamment pour mission de faire le point sur l'application des concepts un peu nouveaux tels que ceux de pays et d'agglomération, malgré les interrogations qu'ils soulèvent, dans les contrats de plan en préparation.

Tout d'abord, je tiens à vous informer que le projet pratiquement définitif du contrat de plan de la région Alsace est à votre disposition. Vous y retrouverez sûrement une partie non négligeable de mes propos résumés dans son volet territorial.

Mon exposé liminaire aura pour objet de montrer l'état d'esprit dans lequel nous abordons la question de la territorialisation, d'une part, et celle des agglomérations et des pays en général, d'autre part.

Les régions se sentent très concernées par ces deux concepts et je dirai même qu'elles se sont d'ores et déjà engagées à mettre en place ou à contribuer à mettre en place les agglomérations et les pays et qu'elles intègrent pour partie - c'est notamment le cas de ma propre région - ce concept dans leur propre stratégie, indépendamment du contrat de plan. Je vous en donne un exemple : nous avons une compétence en matière d'emploi-formation et de formation professionnelle et la région Alsace a décidé d'installer dans chacun des futurs pays, c'est-à-dire pour nous globalement les bassins d'emplois, des animateurs emploi-formation chargés d'appliquer, en partenariat avec le tissu économique et éducatif local, les stratégies régionales d'emploi-formation.

Il en va de même pour ce que nous appelons « l'animation économique » : nous avons décidé de mettre en place des animateurs économiques par pays en vue d'appliquer sur le terrain, et là aussi en partenariat avec les structures existantes telles que les chambres de commerce et d'industrie ou les agences de développement par exemple, la politique économique régionale en faveur des PMI, des PME et des artisans de manière à être des partenaires de proximité du tissu économique. L'unité de base que nous avons adoptée correspond globalement à la carte des futurs pays que nous aimerions voir calqués sur les bassins d'emploi.

Il ne s'agit pas de faire des petits pays à l'échelle des cantons, voire à l'échelle de « pays historiques ». Nous considérons que la notion de pays est avant tout un concept fonctionnel. J'insiste sur ce point. Bien qu'il existe des petits chefs lieux ou des bourgs-centre entourés de territoires ruraux dénommés pays, nous n'avons pas reconnu ces qualificatifs traditionnels de pays en usage dans ma région comme ailleurs et nous nous sommes, d'emblée, intéressés au concept de pays dans le sens de bassin d'emploi, en fonction de nos compétences propres qui sont le développement économique, d'une part, et l'emploi-formation d'autre part. Il s'agit donc d'une vision volontariste de la notion de pays.

Par ailleurs, lors de la préparation du contrat de plan, nous avons installé par pays - au sens que je viens de rappeler - des ateliers territoriaux souvent présidés - dans 60 % des cas - par des députés, ce qui est tout à fait naturel puisque les pays tels que nous les concevons regroupent fréquemment les circonscriptions électorales, à savoir les anciens arrondissements. Nous avons mis des chargés de mission à la disposition de ces ateliers territoriaux afin d'identifier les problèmes, les projets, les besoins de ces différents territoires et d'arriver sur la base d'une documentation, à une prise de conscience, à un choix de priorités destinées à être utilisées lors de la phase plus institutionnelle et plus active des pays.

Pour ce qui est des agglomérations, les situations étaient extrêmement variées. Il existe des agglomérations déjà pratiquement organisées, telles que les communautés urbaines, notamment celle de Strasbourg. En revanche, depuis déjà trois ou quatre ans, nous nous efforçons d'aider, au travers des études de travaux d'urbanisme, à l'émergence, notamment autour de Mulhouse, d'une conscience d'agglomération dans un tissu urbain et intercommunal extrêmement disparate, chaotique et sans lisibilité, afin de le préparer à devenir un jour une agglomération, décision qui, bien entendu, ne relève pas de notre compétence mais à laquelle nous pouvons apporter notre concours.

Je voudrais également souligner que depuis six ans, nous avons tenté de mettre en place, par bassin d'emploi, naturellement au-dessus des coopérations intercommunales traditionnelles - districts et communautés de communes en milieu rural - des structures d'animation associatives et des structures d'études, selon les cas, sur la moitié environ du territoire, parce que nous avions senti, dès 1994, la nécessité d'une structuration de l'espace et du territoire à cette échelle.

Parallèlement à cette vision des pays, nous attribuons un rôle à ce que nous appelons les «  villes moyennes » qui ne sont pas des villes moyennes au sens national de la formule, c'est-à-dire des villes de 50 000 ou 60 000 habitants, mais les anciennes sous-préfectures qui comptent entre 8 000 et 20 000 habitants.

Nous en avons identifié huit qui jouent un rôle territorial important et avec lesquelles nous avons passé des contrats de ville moyenne sur cinq ans, leur permettant de mettre en place des équipements et des politiques en direction d'un large territoire. En d'autres termes, nous avons distingué les bassins de vie des bassins d'emploi. Nous avons vu que, par exemple, pour les équipements culturels, il convenait de distinguer les équipements culturels de proximité, les salles polyvalentes et autres, des équipements culturels plus spécialisés permettant une irrigation culturelle de meilleure qualité ayant tout naturellement vocation à figurer et à être mis en place dans ces villes moyennes conformément aux besoins de nos territoires. Ces derniers sont relativement importants puisqu'ils regroupent entre 60 000 et 100 000 habitants et qu'ils correspondent, pour vous donner un ordre de grandeur, à l'échelle des anciennes sous-préfectures, relativement nombreuses dans la région Alsace.

Par conséquent, je dirai que toute la logique des pays et le débat relatif à l'aménagement du territoire n'ont pas rencontré, en Alsace, une terre vierge puisqu'au contraire, nous les avions déjà faits nôtres. Nous avons renforcé notre organisation sans même parler du volet institutionnel sur lequel je reviendrai tout à l'heure.

Selon nous, l'application d'une stratégie partenariale envers les services publics, parapublics et sociaux constitue l'un des éléments importants de la future vie des pays. Je dis bien « services publics, parapublics et sociaux » car, à nos yeux, ils doivent jouer le jeu des pays et se déployer par pays, non seulement espace de projet mais aussi espace de desserte et de proximité pour un certain nombre de services publics. Vous aurez tous compris que je ne parle pas seulement des bureaux de poste, ni des écoles élémentaires mais aussi des agences de l'emploi, des GRETA -groupements d'établissements scolaires-, des antennes de la Caisse d'allocations familiales, de la Mutualité sociale agricole, des services de transfert de technologies, bref de tous ces services qui sont généralement concentrés dans les métropoles régionales et dont nous estimons qu'ils doivent s'installer dans les pays afin de devenir des partenaires du tissu local.

C'est un point sur lequel nous insistons fortement. Nous avons mis en place, depuis trois ans maintenant, un fonds de localisation des services publics, parapublics et sociaux au travers duquel nous les encourageons à se déployer davantage, notamment au niveau des pays, mais pas exclusivement, car cela peut aussi concerner le bassin d'emploi pour des structures plus traditionnelles telles que les bureaux de poste, les tribunaux de justice, le service des eaux, pour toute une série de fonctions que nous estimons devoir être exercées de manière adéquate.

Les pays constituent des échelles pertinentes, non seulement pour des projets mais également pour l'exercice, dans des conditions renouvelées, d'une série de fonctions publiques. Il est donc indispensable que le Gouvernement et les préfets de région incitent fortement les services publics à s'installer dans les pays et à ne pas y ouvrir seulement une permanence de deux heures par mois.

J'illustrerai mon propos par un exemple afin de vous montrer les carences auxquelles nous sommes confrontés, y compris dans une région développée. Je connais des pays - des entités de 100 000 habitants, regroupant une centaine de communes - qui ne disposent pas d'un opérateur sur place, en matière de logements locatifs sociaux ! Ces opérateurs sont tous concentrés dans la métropole régionale et pas assez présents sur le terrain. Or, pour nous, le pays est une entité de desserte qui doit accueillir des acteurs nouveaux contribuant à l'évolution et au développement des collectivités territoriales de base.

En conséquence, promouvoir les pays - osons le dire ! - c'est aussi demander aux services publics, parapublics et sociaux une forme de remise en cause par le biais d'un redéploiement. Il ne s'agit pas seulement de dire aux élus locaux qu'ils doivent s'organiser par pays mais de demander aux différentes administrations, au sens large du terme, ce qu'elles font pour entrer dans la logique des pays, quels services elles sont disposées à leur rendre , comment elles comptent les étoffer compte tenu du fait que, bien souvent, ils manquent d'ingénierie, de capacités en matière grise et souffrent de déséquilibres sociaux internes, toutes difficultés qu'elles doivent les aider à surmonter.

Nous avons donc une approche assez large ne se résumant pas à une communauté de projets mais reposant aussi sur une forte présence des services publics.

Aujourd'hui, nous avons prévu une série de crédits pour les projets par pays et leur structuration.

Quelques pays tendent à se constituer, avec des prudences et des réserves d'autant plus fortes que l'intercommunalité de base en place, les communautés de communes, est encore relativement fragile et que ces structures ne souhaitent pas se voir, en quelque sorte, « chapeautées » par d'autres constituées à une échelle supérieure relativement ambitieuse telle que j'ai essayé de la décrire. Néanmoins, nous progressons. Quelques pays sont reconnus mais ce n'est pas le plus intéressant : nous essayons de créer des fédérations de communautés de communes qui, dans un premier temps, auraient le statut associatif .

Dans les territoires où les initiatives sont les plus vigoureuses, on crée des associations, par exemple, autour des missions locales que nous finançons, par ailleurs, toujours dans la même logique de pays et dans lesquelles nous impliquons les élus locaux en rencontrant parfois quelques difficultés à y faire contribuer les communautés de communes. Si nous essayons de travailler sur la réalité plus que sur le volet institutionnel, c'est pour donner corps et chair à ces territoires : bien entendu, quand nous pouvons aller au-delà de l'association, nous y sommes favorables mais nous ne faisons pas un préalable de cette stratégie institutionnelle.

Puisque les décrets d'application des pays sont en cours de préparation, je tenais à dire de manière assez forte, au nom de l'Association des Régions de France tout entière, qu'il nous apparaît contreproductif de demander à chacune des communes de base de délibérer sur les pays, dès lors qu'elle était déjà membre d'une communauté de communes ayant les compétences des pays.

Par ailleurs, nous avons deux parcs naturels régionaux dont la mise en place est de longue haleine. Aussi et afin d'éviter de trop grands décalages entre l'action par pays et la mise en place des grands projets d'infrastructure, notamment urbains, universitaires, ou de transports, nous estimons que nous ne devons pas compliquer trop la tâche.

Comment voyons-nous la suite ? Nous pensons que nous aurons, dans le contrat de plan mais tout autant en dehors de lui, des moyens financiers relativement forts, non pas en volume mais en puissance d'incitation, pour faire naître des projets à l'échelle des pays.

A quoi pensons-nous ? Nous pensons, par exemple, au développement de l'action économique, au système des transports, à une stratégie de logement par pays, à des groupements touristiques à l'échelle des pays - c'est-à-dire fédérant sept ou huit offices de tourisme - à des transferts de technologies, à des systèmes productifs locaux puisque nous sommes dans une région relativement industrialisée, à des groupements d'artisans et à l'élaboration de stratégies artisanales par pays. Si nous ne pensons pas, en premier lieu, à des équipements, c'est parce que nous estimons que nous résoudrons ce problème, soit par les communautés de communes ou avec elles, soit par les villes moyennes à qui nous voulons donner les moyens de se doter en équipements ou culturels, ou sportifs - c'est très important et on n'en parle pas assez - qui sont nécessaires pour atteindre une qualité qu'une communauté de base de quelques communes ne pourrait pas obtenir.

A cet égard, je voudrais dire que, depuis trois ans maintenant, nous avons mis en place, toujours dans l'optique de cette vision territorialisée de nos politiques et indépendamment des pays, une politique d'équipements sportifs structurants. Par exemple, nous jugeons que tous, à travers le territoire, doivent avoir accès aux stades d'athlétisme. Comme il n'y a pas de raison que de tels équipements soient uniquement réservés aux grandes villes et qu'au contraire ils doivent également être à la disposition des campagnes, des collèges et des lycées, nous avons décidé de financer la mise en place, avec des incitations relativement fortes, notamment au niveau des villes moyennes, de stades d'athlétisme ou d'équipements sportifs structurants comme par exemple, une salle de gymnastique ou de judo spécialisée, une piscine de compétition, etc... Nous nous sommes ainsi efforcés d'intercaler, entre le niveau cantonal ou du bourg-centre et le niveau régional ou départemental, un niveau d'équipements, de services, de stratégies qui trouvent, à cette échelle, leur pertinence.

Cette vision et la démarche qui l'accompagne sont encore en devenir mais la présentation que je viens d'en faire devrait vous permettre de comprendre sur quelle voie nous sommes engagés.

Comment comptons-nous progresser ? Ma réponse sera très pragmatique : nous envisageons de financer largement de petites équipes d'ingénierie différenciées, selon les attentes des pays.

Par exemple, si un territoire souhaite améliorer son système de transports, l'Etat et la région, ou la seule région financeront à hauteur de 80 %, une petite équipe d'ingénierie, dont il ne dispose généralement pas et qui identifiera les problèmes de transports et aidera au lancement du projet. Il en ira de même si un territoire manque d'une organisation au niveau du tissu artisanal ou du logement social .Nous aiderons les territoires à mettre en place leurs projets et nous savons que nous devons leur prêter main forte, faute de quoi la fédération difficile des groupements de communes qui sont très importants en Alsace, échouera parce qu'ils ont aujourd'hui d'autres soucis et d'autres priorités. Il s'agit de les faire changer d'échelle et ce n'est pas une mission facile !

Je ne vous cache pas que nous n'avons pas mis la question institutionnelle au premier plan parce qu'il est bon de faire émerger et vivre les pays sur des projets, des actions et des stratégies concrètes en attendant de connaître les décrets d'application les concernant.

Au sujet de la formation professionnelle, j'ajouterai que doit être inscrite dans le contrat de plan une plate-forme de formation professionnelle par pays, afin que cette formation, qui concerne actuellement les grandes villes touche aussi le monde rural. Dans chaque pays, il faudrait une petite plate-forme ou un conseil de transfert de technologies, probablement aussi des groupements culturels, très importants à cette échelle dans notre région. En d'autres termes, nous essaierons de mettre à la disposition des territoires, pour toutes les actions qu'il est pertinent de mener à une échelle supérieure à la communauté de communes - cette dernière comptant généralement 20 000 habitants - et inférieure au département, les moyens de concrétiser leurs projets.

Il est vrai que les conseillers généraux ont parfois de la peine à nous comprendre mais il faut préciser qu'à chaque fois que nous avons le temps de nous expliquer, nous parvenons à lever les ambiguïtés, les craintes, les incertitudes en leur faisant valoir que les pays ne sont pas faits pour suppléer, ni pour créer une nouvelle administration mais pour exercer, à l'échelle pertinente, des missions qui, aujourd'hui, sont insuffisamment territorialisées, insuffisamment activées et qui correspondent aux besoins d'une région, d'une société, d'une économie en mutation. Une fois les explications fournies et détaillées sur tel ou tel aspect de leurs préoccupations, cette démarche est en général mieux comprise, mais il faut dire que cela ne s'est pas fait et ne se fera pas tout seul, en raison évidemment des craintes suscitées.

Pour conclure ce propos introductif, je souhaiterai insister sur la place qui doit être réservée aux socioprofessionnels dont la présence auprès des élus est une condition indispensable à la réussite de cette politique.

M. le Président : Merci M. le Président. Avant de poursuivre, je vous informe que M. Robert Savy, Président du Conseil régional du Limousin vient de me faire savoir qu'il ne pourrait nous rejoindre comme cela était prévu.

Mme Jocelyne Riou, vous êtes vice-présidente de la région Ile-de-France et je suppose qu'il est moins facile de faire vivre une politique de pays et d'agglomérations dans un tissu urbain aussi complexe que celui de cette région.

Mme Jocelyne Riou : Je pensais que cette audition devait surtout porter sur le rôle des contrats de plan en matière d'aménagement durable qui ne se résume pas aux pays et aux agglomérations.

Tel que nous l'apprécions à l'exécutif du Conseil régional d'Ile-de-France, nous pensons que la décision de faire de ces contrats de plan les axes essentiels de l'aménagement durable est un point fort, tout à fait intéressant par rapport à la démarche et aux choix à faire. C'est ce qui nous a conduits, au Conseil régional d'Ile-de-France, à soumettre un certain nombre de propositions à l'Etat sur les transports en commun, sur la solidarité et sur le développement économique.

Sur ce dernier aspect nous avons beaucoup travaillé depuis deux ans notamment avec les états généraux pour l'emploi au mois de décembre dernier. C'est donc sur l'ensemble de ces problèmes que nous entendons approfondir.

Pour revenir de façon plus précise sur les agglomérations et les pays, bien évidemment, chacun a conscience que l'Ile-de-France fait un peu exception tout en conservant, d'une manière générale, des traits communs avec les autres régions. Je pense effectivement que nous tirons les mêmes conclusions que l'Alsace, à savoir que nous ne ferons pas de l'association un préalable obligatoire pour pouvoir participer aux financements du contrat de plan.

La mise en cohérence d'un certain nombre de territoires viendra d'elle-même et se fera naturellement.

En Ile-de-France comme ailleurs, il est apparu clairement qu'un certain nombre de problèmes ne peuvent pas se résoudre sur le seul territoire de la commune, aussi importante soit-elle, l'échelle pertinente étant effectivement, en règle générale, celle du bassin économique, du bassin d'emploi.

La désindustrialisation qui a frappé durement notre région et je pense en particulier aux boucles nord de la Seine avec Genevilliers, Colombes, Asnières, Clichy, met clairement en évidence que c'est à ce niveau que les problèmes doivent être résolus.

Pour préparer le contrat de plan, nous avons analysé la situation réelle et concrète de la région et nous avons défini un certain nombre de territoires, de secteurs où il nous semble important d'intervenir de façon prioritaire et de conduire des actions fortes.

Dans un certain nombre d'entre eux, des coopérations existent déjà, qu'il s'agisse des communautés de communes ou des agglomérations, mais des structures nouvelles commencent à émerger, sur certaines grandes questions - et je suis assez d'accord avec ce qu'a dit M. Adrien Zeller au sujet des services publics. En Ile-de-France, on pense en premier lieu aux transports pour lesquels, depuis longtemps, existe une intercommunalité de fait. Il nous semble donc tout à fait essentiel de bien étudier ces questions du point de vue du territoire.

Sur la formation professionnelle je rejoins aussi ce qui a été dit : en matière de formation professionnelle, si la région examine, bien évidemment, le schéma régional parce qu'il faut une cohérence, en particulier sur l'ensemble des filières, il n'empêche que celles-ci diffèrent selon les bassins d'emploi, ce qui impose de travailler davantage secteur par secteur.

Aujourd'hui, nous comptons un seul pays en Ile-de-France, en Seine-et-Marne, dans un secteur agricole regroupant de petites communes rurales et dont les caractéristiques et les problématiques sont les mêmes que celles qu'indiquait M. Adrien Zeller. Il s'agit, pour permettre le développement économique de tout ce bassin, de conjuguer un certain nombre d'actions, en particulier sur les grands services publics décentralisés, afin d'atteindre une meilleure efficacité.

De ce point de vue, je dois dire que l'intercommunalité, même si elle n'existait pas sous cette forme, est une pratique ancienne puisque le financement des opérations d'équipement intercommunal était assuré par le bais de ce que nous appelons, nous, les contrats régionaux ou les contrats ruraux, - plus d'ailleurs par les seconds que par les premiers qui concernaient davantage les équipements des villes - Quelques petits équipements tels que des salles polyvalentes ou des équipements culturels ont été financés de façon intercommunale par l'intermédiaire de ce type de contrats. Cela montre bien que des actions ont déjà été engagées et que nous ne partons pas de rien, même en l'absence de formalisation des structures.

Personnellement, je suis convaincue que nous avancerons, au bout du compte, plus vite par l'expérience et par la conviction de la cohérence que par l'a priori - et, de ce point de vue, nous adopterons la même attitude que l'Alsace - selon lequel on ne financerait des opérations que si des structures avaient d'ores et déjà été décidées, d'une part parce que nous voyons bien tout ce qui est en train de se mettre en marche, d'autre part parce que certaines coopérations doivent se faire de manière, non seulement intercommunale, mais aussi interdépartementale.

Par exemple, face à la problématique de Roissy, les conseils généraux de la Seine-Saint-Denis, du Val d'Oise et de Seine-et-Marne sont en train de travailler ensemble sur un contrat de territoire. Les retombées des activités de Roissy concernent les trois départements et nous avons retenu le principe de financer dans un volet territorial une coopération entre eux compte tenu du fait qu'ils sont tous concernés par le bassin d'emploi. C'est la raison pour laquelle le financement des territoires pourra prendre des formes différentes.

En outre, je trouve, et cela est très intéressant, que cette formule nous oblige à travailler en termes de coopération et non plus d'opposition entre les territoires. C'est un processus qui me semble plus cohérent pour un aménagement durable car il permet de mieux réfléchir sur ce qu'il est nécessaire de faire dans un territoire et d'analyser en même temps les conséquences, sur le territoire voisin, des actions menées.

En effet, quand nous conduisons une action très forte sur le plan économique dans un secteur, il faut, bien évidemment, avoir la pertinence d'analyser les conséquences que cela peut avoir sur les territoires voisins pour ne pas se retrouver dans des situations telles que celles que nous avons trop connues comme d'avoir entre deux pôles qui se développent des poches de très forte misère. Il me semble donc que cette conception du travail nous contraint à inverser cette culture trop répandue : je veux des mobilisations pour ma ville, que le voisin se débrouille ; je vois mon intérêt sans regarder les conséquences pour les autres... En matière d'aménagement durable, il est tout à fait essentiel de travailler à bien sentir comment mieux coopérer et mieux irriguer l'ensemble du territoire.

Je sais bien que l'Ile-de-France est toujours considérée comme une région un peu à part et il est vrai qu'avec onze millions d'habitants elle est plus importante que certains pays d'Europe et que cela suppose une organisation particulière. Mais, en même temps, je pense qu'elle présente des traits communs avec les autres régions, tout en sachant qu'il lui faut tenir compte d'une réalité qui est la suivante : une zone urbaine très dense avec une nécessité de reconstruire la ville sur la ville. C'est une réalité qui nous oblige tout particulièrement à travailler en coopération sur des territoires pertinents et pas trop étriqués. Que l'on prenne les problèmes du transport, de l'emploi, du logement, à l'évidence, ils doivent pouvoir se traiter d'une façon plus large et c'est ainsi que nous entendons travailler.

Nous avons décelé dix territoires qui nous semblent importants et sur lesquels il faut intervenir de façon forte, mais dans notre esprit la formule «  territoire prioritaire » veut bien dire ce qu'elle veut dire, à savoir que le territoire n'est pas exclusif et qu'il faut regarder tout ce qui se passe autour.

Tels sont l'état d'esprit dans lequel nous préparons le contrat de plan et la démarche que nous adoptons sur les territoires et les agglomérations. Certaines structures sont en train de se construire, des communautés de communes sont en train de se mettre en place mais nous financerons avec l'idée que nous allons pouvoir travailler de façon plus pertinente et, à cet égard, j'ouvre une petite parenthèse pour dire que la loi sur l'urbanisme en cours de préparation devrait conduire à une réflexion plus cohérente sur l'aménagement, ce qui me semble tout à fait intéressant et positif .

M. le Président : Je vous rejoins sur ce dernier point.

M. Adrien Zeller devant nous quitter dans un dizaine de minutes, je vous propose, mes chers collègues, de l'interroger dès maintenant si vous le souhaitez.

M. le Rapporteur : J'ai quelques questions qui portent sur les deux exposés.

La première concerne la délimitation des bassins d'emploi : s'agit-il des bassins d'emploi tels qu'ils existent ou de ceux que l'on souhaiterait voir se constituer ? Comment s'induisent les actions que vous menez et les limites de territoire que vous adoptez par rapport aux mêmes bassins d'emploi, autrement dit quelle est la définition de la zone cohérente dans laquelle vous travaillez ? Cette première question s'adresse aux deux intervenants.

Ma deuxième question a, pour partie, déjà reçu une réponse, puisqu'elle était relative à votre politique pour les milieux urbains agglomérés qui ne figurent pas sur le schéma actuel des agglomérations, ce qui correspond à ce que vous avez défini comme étant la " politique des villes moyennes " dans la région Alsace. La question reste néanmoins posée en ce qui concerne l'Ile-de-France où le sentiment peut en effet être différent dans la mesure où il n'y a pas que les villes sous-préfectures qui soient villes moyennes.

La troisième question est d'une autre nature : quel type de projets et de contractualisations admettez-vous ? S'agit-il d'une définition politique à l'initiative de la région ou à partir d'initiatives partagées et, dans ce cas, selon quelles modalités ?

Les autres questions sont des questions incidentes qui me paraissent néanmoins utiles à une bonne compréhension du sujet qui nous occupe.

Quelle densité de population et quel nombre de pays envisagez-vous en Alsace? Les données variant beaucoup d'une région à l'autre, nous avons besoin de précisions.

L'appui des missions locales par rapport à ces territoires pertinents soulève un problème puisque le territoire des missions locales, les territoires administratifs et les territoires cohérents dont nous sommes en train de parler ne sont pas les mêmes : cela mériterait que vous nous disiez comment vous entendez résoudre cette complexité et quelle est la présence que vous souhaitez voir assurée ou assurer dans ces territoires : celle d'élus départementaux, régionaux ou nationaux ? Je peux vous dire que dans d'autres régions, on peut trouver la forte prégnance du département et des élus départementaux alors qu'ailleurs cela peut être celle d'élus régionaux ou parfois celle de représentants du tissu local. Admettez-vous, chez vous, que des élus locaux soient les moteurs essentiels à côté des élus régionaux ou départementaux ? Enfin, bénéficiez-vous du programme d'initiative communautaire « Leader » ?

M. Nicolas Forissier : J'aurai juste une question, monsieur le Président. Elle porte sur la stratégie partenariale envers les services publics, parapublics et sociaux que je trouve très intéressante.

Néanmoins, j'aimerais savoir si cette stratégie est privilégiée uniquement par la région Alsace ou si cela pourrait être celle de l'Association. En effet j'observe, aujourd'hui, une relative disparité de ce point de vue et je peux en fournir un exemple très concret : dans ma ville qui est une sous-préfecture avec un bassin de vie de 40 000 habitants, à l'échelle du Berry, la Mutualité sociale agricole et la Sécurité sociale sont installées par la ville sans aucune aide, ni de l'Etat, ni de la région. Nous le faisons parce que nous y sommes obligés et parce que sinon, nous n'avons plus rien ...

Je veux donc savoir si ce débat va être instauré, si vous avez effectivement la possibilité, comme cela a été évoqué tout à l'heure, de demander à l'Etat de faire plus et si vous allez pousser plus avant ces hypothèses sans pour autant tomber, non plus, dans la substitution des crédits que l'on connaît et qui fait que les collectivités locales et territoriales prennent peu à peu en charge les obligations de l'Etat et de ses administrations.

Cette question a un double aspect : j'observe, comme je pense que le font également mes collègues, que si ces volontés sont exprimées, y compris parfois par l'administration, mais plus certainement par les régions et les élus, beaucoup d'organismes publics tels que, par exemple, l'ANPE, sont en réalité dans une logique totalement inverse, celle de la concentration, non plus vers le chef-lieu de département mais vers le chef-lieu de région. Je vois là une divergence totale entre d'une part la volonté des élus et de la région et, d'autre part, cette volonté de regroupement des organes de direction, voire des guichets, dans des lieux de plus en plus éloignés des pays qui sont - j'en suis tout à fait d'accord - la réalité du bassin de vie.

M. Pierre Cohen : L'esprit de la loi est précisément d'aboutir à des coopérations de territoires entre eux, soit par des communautés de communes ou d'agglomérations, soit par des pays si cela dépasse réellement les intérêts de projets immédiats, mais aussi de faire en sorte qu'enfin les services publics puissent être négociés jusqu'au niveau inférieur. Vos propos reflètent cet esprit et je trouve tout ce que vous avez dit extrêmement intéressant parce que l'on a toujours un peu montré la loi comme l'émergence de nouvelles structures uniquement sous l'aspect territorial.

J'ai entendu, en revanche, dans les deux exposés, que vous étiez prêts à contractualiser : est-ce que cela ne va pas être gênant dans une période où les projets vont être contractualisés entre l'Etat, les régions et les structures émergentes, dans la mesure ou, a priori, n'interviendront dans ce cas, que les structures et la région ?

M. Patrick Ollier : Ma question, complémentaire de la précédente s'adresse à l'Association des Régions de France. Est-ce que vous avez à l'esprit une manière qui permettrait de mieux coordonner les actions, de façon à avoir une approche identique, dans toutes les régions de France, du problème de la contractualisation par rapport aux nouvelles émergences et au nouveau phénomène des pays ?

On s'aperçoit, en effet, qu'en fonction du dynamisme ou du manque de dynamisme des élus locaux, en fonction de leur adhésion ou de leur opposition à la loi , rien n'est pareil nulle part et que la manière d'appréhender ce problème de partenariat et de coopération est extrêmement variée. On nous sert, tantôt des formules à l'emporte-pièce, tantôt des formules adaptées au territoire précis : en montagne, on me propose des formules spécialisées. C'est peut-être bien, mais cela ne donne pas l'impression qu'il y ait véritablement une vue identique de la méthode de coopération qui, pourtant devrait exister au niveau de votre Association de manière à ce que vous proposiez un service et une méthode de travail identiques pour tous. Actuellement, on s'y perd un peu et c`est le parcours du combattant, selon les régions, pour parvenir à trouver le bon format de contractualisation et de coopération.

M. Adrien Zeller : J'ai noté que nous avions une très grande convergence de vue avec ma collègue d'Ile-de-France et je vais donc essayer de répondre aux questions qui m'ont été posées.

Au sujet des délimitations, nous avons fait des propositions à partir des bassins d'emploi et même si nous n'avons pas toujours été suivis par tel territoire ou tel canton dont la préférence allait à une autre structure, nous avons quand même mis un peu en évidence les pôles urbains secondaires que nous appelons "  villes moyennes "  mais que nous aurions tout aussi bien pu baptiser "  villes relais ", peu importe le vocabulaire. Quoi qu'il en soit, elles ne correspondent pas aux chefs-lieux départementaux : elles se situent un niveau en dessous, ce qui pour nous est stratégique dans le cadre de notre vision des pays. Nous avons donc soumis des propositions qui n'ont pas toujours été suivies et les associations se sont faites parfois de manière légèrement différente mais notre souci a surtout été d'éviter d'arriver à des structures de trop petite taille.

Pour ce faire, nous avons aussi mis au point une formule : nous finançons l'ouverture de guichets secondaires par les missions locales dans les chefs-lieux de canton lorsque la mission locale est elle-même implantée dans une ville moyenne de manière à ce qu'il n'y ait pas de territoires qui se sentent oubliés ou soient tentés de faire scission. Nous avons donné aux missions locales un peu d'argent, au kilomètre carré de territoire desservi, pour aller dans le bourg-centre éloigné de trente-cinq kilomètres qui, autrement, risquerait d'être oublié, et faire en sorte que les jeunes de ce secteur aient aussi accès aux services de la mission locale. Nous donnons donc un peu plus de moyens aux missions locales qui couvrent un territoire plus grand qu'à celles travaillant sur des territoires restreints.

Nous avons donc veillé à la taille et, très souvent, nous aboutissons à un système à deux piliers : une ville et un bourg-centre un peu excentré dans lequel le pays va se manifester à travers la mission locale. Notre animateur économique peut, par exemple, être appelé à s'y déplacer, quitte à y avoir un bureau secondaire.

Quant à la désignation des responsables, nous avons recours à des élections : il y a des députés, des conseillers généraux, des présidents de communautés de communes qui ne sont ni l'un, ni l'autre, mais qui ont vocation, selon leur capacité de consensus, à émerger à cette occasion. Ce n'est pas toujours le député qui a animé l'atelier qui va être président de l'association ou peut-être, demain du groupement d'intérêt public ou de l'autre structure de pays ... Nous ne sommes pas trop directifs . Bien sûr, on voit à peu près quel candidat est le bon mais il n'empêche que les élections se déroulent en bonne et due forme et à bulletin secret.

Vous avez parlé d'initiative d'en haut et d'en bas : je dirai qu'il s'agit d'une interaction. Nous disons ce que nous verrions bien être organisé par pays et le type de projets qui conviennent mais le choix reste ouvert ainsi que la possibilité de proposer autre chose. C'est un système d'échange. Nous sommes dans une période d'invention et nous pouvons avoir quelques bonnes idées mais il peut aussi en venir du terrain dont certaines peuvent être transposées à un autre pays. Il s'agit bien d'un processus créatif et ouvert.

S'agissant des services publics, je me permets d'insister auprès des parlementaires que vous êtes pour dire que cette affaire est essentielle. Avec les nouvelles technologies, il y a toujours deux choix possibles : reconcentrer ou disperser les moyens . Notre MSA a fait les deux : elle s'est régionalisée en fusionnant deux départements, mais en même temps elle s'est territorialisée en définissant des entités de desserte avec trois agents qui sont des exécutifs, ce qui en fait tout autre chose que des guichets de permanence où l'on prend les dossiers pour les traiter ensuite au centre. Les personnels sont désormais sur le terrain, par territoire.

La Caisse d'allocations familiales, quant à elle, a fait exactement l'inverse : elle est engorgée de demandes dans la mesure où elle assure une multitude de services qui vont de l'allocation aux adultes handicapés, jusqu'au RMI, et a dû mettre en place des permanences téléphoniques. Je me permets de dire que j'ai désapprouvé un tel choix et que j'ai préconisé une présence au niveau du pays.

Personnellement, je représente l'Association des régies de France au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et je n'ai pas tenu d'autre discours que celui-ci : sauf à créer de nouvelles administrations, il faut que les administrations intègrent cette logique de territoire. Je me permets de vous signaler qu'il n'est pas sûr que la réforme des services des impôts, dont j'ai eu connaissance par la presse, le fasse.

Il faut donc être en état de veille permanente, y compris pour ce qui est relatif à la nouvelle carte judiciaire. Pour que cette logique de territoire soit adoptée par le plus grand nombre, il faut conserver un état de veille pour qu'à chaque réforme administrative elle soit prise en compte. Comment procèdent généralement les administrations ? On sait bien que lorsqu'elles se rationalisent, elles ont tendance à couper les extrémités : nous demandons, nous, une réorganisation qui respecte les territoires . Nous devons tenir un langage politique et si nous participons au financement, nous ne voulons pas que les communes se substituent aux administrations : nous donnons une aide à l'emploi, non pas délocalisé, ce qui introduit une connotation négative, mais territorialisé.

M. Henri Nayrou : Négative ? Cela dépend pour qui ...

M. Adrien Zeller : C'est vrai mais, quoi qu'il en soit, je préfère la formule « emploi territorialisé ».

La Poste s'est un peu réorganisée en Alsace dans le sens que nous souhaitions, de telle sorte que nous avons donné une aide de 60 000 F par emploi, et financé 30 ou 40 % des investissements qui se sont révélés nécessaires à son installation. Cela vaut également, entre autres, pour les services aux personnes âgées.

Il faut absolument accélérer le mouvement sans quoi les zones rurales vont dépérir. Je tiens à dire ici que l'Alsace paraît prospère mais qu'il y a des cantons ruraux qui abritent 60 % de population ouvrière et qui ne bénéficient pratiquement d'aucun service. Dans de telles conditions, il n'y a pas de mixité sociale. Il faut absolument que les fonctionnaires, les agents publics, parapublics et sociaux se mélangent au reste de la population, sur le terrain. Ce que je dis vaut pour les banlieues sensibles comme pour les zones rurales un peu profondes. C'est le même langage et, à la limite, je pourrais dire que c'est la même problématique.

Sur la question des contrats, je vous avoue franchement que nous n'avons pas fait très attention parce que nous savons que le processus est difficile et que, pour les régions, cette affaire ne va pas être tellement coûteuse.

Pour les contrats de ville moyenne qui entraient dans cette logique, je peux vous dire ce que nous avons fait : nous avions mis douze millions de francs de crédits régionaux par ville ; l'Etat a mis deux millions de francs. Si nous pouvons agir avec l'Etat nous le ferons mais si de bons projets émergent sans l'Etat, nous les réaliserons aussi, tout simplement parce que le besoin est là et que nous avons cette responsabilité morale et politique de tenter d'y répondre.

Sur la manière dont les choses se mettent en place, je viens d'avoir un entretien avec M. Michel Sapin, le président de la région Centre : nous sommes convenus que les situations étaient différentes selon les régions et qu'il était bon d'échanger les points de vue. J'ignore si certains d'entre vous occupent des responsabilités au sein d'organisations qui peuvent intervenir. Je sais qu'il y a, auprès de la DATAR, une petite agence qui va s'occuper des pays ; l'Association des régions de France est prête à travailler avec elle mais nous ne pouvons rien imposer à personne, d'autant que les traditions sont multiples.

M. Michel Sapin m'a parlé des pays en des termes qui laissent à penser que les siens sont à la fois similaires aux nôtres et un peu différents parce que le territoire n'est pas le même. Certains territoires sont peuplés, d'autres sont ruraux et sans industrie, les échelles diffèrent et vous ne pouvez plus tenir exactement les mêmes raisonnements dans tous les cas . En revanche, la bourse d'échange d'idées me paraît souhaitable et je pense que l'une de vos propositions pourrait être de créer un lieu où échanger les idées et les expériences parce que l'on apprend et l'on se situe soi-même à la lumière de celles des autres.

Mme Jocelyne Riou : Je voudrais revenir sur la préparation de ce contrat de plan pour dire que pour les territoires, même si les structures ne sont pas formalisées, on peut affirmer qu'au niveau régional, en Ile-de-France, les initiatives sont partagées, le contrat de plan Etat-région ayant été élaboré avec les conseils généraux. Cela signifie que, depuis un an, nous avons rencontré à trois reprises tous les départements pour discuter avec eux.

Nous avons fait une analyse avec l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France sur la situation réelle de la région pour cerner les actions les plus importantes à mener et déterminer les territoires, lesquels se sont presque imposés d'eux-mêmes, un accord ayant été facilement trouvé, y compris avec les départements.

Pour vous en donner un exemple, dans le département de la Seine-Saint-Denis dont je suis élue, se trouve un territoire, " Plaine de France active ", qui concerne six communes ayant décidé de travailler ensemble et qui, pour le moment, coopèrent sans constituer une communauté de communes. Sur le même territoire, dans le prolongement, sur la Plaine de France, autour de Saint-Denis et Aubervilliers, il y a dix communes qui, elles, ont formé une communauté de communes. Nous avons donc un territoire sur lequel nous allons intervenir au plan régional comprenant près de vingt communes mais qui ne sont pas ensemble compte tenu du fait, par exemple, que leurs problèmes sont différents : tout le secteur Le Bourget, Blanc-Mesnil, Dugny n'a pas tout a fait les mêmes préoccupations que Saint-Denis, Aubervilliers, l'Ile Saint-Denis ou Villetaneuse. La nouveauté, c'est qu'elles travaillent ensemble, et que cela correspond au territoire que nous avions déterminé, ce qui nous semble assez positif.

Je suis tout à fait intéressée parce qui a été dit sur les services publics car cela nous renvoie à la question fondamentale de la définition de ces services. Ce sont des services qui doivent être au plus près de la population pour répondre à ses préoccupations. C'est une fonction qui me semble tout à fait essentielle ! Le problème est ancien et nous avons déjà financé, depuis plusieurs années, dans le cadre des contrats ruraux, l'achat de locaux dans de petits villages pour y maintenir la présence de La Poste. On le faisait déjà, il y a quelques années parce que nous savions très bien toutes les conséquences qu'entraînerait la disparition de ce service.

Les techniques modernes nous permettent de rationaliser un certain nombre de tâches, ce qui est tout à fait intéressant, parce que cela rend le travail moins fastidieux mais il faut aussi que cette rationalisation conduise à un meilleur redéploiement pour améliorer le service rendu au public. Cela me semble une dimension importante sans laquelle nous aurons du mal à faire de l'aménagement durable.

M. le Président : Mes chers collègues, avez-vous d'autres questions à poser à Mme Jocelyne Riou ?

M. Jean-Michel Marchand : J'ai quelques questions propres à la région parisienne. Qu'en est-il de la taxe professionnelle ? Comment envisagez-vous la question du logement social qui pose un problème assez spécifique dans votre région ? Ne craignez-vous pas qu'en définissant dix territoires prioritaires vous n'ayez, à nouveau, une segmentation de territoires ?

Mme Jocelyne Riou : Je répète que la formule « territoire prioritaire » dit bien ce qu'elle veut dire et que nous avons vraiment l'intention de travailler sur ces territoires en cherchant à irriguer les autres en même temps.

Cela étant, sur ces dix territoires prioritaires, nous n'interviendrons pas exactement de la même façon et je vais vous en donner un exemple concret évoqué actuellement par la presse, celui des terrains Renault de Boulogne Billancourt. Il y a soixante-dix hectares à aménager et la région Ile-de-France ne peut pas être indifférente à la façon dont ils vont l'être car ce ne sera pas sans conséquence sur le reste de la région. Il est clair que nous n'interviendrons pas exactement de la même façon dans la mesure où le problème posé sur ce territoire n'est pas tout à fait le même qu'en Seine amont et si ce lieu nous semble devoir faire partie des sites prioritaires, c'est en termes de qualité d'aménagement.

Pour ce qui est de la taxe professionnelle, je dirai que c'est une vaste question qui n'est pas tranchée et sur laquelle je vais vous donner une opinion personnelle.

Je pense que le problème de la réforme de la fiscalité se pose à l'Ile-de-France en règle générale et que l'instauration d'une taxe professionnelle régionale serait la réponse la plus pertinente. Clichy et Monfermeil ont constitué une communauté de communes avec une taxe professionnelle unique mais, même si je trouve cela positif, il n'en reste pas moins que lorsque l'on compare la taxe professionnelle des entreprises de Clichy-Montfermeil avec celles des entreprises de Boulogne Billancourt, on reste songeur : la taxe professionnelle unique dans le Val de Seine est une initiative intéressante mais elle ne résorbe pas les inégalités de l'Ile-de-France ...

Il s'agit d'une vraie question car le fait que l'on institue une taxe professionnelle unique par agglomération de dix ou douze villes peut constituer une des solutions mais ne suffit pas à résoudre les déséquilibres régionaux. Saint-Denis et Aubervilliers qui viennent de former une communauté de communes ont également choisi d'appliquer une taxe professionnelle unique, ce qui va probablement les aider mais l'une des communes se voit contrainte d'augmenter son taux pour y parvenir. Il faut donc avoir bien conscience que la taxe professionnelle unique d'agglomération ne peut pas résoudre les inégalités de territoire à l'intérieur d'une région : je ne connais pas assez bien les régions pour pouvoir affirmer que cela se confirme partout mais, en tout cas, c'est très vrai pour l'Ile-de-France.

M. le Président : On ne peut sans doute supprimer les inégalités à l'intérieur d'une région, mais il existe souvent à l'intérieur d'une agglomération des disparités très fortes de taxe professionnelle et on peut déjà les gommer en partie...

Mme Jocelyne Riou : J'ai pris exprès cet exemple parce que c'était le plus caricatural. Clichy et Montfermeil étaient deux villes dortoirs en très grosse difficulté mais, quelle que soit leur taxe professionnelle, il n'y aura jamais de comparaison avec celle de Boulogne ...

M. le Président : Sans vouloir trop s'éloigner de notre sujet, cela peut leur permettre d'avoir une politique unique de développement.

Mme Jocelyne Riou : C'est une mesure qui peut être utile à l'intérieur d'une agglomération mais qui n'est pas de nature à effacer les disparités à l'intérieur d'une région.

M. le Rapporteur : Le bilan que vous dressez pour les vingt villes dont vous parliez précédemment est-il particulièrement conforté par la présence d'un équipement industriel fort, disons d'un instrument aéroportuaire, et toute la zone économique environnante ?

Mme Jocelyne Riou : Non, l'instrument aéroportuaire ne concerne pas Saint-Denis mais Tremblay. Saint-Denis est en train de se développer notamment grâce au Stade de France mais la problématique de Roissy se pose à Tremblay, Villepinte et pas à Saint-Denis ou Aubervilliers.

Pour voir comment jouent les infrastructures, il faut savoir que la coopération Saint-Denis- Aubervilliers est très ancienne. Il n'empêche que les transports en commun sont allés jusqu'à Saint-Denis mais ne sont pas arrivés jusqu'à Aubervilliers, ce qui explique le développement de Saint-Denis et la stagnation d'Aubervilliers, faute de transports en commun. On voit bien qu'il faudra intervenir fortement sur toutes ces questions qui concourent à faire vivre le territoire.

J'en arrive au problème du logement social, très important pour l'Ile-de-France qui traverse une crise du logement particulièrement aiguë. Il faut commencer par redonner ses lettres de noblesse au logement social parce qu'au fil des années, on a réussi, notamment en raison de la crise et de tous les événements qui s'en sont suivis, à instiller dans l'esprit des gens l'idée que le logement social signifiait mauvais logement et logement de pauvres.

Or quelle était l'origine du logement social ? C'était de faire en sorte que les salariés qui ne pouvaient pas, ou ne souhaitaient pas, devenir propriétaires puissent accéder à un logement décent. Au départ, la mixité existait dans les logements sociaux : on trouvait le technicien, l'assistante sociale, l'infirmière, l'ouvrier ou l'institutrice, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

Si nous voulons repeupler les quartiers de façon différente, il faut modifier cette perception négative du logement social.

Il y a des mesures fortes à prendre, et je pense particulièrement en région parisienne, qui sont liées aux plafonds de ressources. Il y a également nécessité de mener une politique foncière vigoureuse, les loyers étant beaucoup trop élevés pour certaines familles et en inadéquation avec l'aide personnalisée au logement. Pour bénéficier de cette aide, il faut être vraiment très pauvre et quand on ne loge dans les immeubles que des locataires qui ont le droit à l'aide personnalisée au logement, la situation devient très difficile et très compliquée. Or, un couple avec un enfant gagnant deux Smic n'a pas le droit à l'aide personnalisée au logement et cela pose un problème étant donné les prix des loyers en Ile-de-France.

J'estime que la question du foncier en Ile-de-France est fondamentale, primordiale pour pouvoir abaisser les coûts et pour que toutes les villes puissent accueillir du logement social, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Moi qui appartiens à une génération et à une ville où l'on sait tout ce que le logement social a apporté aux populations en donnant aux gens la possibilité d'avoir un logement dans lequel vivre dignement, je pense que nous avons intérêt à bien le resituer d'autant qu'aujourd'hui on construit des logements sociaux de qualité auxquels nombre de personnes qui occupent un logement privé souhaiteraient avoir accès.

Il me semble important, d'une part, de ne pas confondre le logement social avec les barres et les tours, et les questions d'urbanisme, d'architecture avec celles de logement et, d'autre part, d'éviter, en ce qui concerne les phénomènes de crise, de faire porter au logement social une responsabilité qu'il n'a pas. S'il y a des difficultés de vie dans les cités, personnellement, je les attribue surtout à la façon dont on a conçu l'urbanisme dans les années soixante en cloisonnant les lieux de vie, de travail et de loisir. Quand les gens travaillent, le système tient à peu près, mais il devient épouvantablement destructeur pour tous ceux qui se trouvent totalement coupés du monde du travail. La « mal-vie » dans les cités, est avant tout liée au chômage.

M. le Rapporteur : J'aimerais aussi également savoir si vous aviez envisagé une politique de répartition du logement social entre des communes qui n'auraient pas adopté la même stratégie.

Mme Jocelyne Riou : Au niveau régional, nous n'avons pas le pouvoir de le faire ! Le logement relève d'une compétence nationale. Nous nous sommes engagés, depuis deux ans, au niveau de l'exécutif régional, à financer les réhabilitations et nous nous disposons à travailler, pour le prochain contrat de plan, sur un sujet qui est tout à fait important en Ile-de-France et sans doute aussi ailleurs, notamment dans un certain nombre de métropoles, à savoir la copropriété dégradée. C'est une vraie question et je dis toujours que si l'on parle beaucoup des HLM de Montfermeil, on oublie trop souvent qu'à l'origine il ne s'agissait pas de HLM mais de copropriétés.

Pour éviter des difficultés, puisque nous sommes confrontés à ce problème, nous allons intervenir pour la réhabilitation. La future loi sur l'urbanisme devrait nous permettre d'être plus incitatifs et c'est pourquoi je considère qu'il conviendra, lorsqu'elle viendra en discussion, de remettre en valeur le logement social pour en finir avec cette idée qu'il est source des problèmes au sein d'une communauté.

M. le Président : Mme Jocelyne Riou, M. Adrien Zeller, je vous remercie pour cette première prise de contact de notre Délégation avec l'Association des Régions de France avec laquelle, sans nul doute, nous aurons encore à travailler sur ce sujet.

Audition de MM. René Beaumont, Roger Besse et François Fortassin, représentants de l'Assemblée des départements de France

Réunion du mercredi 26 janvier 2000

Présidence de M. Philippe Duron, Président

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui les représentants de l'Assemblée des départements de France, MM. René Beaumont, Président du conseil général de Saône-et-Loire, Roger Besse, Président du conseil général du Cantal et François Fortassin, Président du conseil général des Hautes-Pyrénées.

Notre Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan Etat-région en cours de signature. Elle s'intéresse tout particulièrement à leur volet territorial, et souhaite que cette réunion porte essentiellement sur ce thème.

Vous savez, en effet, que la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, dans ses articles 25 et 26, offre aux pays et aux agglomératons la possibilité de signer un contrat particulier avec qui doit s'inscrire dans l'enveloppe des contrats de plan Etat-région. Lors du (Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 23 juillet 1999, le Premier ministre a indiqué que 20 % du montant de cette enveloppe seraient consacrés au volet territorial.

Cette nouvelle disposition, destinée à promouvoir les projets de territoire, est d'une application difficile dans la mesure où les territoires sont aujourd'hui en formation et ne sont donc pas en mesure de proposer à la contractualisation un projet immédiatement opérationnel.

Nous souhaitons connaître votre appréciation sur ce sujet, et savoir comment vous vous inscrivez dans le soutien de ces nouvelles mailles territoriales que sont les pays et les agglomérations.

M. René Beaumont : Monsieur le Président, je vous remercie tout d'abord de votre volonté d'entendre l'Assemblée des départements de France sur un sujet qui la concerne au plus haut point.

Je réfléchissais tout à l'heure à l'affirmation du délégué à l'aménagement du territoire, M. Jean-Louis Guigou, devant le conseil national de ce même aménagement du territoire auquel j'ai l'honneur de participer : "C'est une grande chance que le mois de janvier 2000 soit le début à la fois de la contractualisation nationale et de la mise en place des fonds structurels européens."

C'est effectivement une chance si l'on veut bien assurer la cohérence entre la programmation nationale et les préoccupations européennes, mais il s'agit également d'une inquiétude, car la collision des diverses procédures va certainement créer des embouteillages. Et c'est d'ailleurs ce que nous constatons aujourd'hui.

J'ai bien entendu, monsieur le Président, votre souhait de nous entendre sur la contractualisation nationale, cependant je ne pourrai m'empêcher de vous dire un mot sur les fonds structurels qui sont également d'actualité.

S'agissant de la contractualisation nationale, je rappellerai (tout d'abord) la part que les départements y ont pris, pour dire, d'entrée de jeu, qu'ils sont tout à fait d'accord pour continuer. Nous l'avons d'ailleurs exprimé très clairement et d'une façon unanime au congrès de Toulouse, où nous avons eu la chance d'être entendus par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur. Nous avons trouvé une écoute attentive de leur part quant à l'intégration des départements dans les contrats de plan, notamment en les associant à leur élaboration. Nous souhaitons donc être associés, non seulement dans les domaines de notre compétence, mais également dans ceux où nous souhaiterions intervenir.

Cette participation s'est traduite, dans le passé, par 20 milliards de francs consacrés directement aux crédits d'accompagnement des contrats de plan de la précédente génération, puis par 50 milliards de francs par an consacrés aux aides aux collectivités ; chaque département a sa propre politique, mais tous les départements aident les communes et les groupements de communes. Enfin, il convient d'ajouter à ces sommes les crédits d'accompagnement que les départements ont versé en contrepartie de l'application des fonds structurels, environ 30 à 40 milliards de francs. L'implication des départements est donc importante, et elle le demeurera dans les prochains contrats de plan.

S'agissant des contrats de plan proprement dit, les départements tendent à conforter leurs engagements au service des territoires, mais également dans la politique de la ville, certaines de nos compétences nous y conduisant naturellement. Cette implication a été souhaitée par le gouvernement et clairement exprimée par le ministre de la ville, M. Claude Bartolone, dans sa circulaire du 31 décembre 1998.

Nous souhaitons également affirmer notre attachement à l'efficacité de l'action publique. Nous entendons, dans ce domaine, rechercher une véritable complémentarité entre les actions des différents partenaires et non une superposition d'interventions qui ne ferait que compliquer les dossiers.

A ce propos, nous ne sommes pas sûrs d'avoir été bien compris. Les départements vont, sur le terrain, être forcément chargés d'assurer la cohérence entre un certain nombre de dispositifs : nationaux, régionaux, schémas de services collectifs, schémas régionaux d'aménagement du territoire, directives territoriales d'aménagement du territoire, contrats globaux, contrats particuliers, procédures contractuelles diverses, contrats de massifs, plans de développement des fleuves. Par exemple, dans la prochaine contractualisation de contrats de plan de la Saône-et-Loire, nous avons quatre contrats de plan : le contrat de plan global, le contrat route Centre Europe Atlantique (RCEA), le contrat Loire et le contrat de plan compensatoire Saône/Rhin. Et pour ces quatre contrats, l'intervention de l'Etat sur les routes n'est jamais la même - celle des autres collectivités non plus d'ailleurs -, ce qui n'est pas simple à gérer.

Par ailleurs, nous demandons, dans ces contrats de plan - et nous rejoignons là les préoccupations de l'Etat - une évaluation permanente. L'Etat a souhaité également une étape d'évaluation forte au bout de trois ans. Celle-ci doit être accompagnée d'une évaluation permanente du déroulement des procédures contractuelles, en y associant l'Etat, les régions, les départements, les élus locaux et les socio-professionnels qui sont les mieux à même, sur le terrain, de juger les résultats.

S'agissant des politiques contractuelles, nous souhaitons qu'elles respectent les compétences jusqu'alors dévolues à chacune des collectivités ; qu'elles évitent les chevauchements que j'évoquais tout à l'heure et qui sont préjudiciables à l'identité de l'action et générateurs de surcoûts de fonctionnement très importants. Prenons l'exemple de l'humanisation des maisons de retraites qui est de la compétence des conseils généraux. Cela semble être une préoccupation de l'Etat, mais nous n'avons pas la possibilité de contractualiser directement avec lui ! Dans le contrat de plan précédent, la région avait été obligée de participer à l'humanisation des maisons de retraite à hauteur de 5 % afin de prouver sa volonté de contractualiser avec l'Etat. Cette démarche est stupide ! Elle a mobilisé trois fonctionnaires régionaux pour gérer les dossiers et des semaines de retard pour chacun d'entre eux. La région peut très bien signer un contrat sachant que les départements sont prêts à cosigner sur un point qui est de leur compétence.

Nous souhaiterions également, pour les missions partagées, que soit mise en place la notion de chef de file. Lorsque la compétence de telle ou telle collectivité est affirmée, celle-ci devrait piloter totalement le dossier et trouver des cofinancements auprès d'autres collectivités voulant y participer. Ce serait là une simplification évidente pour les élus de terrain qui comprennent mal pourquoi il est nécessaire d'établir trois ou quatre dossiers pour une action relativement simple qui pourrait être traitée autrement que par des politiques contractuelles croisées entre les différentes collectivités.

Autre point important dans la cohérence de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l'Etat : nous souhaitons une déconcentration des services de l'Etat de façon à avoir, aussi bien au niveau des régions que des départements, un véritable interlocuteur ; il est vrai que de remonter à l'échelon national prend beaucoup plus de temps.

Par ailleurs, nous demandons une possibilité de délégation de maîtrise d'ouvrage de la part de l'Etat lorsque telle ou telle collectivité - ou groupement de collectivités - assure la plus grande part du financement.

J'ouvrirai une parenthèse pour dire qu'il convient de déterminer précisément à la fois les collectivités participant aux opérations et les subventions, pour plus de clarté. S'agissant de la route Centre Europe Atlantique que j'évoquais tout à l'heure, lorsqu'on fait le compte de la participation de l'Etat hors taxes - puisqu'il récupère la TVA sur l'ensemble du dispositif -, on s'aperçoit que son financement est bien moins important que celui des régions et des départements réunis, la différence étant de 150 millions de francs.

Dans ces conditions, on s'interroge sur l'opportunité d'une maîtrise d'ouvrage obligatoirement étatique. En septembre dernier, M. Michel Delebarre disait d'ailleurs très justement qu'il avait le sentiment, à travers les contrats de plan, que l'Etat faisait son marché dans le panier des départements et des régions.

Si je reprends l'exemple de la route Centre Europe Atlantique, l'Etat en a certes fait une priorité en la finançant largement dans tous les contrats de plan, mais pour une voie expresse à deux fois une voie - elle passera à deux fois deux voies à partir de ce contrat de plan - qui reste une route nationale.

Il nous paraît donc intéressant de réfléchir à une délégation de maîtrise d'ouvrage de l'Etat qui s'imposerait dans un certain nombre de cas où les collectivités prennent une plus grande part que l'Etat dans le financement.

Au sujet des contrats de pays, monsieur le Président, la position de l'ADF a beaucoup évolué. Au départ, cette démarche avait été reçue assez fraîchement, mais les minoritaires que je représentais ont fait école et, aujourd'hui, tout le monde a intégré cette notion en comprenant que le pays n'était pas forcément l'ennemi du département. Actuellement, la plupart des départements ont mis en place des structures permettant l'émergence des pays - ce sont en général les mêmes dispositifs que pour les agglomérations.

Les conseils généraux et les conseils régionaux peuvent, à la demande de l'un ou de l'autre, être associés à un établissement public de coopération intercommunale, conformément à l'article 33 de la loi du 12 juillet 1999, dans les domaines de leur compétence, chaque fois qu'ils en voient l'avantage et l'intérêt : nous souhaitons que cette possibilité d'association soit élargie aux pays.

J'évoquerai maintenant les contrats de ville qui sont en cours de préparation et j'en profiterai pour donner une photographie de l'ensemble des départements quant à leur appréciation sur l'association dont ils sont l'objet avec les autres partenaires - régions et Etat - pendant ces contrats de plan. Les témoignages sont très différents d'un département à l'autre. Nous avons réuni la commission d'aménagement du territoire au début du mois de janvier : les appréciations étaient diverses, mais plutôt pessimistes au sujet de leur implication, car il n'y a pas eu de véritable concertation.

En Bourgogne, les concertations sur le contrat de plan se sont très bien passées - cela se passe toujours bien -, notamment pour les contrats de ville ; nous sommes en effet désormais associés à l'ensemble des contrats de ville qui couvrent nos territoires. Mais certains conseillers généraux d'autres départements nous ont fait savoir qu'ils ne participeraient pas aux contrats de ville, déplorant ainsi le manque de concertation ; il s'agit d'une minorité, mais elle existe.

Nous souhaitons participer, non seulement dans nos compétences réelles, mais également dans des compétences qui sont à la marge : l'échec scolaire, la violence, l'insertion sociale et professionnelle, la citoyenneté ou le logement, tous domaines qui sont de la compétence de l'Etat, mais pour lesquels nous nous engageons fortement et volontairement. En Bourgogne, nous nous sommes impliqués dans le logement social à hauteur de 4 millions de francs par an pendant sept ans.

Je dirai maintenant un mot sur les fonds structurels européens et les zonages - je m'exprimerai là sous ma double casquette de Président de conseil général et de membre du conseil national de l'aménagement du territoire - pour lesquels la concertation est inexistante. Nous avons tout vu, dans ce domaine.

S'agissant de la prime de l'aménagement du territoire (PAT) pour laquelle nous ne sommes pas trop mal informés, nous savons - par indiscrétion - que le Gouvernement français vient de retourner sa copie à Bruxelles ; or personne n'a été consulté : ni le conseil national de l'aménagement du territoire, ni les départements, ni les régions. C'est tout de même un peu gênant ! D'autant que nous sommes directement mêlés à l'utilisation des fonds structurels - 30 à 40 milliards de francs en contrepartie.

Je dois reconnaître que s'agissant de la carte des fonds structurels, la concertation a eu lieu sur le terrain. Très rapidement, certes, mais elle a eu lieu.

Je note aujourd'hui que pour la mise en place des documents uniques de programmation (DOCUP), nous avons reçu, le 16 janvier, le secrétaire général des affaires régionales qui nous a expliqué qu'une concertation allait avoir lieu du 16 au 31 janvier, puis du 1er au 15 mars. Les DOCUP serviront tout de même à gérer les crédits européens pendant sept ans pour l'ensemble du territoire ; pensez-vous qu'une concertation puisse être qualifiée de sérieuse lorsqu'elle dure deux fois quinze jours ?

Par ailleurs, la première concertation devait commencer le 16 et se terminer le 31 janvier, or nous sommes le 26 et nous n'avons toujours pas reçu de convocation ! Au mois de mars, la concertation sera du même type - c'est-à-dire nulle - et les DOCUP seront rédigés par les services du Secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) ! Ils sont certainement compétents, mais nous aurions pu leur apporter un certain nombre de connaissances précises que nous avons sur ce dossier.

Je terminerai mon propos liminaire en disant un mot sur le problème des intempéries.

Je vous laisserai deux documents, une lettre cosignée par l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, l'Association des régions de France, les chambres de commerce, les chambres d'agriculture et les chambres de métiers, et le communiqué de presse des trois institutions territoriales - communes, départements et régions.

Le Premier ministre a souhaité que les contrats de plan soient rapidement signés. Nous le souhaitons également mais nous ne voyons pas comment l'on pourrait y intégrer les mesures d'urgence prise en faveur des collectivités ayant souffert des intempéries. Nous ne pouvons pas bouleverser des contrats de plan que nous avons négociés, parfois assez durement, pour faire jouer la solidarité nationale.

Bien entendu, nous sommes tout à fait d'accord pour exercer cette solidarité conjointement avec l'Etat, mais dans un contrat de plan particulier.

Enfin, nous souhaiterions être entendus très rapidement par le Premier ministre afin de lui présenter nos propositions en matière de simplification administrative sur les dossiers de réparation des intempéries. En effet, si personne ne coordonne les aides sur le terrain, nous ne pourrons pas y parvenir. Dans mon département, dont les forêts sont particulièrement sinistrées, des bûcherons et des scieurs me demandent tous les jours « qui fait quoi ? », « avec qui ? » ; il n'y a aucune coordination.

Il serait donc souhaitable que l'Etat organise cette coordination et s'active sérieusement pour trouver des sites de stockage et mettre en place les équipements nécessaires, ce qui n'est pas simple, car il convient d'arroser ces bois pendant plusieurs mois, ce qui représente des volumes d'eau considérables. Si nous appliquons les règles des marchés dans ce domaine, les bois de France sont perdus.

M. François Fortassin  : Monsieur le Président, mesdames, messieurs les députés, comme cela vient d'être dit par mon collègue, il y a, de la part des conseils généraux, une action volontariste sur les contrats de plan. Il est évident que dès l'instant où nous serons appelés à participer financièrement, nous devrons être consultés en amont.

Je parlerai de la région Midi-Pyrénées, puisque je suis à la fois Président du conseil général et conseiller régional. Même si nous n'y trouvons pas tout ce que nous souhaitions, notre contrat de plan est cependant relativement satisfaisant. La concertation a eu lieu. Cependant, nous pouvons aller plus loin et poser un certain nombre de questions.

Tout d'abord, le contrat de plan est un moment important dans la vie politique de nos institutions et doit être, pour nos collectivités, un moment fort synonyme de renforcement de la décentralisation.

Ensuite, nos collectivités sont des structures de proximité et lorsqu'on parle d'aménagement du territoire, il est tout à fait normal qu'elles occupent la place qui doit leur revenir.

J'insisterai sur un point qui nous paraît important et qui n'a pas été suffisamment pris en compte : celui d'une véritable évaluation du contrat de plan précédent. Cette évaluation doit se faire à plusieurs niveaux. Il convient tout d'abord de contrôler si l'objectif du "développement harmonieux et plus équilibré du territoire" est atteint ou si, au contraire, nous avons mené un certain nombre d'actions, certes intéressantes, mais qui n'apportent pas forcément la réponse souhaitée.

Si l'évaluation financière est réalisée - les services de l'Etat sont capables de dire si le contrat de plan est réalisé à 70 ou 80 % -, il n'y a pas d'évaluation en termes de pertinence et d'efficacité. C'est-à-dire que l'on ne mesure pas, lorsqu'un équipement est construit, s'il était indispensable de réaliser celui-là ou si l'on aurait dû en créer un autre.

Je reviendrai maintenant sur la délégation de la maîtrise d'ouvrage, évoquée précédemment. Grâce à la volonté de Lionel Jospin, lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, le plan Université 2000 a vu le jour. Le Premier ministre avait été, à l'époque, très clair, puisqu'il n'a obligé ni les conseils généraux, ni les conseils régionaux ni les villes à participer ; il nous a tout simplement expliqué que si nous y participions, il élaborerait un plan plus ambitieux. Or ce plan Université 2000 a été très bien accueilli et particulièrement utile - il se poursuit avec l'Université du troisième millénaire. Par ailleurs, dans mon département, le conseil général en a été le maître d'ouvrage. Il n'y a donc eu aucun problème.

En revanche, il convient de soulever le problème des routes. En effet, dans ce domaine, l'Etat et la région cofinancent à parts égales alors que les départements interviennent tout à fait librement. Lorsqu'il s'agit de rocades, les maîtrises d'ouvrage reviennent, soit aux communes, soit aux conseils généraux. En rase campagne, les routes étant nationales, l'Etat a systématiquement la maîtrise d'ouvrage.

J'admets volontiers que l'Etat ne veuille pas abandonner totalement la maîtrise d'ouvrage. En revanche, il serait utile qu'elle soit partagée, notamment par souci d'efficacité ; si nos services techniques étaient chargés de réaliser un certain nombre de travaux, ils iraient certainement plus vite et cela coûterait moins cher !

Accessoirement, il y a même un "petit" problème financier ! Pour la région Midi-Pyrénées, il est de plus de 6 milliards de francs. Sur ces 6 milliards de francs, l'Etat participe à hauteur de 2,4 milliards, mais récupère la TVA. Il y a là un problème.

Je serai très clair : nous ne demandons pas systématiquement la maîtrise d'ouvrage, mais il serait souhaitable de faire, par exemple, une répartition trois quarts, un quart, l'Etat conservant la maîtrise pour tous les ouvrages d'art.

Dans un département comme le mien, avec 120 kilomètres de routes nationales et 2 700 kilomètres de routes départementales, les fonctionnaires de l'Etat ne sont pas nécessairement plus compétents que ceux de notre collectivité dans ce domaine. Et ce problème est important en termes d'efficacité.

Au sujet des nouvelles techniques de communication, je voudrais aborder le problème du haut débit. Nous avons aujourd'hui une grande diversité de canaux traversant nos départements sans que personne n'en soit informé ; ce n'est pas normal. A l'instar de ce qui se fait pour les routes, nous aimerions être informés et consultés, au lieu d'entendre France Télécom se contenter de dire qu'elle peut satisfaire nos besoins dans ce domaine.

Quant aux pays, il est indispensable que nous y soyons associés ; une collectivité de proximité comme la nôtre ne comprendrait pas que cela ne soit pas le cas. Bien entendu, cela peut être variable d'un département à l'autre, mais je souhaite, dans un petit département comme le mien, qu'il n'y ait pas de zones d'ombre.

En effet, si nous laissons l'initiative locale à ceux qui sont les plus dynamiques, ils se fédéreront en pays et laisseront de côté des zones moins développées ; au bout de dix ans, cela deviendra catastrophique car il y aura une grande disparité dans le développement.

Quant à la concertation, je dirai qu'elle peut toujours être meilleure. Cela dit, il convient aussi quelquefois de la susciter. Certaines personnes détenant un soupçon de pouvoir ont tendance à considérer que celui-ci s'exerce encore mieux si elles font de la rétention d'information ; à nous de leur faire savoir que nous n'acceptons pas ce genre de comportement.

M. Roger Besse : Monsieur le Président, le contrat de plan de ma région a été élaboré avec un minimum de concertation. Le Président du conseil régional a multiplié les réunions, et si les départements ont été amenés à apporter une contribution écrite, il n'y a eu ni véritable concertation, ni véritable dialogue. Cependant, j'espère que cette situation va s'améliorer, quatre réunions étant prévues en l'espace de dix jours.

S'agissant des fonds structurels et du zonage PAT, il n'y a eu aucune concertation. Nous avons été convoqués par le préfet de région qui nous a montré une carte, nous a à peine écoutés, puis a clos le dialogue après une demi heure de discussion.

Cette carte nous a été imposée : tout le département est éligible à la PAT, à l'exception de la zone la plus dynamique, celle de la préfecture. Cela est complètement incohérent, car au cours des dix dernières années, toutes les PAT qui ont été attribuées l'ont précisément été sur la ville préfecture, la ville plus dynamique !

Par ailleurs, s'agissant des fonds structurels européens, tout le département est classé en objectif 2, à l'exception des 17 communes les plus dynamiques. Nous avons essayé de faire valoir un certain nombre d'arguments, mais nous avons échoué. Quant aux DOCUP, nous ne disposons d'aucune information à leur sujet.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par M. René Beaumont, mais sachez que je suis d'accord avec tous les sujets qu'il a développés, sans aucune exception.

Dans ma région, les stations thermales sont importantes et en difficulté ; je regrette que rien ne soit prévu dans le contrat de plan en leur faveur, si ce n'est quelques mesures ponctuelles qui ne peuvent répondre à leurs besoins. Tous les établissements de la région Auvergne devraient faire l'objet d'une remise à niveau indispensable, voire, au vu des nouvelles normes, d'une reconstruction pure et simple. Nous aurions donc souhaité un plan thermal plus fort et plus structuré.

Je souhaiterais aussi aborder le problème des zones d'ombre dans le domaine des réseaux de télécommunications. M. Michel Bon, PDG de France Télécom, me disait ce matin qu'il y aurait, à la fin de l'année, plus d'abonnements sur les téléphones mobiles que sur les postes fixes - ce qui était totalement imprévisible voilà cinq ans. Compte tenu de cette évolution, je regrette vivement que 20 % de la population vivant dans les zones de montagne ne soient pas couverts. M. Michel Bon me disait que leur couverture pourrait se faire par satellite, mais à coût beaucoup plus élevé. La seule solution est d'installer des relais, mais un relais coûte au minimum 300 000 francs alors qu'il ne concerne qu'une très faible partie de la population. Les communes n'ont pas les moyens et ces populations, déjà très isolées, vont être encore plus marginalisées.

S'agissant des pays, la position de l'ADF a évolué ; nous sommes maintenant pratiquement tous favorables à leur émergence. M. François Fortassin a raison d'insister sur le fait que les départements ne devront pas être démembrés et qu'il ne faudrait pas que des zones entières soient privées de cette dynamique qui devrait permettre de mettre en place les pays.

Par ailleurs, je voudrais vous rapporter les propos de M. Jean-Louis Guigou, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, qui nous a affirmé que, pour la création des pays, il était prêt à apporter une aide importante pour permettre une mobilisation de la matière grise, notamment dans les zones qui en ont le plus besoin.

En ce qui concerne les intempéries, se pose le problème de la mise en place et de la concrétisation des mesures annoncées par le Premier ministre. Plusieurs réunions ont eu lieu sur le terrain avec les responsables de la filière bois : le temps presse, une course contre la montre est engagée car les résineux, par exemple, doivent impérativement être traités dans les quatre mois qui viennent.

Le stockage, la valorisation et l'évacuation des bois sont des mesures qui doivent intervenir très vite. La SNCF semble prête à apporter son aide en cette matière - cela ne peut qu'augmenter son chiffre d'affaires. Elle est donc invitée par le Premier ministre à favoriser l'enlèvement du bois pour l'acheminer vers des fabriques de pâtes à papier ou des scieries. Cependant, certains départements sont dépourvus de lignes SNCF ; dans mon département, par exemple, 292 kilomètres de ligne ont été fermés en dix ans. Il conviendrait donc de les rouvrir pour le fret.

La SNCF est d'accord sur le principe, mais attend des ordres de sa direction. Contacté, son Président, Louis Gallois, a proposé de tenir une réunion à la fin de cette semaine, son attention ayant été attiré sur l'urgence des mesures à prendre.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie. Vous avez abordé un vaste champ de préoccupations qui dépasse un peu l'objet de cette audition et dont il a été question dans le débat sur la loi d'orientation et l'aménagement du territoire. Nous avons veillé, dans cette loi, à ce que les départements soient associés à la préparation des contrats de plan , aussi bien en amont qu'en aval.

Notre collègue, Marie-Françoise Pérol-Dumont, a été une avocate attentive et efficace de la cause des départements et des conseils généraux. Je crois que nous avançons, même si les résultats, sur le terrain, sont encore inégaux et que certaines régions sont plus ouvertes à la concertation que d'autres.

J'aimerais revenir sur ce qui préoccupe la Délégation, à savoir le volet lié à la contractualisation, avec les pays et les agglomérations. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur la délimitation des territoires pertinents, sur la taille de cette maille d'aménagement du territoire : doit-elle se rapprocher du bassin d'emplois comme nous l'avons souhaité dans la loi - nous avons l'impression que certains pays émergents sont d'une taille un peu faible pour être capables de porter un projet ambitieux ? Que pensez-vous des pays trans-départementaux qui peuvent recouper des mailles anciennes telles que le canton ou l'arrondissement ?

Par ailleurs, êtes-vous tentés de jouer le jeu des pays et des agglomérations pour mieux territorialiser vos politiques départementales ? M. Adrien Zeller nous disait la semaine dernière que l'Alsace allait lancer cette politique en s'appuyant sur la maille "pays" pour les politiques de formation professionnelle ou d'appui aux PMI-PME.

Enfin, quelles sont les thématiques des projets de pays qui vous semblent les plus nécessaires ?

M. Jean-Michel Marchand : Messieurs, je souhaiterais avoir votre réaction et votre sentiment sur ce qui est prévu dans la loi, c'est-à-dire la possibilité pour l'agglomération et le pays d'exister sur le même territoire, l'agglomération étant incluse au sein d'un pays.

Dans certains départements - et le mien en particulier -, la gestion de ce problème est très diversifiée, avec parfois une volonté d'exclure les agglomérations des pays. Je voudrais donc connaître votre sentiment et savoir si vous avez une vision plus large que la mienne.

M. Pierre Cohen : Il me semble que l'on parle beaucoup des pays - et je comprends la relation département/pays -, mais la nouveauté réside tout de même avec les lois Voynet et Chevènement dans la reconnaissance et l'émergence des agglomérations.

Vous nous avez affirmé que les dispositifs pour les agglomérations et les pays sont les mêmes ; il y a tout de même un certain nombre de compétences obligatoires dans les pays qui peuvent vous amener à vous positionner de façon plus précise : les problèmes des transports en commun, les contrats de ville et les problèmes d'aménagement du territoire avec les schémas directeurs ou autres.

Par ailleurs, vous avez insisté sur le fait qu'il convenait de bien cibler les compétences sur lesquelles vous devez avoir une responsabilité, voire une contractualisation directe avec l'Etat. La loi parle des schémas de services collectifs : les technologies de communication en font partie. Sur les autres, y a-t-il des points précis sur lesquels vous souhaitez être partenaires à part entière au nom de tous les départements, afin d'avoir une politique cohérente et pour que sur ces contrats de plan Etat-région et sur la notion de schémas de services collectifs les départements puissent se positionner ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont : Monsieur le Président, le fait que nous ayons invité les représentants de l'Assemblée départementale de France pour l'une de nos premières auditions est significatif de l'importance que nous accordons à l'échelon départemental.

Nous sommes ici un certain nombre à être membres d'exécutifs départementaux, il est donc normal que nous soyons en phase, au-delà de nos philosophies personnelles, sur les sujets abordés ce matin.

Ma remarque concerne notamment le sujet très important de la délégation de la maîtrise d'ouvrage. Le rôle de notre Délégation est d'évaluer, mais également de proposer. Et il est important, monsieur le Président, que nous reprenions cette idée : pour des raisons financières, pour des raisons d'efficacité, mais aussi parce que je suis convaincue qu'il s'agit d'une deuxième étape de la décentralisation et que nous en sommes à un stade où il convient d'affirmer ces principes.

M. Serge Poignant : Monsieur le Président, étant membre d'un exécutif départemental, je pense que le département doit avoir toute sa place à la fois dans la réflexion et la concertation, ainsi qu'auprès des pays.

J'aimerais connaître la position de l'Assemblée départementale de France sur la partie territoriale de la contractualisation. Mme Dominique Voynet nous a dit que l'on allait réserver un tiers des crédits pour la partie territoriale sur les contrats de plan - en 2003 peut-être. Quel est l'avis de l'ADF à ce sujet ?

M. Nicolas Forissier : Un mot simplement pour poursuivre les réflexions qui ont été faites sur les pays. Je pense qu'il faut aller plus loin. Pour ma part, je suis non pas conseiller général, mais président d'un pays. Or j'ai le sentiment que l'évolution, dans la nouvelle répartition des territoires, n'est pas favorable aux départements. Un pays est composé - en tout cas chez moi - de plusieurs cantons qui forment un bassin de vie, avec une logique économique, une logique de flux de populations et une logique d'aménagement du territoire.

Ne pensez-vous pas, en tant que représentants des départements, qu'il y a dans cette émergence des pays, soit parce qu'ils ont été favorisés par l'Etat - après les lois Pasqua et Voynet -, soit parce qu'il y a des contractualisations directes entre ces pays émergents et les conseils régionaux, une remise en cause du découpage départemental, voire des départements ? Et je lie cela à ce que j'entends régulièrement concernant l'échelon administratif de trop en France.

M. René Beaumont : Au risque d'être irrévérencieux, je répondrai tout d'abord à M. Nicolas Forissier ! Sur la question de la disparition des départements, l'Assemblée départementale de France a été unanime - moins une voix - au congrès de Toulouse, devant le Premier ministre et le ministre de l'intérieur : les départements ont la volonté de continuer à exister. Bien entendu, cela ne veut pas dire que dans 20 ou 30 ans il ne faudra pas repenser la carte d'administration territoriale de la République ! Mais l'histoire nous a appris que l'on supprimait rarement un échelon dans l'administration territoriale française !

Par ailleurs, j'ai noté ici, tout comme au congrès de Toulouse, l'attachement des parlementaires aux départements,. Et le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont confirmé notre sentiment. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les départements participent très activement à l'émergence des pays.

A la question « comment envisagerons-nous de fonctionner dans ces conditions ? », je répondrai tout simplement : d'abord dans nos domaines de compétence, aussi bien pour les pays que pour les agglomérations. Je vous ai dit tout à l'heure ce qu'il en était pour les contrats de ville, et je vous pose une question à mon tour : quid des contrats d'agglomération sur la ville ? Que va-t-on en faire ? Personne n'en sait rien.

Nous nous impliquerons donc dans nos compétences et même en dehors, si on le juge nécessaire. Dans quels domaines privilégiés ? Les départements, en matière d'aménagement du territoire, sont des terres d'équilibre : ils ont tous une ville et des campagnes. Un des thèmes dominants sera celui de l'égalité géographique des chances : que l'habitant du canton le plus reculé du Cantal et celui des Hauts-de-Seine aient les mêmes chances. Cela n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, j'ai des chiffres assez précis sur l'aide de l'Etat : elle est sept fois supérieure - par habitant - dans les Hauts-de-Seine qu'en Lozère !

Tout cela pour vous dire que le trait dominant est d'essayer d'établir, dans tous les domaines, l'égalité des chances. Bien entendu, il s'agit d'un objectif utopique dans de nombreux secteurs, mais il ne faut pas laisser le fossé se creuser ; nous avons besoin de mieux répartir les hommes sur l'ensemble du territoire.

J'en viens maintenant à la délimitation des territoires structurels. A propos des pays trop petits, j'observe qu'ils n'ont pour vocation que de combler une absence d'intercommunalité. Partout où l'on trouve des zones d'intercommunalité, il n'y a pas d'émergence de pays de petite taille. Or il me paraît dangereux de sauter l'étape de l'intercommunalité, car les compétences des uns ne sont pas celles des autres.

Si on laissait ces petits pays, de 5 000 ou 10 000 habitants, d'un canton ou un canton et demi contractualiser directement avec l'Etat, on commettrait une lourde erreur.

S'agissant de la contractualisation directe, vous avez cité l'exemple de l'Alsace, monsieur le Président. Mais il s'agit d'un mauvais exemple ! En effet, les élus d'Alsace ont la volonté de réunir leurs deux départements pour n'en faire qu'un. Dans un tel cas, la région et le département pourront tous deux contractualiser avec les pays. Mais il s'agit d'un cas isolé.

En ce qui concerne la question sur les thématiques des projets de pays, je pensais y avoir répondu. Il y aura bien entendu, en priorité, celles qui sont de nos compétences plus toutes celles qui peuvent concourir à cette égalité géographique des chances ; je pense, par exemple, au transport, fret et passagers.

Reprenons l'exemple du transport scolaire pour lequel nous pourrions, par les contrats de plan, obtenir des aides importantes de l'Etat. Lorsque l'Etat ferme une école dans une commune rurale, l'Etat et la commune font des économies alors que le département finance le transport scolaire. Il serait normal, dans un tel cas, que l'Etat donne une somme forfaitaire au département pour organiser les transports.

Aujourd'hui, nous devons aller plus loin en matière de transport scolaire et des jeunes en particulier. Il convient de faire en sorte que ceux qui habitent à 50 ou 60 kilomètres d'une ville importante où se déroulent des événements sportifs et culturels, puissent s'y rendre. Je suis en train de mettre en place, dans mon département, en association avec les transporteurs, une possibilité de transports à demi tarif pendant les vacances pour toutes les personnes qui prennent le car scolaire durant l'année, pour se rendre à la ville la plus proche quand ils le désirent.

En ce qui concerne les agglomérations au sein des pays, j'y suis très favorable. J'ai de bons exemples dans mon département, notamment à Chalon-sur-Saône. Si l'on peut contractualiser avec l'agglomération d'un côté et le pays de l'autre - l'agglomération étant une partie du pays -, pourquoi pas !

M. Pierre Cohen a évoqué, dans les schémas de services collectifs, les nouvelles techniques de l'information et de la communication, point très important. M. François Fortassin a traité de la question des hauts débits, mais un autre problème se pose dans les contrats de plan : l'Etat et les régions ont mis en place des contrats de plan pour le développement des nouvelles techniques de l'infirmation et de la communication (NTIC) dans les lycées, nous laissant la responsabilité  d'en faire de même dans les collèges. Résultat : si l'on veut les développer dans les collèges, les départements devront en assurer l'intégralité du financement.

La délégation de la maîtrise d'ouvrage est, quant à elle, un vrai problème. Il ne s'agit pas simplement d'un souci financier mais aussi d'efficacité et M. François Fortassin l'a très bien expliqué. Dans les contrats de plan routiers, par exemple, certains travaux ne commenceront que dans de nombreuses années, l'Etat devant procéder à des acquisitions foncières. Or si la région ou les départements pouvaient acquérir le foncier, on gagnerait au moins deux ans ! D'où l'utilité de la délégation de la maîtrise d'ouvrage. Par ailleurs, nous avons l'habitude des acquisitions foncières, ce qui n'est pas le cas des services de l'Etat.

Enfin, je ne suis pas farouchement opposé aux pays trans-départementaux, même si pour l'instant je n'en connais pas beaucoup. Je suis actuellement sollicité par quelques communes d'un département voisin - le Jura - pour nous rejoindre - nous scolarisons déjà certains de leurs enfants. Simplement je pense que cela va nous apporter plus d'ennuis que d'avantages ; c'est la raison pour laquelle je leur propose d'en rester à la situation actuelle.

Mais lorsqu'il s'agit de véritables pays trans-départementaux, avec un vrai pays, un vrai bassin d'emplois, pourquoi pas !

M. le Président : Le cas peut se présenter pour des villes qui sont à la limite de plusieurs départements et qui ont une aire d'attraction sur deux, voire trois d'entre eux.

M. René Beaumont : Nous avons le cas dans mon département - mais je ne pense pas que l'on va le traiter de cette façon. Mâcon est proche des départements de Rhône-Alpes et de l'Ain ; or l'agglomération est formée de tout cet ensemble. Faut-il pour autant faire un pays trans-départemental ? Il faut être courageux, car j'y vois des difficultés importantes.

M. René Mangin : Monsieur René Beaumont, vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, les compétences des différentes collectivités et notamment celles du conseil général.

Je suis de Lorraine, région qui a connu de grosses difficultés et qui s'est emparée d'une compétence économique que la décentralisation ne lui accordait pas. En ce sens, il y a de grandes disparités, notamment entre les capacités fiscales, selon les départements. L'usine de la Smart s'est installée en Moselle parce que le département avait la capacité de l'accueillir.

Ne conviendrait-il pas d'interdire un certain nombre d'interventions économiques qui déséquilibrent le paysage, l'ensemble de l'activité et aspirent la richesse ?

M. François Fortassin : Monsieur le Président, je répondrai tout d'abord aux questions qui ont été posées précédemment.

Tout d'abord, il convient de faire attention lorsqu'on parle de collectivités « de trop », car l'on nous dit souvent que le département est un territoire pertinent. S'il ne doit être pertinent que pour le préfet, les élus que nous sommes allons cisailler la décentralisation ! C'est un peu comme les communautés de communes ; elles existent. Si elles se sont créées pour avoir quatre sous de plus, elles ne servent à rien. En revanche, si elles se sont créées autour d'un projet et en même temps pour que certaines communes puissent continuer à vivre, c'est une bonne chose.

Il convient également d'être très clair quant aux compétences des conseils généraux. Si nous nous contentions d'assumer nos obligations légales, nous remplirions notre mission, mais nous serions en retrait. En effet, les compétences légales ont été mises en place selon les lois de 1982 ; or la société évolue et nous devons, maintenant, obligatoirement intervenir dans un certain nombre d'autres domaines. C'est une nécessité. Et parfois, ces nouvelles interventions sont plus intéressantes.

Par ailleurs, les hommes politiques - quelle que soit leur tendance - doivent avoir, non seulement une vision économique, mais également - et avant tout - une vision humaniste. La notion de solidarité est très importante, à condition qu'elle n'aille pas du plus pauvre vers le plus riche !

De la même façon, il convient également de dénoncer les visions trop technocratiques ! Ce n'est pas parce qu'un canton a une petite taille qu'il faut le faire disparaître ; dans mon département, le canton le plus dynamique ne compte que 1 000 habitants ! Nous devons donc, quelquefois, aller à contre-courant des idées reçues.

Je vais peut-être aller un peu loin, mais au fond, l'on pourrait se passer des élus. Notre raison d'être est de représenter tout le monde, jusqu'aux plus démunis, sinon ils passent à la trappe et sont laminés. Et ce qui est vrai pour les hommes, l'est également pour les territoires.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie. Non seulement, vous avez répondu aux questions que nous nous posions, mais vous avez aussi pointé un certain nombre de sujets qui mériteront d'être repris par notre Délégation. Nous aurons certainement l'occasion de vous solliciter de nouveau dans les semaines ou les mois qui viennent.

Audition de Mme Bettina Laville,

conseillère du Premier ministre pour l'aménagement du territoire

et de l'environnement

Réunion du jeudi 27 janvier 2000

Présidence de M. Philippe Duron, Président

M. le Président : Madame la conseillère du Premier ministre, je vous souhaite la bienvenue.

La Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan Etat-régions actuellement en cours de signature. Elle s'intéresse tout particulièrement au volet territorial de ces contrats et souhaite que cette réunion porte sur ces thèmes. En effet, la loi du 25 juin 1999, dans ses articles 25 et 26, offre la possibilité aux nouvelles mailles territoriales que sont le pays et l'agglomération de contractualiser avec l'Etat dans le cadre du contrat de plan Etat-régions.

Le Premier ministre, lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 23 juillet 1999 a indiqué que 20 % des enveloppes des contrats de plan seraient consacrés au volet territorial. Depuis, des chiffres différents ont parfois été fournis aux préfets et aux élus. On a pu ainsi leur dire que ce volet territorial pourrait atteindre le tiers des montants du contrat de plan.

D'autre part, ce dispositif autorise et encourage les régions et les départements à s'agréger à l'Etat et à compléter ainsi le financement des projets territoriaux.

Dans les faits, la réalité est plus complexe. Pays et agglomérations sont en voie de constitution, rapide il est vrai, ce qui montre que les lois Voynet et Chevènement répondent à une attente des élus.

Les projets territoriaux sont eux beaucoup plus embryonnaires et ne seront pas soumis à contractualisation pour le plus grand nombre avant des mois, voire plusieurs années. Ce délai d'élaboration, de maturation nécessaire des projets, a été admis par le Gouvernement qui autorise une contractualisation jusqu'en 2003.

Mais les contrats de plan étant opérationnels à partir de cette année, comment réserver des crédits pour des projets dont on ignore aujourd'hui le contenu ?

Le risque n'est-il pas que l'addition des lignes de crédits des actions de l'Etat et de la région sur un même territoire vaille projet territorial ? C'est ma première question.

Ma deuxième interrogation porte sur les périmètres pertinents. La loi a indiqué que les pays devaient se rapprocher des bassins d'emploi. Or, sur le terrain, j'observe que de nombreux élus travaillent sur des projets plus réduits, plus proches du bassin de vie, qu'il s'agisse d'une substitution à une coopération intercommunale défaillante, d'un espace de notabilité, d'un espace de résistance à la ville. Ces pays qui s'organisent bénéficient souvent du soutien des services de l'Etat pour élaborer leur territoire.

Aussi, je souhaiterais savoir si les préfets arrêteront des périmètres par trop insuffisants et s'ils accepteront que l'Etat contractualise avec ces territoires. On reviendrait alors plus à une logique de guichet qu'à une logique de projet que la loi et le Gouvernement ont voulu encourager.

Ma troisième interrogation, au moment où l'on signe ces contrats de plan Etat-régions, est la suivante : la loi indique que les administrations s'appuieront sur les pays pour organiser leurs services. On a également prévu dans la loi tout un dispositif favorisant l'émergence de maisons des services publics pour garantir un égal accès de tous les citoyens à ces services.

Les élus et notamment les membres de cette Délégation, sont conscients de la nécessaire modernisation des services publics, mais soucieux à propos de sa mise en _uvre. Depuis quelques jours, nous avons des inquiétudes quant aux annonces qui seront faites par les ministres des finances et du budget concernant la mission 2003, notamment pour savoir si, demain, l'organisation des services publics structurera encore les pays, s'il y aura une territorialisation de l'action de l'Etat dans les pays, dans les agglomérations, notamment pour les perceptions -c'est le sujet d'actualité, les perceptions étant l'interface indispensable et le conseil des collectivités locales.

Voilà quelques questions pour lancer la discussion et favoriser le débat.

Mme Bettina Laville - Je vous remercie de m'avoir adressé cette invitation qui a pour sujet le volet territorial de l'aménagement du territoire dans son entier, au-delà des contrats de plan.

Mme Dominique Voynet, dans ses v_ux à la presse, a indiqué que ce volet territorial était pour elle synonyme de modernisation de la politique d'aménagement du territoire. C'est effectivement tout à fait exact. Cela a été exigé par les articles 25 et 26 de la loi d'aménagement du territoire que M. le Président vient de rappeler. C'était, plus que la lettre, l'esprit de la loi qui a instauré les communautés d'agglomérations.

Je partage votre constat de départ selon lequel la concrétisation risque d'en être difficile -je ne dirai pas plus facile à dire qu'à faire, puisque l'administration et l'art de gouverner consistent à faire après avoir dit- et cela pour trois raisons.

La première raison est que cela bouleverse -c'est l'intérêt de l'entreprise- toutes sortes de pesanteurs administratives et surtout de sentiments de "propriété" qu'ont toutes les administrations, et particulièrement certaines, par rapport à leurs services régionaux. Je crois que nous n'avons pas encore en France, malgré des textes parfaitement explicites à ce sujet, mesuré combien les préfets de région quand il s'agit de l'espace régional -et il s'agit plutôt de l'espace régional dans l'organisation dont nous parlons- ont le pouvoir de représenter l'ensemble des politiques de l'Etat, c'est-à-dire, normalement, de les mêler. Il est bien question ici d'harmonie.

Bien entendu, l'ensemble des textes de la décentralisation l'ont parfaitement précisé, mais il n'empêche que les ministères ont dans les régions ou dans les départements -la plupart du temps dans les deux- des services régionaux et départementaux auxquels ils donnent des instructions que reçoivent tous les préfets. Les directeurs régionaux et départementaux ne peuvent évidemment pas prendre de décision sans en référer aux préfets. C'est l'esprit.

Dans la lettre parfois et dans la pratique encore plus, les choses restent scindées. C'est ce que ces lois ont voulu combattre. Etant donné la complexité des actions à mener sur le terrain, il est clair que nous ne pouvons agir de façon morcelée. L'esprit même des deux lois Voynet et Chevènement est l'inverse du morcellement des actions ; c'est au contraire leur harmonie et leur synergie.

La deuxième difficulté à mettre en _uvre cette politique tient, a contrario, au fait que dès lors que, dans le cadre de la contractualisation, les ministères ont défini des politiques spécifiques, ils doivent contrôler leur bonne application. Il ne faudrait pas, qu'au travers de la territorialisation et des instruments assez autonomes que sont le pays ou l'agglomération, cette politique se dilue dans des espaces territoriaux où l'on ne retrouverait pas l'origine des actions décidées.

Par exemple, la ministre de la Culture a souhaité que la politique de diffusion culturelle s'adresse prioritairement aux milieux défavorisés. Or, très souvent, les pays sont en milieu rural et revendiquent de fortes politiques culturelles. C'est d'ailleurs très positif car de telles politiques sont nécessaires en milieu rural. Les crédits iraient-ils vers ces pays prioritairement ou vers les milieux défavorisés particulièrement des villes ? Voilà un choix à faire et un équilibre à garder.

Deuxième exemple relatif à l'ensemble des politiques agricoles. Les pays, quand ils se constituent, revendiquent de fortes politiques agricoles, mais vous savez que la priorité du ministère de l'agriculture est accordée aux contrats territoriaux. Il faut une synergie entre les contrats territoriaux et les pays. Un pays peut parfaitement comporter dans un de ses volets agricoles, une somme très intéressante de contrats territoriaux visant une activité agricole spécifique. Mais il faut y veiller ; tout cela n'est donc pas simple.

Troisième série de problèmes relatifs à la technique financière et budgétaire. Quand nous avons travaillé sur ces questions, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement avait demandé que les crédits soient fongibles, c'est-à-dire qu'il y ait une part de crédits mise à disposition du secrétariat général aux affaires régionales (SGAR). Au départ, la demande du ministère était de 30 %. Plus modestement, nous avions réfléchi à 10 %. Les ministères renonçaient à 10 % sur telle ou telle ligne particulièrement adaptée à la politique d'agglomération ou de pays ; celle-ci était mise à disposition du SGAR à la préfecture de région. Il s'agissait d'instiller dans les pays ou dans les agglomérations -en l'occurrence, plus particulièrement dans les pays- des politiques harmonieuses pour mener des actions pas forcément nomenclaturées dans les politiques de l'Etat au niveau du document budgétaire, mais constituant des ajouts intéressants.

Je suis formelle : à moins de changer l'ensemble des règles d'inscription des crédits en loi de finances, ce n'est pas possible. Bien au-delà d'une opposition et d'une crispation des ministères à renoncer à orienter leurs crédits, c'est tout simplement que la loi de finances est fondée non seulement sur l'annualité, mais également sur la spécificité. Ce n'est donc pour l'instant pas envisageable.

Personnellement, au niveau régional, je crois que cela pourrait entraîner certaines dérives. Autant des crédits ciblés peuvent être adaptés, autant des crédits non ciblés ainsi mis à disposition me paraîtraient comporter des risques de dérives par rapport à une demande locale forte. Je vais revenir de ce point de vue sur le pays et la communauté d'agglomérations.

Malgré ces difficultés d'application, cette politique a des avantages considérables parce qu'elle est fondée sur le besoin réel d'évaluer les aspirations de la population de manière beaucoup plus proche qu'on ne le fait aujourd'hui.

Pourquoi fait-on un pays, une agglomération ? Pour pouvoir traiter toutes sortes de problèmes, premièrement à meilleure échelle et deuxièmement ensemble. A meilleure échelle, c'est l'agrandissement du territoire puisque le pays va au-delà de la commune et du groupement de communes, et que la communauté d'agglomérations va au-delà de l'agglomération et de la communauté de communes. Il y a donc une meilleure prise en compte de l'élargissement, réel, de l'espace de vie quotidienne.

Dans les deux cas, c'est le projet qui est central. Cela a été très bien exprimé dans les lois ; le problème est de le faire garder bien présent à l'esprit des membres du corps préfectoral et surtout des élus qui sont à l'origine de la constitution d'un pays ou d'une agglomération.

Le projet peut être extraordinairement divers, même s'il est plus encadré dans la loi Chevènement que dans la loi d'aménagement du territoire qui définit ce qu'est un pays.

Ce projet est un projet de territoire : on se rassemble non seulement pour être à meilleure échelle, non seulement pour être plus "ensemble", mais pour faire quelque chose et pour mettre en commun les moyens nécessaires.

J'insiste sur ce point car je vois des dérives actuellement dans la constitution d'un certain nombre de pays. Heureusement elles ne sont pas majoritaires -la politique des pays est globalement un succès- mais je les évalue personnellement autour de 30 %. Ce sont ce que j'appelle la tentation des "pays de notables". Je ne parle pas de couleur politique ; gauche ou droite, il y a des exemples dans chaque camp. Le notable d'un territoire ferait un pays pour rassembler et de fédérer autour de lui un certain nombre d'élus en privilégiant l'alliance plutôt que le projet. Ce sera le rôle des préfets de regarder à quel point il y a projet derrière tout cela. Nous serons assez vigilants sur cette question ; il faut que les élus, et particulièrement les députés, le sachent. Nous avons donné des instructions très précises aux préfets à ce sujet.

La richesse de ces nouveaux espaces d'intercommunalité n'est en rien de résoudre l'actuelle réflexion sur les régions, les départements et les communes. Ces politiques ne sont pas des succédanés à des réformes qui commencent seulement à être mises en chantier avec la commission sur la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy. Il suffit de confronter les politiques menées grâce aux fonds structurels dans les autres pays européens sur des critères communs pour se rendre compte de la difficulté à faire entrer des politiques européennes dans les espaces de nos masses de granit révolutionnaires - les communes et les départements- puis des régions.

Même si ce sont des espaces institutionnels au titre de la loi Chevènement, le pays et l'agglomération sont plus, à mon sens, des espaces de travail. C'est le terme que je préfère. C'est à partir de ces expériences de travail que l'on pourra tirer des enseignements sur la décentralisation.

Je voulais rappeler un certain nombre de textes, au-delà des articles 25 et 26 évoqués par M. le Président.

Je veux d'abord parler de la circulaire du Premier ministre qui donne le mandat de négociation à l'ensemble des préfets, c'est-à-dire la circulaire publiée en août dernier, après les arbitrages financiers de juillet. C'est à partir de ces mandats que les préfets ont négocié le contrat de plan et c'est à partir de cette négociation que le Premier ministre a définitivement arbitré le montant de 120 milliards de francs pour l'ensemble de la contractualisation.

Tous ces mandats de négociation comportaient deux parties : une première partie commune pour exprimer la politique de l'Etat, une seconde partie qui s'adressait à la région spécifique. Ils indiquaient que "le volet territorial regroupe les politiques ayant vocation à s'inscrire dans un projet de territoire -vous voyez que le terme de projet est au centre de tout cela-. Il se présente notamment sous la forme d'un cadre à l'intérieur duquel il convient d'identifier, avec toute la souplesse nécessaire, d'une part les contrats de ville et d'autre part, les projets de territoires porteurs d'une stratégie globale de développement en faveur desquels l'Etat et la région sont prêts à se mobiliser de manière spécifique avec les collectivités locales concernées, dans le cadre de contrats de pays, de contrats d'agglomération, de chartes de parc naturel régional (existantes ou potentielles). Ces contrats pourront être signés jusqu'en 2003".

Ce paragraphe recèle trois idées principales : le projet, la souplesse dont j'essaierai de vous dire comment nous l'avons organisée, et une date fondamentale : l'année 2003.

Comme M. le Président l'a dit tout à l'heure, nous avons pensé que l'on ne pourrait pas faire en deux ans, en un an et bien entendu encore moins avant la signature du contrat de plan -il n'en est pas question- tous les projets d'agglomération, tous les projets de contrat de pays viables. Sans cela, nous n'aurions pas de projets, mais un rassemblement hasardeux d'opportunités -je n'ai pas dit d'opportunismes- sur une démarche territoriale qui ne correspond pas du tout à l'esprit de la loi.

Aussi avons-nous retenu l'année 2003 qui a la sagesse -car de temps en temps, il faut faire la part au fonctionnement de la démocratie, c'est-à-dire la politique- d'intervenir après les grandes échéances politiques qui nous attendent et, en particulier, après les élections municipales. Actuellement, à un an des municipales, on voit que toutes ces politiques ne peuvent pas être menées de façon sereine. Dans quel coin de France l'ensemble des forces politiques sont-elles complètement d'accord sur un projet un an avant les municipales ? Sûrement dans des endroits bénis !

A l'intérieur de ce mandat, le Premier ministre expliquait comment on allait faire pour traduire les politiques de l'Etat par une action territoriale. Il disait que cette action devait permettre d'accompagner les dynamiques de projets en proposant un mode d'organisation du territoire plus efficace, en intensifiant la mobilisation des initiatives locales et en renforçant la cohésion de l'action publique. C'est le sens -je crois- de la dernière question de M. le Président.

Nous arrivons dans ce texte du Premier ministre, au point important : "Il conviendra de préserver dans le volet territorial (...) pour la durée du contrat, des financements suffisamment importants pour permettre à l'Etat de participer aux contrats de pays, d'agglomération et aux chartes de parc naturel régional".

Il est précisé très clairement que des crédits seront réservés. Cela signifie que, dans les deux premières années, certaines lignes pourront être utilisées à des actions communes, pas forcément ciblées dans le contrat de futur pays ou de la future communauté d'agglomérations. Des actions peuvent être commencées d'ailleurs sans qu'il y ait constitution de ces territoires. On peut faire des actions dans des quartiers, sur des communautés de communes qui, au contraire, lancent la mécanique. Ou bien, on peut donner des crédits qui permettent peu à peu la constitution de cette mécanique. On peut donner des crédits d'étude pour le projet.

Cela dit, dès 2001 -il y aura des contrats de pays à partir de 2001- à partir de 2002 et encore plus à partir de 2003, puisque la grande vague est attendue cette année là, il y aura des crédits réservés pour ces politiques territoriales et ciblées qui concernent trois secteurs :

· le développement économique (ministères de l'industrie, de l'agriculture et de la pêche, des PME, du commerce et de l'artisanat, du tourisme, de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie) ;

· la solidarité et les services au public (ministères de l'emploi et de la solidarité, de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de la jeunesse et des sports, de la santé, de la ville, de la justice, de la culture) ;

· l'aménagement durable du territoire (ministères de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de l'équipement, des transports et du logement, de l'agriculture et de la pêche).

Les actions contractualisées pourront en particulier porter sur -il y a là toute une liste que je tiens à votre disposition -l'encouragement des systèmes locaux de production, la formation, le développement des missions locales, les nouvelles technologies de l'information, le logement en milieu rural et dans les villes moyennes, la lutte contre l'exclusion, la valorisation de l'environnement, la gestion intégrée des pollutions et des risques, le tourisme et les projets pour la jeunesse.

Au niveau technique, "certaines de ces actions pourront relever de lignes budgétaires non contractualisées dans le contrat de plan Etat-régions". Cela veut dire qu'il y a une part contractualisée, le volet territorial des contrats de plan, et cela veut dire que l'on peut aussi avoir recours pour ces politiques à des lignes budgétaires non contractualisées ayant déjà fait l'objet d'un arbitrage et qui devraient être officialisées par l'ensemble des ministères.

S'agissant des agglomérations, les trois grands thèmes suivants ont été retenus :

· développement économique (ministères de l'industrie, des PME, du commerce et de l'artisanat, du tourisme, de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie) ;

· développement urbain équilibré avec une gestion mieux maîtrisée de l'espace, valorisation des tissus urbains et lutte contre la ségrégation urbaine (ministères de l'équipement, des transports et du logement, de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de la ville) ;

· qualité urbaine, qualité de l'environnement et des services urbains (ministères de l'aménagement du territoire et de l'environnement et ses agences, de la culture, de l'équipement, des transports et du logement, de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de la jeunesse et des sports, de la santé).

Suit une autre liste d'actions contractualisées. Cette politique pourra être dans la contractualisation, mais aussi relever de lignes budgétaires non contractualisées dans les contrats de plan Etat-régions.

On est descendu dans les détails parce que cette politique n'est concrète que lorsqu'elle est détaillée. Autrement dit, il ne s'agit pas de dire "l'Europe, l'Europe" ou "le volet territorial, le volet territorial" comme je l'entends un peu dire parfois, mais il s'agit de concrétiser cette politique par des actions spécifiques.

Le cabinet du Premier Ministre a demandé à la DATAR d'élaborer un document à l'usage des élus nationaux, des maires et présidents de communautés de communes et de conseillers généraux et régionaux. Il faudra officialiser cette politique et savoir que les élus participant à la constitution d'un pays ou d'une communauté d'agglomérations ont le droit, dans la limite des crédits disponibles, de demander à tel ministère et donc à tel service régional, l'usage de telle ou telle ligne.

C'est pourquoi le 23 novembre dernier a été organisée une réunion sur le volet territorial des contrats de plan Etat-régions. Sans entrer dans le détail, je vais néanmoins en retracer l'essentiel.

Le ministère de l'aménagement du territoire a rappelé lors de cette réunion qu'il y avait des politiques exclues de la territorialisation, comme celles par exemple des infrastructures de transport, réseaux interurbains, grands équipements universitaires, tout cela correspondant à 40 % des enveloppes régionales attribuées au titre du contrat de plan. Cela va de soi. D'autres lignes ont vocation à animer cette politique de territorialisation, particulièrement les lignes concernant la politique de la ville, des lignes du FNADT et d'autres lignes réparties dans l'ensemble des ministères.

L'appréhension, qui aurait pu être aussi la vôtre, était que le FNADT soit l'instrument exclusif de cette politique de territorialisation. Le ministère de l'aménagement du territoire le craignait beaucoup car c'est son instrument de liberté et d'intervention. Mais les élus, et particulièrement ceux qui sont maires, doivent le craindre encore plus car c'est souvent avec cet instrument, et au-delà des dotations globales d'équipement, qu'ils bouclent les financements de certains projets.

Or, le FNADT pour lequel les arbitrages sont rendus au niveau du Premier Ministre est un instrument très intéressant. C'est l'un des rares instruments qui reste libre dans l'Etat et qui permet de boucler des projets qui ont tous une action d'aménagement du territoire, mais également d'intérêt local parfois très ciblé. Je crois que l'on manque de ce type d'instruments.

L'ensemble des ministères a identifié ses lignes. Bien entendu, cela ne s'est pas fait tout seul. En quoi cela consiste-t-il pour un ministère ? Cela consiste à faire deux opérations psychologiquement très douloureuses et financièrement non anodines, c'est-à-dire identifier une ligne dont ils peuvent donner l'usage complet ou partiel aux préfets de région.

Je prendrai l'exemple des contrats de pays pour l'agriculture et un exemple pour l'ensemble de la politique de la ville.

Au niveau de l'agriculture, dans les politiques prévues dans les contrats de plan, on a pu identifier dix lignes qui correspondent à l'objectif développement durable des activités et des emplois dans l'espace agricole.

Il est évident que la ligne "installation d'agriculteurs et développement d'emplois salariés" a une vocation territoriale partielle. Nous avons donc considéré qu'au fur et à mesure des besoins, ces lignes pouvaient être libérées au niveau régional.

Pour l'agriculture biologique, en revanche, le ministère l'a refusé, parce qu'il considère que c'est une ligne importante pour ses actions de contrats territoriaux d'exploitation. Cela ne veut pas dire que dans un pays, il n'y aura pas de contrat territorial d'exploitation bénéficiant de la ligne « agriculture biologique ». Cela ne veut pas dire non plus que ces pays ne bénéficieront pas du tout de la ligne « agriculture biologique » ; cela veut dire que la décision ne sera pas prise au niveau régional, au niveau du SGAR, mais qu'il faudra pour ce pays négocier avec le ministère ou que le préfet demande l'autorisation au ministère.

Le ministère a également accepté de donner l'usage partiel des lignes suivantes aux préfets de région :

- "valorisation qualitative des produits ;

- "promotion du cheval" ;

- "diversification et insertion dans les territoires ruraux" ;

- "développement des activités de montagne et zones défavorisées" ;

- "diversification et développement local" ;

- "amélioration de la gestion de l'eau et mesures foncières" ;

- "prévention des risques (forêts)" ;

- "gestion durable des forêts".

Le ministère a, en revanche, refusé l'usage d'autres lignes aux préfets de région :

- "appui à la transformation et à la commercialisation des produits", en raison de la sensibilité du sujet, qui relève d'ailleurs d'une politique nationale ;

- "modernisation des établissements d'enseignement supérieur" ;

- "développement de l'enseignement technique, formation, recherche" ;

- "service d'action rurale".

- Pour la politique de la ville, la mise à disposition a été partielle pour les lignes :

- "programmes régionaux de santé" ;

- "plans d'action en santé, environnement" ;

- "investissements inscrits dans les SROS" ;

- "dispositifs d'observatoires sociaux" ;

- "programmes d'humanisation des hospices"

- "établissement médico-sociaux pour personnes âgées" ;

- "établissements pour personnes lourdement handicapées" ;

- "logement et intégration" ;

- "populations immigrées" ;

- "accueil gens du voyage" ;

- "formation de travailleurs sociaux".

En revanche, le ministère a refusé pour la parité hommes et femmes et pour les rapatriés. Cela va de soi.

Il a accepté -ce qui est rare- en totalité pour les lignes relatives à l'économie sociale. L'ensemble de ces lignes sont mises à la disposition des régions pour ce type de politique. Le ministère a considéré que l'économie sociale se faisait uniquement sur le terrain.

Quelles sont les lignes qui sont en totalité à disposition de cette politique au niveau régional ?

Il s'agit bien entendu des lignes du FNADT qui concernent pays et agglomérations. En revanche, le ministère de la jeunesse et des sports a une ligne appelée "favoriser le développement territorial" et une autre "restructurer les centres de vacances et de loisir", mises à disposition en totalité au niveau régional. Pour vous, c'est important car cela signifie que ce n'est plus avec le ministère qu'il faut négocier.

Il en va de même pour la ligne intitulée "Créer ou remettre à niveau les installations des collectivités". Ce sont les seules lignes mises à disposition en totalité avec la ligne "tourisme" du ministère de l'environnement.

Nous sommes en train de concevoir un document général sur ce sujet pour que vous ayez tous les éléments d'information nécessaires.

En conclusion, je voudrais aborder plusieurs points. Je ne pense pas que nous soyons encore capables de répondre à la question du service public que vous avez posée à la fin de votre exposé. Bien entendu, des progrès importants ont été faits depuis le CIADT, il y a un an. La circulaire sur la modernisation des services publics est enfin parue et vous avez là un certain nombre d'outils.

Il y a un lien très étroit entre la politique des pays et des agglomérations et la modernisation des services publics. Vous l'avez vu dans les objectifs que donne le Premier ministre dans la circulaire, particulièrement pour le milieu rural ; nous allons faire coïncider une politique de pays et de communautés d'agglomérations avec ce qu'il faut appeler le maintien des services publics. C'est l'objectif. Nous avons veillé à ce que les lignes partiellement mises à disposition puissent le permettre.

Cela dit, je crois que nous avons encore une réflexion à conduire dans ce domaine. Vous avez cité le problème d'actualité, celui de tous les services du ministère des finances. Une fois que les grands arbitrages seront pris, il faudra retourner vers la politique des pays et des agglomérations pour voir comment les traduire au mieux des intérêts. C'est la première conclusion qui est un renvoi à deux mois au niveau de votre Délégation quand nous aurons les idées plus claires dans ce domaine.

La deuxième chose qui me paraît importante dans cette politique de pays et d'agglomérations, c'est le projet. J'étais assez prudente sur une territorialisation plus large, c'est-à-dire finalement la souplesse la plus large possible des lignes budgétaires de l'Etat. Je ne pense pas qu'une territorialisation budgétaire complète favorise la vigueur d'un projet.

Je crois que le projet doit se faire par rapport aux besoins de la population et non pas par rapport aux lignes disponibles. Nous aurions exactement la même dérive que celle que nous rencontrons dans les politiques d'aménagement du territoire au niveau national. Que fait-on par rapport à ce qui est disponible ? Vous en avez une illustration dans les fonds structurels. Les fonds structurels "permettent de..", donc on fait cela. Le problème n'est pas là. Il se pose en ces termes : "on a besoin de" et "quels sont les meilleurs moyens pour réaliser le projet ainsi défini ?". C'est tout le sens de la notion de "services" que le Gouvernement a remis à l'ordre du jour avec l'instauration des schémas de services collectifs.

Bien entendu, la territorialisation aide, à condition qu'elle soit quand même maîtrisée et qu'il n'y ait pas un effet d'aubaine des crédits territoriaux qui permettraient curieusement une homogénéisation des pays parce que certaines lignes seraient plus faciles à obtenir alors qu'elles ne correspondraient pas forcément au terrain. C'est un débat nourri entre la DATAR, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et le Premier ministre.

Je voudrais rendre hommage aux ministères. La DATAR doit se rendre compte à quel point ils ont joué le jeu. Je ne pensais pas, lors de la réunion dont je vous ai parlé, parvenir à une territorialisation partielle de lignes qui sont très importantes pour les ministères et qui font leur visibilité sur le terrain. On comprend très bien qu'un ministère, au niveau central, ne veuille pas s'en départir. Il faut donc le mettre au crédit de l'action de la ministre, Mme Dominique Voynet, qui y tenait particulièrement.

Troisième conclusion, il me semble qu'il reste une difficulté concernant l'harmonisation entre la politique d'agglomération et la politique du contrat de ville. Il faudra sans doute revenir devant votre Délégation pour traiter des « contrats de ville, politique de grands projets urbains, constitutions de communautés d'agglomérations ».

Je suis certaine que cela s'imbrique très bien puisque c'est le même gouvernement qui l'a conçu.

Cela se passera vite et bien en milieu rural car la constitution d'un pays y est vitale. La communauté d'agglomérations représente un atout financier beaucoup plus important. Cette politique d'agglomération est beaucoup plus attractive.

En même temps, arriver à garder l'ensemble des politiques de la ville qui sont offertes et les insérer dans un projet de communauté d'agglomérations n'est pas du tout impossible, mais c'est un exercice qui demande une connaissance remarquable des politiques nationales dans leur finesse et une possibilité de les agréger qui concerne des acteurs multiples. On doit approfondir l'ensemble des politiques.

Je ne voudrais pas que cette conclusion soit négative. Peut-être les représentants du ministère de la ville seraient-ils plus indiqués que moi pour en parler. Je vois quand même chez ceux qui viennent me voir un plus grand engouement pour les communautés d'agglomérations. Comme la loi a rendu la communauté d'agglomérations très attractive au niveau financier, le mouvement est irréversible.

M. le Président - Il y a quelques exemples de résistance tout de même.

Mme Bettina Laville - En même temps, pour englober toutes les politiques, ce sera compliqué. Je pense, à titre personnel, qu'à un moment donné, peut-être en 2003, il faudra des arbitrages de simplification.

M. le Président - Votre intervention a été extrêmement intéressante car elle portait à la fois sur le fond et sur la philosophie qui inspire le gouvernement. Vous avez bien montré l'évolution des réflexions dans les divers lieux où s'élaborent les politiques -Matignon, la DATAR, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement-, et comment on arrive à la synthèse. Cela nous a fait aussi entrer dans les logiques de territorialisation et connaître la façon dont sont conçus leurs financements.

Pour ma part, cela m'a beaucoup apporté et cela m'a permis de mieux comprendre l'intérêt et la liberté qui restaient pour les collectivités territoriales dans l'élaboration du projet.

Le projet est central et il faut être vigilant pour éviter des dérives qui conduiraient à des effets d'aubaine. Un diagnostic territorial insuffisant, une réflexion trop limitée sur le projet, ne permettraient pas la mise en _uvre des mailles territoriales efficaces. La réflexion sur le projet induit forcément une réflexion sur le territoire.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Je vous remercie d'être descendue à un certain niveau de détails qui nous ont donné une meilleure compréhension. J'avais bien cru comprendre que la vision des pays que pouvait avoir Matignon était plus proche de celle que nous avons sur le terrain que de celle de la DATAR. Pour avoir assisté à de nombreuses réunions dans ma circonscription et dans mon département, sur la constitution de pays, j'ai constaté que la vision de la DATAR ne correspondait vraiment pas à la réalité des faits. Je suis ravie que les choses évoluent et qu'il y ait plus de corrélation entre ces deux visions.

En tout état de cause, il est très important que le Gouvernement ne cesse de rappeler qu'un pays, c'est d'abord un projet, un lieu de travail. Ce serait la négation de tout le travail fait dans la loi si l'on en revenait à des féodalités, surtout à un an des échéances électorales. Ces dérives porteraient en germe la négation du travail que nous avons réalisé au cours des mois écoulés.

Mme Bettina Laville - Nous en avons parlé avec M. le Président. A partir d'un sentiment proche du vôtre, et en même temps, du constat d'un vrai succès de cette politique, les arbitrages que le Premier ministre a faits sur les décrets portant sur les pays exigent une délibération dans chaque commune avant même la définition du périmètre, sauf s'il y avait modification par le Conseil d'Etat.

Cela ne m'étonnerait pas car je pense que le Conseil d'Etat sera saisi par des élus. Il y aura arbitrage définitif au retour du Conseil. Mais nous n'avons évidemment pas exigé -car sinon rien ne se ferait jamais- qu'il y ait délibération positive. Après, la définition du périmètre est laissée à l'appréciation du préfet, mais la définition d'un périmètre ne doit pas bloquer le développement d'un pays.

On m'a demandé de ne le faire que par communauté de communes. La question n'a pas encore été tranchée par le Premier ministre ; ni le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ni le cabinet du Premier Ministre n'y sont favorables. Ce serait trop facile. Il suffirait que le bureau de la communauté de communes délibère et ce serait la confiscation complète d'un pays sur une, voire deux ou trois majorités. Parfois, dans des territoires ruraux, je crois que c'est un vrai problème.

L'appréciation telle qu'elle vient d'être formulée, portée dans les sphères de l'Etat, serait utile pour rendre compte de l'expérience de terrain. Il me semble parfois que l'ensemble des porteurs passionnés de cette politique -il faut leur rendre hommage car sans cette passion, elle aurait été moins inscrite dans la loi- n'ont pas toujours apprécié les côtés pervers du détournement possible du projet.

M. le Président - C'est sur ce mot ironique ou plein d'humour que nous achevons cette audition en remerciant Mme Bettina Laville de nous avoir consacré une heure précieuse de son temps et en lui renouvelant notre invitation à venir nous parler de la cohérence entre les divers contrats qui concernent la ville et l'agglomération.

Il est vrai que beaucoup d'élus sont perplexes, pour ne pas dire perdus, quand il s'agit d'articuler la communauté d'agglomérations, le grand projet de ville et la politique de la ville alors que toutes ces politiques se mettent en place dans le même temps, avec tout ce que cela peut présenter de difficulté dans la mesure où ce ne sont pas toujours les mêmes interlocuteurs que nous avons en face de nous au niveau de l'Etat.

Merci beaucoup.

Audition de MM. Dominique Parthenay, Francis Ampe, conseillers, et Nicolas Portier, chargé de mission à la DATAR

Réunion du mercredi 1er mars 2000

Présidence de M. Philippe Duron, président

M. le Président : Mes chers collègues, j'ai le plaisir d'accueillir, ce matin, trois personnes qu'il n'est plus nécessaire de présenter lorsqu'on s'intéresse un tant soit peu à l'aménagement du territoire : Dominique Parthenay qui fut, si j'ose dire, notre compagnon de textes durant toute la discussion de la loi, Nicolas Portier dont nous savons tous qu'il est l'homme des pays et que, sans lui, les pays, n'émergeraient pas et Francis Ampe, conseiller à la DATAR, actuellement retenu mais qui nous rejoindra dès que possible.

Nous vous avons invités, ce matin, messieurs, pour vous auditionner sur des thèmes qui sont, bien sûr, vos thèmes de prédilection, à savoir l'émergence des nouveaux territoires mais surtout pour voir avec vous comment vont se mettre en place les contrats territoriaux et leurs financements, la territorialisation des contrats de plan Etat-Région se mettant en place de façon "plurielle", pourrait-on dire pour reprendre un adjectif à la mode, et diversifiée.

Nous avons donc engagé, avec la Délégation, un travail auprès des présidents de grandes associations d'élus : l'Association des départements de France et l'Association des régions de France.

Nous allons entendre, au cours des deux prochaines semaines, des préfets et leurs secrétaires généraux pour les affaires régionales de manière à avoir l'opinion des représentants de l'Etat dans les régions. Aujourd'hui, nous souhaitons recueillir le point de vue de ceux qui ont imaginé, d'une part cette construction que constituent les pays et les agglomérations, d'autre part et surtout, la notion de contrat qui se trouve au centre de ce travail. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous avons demandé de venir parmi nous ce matin.

M. Dominique Parthenay : Nous sommes actuellement au milieu du gué puisque, comme vous le savez, quatre contrats de plan ont été signés et une petite dizaine d'entre eux font aujourd'hui l'objet de documents à peu près stabilisés sur lesquels les collectivités ont délibéré. Nous n'avons donc pas encore une vision définitive de l'ensemble de l'exercice.

Dans ces conditions, les informations que nous pourrons effectivement vous fournir aujourd'hui sont encore incomplètes.

Je m'en tiendrai, pour ce qui me concerne, à une présentation générale, étant entendu que Nicolas Portier pourra également faire un point plus particulièrement sur la situation des pays et la dynamique des territoires. M. Francis Ampe pourra évoquer plus directement la partie "agglomérations". Il conduit maintenant une opération dite "sites témoins" qui reprend un peu, mais dans une urgence plus grande , le dispositif que nous avions lancé au Comité interministériel pour l'aménagement du territoire (CIAT), il y a un peu plus de deux ans, sur les pays et notamment les pays émergents.

Au sujet de cette politique, il me semble qu'il faut peut-être rappeler quelques éléments d'histoire et les principes qui fondent les mécanismes que nous tentons de mettre en oeuvre actuellement à travers le contrat de plan.

J'aborderai très brièvement l'aspect historique en rappelant simplement que, finalement, cette politique de développement territorial se définit, selon la formule de M. Jacques Chérèque dans le rapport que lui avait commandé le Gouvernement sur la modernisation des contrats de plan, de la façon suivante : "un territoire plus une stratégie plus un projet égale un contrat" .

Cette politique s'inscrit dans une durée qui traduit d'ailleurs bien les difficultés, les hauts et bas dont souffrent classiquement les politiques d'aménagement du territoire au sein de la sphère publique, puisque cela fait maintenant une bonne dizaine d'années que nous sommes sur cette problématique.

C'est M. Jacques Chéreque qui, d'une certaine manière, a commencé au début des années quatre-vingt -dix, lorsqu'il était en charge de l'aménagement du territoire et avait mis en place ce qu'on appelait, à l'époque, des "conventions de développement" qui étaient ni plus, ni moins, effectivement, que la traduction de la formule citée plus haut - un territoire, un projet, un contrat - mais qui, à l'époque, avaient été mises en oeuvre de manière expérimentale, sans grands moyens et qui ont souffert de ce dont pâtissent souvent les politiques d'aménagement du territoire, c'est-à-dire d'une durée trop restreinte pour pouvoir s'installer convenablement dans le paysage. D'une certaine manière, ces conventions de développement n'ont pas survécu au gouvernement Rocard et ont disparu de la panoplie des instruments d'aménagement du territoire.

La seconde étape a été celle de la loi Pasqua du 4 février 1995 qui a installé les pays dans le dispositif législatif, reprenant en cela une formule qui avait déjà été assez largement utilisée, puisque les contrats de pays, en tout cas de première génération, dataient des années soixante-dix, à l'initiative d'abord de l'Etat, ensuite des collectivités locales et des régions en particulier ; mais la loi Pasqua n'avait pas prévu d'instrument pour cette politique.

La troisième étape est celle que nous venons de vivre avec la discussion et le vote de la loi Voynet du 25 juin 1999 qui, me semble-t-il, apporte deux éléments nouveaux par rapport au dispositif antérieur. D'abord, elle fait de cette politique contractuelle l'un des enjeux majeurs de la politique d'aménagement du territoire : elle en fait un outil tout terrain de la politique d'aménagement du territoire, non pas réservé, comme la lecture de la loi Pasqua pouvait le laisser supposer, aux seuls espaces ruraux, mais applicable à l'ensemble du territoire à travers deux types de contrats : les contrats d'agglomérations et les contrats de pays. Ensuite, elle offre la possibilité - et c'est d'ailleurs vous, messieurs les parlementaires qui l'avez prévu - d'articuler sur un même territoire ces deux types de contrat, et, par conséquent, de faire aussi des pays englobant des territoires urbains.

Il s'agit donc d'une politique tout terrain mais surtout d'une politique dotée d'instruments. Je crois, en effet, que la grande innovation tient au fait que nous ne nous situons plus dans un cadre, informel et expérimental, puisque cette politique est adossée aux contrats de plan, ce qui suppose une procédure à la fois lourde en termes de moyens financiers et forte en termes de politique d'intervention publique et qui donne ou devrait donner à cette nouvelle génération de politiques contractuelles une assise beaucoup plus pérenne et beaucoup plus ambitieuse que les tentatives précédentes.

Je soulignerai quelques principes, tout en étant conscient qu'il s'agit pour vous de simples rappels, puisque qu'ils comptent parmi les éléments les plus discutés au cours des débats parlementaires et que les échanges sur ce point ont été très importants.

C'est une politique qui reste clairement, pour le Gouvernement, une politique d'initiatives locales. Cela signifie que l'Etat ne découpera pas le territoire et qu'il s'appuiera sur des dynamiques territoriales. Cela veut dire aussi, ce qui n'est pas toujours évident - ce sont souvent ceux qui reprochent à l'Etat son interventionnisme qui sont les premiers à en faire - que ce n'est pas la politique des départements ou des régions, mais que c'est clairement une politique qui doit, d'abord et avant tout, s'appuyer sur la capacité des territoires eux-mêmes à s'organiser et sur les initiatives qu'ils peuvent prendre, évidemment au niveau des collectivités locales, mais également au niveau de leurs acteurs économiques, sociaux et associatifs.

Deuxième principe qui tente de fonder les démarches et les instruments que nous forgeons actuellement, il s'agit d'une politique qui doit s'appuyer sur le partenariat et plus précisément, sur deux types de partenariat.

Premièrement, un partenariat géographique et économique qui est celui de la ville et de la campagne. Il n'y a pas séparation des deux démarches mais, au contraire, tentative de rapprochement, de coordination, de fusion de ces démarches : le dernier recensement de la population dont on commence à maîtriser les résultats montre bien que ce mythe de deux types de territoire ne tient plus et que la fusion est très grande entre les espaces ruraux et les espaces urbains qui sont multiples les uns et les autres.

Deuxièmement, un partenariat entre les collectivités locales qui sont à l'initiative de ces politiques et les acteurs économiques et sociaux sur les territoires, que vous avez formalisé à travers la notion de conseil de développement qui doit, bien évidemment, s'incarner dans le contenu des projets et la maîtrise d'ouvrage d'un certain nombre d'actions relevant de ces politiques contractuelles.

Le troisième principe qu'il est important de rappeler, et qui sera sans doute le plus difficile à traduire dans les faits et dans le pilotage de cette politique, c'est qu'elle est sous-tendue par une exigence de qualité. A cet égard, Mme Dominique Voynet a toujours déclaré qu'elle ne souhaitait pas juger cette politique à l'aune du nombre de contrats signés. L'objectif n'est pas de faire de la quantité - si seulement trois contrats étaient signés nous serions bien évidemment déçus, mais il ne semble pas qu'on en prenne le chemin - ni de couvrir le plus rapidement possible l'ensemble du territoire de contrats mal ficelés, mais d'inscrire dans la durée une politique qui doit aussi se construire avec des exigences de qualité, lesquelles se déclineront autour de trois grands enjeux : la qualité du territoire concerné - cela vaut autant pour les pays que pour les agglomérations - la qualité de l'organisation à la fois du partenariat dont je viens de parler mais aussi de l'organisation qui portera ces projets et la qualité, évidemment, du projet lui-même, de son ambition, de la réalité des actions et de l'adéquation entre les stratégies du territoire et les actions qui seront proposées dans le contrat.

Ce dernier point est évidemment le plus délicat dans la mesure où la qualité ne s'apprécie pas selon un critère unique et où elle suppose d'avoir une approche extrêmement différenciée sur l'ensemble du territoire compte tenu de l'extrême variété de sa typologie : j'y reviendrai puisque nous prévoyons, notamment dans le décret, des processus adaptés. Il n'en reste pas moins que c'est un enjeu majeur du succès de cette politique que d'arriver à un pilotage intelligent de la démarche contractuelle.

Le quatrième principe qui fonde cette politique, c'est qu'elle n'est pas seulement - et ce n'est pas toujours forcément compris comme tel notamment par nos partenaires ministériels - la politique des collectivités locales dans la mesure où elle doit être également porteuse d'un enjeu de modernisation pour l'Etat lui-même et sa manière d'intervenir sur les territoires.

De ce point de vue, les choix qui ont été faits par le gouvernement et en particulier celui de ne pas constituer de ressources fongibles à l'intérieur des contrats de plan pour financer cette politique à côté des autres politiques, mais de faire appel à l'ensemble des politiques sectorielles des différents ministères portent très clairement cet objectif qui est bien de moderniser la manière de mobiliser l'ensemble des politiques, et non pas de créer une politique supplémentaire.

Je vous dirai, et je ne vous étonnerai sans doute pas, que ce n'est pas la chose la plus facile à faire actuellement ...

M. le Président : C'est le noeud de l'exercice !

M. Dominique Parthenay : L'exercice est difficile pour l'Etat, mais je découvre - je ne devrais pas dire cela parce que j'ai vécu un problème un peu du même type, à un stade antérieur de mes activités professionnelles, quand je travaillais dans la région Rhône-Alpes - qu'il l'est de la même façon pour les collectivités locales.

On s'aperçoit en effet que ces dernières, lorsqu'elles mènent des politiques contractuelles ambitieuses, les juxtaposent à d'autres mesures existantes, au lieu de changer la manière dont les politiques sont mises en oeuvre.

En termes d'état des lieux, où en sommes-nous actuellement quant à la mise en oeuvre de cette politique ? Deux chantiers sont en parallèle et vont finalement se boucler à peu près dans le même calendrier, ce qui est positif : d'une part, le chantier réglementaire, d'autre part, le chantier contractuel.

Sur le plan réglementaire, nous avions deux articles de loi et donc deux décrets d'application pour la politique des pays et pour celle des agglomérations. Nous sommes un peu plus avancés sur le plan réglementaire en ce qui concerne les pays qu'en ce qui concerne les agglomérations, pour une raison qui tient à des circonstances tout à fait propres à la DATAR : comme je vous l'indiquais, la DATAR s'est renforcée sur le pôle urbain et nous avons attendu ce renforcement pour avancer sur le travail réglementaire, ce qui nous a mis un peu en retard et explique le décalage existant entre les deux décrets.

Le décret sur les pays est prêt. Il a été examiné hier soir par le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire et il sera donc adressé dans les tout prochains jours au Conseil d'Etat. On peut donc attendre sa publication dans le courant du mois d'avril.

Il s'agit d'un décret - M. le Président a assisté au début de la discussion, hier - à qui certains de nos partenaires ont reproché d'être complexe mais il est vrai que l'article de la loi consacré aux pays est riche et qu'il était nécessaire de développer, de préciser un certain nombre d'éléments de procédure de mise en oeuvre, ne serait-ce que les délais de la consultation et ses modalités, pour éviter que la machine ne se bloque.

Il reprend finalement et commente, en les affinant, les procédures de la loi ; il apporte un certain nombre de précisions que la loi n'avait pas traitées et n'avait d'ailleurs pas vocation à traiter. J'en retiendrai deux ou trois qui me paraissent importantes.

Premièrement, il évoque la question des "pays loi Pasqua" puisque, depuis 1995, un certain nombre de pays s'étaient fait constater et qu'on retrouve parmi eux tous les cas de figure, depuis les coquilles vides qui n'ont finalement jamais vécu, jusqu'à certains territoires qui sont aujourd'hui dans une vraie dynamique de projet.

Le décret a donc essayé d'apporter une solution pour l'ensemble de ces pays en proposant de considérer que tous les pays constatés sous le régime de la loi de 1995 sont automatiquement reclassés, au moins au stade du périmètre d'étude, et que, dès lors qu'ils disposeraient d'un document de type charte qu'on peut assimiler dans ses modalités d'élaboration ou dans son contenu à ce que prévoit la loi de 1999 en ce qui concerne la charte de pays, ils seraient classés en pays définitivement constatés.

Cette formule permet à la fois d'éviter à ces structures de recommencer la totalité du processus et d'éliminer celles qui auraient été constatées mais qui, n'ayant pas vécu, ne correspondraient pas, aujourd'hui, à des dynamiques territoriales.

Deuxièmement, le décret mentionne la nécessité de construire, entre l'Etat et la région, qui sont les deux partenaires du contrat de plan, ce dernier étant la structure d'accueil de contrats particuliers, notamment de pays, une convention d'application qui serait une annexe du contrat de plan et qui permettrait d'expliciter les règles du jeu que se donnent ces deux partenaires au niveau régional pour la mise en oeuvre de cette politique.

Ce souci rejoint ce que je disais tout à l'heure en soulignant que nous sommes confrontés à des situations extrêmement diverses avec des régions qui ont déjà des politiques territoriales fortes, ambitieuses, proches d'une certaine manière de ce que l'Etat souhaite lui-même conduire à travers cette politique des pays, des régions qui n'ont pas de politique territoriale et des régions pour lesquelles la maille d'organisation est sans doute plus lâche que dans d'autres.

Tout cela suppose une adaptation aux caractéristiques, à la fois géo-économiques et historiques des territoires qui implique que l'on prenne appui sur la réalité locale et non pas que l'on arrête une norme nationale, l'idée étant d'essayer, dans chacune de ces régions, d'avoir un document d'application qui permettrait aux différents partenaires de voir les règles du jeu explicitées quant à la mise en oeuvre de cette politique par les deux partenaires du contrat de plan que sont la région et l'Etat.

Troisièmement, le décret apporte des éclaircissements sur la mise en oeuvre des pays à charte prescriptive qui seront sans doute consolidés, ainsi qu'on l'évoquait récemment, à travers la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain.

Pour le reste, le texte ne fait que décliner l'ensemble de la procédure en définissant les éléments de procédure sur la constatation à la fois du périmètre d'étude et du périmètre définitif, sur ce que devrait être le contenu, ou pour le moins la forme, de la charte de développement et sur les modalités du contrat.

Au sujet de la contractualisation, je vous soumettrai quelques éléments de perspective, un état des lieux ainsi que quelques interrogations.

L'exercice de contractualisation a été cadré plus particulièrement sur son volet territorial par un certain nombre de circulaires et de mandats de négociation émanant, soit de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, soit du Premier ministre lui-même. Ces documents ont appelé à ce que l'ensemble des contrats de plan identifient les moyens consacrés à la politique des contrats de territoire, dans lesquels se classent à la fois les contrats de pays, les contrats d'agglomération, les politiques contractuelles avec les parcs naturels régionaux ainsi que le financement, qui ne constitue qu'une partie très modeste de l'enveloppe, des réseaux de ville et naturellement des contrats de ville. C'est ce paquet-là qui forme le volet territorial des contrats de plan.

Le Premier ministre et la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ont fixé un objectif qui est naturellement un objectif moyen qui demandera, par la suite à être apprécié région par région - certaines pouvant se situer en-dessus ou en-dessous selon leur état au départ - et qui est le suivant : au terme des contrats de plan, soit d'ici à sept ans, 25 % de leur enveloppe devrait se trouver engagée dans ces contrats territoriaux, ce qui représente quand même une somme non négligeable, puisque la masse des contrats de plan représente 120 milliards de francs, ce qui porte l'objectif à 30 milliardss de francs.

On voit bien que cet objectif va au-delà des seuls crédits spécifiquement dédiés aux contrats que sont les crédits de la ville et une partie des crédits du FNADT - Fonds national d'aménagement et de développement du territoire - ou des crédits de l'aménagement du territoire.

Le choix du Gouvernement n'a donc pas été, ainsi que je vous le disais, de retenir un fonds fongible en mettant dans les contrats de plan 30 milliards de francs de côté pour les contrats de territoire et cela pour trois raisons : d'abord, parce que l'exercice était difficile à conduire face aux différents ministères mais plus fondamentalement encore pour deux autres raisons.

La première, c'est qu'à ce jour, on ignore le nombre de contrats signés dans chacune des régions, et sur quoi porteront les contrats. Si nous voulons jouer le jeu de cette politique qui est une politique de projets, nous ne devons pas l'enfermer au départ dans un certain nombre de carcans et de contraintes. On doit pouvoir l'accueillir dans un dispositif relativement souple et non pas l'enfermer dans un dispositif qui calibrerait, dès le départ, le nombre de contrats, le volume financier consacré à chaque contrat, différentes lignes budgétaires finançant ces contrats.

La seconde, c'est qu'il nous paraît important - et c'est sans doute comme je le disais le plus difficile - de ne pas construire à côté des autres politiques mais bien de changer la manière dont un certain nombre de politiques sont mises en oeuvre. C'est l'enjeu d'une plus grande territorialisation d'un certain nombre de politiques publiques.

Les contrats de plan comprennent donc, ou devraient comprendre, une présentation qui permette d'identifier, ligne budgétaire par ligne budgétaire, la partie de ladite ligne budgétaire qui pourrait être contractualisée dans les contrats de territoire, en identifiant à la fois les lignes concernées par ce volet territorial et les enveloppes qui sont susceptibles d'être contractualisées.

Le contrat de plan ne fixera pas un dispositif rigide mais proposera les moyens de mener à bien ces politiques contractuelles. Pour faire simple, on devrait donc retrouver dans chaque contrat de plan, comme c'est le cas dans celui de Basse-Normandie - j'ai voulu apporter un contrat de plan et, au hasard j'ai pris celui du Président de votre Délégation - une présentation des différentes actions, leur identification lorsqu'elles peuvent relever du volet territorial - pour la Basse-Normandie, le choix s'est porté sur un petit logo - et un tableau récapitulatif, ligne budgétaire par ligne budgétaire, dans lequel apparaît la part de la ligne budgétaire qui serait susceptible d'être contractualisée dans un contrat d'agglomération de pays ou autre...On arrive ainsi, dans le contrat de plan de Basse-Normandie, à un total qui est supérieur à l'objectif de 25 % puisque, pour y parvenir effectivement, il faut bien partir avec une ambition plus grande, ce qui explique que l'on se situe, du côté de l'Etat, aux alentours de 35 % identifiés comme susceptibles d'être territorialisés.

Le troisième élément de construction à l'intérieur du contrat de plan, le levier de cette politique telle que nous l'avons conçue, est le FNADT.

L'idée est effectivement de doter les territoires de moyens d'ingénierie, sous des formes qui peuvent être assez diverses puisqu'elles vont des expertises aux constitutions d'équipes en passant par les moyens d'animation, donc de moyens en matière grise qui nous semblent être incontournables si l'on veut construire dans la durée des stratégies de projets sur des territoires qui, là encore, se trouvent dans des situations extrêmement diverses par rapport à cette capacité de mobilisation de la matière grise.

Puisque nous parlons à la fois des agglomérations et des pays, nous pouvons dire qu'un certain nombre d'agglomérations qui disposent d'agences d'urbanisme ont déjà des structures constituées mais que c'est également le cas, si on regarde du côté des territoires plus ruraux, des parcs naturels régionaux.

L'idée est bien de faire monter en puissance l'ingénierie et d'utiliser de préférence le FNADT pour contribuer à cet apport de matière grise. Dans cette perspective, le gouvernement a accepté, dans le cadre de la préparation du contrat de plan, un quasi doublement des crédits du FNADT, puisque dans les précédents contrats de plan, ils étaient de 4,8 milliards de francs et qu'ils atteindront 8,2 milliards de francs. Ce quasi doublement est totalement dédié à la politique contractuelle, le volet territorial représentant plus de la moitié des 8,2 milliards de francs dans la génération des contrats de plan en cours de signature.

Il reste un dernier point à évoquer mais qui, aujourd'hui, n'est pas tranché et qui concerne la logique et la contrepartie du choix qui a été fait d'identifier dans les différentes lignes budgétaires la partie qui a vocation à se territorialiser. En effet, rien n'interdira - ce qui nous paraissait impossible - de continuer à conduire des opérations dans le domaine agricole, dans le domaine des PMI, ou autre, en dehors des contrats, car on ne peut pas, sachant que tous les territoires ne seront pas sous contrat, réserver, hormis quelques rares cas, les crédits aux seuls contrats, sauf à créer une très forte pression sur eux et à perdre un autre objectif qui est celui de la qualité. Toutefois, si l'on veut qu'il y ait un plus dans les contrats, il reste à le construire.

Le premier avantage est évidemment la participation du FNADT, et la certitude de la pluriannualité des efforts, mais nous souhaiterions - et le principe en avait été arrêté lors du CIAT du mois de décembre 1998 - que les différentes politiques à vocation territoriale puissent, sinon toutes, du moins un certain nombre d'entre elles, faire l'objet de modulations, de façon à ce qu'il y ait un avantage à la contractualisation, ce dernier pouvant prendre des formes diverses : la plus évidente est une bonification, c'est-à-dire un meilleur taux de financement - ce qui suppose en l'occurrence qu'il y ait une règle de financement, ce qui n'est pas toujours le cas des politiques de l'Etat - mais il en existe d'autres comme l'élargissement de l'assiette sur laquelle est calculée la subvention, voire, sur certains types d'opération, des transferts de maîtrise d'ouvrage avec récupération de TVA.

Pour être franc avec vous, je dirai que ce n'est pas la partie de l'exercice la plus avancée, même si un certain nombre de nos partenaires ministériels y travaillent et je ne désespère pas que nous puissions, effectivement, partiellement aboutir pour consolider cette politique.

Nous aurons, évidemment, sur l'ensemble de ces enjeux, un rendez-vous important qui est celui de 2003, à mi-parcours des contrats de plan : ces contrats d'agglomération, de pays et autres pourront être signés jusqu'à cette date, mais sans doute pas au-delà, car il n'y aurait plus alors grand intérêt à le faire pour la période restant à couvrir.

Voilà donc où nous en sommes. Je voudrais pour terminer donner quelques constats d'appréciation sur la situation actuelle de cette politique.

Je crois - mais je laisserai Nicolas Portier et Francis Ampe développer ce point - qu'il existe de fortes attentes par rapport à ces politiques et nous avons de très nombreuses "remontées" du terrain. J'ai tendance à dire, et je vais sans doute être un peu caricatural dans mon propos, que cette idée de la recomposition du territoire par le projet est aujourd'hui globalement partagée par l'ensemble des partenaires et des acteurs qui voient bien la nécessité et l'intérêt de cette démarche. Nous n'avons plus aujourd'hui à convaincre mais à réaliser.

En revanche, nous rencontrerons probablement des difficultés dans la mise en oeuvre de cette politique. Je mettrai l'accent sur deux d'entre elles qui se présentent au stade actuel.

La première, je l'ai évoquée brièvement tout à l'heure, consiste à faire entendre qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle politique - comme le Premier ministre l'a fortement souligné - mais d'une évolution dans l'ensemble des politiques. Ainsi que je le disais précédemment, c'est une difficulté que rencontre non seulement l'Etat compte tenu de sa forte sectorisation, mais aussi, et plus curieusement allais-je dire, le partenaire régional avec lequel l'Etat discute du contrat de plan .

J'en prendrai deux exemples, ceux des premiers contrats signés qui nous ont un peu désarçonnés : le contrat de plan de la région Centre et celui de Poitou-Charentes. Nous avons là deux présidents de région - comme ils sont de deux tendances différentes, on ne peut pas les soupçonner d'avoir agi en fonction du Gouvernement - qui ont des politiques territoriales fortes, qui ont apporté un soutien important à la loi et à la manière dont, effectivement, ces politiques évoluaient. En même temps, nous sommes trouvés confrontés à une véritable difficulté pour bâtir le volet territorial de ces régions, du fait qu'ils n'ont pas engagé dans le contrat de plan les moyens très élevés - environ un milliard de francs sur quatre ans pour la région Centre - qu'ils consacrent aux pays. Le financement de l'Etat n'a pas de contrepartie puisque l'apport régional n'est pas contractualisé.

Nous nous heurtons donc à une difficulté pour construire cette démarche, y compris dans les régions où l'on aurait pu penser que la territorialisation allait être facile, étant donné qu'il existait déjà un socle important sur lequel se fonder.

La seconde difficulté est de nature conceptuelle. Il s'agit de faire partager l'ambition que nous attachons à la construction d'une ingénierie territoriale significative pour qu'elle soit à la fois stable et d'une certaine importance. En clair, il nous paraît important que l'étape des prochains contrats de plan soit l'occasion de franchir un pallier par rapport à ce qu'a souvent été l'ingénierie territoriale de projets, c'est-à-dire, dans le meilleur des cas, un agent de développement, toujours très dévoué mais quand même un peu isolé, victime d'une usure relativement rapide au contact de la complexité, très fréquemment formé - ce sont souvent des personnes ayant un DESS - mais sans expérience et vite noyé par la gestion. En conséquence, l'objectif est, pour nous, tout en respectant la diversité des territoires et des situations, car il ne s'agit pas de plaquer un modèle, ce qui n'aurait pas de sens , de parvenir à construire de petites équipes pluridisciplinaires qui puissent assurer, dans la durée, un pilotage de projet auprès des collectivités locales.

Pour terminer, j'ajouterai que notre objectif - à ce stade, ce n'est vraiment qu'une hypothèse, mais c'est sur elle que nous avons fondé nos calculs pour essayer de calibrer les moyens - est qu'on puisse signer, d'ici à 2003, de l'ordre de 300 à 400 contrats en confondant à la fois pays et agglomérations.

Afin de vous livrer une information complète, sachez que nous prévoyons - encore une fois de manière à éviter toute précipitation vers le contrat - une procédure transitoire pour les territoires qui partiraient de zéro et qui ne seraient donc pas en état, dans un délai très rapide, de se conformer aux exigences de qualité auxquelles je faisais allusion tout à l'heure, notamment en termes de qualité de projet. A leur intention, nous prévoyons ce que nous avons appelé des "conventions d'objectif" qui seraient une manière d'accompagner l'émergence et la montée en puissance des projets.

Ces conventions d'objectif seraient vraisemblablement d'une durée maximum de trois ans non renouvelables et elles seraient principalement axées sur les moyens d'ingénierie, quelle qu'en soit la forme, de façon à aider les territoires à se construire, à se rassembler, ce qui n'exclurait pas, pendant la période de trois ans, de financer quelques actions. En effet, si nous voulons aussi démontrer la pertinence de ces démarches, il ne faut pas attendre ce délai pour commencer à travailler ensemble, mais très vite se rassembler sur quelques projets et quelques actions qui, en tant que tels, ne forment cependant pas un projet global cohérent.

L'idée est d'avoir d'abord, un outil très réactif qu'il soit possible de mettre en oeuvre avec très peu de contraintes, dès lors qu'il y a une véritable volonté d'acteurs et un minimum de partenariats sur le territoire et, ensuite, un outil plus complet, qui serait le contrat proprement dit, plus ambitieux, avec des moyens plus importants.

M. le Président : Je vous remercie pour cet exposé très complet qui constituait un bon rappel de la loi et des textes et qui nous a donné un éclairage sur le décret portant notamment sur les pays.

A cet égard, je comptais d'ailleurs vous demander ce qui a été décidé sur la validation du périmètre provisoire qui a suscité, hier, des critiques relativement fortes.

Je crois que vous avez aussi bien mis l'accent sur le caractère expérimental de la démarche, ce qui la rend complexe pour de nombreux élus ou acteurs du territoire. Pour ma part, j'estime qu'elle est intéressante dans la mesure où, grâce à la contractualisation, elle induit beaucoup plus de transversalité entre les services de l'Etat mais c'est peut-être ce qui la rend difficile.

Je ne veux pas prolonger l'exposé liminaire et je vais donc demander à notre Rapporteur, M. Jean-Claude Daniel, de poser quelques questions de fond avant de passer la parole aux membres de la Délégation.

M. le Rapporteur : Je n'aurai qu'une question qui est relative à la procédure transitoire.

Il semble bien que l'on puisse craindre, dans les contrats Etat-Région, avec les 25 % mis en lignes territorialisées, un effet "fonds européens". Je veux dire par là que, dans les zones éligibles au FEDER - Fonds européen de développement régional - on a rassemblé, en prévision de la mise en oeuvre de ces fonds, un nombre de projets invraisemblable sans accéder, ou très rarement, à leur réalisation en raison de la longueur des études menées. Les différents partenaires y ont travaillé pendant de très nombreux mois, mais au moment de la mise en oeuvre, le temps du contrat était dépassé : cela explique que nous ayons maintenant - c'est notamment le cas pour l'objectif 5b,par exemple - des projets qui n'ont pas été réalisés ou qui vont l'être vite et mal.

Je pense que c'est l'un des écueils majeurs que nous pourrions rencontrer avec la territorialisation et l'hypothèse qui consiste à dire qu'on a une convention d'objectifs avec des réalisations concrètes en cours de route, me paraît constituer une réponse tout à fait fondée par rapport à cette crainte.

M. Dominique Parthenay : Nous nous trouvons pris dans une espèce de tenaille. D'abord, messieurs les parlementaires, vous-mêmes, en rajoutant un peu de complexité au processus de constatation, avez fait que la procédure s'est allongée et qu'avec toute la bonne volonté du monde, compte tenu du nombre de consultations qui seront à effectuer aux différents stades de constatation - périmètre d'étude, périmètre définitif - nous parviendrons à des délais incompressibles pour la mise en route du processus.

Cette précision me permet de répondre à la question de M. le Président sur la validation du périmètre provisoire. La question en débat touchait, en fait, à la délibération des communes que la loi n'impose pas, puisqu'elle prévoyait que cette initiative pouvait être prise par un groupe de communes ou un groupement et qu'elle entraînait ensuite un processus de réflexion sur le projet.

C'est un point qui a été fortement souhaité, lors des différentes discussions que nous avons eues, par le cabinet du Premier ministre et qui ne me semble pas infondé, dès lors qu'il ne comporte pas de contraintes. Après tout, il n'est pas illogique que l'ensemble des communes qui seront appelées à participer à l'élaboration d'un projet soient tenues informées, dès le début, au moment où le périmètre d'étude est proposé, par ceux qui en prennent l'initiative, sachant que l'absence de délibération ou le refus d'adhérer n'aura pas de conséquences à ce stade. Il s'agit plutôt d'une procédure que je conçois comme une procédure d'information dans la mesure où, sans retarder, ni bloquer le processus, elle permet effectivement d'informer, dès le départ, les communes concernées. C'était le seul point qui était en débat.

Pour répondre à votre observation sur la lourdeur et la lenteur de la procédure, nous sommes pris entre deux feux : d'un côté, nous sommes tentés de dire "n'alourdissons pas la procédure et essayons de concrétiser le plus vite possible" ; de l'autre, nous sommes soucieux de ne pas glisser vers une procédure d'aubaine dans laquelle la démarche d'élaboration n'aurait pas été suffisamment construite et mûrie pour pouvoir déboucher sur un vrai projet et une démarche inscrite dans la durée qui ne soit pas une simple opportunité sans conséquences réelles. Ne tombons donc pas dans ce travers, ni dans celui que vous venez d'évoquer et dans lequel on finit par s'épuiser dans des démarches qui ne se concrétisent pas et qui, à terme, démobilisent les acteurs.

Je crois qu'il y a deux parades possibles. D'une part, ce que j'ai évoqué rapidement, à savoir la convention d'objectif, qui est une procédure qui permet d'entrer très rapidement dans la démarche, de concrétiser un certain nombre d'opérations et donc de fédérer des acteurs, non pas seulement autour de réflexions stratégiques, mais également autour de réalisations. Elle devrait pouvoir être mise en oeuvre sans passer par l'ensemble des étapes complexes prévues par la loi pour la constatation proprement dite du pays, tout en permettant un certain nombre de réalisations. D'autre part, nous avons tout à fait l'intention, notamment parce que nous sommes sur un exercice qui va obliger à contractualiser sur sept ans, donc sur une période qui, bien évidemment ne permet pas de contractualiser sur un programme d'opérations fouillées, définies, précisées et ficelées, de trouver des modalités de contractualisation sur des objectifs, sur des axes qui feront ensuite l'objet d'une déclinaison plus fine au fur et à mesure de l'avancement du projet.

Nous ne contractualiserons pas en 2000 des opérations sur 2000-2007, car c'est impossible : aucun territoire ne serait en état de le faire.

M. Nicolas Portier : Pour compléter ce que vient de dire Dominique Parthenay, atteindre notre objectif de l'engagement de 25 % des crédits des contrats de plan dans des contrats territoriaux qui, eux-mêmes, sont régis par une certaine exigence de qualité et par des exigences législatives et réglementaires, imposera une certaine progressivité et un accompagnement. Dans ce sens, les conventions d'objectif constituent déjà un moyen de mettre des territoires sur les rails et de les conforter par un développement de l'ingénierie.

Il n'en reste pas moins que la grande difficulté sera de parvenir à contractualiser et à faire "basculer" dans ces contrats territoriaux des crédits sectoriels des différents ministères.

Dominique Parthenay a évoqué l'enjeu de modernisation que cela représentait pour les administrations. De notre point de vue, c'est l'un des enjeux de cette politique de territorialisation mais nous constatons qu'un certain nombre d'obstacles réglementaires, budgétaires, d'importance variable, s'y opposent et qu'il faut étudier les procédures au cas par cas.

Pour certains types de procédures nous rencontrons peu de difficultés à faire en sorte que les politiques publiques s'orientent progressivement vers des contrats territoriaux, qu'il s'agisse de contrats de pays ou d'agglomération. Certaines politiques financent déjà très largement des opérations groupées inscrites dans des démarches territoriales, telles que des opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, des opérations programmées à l'amélioration de l'habitat, des actions allant dans le sens des plates-formes d'initiative locale. Au nombre de ces actions, il en est d'assez rodées qui vont facilement pouvoir se mettre en place et faire l'objet d'une signature dans un contrat territorial.

Quand je parle de facilité, il me reste à apporter quelques nuances. Nous travaillons actuellement avec certains partenaires ministériels sur quelques circulaires, pour veiller à supprimer les petites scories susceptibles, dans une interprétation très rigide de ces circulaires, de donner lieu à des difficultés d'application : c'est le cas, par exemple, dans la circulaire sur les ORAC - opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce - de la limitation de leur utilisation à des territoires de moins de 60 000 habitants.

Pourquoi cette restriction ? Nous allons tenter de voir s'il y a moyen de faire évoluer cette circulaire d'application compte tenu du fait qu'un certain nombre de pays comptent plus de 60 000 habitants : il ne faudrait pas que quelques phrases de ce type dans les circulaires, sinon contreviennent, du moins fassent obstacle à la mise en place de procédures et à l'engagement de crédits ministériels dans les contrats territoriaux.

Les autres obstacles concernent souvent les crédits qui font l'objet de notifications ou de conditions d'emploi extrêmement normées au niveau national, qui ne permettent pas, pour des raisons de fond, une grande souplesse d'adaptation dans une logique territoriale et qui n'ont pas véritablement vocation à être pris en compte dans un contrat signé avec des collectivités.

En fait, plus on s'éloigne des politiques d'équipement ou des procédures qui sont traditionnellement mobilisées par les élus, les collectivités, les socio-professionnels qui travaillent avec eux et plus on prend en compte les politiques directement destinées à des acteurs économiques ou sociaux, plus on s'aperçoit qu'il sera difficile de les intégrer à des contrats territoriaux.

Je m'explique. Il existe un certain nombre de régimes d'aides aux entreprises, de politiques de soutien aux agriculteurs qui constituent d'ailleurs tout l'enjeu des discussions que nous avons avec le ministère de l'agriculture sur les contrats territoriaux d'exploitation .Vous savez bien que ce sujet est extrêmement délicat dans la mesure où ces contrats territoriaux d'exploitation qui visent à ouvrir l'agriculture sur les autres enjeux du territoire sont quand même encore très largement négociés dans une logique exclusivement agricole avec un pilotage de projet des chambres d'agriculture, le but étant de parvenir progressivement - d'où la réflexion et les études qui sont conduites par le ministère de l'agriculture - à une gestion plus concertée de l'agriculture.

Même si la loi d'orientation agricole établit un lien entre les contrats territoriaux d'exploitation et les chartes de pays, on sait parfaitement que l'évolution sera très progressive.

En disant cela, je veux souligner qu'un certain nombre de ministères ont pour habitude d'agir et d`intervenir financièrement dans un contact très direct avec les destinataires finaux de leurs politiques et de leurs crédits. Les faire rentrer dans une logique beaucoup plus collective qui intégrera des socio-professionnels de toutes origines et un certain nombre d'élus correspond à une démarche inhabituelle pour certains ministères et peut poser problème.

Il en va de même pour tout ce qui concerne la modulation : il est sûr que certaines politiques pourront faire l'objet, dans des contrats, d'une bonification dont d'autres ne pourront pas bénéficier au motif que ce serait soit dérogatoire aux règles de la concurrence, soit non conforme aux régimes notifiés à Bruxelles : là aussi, il faut donc faire preuve de prudence et de pragmatisme.

Tout le travail que nous menons en ce moment consiste à faire, avec l'ensemble des ministères, l'inventaire des politiques existantes dont certaines sont déjà régies par des procédures très encadrées - j'ai fait allusion aux ORAC. Il fait suite à un travail que nous avons déjà engagé ensemble pour analyser la totalité de leurs politiques et de leurs crédits afin de voir comment les mobiliser dans les contrats territoriaux, ne serait-ce que pour parvenir à nourrir ces derniers et arriver, en 2006, à notre objectif de 25 % du contrat de plan territorialisé.

Un certain nombre de politiques ne présentent donc pas de problèmes. Ce sont toutes celles qui s'inscrivent dans une démarche collective, les opérations groupées et tout ce qui, dans le domaine économique, s'apparente aux réseaux d'entreprises, aux systèmes productifs locaux, etc..

En revanche, nous rencontrons des difficultés en matière d'aides individuelles pour laquelle la territorialisation n'a pas grand sens. Nous définissons toujours notre politique comme une politique de projet, en opposition à la politique de guichet. Dans la mesure où les aides individuelles sont extrêmement cadrées et normées, territorialiser ces aides individuelles aux industries, aux PME, aux agriculteurs est très hypothétique !

Nous avons insisté durant un an et demi à la DATAR pour que les contrats de plan Etat-région, dans les stratégies des ministères, portent sur tout sur ce qui relevait d'opérations plutôt collectives, de telle sorte que les contrats de plan Etat-région soient assez riches en opérations groupées. A cet égard, nous pouvons nous satisfaire d'un certain nombre d'évolutions dans la mesure où les contrats de plan comptent moins de guichets contractualisés (donnant lieu à des aides individuelles) et davantage d'opérations groupées ou de démarches qui s'inscrivent bien dans une logique de projet territorial, c'est-à-dire, pour être plus clair, des démarches ou des politiques publiques qui requièrent un diagnostic territorial préalable, une stratégie groupée d'artisans et de commerçants, d'agriculteurs ou de chefs d'entreprise. C'est le type de stratégies et de politiques qu'il nous faut conduire dans le cadre des contrats territoriaux .

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : A ce stade de notre discussion, j'aurais aimé vous faire part de mon inquiétude face à un point qui constitue pourtant la pierre angulaire de cette politique, à savoir la volonté de ne pas créer une nouvelle politique, une grande masse fongible, pour la mise en place de cette contractualisation, mais bien de mobiliser les crédits à partir des différents ministères. Mes craintes se trouvent encore renforcées au vu de ce qui se passe après la tempête qui vient de toucher notre pays.

En effet, le Gouvernement a décidé de débloquer des aides importantes et massives, et il a très rapidement pris ses décisions. Or, nous nous rendons compte sur le terrain de la difficulté, d'une part de faire en sorte que, non seulement l'Etat, mais aussi les collectivités travaillent en transversalité, et d'autre part de mobiliser ces sommes importantes qui ont été inscrites.

Je crains que nous ne nous heurtions aux mêmes difficultés dans la territorialisation et qu'ainsi des projets puissent se trouver retardés. Comment peut-on remédier à cette situation et amener l'Etat et les collectivités à adopter une pratique plus souple ?

M. Dominique Parthenay : Je ne sais pas répondre à cette question parce que, d'une certaine manière, je partage votre inquiétude.

Je pense, effectivement, qu'il est difficile de changer les pratiques. Les expériences passées et notamment celles que j'évoquais au début de mon intervention sur les conventions de développement qui, en fait, obéissaient un peu à la même philosophie, ont montré qu'il n'était pas facile de changer des comportements et une pratique sectorielle. Le pari que nous avons fait collectivement, nous, en préparant ce texte et vous, en y réfléchissant, en l'amendant, en le discutant et en le votant, c'est que l'adossement avec les contrats de plan nous donnait effectivement un levier plus puissant. A ce jour, il m'est impossible de vous garantir qu'on va gagner. Il faut que tous ceux qui sont attentifs - et je pense que votre Délégation le sera - au succès de cette politique demeurent vigilants car, au-delà de la signature même des contrats de plan, il nous reste de grands efforts à faire pour que cette politique s'installe dans la durée sur le territoire.

Pour ma part, je plaide auprès du Délégué à l'aménagement du territoire - que j'ai peu de difficultés à amener à mes vues - pour le convaincre que si nous avons, certes, dû mener, à la fois, depuis deux ans, le chantier législatif, la réforme des contrats de plan, la négociation des nouveaux contrats de plan et les fonds structurels, la tâche n'est pas pour autant terminée puisqu'il va nous falloir maintenant installer cette politique dans la durée et consolider les acquis législatifs et contractuels.

La mise en oeuvre de cette politique va réclamer beaucoup d'attention et beaucoup d'énergie. Je suis tout à fait conscient que cette réponse n'est pas de nature à vous rassurer mais je partage votre analyse et vos inquiétudes car il est effectivement difficile de changer une pratique que j'allais qualifier d'ancestrale.

Ce qui nous donne un espoir - même s'il est encore trop tôt pour se prononcer - c'est qu'on a l'impression globalement que l'objectif est partagé : on n'a plus à faire la démonstration de l'utilité et de l'intérêt de la démarche. Aujourd'hui , il y a une attente et on peut donc penser qu'il y aura une pression qui sera exercée sur la mise en oeuvre. Nous devrons la mettre à profit pour progresser !

M. Nicolas Portier : Si vous me permettez de compléter les propos de Dominique Parthenay, je dirais que, si nous avons des inquiétudes - nous disposons d'une sorte d'observatoire des procédures des services de l'Etat et un groupe de travail se consacre à ce sujet - c'est parce qu'aujourd'hui deux cultures se combinent assez différemment dans les services de l'Etat comme dans ceux des grandes collectivités territoriales.

L'une d'entre elles est une culture de projets qui émerge, à travers des procédures et des pratiques contractuelles ou fortement territorialisées, dans à peu près toutes les administrations et se trouve partagée par des agents habitués à ces cultures et prêts à s'investir dans la construction de ces projets, de ces contrats d'agglomération et ces contrats de pays.

A l'opposé, il existe un autre type de culture plus verticale qui sous-tend une attitude de défiance et de contrôle à l'égard des territoires, ce qui s'explique par la double fonction de l'Etat, animateur d'un côté, mais aussi contrôleur. Elle obéit à d'autres logiques et reste très sourcilleuse sur l'emploi des crédits et le strict respect de circulaires parfois rigides, ce qui nous oblige à faire, en amont, un travail d'examen et d'évaluation de ces circulaires.

En effet, on constate du côté de l'Etat que si des administrations veulent vraiment résister à la mobilisation de certains crédits sectoriels dans une logique de contrat territorial, elles en ont largement les moyens : quelle que soit la bonne volonté du Préfet , elles pourront toujours trouver les termes de la circulaire qui bloqueront la mobilisation des fonds. Cette dernière, par ailleurs, peut aussi se trouver compliquée parfois par les principes, souvent rigides, de la comptabilité publique.

Enfin, d'autres difficultés vont se faire jour, notamment dans le cadre de la politique des pays, au sujet du respect des compétences dans un paysage intercommunal qui est encore aujourd'hui assez complexe. Il conviendra d'exercer une grande vigilance pour que le maître d'ouvrage pressenti ait les compétences nécessaires pour pouvoir conduire les actions programmées.

En effet, tout ce cadrage juridique initial pour porter les projets et être habilité à percevoir une subvention doit être fait dans les règles car le contexte jurisprudentiel actuel, qui est beaucoup plus exigeant quant au respect des compétences, quant à la méfiance vis-à-vis des gestions de fait dans le domaine associatif, nous imposera une très grande rigueur pour parvenir à une mobilisation effective et rapide et pour bâtir ces contrats tout en évitant les inconvénients réels qui ont été évoqués précédemment.

M. Jean-Michel Marchand : J'ai bien entendu votre propos et j'aimerais, sur un point , recueillir votre sentiment.

Vous nous avez dit qu'il fallait mettre en place des ingénieries territoriales conséquentes, mais n'y a-t-il pas, là, deux écueils à éviter : le premier, que vous avez évoqué, à savoir le fait qu'un "développeur" n'ait que peu d'expérience sur le territoire et le second, qu'à l'inverse, des équipes se superposent quand seront mis sur pied les pays, les agglomérations, les parcs naturels ?

Ma première question appelle une observation : j'ai le sentiment, sans prétendre avoir une vision générale de la France, que sur un certain nombre de territoires, tout au moins dans la région Pays de la Loire, il y a une volonté de contrecarrer ce que nous sommes en train d'essayer de mettre en place. Cette volonté est à la fois régionale et départementale et vise à figer les choses en leur état actuel et, en particulier à "tirer vers le bas" la dimension du pays.

Si cette dimension est insuffisante - je tiens à signaler que la région et les départements des Pays de la Loire concernés ont fixé le seuil des pays à 25 000 et 30 000 habitants, ce qui me paraît très peu, du moins dans nos régions qui sont globalement peuplées - nous courons le risque devoir se mettre en place des "équipes-croupions" qui seront très vite incapables de porter les projets.

Par ailleurs, j'ai également le sentiment que, pour le moment, comme le disait notre Rapporteur, nous sommes plutôt sur une espèce d'inventaire à la Prévert de tout ce qui pourrait se faire, sans véritable cohésion, et encore - ce n'est pas une critique mais un constat- plus sur une politique de guichet que sur une politique de projet.

M. Dominique Parthenay : Sur la question de l'ingénierie et de la superposition des moyens, je dirai que c'est bien là toute la difficulté de cette politique qui ne peut effectivement comporter de normes, ainsi que je le disais, sur aucun de ces plans, ni être étudiée à travers une grille d'analyse homogène.

Quand nous disons qu'il faut renforcer l'ingénierie, cela signifie également qu'il convient de tenir compte de l'existant : il ne s'agit pas, là où les moyens sont déjà importants, de recréer à côté. Il faut observer une espèce de principe de subsidiarité.

Dès lors que nous avons déclaré que cette politique des pays n'était pas une nouvelle organisation administrative, il ne s'agit pas de rajouter systématiquement au mille-feuille une feuille supplémentaire avec ses propres instruments si le territoire en cause dispose déjà, à travers d'autres instruments, des moyens, notamment intellectuels, de son développement !

Il y a plusieurs sources. Outre celles que vous avez mentionnées qui viennent des collectivités elles-mêmes , il y a aussi les chambres consulaires qui peuvent également être des partenaires de cette ingénierie territoriale, sans parler des structures qui peuvent exister telles que les comités de bassin d'emploi et les comités d'expansion.

Encore une fois, il faut partir d'un diagnostic des moyens et commencer par essayer de les coordonner. Nous disons qu'il faut effectivement viser à ce que l'ensemble des territoires concernés par cette politique parviennent à constituer ces équipes. La façon d'y parvenir peut être extrêmement variable d'un territoire à l'autre, selon la situation de départ de ces territoires, et je crois que, là, il ne faut pas avoir de règles mais simplement mobiliser les moyens.

Cela étant, je considère tout de même - et c'est par expérience personnelle - qu'il est important que le minimum, dont il faudrait que nous discutions, soit clairement sous l'autorité de la structure qui porte le projet. En effet, on ne peut pas construire uniquement en fédérant des acteurs dont le degré d'engagement dans le territoire est aléatoire. Je n'ai rien contre les organisations consulaires où je pense qu'il y a de l'expertise qu'il faut utiliser, mobiliser et parfois faire venir...

M. le Rapporteur : C'est difficile !

M. Dominique Parthenay : C'est plus ou moins facile, je le sais pour avoir vécu un certain nombre d'expériences - mais j'estime qu'on ne progresse pas de la même façon avec des moyens qu'on "picore" et des moyens dont on dispose en propre et qu'on peut effectivement "manager".

Nous devons construire dans la durée. Il ne faut pas bousculer les choses mais progresser par étapes, même s'il n'en reste pas moins que c'est un objectif qu'il faut s'efforcer d'atteindre. En revanche, là où des équipes sont constituées il ne sert à rien d'en rajouter.

M. Nicolas Portier : C'est notamment le cas dans votre région, les Pays de la Loire, où il y a déjà de petits contrats territoriaux, d'où une sorte de malentendu avec la région qui a l'impression que l'on va rajouter des moyens supplémentaires à un autre étage, alors qu'une bonne gestion permettrait de faire évoluer le dispositif ancien par la mise en réseau des agents de développement et par la mutualisation de l'existant à une échelle de territoire plus vaste. C'est dans la négociation contractuelle que les choses peuvent se mettre en place.

M. Dominique Parthenay : Sur les autres questions que vous abordez, notamment sur l'investissement des grandes collectivités, j'en soulignerai à la fois le côté négatif et le côté positif : le coté positif, c'est que si tant de gens se précipitent au chevet de cette politique c'est qu'elle interpelle et que nous avons touché la cible...

M. Jean-Michel Marchand : Certainement, mais il ne suffit pas d'accourir à son chevet, il faut maintenant la traiter !

M. Dominique Parthenay : Effectivement, le problème est maintenant de savoir comment nous allons la traiter car, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai pu constater que souvent, ceux qui sont les premiers à critiquer l'Etat au motif qu'il interviendrait et proposerait des découpages sont ceux qui, eux-mêmes, ont une stratégie très tutélaire vis-à-vis des initiatives territoriales...

M. Pierre Cohen : Tout à fait !

M. Dominique Parthenay : C'est une vraie difficulté par rapport à laquelle il va nous falloir progresser avec prudence. C'est d'ailleurs un débat qui touche beaucoup plus la politique des pays que celle des agglomérations qui ne se situe pas au même niveau de force et de pouvoir avec les collectivités intermédiaires.

C'est la raison pour laquelle nous vous avions proposé - et vous nous aviez suivis sur cette démarche - que le lieu du débat soit la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire (CRADT) puisque, dans cette conférence, telle qu'elle devrait être réinstallée et modifiée par les amendements que vous avez apportés à la loi de 1995, on trouvera l'ensemble des collectivités locales ainsi que les acteurs économiques et sociaux. Il nous est donc permis d'en espérer un débat qui "objectivise" un peu les enjeux d'organisation et de pertinence territoriale.

A ce jour, j'ignore si tel sera le cas : c'est un sujet qui est lui aussi à traiter.

C'est aussi la raison pour laquelle nous souhaitons qu'un document soit élaboré entre l'Etat et la région porteurs du contrat de plan, qui soit aussi un moyen d'expliciter les objectifs et les enjeux et que les décisions soient prises avec une certaine transparence dans les intentions des différents partenaires.

Il est vrai que nous ne voulons pas entrer dans une logique de seuil, qui ne nous parait pas être une logique appropriée ou, à tout le moins, qui supposerait de notre part un travail extrêmement fin, car si le seuil de 25 000 habitants pour vous est dans doute absurde, il est, dans certaines régions, tout à fait pertinent ! En conséquence, décréter qu'un pays doit compter tant de communes ou d'habitants n'a pour nous aucun sens : un pays , c'est une dynamique, c'est un projet. Néanmoins, nous devons tout de même veiller à ce qu'on ne fasse pas n'importe quoi. Pour l'éviter nous allons essayer de donner un certain nombre d'indications dans les circulaires d'application aux préfets.

Un certain nombre de règles sont claires. D'abord, ce qui nous paraît important, c'est déjà le maillage villes-campagnes pour que nos concitoyens, non seulement ne se tournent pas le dos, mais se rassemblent.

Ensuite, nous avons quelques critères qui sont un peu frustres mais qui peuvent donner des ordres de grandeur. C'est ainsi que nous considérons que le périmètre des pays peut se rapprocher des bassins d'emploi dont on voit à peu près la taille, puisqu'il y en a 348 en France. Je n'en fais pas des valeurs absolues, parce que nous savons très bien que, si dans certaines régions, le travail de l'INSEE est tout à fait pertinent sur ces bassins d'emploi, il n'est pas, dans d'autres, tout à fait satisfaisant ! En conséquence, dire que les pays correspondraient aux bassins d'emploi n'aurait pas de sens, même si cela nous fournit un ordre de grandeur.

Il est un autre ordre de grandeur auquel nous sommes très attachés et qui, d'une certaine manière nous donne une idée de ce que pourraient être les pays, c'est la carte des territoires vécus, dont on a également beaucoup parlé durant la discussion de la loi, qui montre comment nos concitoyens vivent, travaillent et consomment et qui identifie un certain nombre de pôles plus ou moins importants qui structurent le territoire. Au total, il s'en trouve 691, si l'on compte à la fois les pôles urbains et les pôles ruraux.

En rapprochant ces deux chiffres (348 bassins d'emploi et 691 pôles), on obtient un ordre de grandeur qui doit nous permettre, avec les spécificités de chaque région -la région Pays de la Loire, comme la région Bretagne, a une densité démographique et une organisation du territoire qui n'ont pas grand-chose à voir avec la région PACA ou Midi-Pyrénées, par exemple, ce qui explique qu'on ne puisse pas avoir partout la même maille- de disposer d'assez d'indications pour rejeter des territoires qui, à l'évidence, sont trop petits pour être pertinents et sur lesquels nous ne pourrons pas construire de projets, faute de ressources financières et humaines.

La dernière question que vous avez évoquée est celle de l'effet d'aubaine. Là encore, il est vrai, et Mme Dominique Voynet ne cesse de nous le répéter -c'est pourquoi nous souhaiterions prendre du temps, mais nous risquons d'essuyer des reproches tels que ceux de votre Rapporteur et c'est pourquoi il faut trouver un point d'équilibre- qu'à partir du moment où l'Etat dit qu'il va y avoir un contrat, il y a une tentation de reconstruire une logique de guichet, chacun voulant un contrat et présentant son catalogue de projets dans l'espoir de contractualiser au plus vite.

En ce domaine aussi, nous devrons faire preuve d'exigence pour que nous puissions attester d'une vraie démarche de projet et nous assurer que le catalogue d'actions répond bien, non seulement à une stratégie, mais à une stratégie construite dans un partenariat territorial qui, loin d'être fictif, traduise une mobilisation des différents acteurs. J'ai souligné tous ces éléments sans vous apporter de réponse quant à leur application car la réponse est à trouver.

Grâce en partie à la DATAR, il existe un pilotage de cette politique qui est un peu innovant par rapport à ce que l'administration sait traditionnellement faire -annoncer des guichets et traiter les dossiers dans l'ordre où ils se présentent dans la pile- puisque son but est de parvenir à une gestion fine qui ne sera pas uniquement pilotée du centre, mais qui sera déconcentrée et organisée dans un dialogue local auquel nous devons être attentifs pour conserver l'objectif de pertinence et de qualité des contrats.

C'est la capacité de prendre du temps qui doit pouvoir nous le permettre. Quoi qu'il en soit, à ce jour, je ne suis pas en mesure de vous rassurer sur ces questions sur lesquelles nous ne pourrons pas tirer de véritable bilan avant 2003.

M. Nicolas Portier : Quant à la crainte justifiée exprimée par M. Jean-Michel Marchand, qu'à partir du moment où nous mobilisons des crédits sectoriels, les contrats de pays soient des agrégats de procédures déjà assez routinières, je rappellerai après Dominique Parthenay, que le FNADT est notre levier et que nous ne financerons pas les contrats de pays comme nous avons financé les contrats de ville avec un fonds spécifique sur des logiques d'action extrêmement particulières. Pour les contrats de pays, nous disposerons d'un FNADT certes musclé, mais il faudra également mobiliser d'autres fonds inscrits dans les contrats de plan Etat-région ou relevant des politiques de droit commun. Tout l'enjeu du côté de l'Etat et de la déconcentration en général - et c'est vrai que c'est un travail qui sera à conduire sur la durée du contrat de plan - sera d'assouplir les conditions d'emploi de certains crédits sectoriels qui sont parfois totalement corsetés et encadrés. Certains ministères expérimentent la globalisation de leurs crédits. C'est une piste intéressante.

Cela rejoint la question qui a été posée précédemment concernant la contradiction existant entre la position des administrations déconcentrées qui sont sur le terrain avec les acteurs pour essayer de bâtir des projets et celle des administrations centrales qui rédigent les circulaires. Si ces dernières sont extrêmement tatillonnes, complètement verrouillées, et ne font qu'énoncer des procédures identiques au niveau national, il est certain que l'exercice contractuel de terrain et de projet risque d'être reconduit dans des directions déjà tracées, comme cela s'est vu dans certaines pratiques anciennes : nous avons pu vérifier, lors d'appels à projet que nous avons lancés, qu'un certain nombre de territoires n'agissent aujourd'hui qu'avec des outils déjà extrêmement normés, donc extrêmement standardisés qu'ils adaptent à leur projet local mais qui, très vite, prennent le dessus sur l'innovation.

M. Félix Leyzour : Je vais m'intéresser à la manière de faire passer et comprendre notre message. En effet, quand nous disons "contrats territoriaux", nous savons ici de quoi il s'agit mais j'aimerais que nos interlocuteurs le sachent aussi car, aujourd'hui, dans l'esprit de la grande majorité des gens, cette formule renvoie aux CTE - contrats territoriaux d'exploitation - en agriculture.

Il faut faire parvenir clairement le message. Quand on parle de "contrat territorial", il s'agit du contrat de pays, qui est le volet territorial du contrat de plan, mais il y a une grande confusion.

L'objectif est, bien sûr, d'insérer l'agriculture dans toute cette démarche d'ensemble mais je crois qu'au moment présent, nous aurions intérêt à parler du contrat territorial d'exploitation pour l'agriculture et peut-être du contrat de pays ou du volet territorial du contrat de plan pour éviter toute confusion.

M. Nicolas Portier : Je vous propose maintenant de faire un état des lieux en commentant quelques cartes.

La première carte présente les principaux pôles urbains et les pays qui se sont fait reconnaître dans le cadre de la loi de 1995, plus quelques pays considérés alors comme tests. On voit bien l'état d'avancement différencié de cette politique selon les régions, avec une certaine avancée du Grand Ouest, de la région Centre, des régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais et un certain retard, notamment du Grand Est.

La région Rhône-Alpes, quant à elle, a structuré ses territoires à travers une autre procédure, les contrats globaux de développement, sur lesquels on peut faire des réserves, mais qui s'apparentent très fortement à la politique des pays. La politique régionale a fait, en quelque sorte, office de substitut, ce qui explique le faible nombre de pays reconnus dans le cadre de la loi de 1995 dans cette zone où les territoires sont surtout organisés au titre de la politique régionale.

La deuxième carte montre l'état d'avancement des pays constatés mais elle ne reflète plus l'ensemble de la dynamique en cours puisqu'en termes de reconnaissance tout est gelé depuis le changement de loi. Le phénomène s'est même appliqué par anticipation puisque, dès la fin de l'année 1998, nous avions demandé aux préfets d'interrompre les reconnaissances administratives de périmètres.

Un certain nombre de pays sont en cours de constitution. Nous avons tenté de les symboliser sans nous autoriser à en définir le périmètre, bien évidemment, mais en tentant de faire ressortir le processus de généralisation de cette politique.

Le Grand Ouest conserve une assez forte avance dans la mesure où la Bretagne est aujourd'hui quasiment recouverte de pays en projet, à des stades d'avancement naturellement différents, tout comme la Basse-Normandie, Poitou-Charentes et la région Centre. En ce qui concerne les Pays de la Loire, il convient de signaler le léger retard pris en Mayenne en soulignant que la Vendée, le Maine-et-Loire, la Sarthe et la Loire-Atlantique réfléchissent fortement à la constitution des pays, dont un certain nombre sont déjà lancés.

Par ailleurs, il est à noter qu'un certain nombre de pays se constituent dans d'autres régions. Dans la région Midi-Pyrénées, une sorte de transition est en train de s'organiser entre l'ancienne procédure contractuelle des "terroirs" et une démarche de pays : des pays ont vu le jour dans le Tarn, dans le Couserans, vers Castres-Mazamet, le Gaillacois etc.

Il convient d'ailleurs de signaler, pour répondre à l'inquiétude qui vient d'être exprimée, que la plupart des pays qui se constituent le font, il faut le reconnaître, à l'échelle souhaitée par l'article 2 de la loi du 25 juin 1999, à savoir l'échelle de référence d'un bassin d'emploi organisé autour d'un pôle urbain, c'est-à-dire d'un territoire assez vaste de plusieurs dizaines de communes - d'ailleurs plutôt 60 ou 80 que 15 - fédérant plusieurs intercommunalités.

En Bretagne, les pôles urbains peuvent être des agglomérations de plus de 50 000 habitants et c'est ainsi que sont en cours d'organisation le pays de Rennes, le pays de Brest, le pays de Cornouailles avec Quimper, le pays de Vannes, le pays de Morlaix, ce qui traduit une solidarité villes-campagnes forte. Mais il existe, bien sûr, d'autres régions où les pôles urbains sont de taille plus modeste : il s'agit, le plus souvent, soit de petites sous-préfectures, soit de pôles ruraux qui peuvent être de 7 000 ou 8 000 habitants, mais qui font office de pôles de services et d'emplois.

La troisième carte est très intéressante, même si elle sera à actualiser d'ici à quelques semaines. Elle fait apparaître les communautés de communes ou les EPCI - établissements publics de coopération intercommunale - à fiscalité propre.

Cette carte change beaucoup actuellement avec la loi Chevènement du 12 juillet 1999. Elle est très évolutive mais elle éclaire le lien fort qui s'est tissé dans certaines régions, ces dernières années, entre les pays et les communautés de communes, les premiers restant un cadre souple de coordination, un cadre fédératif de communautés de communes qui, de plus en plus, deviennent les maîtres d'ouvrage et les institutions gestionnaires des projets qui vont être conduits en concertation au niveau du pays.

Si on s'arrête sur le Grand Ouest où cette logique est bien avancée, on découvre qu'un certain nombre de pays sont déjà constitués d'un nombre important de communautés de communes, ce qui répond, notamment, à l'amendement de votre Assemblée qui a voulu éviter à des pays entièrement couverts d'EPCI à fiscalité propre, de devoir créer une nouvelle structure pour contractualiser.

Si je prends l'exemple du pays segréen dans le département de M. Jean-Michel Marchand, entièrement couvert de communautés de communes, il pourrait être dispensé lors d'une phase contractuelle, de créer un syndicat mixte ou un groupement d'intérêt public : on pourrait envisager une cocontractualisation des communautés. Le Mortainais, dans la Manche, se trouve dans le même cas de figure.

Compte tenu de la multiplication des communautés et de l'avancement assez fort de l'intercommunalité, on peut estimer qu'en 2001, 2002 et surtout 2003, le maillage intercommunal à fiscalité propre se sera largement resserré et que, dans de nombreuses régions, les pays seront recouverts de communautés de communes, ce qui veut bien dire qu'à terme ils pourront, dans l'absolu, ne pas créer une structure de droit public à l'échelle du pays mais fonctionner sur un mode associatif de coordination et s'appuyer, dans les actions et dans les contrats, sur les maîtres d'ouvrage intercommunaux.

Je terminerai en vous montrant sur cette dernière carte quelle est la dynamique en cours sur la base des appels à projet lancés par la DATAR.

On retrouve toujours, en toile de fond, les pays constatés et un certain nombre de territoires que nous avons soutenus et dont les périmètres ne sont pas exacts aujourd'hui puisque nous ne sommes même pas dans une phase de périmètre d'étude reconnu mais dans une phase de préfiguration où nous appuyons des démarches émergentes. Un certain nombre de ces projets apparaissent ici : ils sont assez nombreux en Basse-Normandie ainsi qu'en Bourgogne et en Auvergne, régions assez peu avancées jusqu'à présent mais où, des programmes d'initiatives communautaires, comme Leader notamment, ont enclenché des démarches territoriales assez actives. On peut aussi constater qu'en Midi-Pyrénées, un certain nombre de territoires s'organisent, de même que dans les Pyrénées orientales.

Nous disposons donc maintenant d'une politique qui ne se trouve plus cantonnée dans les seules régions de l'Ouest, mais qui se développe aujourd'hui un peu partout.

Nous avons essayé de montrer sur cette carte, qui devrait déjà être complétée, les pays en cours d'organisation : on peut citer en Provence-Alpes-Côte d'Azur le pays d'Arles, le pays de centre Var, le projet de pays de Grasse. Il est à noter qu'en Rhône-Alpes, un grand nombre de pays se créent sur la base des précédents contrats globaux que la région avait initiés. En Lorraine des pays se créent également autour d'Epinal et de Saint-Dié, pendant que d'autres s'organisent à Sarrebourg ou à Bitche-Sarreguemines. On peut donc désormais parler d'une dynamique nationale de constitution de ces pays.

M. Félix Leyzour : J'aimerais savoir pourquoi cette dynamique s'est d'abord développée dans l'Ouest : c'est quelqu'un de l'Ouest qui vous pose cette question.

M. Dominique Parthenay : Je crois que vous avez la réponse : l'Ouest a une tradition communautaire très forte. Il y a toute une histoire de la solidarité et de la communauté qui fait qu'on a un territoire là où la répartition de la population étant meilleure que dans bien d'autres territoires français, l'équilibre est plus grand entre les différentes collectivités. A cela vient s'ajouter une tradition historique, culturelle, voire cultuelle qui a poussé cette région à être un peu le fer de lance des pratiques de coopération et de communauté, ce qui se retrouve aujourd'hui à la fois dans l'intercommunalité et dans la démarche de pays.

M. Nicolas Portier : On constate des aptitudes coopératives très fortes dans les régions de tradition mutualiste.

M. Dominique Parthenay : On retrouve cette explication également dans le Nord : les deux régions qui sont le plus en avance, l'Ouest et le Nord, sont des régions qui ont toujours eu une tradition de coopération et de mutualisation assez forte.

M. Nicolas Portier : L'empreinte de la jeunesse agricole chrétienne, par exemple, y est assez marquée, sans compter, comme le montrent les travaux d'Emmanuel Todd, l'anthropologie spécifique qui se trouve sans doute à l'origine de ces traditions coopérative et mutualiste, qui tient à la structure familiale assez soudée et qui tranche un peu avec une France à caractère plus individualiste. Les cartes d'Emmanuel Todd se recoupent d'ailleurs nettement avec celles de l'intercommunalité.

A mon avis, cependant, il faut faire attention et ne pas avoir une vision ultradéterministe des choses parce que la France du Centre se met aussi à l'intercommunalité

M. le Président : On trouve des Bretons partout en France.

M. Nicolas Portier ...mais il est indéniable que les Bretons ont répondu beaucoup plus vite à l'appel.

M. Henri Nayrou : Puisque certains pays dits "émergents" se sont créés sur la base des contrats de terroir, notamment dans la région Midi-Pyrénées, mais aussi sur la base de regroupements d'intercommunalités, j'aimerais avoir votre sentiment sur les pays cohérents et les pays d'opportunité.

Par ailleurs, je crois que l'on ne peut pas passer éternellement par pertes et profits les rapports futurs entre les pays et les départements. La loi Chevènement a mis courageusement de côté cet aspect du problème mais il resurgira un jour. On fait semblant de ne pas se rendre compte ici que , dès qu'on arrive sur le terrain, il apparaît de manière évidente et qu'il faudra bien en tenir compte ! Ce n'est peut-être pas le moment, j'en conviens, mais les missions confiées au département devront, un jour, être clarifiées.

M. Francis Ampe : On peut indiquer une réflexion en cours au sein de la commission présidée par Pierre Mauroy : au fond, le département, dans sa partie représentative, et non pas dans sa partie division administrative de l'Etat, aurait peut-être vocation à être l'assemblée des agglomérations et des pays. Ce n'est pas la question de savoir quel est le lieu de pouvoir, de décision et de gestion, mais de savoir qui doit être habilité à prendre les décisions car, aujourd'hui, la méthode traditionnelle de représentation ne trouve plus beaucoup de défenseurs.

Les défenseurs du canton dans sa configuration actuelle sont aujourd'hui minoritaires : aucun argument ne joue plus en faveur du canton urbain et le pays devient directement une alternative intelligente au canton rural.

M. Henri Nayrou : Je suis tout à fait d'accord mais je ferai simplement remarquer que la loi sur l'intercommunalité ne date que de l'an dernier.

M. Dominique Parthenay : Dans le prolongement de ce que disait Francis Ampe, je note que les départements ont eux-mêmes des attitudes extrêmement contrastées vis-à-vis de cette politique : certains sont extrêmement actifs, dynamiques, accueillants, favorables à cette politique, et tandis que d'autres semblent la craindre et, d'une certaine manière, y mettent des entraves ou du moins des conditions qui l'éloignent des objectifs que nous nous étions fixés. Par conséquent, on voit bien qu'au sein même de la réflexion départementale, les attitudes divergent.

Je crois qu'il convient de distinguer, dans les effets, la question du département en tant qu'entité dans ses compétences génériques, de la question du canton sur laquelle cette entité agit. Ce qui est en cause aujourd'hui, à travers la politique des pays, comme à travers les succès de l'intercommunalité, c'est finalement le canton . C'est beaucoup plus cette question qui se trouve posée que celle du département lui-même.

M. Henri Nayrou : Le canton débouche sur le département !

M. Dominique Parthenay : C'est aujourd'hui le mode de représentation du département mais toucher au canton, ce n'est pas forcément toucher au département. On peut tous, autour de la table, avoir des idées personnelles sur la décentralisation ou les niveaux de compétence mais si nous évacuons ce débat, il reste que la question qui est posée aussi bien par la loi de 1992, que par la loi Chevènement qui a donné un coup d'accélérateur au processus urbain, ce qui diminue encore la visibilité des cantons, est celle du système de représentation des départements.

M. le Président : Je crois qu'il faut prendre garde à ne pas trop institutionnaliser le pays. En effet, d'une part, on a voulu qu'il s'affranchisse des limites territoriales administratives et politiques qu'étaient le département, le canton et, éventuellement la région ce qui était déjà un signe fort, d'autre part , on a souhaité ne pas recréer une structure administrative et politique supplémentaire et le CNADT- Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire - hier, l'a réaffirmé assez fortement . En cela, il est en phase complète avec le discours que nous avons tenu durant tout le travail législatif !

M. Henri Nayrou : Sur ce terrain, on ne leurre personne ! Dans le débat sur les trésoreries, surgit désormais la solution du pays, bien qu'on ne veuille pas institutionnaliser pour ne pas effrayer les départementalistes ou les "paléodépartementalistes". Personnellement, je n'ai aucun a priori : j'appelle un chat un chat et je dis que dans la loi sur l'intercommunalité, on aurait dû prendre en compte la non-représentativité du canton par rapport à une communauté de communes, elle-même s'asseyant sur une cohérence de bassin de vie, de bassin d'emploi. Si on considère que le pays n'est jamais qu'un regroupement de communes , il aurait fallu se saisir du problème dès le départ mais je crois que l'on n'en a pas eu le courage politique !

M. le Président : C'est un point de vue que, personnellement, je ne partage pas complètement !

M. Félix Leyzour : Cette question appelle quelques observations de ma part .

Nous avons déjà eu un peu cette discussion lors du débat sur la loi d'orientation. Evidemment, on ne peut pas dire que les départements soient éternels, mais je ne pense pas que le problème soit celui de la disparition des départements. La grande question est sans doute de savoir si l'actuel mode d'élection de l'assemblée départementale correspond à ce qu'on pourrait en attendre.

En effet, si le canton rural jouit encore, dans certaines régions d'une unité de vie à travers le collège et quelques autres structures, il est vrai qu'en milieu urbain il ne correspond plus qu'à une circonscription électorale du conseil général. Dans ces conditions ne conviendrait-il pas de procéder à un rééquilibrage et peut-être de trouver un autre mode d'élection pour les conseillers généraux ?

Pour ma part, je suis favorable à ce que les départements demeurent et pour qu'il y existe, au niveau du département, une assemblée élue au suffrage universel, étant entendu que le mode de représentation restera à déterminer.

M. Pierre Cohen : Pour revenir à notre sujet, je dirai qu'il faut dissocier le mode de représentation et la remise en cause du département mais qu'on rencontrera toujours quelques difficultés dans le contrat de plan Etat-région avec le volet territorial. La région étant tout de même l'instance de référence dans la négociation, il faudra essayer, tant bien que mal de trouver une place au département qui est, lui, le lieu de coordination des pays.

Il y a quand même là une équivoque qui se trouve encore aggravée par ce qui a été dit sur la représentativité des structures intercommunales - communautés de communes ou communautés d'agglomérations : il reste une ambiguïté par rapport aux pays. Personnellement, j'estime qu'il est difficile de dire - et je souscris aux propos de M. le Président - que les pays ne peuvent pas être des lieux de gestion, qu'ils n'ont pas de capacité administrative à gérer des projets et qu'ils ne seront que des lieux de proposition de projets pour contractualiser. On va rencontrer des difficultés à créer cette instance, ce lieu pertinent pour faire naître les projets.

De plus, dans les discours sur les communautés de communes et pays, on remarque souvent une confusion - je crois que cela s'est produit ici-même tout à l'heure - au sujet de la représentativité. Une définition très claire de ce que sont les communautés et des limites de ce qui se définit ou se décrit au niveau des pays paraît donc être tout à fait nécessaire

Par ailleurs, si je partage tout ce qui a été dit sur la mise en place des contrats territoriaux, sur la création de missions ou de services pérennes qui permettraient de disposer d'une sorte d'ingénierie, il me semble qu'en matière de financement les sommes sont relativement affectées et que nous aurons peu de chances de mobiliser autour d'une définition de contrat territorial qui correspondra simplement à une remise en cohérence de financements déjà été plus ou moins affectés ou décidés. Les 120 milliards de francs en provenance de l'Etat sont quasiment "labellisés", par conséquent la discussion sur le terrain va devenir extrêmement complexe, s'il n'y a pas de moyens supplémentaires pour créer ces contrats territoriaux.

M. Dominique Parthenay : Je répondrai au second point de votre intervention avant de revenir sur le premier. Concernant les moyens, vous avez raison, mais il faut savoir que nous avons, dans les lignes budgétaires des situations assez diverses quant à la souplesse d'emploi de ces crédits dont certains sont effectivement déjà clairement identifiés et dont l'inscription dans un contrat de territoire relèvera surtout de l'affichage, d'où la question qui se pose de savoir si nous obtiendrons ou non, à cette occasion, une modulation qui pourrait redonner un intérêt à l'exercice.

Pour autant, tel n'est pas le cas de tous les crédits des contrats de plan dont certaines lignes budgétaires offrent tout de même une relative liberté d'action.

En outre, si les contrats de pays ou les contrats d'agglomération sont adossés aux contrats de plan, ils n'ont pas vocation à se limiter à leurs seuls crédits et donc l'objectif, du moins du côté de l'Etat, sera aussi de mobiliser pour ces contrats territoriaux des lignes classiques, hors contrats de plan, ce qui revient à dire que le contrat de pays sera le produit d'une déclinaison des crédits contractualisés mais nécessitera aussi d'autres crédits.

Je prends un exemple pour aller dans votre sens : la Culture a des crédits dans le contrat de plan qui ne peuvent être territorialisés ; en revanche, elle dispose de nombreux crédits qui ne sont pas contractualisés et qui pourraient parfaitement venir construire des politiques territoriales. Il est un autre exemple fréquemment utilisé et qui est assez classique dans les contrats d'agglomération : la politique des transports collectifs, qui n'est pas dans les contrats de plan mais qui est censée se retrouver dans les contrats d'agglomération dont elle sera un des éléments substantiels. Il faudra donc jouer des deux alternatives et en l'absence de disponibilité des crédits du contrat de plan, aller effectivement chercher des crédits en dehors dudit contrat de plan.

Sur la question de savoir qui fait quoi sur le territoire ou dans les collectivités, nous avons d'autant moins emprunté cette voie dans la loi que, comme le rappelait M. le Président, nous nous situons bien dans une logique de démarche de projet et non pas dans une logique institutionnelle. Autrement dit nous parlons de missions et non de compétences.

Ce que je voudrais rappeler, c'est que cette démarche est fondée sur le volontariat et le partenariat, c'est-à-dire, comme il n'y pas de majorité qualifiée pour approuver un projet de pays, que des projets seront réalisés là où les intéressés le souhaitent et que, d'une certaine manière, l'articulation entre les différents niveaux d'acteurs locaux se fera, ou ne se fera pas, dans un consensus local. Finalement, nous avons délibérément écarté de la loi ou des textes d'application, une "rigidification" des rapports entre les acteurs, parce que toute avancée en la matière nous conduisait inévitablement sur le champ des questions institutionnelles, autre débat qui n'est pas celui de l'aménagement du territoire.

Un précédent existe depuis trente ans en dehors de tout cadre institutionnel véritablement fondé, c'est celui des parcs naturels régionaux : aujourd'hui, les parcs n'ont pas de compétence au sens des lois qui organisent les collectivités locales et cela fait trente ans qu'ils agissent sur leur territoire, portent un certain nombre de projets, sont maîtres d'ouvrage, etc.

Cela revient à admettre que le système de régulation s'est fait localement : je ne dis pas que, de temps en temps, cela ne pose pas de problème, mais je pense qu'effectivement nous sommes dans un système de volontariat. Vous avez d'ailleurs clairement souligné dans le texte de la loi que le projet doit être adopté par toutes les communes, et non pas par une majorité qualifiée. Le projet existe parce que l'ensemble des acteurs y adhèrent. Ce sont à travers les rapports entre les différents partenaires que les problèmes doivent se résoudre : ce ne sont pas les textes qui imposent des solutions.

M. le Rapporteur : Mes questions portent sur la territorialisation des contrats.

Au sujet des pays, je suppose que l'INSEE ne l'ayant pas fait, vous n'avez pas pu le faire non plus, avez-vous pensé à croiser les cartes très intéressantes que vous nous avez montrées, en particulier celles des intercommunalités ou des pays constatés au titre de 1995 avec les effets démographiques ? C'est important dans la mesure où l'INSEE n'examine les faits qu'au travers de structures existantes, en particulier, de structures communales départementales, régionales alors qu'un certain nombre d'intercommunalités sont agissantes sur le territoire depuis maintenant suffisamment d'années pour que nous puissions nous interroger sur les effets constatés au niveau de la dynamique démographique.

Sans introduire forcément de raisons de causalité, j'aimerais savoir quelle corrélation il serait possible d'établir entre les deux phénomènes. Cela nous permettrait, en effet, d'avoir une autre lecture des cartes et de disposer d'arguments plus fondés scientifiquement.

Par ailleurs, dans les premiers contrats de plan - les deux qui sont signés et les dix qui sont sur le point de l'être - pouvez-vous nous indiquer ce qui est la politique territoriale hors contrat des régions et les mesures qui pourraient être prises pour la faire entrer dans les 25 % contractualisables ou contractualisés ?

Cela comporte des risques. Les régions ont des politiques territoriales, ce qui est normal et fait d'ailleurs partie de leur rôle politique, mais on peut avoir des glissements très importants qui auraient des effets pernicieux. Je vous en donne un exemple : le message fort que délivre la région où la Délégation se rendra prochainement en matière économique est le suivant : "dans le contrat de plan, j'accorderai une somme non négligeable pour contractualiser sur des zones d'excellence, des zones de développement industriel ou économique" mais elle ajoute aussitôt après qu'elle n'en accordera que deux par département.

Cela signifie que l'on ne se trouve plus dans une logique de projet au sens où nous l'entendions tout à l'heure de volontariat et de préparation locale, mais sur une incitation en tutelle forte de la région d'une politique localisée territoriale qui sera peut-être contractualisée. Nous avons donc là des biais qui mériteraient de donner lieu à une forte investigation et à une sérieuse analyse. C'est vrai dans les politiques de formation professionnelle, d'action sociale, de l'emploi - on l'a vu, par exemple, sur les emplois-jeunes ; bref, le phénomène se décline dans de nombreux domaines qui mériteraient notre attention. Autrement dit, quels crédits entrent réellement dans les 25 % contractualisés sur des logiques de projets territoriaux ?

J'ai vu également, dans cette même région, au travers des contrats de ville par exemple, que la région a tendance à dire aujourd'hui que son action traditionnelle sera partiellement intégrée dans les contrats de ville, si bien que nous assistons à un habillage d'une politique qui est la politique régionale territorialisée hors contrat...

Ma deuxième question concerne les services de l'Etat. Pour ne pas revenir sur des politiques anciennes dont nous avons mesuré tout à l'heure la difficulté, je m'en tiendrai aux politiques nouvelles. Pour ce qui a trait aux contrats territoriaux d'exploitation, entre autres, car je pourrais prendre d'autres exemples, je soulignerai qu'on a vu avec les dégâts de la tempête qu'il y avait des opportunités, par les contrats territoriaux d'exploitation, de tirer parti de la dimension territoriale conctractualisable, c'est-à-dire la dimension environnementale. Dans mon département, c'était le cas avec les forêts touchées par la tempête qui exigeaient un bûcheronnage immédiat - alors qu'il y avait une pénurie d'équipes de bûcherons - et une disponibilité de main d'oeuvre et de matériel qui se trouvaient chez les agriculteurs.

On a été incapable de mettre en place, sur une durée de six mois à un an, des contrats territoriaux d'exploitation à volets territorialisés environnementaux parce que les services de l'Etat dans les départements prétendaient qu'il fallait s'intéresser, d'abord et avant tout, à la partie professionnalisée en quelque sorte, c'est-à-dire à tout ce qui concernait l'agriculture et que, pour le reste, il fallait attendre.

Je constate donc qu'il y a une non-réactivité et une nonchalance qui laissent perplexes parce que nous sommes, là, sur des textes d'aujourd'hui et non d'hier et qui inquiètent fortement, y compris lorsque l'on questionne le ministère de l'agriculture.

S'agissant des contrats éducatifs locaux, la situation est de même nature. On observe une action volontariste forte des services de l'Etat au sujet du nombre de contrats éducatifs locaux et de leur répartition sur le territoire, mais dès que l'on parle financement et mise en action, le sujet devient nettement plus flou, pour ne pas dire plus.

Ma troisième question est relative à l'ingénierie. Je suis tout à fait sensible à l'orientation qui est prise sur l'ingénierie d'équipe et de complémentarité dans les capacités et les fonctions des personnes. Avez-vous observé ailleurs ce que j'ai pu observer sur l'un des territoires concernant l'effet induit par le programme Leader II : il a été mis en place une équipe d'ingénierie tout à fait performante, en un lieu où la densité moyenne de population est de cinq habitants au kilomètre carré sur un territoire relativement vaste, situé sur le plateau de Langres. Il se trouve maintenant inclus dans une dynamique de pays très intéressante et importante alors qu'en même temps l'ingénierie locale installée sur une partie de ce territoire est en train d'échouer en raison de la non-reconnaissance de l'inclusion dudit projet dans l'ensemble du projet de pays. C'est un phénomène bizarre mais dans les rares endroits où l'ingénierie fonctionnait, elle enregistre un important ralentissement.

J'en arrive à ma quatrième question qui sera aussi la dernière. Elle a trait à la logique de projet. Nous vivons, dans les territoires, un dilemme qui est le suivant : comme dans la pensée de certains, plus on projette et on plus on obtient pour réaliser, le projet global finit par devenir la compilation des souhaits. Or cette compilation devient totalement inopérante dans la mesure où son financement est hors de portée. Cela signifie bien qu'il y a un écart entre les projets mobilisables à l'échelle d'un pays et ceux qui peuvent réellement se concrétiser. Les projets imposent d'opérer des choix : sur cinq idées qui sont bonnes seules deux pourront peut-être être financées. Par conséquent, le rôle des responsables de projets est autant de pouvoir éliminer qu'apporter. C'est là une question qui est redoutable et aussi longtemps que l'on ne voudra pas l'aborder de façon pragmatique, on aura des pays fantasmatiques qui seront des lieux où l'on réfléchira beaucoup mais où on agira peu ! C'est, en tout cas, ce que nous avons observé avec le programme Leader.

De quelle manière pourrait-on présenter l'effet synergie, l'effet masse ? Quand le pays apporte sur ses propres deniers, qu'apportent les autres ? Qu'est-il possible d'apporter et comment circonscrit-on l'ensemble des projets réalisables en fonction des opportunités - cette fois au sens premier du terme - financières ?

Dominique Parthenay : Votre dernière question renvoie à deux types de préoccupations de nature assez différente.

Premièrement, je considère que l'apprentissage d'une démarche de projet est quelque chose d'assez long. Je ne crois pas - et c'est d'ailleurs l'un des problèmes de cette politique - que des territoires ou des acteurs peu familiarisés avec cette démarche parviennent rapidement à construire une stratégie, à pouvoir, non seulement bâtir un vaste catalogue mais également y effectuer des choix. L'une des difficultés de ces politiques - et c'est la raison pour laquelle elles ont souvent souffert du manque de continuité de l'effort public - c'est que, pour arriver à maturité, elles exigent du temps et que, si on peut accélérer les étapes d'un apprentissage à peu près incontournable, on ne peut pas les ignorer : d'où la nécessité de se donner du temps, de trouver les procédures susceptibles de nous permettre d'accompagner les différentes étapes et d'être attentifs à ce que chaque territoire peut faire à chacune d'entre elles.

C'est une première réflexion : il faut accepter aussi qu'à un certain stade, des territoires ne soient pas capables d'opérer ce tri, qu'ils donnent l'image d'un bouillonnement d'idées et de projets et que les choix s'effectuent, d'une certaine manière, un peu par la contrainte et non pas par la stratégie.

La seconde réflexion que m'inspirent vos observations, c'est que l'on voit clairement que tout cela renvoie à des enjeux d'échelle, c'est-à-dire que si on veut avoir les capacités d'agir et ne pas être tributaire des seules ressources externes, ce qui n'est pas satisfaisant - n'importe quel territoire, aussi fragile soit-il doit aussi pouvoir contribuer par ses propres moyens à ses projets, sans quoi il n'y a plus aucun lien entre l'effort et le projet et, par conséquent, il n'y a plus de régulation possible - il faut que les capacités financières soient un des éléments qui déterminent le périmètre. Il faut quand même avoir une ressource locale, non seulement intellectuelle mais aussi fiscale, qui permette de contribuer au projet qu'on bâtit sinon, cela n'a pas de sens.

Je laisserai Nicolas Portier vous répondre sur le programme Leader parce qu'il connaît mieux le sujet que moi mais sur les problèmes que vous évoquez, notamment sur ceux qui sont liés aux contrats locaux d'éducation, je dirai qu'on voit bien aujourd'hui que la territorialisation fait son chemin dans les esprits et dans les ministères. De plus en plus de textes, de plus en plus d'outils cherchent à mieux prendre en compte les enjeux de territorialisation, mais on est encore souvent dans des démarches sectorielles alors que la territorialisation plaiderait pour la transversalité.

Le fond même de cette démarche est de parvenir à reconstruire, par rapport à un lieu et à ses enjeux, de la cohérence entre des actions qui, jusqu'à présent, venaient s'y inscrire mais de manière sectorielle et individuelle. Or, pour l'instant , la pensée publique, du moins du côté de l'Etat, reste assez sectorielle.

Je ne parlerai pas des contrats locaux d'éducation que je ne connais pas assez, mais s'agissant des contrats territoriaux d'exploitation, je dirai que le ministère de l'agriculture reste tributaire de son dialogue privilégié avec la profession agricole.

Les contrats territoriaux d'exploitation pourraient être le fer de lance d'une évolution assez significative des politiques agricoles qui devraient beaucoup mieux prendre en compte les enjeux de la multifonctionnalité et ne pas s'en tenir au seul enjeu "agricolo-agricole", mais à l'ensemble des fonctions que porte aujourd'hui l'agriculture sur l'ensemble du territoire. Ces contrats viennent d'ailleurs conclure toute une phase d'expérimentation, comprenant des mesures agri-environnementales et un certain nombre de dispositifs qui, depuis une petite dizaine d'années, ont été testés sur des zones expérimentales - donc forcément plus modestes.

Or, nous restons confrontés aux rigidités de la structure : il en est résulté un débat au moment du vote de la loi d'orientation agricole pour savoir si les CTE s'appliqueraient uniquement aux professions agricoles ou s'ils allaient, au-delà, prendre en compte d'autres acteurs du développement rural, qui pourraient aussi assumer des fonctions de gestion. Ils ont été réservés aux professions agricoles au motif, ce qui n'est pas tout à fait faux, que les crédits venaient du ministère de l'agriculture. En même temps, on s'aperçoit que les crédits, notamment les crédits européens, sont totalement réservés aux agriculteurs, alors que les besoins du développement rural ne sont plus seulement ceux des agriculteurs.

Nous sommes effectivement au début d'un apprentissage. Ce qu'on n'a pas réglé par la loi - c'est notamment le cas pour les CTE où la passerelle entre loi d'orientation agricole et loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire existe, mais n'est pas vraiment solide - il va falloir le régler progressivement dans la pratique.

Personnellement, je ne désespère pas, lorsqu'on aura de vraies dynamiques de territoire, que le CTE en soit aussi l'un des instruments mais, pour qu'il joue parfaitement son rôle, il ne faut pas qu'il soit un exercice individualisé exploitation par exploitation, mais qu'il réponde à une stratégie cohérente sur des bassins : quand on veut gérer l'eau, ce n'est pas au niveau d'une exploitation qu'on le fait, mais bien au niveau d'un bassin.

D'une certaine manière, je dresse le même constat que vous, mais en l'occurrence la DATAR ne peut pas tout !

M. Félix Leyzour : La contradiction, c'est l'état normal des choses, la grande question étant de savoir comment parvenir à la dénouer en croisant les initiatives horizontales et verticales.

M. Dominique Parthenay : Tout à fait ! Je nuancerai néanmoins mon propos par un message d'espoir : je trouve quand même que cette préoccupation est en train d'émerger, pas forcément avec la fluidité ni la vitesse que l'on souhaiterait, mais de plus en plus significativement.

M. le Rapporteur : En vous posant cette question, je souhaitais lancer un message d'alerte puisque l'objet du rapport est de souligner un certain nombre de points et de demander que l'on fasse preuve de vigilance sur certains aspects pour éventuellement les corriger.

Quand, sur les contrats éducatifs locaux, par exemple, le ministère de l'éducation nationale nous dit qu'il les instaure mais qu'il n'a pas de moyens pour les financer et que, sans doute, d'autres ministères peuvent le faire, on prend conscience que le long parcours des ministères est inefficace. Les collectivités territoriales, chez qui a pu s'imposer l'idée qu'un contrat éducatif local était souhaitable, finissent par porter l'essentiel du financement, ce qui est en contradiction même avec cette notion de partenariat au travers d'un contrat cosigné.

M. Dominique Parthenay : Nous allons essayer dans les circulaires de proposer - du point de vue de l'Etat - aux préfets de constituer un collège des administrations, composé des agents désignés au sein des principales administrations concernées pour bâtir cette transversalité dans la mise en oeuvre des politiques au plan local, de manière à avoir un vrai dispositif de suivi décloisonné au sein des différentes administrations, en tentant de réunir dans ce collège plutôt des agents qui s'intéressent déjà aux démarches de projet et il y en a ... Je ne voudrais pas dresser un tableau trop noir de la situation : nombreux sont ceux qui nous accompagnent et adhèrent à cette démarche. Il convient donc de les repérer et de construire des politiques transversales au plan local.

M. Nicolas Portier : Nous avons déjà constitué entre représentants des administrations un certain nombre de lieux de suivi et d'observatoires de la territorialisation des politiques publiques. Nous sommes en train de créer un répertoire de toutes les procédures territoriales qui recense, par exemple, les contrats éducatifs locaux, les contrats territoriaux d'exploitation et toutes les procédures ministérielles qui ont un sens dans la définition du terme "territorialisation", c'est-à-dire qui nécessitent une négociation, un diagnostic, une mobilisation collective. A travers ce répertoire et, au-delà, à travers l'observatoire, les séminaires et la réflexion, on s'aperçoit bien de la coexistence de deux cultures.

Nous allons sans doute réussir à bâtir, surtout si nous avons un appui politique sur la base de circulaires, des collèges de suivi interservices. Il restera à régler un point que nous n'avons pas tellement abordé : la question de savoir si cela se fera au niveau départemental ou régional. Du côté de l'organisation de l'Etat, la solution n'est pas simple.

En outre, au sein même de chaque service, nous rencontrons des difficultés : ceux qui s'impliquent ne trouvent pas aujourd'hui, ainsi que nous avons pu le constater, un encouragement dans un certain nombre d'administrations marquées sans doute par une culture régalienne de contrôle où la possibilité d'avancement obéit à une logique de corps technique plus orientée sur le contrôle, la bonne exécution de la décision centrale, donc plus sur une culture de centralisation, que sur cette culture de partenariat qui émerge actuellement dans les administrations de l'Etat, grâce à des agents qui ne sont pas forcément les plus gratifiés et promus.

Cette évolution est quand même assez complexe et une mutation de longue haleine s'impose. On voit dans certaines administrations que des agents se mobilisent en partenariat avec les collectivités ou les techniciens des collectivités, mais ils le font vraiment par intérêt personnel, sans que rien ne les y pousse dans leur plan de carrière.

Quant au programme Leader, il a été pour nous un véritable outil, pour accompagner les premiers pays, d'où la nécessité d'assurer une réelle cohérence entre Leader II et la politique des pays puisque, bien souvent, le programme Leader permet l'émergence des pays. Si on ne veille pas à ce qu'il y ait une bonne articulation à l'avenir, on va retrouver des pays en surnombre. Quoi qu'il en soit, Leader I comme Leader II a souvent été un dispositif qui a préparé, organisé le territoire, créé des dynamiques d'animation collective, de mobilisation d'acteurs socioprofessionnels et qui a très largement contribué à la création de pays.

Certes, quelques programmes Leader ont mal fonctionné - certains étaient à l'échelle départementale tandis que d'autres étaient trop petits - mais, sur de nombreux territoires, des pays se sont constitués grâce à ceux-ci. Il en résulte que notre souci, aujourd'hui, est de bien articuler ce dispositif avec les pays, de nous servir de ce programme là où il n'y a pas de pays pour amener progressivement ces territoires à une démarche plus pérenne et plus structurée, tout en veillant à ce que, là où des pays existent, le programme Leader conserve sa spécificité et ne soit pas simplement utilisé comme "argent de poche" des contrats de pays.

M. le Rapporteur : L'Adecaplan, sur le plateau de Langres est une excellente structure d'ingénierie : c'est la seule qui existe à l'échelle du département, sinon de la région Champagne-Ardenne et je voulais souligner une certaine fragilité dans la reconnaissance de cette ingénierie du fait d'un changement de taille et de globalité. Les changements d'échelle ne sont pas simples pour les équipes pluridisciplinaires de terrain et il est indispensable de les accompagner.

M. Nicolas Portier : Pour accompagner les équipes locales, on ressent fortement la nécessité de constituer un dispositif d'appui régional. L'idée est d'utiliser les conventions d'objectifs au niveau local et de prévoir, au niveau régional, des documents d'application régionale de la politique pour que les collectivités territoriales et l'Etat puissent s'entendre sur une stratégie conjointe d'intervention. Nous voulons, sans l'imposer, que se constituent des lieux de suivi et d'appui technique pérennes au niveau régional , chargés de mettre en réseau un certain nombre de partenaires, de permettre les échanges entre les élus sur les actions menées, ou d'intervenir quand une petite équipe se trouve isolée, qu'il existe un problème de médiation. Ce dispositif pourrait être différent d'une région à l'autre.

M. Félix Leyzour : Evidemment la loi fait en sorte que la région soit le pivot de l'aménagement du territoire : où en est-on dans la préparation des signatures des contrats de plan Etat-région ? Toutes les régions sont-elles prêtes à signer ou certaines résistent-elles ici ou là ? Quelle attitude peuvent-elles avoir par rapport à la mise en oeuvre des politiques voulues par l'Etat ? S'il y a synergie, c'est positif, mais s'il y a résistance avec volonté de faire apparaître une politique propre par rapport à celle de l'Etat, cela l'est moins.

M. Dominique Parthenay : Globalement, mais je ne vous livre pas un avis d'expert dans la mesure où la DATAR aussi est sectorielle et qu'il y a donc des gens qui suivent plus directement la négociation des contrats de plan...

M. le Président : ...Il y a même de la verticalité !

M. Dominique Parthenay : Oui, mais elle n'est pas trop importante car il s'agit d'une petite maison où l'on arrive à communiquer. J'ai le sentiment, qui paraît confirmé par l'état d'avancement, que globalement, les engagements successifs qui ont été pris par le Gouvernement à hauteur des 120 milliards de francs et la manière dont cette négociation a été conduite ont résolu presque tous les problèmes et que cette génération de contrats de plan se prépare et se signe sans grandes difficultés et plutôt, me semble-t-il, à la satisfaction de la plupart des présidents de conseils régionaux, quelle que soit leur appartenance politique.

Il y aura sans doute une difficulté en Languedoc-Roussillon en raison de sa situation un peu particulière que vous connaissez.

Sur le volet qui nous préoccupe davantage aujourd'hui, à savoir le volet territorial, nous n'avons pas encore une lecture complète puisque, ainsi que je vous le disais tout à l'heure, nous ne disposons que de la moitié des contrats de plan Etat-région votés.

Il s'est trouvé, un peu par hasard, que les deux premiers contrats examinés et signés, étaient des contrats sur lesquels il y avait de fortes politiques régionales. Nous avons constaté, à cette occasion, qu'il n'était pas toujours très simple de marier la démarche de la région et celle de l'Etat parce que la région, finalement, d'une part, n'engageait pas ses propres crédits de contrats locaux dans les contrats de plan et que, de ce fait, elle avait du mal à prendre une position face à l'Etat et, que, en outre, ayant ses habitudes, elle ne voyait pas très bien ce qu'elle avait à partager avec l'Etat dans cette affaire. Sur des régions telles que les deux dont je viens de parler, il va falloir, dans la mise en oeuvre, progressivement rapprocher les points de vue.

Cette nécessaire adaptation des dispositions préexistantes justifie notamment l'élaboration d'une convention d'application annexée au contrat de plan Etat-région. Pour nous, la convention d'application doit permettre notamment d'organiser la transition avec des politiques existantes, préalables, et la convergence des politiques régionales avec celles de l'Etat. C'est aussi pourquoi je pense qu'il faudra que l'Etat ait des positions adaptées aux différentes régions : ne partant pas du même point, on ne peut pas examiner les politiques de la même manière selon que l'on est en Bretagne, en Nord-Pas-de-Calais, en PACA ou en Midi-Pyrénées.

Donc la période de trois ans, qui nous sépare de la mi-parcours des contrats de plan 2000-2006, doit être une phase d'adaptation et de convergence des politiques régionales. Il est des régions où des contrats sont actuellement signés selon le dispositif précédent. La région n'a aucune raison d'annuler ses engagements, nous allons donc devoir prendre la suite de ces contrats, attendre que ces contrats arrivent à leur terme pour entrer progressivement dans le nouveau dispositif. Tout cela va se faire de manière progressive.

Notre objectif, à ce stade, et c'est pourquoi je disais que les contrats étaient une étape, mais qu'ils n'étaient pas, en tant que tels, la garantie de la réussite, c'est qu'ils identifient clairement l'ambition d'un volet territorial, le chiffrent et le qualifient, que les crédits du FNADT soient clairement positionnés pour servir de levier et que la région et l'Etat s'engagent les premiers, puisque ce sont eux les deux signataires et les deux chefs de file du contrat ; mais nous n'excluons évidemment pas - puisque l'un d'entre vous a évoqué la place du département - le débat avec le département. Il va de soi que, dès lors qu'il y aura un accord local, les départements pourront signer la convention : il faut, là, effectivement, associer l'ensemble des partenaires désireux de s'associer. On prend appui sur l'Etat et la région parce que ce sont les partenaires leaders du contrat de plan, mais le dispositif s'élargira à tous ceux qui souhaitent y contribuer.

Par conséquent, le contrat de plan doit nous donner la "feuille de route", mais après, il faudra passer aux travaux pratiques et c'est alors seulement que je pourrai répondre avec plus de précision à la question que vous me posez. Mais nous n'avons pas eu, de la part de nos partenaires, de refus ni de rejet.

M. Félix Leyzour : C'est un peu compréhensible parce qu'une région ne peut pas se permettre de dire qu'elle refuse le contrat, mais elle peut se poser la question de savoir comment elle peut contribuer à amplifier, coordonner, la politique proposée, ou apparaître comme une identité particulière. On sait bien que toutes ces tentations existent.

M. le Président : Il me reste à remercier Nicolas Portier, Dominique Parthenay et Francis Ampe qui nous ont bien exposé comment se mettait en oeuvre la loi d'orientation d'aménagement du territoire et nous ont indiqué les avancées et les difficultés du volet territorial de la contractualisation. Ce qu'ils en ont dit est, je crois, non seulement intéressant, mais aussi porteur d'espoir - et ils nous ont montré que des politiques horizontales sont en train d'émerger et de se substituer à ce que nous craignions, à savoir la verticalité des relations entre les services de l'Etat et un certain nombre de services régionaux.

M. Dominique Parthenay : Si vous m'y autorisez, monsieur le Président, j'ajouterai que votre Délégation a ,tout comme le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire notamment, un rôle, qui lui a été confié par la loi, d'évaluation des politiques du territoire.

C'est un sujet qui m'est cher dans la mesure où il me renvoie à un échec personnel puisque j'avais été, à un moment donné, chargé par le précédent Gouvernement de mettre en place le GIP - groupement d'intérêt public - de la loi Pasqua sur l`évaluation des politiques d'aménagement du territoire, lequel ne s'est jamais constitué.

Je pense que nos politiques publiques, et notamment nos politiques d'aménagement du territoire, manquent singulièrement d'évaluation.

Nous avons là un cadre d'autant plus approprié pour mettre en oeuvre une démarche d'évaluation que, cette politique démarrant, nous nous situons dans un processus qu'il va falloir accompagner et piloter dans le temps. Pour ce qui me concerne, je serais très favorable à ce que nous puissions avancer sur une stratégie d'évaluation de cette politique . Nous aurons vraiment besoin de tous pour progresser en ce sens.

M. le Président : C'est un point de vue que nous partageons . Je vous remercie .

Audition de M. Michel Thénault,

préfet de la région Champagne-Ardenne

Réunion du 9 mars 2000

Présidence de M. Philippe DURON, Président

M. le Président : Deux Délégations ont été constituées, l'une au Sénat, l'autre à l'Assemblée nationale ; elles comprennent quinze membres et ont défini leurs objectifs. Le premier est de valider les schémas de services collectifs prévus par la loi ; le deuxième est de contribuer à l'évaluation du développement du territoire. Ces commissions peuvent aussi être saisies de tous les sujets concernant l'aménagement et le développement du territoire. Elles peuvent également être saisies par le Bureau de l'Assemblée nationale, les commissions de l'Assemblée nationale ainsi que par les commissions spéciales éventuellement mises en place pour les sujets concernant l'aménagement du territoire.

Notre premier thème de travail concerne la territorialisation des contrats de plan, envisagée par le premier ministre lors du Comité Interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire (CIADT) de juillet 1998, au cours duquel il a indiqué qu'au moins 20 % des fonds du contrat de plan seraient consacrés au financement des contrats de pays et des contrats d'agglomérations. De surcroît, nous avons entendu un certain nombre d'annonces -provenant parfois du ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire, parfois de la DATAR- nous indiquant que cette territorialisation mobiliserait 20  %, 25  %, voire 30  % des fonds du contrat de plan.

Nous nous sommes interrogés sur la manière de mobiliser ces fonds : s'agirait-il de fonds "fongibles", s'agirait-il de fonds particuliers réservés ou, au contraire, de lignes dédiées, soit en totalité soit en partie, à l'aménagement du territoire ? C'est d'ailleurs la solution adoptée par le gouvernement. Nous avons bien conscience aussi que, dans la mesure où les contrats de plan sont signés depuis le début de l'année 2000 -alors que la plupart des pays et des agglomérations commencent seulement à émerger-, le processus est complexe. Même si ceux-ci peuvent se constituer jusqu'en 2003, nous pouvons nous interroger sur la façon de réserver les fonds, sur la façon de différer les engagements.

Tout cela a amené la Délégation à suivre cette problématique, à étudier avec les divers acteurs de l'aménagement du territoire comment cette territorialisation se réalise dans les régions, d'une part, avec les préfets de région et, d'autre part, avec les présidents des exécutifs régionaux.

Depuis le début de cette mission, nous avons déjà entendu les représentants des grandes associations que sont l'Association des régions de France et l'Assemblée des départements de France. Nous avons reçu la conseillère du Premier ministre, Mme Bettina Laville, qui nous a expliqué comment les principes de la territorialisation et de son financement avaient été décidés dans des réunions interministérielles. Enfin, nous avons écouté les représentants de la DATAR qui travaillent sur le sujet.

A présent, nous engageons une investigation auprès des acteurs de terrain. C'est le sens de notre visite en Champagne-Ardenne pour rencontrer le président, M. Jean-Claude Étienne, le président du Conseil économique et social régional et certains présidents de groupe de la région, afin de connaître leur appréciation sur cette mise en _uvre de la territorialisation. Nous rencontrerons ensuite, dans les semaines qui viennent, deux de vos collègues, M. Rémy Pautrat, préfet du Nord-Pas-de-Calais, et M. Hubert Fournier, préfet de Basse Normandie, ma région d'origine.

Nous terminerons ce tour d'horizon avec M. Jacques Chérèque, qui a un regard expert et distancié, ainsi qu'avec évidemment Mme Dominique Voynet, qui viendra clore ce cycle d'auditions destiné à éclairer notre rapporteur, Jean-Claude Daniel, qui a la lourde tâche de rédiger le premier rapport de cette délégation.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, monsieur le préfet, il serait intéressant que vous nous éclairiez sur le paysage territorial de votre région. Où en est l'émergence des pays en Champagne-Ardenne ? Quel est le regard que vous portez sur les périmètres et leur pertinence ? Comment la loi Chevènement du 12 juillet 1992 fait-elle émerger les agglomérations dans votre région ?

Ensuite, nous pourrons peut-être en arriver au centre de nos préoccupations : le problème du financement de ces politiques à mettre en _uvre.

M. Michel Thénault : Je ne suis que depuis six semaines dans la région et je n'ai donc pas la prétention de l'appréhender dans sa totalité. Je l'ai approchée au travers de la fin de la négociation du contrat de plan, dans son modèle territorial.

Ma perception est que le volet territorial revêt une importance évidente dans le cadre du contrat de plan pour cette région. Pour quelles raisons ? Il est banal de répéter le diagnostic réalisé : c'est une région assez diversifiée dans tous les domaines. C'est particulièrement vrai par le fait que deux départements ont un poids considérable dans la région -dont l'un, en particulier, la Marne, représente 40 % de son poids démographique, entre autres- tandis que deux autres n'ont qu'un poids relativement faible.

A mon avis, la région doit être appréhendée assez finement au regard des chiffres : la valeur ajoutée par habitant apparaît relativement forte, mais assez concentrée en raison d'activités de prestige qui génèrent des flux inégalement répartis sur la région.

Une fois établi ce point de départ entre ces divers éléments, il reste deux principes. Le premier est que, statistiquement, la région est en léger déclin démographique et que les perspectives de l'INSEE ne laissent entrevoir aucun redressement immédiat. L'INSEE prévoit même une baisse de la population de l'ordre de 2,3 %. Bien que tout ne se mesure pas en termes démographiques, il est important de garder cette notion à l'esprit, car cette situation signifie certainement que, même si le recensement a montré que les évolutions entre les zones urbaines et les zones rurales n'étaient pas celles attendues, des évolutions à plusieurs vitesses se développeront néanmoins.

Second aspect : cette région commence seulement à définir sa vocation. Elle est confinée entre l'Est, puissant, confronté à des problèmes partiellement surmontés, et l'Ile-de-France en pleine explosion. Enchâssée entre ces deux régions, elle a vocation à développer ce prochain contrat d'avenir autour d'activités traditionnelles.

Je ne songe pas qu'à l'industrie : bien sûr, 28 % des emplois salariés relèvent de l'industrie, mais certaines perspectives économiques sont aussi liées à l'agriculture, qui aura abandonné sa forme actuelle dans quelques années, sous un double point de vue : d'une part, les besoins que nous avons de certains produits vont changer, comme les dérivés de la betterave, mais nous assisterons aussi à la valorisation non alimentaire d'un certain nombre de productions de cultures, comme les céréales.

Dernier aspect enfin : vue d'avion, la région est allongée ; c'est une région carrefour. Cela apparaît de plus en plus, notamment avec le tunnel sous la Manche. Le plan traduit donc cette vocation.

Cette vocation est implicite et c'est pourquoi nous avons eu des débats sur les infrastructures, en particulier routières ou autoroutières. Le contrat de plan a été fondé et axé autour du développement des infrastructures : alors que les crédits d'Etat sur ce type de programme sont habituellement de l'ordre de 25 % en moyenne, ils s'élèvent à 36 ou 38 % dans cette région. L'Etat mettra 865 MF sur les 2,4 milliards consacrés à cet aspect du contrat de plan.

Pour moi, c'est un choix à ne pas regretter, car il est essentiel. Surtout si l'on y ajoute trois autres composantes du contrat de plan : la première est le développement économique, la seconde est qu'au carrefour du développement économique et des voies de communication, une vocation logistique reste sûrement à développer. Ce n'est pas absurde dans cette région. Une troisième composante est la prise de conscience d'une très grande insuffisance quantitative en termes de recherche et de développement universitaire.

Avec ces divers éléments, la colonne vertébrale est à peu près dessinée. Au plan logistique, la présence de carrefours de voies de communication est essentielle dont, par exemple, l'arrivée du TGV -qui irriguera surtout le nord de la région- ou les revendications fortes concernant la liaison Paris-Bâle qui en est l'axe sud, mais aura un impact moins fort. Il se dessine donc une nouvelle vocation que le département de la Marne a bien appuyée.

Personnellement, j'ai le sentiment que, dans dix ans, les plates-formes qui ne disposeront pas d'une seule habitation à moins de 10 kilomètres, ce qui est le cas dans cette région très étendue, auront un bel avenir devant elles. Le commerce électronique y deviendra permanent, avec de moindres stocks de marchandises, mais il faudra tout de même des camions, des chemins de fer et des hommes pour le faire fonctionner. Par conséquent, par concentration de ce type de logistique, la région pourra tirer son épingle de ce jeu.

Elle le pourra d'autant plus si elle fait le choix de développer la recherche appliquée et fondamentale autour de l'emballage, du conditionnement, y compris dans le cadre de la valorisation non alimentaire de certaines productions, à long terme. Voilà pour les grandes orientations.

Quand on regarde la région, on est frappé par son étendue et sa faiblesse démographique : sa densité est de 52 habitants au kilomètre carré, c'est-à-dire moins de la moitié de la densité moyenne française. Dans ce contexte, il existe de vrais problèmes de territorialisation et d'aménagement du territoire, surtout si l'on observe le nombre d'agglomérations habitées, comme Reims qui compte plus de 250 000 habitants, Châlons, dans des niveaux d'agglomération très moyens avec 60.000 habitants, Troyes où se dessine sûrement un tropisme parisien, ainsi que Charleville-Mézières, Chaumont, Saint Dizier, Vitry-le-François. Un département comme la Marne compte 560.000 habitants pour 619 communes.

M. le Président : Sans la migration de Troyes, la moitié du département de l'Aube aurait disparu.

M. Michel Thénault : Le développement risquerait d'être dual si l'on n'y prenait garde : en effet, la population y est plutôt moins bien formée que la moyenne nationale car la région a connu une tradition industrielle, activité qui aujourd'hui n'exige plus une main d'_uvre aussi abondante. Je ne dis pas que cela conduit nécessairement à la non formation, mais certains bassins -y compris dans l'Ile-de-France- connaissent, avec le retrait des industries, un problème de qualification considérable.

Ajoutons-y un développement géographique dual entre l'est et l'ouest de la région qui se développent mieux que le nord et le sud, pour les mêmes raisons qu'indiquées auparavant. C'est une région dont on pourrait dire que le centre et l'ouest se développent assez convenablement avec le triangle Châlons, Epernay et Reims, mais que le sud Haut-Marnais, le nord Ardenais ou l'est connaissent un développement plus problématique.

M. le Président : Dès lors, les périphéries semblent beaucoup plus fragiles ?

M. Michel Thénault : Oui, parce qu'elles sont déficitaires en termes de communication, qu'elles n'ont connu que le bassin industriel traditionnel et parce que les distances sont considérables ; en termes de masse critique aussi. Il faut donc revoir certaines priorités.

Je pense à l'Université. On a tenté de dire que, dans une région aussi étendue, il faut des antennes universitaires partout. Or, pour y trouver des formations au niveau le plus élevé, il faut une masse critique bien supérieure à 20 000 étudiants avec des équipements très modernes ou complètement rénovés. Il faut donc aussi réparer pour attirer.

A partir de là, qu'est-ce que le volet territorial ? La distinction que vous faisiez entre agglomération et pays est justifiée. Seulement quatre ou cinq pôles ont émergé en agglomération ; un certain nombre de bassins, comprenant des villes, relèvent plus de la problématique de pays, soit pour des raisons réglementaires soit pour des raisons de fait.

Certains endroits -sauf à les étendre à des notions de pays complètement artificiels qui relèvent plus de l'addition que de l'affinité, du rapport direct sur la population, et sauf à étendre le périmètre de façon inconsidérée pour faire des additions plus que des projets- ne répondent pas à la notion d'agglomération. Plusieurs projets se heurtent à cette difficulté.

S'agissant de ces agglomérations, dans la région, la problématique de l'intercommunalité est variable d'un département à l'autre. Par exemple, elle a été très puissante dans le département de la Marne. Tout le département, à quelques exceptions près, est couvert par des structures intercommunales, de niveaux d'intégration très différents.

M. le Président : Est-ce dû à l'Etat, au conseil général ou est-ce un mouvement naturel lié à une prise de conscience ?

M. Michel Thénault : Ici, manifestement, le conseil général a favorisé ce mouvement dans la Marne ; c'est clair et déjà ancien. Le conseil général, dans les 619 communes, ne pouvait pas avoir une politique communale émiettée : il a dû s'appuyer sur des syndicats et des communautés de communes, plus ou moins intégrées, puis, des districts et, ensuite, a bénéficié des dispositions de la loi Chevènement relatives aux agglomérations. Cette loi s'est déjà traduite par l'émergence de l'agglomération de Châlons qui a de bonnes compétences, de celle de Troyes et de trois autres projets d'agglomérations. Pour le reste, je crois que nous entrons dans une période où la transformation des districts attendra probablement les échéances prochaines.

Ces agglomérations correspondent toutes à des sites de politique de la ville. Il s'agit du sujet qu'il faudra aborder le plus vite. En premier lieu, parce que la politique de la ville a connu, l'an dernier, une refonte de son approche, mais aussi parce que les contrats de ville de seconde génération ont bénéficié corrélativement d'une augmentation de crédits conséquente, puisqu'elle a atteint 37 %. Il existe une réelle attente de la part des villes.

Je crois aussi et surtout que c'est une politique qui ne peut pas subir de discontinuité. Le contrat de ville doit être conduit, quel que soit le nombre d'individus et le sort qui lui est réservé, au sein des contrats d'agglomération ou de pays. Dans une approche pragmatique, c'est la première priorité que je développerai. Cela se traduit dans le cadre du contrat de plan et le sera aussi hors contrat de plan. Aucun inconvénient n'apparaît dans cette démarche puisque des contrats de ville constitueront des contrats particuliers des futurs contrats d'agglomération.

J'en arrive à la deuxième approche sur laquelle je veux insister : je ne pense pas qu'une approche territoriale puisse ne pas être accompagnée d'un partenaire relativement structuré. De toute façon, si l'on passe à la contractualisation, il faut être deux pour signer. Du côté de l'Etat et de la région, les signataires sont définis tandis que le territoire peut revêtir de multiples formes.

Si la définition du pays est bien l'espace de solidarité, il reste que la mise en _uvre du pays sera quand même un établissement public, d'une certaine façon.

M. le Président : Sauf dans les pays intégralement constitués d'intercommunalités à fiscalité propre. En effet, à la demande de très nombreux parlementaires, la loi permet de ne pas créer d'établissement public supplémentaire dès lors qu'il est signé conjointement un contrat de pays entre trois, quatre intercommunalités et l'Etat. Les porteurs des projets seront les établissements publics.

M. Michel Thénault : Il faudra veiller en tout cas lorsqu'un établissement public spécifique sera redéfini pour un contrat au problème de délégation de compétence effective.

M. le Président : Oui, tout à fait. Ou alors la structure peut subdéléguer certaines actions en cas de création de groupement d'intérêt public ou de syndicat.

M. Michel Thénault : Oui, je voulais simplement dire qu'en cas d'intercommunalité, il n'est pas nécessaire de recréer le syndicat mixte s'il fonctionne bien. Si l'on faisait un établissement public unique, il faudrait détruire ceux qui existent pour ne pas perdre de temps.

Cet établissement public peut prendre plusieurs formes. Je préfère les établissements publics à fiscalité intégrée, mais il ne faut pas forcément les promouvoir partout. Tout dépend du projet soutenu.

Il semble certain que dans une agglomération, si l'on ne s'oriente pas vers une fiscalité intégrée, on aura un volet territorial de trop, parce que les compétences aujourd'hui obligatoires dans la communauté de communes ou dans la communauté d'agglomérations sont des compétences que l'on retrouve forcément dans le volet territorial.

En revanche, dans un milieu plus rural, on peut soutenir un projet qui émerge sans exiger de reprendre toutes les compétences. L'approche doit être suffisamment pragmatique pour considérer qu'il n'existe pas de modèle unique de l'établissement public support, mais cet établissement public est nécessaire, sous la nuance que vous avez indiquée.

Donc, s'il faut être exigeant en termes de périmètre et en termes de projet, il convient de se montrer tout aussi exigeant en termes de support de ce contrat. Sinon, le territoire vivra un an ou deux grâce à l'existence d'affinités, mais sans continuité aucune, ni budgétaire, ni de projet, ni de solidarité.

Ainsi, l'approche doit être un peu différente entre les agglomérations et les autres territoires, au plan méthodologique également. Au sujet des agglomérations, je suis persuadé que nous sommes dans une phase plutôt transitoire. En effet, même avec 51 communautés d'agglomérations aujourd'hui, il reste que certains districts ne se sont pas transformés et que certaines communes hésitent. Sauf à considérer que le périmètre est en croissant de lune, par exemple, évitant soigneusement la ville-centre, comme cela existe...

M. le Président :... mais qui n'est pas souhaitable.

M. Michel Thénault : ... ce qui est absolument inadmissible. Les contrats d'agglomérations sont destinés à faire en sorte que les services de centralité soient développés et que les charges de centralité soient partagées, lissées ; sinon, le contrat d'agglomération n'est pas nécessaire : chacun peut se débrouiller seul. Dans un premier temps, sauf si ces périmètres sont jugés aberrants, les agglomérations doivent partir des périmètres existants, à mon avis, sauf si une volonté forte se dégage au niveau de l'aire urbaine, ce qui ne m'est pas encore apparu ici.

M. le Président : Avec une limite pour l'agglomération au titre de la loi Chevènement, à savoir le gel des périmètres pendant une période de 12 ans à partir de 2003. C'est un handicap.

M. Michel Thénault : Ce handicap est réel, mais ce gel est techniquement incontournable, notamment dans le lissage du taux. En effet, s'agissant de la communauté d'agglomérations en particulier, du fait du processus d'intégration de la taxe professionnelle qui peut s'étaler sur 12 ans -maximum autorisé-, changer le périmètre conduirait à des flux croisés très compliqués à mon point de vue. En tout cas, sauf aberration, mon avis a priori sera de conserver les périmètres existants.

Cela dit, si de nouvelles agglomérations émergeaient et que les périmètres n'étaient pas pertinents, je ne signerai pas, conformément à la loi.

Concernant les pays, notre approche doit être beaucoup plus souple. De mon point de vue, sauf exception, il convient d'y conserver les périmètres qui ne sont pas portés par des établissements publics à fiscalité intégrée. Je suis d'avis de laisser les périmètres se définir et de voir ensuite s'ils sont pertinents. Voilà qui nécessitera sûrement une approche beaucoup plus décentralisée, plus locale.

En termes d'organisation du côté de l'Etat, de mon point de vue, l'affaire doit être menée à l'échelon départemental. Le choix de signer ou non l'arrêté est l'affaire du préfet de département.

M. le Président : C'est le préfet de région qui signe le contrat.

M. Michel Thénault : C'est le préfet de département qui sera obligé de signer la constitution de l'établissement public.

M. le Président : A ceci près que l'on peut imaginer -et il y a parfois nécessité- que le périmètre d'un pays ne recouvre pas exactement les limites départementales.

M. Michel Thénault : Ce sera le cas puisque l'on aura trois départements. Pour moi, le support juridique sera très important. Il faut que, de toute façon, l'échelon départemental soit extraordinairement impliqué pour ne pas dire initiateur, au moins partiel, même si pour les pays, il faudra nécessairement articuler département, conseil régional, CRADT et préfet de région.

Sur le contenu, en termes de contractualisation, c'est différent : il faudra que les quatre départements s'accordent sur une approche assez homogène.

En termes de moyens, trois formes d'interventions me paraissent possibles, au-delà des crédits de droit commun : premièrement le contrat de plan qui prévoit une enveloppe de crédits d'Etat adaptés de l'ordre de 130 millions de francs, dont 30 millions pour la reprise de friches industrielles, à laquelle la région ajoute le même montant ; deuxièmement, les crédits de politique de la ville ; troisièmement, notamment dans une vision plus axée sur les pays, les fonds européens dont je pense qu'ils doivent participer plus largement à cette politique territoriale. En particulier, sur les aspects touristiques qui ont un sens dans cette région, il y a matière à mobiliser des crédits européens importants.

Il faut atteindre la combinaison de ces trois éléments. De surcroît, il me semble assez pertinent de les lier, car une approche territoriale au travers des fonds européens nécessitera une contrepartie nationale. Il me semble donc logique d'avoir cette combinaison.

M. le Président : Quelle proportion de la région est-elle éligible à l'objectif 2 ?

M. Michel Thénault : Dans la phase finale, 600 000 habitants seront concernés après une réduction de 15 %. Dans la phase transitoire, plus de 800 000 le seront. L'enveloppe, y compris la réserve de performance ou d'efficacité de 4 % -c'est-à-dire le montant du financement qui n'est pas accordé immédiatement mais qui est subordonné à la bonne utilisation de l'aide- est de 1,3 milliard de francs. Cela me conduit aussi à dire qu'en termes de calendrier, il faut commencer tout de suite, parce qu'il y a dégressivité de taux dans les interventions.

M. le Président : Vous nous avez fait un panorama assez complet de la région et de ses priorités.

M. Michel Thénault : Peut-être aurai-je changé d'avis dans un an.

M. le Président : Vous nous avez décrit la façon dont émergeaient les agglomérations et les pays, et leur financement. Il serait intéressant de revenir sur un certain nombre d'aspects de financement du contrat de plan.

Par exemple, vous avez cité la mobilisation des crédits de la ville. On peut imaginer que d'autres crédits que les crédits de la ville puissent être également territorialisés ; je pense à des crédits du ministère du tourisme, du ministre de l'agriculture pour certaines politiques, à des crédits sur l'économie sociale. De telles enveloppes ont-elles été mises en _uvre dans le contrat de plan ?

M. Michel Thénault : Pas d'une manière territorialisée, sauf peut être dans les DOCUP. En revanche, en ce qui concerne la politique de la ville, de mauvaises habitudes ont peut-être été prises : lors de la création des contrats de ville, très souvent, les moyens de la politique de la ville ont été injectés parce qu'il s'agissait d'éléments qui sortaient du commun. Peu à peu, les crédits d'intervention de droit commun se sont effilochés : en réalité, les crédits de droit commun ont financé d'autres actions.

Pour simplifier, à la limite, les crédits "politique de la ville" se sont substitués en partie aux crédits de droit commun sur la politique de la ville. Que ce soit hors contrat de plan ou dans le contrat de plan, cela dépendra des actions, il est certain que les crédits de droit commun -hors crédits spécifiques- doivent être dirigés vers ce secteur.

Mais il faudra être vigilants : nous aurons quatre ou cinq agglomérations et une quinzaine de pays qui ne couvriront donc pas la totalité de la région. Pour autant, des crédits devront être consacrés au développement de secteurs performants, voire très performants. En effet, si l'on ne pratiquait qu'une politique territoriale pour avoir une économie duale et laisser se débrouiller les secteurs en bonne santé, cela conduirait à laisser décliner toute la région. Les crédits de droit commun devront être consacrés aux postes habituels mais en veillant, à travers l'évaluation, à ce que la territorialisation ne "chasse" pas le crédit de droit commun.

M. le Président : Nous en sommes encore à une phase très embryonnaire de l'émergence des pays, dans votre région, comme dans de nombreuses autres. Quelle est la part que vous réserverez à l'ingénierie de projet ? En effet, c'est un élément essentiel si l'on veut que ces pays ne soient pas que des velléités d'organisation.

M. Michel Thénault : Je n'ai pas encore une vision précise de la part que nous lui réserverons. Les crédits d'ingénierie sont d'ores et déjà mis en place parmi les crédits d'étude. Dans nombre de situations, il faudra des chefs de projet, des maîtrises d'_uvre de contrat de pays. Sans eux, deux situations peuvent se présenter : ou la ville leader a les moyens de faire le projet et elle est contestée par les autres ; ou, à l'inverse, il n'existe pas de ville leader et le pays ne peut pas émerger.

En revanche, les points de vue doivent être bien clairs entre la structure territoriale et l'Etat : le rôle du directeur de projet, de maîtrise d'_uvre urbaine n'est uniquement de fédérer les projets du territoire, mais aussi les faire émerger et d'apprécier si cela correspond au diagnostic.

Des cabinets d'ingénierie ont déjà été mis en place sur le sujet. J'attacherai une grande importance au diagnostic en termes de contenu et de temps, pour deux raisons : il montre bien les insuffisances, contribue à dessiner les actions et c'est un formidable moyen d'apprendre à travailler ensemble. On en disposait déjà sur la politique de la ville. Il serait absurde de démarrer avant d'avoir réalisé un diagnostic très précis des territoires. Deux cabinets d'études ont déjà été mis à disposition à cette fin.

M. le Président : Vous avez parlé de quinze pays. Quel est leur poids sur le plan démographique ? Quel est le nombre de communes concernées ? Sont-ils tous animés par une ville, même petite, ou par un centre animateur ? Éventuellement, certains pays s'organisent-ils autour d'une agglomération ou en incluent-ils une ?

M. Michel Thénault : Il existe des endroits à logique d'agglomération sans disposer de la taille pour le faire.

Ces territoires fonctionneront d'une manière sûrement proche de l'agglomération. Je pense à Chaumont : elle constituera un pays parce qu'on ne peut pas faire autrement mais avec une logique d'agglomération, car le pays aura sans doute une taille de peut-être 22 à 23 000 habitants. Saint-Dizier est dans le même cas.

M. le Rapporteur : A l'échelle du pays, nous dépasserons probablement les 50 000 habitants. Nous aurions pu constituer une agglomération, mais le territoire est trop diffus pour cela et la consistance est loin de celle d'une agglomération.

M. Michel Thénault : Les pays devront se situer entre 15 et 30 000 habitants.

M. le Président : Compte tenu de la densité moyenne d'une région comme la vôtre, les territoires seront relativement peu peuplés.

M. Michel Thénault : Le périmètre ne doit pas forcément être apprécié au regard de la population. Des périmètres peuvent être larges pour un projet très fort, où les investissements sont importants et qui concerne une population non négligeable. En revanche, à certains endroits, il faudra accepter des projets locaux de moindre envergure. Je n'ai pas d'a priori sur les périmètres en matière de pays, alors que j'en ai sur les agglomérations.

M. le Rapporteur : Je reviendrai sur certains points afin d'obtenir quelques éléments complémentaires, en particulier sur la politique de pays. Dans la contractualisation, comment envisagez-vous la part de l'Etat d'ici à 2003 ? Quelles lignes immobilise-t-on et pour quelles actions ? Avant 2003, peu de pays seront réellement opérationnels, alors qu'un certain nombre des quinze indiqués tout à l'heure en seront à la partie préparatoire.

M. Michel Thénault : Entre 2000 et 2003, une chose à ne pas négliger dans la politique de la ville, c'est l'émergence des agglomérations. Il faut la poursuivre dans une optique de fonctionnement autant que d'investissement.

La seconde priorité concerne tous les territoires qui seront inclus dans les actions de pointe auxquels il faut s'intéresser dès maintenant car, d'une part, cela peut accompagner, voire faciliter une émergence de vrais pays et, d'autre part, il ne faut pas se trouver surpris en 2003, au moment de l'examen de notre performance par la Commission européenne qui décidera de la mise en place de la réserve de performance, fixée à 4 % de la dotation des fonds structurels.

D'autre part, il faut progresser dès maintenant car la consommation des crédits européens souffre toujours d'un décalage : dans les six derniers mois, on consomme peu. Ce sont mes deux priorités.

En revanche, si les autres crédits n'ont pas pu être utilisés pour l'ensemble des pays en 2003, nous effectuerons un bilan du contrat de plan, qui nous permettra peut-être de redéployer une nouvelle vague d'actions sur des pays qui n'étaient pas prêts auparavant.

M. le Rapporteur : Le sens de ma question allait un peu au-delà : elle se référait à des pays pré-identifiés. Prenons l'exemple de n'importe lequel des quinze pays : de quelle manière des crédits territorialisés, individualisés, pourraient-ils donner nettement conscience sur le terrain que le financement ne provient que de la création du pays ?

L'Etat, la région sont amenés à contractualiser avec un maître d'ouvrage qui peut être une commune, un EPCI. Quand il se situe dans un territoire présupposé à devenir pays, entre 2000 et 2003, sera-t-il mentionné que certains des financements viennent en préfiguration de la création du pays ?

M. Michel Thénault : Oui, mais il ne faut pas se leurrer. Notre choix sera net : c'est la qualité du projet qui devra nous déterminer. Nous pouvons y ajouter une incitation forte avec des moyens supplémentaires si le projet est fonctionnel. Mais cela ne sera ni contraignant ni important.

L'incitation existe de toute façon car, de manière générale, les collectivités présentent souvent une bonification dans leurs interventions en fonction de l'intercommunalité.

M. le Rapporteur : Ma deuxième question, concrète et partielle, concerne l'ingénierie : vous nous avez indiqué qu'en ingénierie de projet, vous avez déjà eu recours à des cabinets spécialisés pour les projets. Envisagez-vous de développer l'ingénierie d'action qui accompagne généralement la réalisation de projets et qui manque quelquefois beaucoup ?

M. Michel Thénault : Là aussi, j'aurai une attention assez différente selon les projets. Je resterai très vigilant sur l'utilisation des fonds européens.

Nous disposons de 1,3 milliard de francs, ce qui est un montant important. L'ensemble de ces crédits ne sera pas consacré aux pays, mais les pays seront largement concernés. C'est donc un levier puissant, mais un levier à manier avec rigueur. Sans une rigueur de gestion en termes de contrepartie, d'éligibilité et de suivi des programmes, nous nous retrouverons avec des contentieux de recouvrement en fin de parcours. Là, nous risquons de remettre en cause la politique de territorialisation et le territoire.

Sur ce point, j'aurai une vision très fine des choses. Je reste très partagé sur la responsabilité générale de la gestion des crédits européens. Quel que soit le système mis en place, elle doit être au niveau régional. A l'inverse, il faut être conscient que la gestion quotidienne de ces crédits, programme par programme, est quasiment impossible au niveau régional. Nous manquons d'outils informatiques ; le logiciel "Présage" a été annoncé mais pas encore mis en _uvre ; j'espère qu'il le sera prochainement.

M. le Président : L'envisagez-vous sur un autre plan, départemental ou plus large ?

M. Michel Thénault : Sur un plan départemental.

M. le Président : Les départements de votre région ont-ils les moyens qualitatifs pour le faire ?

M. Michel Thénault : Je l'envisage sur un plan départemental, mais il n'est pas sûr que les préfets de département de Champagne Ardenne aient les moyens de le faire et c'est ce que nous étudierons ensemble. Ce n'est pas certain au regard de deux critères et c'est pourquoi j'ai dit que nous n'avions pas choisi. D'abord, je ne suis pas sûr que les préfets de département aient les moyens de suivre quotidiennement la gestion des crédits, même en organisant des missions de contrôle décentralisées. Ensuite, nous sommes toujours partagés entre deux tendances, soit nous montrer très rigoureux, soit encourager les projets, puisque nous voulons une démarche positive. En revanche, le préfet de région peut rester plus distant vis-à-vis de ces questions et cela lui coûte moins de dire non.

Mais, pour des raisons d'efficacité, je ne pense pas que, sur des projets de territoire, nous puissions conserver un pilotage exclusivement régional alors que, dans des départements comme les Ardennes, la Haute Marne et même l'Aube, même si c'est moins vrai pour des questions de configuration du département, l'implication des préfets est très forte. Retirer cet aspect signifie un peu tuer l'approche territoriale.

A propos des contrats de ville, la rédaction de l'étude s'est effectuée de manière à laisser les options toujours ouvertes.

M. le Rapporteur : En parlant d'ingénierie d'action, je voulais souligner le risque déjà encouru avec "Leader 1" et "Leader 2" : l'ingénierie de projet a fonctionné et a additionné tous les désirs, mais l'on a pu difficilement en extraire les projets réalisables, ceux qui pourraient être réellement choisis. Je le constate pour notre département où la plupart des crédits n'ont pas été mobilisés : nous avions des projets mais nous n'avons pas pu les réaliser. Il faut donc pouvoir encourager l'action.

Par ailleurs, les contractualisations se multiplient. Par certains côtés, elles s'emboîtent, car l'une est dans l'autre et ainsi de suite ; par certains autres côtés, elles se recouvrent et par certains côtés encore, elles laissent absents un certain nombre de parties ou d'aspects du territoire. Cela pose un vrai problème. Le contrat de ville entre-t-il au contrat de plan pour tout ou partie ? La préparation se fait-elle en commun ou pas ?

C'est vrai aussi pour les contrats d'agglomérations ou de pays. De quelle manière s'insèrent-ils dans le contrat de plan ? En particulier, les deux puissances réellement contractantes, l'Etat et la région, ne perdent-elles pas l'une ou l'autre une partie de leurs responsabilités ?

Quand l'Etat est partie prenante à la signature, cela lui donne des droits et des devoirs ; il doit faire respecter ses droits. Avez-vous rencontré la nécessité de signaler à la région qu'une proposition ne rentrait pas dans le champ que vous acceptiez de contractualiser par signature ?

M. Michel Thénault : Sur le fond des actions, en matière territoriale, nous nous situons dans une approche où la région et l'Etat semblent assez d'accord sur les partenaires et la méthode ; mais nous n'avons pas encore abordé le contenu.

Dans le contrat de plan, se dessinent déjà deux approches différentes sur la politique de la ville : la contractualisation est pratiquement axée sur le financement de l'investissement, alors que les crédits de fonctionnement relèvent de l'Etat.

Par ailleurs, on aura de vrais sujets de débat en matière de périmètre. L'Etat ne pourra pas transiger sur certains points. Que les périmètres soient déterminés en fonction d'affinités, c'est une réalité incontournable. En revanche, des périmètres inacceptables sont ceux qui consisteraient à laisser à l'écart du projet les villes ou les bourgs centres. Ce n'est pas possible pour une première raison, que le projet n'aura pas de force d'entraînement, et pour une deuxième, qu'à terme, les bourgs centres n'auront pas les moyens de supporter les charges.

Nous aurons peut être des difficultés sur l'approche des projets et des actions, par exemple, sur la superposition de certaines procédures, tel un contrat de pays et un parc naturel régional. Dans cette région, nous aurons des pays à périmètre qui chevaucheront des intercommunalités ou absorberont partiellement des intercommunalités. Une commune peut être syndiquée sept fois ! Le pays n'a pas de compétence mais il faudra bien signer avec quelqu'un. Ou bien on signe avec tous les acteurs qui forment le pays ou bien on signe avec quelqu'un qui détient la compétence pour signer.

M. le Rapporteur : Oui, ou bien la signature se fait à la réalisation du projet.

M. Michel Thénault : Je souhaite que les pays s'organiseront autour d'intercommunalités existantes. Dans ce cas, ce sera relativement facile. Mais si l'on signe, par exemple, un contrat de développement du tourisme, nous ferons ainsi émerger des projets dont nous financerons une partie mais dont d'autres financeront le reste. Il nous faut donc des structures compétentes, ne serait-ce que pour souscrire des emprunts.

C'est pourquoi je disais tout à l'heure qu'au-delà de la notion de pays, je resterai attentif à la notion de support. On ne peut pas laisser les collectivités s'engager en leur disant que le projet est bon, que nous passons à l'acte, mais sans savoir qui réalisera l'emprunt. Je serai assez vigilant sur cette question, car il ne faut pas décevoir, il ne faut pas monter un pays qui soit un miroir aux alouettes parce qu'au moment du passage à l'acte, on ne saura pas à qui verser les subventions, on détruira toute l'approche territoriale.

M. le Rapporteur : Certains pays garderont relativement longtemps, quelquefois très longtemps, une structure non formelle d'établissement public.

M. Michel Thénault : Il faut un réceptacle. Aucun payeur n'acceptera de financer sur la seule base d'un projet.

M. le Rapporteur : Il existe une difficulté dans la mesure où dans l'émergence des pays, il apparaît une phase de préparation, de concept qui nécessite beaucoup de souplesse et qui durera au moins trois ans. En 2003, nous reverrons la situation. Pendant cette période, il serait dommage de nous contenter seulement d'une discussion sur ce que pourraient être les projets, sans rien mettre en _uvre, comme cela s'est fait avec "Leader I" et "Leader II".

M. Michel Thénault : On ne peut pas monter un superbe projet dont l'ingénierie juridique et financière reste à installer ensuite : c'est alors que les problèmes de tous ordres commenceront, qui peuvent engendrer un retard de deux ans. Je sais que ce que je dis ne correspond pas totalement à l'esprit de la loi, mais je veux insister sur cette contrainte très importante.

M. le Rapporteur :  La loi n'a pas voulu limiter la réflexion des espaces de projet sur la mise en place de leur intercommunalité. Mais cette phase ne doit pas durer trop longtemps.

M. le Président :  Il subsiste la crainte, chez une majorité de députés de tous les bords politiques, de créer une strate supplémentaire dans l'administration. Cela s'est vraiment ressenti lors de nos débats préparatoires à la loi : la solution avancée par le gouvernement était un syndicat mixte. Nous avons proposé une autre possibilité : le GIP qui est une forme souple mais légèrement plus complexe.

Ce qui est vraiment intéressant dans le GIP pour de nombreux parlementaires, c'est la capacité à recruter des personnels contractuels, des personnels ayant vocation à élaborer le projet ; le syndicat mixte, lui, nous contraignait à recruter des fonctionnaires territoriaux dont la formation et l'implication dans la notion de projet ne constituent pas des évidences.

Enfin, j'ai proposé une deuxième idée par analogie avec le réseau de ville Rhône-Alpes. Depuis 1995, ce réseau est en plein redémarrage. Les huit villes ont décidé de mettre en place huit politiques, alors qu'un pays correspond à trois ou quatre politiques. Ces huit politiques ont fait l'objet d'une contractualisation avec l'Etat au CIADT de décembre 1997, avec Bruxelles ainsi qu'avec la région, mais aucune structure n'a été créée pour mener ces politiques ; elles ont toutes été subdéléguées à une des villes du réseau.

Ces villes les gèrent avec leurs moyens administratifs constants. Les seuls emplois créés sont des emplois d'ingéniérie, des emplois de développement de projet. Un exemple : Grenoble verra la mise en place d'une agence de développement du numérique, tandis que Lyon connaîtra une agence de développement des bio-industries. Mais tous les moyens sont plutôt liés à l'ingéniérie de projet. Ce réseau de villes signe donc des contrats avec l'Etat, des contrats collectifs, qu'il subdélègue ensuite à un maître d'ouvrage.

C'est ainsi que fut conçue la gestion du pays dans le cadre de pays constitués entièrement en intercommunalités : éviter l'ajout d'une fonction publique supplémentaire. Le GIP permettait de mettre à disposition des personnels des collectivités territoriales qui composent le pays, mais sans créer une fonction publique du pays supplémentaire. Si le pays redevient demain entièrement en intercommunalité, le GIP peut disparaître.

M. Michel Thénault : Cette situation n'est pas incompatible avec mes propos. C'est plutôt un problème de taille : on peut se partager les rôles quand chacun dispose de la surface financière nécessaire et qu'il y trouve son intérêt. C'est le cas dans les petites villes. A la limite, si, par un hasard miraculeux, elles avaient décidé séparément de le faire, on serait exactement dans la même structure. Sur des intercommunalités fortes qui se regrouperaient en pays et qui s'attelleraient chacune à une partie des problèmes, c'est réalisable. La taille ne nous permet pas d'agir de la même façon ici : les moyens financiers ne pourraient pas être partagés.

M. le Rapporteur :  La question suivante concerne les documents préparatoires du contrat de plan. Cela ne vous concerne pas trop, monsieur le préfet, puisque c'était votre prédécesseur qui les avait reçus. Que pensez-vous de la façon dont ces documents préparatoires vous sont parvenus et leur évolution ?

J'aborderai ensuite les multicontrats. Un certain nombre de lieux, villes ou autres, avaient participé à des contrats partiels, comme le contrat éducatif local. Sur notre commune, onze contrats partiels avaient été dénombrés. Finalement, nous les replaçons dans le contrat de plan. Quelle est la part de chacun, la part de l'Etat, la part des collectivités régionales ou départementales et la part des collectivités locales ?

En ce qui concerne le contrat éducatif local, par exemple, la part de la collectivité territoriale est massive par rapport aux autres.

Voilà qui pose la question de la part de la région et de la part de l'État. Puisque maintenant, la région et l'Etat entrent au contrat de ville par le bais des contrats de plan, et réciproquement, que deviennent les financements espérés dans la préparation budgétaire ?

Par ailleurs, comment entendez-vous assurer la cohérence entre le contrat de plan Etat-région, le schéma régional d'aménagement du territoire et le schéma de service collectif, dans un avenir proche ?

Dernière question : existe-t-il, parmi les projets territorialisés tels que vous avez pu en prendre la mesure, agglomération ou pays, un projet qui aurait à vos yeux une valeur exemplaire, sur lequel nous pourrions établir un "point zéro" et des comparaisons à terme d'un, deux ou trois ans ? Nous aurions besoin de quelques projets à suivre.

M. Michel Thénault : Sur le contrat de plan, je peux dire qu'il y a peu d'évolution entre la version initiale et celle qui se trouve actuellement dans le contrat de plan, sauf pour quelques infrastructures dont "l'Y" ardennais et l'université de technologie de Troyes (UTT), où ces évolutions ont plutôt été positives. Toutefois, la forte bonification de l'enveloppe (+ 468 MF sur 2 409 MF) a permis de prendre en compte des demandes restées en suspens. Cela a été déterminant.

S'agissant des contrats partiels, leurs financement, leur visibilité budgétaire, tous n'apparaissent pas dans la contractualisation Etat-région. Par exemple, vous avez cité les contrats éducatifs locaux sur lesquels l'engagement de l'Etat n'est pas considérable. Ce n'est pas en effet son rôle : il est d'abord de demander aux collectivités locales de réfléchir à d'autres organisations de temps de travail, à d'autres activités, l'Etat apportant sa contribution sur des actions particulièrement innovantes mais plutôt dans une enveloppe avec un rapport de 1 à 25 par rapport à la totalité des crédits. Il ne faut donc pas en attendre beaucoup.

Le contrat de plan n'est pas encore signé. Nous ne pouvons pas individualiser les lignes et encore moins évaluer les délais d'application avant que les conventions d'application ne soient signées. Il s'agit de signer le contrat de plan avant de commencer les négociations des conventions d'application.

S'agissant de la cohérence entre le schéma régional d'aménagement du territoire et le schéma collectif, je ferai deux remarques : la première est que le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire et le schéma collectif ont sûrement été une bonne entrée en matière pour éclairer le contrat de plan.

En revanche, il faudra sûrement réaliser un bilan de temps en temps, dans le cadre du volet territorial. Y retrouve-t-on les orientations prévues, n'est-on pas en contradiction avec les schémas collectifs ou le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire ? Il faudrait en juger sur le moyen terme.

Puis-je aujourd'hui indiquer un pays ou une agglomération dont la préfiguration du contrat pourrait être exemplaire ? La réponse est non. Il existe des communautés d'agglomérations ; elles ont des compétences classiques bien définies, elles ont développé des projets en dehors de cette logique. Le tout est à construire. Sur les contrats de pays, on est encore très en amont. Je n'ai donc pas d'exemple à vous produire aujourd'hui. C'est le travail de l'année.

M. le Président : Monsieur le préfet, nous vous remercions pour ce long entretien qui vous a mobilisé une partie importante de la matinée.

Audition de M. Jean-Claude Étienne, président

de la région Champagne-Ardenne,

de Mme Bérengère Poletti, vice-présidente

de M. Paul Lempereur, directeur général

Réunion du 9 mars 2000

Présidence de M. Philippe Duron, président

M. le Président : Deux Délégations à l'aménagement et au développement durable du territoire ont été constituées : l'une, à l'Assemblée nationale, l'autre au Sénat, de quinze membres chacune.

Notre Délégation a plusieurs objectifs. Sa première mission consiste à donner un avis sur les schémas de service collectif. Elle a ensuite une mission d'évaluation de la politique d'aménagement du territoire à côté d'autres organismes, comme le Conseil national d'aménagement du territoire. Elle a la capacité de se saisir de tous les sujets qui concernent l'aménagement du territoire ou d'être saisie par le Bureau de l'Assemblée, par les commissions permanentes ou par des commissions non permanentes, notamment des commissions spéciales.

Cette Délégation, mise en place à la fin de l'an dernier, a choisi comme premier thème d'étude la territorialisation des contrats de plan. Lors du CIAT de juillet 1998, le Premier ministre avait indiqué que 20 % des enveloppes de contrats de plan seraient consacrés au financement des contrats de pays et de régions. A la suite de ces déclarations, d'autres discours de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mais également du délégué à l'aménagement du territoire affirmaient que cela pouvait atteindre 25, voire 30 %.

Nous mesurons tous la difficulté de réserver certains fonds à la contractualisation, et d'autres à des territoires infra-régionaux, pour des raisons qui tiennent d'abord à la faiblesse du nombre de pays arrêtés actuellement, et des contrats prêts à être signés et, enfin, à la difficulté de distraire une partie des enveloppes de contrats de plan pour des territoires particuliers.

Des questions multiples se posent donc sur la nature des fonds à mobiliser, sur la nature des politiques à financer, sur l'appréciation des acteurs de cette contractualisation que sont les préfets de région et les présidents de région. Nous avons donc lancé une série d'auditions avec notre rapporteur, Jean-Claude Daniel. Elles nous ont permis d'entendre des représentants de l'association des régions de France, de l'assemblée des départements de France, la collaboratrice du Premier ministre, Mme Bettina Laville et les collaborateurs de la DATAR.

Nous avons décidé de venir en Champagne-Ardenne, la région de notre rapporteur, afin de voir sur place comment le préfet, le président et les services de la région s'étaient saisis de ce problème et quelles solutions ils proposaient. Nous avons rencontré le président du Conseil économique et social régional et les présidents de groupe pour recueillir leurs appréciations. Il ne s'agissait pas d'une démarche contradictoire, car notre problème n'est pas d'apprécier le fond des contrats de plan, mais de nous intéresser aux méthodologies engagées et, pour reprendre une formule chère à Jean-Claude Daniel, d'identifier des "points zéro" en matière d'aménagement du territoire, de manière à les suivre dans le temps et à réaliser une évaluation dans trois ou quatre ans, ce qui correspond au milieu des contrats de plan, à l'horizon 2003.

Pour lancer la discussion, je vous soumettrai quelques questions. Comment percevez-vous l'apparition de ces territoires infra-régionaux : comme un relais de la politique régionale, comme des concurrents à la politique régionale ou comme des complémentarités ? Comment voyez-vous l'articulation entre le contrat de plan et ces contrats territoriaux ? Quelle est votre appréciation sur les territoires qui émergent dans la région Champagne-Ardenne ? Ensuite, nous pourrons revenir avec Jean-Claude Daniel sur des questions plus fines, liées aux financements propres dans le contrat de plan de ces futurs contrats de pays et d'agglomérations.

M. Paul Lempereur : La région s'est plutôt montrée précurseur dans le domaine des politiques territoriales. Effectivement, nous avons mis en place une politique de pays et de contractualisation, que ce soit avec les pays dans le domaine rural ou avec les agglomérations urbaines dans les principales villes de cette région. Nous avons donc commencé à dégager des crédits d'étude, à aider à la mise en place d'animateurs pour faire émerger ces territoires. Ainsi, nous disposons aujourd'hui d'une politique contractuelle avec une vingtaine de territoires en milieu rural, avec lesquels nous avons signé des contrats pluriannuels qui permettent d'apporter des aides à la réalisation d'équipements, comme -exemple classique- l'aménagement d'un parc.

M. Jean-Claude Étienne : Habituellement, il s'agit d'une durée minimale de trois ans, mais qui peut être portée à cinq, voire six ans.

M. Paul Lempereur : Nous avons signé également des contrats d'agglomération avec les neuf principales agglomérations de cette région. D'autres sont encore en cours d'élaboration.

M. Jean-Claude Étienne : En réalité, nous disposons déjà de huit contrats de ville et de neuf contrats d'agglomérations. Avec la neuvième agglomération, Chaumont, le contrat est en gestation déjà avancée . La région a décidé un investissement de près de 49 millions de francs uniquement pour le contrat de ville et l'État de 140 millions de francs. La différence est que nos 49 millions de francs sont composés d'investissement alors que les 140 millions de francs de l'État sont composés de 49 millions de francs de crédits d'investissement et le reste de subventions classiques de fonctionnement, adressées par exemple aux associations sociales dans les quartiers.

Pour les contrats de ville, le montant global est de 700 millions de francs.

M. Paul Lempereur : Pour compléter, j'ajouterai que nous disposons également d'un volet territorial qui couvre les politiques de pays et d'agglomérations, dans lequel l'État et la région ont inscrit chacun 130 millions de francs, montant auquel il faut ajouter ce que les territoires pourront apporter. C'est encore difficile à chiffrer, mais cela doit représenter au moins autant que les contributions de l'État et de la région réunies.

Le Président de la région a proposé à l'État d'aller au-delà des 130 millions de francs dans le cadre de la deuxième enveloppe. Cela n'a pas été possible. A ce point de la discussion, les difficultés que l'on peut rencontrer sont diverses avec, d'abord, une difficulté relative aux crédits : l'État affirme vouloir soutenir les pays et les agglomérations, mais ne paraît pas souhaiter contractualiser sur l'investissement mais uniquement sur le fonctionnement (animation et études).

M. Jean-Claude Étienne : Nous étions en effet d'accord pour apporter 130 millions de francs supplémentaires. Mais nous n'avons pas été suivis.

M. Paul Lempereur : Pour le milieu rural, indépendamment du fonds de solidarité, la région apporte 90 à 100 millions de francs par an pour les pays et 80 millions de francs pour les agglomérations, c'est-à-dire 170 à 180 millions de francs par an, là où l'État se montre prêt à injecter 130 millions de francs sur sept ans. La différence d'échelle est importante. Lors de nos discussions avec le SGAR, il était envisagé de contractualiser, mais il était hors de question pour la région d'apporter 160 millions de francs annuels alors que l'État piloterait l'ensemble avec une contribution de 130 millions de francs sur sept ans. Sur le fond, on ne relève pas de discordance de politique puisqu'il s'agit de réaliser l'émergence des territoires pour qu'ils se revivifient et se requalifient.

M. Jean-Claude Étienne : Nous avons choisi cette politique bien avant la lettre. Nous travaillons avec le PER, avec des plans de développement global qui s'emboîtent en fonction des tailles, avec des missions qui embrassent tel aspect plutôt que tel autre au fur et à mesure que nous choisissons un type de contrat. Nous construisons des territoires de plus en plus larges, fondés sur des thématiques et des volumes démographiques plus importants.

M. Paul Lempereur : La première question concerne les enveloppes. On aboutit à un compromis par lequel on contractualise franc pour franc. Par ailleurs, la région maintiendra son propre contrat.

M. le Rapporteur : Il faut bien préciser cette question que nous cherchons à élucider auprès de nos différents interlocuteurs. Il existe une politique régionale, contractuelle, dans le cadre du CPER. Nous avons donc une idée précise des apports de la région et de l'État. Le reste concerne les politiques territoriales régionales, hors contrat avec l'État, sur lesquelles soit la région s'était déjà engagée précédemment, soit elle souhaite s'engager maintenant de façon à souligner la politique régionale dans le cadre des territorialisations.

Nous nous rendons compte à travers nos investigations que la situation est très différente d'une région à l'autre. Il est intéressant d'observer comment certaines politiques sont privilégiées ou ne le sont pas selon les régions.

M. Jean-Claude Étienne : Nous pouvons vous fournir des exemples concrets de nos réalisations. L'Argonne présente l'avantage d'être un pays aux confins, avec une problématique que la Délégation peut être amenée à rencontrer.

M. le Rapporteur :  La territorialisation est maintenant dans tous les esprits. Cette idée de pays, d'agglomérations, de développement local à travers un regroupement intercommunal, tout cela est clairement admis. Comme est admise l'idée que, malgré tout, cela nécessite études et contrôles, et que l'évaluation est importante.

M. Jean-Claude Étienne : C'est une vraie préoccupation d'évaluer ce qui se fera sur le terrain à partir de nouvelles entités constituées.

M. le Rapporteur :  Six ou sept ans sont des périodes moyennement longues. Il nous faudra donc considérer plusieurs fois l'évolution des territoires. C'est pourquoi la contractualisation me semble très importante. Cela permet à la région de s'intéresser à la façon dont l'État mène son action annuelle ; cela permet à l'État de se poser des questions sur la façon dont la région intervient. Cela permet aux membres d'un conseil régional, d'analyser si les projets ont abouti, et si on peut les reprendre sous une autre forme l'année suivante.

M. Jean-Claude Étienne : Il pourrait survenir une difficulté eu égard aux domaines de compétence ressortissant au préfet de région par rapport aux préfets de département. Ces derniers sont des éléments assez actifs en ce qui concerne la constitution des territoires et peuvent ne pas être automatiquement en concordance ou avec la région ou avec leur préfet de région. Le préfet de région a un rôle pilote à assumer en phase -au moins théorique- avec la région. Cependant, dans la déclinaison entre le niveau régional -État, institutions régionales- et la déclinaison sur le terrain par l'entremise du préfet de département, il peut apparaître des manques de syncrétismes qui font que la démarche peut perdre non sa pertinence, mais de son action directe.

M. Paul Lempereur : Nous évoquions les questions d'enveloppes. A l'heure actuelle, l'État n'est pas exactement au diapason de nos souhaits. Nous avons tenu, pour éviter toute concurrence, à bien marquer que nous poursuivions notre politique contractuelle propre, mais de façon complémentaire à ce qui se fera avec l'État. Cela marque bien qu'il n'y aura pas de divergence de fond.

S'agissant de la taille des territoires et des exigences de l'État à ce sujet, notre politique est plus souple : nous considérons qu'un pays ne doit pas être constitué forcément de 30 000 habitants exactement. Nous sommes parfaitement d'accord avec l'État pour dire que des objectifs sont nécessaires ; cependant, ils peuvent dépendre de beaucoup de critères. Avec 20 000 habitants sur un territoire dynamique, nous constituons un pays.

M. le Président : Surtout dans une région à faible densité.

M. Jean-Claude Étienne : Il nous faut parvenir aux plus grands pays possibles avec le tissu qui nous est proposé. Or, une dominante malheureuse de cette région est la faiblesse démographique.

M. le Président : Est-ce vraiment une dominante malheureuse ou une particularité ? Avoir un espace disponible assez considérable peut aussi constituer une richesse par comparaison avec les autres pays européens.

M. Jean-Claude Étienne : Il est vrai que le "far-west" a commencé de cette façon mais c'est malgré tout un handicap. Il m'a été dit, à la lecture des chiffres, qu'il n'y avait pas de chômeurs en Haute-Marne. En réalité, il n'y a même plus de chômeurs parmi les 200 000 habitants du département.

M. le Rapporteur : Un tiers de la Haute-Marne a moins de 50 habitants au kilomètre carré.

M. Paul Lempereur : Ensuite, nous attendons avec quelque crainte l'encadrement que l'État envisage pour ces politiques. Nous souhaitons une certaine souplesse tout en évitant la création de territoires trop petits. Le problème est identique en milieu urbain. Nous comptons neuf agglomérations urbaines dans la région. Je ne suis pas sûr que Chaumont arrive à 50 000 habitants pour son agglomération ; il en est de même pour Saint-Dizier. Or, pour nous, dans une logique d'aménagement du territoire régional, ce sont des agglomérations urbaines, et nous souhaitons les considérer en tant que telles. Comment l'État jugera-t-il cette situation ?

M. le Président : Lorsque nous avons fixé les seuils des agglomérations dans la loi, nous nous interrogions sur le fait de savoir si le nombre de 50 000 n'était pas un seuil trop faible et si le curseur ne devait pas être monté à 80 ou 100 000.

M. Jean-Claude Étienne : Le curseur à un tel niveau ne nous aurait permis que deux agglomérations : Troyes et Reims. Pour parvenir à nos 9 agglomérations, sur la base d'un schéma régional d'aménagement du territoire, nous sommes conduits à réaliser quelque chose avec pas grand-chose.

M. le Rapporteur : Dans le schéma régional d'aménagement du territoire, l'idée du maillage de ces territoires urbanisés à la dimension rurale de Champagne-Ardenne me paraît une idée complètement originale sur laquelle nous pouvons produire un travail très intéressant. Nous battons en brèche l'idée de la métropolisation régionale excessive.

M. Jean-Claude Étienne : Face cette notion ex abrupto de "métropolisation", nous avons voulu employer l'expression "métropolisation multipolaire".

M. le Président : Elle correspond au terme de "polycentrisme" de la DATAR.

Vous consacrez 130 millions et l'État 130 millions également au volet territorial. Quels sont les critères d'éligibilité des projets qu'il vous semble nécessaire de mettre en place ? Pour la territorialisation, pour la validation des contrats de pays et des contrats d'agglomérations, sur quelles politiques voulez-vous mettre l'accent pour faire émerger certains pôles économiques, pour obtenir une plus grande cohésion du territoire ? Avez-vous des axes prioritaires ? Avez-vous discuté de certains points avec l'État ?

M. Jean-Claude Étienne : L'emploi nous apparaît au c_ur du problème. La région doit être une zone d'appel à projet. Ces projets tournent autour d'une préoccupation fondamentale qui est l'emploi. Mais on n'obtenons pas toujours les résultats espérés. Il est facile de réclamer de notre part des projets de nature à susciter l'emploi ; ce n'est pas pour autant que nous avons la solution.

On parle aussi de bassins d'emplois. Nous avons des bassins de vie, mais les emplois ne sont pas évidents. De sorte qu'apparaît une originalité de cette région : nous nous sommes associés avec la DATAR pour former une officine commune entre la Picardie, la Champagne-Ardenne et la DATAR dans laquelle nous avons injecté chacun 2,2 millions de francs par an. En moins de deux ans, 1310 des emplois créés dans notre région dus à ce dispositif.

Cette structure est assez particulière et nous en avons recueilli quelques succès. Nous avons dû suivre des délocalisations et notre rôle a été d'intervenir pour que les emplois concernés restent au moins dans la région. Quand Alcatel a quitté Reims, nous avons récupéré une nouvelle implantation du groupe à Fumay dans les Ardennes avec ses 15 % de chômeurs. Le site de Fumay a été consolidé.

Donc, eu égard à la faiblesse en teneur d'emplois du territoire, il est apparu nécessaire de gérer le turn over qui accompagne les mutations technologiques, les exigences de reconstruction ou de restructuration : nous offrons notre intervention. Le but est que la Champagne-Ardenne soit considérée comme la région où il est le plus facile de créer. Nous avons hérité de l'ère précédente dans le domaine du textile -dont ont parle peu mais qui a été catastrophique-, dans le domaine de la métallurgie -où l'on a réussi à mener une politique de proximité, en cherchant à travailler sur des créneaux particuliers- et maintenant nous allons subir de plein fouet la grande mutation agricole.

A ce sujet, je prends comme exemple le problème de la déshydratation de la luzerne. Notre région est productrice de 85 % de la luzerne déshydratée française. Ce sont 2 500 emplois en milieu rural, c'est-à-dire la vraie pierre angulaire de l'aménagement du territoire, puisque c'est en milieu rural qu'il est le plus difficile de créer des emplois.

La disparition de l'aide spécifique à la luzerne, dans le cadre de la réforme de la PAC, nous cause un grave préjudice. Si cette mesure avait été appliquée, en un an, en milieu rural, nous aurions perdu 2.000 emplois directs. J'ai obtenu que la luzerne ne fasse pas partie du "paquet Santer" pour une durée déterminée. Mais le problème va se poser de nouveau, dans deux ans et demi.

L'aménagement du territoire représente pour nous des territoires. Certaines unités sont plantées au milieu du désert champardennais, pareilles à des cathédrales, dans des zones rurales inhabitées ; ce sont des usines à déshydratation avec les silos attenants. Chacune d'elles emploie 200 personnes. Les villages aux alentours vivent de cette présence. Voilà notre territoire.

Notre bataille s'intègre dans la problématique générale de savoir ce que fera l'Europe qui a créé ces cathédrales à luzerne déshydratée. Dans les années 60, il n'était question que de s'affranchir du soja par les protéines blanches ; on a dit qu'en Europe une région pouvait le faire, la nôtre. Nous avons donc fait porter notre effort sur ces productions : nous disposions d'espace pour cultiver de la luzerne à foison ; elle correspondait bien à la nature crayeuse du sol. Le problème reste posé.

Il est un deuxième aspect, beaucoup plus vaste, que l'on peut retrouver dans d'autres régions françaises, mais qui est caricatural pour la région Champagne-Ardenne. Il y a 60 ans, la région était appelée la Champagne pouilleuse. S'il n'y avait pas d'habitants, ce n'est pas sans raisons ; c'est qu'il n'y avait rien à faire et rien à manger. Brutalement, nous sommes passés d'une terre qui ne donnait rien à une terre qui supportait tout, facile à travailler. Il y a 70 ans, les propriétaires terriens de 110 hectares étaient pauvres ; aujourd'hui, ceux qui possèdent 110 hectares sont riches. Ils vivent grâce à la betterave à sucre.

Or on ne sucre plus avec le saccharose, si bien que nos sucreries, deuxième pilier de l'aménagement du territoire en milieu rural, ferment leurs portes, les unes après les autres. Il nous reste quelques grandes unités sucrières comme celle de Beghin-Say à Sillery. Bientôt elles disparaîtront, car on sucrera avec du glucose.

Avec une goutte de glucose, on sucre cinquante kilos de confiture industrielle ; auparavant, pour la même quantité, il fallait dix kilos de sucre. La différence est là. Ainsi, plus personne n'achètera nos betteraves sucrières.

C'est cette mutation que la région doit assumer, comme d'autres régions d'ailleurs. L'organisation des territoires consiste d'une certaine façon à savoir qu'il existe là une sucrerie et à projeter son avenir. La vie s'organise autour de la sucrerie, autour de l'usine à déshydratation. Quelques fermes existent aussi, mais il faut seulement une personne pour 110 hectares de terre qu'il suffit de gratter un peu pour faire pousser ce que l'on veut. Cette problématique d'aménagement du territoire en milieu rural doit faire naître des territoires à centrer autour de la préoccupation de l'emploi, dans une mutation qui ne dit pas du tout son nom : personne n'en parle, comme si c'était la grande peur.

Il reste le champagne.

M. le Président : Le champagne n'est pas menacé : l'année a été bonne.

M. Jean-Claude Étienne : On nous regarde avec envie comme des nantis. Notre région n'est justement pas historiquement riche ; elle est historiquement pauvre. En effet, dans les années 30, les propriétaires ne champagnisaient pas leur vin, parce que cela n'était pas intéressant ; on l'a oublié.

Dans les pays tout autour de la montagne de Reims, aujourd'hui, on peut vivre à l'aise avec un ou deux hectares de champagne. Aujourd'hui, au lieu de se déplacer comme autrefois, tout le monde vit dans les pays.

Notre région est au c_ur du problème des protéines. Alors, que fait-on de la politique d'indépendance européenne des protéines ?

J'ai constitué un groupe de travail sur ce sujet et de la même façon, j'ai créé un autre groupe sur la création d'entreprises ou sur la création d'emplois.

Mon deuxième cheval de bataille est un projet de valorisation patrimoniale et touristique pour l'ensemble de la région. Il s'agit d'une politique dont les différents tentacules devront irriguer toute la région, par un dispositif épicentrique. Nous diffusons un message en soulignant que ce Sedan de l'Histoire, par où sont passés les chars de Guderian et, bien auparavant, sûrement Attila avant de s'arrêter dans les Champs catalauniques, se situe à côté de chez nous ; tous sont toujours passés au même endroit. Ici les touristes sont à la porte de France, c'est l'intérêt de la région.

C'est pourquoi dans les territoires, suivant leur situation, il demeure aussi un aspect patrimonial que nous devons forcément prendre en compte et qui, dans cette région, peut constituer une valeur ajoutée non négligeable. L'A 26 est appelée l'autoroute des Anglais. Pourquoi viennent-ils ? Un peu pour le champagne, un peu pour la cathédrale, beaucoup pour le nom du grand-père enterré dans la région.

M. le Président : Nous avons en Normandie le même phénomène avec les Anglais, les Américains et les Canadiens.

M. le Rapporteur : Vous pensez qu'une vraie politique régionale ne se confond donc pas avec la somme des politiques locales territorialisées.

M. Jean-Claude Étienne : Non, il faut une politique d'ensemble et de responsabilisation sur telle ou telle thématique de chaque territoire qui nous fait part de son projet et que nous accompagnerons, en synergie avec l'État.

ngénierie territoriale. Moins un territoire est peuplé, plus il a du mal à faire émerger les idées, à les mettre en forme, à construire son projet. Nous pensons que l'ingénierie est essentielle.

A l'intérieur du contrat de plan, avez-vous mobilisé des fonds pour cette ingénierie ? La concevez-vous uniquement sous forme d'un agent de développement ? Pensez-vous qu'il convienne de mettre en place des outils à la disposition des territoires, avec des équipes pluridisciplinaires, pour tenter de faire émerger à la fois le diagnostic, l'identité du territoire mais aussi les problématiques à quinze ans, à vingt ans pour favoriser le développement ?

M. Paul Lempereur : Là aussi, la région a initié une politique d'aide aux territoires en y installant des agents de développement. On a d'ailleurs contractualisé cette politique avec l'État et notre désir est de le faire de manière permanente. Le problème avec l'État, c'est que les crédits de fonctionnement manquent dès la deuxième année. Pourtant, nous voulons que, sur la durée du contrat de plan au moins, nous puissions assurer une pérennité. Nous l'avions fait avant le contrat de plan et, en accord avec l'État, nous l'avons poursuivi dans le contrat de plan qui sera signé.

Par ailleurs, nous avons essayé de structurer cette ingéniérie. Nous réunissons à la région régulièrement chaque mois ces agents de tous les territoires pour échanger, pour organiser une sorte de formation permanente. Nous avons aussi passé un contrat d'assistance avec la Caisse des Dépôts et des Consignations pour aider à la structuration des échanges. Vous voyez que nous agissons de manière qualitative.

M. Jean-Claude Étienne : Nous disposons de nos "voltigeurs de pointe", chargés d'aller stimuler in situ le dispositif afin de créer les fermentations destinées à générer les projets.

M. Paul Lempereur : Par ailleurs, vous le verrez dans nos politiques contractuelles. Nous essayons au contraire d'aider les politiques économiques qualitatives sur le plan de l'aménagement. Dans le volet territorial, nous avons inscrit le principe de zones d'activités d'excellence, appelées maintenant zones d'activités de référence. L'idée est de sélectionner sur des critères objectifs un certain nombre de zones d'activités et de faire un effort qualitatif important en termes d'aménagement des espaces et d'introduction de nouvelles technologies (deux par département en moyenne).

Nous avons quand même inscrit 30 millions de francs de la part de l'État et 70 millions de francs de notre part, c'est-à-dire 100 millions de francs au total pour aider à la constitution de ces zones. Ensuite, nous avons introduit l'idée de crédits européens.

M. le Président : Combien avez-vous de zones de références ?

M. Jean-Claude Étienne : Nous comptons ne pas en faire plus de deux par département dans un premier temps, car nous privilégions les critères qualitatifs.

Ce qui est particulier, c'est qu'au début de nos discussions sur le contrat de plan, l'État ne voulait pas tenir compte de nos zones de référence. Nous l'y avons contraint, car il n'y adhérait pas. C'est un vrai contrat de plan que nous avons élaboré : nous avons fini par réaliser des actions dont nous ne voulions pas et des actions dont l'État ne voulait pas.

M. le Président : C'est l'intelligence de la discussion.

M. Paul Lempereur : La deuxième idée est celle de la création d'un fonds d'anticipation pour les mutations industrielles qui permettra de faire des études. J'évoquais le projet de Rethel où se trouve une sucrerie fermée aujourd'hui.

M. Jean-Claude Étienne : Comme à Tigny et à Saint Germain au Mont.

M. Paul Lempereur : Nous finançons une étude pour permettre aux territoires de réfléchir sur la façon de reconvertir les terrains et d'inviter des entreprises à s'implanter.

M. le Président : Ces politiques sont-elles mises en _uvre par les collectivités locales, les intercommunalités ?

M. Paul Lempereur : Oui, on donne toujours une prime à l'intercommunalité.

M. Jean-Claude Étienne : Nous leur demandons ce qu'elles veulent, nous sommes prêts à les accompagner. Habituellement, elles nous répondent toutes de la même façon, ce qui est bien normal. Nous avons nos propres idées générales sur l'ensemble de la région et il nous appartient de trouver l'adéquation, le point d'ancrage entre l'attente territoriale et les idées de développement régional.

M. le Rapporteur : Quelques questions, d'abord, concernant la politique territorialisée de la région. Les différents documents disponibles peuvent-ils fournir une lecture claire de ce qui a été territorialisé et de ce qui ne l'est pas ? Je précise la question : théoriquement, l'État annonce la nécessité dans la contractualisation territoriale de réserver 20 à 30 % des crédits ; la demande avait été faite de préciser sur chacune des lignes, en particulier sur celles qui correspondent à certains des ministères, la partie traditionnelle et la partie territoriale.

M. Jean-Claude Étienne : En Champagne-Ardenne, le volet territorialisé est de 723 millions de francs, dont 304 millions de francs pour la région, et 419 millions de francs pour l'État.

M. le Rapporteur : Je ne suis pas trop d'accord. Avec cette présentation des choses, nous n'en sommes pas au quart mais au huitième. C'est une de nos difficultés de lecture sur l'ensemble des contrats : d'une part, il y a le volet territorial de la politique régionale, car la région va bien au-delà de la partie contractualisée ; d'autre part, il y a la partie entrant réellement au contrat, contrat d'agglomération, contrat de ville, contrat de pays... Et il faut avoir une lecture par rapport à ces deux parties. Dans la politique régionale, nous voudrions avoir la part consacrée à la territorialisation.

M. Paul Lempereur : Le volet territorial correspond plus au sens des territoires et de leur organisation disons institutionnelle ; le volet territorialisé correspond par exemple à des aides à l'hébergement d'un pôle universitaire à Troyes ou Charleville. On peut dire que c'est territorialisé, mais c'est en même temps le volet territorial dans le sens où cela aide à l'aménagement du territoire. Beaucoup de lignes ne participent pas au volet territorial en tant que telles, comme celles consacrées à l'enseignement supérieur ou à la recherche, mais peuvent être placées dans un volet territorialisé, en réalité. Il y a cette dialectique à faire.

M. le Rapporteur : Nous souhaitons parvenir à une observation au point "zéro". Nous essayons de comparer, ce qui n'est pas facile.

M. Paul Lempereur : Les services de l'État ont fait un exercice qui démontre que cela représente un tiers, avec la logique que j'indique.

M. le Rapporteur : La deuxième question concerne la préparation du contrat de plan. Que pensez-vous des documents de cadrage que vous avez reçus ? Sont-ils cohérents avec ceux que vous avez reçus par la suite de la part de l'État ? Des éléments sont-ils à revoir ?

Ma troisième question porte sur la cohérence entre les contenus des différents documents, SRADT, contrat de plan État-région et divers contrats comme les contrats de ville, les contrats d'agglomération, les contrats de pays. La mise en conformité est-elle encore en cours ?

M. Paul Lempereur : Elle est encore en cours. Le problème a dû exister un peu partout : une forme de précipitation a fait que tout s'est un peu télescopé. On avait commencé à élaborer le SRADT dans notre région et le contrat de plan est arrivé tout de suite.

M. le Rapporteur : Parmi les projets de territorialisation -pays ou agglomérations-, y en a-t-il certains qui sont, à vos yeux, suffisamment avancés pour permettre actuellement une observation ? Peut-on leur attribuer éventuellement une valeur d'exemple et un intérêt à être suivis ? Nous recherchons quelques projets ici et là, non pour dire qu'ils sont bons et les poser en modèles ailleurs, mais pour signaler que, par rapport à ce que l'on attend d'un contrat de pays, d'un contrat d'agglomération ou d'un contrat de ville, ils sont exemplaires de ce que l'on entend faire. Ce serait intéressant d'avoir un ou deux projets dont vous puissiez nous dire que vous nous donnerez des renseignements.

Mme Bérengère Poletti : Je pense à un cas rural dans les Ardennes. Les Trois Cantons ont entrepris depuis une démarche de projet global, qui est satisfaisante, afin de créer un pays.

M. le Rapporteur : Il serait intéressant que vous puissiez nous fournir un document de base.

Mme Bérengère Poletti : Oui, parce que les Trois Cantons progressent bien dans tous les domaines.

M. le Rapporteur : De quelle manière percevez-vous l'organisation des pays ? En particulier, de quelle manière la région serait-elle prête à contractualiser avec les pays au travers des structures qu'elle aura mises en place ? Pour vous, cela nécessite-t-il que ce soit une organisation à vocation d'exécutif ou bien cela pourrait-il se réaliser de façon souple ?

Mme Bérengère Poletti : Plutôt de façon souple. Pour les pays, il est surtout question d'avoir un projet de territoire.

M. le Président : La contractualisation doit passer par une personne morale de droit public ; cette clause a été imposée par le Conseil d'État pour éviter des problèmes de gestion de fait et pour permettre la vérification de l'utilisation des fonds par les chambres régionales des comptes. Cela peut donc être un syndicat mixte, un GIP, une contractualisation subdéléguée ensuite à un établissement public. Ainsi, tous les territoires d'un pays sont maillés en intercommunalités. Mais on ne peut pas contractualiser avec une association, par exemple.

M. le Rapporteur : Pour être clair, celui qui porte la maîtrise d'ouvrage devra être partie prenante à la contractualisation. Par conséquent, si quatre EPCI ou communes entrent dans le projet commun et sont maîtres d'ouvrage pour leur propre territoire, ils peuvent être partie prenante à un contrat de plan. C'est la loi.

Mme Bérengère Poletti : De toute façon, jusqu'à présent, tout a été très souple. Il s'agissait d'avoir un projet global. Dans les zones rurales, nous avons le programme de développement global qui fonctionne très bien : il demande aux territoires d'avoir un projet dans tous les domaines, des projets d'équipement, de développement touristique, de développement économique, d'environnement et des projets plus spécifiques à chaque territoire suivi.

En effet, l'effort a surtout porté sur la réalisation de ce projet sur plusieurs années de façon globale. Jusqu'à présent, aucune directive en matière de structure administrative n'a été formulée. Il était simplement demandé d'engager cette démarche. A présent, ils vont s'inscrire davantage en démarche de pays.

M. le Rapporteur : S'agissant du suivi du contrat de plan, il faudra élaborer la convention d'application qui mettra en chantier des programmes annuels. C'est la partie délicate sur laquelle apparaîtront le moins de facilités dans le consensus avec les collectivités territoriales, avec les EPCI. Avez-vous déjà une idée de la façon dont vous souhaitez instaurer le suivi de la mise en application du contrat ? Ou est-ce encore trop tôt ?

M. Paul Lempereur : J'ai des idées précises sur un certain nombre d'éléments que je connais bien, notamment sur le volet routier : nous avons fait une erreur lorsque nous avons inscrit dans un contrat au moins 120 millions de francs sans apporter suffisamment de précisions quant à l'objet et aux acteurs concernés. Six ans après, on constate que cela a coûté 240 millions de francs. Il me semble important que, dans la convention, soit déjà prévue une sous-convention indiquant clairement son objet et que l'on débatte des propositions des services de l'Équipement formulées de façon précise.

Dans le suivi du contrat, nous sommes très exigeants. Le ministère de l'Équipement utilise sa propre procédure d'approbation des projets ; je demanderai au co-financeur de les approuver aussi. C'est le meilleur moyen de savoir ce qui sera mis en _uvre et d'assurer le suivi. Ce sont des choses assez précises qui obligent les services techniques à sortir du non-dit dans beaucoup de domaines.

M. le Rapporteur : Sur le plan politique, allez-vous mettre en place un groupe d'élus pour effectuer le suivi ?

Mme Bérengère Poletti : Sans doute, nous en avons déjà parlé. Il y en aura effectivement.

M. Paul Lempereur : Le conseil régional préparera un rapport de suivi qui sera présenté en assemblée.

M. le Rapporteur : Si cela peut se réaliser, la Délégation sera très intéressée pour vous interroger à nouveau sur cet élément de suivi. C'est ce qui intéresse aussi la majorité des parlementaires. La politique de formation et de missions locales a-t-elle fait l'objet de contractualisation ?

M. Paul Lempereur : En effet, nous avons contractualisé.

Mme Bérengère Poletti : S'agissant de la politique des contrats de ville, nous avons souhaité que les délégués territoriaux participent au comité de pilotage afin d'assurer une meilleure lisibilité des formations régionales en la matière.

M. le Rapporteur : Nous nous trouvons devant un vrai problème à cet égard, problème que l'État n'a pas su résoudre, que la région ne sait pas résoudre non plus. En fait, les missions locales sont territorialisées, ce sont des missions locales d'arrondissement. Les communes ne sont pas toujours impliquées dans l'action de ces missions locales qui travaillent pourtant sur leur territoire. Personne ne sait actuellement comment faire pour imposer que ce soit un outil territorial. Nous sommes face à un vrai problème. Sortir de ce problème concerne tous les acteurs, car cela fait partie des contrats de plan État-région.

Avez-vous mis en place des critères de modulation pour engager les subsides de la région dans la territorialisation en fonction de l'existence effective d'intercommunalités ?

Je m'explique : soit un territoire inorganisé, -bassin de vie, bassin d'emplois...- mais encore sans aucune identité en tant que pays ou intercommunalité, l'action de la région sera-t-elle modulée de la même manière que pour un pays déclaré, pour une agglomération déclarée ?

Mme Bérengère Poletti : Nous leur avons demandé de préparer un projet global au sujet de la structure de l'intercommunalité ; à partir du moment où les acteurs d'un territoire ont travaillé ensemble, la région détermine des enveloppes pour chaque territoire en fonction du potentiel fiscal et de la population.

M. le Rapporteur : Tenez-vous compte de la richesse fiscale ou du coefficient d'intégration fiscale ?

M. Paul Lempereur : De la richesse fiscale.

M. Jean-Claude Étienne : Nous savons que ce n'est pas la seule manière. Nous avons déjà discuté de ces différences de paramètres.

Mme Bérengère Poletti ; Nous en avions discuté en particulier quand il a été question du fonds de solidarité. Il me semble que les critères sont difficiles à établir pour être précis dans ce domaine. Certaines richesses échapperaient au calcul du potentiel fiscal. Ce n'est pas évident à faire.

M. Paul Lempereur : Une précision sur laquelle nous allons dans le sens soulevé par votre question : une prime est accordée aux équipements intercommunaux. Une série de communes se mettent d'accord pour réaliser en commun un équipement, voire une maison commune, une piscine. Il existe des tarifs différenciés entre la commune isolée et la commune regroupée, etc.

Mme Bérengère Poletti : Dans le cadre du PER, pour certaines communes isolées, l'intervention est de 10 % ; quand les petites communes sont en communauté de communes, la région accorde 25 %.

M. le Président : C'est une sorte de modulation vertueuse.

M. Jean-Claude Étienne : - Il s'agit d'un encouragement à se regrouper qui va de 10 à 25 %. Les dents de la fourchette sont assez écartées ; ce n'est pas uniquement moral.

M. le Président : Monsieur le président, il nous reste à vous remercier pour votre accueil sympathique et chaleureux, ainsi que pour les renseignements que vous nous avez fournis avec Mme Bérengère Poletti et M. Paul Lempereur.

Audition de M. Hubert Fournier,

préfet de la région Basse-Normandie.

Réunion du mercredi 15 mars 2000

Présidence de M. Félix Leyzour, Vice-Président.

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Hubert Fournier, préfet de la région Basse-Normandie, à qui je souhaite la bienvenue.

La Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan Etat-région, actuellement en cours de signature. Elle s'intéresse, dans ce domaine, tout particulièrement au volet territorial de ces contrats et souhaite donc que cette réunion porte sur ce thème.

La loi du 25 juin 1999 prévoit dans ses articles 25 et 26 que les pays et les agglomérations pourront signer un contrat particulier avec l'Etat, qui s'inscrira dans l'enveloppe des contrats de plan Etat-région.

Lors du comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de juillet 1998, le Premier ministre a précisé que 20 % des enveloppes seraient consacrés au volet territorial ; depuis, différents chiffres ont été indiqués aux préfets et aux élus : on a pu parfois leur dire que ce volet territorial pourrait atteindre 25 %, voire le tiers des montants des contrats de plan.

Cette nouvelle disposition, destinée à promouvoir les projets de territoire, est d'une application difficile, dans la mesure où les territoires sont aujourd'hui en cours de formation et ne peuvent pas proposer à la contractualisation un projet immédiatement opérationnel.

Plusieurs questions se posent. Premièrement, les contrats de plan étant signés dès à présent, comment réserver des crédits pour des projets dont on ignore encore le contenu ?

Deuxièmement, le risque n'est-il pas que le projet territorial se réduise à une addition de lignes de crédit des actions de l'Etat et de la région ?

Troisièmement, quels sont les périmètres pertinents ? En effet, si les périmètres étaient trop insuffisants, on en reviendrait à une logique de guichet au lieu de la logique de projet que la loi a voulu instaurer.

Quatrièmement, comment l'Etat peut-il, au sein d'une région, aller au-delà des politiques sectorielles et instaurer une transversalité dans la mise en _uvre des politiques ?

Voilà quelques questions pour lancer le débat, monsieur le préfet. Je vous propose de nous présenter un exposé liminaire, puis nous passerons au jeu des questions réponses.

M. Hubert Fournier : Monsieur le président, messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir et de me donner l'occasion de vous présenter notre approche du volet territorial du contrat de plan. Je suis accompagné de M. Yves Duruflé, secrétaire général pour les affaires régionales, qui pourra, s'il le souhaite, intervenir.

Tout d'abord, je dois vous dire que les négociations que nous avons eues avec le président de la région Basse-Normandie se sont déroulées dans un très bon climat, et la concertation avec les forces socioprofessionnelles de la région a été très bonne. Elle s'est d'ailleurs illustrée lors de l'examen du contrat de plan au Conseil économique et social qui l'a approuvé à l'unanimité, phénomène relativement rare.

L'existence d'un volet territorial n'a jamais posé de réelles difficultés, puisque la région avait déjà une politique d'aménagement du territoire et possédait certains outils ; elle a donc tout à fait perçu l'intérêt de prévoir un volet territorial significatif dans le cadre du contrat de plan. Notre exercice a consisté à bien identifier, d'une part, les opérations à caractère structurant et dont l'impact est régional, et, d'autre part, les opérations dont la résonance est plus locale, afin de déterminer quelle part nous réserverions à une approche sectorielle et quelle part nous réserverions à une approche territoriale.

Nous avons individualisé un certain nombre de secteurs - je vous citerai des exemples tout à l'heure - car l'idée, et j'apporte là un élément de réponse à votre deuxième question, est bien d'avoir une approche globale de projets, et de réserver des crédits - et une boîte à outils - à des opérations qui s'inscriront dans ces projets territoriaux.

Nous avons, avec le président du conseil régional, dès le préambule, indiqué l'importance de ce volet territorial ; il représente, dans notre contrat de plan, 27,8 % des crédits - de l'Etat et de la région -, soit 2,522 milliards de francs, sur un total de 9,061 milliards de francs.

Nous avons, dans le cadre de l'article 2 du document consacré à l'explicitation du volet territorial, précisé sa philosophie : exprimer la solidarité entre les territoires de la région et favoriser un meilleur équilibre économique et social. Nous avons également fixé les principes qui régiront l'intervention de l'Etat et de la région : existence d'une stratégie cohérente au niveau territorial, ce qui signifie que les actions isolées ne seront pas financées ; nécessité d'une forte concertation avec les forces vives, ce qui répond à la philosophie de la loi sur l'aménagement du territoire. Les financements se répartiront en fonction des compétences de chacun et dans le cadre d'une concertation.

Nous avons donc ciblé, dans le cadre du contrat de plan, sur chacun des trois objectifs du contrat, les actions qui entreraient dans le volet territorial. Ces trois objectifs sont les suivants : favoriser le développement économique, aménager le territoire et développer la qualité du cadre de vie et la solidarité. Et nous retrouvons dans chacun de ces objectifs un certain nombre de lignes clairement individualisées comme faisant partie du volet territorial.

Je préciserai que nous n'avons pas prévu une procédure exclusivement contractuelle, du type contrat de pays, contrat d'agglomération, contrat de parc. Nous voulons, en effet, nous réserver la possibilité, en fonction de l'évolution, d'intervenir et de ne pas geler trop longtemps des crédits. Cependant, l'essentiel des actions devraient être financées dans le cadre de ces contrats.

Premier objectif : favoriser le développement économique. Voici quelques exemples que nous avons prévu de territorialiser : le développement des technologies de l'information et de la communication, pour une partie seulement ; l'encouragement de la capacité d'adaptation des entreprises et des salariés ; dans le secteur agricole, l'installation des jeunes agriculteurs et l'encouragement à l'agriculture biologique ; la formation dans le domaine maritime ; le tourisme, pour lequel nous avons prévu plusieurs lignes concernant la professionnalisation, les plans qualité, le fonds d'aide au conseil et tout ce qui concourra à une meilleure organisation de la filière tourisme ; enfin, toutes les opérations de restructuration de la défense, concentrées sur Cherbourg (80 millions de francs, partagés équitablement entre l'Etat et la région).

Deuxième objectif : l'aménagement du territoire. Nous retrouvons, dans cet objectif, un volet important concernant les infrastructures qui figurent, pour l'essentiel, dans le volet non pas territorial, mais régional. Elles représentent un montant très important dans le cadre du contrat de plan Basse-Normandie.

Nous avons néanmoins individualisé les actions suivantes, qui seront inscrites dans le volet territorial : la déviation Est de Cherbourg ; la liaison ferrée Lisieux-Caen-Bayeux et Saint-Lô ; et, enfin, le volet portuaire, dont les montants sont importants, puisque l'Etat et la région participeront chacun à hauteur de 145 millions de francs.

S'agissant du plan universitaire, nous avons mis dans le volet territorial tout ce qui concerne les IUT, les bibliothèques universitaires et la vie étudiante.

Nous y avons également prévu l'ingénierie et les projets territoriaux financés sur le FNADT pour lesquels l'Etat participe à hauteur de 105 millions de francs et la région pour 160 millions de francs.

Troisième objectif : le développement de la qualité du cadre de vie et de la solidarité. Nous avons, là aussi, individualisé un certain nombre de lignes qui sont les suivantes : l'environnement, avec les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole ; le volet culture, avec les centres de ressource et les réseaux culturels ; le développement des pratiques sportives et de loisir ; des actions en matière de logement ; tout ce qui concerne la politique de la ville ; enfin, toute une série d'actions en matière d'offres de formation professionnelle, sur l'égalité homme/femme, la lutte contre les exclusions, ainsi que des actions permettant d'aider l'investissement des organismes de formation.

Voilà quelques éléments de cadrage sur la façon dont nous avons élaboré ce volet territorial. Nous préparons aujourd'hui, avec le conseil régional, un document de mise en _uvre de ce volet territorial, qui va prévoir à la fois un comité régional de suivi - peut-être le mettrons-nous au niveau de la commission régionale d'aménagement durable du territoire (CRADT) - et un comité de pilotage entre l'Etat et la région, auquel nous associerons sans doute les conseils généraux, pour mettre au point les modalités d'examen des projets qui nous seront présentés et les décisions concernant les financements correspondants.

Il s'agit d'une démarche totalement nouvelle, puisque c'est la première fois, dans le cadre d'un contrat de plan, qu'existe un volet territorial. Pour ma part, je pense que nous aurons certainement à étudier la mise en place de ce nouveau système - ce qui prendra un peu de temps -, mais il s'agira d'un élément d'encouragement très fort à la dynamique de pays et d'agglomérations.

Quatre agglomérations sont concernées en Basse-Normandie, alors qu'il existe une inégale dynamique des pays ; il en va de même de la dynamique intercommunale. L'existence du volet territorial légitime les démarches de développement local et donne une très grande force à cette logique contractuelle ; je pense donc qu'elle va nous permettre, au lieu de faire l'addition des opérations, d'avoir, à partir d'un territoire, cette transversalité que vous évoquiez et qui me paraît aller bien au-delà de cette logique de guichet à laquelle nous sommes parfois habitués.

M. le Président : Monsieur le préfet, je vous remercie.

M. le rapporteur : Monsieur le préfet, quelles sont les structures déjà contractualisables en Basse-Normandie ? Combien comptez-vous d'agglomérations ou de pays déclarés ou en passe de l'être ?

M. Hubert Fournier : Nous comptons déjà quatre agglomérations : Caen, Cherbourg, Alençon et Flers. Caen est actuellement un district qui n'est pas encore transformé en communauté d'agglomérations. Cherbourg et Alençon sont des communautés urbaines, et Flers, qui était une communauté de villes, et qui compte 27 000 habitants, s'est transformée en communauté d'agglomérations.

En ce qui concerne les pays, la situation est très inégale selon les départements. L'Orne est très largement couvert de pays : le pays d'Alençon (qui ne compte pas les six communes de la Sarthe qui font partie de la communauté urbaine) ; le pays d'Ouche, qui réunit trois cantons, des discussions étant en cours pour une éventuelle extension à l'Eure ; le pays d'Auge, pays d'Argentan (qui pose la question de la création de deux pays d'Auge, puisqu'il y a un pays d'Auge dans le Calvados) ; enfin, le bocage Ornais et le Perche qui préparent leur charte, le Perche étant déjà constitué en syndicat mixte.

Pour ce qui est de la Manche, deux pays sont déjà constatés : le Mortainais et le pays de Coutances. Dans l'Avranchin et le pays de Saint-Lô, des pays sont en cours de constitution, tout comme dans le Cotentin.

Pour le Calvados, un pays d'Auge est constaté sur la partie calvadosienne ; le district de Falaise a été transformé en pays constaté, mais une tentative d'extension est en discussion ; le Bessin est en train de s'organiser ; enfin, deux démarches sont en cours, l'une du bocage virois, l'autre du prébocage virois, chacun s'efforçant de m'expliquer combien ils sont différents ! Pour ma part, je souhaite que l'on puisse arriver à un unique pays.

Par ailleurs, des réflexions sont en cours sur le pays de Caen, sur sa délimitation, car il s'agit d'un pays qui pourrait être extrêmement important et représenter la moitié du département. La constitution d'une association est en cours de discussion.

M. le rapporteur : Il est donc clair que vous avez déjà des structures existantes ou des pays constatés et d'autres préparant leur charte, c'est-à-dire des structures intercommunales nombreuses. Vous entrez donc directement dans le cadre des contractualisations territorialisées possibles.

Le volet que vous nous avez présenté est un volet général, consistant en l'ouverture des lignes dans lesquelles les contrats territorialisés pourront puiser pour leurs projets.

On constate que les initiatives, de région à région, peuvent être finalement convergentes, mais différentes dans la stratégie. Pour votre part, vous avez choisi de définir d'abord le cadre des lignes contractuelles et ensuite de laisser les projets mûrir sur le terrain.

D'autres régions ont proposé la démarche inverse, c'est-à-dire de partir des projets contractualisables pour déterminer les lignes les plus importantes dans le volet territorial des contrats de plan. Pouvez-vous nous expliquer le choix de cette stratégie ?

Ce choix nous renvoie certainement à ce que vous nous avez dit au début, c'est-à-dire que cette région possédait déjà une politique territoriale instituée. Pouvez-vous préciser ce que la région a conservé comme initiatives territoriales propres, hors contrat de plan, et ce qu'elle a vraiment inscrit dans le contrat de plan ?

M. le Président : Comment les départements s'articulent-ils avec toute cette série de territoires qui, pour certains, sont encore à l'état de projet, car il n'y a pas encore d'interlocuteurs définis et capables de contractualiser ?

M. Hubert Fournier : Sur ce dernier point, nous avons effectivement une situation variée. Nous ne sommes pas encore au stade de la contractualisation, les pays avancés n'en étant qu'au stade de la préparation de leur charte de développement. Nous sommes donc dans une phase de maturation, sachant que, dans le cadre des études de préfiguration qui ont pu avoir lieu, les projets ne devraient pas tarder à se concrétiser pour certains pays déjà bien avancés ; je pense au bocage ornais ou au Perche, pour lesquels les progrès devraient se réaliser relativement vite.

Pourquoi avoir choisi cette stratégie ? Il nous a semblé important de donner les règles du jeu aux acteurs locaux. Il s'agit là d'un souci qui rejoint notre préoccupation quant à la mise en _uvre des fonds européens. Un des éléments de difficulté que nous avons pu rencontrer dans le passé tient peut-être à l'insuffisante clarification des règles du jeu ; nous souhaitons donc, pour l'ensemble des outils, pouvoir donner aux acteurs locaux des règles claires et simples.

Les directives de la DATAR sur l'élaboration du contrat de plan me semblaient aller dans ce sens, en précisant les types d'actions pouvant faire l'objet du volet territorial. Cette démarche nous a semblé être une démarche de bon sens : donner la boîte à outils qui permettra à chacun, dans le cadre d'un projet d'ensemble au niveau territorial, de savoir si l'action qu'il envisage pourra être financée.

M. le rapporteur : Avez-vous songé aux risques éventuels ? Le premier serait qu'il y ait des vitesses différentes dans l'exécution du contrat : une certaine vitesse jusqu'en 2003, puis une autre, qui serait fonction de la capacité qu'auront les pays et les agglomérations à se projeter dans l'avenir et à imaginer la réalisation de leurs projets.

Le deuxième risque pourrait se résumer ainsi : premier arrivé, premier servi. N'existe-t-il pas en effet un risque de droit de tirage ouvert sur les premiers projets, justement parce qu'ils sont les premiers ?

Enfin, n'y a-t-il pas le risque du gel en attendant 2003 ?

M. Hubert Fournier : Vous avez parfaitement identifié les trois risques par rapport auxquels nous devrons nous positionner.

Le premier risque - vitesse différentielle de l'exécution du contrat - rejoint votre troisième question sur le gel. A partir du moment où nous avons jusqu'à 2003 pour conclure les contrats, il est évident que nous financerons beaucoup moins d'actions de 2000 à 2003 que de 2003 à 2006. En fait, cela est inscrit dans le calendrier tel qui a été établi.

Il sera donc sans doute nécessaire d'accélérer la mise en _uvre, ce qui veut dire qu'un des messages que nous serons amenés à délivrer aux acteurs locaux sera de ne pas attendre la date butoir de 2003 pour proposer leur projet, sachant qu'il sera plus difficile ensuite de pouvoir répondre à toutes les demandes.

En ce qui concerne le deuxième risque, nous aurons, avec la région, des discussions pour établir un certain nombre de critères d'appréciation afin de mesurer l'aide que nous accorderons dans le cadre des contrats de pays et d'agglomération, et d'éviter que la cagnotte ne soit immédiatement dépensée.

M. le rapporteur : D'où l'importance du document de mise en _uvre.

M. Serge Poignant : Monsieur le préfet, vous avez parlé de la définition du volet territorial dans le volet contrat de plan. Ne pensez-vous pas qu'un certain nombre d'actions territoriales étaient déjà largement contenues dans les contrats régionaux de développement (CRD) ?

Que pensez-vous de l'apport supplémentaire ? Allons-nous finalement remettre des CRD dans les contrats de plan, mais sans automatiquement réaliser de nouvelles actions ou sans apporter un volume de financement important ?

Vous n'avez pas parlé de la contractualisation directe, possible entre l'Etat et le pays ou l'agglomération. Comment voyez-vous ces différents étages : le contrat de plan avec sa partie territoriale, les contrats régionaux de développement - où se situent-ils dans ce double étage - et les contractualisations directes ? Par ailleurs, quels sont les moyens financiers supplémentaires qui seront nécessaires pour les collectivités locales ?

M. Pierre Cohen : Monsieur le préfet, la méthode que vous préconisez est en effet une méthode de bon sens. Cependant, elle est tellement cadrée qu'elle peut empêcher l'extension de la contractualisation Etat-région aux nouveaux territoires émergents, qui feront partie de la nouvelle dynamique de l'aménagement du territoire.

Même si vous le présentez comme une boîte à outils, il existe un risque de considérer ces outils comme des guichets, c'est-à-dire de définir des projets, en fonction des moyens financiers disponibles.

Vous donnez-vous la possibilité de financer les innovations qui feront la force de ces projets, en plus de ce que vous avez présenté comme étant les éléments essentiels des aspects territoriaux ?

Il s'agirait là de privilégier la responsabilité des territoires émergents par rapport à une vision déjà régionaliste ou étatique de la mise en place des territoires.

M. Hubert Fournier : Monsieur Poignant, l'intérêt du volet territorial est d'essayer de rendre cohérentes les démarches territoriales des différents acteurs : la région, les départements, l'Etat. J'y vois là un apport nouveau, qui nous oblige à mettre en cohérence tous ces outils. L'autre intérêt du volet territorial étant l'appel à l'initiative.

Nous avons dit avec le président du conseil régional lorsque nous avons signé le contrat de plan, que cette signature est certes l'aboutissement d'une démarche, mais surtout le point de départ des initiatives, notamment locales. La balle est dans le camp des acteurs, et ce sont eux qui feront que ce contrat aura réellement porté tous ses fruits.

En ce qui concerne la méthode, je ne pense pas que l'initiative soit bridée dans le cadre de cette démarche, au sens où elle empêcherait des initiatives originales. Lorsque je me réfère au volet de l'intervention du FNADT, par exemple, sur l'ingénierie et les projets territoriaux, et l'intervention, en contrepartie, du conseil régional, nous avons là une masse de crédits très importante pour lancer des pistes innovantes et originales.

Nous avons également voulu, et le chiffre de 27,8 % est significatif, ouvrir très largement la palette de ce qui pourrait être pris en compte dans le cadre de ces contrats. Cela ne signifie pas pour autant que les agglomérations ou les pays vont bâtir leur projet en fonction de la liste de ce qui est finançable.

Nous leur donnons la boîte à outils, que nous avons essayé de faire la plus large possible, afin qu'ils disposent de tous les éléments nécessaires à la réalisation de leur projet. Tout le volet "ingénierie, projets territoriaux" est un élément important auquel les différents acteurs pourront avoir recours.

M. Yves Duruflé : Monsieur le président, messieurs les députés, vous avez pu constater que la méthode que l'on a suivie en Basse-Normandie prenait en compte le fait que les situations étaient très inégales selon les territoires. Par conséquent, il nous a paru important de définir à la fois une méthode et une enveloppe financière, c'est-à-dire de pouvoir, d'entrée de jeu, fournir une boîte à outils en précisant que cela se ferait sur des programmes concertés avec l'ensemble des acteurs d'un territoire, qu'il ne s'agissait pas d'un catalogue d'opérations ; cela doit donc être le fruit d'une négociation entre les porteurs du projet territorial et l'Etat et la région.

Je dis bien Etat-région. En effet, nous avons d'emblée précisé qu'il s'agissait d'une démarche Etat-région, et que nous n'envisagions pas une contractualisation séparée Etat-territoire ou région-territoire, bien que la région n'ait pas contractualisé la totalité de ses interventions dans le cadre du contrat de plan et, a fortiori, dans le cadre du volet territorial.

Nous avons voulu que le volet financier soit incitatif, significatif et attractif, afin d'inciter les acteurs porteurs d'un projet à s'inscrire dans ce volet territorial. Nous n'avons pas souhaité nous enfermer dans une forme contractuelle - bien que l'on considère qu'il s'agit d'un vecteur prioritaire de mise en _uvre du volet territorial - pour pouvoir travailler en amont, c'est-à-dire, par exemple, utiliser des crédits "ingénierie territoriale" afin d'aider et de faciliter l'émergence de ces territoires et de ces projets, voire même pour financer des projets symptomatiques ou emblématiques permettant de fédérer un projet de territoire.

Par ailleurs, il est évident que l'on utilisera la phase intermédiaire de révision en 2003 pour faire le point sur la manière dont le volet territorial a été mis en _uvre ; il y a aura, dans le cadre du contrat de plan, un dispositif de suivi Etat-région, d'évaluation, qui fera le point annuellement sur l'engagement des actions du contrat de plan. En outre, nous ne nous interdisons pas, en 2003 - ou peut-être avant -, de réajuster ou de réadapter le volet en fonction des priorités que nous avons inscrites aujourd'hui.

M. le Président : Certains territoires de votre région sont bien identifiés, et je souhaiterais savoir comment les départements se positionnent dans cette architecture : Etat, région, pays en cours de constitution, agglomérations à la recherche de territoire, et conseils généraux qui possèdent déjà des territoires bien identifiés avec des politiques définies ?

M. Gérard Hamel : Monsieur le préfet, je souhaiterais pour ma part savoir quelle est la place - et le rôle - que joue l'agglomération dans la politique de pays. Rencontrez-vous des difficultés de constitution de pays, avec ou sans agglomérations constituées ou en cours de constitution ?

Quelles sont les difficultés éventuelles de cohérence territoriale avec les communes qui ont une frontière avec d'autres départements ? Existe-t-il des vides à l'intérieur d'un pays, c'est-à-dire des communes qui ne prennent pas de décisions, qui ne parviennent pas à se situer ? Comment tout cela se passe-t-il avec les communes frontalières ?

M. Hubert Fournier : En ce qui concerne la relation avec les départements, je pense que la signature du contrat de plan va nous donner l'occasion d'organiser une concertation plus poussée entre l'Etat, la région et le département. Cela fera partie de nos travaux dans les mois qui viennent, lorsqu'on examinera les procédures et le document de mise en _uvre ; nous verrons, à ce moment-là, comment nous pouvons impliquer les départements.

M. le Président : En fait, monsieur le préfet, les conseils généraux, qui possèdent leurs territoires, vont-ils favoriser la création de pays ?

M. Hubert Fournier : Les départements ne se comportent pas tous de la même façon. Dans l'Orne, par exemple, il y a eu à la fois un développement de l'intercommunalité et des pays - donc une structuration du département -, avec une couverture totale. Dans la Manche, la question du nord Cotentin n'est pas réglée. Dans le Calvados, enfin, des initiatives ont été prises, mais avec un manque de cohérence qui peut poser des problèmes.

Nous nous sommes posé la question, dans notre démarche, de savoir comment l'on pouvait éviter que des zones restent en dehors de cette dynamique. C'est toute la difficulté de concilier deux impératifs : d'une part, laisser l'initiative de constitution de pays aux élus locaux, et, d'autre part, l'établissement d'une certaine cohérence.

Ce volet territorial va donc être l'occasion pour l'Etat, la région et le département, de se retrouver pour tenter d'établir cette cohérence d'ensemble. La question des limites départementales est une vraie question. En Basse-Normandie, je vous l'ai dit, cette question se pose pour le bocage ornais, le bocage virois et le prébocage virois ; en outre, nous avons un pays d'Auge ornais et un pays d'Auge calvadosien.

Et une autre question se pose : la taille des pays. Faut-il créer des pays très vastes ou bien de taille limitée ?

M. le Président : Je suis élu d'un pays interdépartemental qui recouvre une partie du département des Côtes-d'Armor, du Finistère et du Morbihan : le pays du Centre Ouest Bretagne. Il s'agit d'une expérience qui a maintenant cours depuis quelques années et qui commence à avoir une existence de fait.

Jusqu'à présent, il s'agissait d'un pays conçu comme étant un territoire d'études et de projets. Il ne comporte pas de grandes villes, mais toute une série de chefs-lieux de cantons, contrairement à certains pays qui se rassemblent autour d'une ville centre. Les caractéristiques des pays seront différentes, par conséquent, les approches aussi.

M. Gérard Hamel : Dans ma région, la question du rôle et de la place de l'agglomération se pose dans de nombreux endroits ; est-elle réellement partie prenante, ou est-ce une identité particulière consultée par le pays ? Certaines agglomérations souhaitent garder, par rapport au pays, une certaine indépendance et ne participer qu'aux réflexions d'ordre global.

M. Hubert Fournier : Je prendrai l'exemple de Caen. Ce sont plutôt les élus de l'agglomération de Caen qui sont partisans d'un pays de Caen. Autrement dit, ils sentent bien l'importance d'articuler l'agglomération elle-même et son arrière-pays.

Nous n'en sommes qu'au début de la démarche, et comme actuellement un débat est en cours sur la transformation éventuelle du district en communauté d'agglomérations, les deux débats ont tendance à s'interpénétrer.

M. le rapporteur : Je voudrais revenir sur votre vision des "emboîtements" et des cohérences. Au sujet des "emboîtements" contractuels, tout d'abord, contrat de ville, contrat d'agglomération, contrat de pays, contrat de plan Etat-région, avec des emboîtements partiels mais pas totaux : la réflexion est-elle achevée ou en êtes-vous au début ? La région, par exemple, a-t-elle fixé au préalable ce qu'elle entendait mettre sur les contrats de ville, d'agglomération ou de pays ?

Par ailleurs, où en est la région dans la cohérence et l'établissement d'autres planifications ? Le schéma régional d'aménagement durable du territoire (SRADT) donne une image à 20 ans et qui, théoriquement, inclut la réflexion et la politique présentées dans le contrat de plan Etat-région, alors que dans de nombreuses régions, on a travaillé dans l'urgence et le SRADT est en train, aujourd'hui, de s'ajuster.

En outre, où en êtes-vous dans l'établissement de la réflexion régionale sur les schémas de services collectifs ? On a, en quelque sorte, une double cohérence : celle de la politique contractualisée et celle des schémas de planification qui donnent une image sur une durée plus longue ; la seconde conditionnant partiellement la première, alors que, souvent, on a privilégié la première.

Deuxième question, vous avez parlé d'ingénierie. Des crédits sont ouverts dans le cadre contractuel ; là comme ailleurs, ne remarque-t-on pas une dichotomie entre l'ouverture de crédits et les moyens réels d'ingénierie ?

Enfin, il serait indispensable que l'on puisse avoir, pour certains projets territorialisés, une forme de suivi. Les documents de mise en _uvre que vous allez produire vont être particulièrement importants. Et le suivi annuel sera également un élément très intéressant. Il serait donc très souhaitable, pour nous, de suivre un projet original.

M. Hubert Fournier : En ce qui concerne votre question sur l'emboîtement contractuel, nous ne sommes sûrement pas au bout de la réflexion ! Mais nous avons, par exemple, clairement identifié ce qui sera inscrit dans les contrats de ville.

Quant au schéma de développement de la région, cette dernière a mis au point un document d'analyse et de prospective qui a servi de base à la réflexion pour l'établissement du contrat de plan. Deux démarches ont, en fait, été entreprises : l'une du conseil régional, associant très largement le conseil économique et social régional, et l'autre de l'Etat - sur les stratégies de l'Etat en région -, qui ont permis d'échanger des points de vue sur les objectifs, les actions à mener et sur l'effet de levier des opérations que l'on pourrait retenir.

En ce qui concerne les schémas de services collectifs, il s'agit d'un exercice qui, étant un apport à un schéma national, n'est pas tout à fait un schéma régional. Cependant, même si les démarches ont été parallèles, certains éléments ont pu être utiles pour la mise au point du contrat de plan.

S'agissant de votre dernière question relative à l'ingénierie, je pense que les capacités sont suffisantes, sachant par ailleurs que nous sommes proches de l'Ile-de-France.

M. Yves Duruflé : La réponse a en fait deux volets. Un volet régional, où l'on s'appuie déjà sur des structures intercommunales qui ont une histoire et un certain nombre de moyens humains qui permettent de contribuer à l'élaboration de ces projets. Et un second volet où l'on prend en compte la proximité de la région Ile-de-France ; il est en effet assez facile de trouver des compétences extérieures qui viendraient travailler à la demande sur l'élaboration de projets bien définis.

M. le rapporteur : En fait, il convient de déterminer comment se réalise l'équité territoriale, car je ne suis pas sûr que dans le Massif-Central, on ait les mêmes possibilités !

M. Hubert Fournier : Je n'ai pas répondu à votre demande de suivi d'un projet : je pense que le contrat d'agglomération sera prêt le premier, et notamment celui de Caen. Et, bien entendu, il nous sera possible de vous donner un certain nombre d'informations, non seulement sur le contrat lui-même, mais également sur les mécanismes de suivi.

M. Serge Poignant : Vous n'avez pas parlé, en ce qui concerne "l'emboîtement" et la cohérence, des contrats de pays.

M. Hubert Fournier : Les difficultés que nous rencontrons concernent surtout les contrats de ville, d'agglomérations, ou les grands projets urbains. Les contrats de pays nous paraissent en revanche relativement simples.

Quant aux agglomérations faisant partie d'un pays, on peut prendre l'exemple de Caen, nous ferons le contrat d'agglomération bien avant le contrat de pays. Ce dernier tiendra donc compte de l'existence de l'agglomération, ce qui permettra de compléter, pour l'ensemble du pays de Caen, le dispositif prévu dans le contrat d'agglomération.

M. Henri Nayrou : Monsieur le préfet, avez-vous le sentiment que les départements de votre région prennent ombrage du fait que les pays puissent contractualiser directement avec la région ?

Deuxièmement, vous êtes préfet de la région Basse-Normandie ; or il est étonnant de voir une région de Basse-Normandie et une région de Haute-Normandie !

Troisièmement, je voudrais connaître votre sentiment en ce qui concerne l'existence des strates successives suivantes : d'une part, les communes, les communautés de communes et les cantons, et, d'autre part, les agglomérations, les pays, les départements et la région.

Enfin, combien de temps faudra-t-il aux schémas de services collectifs pour s'installer dans le paysage ?

M. Pierre Cohen : On sent bien que les schémas de services collectifs relèvent d'une logique nationale, mais maintenant, dès que l'on aborde le thème de la réforme, l'opposition à celle-ci est fondée sur le problème de l'aménagement du territoire. La réaction des élus démontre que l'on doit réellement repenser toute évolution des schémas de services collectifs en fonction de la notion d'aménagement du territoire.

Les territoires émergents, agglomérations et pays, devront s'approprier cette réflexion qui ne peut pas être uniquement un débat national.

M. le Président : Comment réagissez-vous face à ces différents niveaux de contrats au regard du problème du maintien du service public ? Comment se fait le croisement des décisions verticales des administrations par rapport aux structures plus transversales auxquelles nous faisons référence ?

Ma seconde question recoupe la remarque de M. Henri Nayrou concernant la Basse et la Haute-Normandie, même si, je le reconnais, je ne suis pas compétent pour décider s'il vaut mieux une grande Normandie que deux plus petites. Mais existe-t-il une coopération dans le cadre du contrat de plan ? Y a-t-il une partie interrégionale entre la Basse et la Haute-Normandie ? Par ailleurs, existe-t-il un volet territorialisé à la limite des deux régions ?

M. Hubert Fournier : Monsieur le président, messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir me pardonner si je ne réponds pas de façon complète à toutes vos questions, certaines relevant du domaine politique.

Premièrement, les départements s'opposent-ils à la territorialisation ? J'ai le sentiment que la dynamique est lancée en Basse-Normandie, certains départements, tel que l'Orne, étant même en pointe. Non, je ne crois pas qu'il y ait de résistance ; en revanche, il peut y avoir des débats sur les limites des pays, ce qui, d'ailleurs, fait partie de mes soucis. Il sera nécessaire, à un certain moment, de réunir tous les partenaires afin d'instaurer une vraie cohérence, rendue d'autant plus nécessaire par l'existence du volet territorial.

S'agissant de l'existence de deux régions en Normandie, j'ai trouvé cette situation en arrivant ! Ce qui est important, c'est que l'on puisse, avec mon collègue de Haute-Normandie, identifier les domaines dans lesquels nous pouvons travailler ensemble ; et la préparation de la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine est une bonne occasion d'engager un travail en commun, à la fois entre nous et entre les élus des deux régions. Je constate pour ma part, qu'en quelques mois, le fait d'être appelés à une réflexion de ce type, nous a permis de nouer des contacts beaucoup plus intéressants.

M. Le Président : Quelle est la partie qui pousse le plus au rapprochement : la partie maritime ou la partie intérieure ?

M. Hubert Fournier : C'est, pour l'essentiel, l'estuaire.

Mais nous avons d'autres actions en commun, telles que le pôle universitaire normand qui a pour but de conjuguer les actions des universités des deux régions. De même, l'institut régional de la qualité alimentaire - que nous avons décidé d'aider dans le cadre du contrat - est une initiative de la chambre d'agriculture interrégionale, elle réunit donc les deux Normandie. En outre, les actions menées par Normandie Développement, société de développement régionale mise en place par la DATAR, permettent de nous rejoindre sur des actions communes.

Enfin, l'opération Normandie-Val de Seine, concernant une éventuelle liaison entre la Normandie et la région parisienne, conduit les deux conseils régionaux de Normandie à travailler en commun. Si ce projet était mené à terme, nous aurions à la fois une amélioration du temps de parcours vers Paris, et une connexion, à Paris, vers le réseau TGV. Nous sommes optimistes, car le ministre de l'équipement a récemment indiqué que ce projet était pertinent ; des études lourdes vont donc s'engager. La seule approche qui puisse être la mienne - et celle de mon équipe - dans ce débat, est non pas de prendre parti, mais d'identifier les actions sur lesquelles nous pouvons travailler ensemble.

M. Henri Nayrou : Pour en revenir à la territorialisation, le problème, demain, sera le niveau de cohérence. En effet, nous avons une cohérence pour les communautés de communes, nous allons en avoir une dans les contrats d'agglomération et les contrats de pays. Ensuite, la cohérence va de facto s'imposer à la fois aux départements et aux régions.

Je prendrai l'exemple de l'Aude, département tiraillé entre les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon : il est clair que si l'on pousse la cohérence jusqu'au bout, on sera obligé de le partager en deux. Tel est le débat auquel nous allons être confrontés ; débat que la loi Chevènement du 12 juillet 1999 n'a pas voulu ou n'a pas pu prendre en compte, mais dès lors qu'on a mis le doigt sur les bassins de vie cohérents, on sera conduit à faire sauter les limites des départements, vieilles de 200 ans.

M. Hubert Fournier : Il me semble nécessaire, pour que les pays fonctionnent bien, qu'il y ait une intercommunalité permettant de les structurer intelligemment ; il s'agit là à la fois de la cohérence et d'une plus grande facilité de travail. Si un pays regroupe 200 communes, il sera difficile de réunir 200 maires tous les mois pour travailler ; s'il existe des intercommunalités qui le structurent, il sera bien plus facile de travailler.

Il est évident que nous allons vivre, dans les années qui viennent, des logiques de territoire qui seront différentes les unes des autres ; et c'est l'avenir qui nous dira s'il convient de procéder à de nouveaux découpages.

M. le Président : Monsieur le préfet, je vous remercie.

Audition de M. Jacques Chérèque,

ancien ministre de l'aménagement du territoire,

conseiller régional

Réunion du mercredi 15 mars 2000

Présidence de M. Philippe Duron, président

M. le Président : Mes chers collègues, c'est un plaisir de recevoir M. Jacques Chérèque qui fût le Ministre que nous savons, qui est conseiller régional et conseiller général aujourd'hui et à qui je souhaite la bienvenue au nom de cette Délégation à l'aménagement du territoire où il aurait eu toute sa place s'il avait été notre collègue dans cette Assemblée.

La Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan Etat-région en cours de signature et de s'intéresser à un thème plus particulier qui est celui du volet territorial des contrats.

Nous souhaitons que cette réunion porte essentiellement sur ce sujet. Nous avons déjà entendu sur ce thème les associations d'élus régionaux et départementaux, la collaboratrice du Premier Ministre et les collaborateurs de la DATAR.

Nous sommes allés la semaine dernière rencontrer à Châlons-en-Champagne le préfet de la région de Champagne-Ardenne, le président de la région et les présidents de groupe au conseil régional ainsi que le président du Conseil économique et social régional.

Ce matin, mes collègues ont auditionné le préfet de la région Basse-Normandie et le Secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), et la semaine prochaine nous recevrons le préfet du Nord-Pas-de-Calais et son SGAR.

Dans votre rapport de mai 1998 intitulé "Plus de région et mieux d'Etat", vous faisiez une série de propositions, vous suggériez notamment de présenter deux volets du contrat de plan Etat-région, un volet macro-régional et un volet infra-régional.

Vous proposiez également de mettre l'accent sur le développement local et de contractualiser avec les pays et les agglomérations.

Ces suggestions ont été reprises par le Premier Ministre lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de juillet 1998 et confirmées dans la loi d'orientation et d'aménagement du territoire.

Aujourd'hui, les préfets et les présidents de région ont à faire un exercice un peu difficile : comment financer ces futurs contrats, comment réserver les crédits nécessaires pour que ce développement local puisse s'inscrire dans la réalité, puisse devenir efficace et être un des moteurs du développement territorial demain  ?

Tel est notre premier thème d'étude.

Je vais donner la parole à notre rapporteur qui va probablement essayer d'introduire plus précisément les questions qu'il souhaite voir traiter dans cette première série d'auditions en vue de l'établissement d'un rapport et de propositions au Premier Ministre et à la Ministre de l'Aménagement et du Territoire.

M. le rapporteur : Nous souhaiterions avoir le point de vue de M. Jacques Chérèque sur l'intercommunalité, les contrats de plan et la contractualisation territoriale.

Les régions avaient pour certaines - presque toutes - des politiques qui leur étaient propres, déjà territorialisées, hors contrat, et il serait intéressant de savoir ce qu'elles sont devenues et d'examiner leurs caractéristiques actuelles.

Nous centrerons un certain nombre de questions sur les points suivants.

Premièrement, quel visage a votre région par rapport à la politique contractuelle territoriale, en particulier, où en sont les agglomérations et les pays, quelles sont les préfigurations, quels sont les pays déjà déclarés  ?

Qu'en est-il des problèmes "d'emboîtement" des différents contrats (contrats de ville, contrats d'agglomération, contrats de pays, contrats Etat-région), ce phénomène comportant des risques de redondance, ou au contraire de non-recouvrement ?

Quelle est la cohérence d'ensemble entre contrat de plan Etat-région et schéma régional d'aménagement du territoire (SRADT) et de quelle manière a été discutée l'inclusion du contrat de plan Etat-région dans une planification plus large, à savoir les schémas collectifs, que nous aborderons plus tard  ?

La deuxième question porte sur l'ingénierie de projet. Au-delà des crédits réservés à l'ingénierie par le biais du FNADT par exemple, comment celle-ci se met-elle ou se mettra-t-elle en place, concrètement, sur le terrain, notamment en ce qui concerne les moyens humains  ? La région dispose-t-elle de forces internes ou doit-elle aller chercher des aides ailleurs  ?

Au-delà de l'ingénierie de projet se pose la question de l'ingénierie de formation : on sent que l'on rencontre des difficultés avec l'implication d'organismes plus ou moins bien reconnus selon les régions.

Nous avons vu que c'était différent pour les régions Alsace-Lorraine ou Centre ou Champagne-Ardenne selon la politique de la région. En particulier, l'implication des missions locales, dans un certain nombre d'actes de développements territoriaux, est variable. Les missions locales d'arrondissement sont territorialisées et pourtant elles restent attachées à la ville qui les finance, et ne sont pas perçues comme un outil de développement.

M. Jacques Chérèque : Je vous remercie de m'avoir invité à cet échange. Cette problématique de la territorialisation au sens local du terme des contrats de plan ne date pas de cette génération.

Je rappelle - et ce n'est pas une immodestie de ma part - que la deuxième génération des contrats de plan de 1988/1993, que j'ai eu la responsabilité de conduire dans sa phase d'élaboration, avait prévu des programmes d'aménagements concertés du territoire (PACT), qui découlaient de l'expérience que j'avais eue pendant quatre ans comme préfet en mission spéciale chargé du redéploiement industriel de la Lorraine, du point de vue territorial, économique et social.

Puis, l'intercommunalité a évolué avec la loi du 6 juillet 1992 et celle du 4 février 1995 qui, pour la première fois, a inclus cette notion de pays. Le CIAT de 1997 et celui de 1998 sont allés plus loin.

Madame Dominique Voynet, Ministre de l'Aménagement du Territoire, m'a confié, après le CIAT de 1997, une mission qui a conduit à ce rapport intitulé "Plus de région et mieux d'Etat" formulait 33 propositions. Je me suis efforcé de l'assortir d'un préambule qui donne à la fois la philosophie et les raisons politiques des propositions que j'ai faites.

Il faut réfléchir au volet territorial à l'épreuve de l'évaluation des trois générations de contrats de plan, la première 1984-1988, la seconde 1988-1993,et la dernière qui a été rallongée d'un an.

J'ai été frappé par le fait que l'on arrivait presque toujours à se mettre d'accord, après d'âpres discussions, pour construire le volet essentiel du contrat de plan, à savoir les grands équipements, les routes, les autoroutes.

Les contrats de plan portaient sur le partage des compétences de l'Etat d'un point de vue financier : la région allait contribuer avec l'Etat à payer les routes, voire les autoroutes, les réseaux ferroviaires, les universités.

Le contrat de plan était devenu une entente entre l'Etat et la région sur la question fondamentale du financement des compétences de l'Etat. Il s'agissait souvent d'objectifs pertinents et nécessaires pour le développement de la région, l'Etat lui demandant des moyens financiers supplémentaires pour accélérer la mise en _uvre des projets.

Les grands défis de la mondialisation, de l'ouverture des frontières, des évolutions technologiques, voire des aspirations fondamentales des concitoyens étaient oubliés.

Le contrat de plan n'était pas une discussion entre partenaires majeurs. Or, même si ceux-ci ont des responsabilités différentes, la loi de décentralisation donne une certaine autonomie et une responsabilité à la région sur l'élaboration de son projet.

La discussion ne portait pas sur la nécessité d'une approche décentralisée ou déconcentrée de l'Etat, sur la manière dont l'Etat considérait la région concernée, et comportait encore moins souvent une réflexion de fond de la part de celle-ci, sur sa responsabilité de faire un diagnostic en profondeur de ses atouts, de ses handicaps, de son positionnement dans les grands défis nationaux et internationaux et sur l'élaboration d'un projet.

Par conséquent, les régions arrivaient à se mettre d'accord avec l'Etat sur les grands équipements, mais tout cela correspondait assez peu à la définition que l'Etat donnait au fil des ans aux grandes priorités de l'aménagement des territoires.

Le CIAT de 1997 avait d'ailleurs mis l'accent sur la nécessité de promouvoir une solidarité des territoires, de renforcer le positionnement des agglomérations, de valoriser la qualité des territoires et des hommes et d'essayer de progresser dans le partenariat et la démocratie participative.

De plus, étant donné la façon dont s'élaborait le contrat de plan, il n'était pas évident que la dynamique globale réduisait les inégalités entre les régions. Les contrats de plan ne contribuaient d'ailleurs pas à placer la région dans une bonne position dans les grands défis que je viens d'évoquer ; ils ne permettaient pas une meilleure harmonie des territoires et un plus grand équilibre entre les territoires d'une région et ne remédiaient pas au déséquilibre entre zones urbaines et zones rurale - quoique je pense qu'il n'existe pas d'un côté des territoires urbains et de l'autre des territoires ruraux, mais des territoires profondément ruraux et d'autres plus complexes.

Ma proposition était double : la région doit exercer sa responsabilité, l'Etat doit exercer la sienne et, dans un deuxième temps, il doit y avoir une concertation, voire une confrontation. On essaie alors d'établir des convergences d'objectifs et de points de vue, chacun selon ses responsabilités. A partir de là, on commence à élaborer un projet commun, puis un contrat commun. Il doit permettre, dans le cadre de l'intercommunalité, de réfléchir ensemble sur le développement économique et l'aménagement de l'espace pour pallier la dispersion des 36 000 communes françaises, pour mener des stratégies. Il faut aussi sans doute que des intercommunalités se fédèrent dans des territoires plus vastes.

On évoque la nécessité de territoire "conséquents", "pertinents", j'ai employé le terme "conséquent" parce que le terme "pertinent" me paraît subjectif. Qui décide de la pertinence  ? "Conséquent" veut dire qu'il s'agit d'un morceau de territoire comptant dans la région, au sens d'un grand bassin territorial.

Le terme "agglomérations" me paraissait clair, nous savons ce qu'est une agglomération. Cela fédère plusieurs intercommunalités et c'est un territoire dans lequel la stratégie commune de l'Etat et de la région s'exerce et dans laquelle aussi - c'est la dimension de la participation - on n'agit pas sur le développement simplement par une concertation des responsables politiques, mais aussi avec les forces économiques et sociales.

Une autre idée forte était de dire que le développement est le produit d'une vision "par le haut" avec des responsables élus dans ce but, mais aussi le produit d'une approche "par le bas" avec tous ceux qui concourent au développement du territoire concerné, qu'ils soient des acteurs politiques à la tête des intercommunalités, des acteurs économiques en réseau, fédérés ou non, ou des acteurs associatifs dans tous les domaines ; le développement est le produit de cette interaction.

Dans mon rapport, un territoire plus un projet plus une stratégie égalent un contrat.

L'approche du contrat d'agglomération et du contrat de développement part de la même idée politique.

Bien sûr, cela varie, les contenus sont différents, mais il n'y aurait pas un type de contrat particulier aux agglomérations, et un autre pour les autres territoires.

L'idée forte est que s'il y a un projet, il faut qu'il y ait un territoire bien sûr, mais comme ce n'est pas un échelon administratif ou une nouvelle intercommunalité infra-départementale ou super-départementale, c'est un lieu où l'on élabore ensemble le projet avec ses priorités. Il s'agit d'une démarche de partenaires et il en résulte que - c'est peut-être là que cela blesse -, en amont, pour élaborer le projet, on concerte élus, forces économiques, forces sociales.

On élabore le projet, puis celui-ci donne lieu à un programme, à des objectifs précis et éventuellement à un contrat. La maîtrise d'ouvrage du contrat avec son programme n'appartient pas aux partenaires d'une manière indistincte, elle appartient aux élus, c'est-à-dire aux communes, aux intercommunalités. Toutefois, la démarche en amont est une démarche de démocratie participative où des acteurs élaborent ensemble le projet.

Il est vrai que tout ceci ne s'est pas mis en place dans une logique temporaire, cela s'est mis en place parce que les contrats de plan venaient à échéance le 31 décembre 1999, et que devait se mettre en route le processus d'élaboration des contrats de plan de la nouvelle génération ; on ne pouvait pas, en effet, dépasser le 31 décembre 1999, puisque leur durée avait déjà été rallongée d'un an. En même temps, s'élaboraient les schémas de services collectifs et la loi Chevènement sur l'intercommunalité du 12 juillet 1999.

La raison aurait voulu que l'année 2000 soit consacrée à la mise en place de la réflexion sur le schéma régional d'aménagement du territoire, de la LOADDT, de la réflexion des services et qu'au terme de ce processus, nous ayons l'opération de contractualisation qui aurait découlé de cette approche logique. Or, l'élément clef qui a impulsé la dynamique et le processus des contrats de plan est moins la LOADDT et la loi Chevènement du 12 juillet 1999 que la circulaire de juillet 1998 du Premier Ministre.

J'ai trouvé beaucoup de satisfactions dans cette circulaire qui donnait des instructions aux préfets et faisait des propositions aux présidents de région, et je trouve que la LOADDT n'a pas obligatoirement clarifié les choses.

Pour répondre à vos questions, je n'ai pas une vision nationale mais je peux dire ce que j'ai proposé, ce qui m'a paru être retenu, les orientations qui ont été prises. Mon expérience est celle de la région Lorraine où, comme partout ailleurs, nous avons conclu un contrat de plan ; le représentant de l'Etat a fait son travail de diagnostic et de proposition d'une stratégie de l'Etat dans la région.

Je n'ai pas de critique à formuler vis-à-vis du représentant de l'Etat. Ses services ont vraiment fait un travail d'analyse et de diagnostic, une proposition d'orientation stratégique, dont on partageait tout ou rien, l'essentiel ou un certain nombre de points.

Du côté de la région, il a été difficile de se mettre dans la dynamique d'élaboration du diagnostic et du projet. Finalement, le débat du contrat de plan n'a pas débouché de manière satisfaisante sur une confrontation, ou sur une concertation sur les problèmes fondamentaux : quels sont du point de vue de l'Etat d'une part, de la région d'autre part, les grands défis, les grands enjeux  ? Nous sommes tombés sur le plus petit dénominateur commun, qui était malheureusement, plus classiquement, le débat sur les routes, les universités,...

Si bien que le volet territorial est resté un volet de principe et que le lieu de cette concertation et de cette confrontation qui était la conférence régionale d'aménagement durable du territoire (CRADT), - historiquement, c'est Madame Edith Cresson qui a eu l'idée d'une conférence régionale pour les contrats 1988-93, vers l'année 1991 ou 1992, à partir de la proposition faite avec la DATAR -, n'a pas été utilisé dans l'exercice qui vient de se terminer. Son rôle a été réaffirmé dans la circulaire du Premier Ministre et, de l'expérience que j'en ai, cela n'a pas été inutile.

Mais elle s'est réduite à un forum où la concertation s'est peu développée par défaut de volonté politique de la part du conseil régional qui avait du retard sur l'élaboration de son projet ; comme la CRADT est coprésidée, si l'un des deux acteurs est en retard ou ne joue pas le jeu, le résultat n'est pas satisfaisant. Tous les partenaires étaient présents, les chambres de commerce, les syndicats, les forces économiques, c'était de temps en temps un lieu intéressant, cela aurait pu l'être davantage, mais en fait cela a été un vaste forum où chacun parlait de son objectif particulier.

Nous sommes donc dans une certaine incertitude dans la deuxième phase où devraient se décliner les contrats de pays et les contrats d'agglomérations et ceci pour deux raisons essentiellement.

La première, c'est que je n'ai pas senti vraiment la volonté d'avoir un regard croisé sur les grands enjeux macro-économiques et sur leur impact sur les territoires, et sur les agglomérations. Quelle est la fonction des agglomérations dans la région  ? Quel rôle ont-elles dans la structuration de celle-ci, y compris des grands enjeux  ?

Il en résulte que l'expression qui monte des territoires n'a pas pu aboutir à la mise en valeur de la cohérence qu'il pourrait y avoir entre, d'une part, les attentes des territoires conséquents, agglomérations ou parties de territoires dans les pays et, d'autre part, les grands enjeux du contrat de plan macro-régional, parce que ce débat n'a pas eu lieu dans la CRADT.

Maintenant des réflexions se font jour, mais celles-ci restent marquées au coin d'une démarche un peu reconventionnelle des attentes des agglomérations et des pays.

Nous avons trois ans pour achever ce processus. La Lorraine, et particulièrement le département dont je suis le premier vice-président, a une vieille pratique d'une intercommunalité de projets, nous avons donc déjà sur le territoire du département des pays expérimentaux nés de la loi Pasqua du 4 février 1995.

Pour les grandes agglomérations qui marquent le territoire, le contrat d'agglomération s'élabore d'une manière classique, c'est-à-dire dans les commissions et à travers les outils techniques que se sont données les agglomérations, les agences d'urbanisme etc.

Or, dans mes propositions, le contrat de ville aurait dû être l'axe social d'une véritable solidarité, d'un projet de développement, ce qui ne fait pas simplement du contrat de ville un supplément d'âme sociale mais un élément stratégique.

Si je caricature, les contrats de ville, également pour les raisons précédemment citées, la LOADDT, la loi Chevènement, font presque l'objet d'une contractualisation à part et le contrat d'agglomération s'y ajoute, si bien que la cohérence entre le contrat de ville et le contrat d'agglomération n'est pas évidente.

Le contrat d'agglomération reste un exercice maîtrisé, pour ne pas dire plus, par les élus et les outils techniques que se sont données les grandes agglomérations ; cet exercice n'est pas en amont le produit d'une concertation entre les acteurs qui font l'agglomération ou le territoire ou le pays.

Quant à l'ambition de faire participer les citoyens, je dirais que je ne crois pas à la génération spontanée. On ne passe pas de l'organisation d'une communauté urbaine composée de comités syndicaux élus à une étape ultérieure, spontanément.

On commence en effet à travailler avec des réseaux associatifs, des chambres de commerce, des chambres de métier, des réseaux sportifs, des réseaux culturels et, on diffuse la démocratie auprès des citoyens. Plus on rassemble de réseaux, plus on touche une multitude de citoyens ; toutefois, la possibilité d'élaborer un contrat de pays ou d'agglomération, de le soumettre à la concertation voire à l'approbation des citoyens, représente un saut qualitatif que je souhaite, mais que nous n'avons pas encore réalisé.

En ce qui concerne les financements, on constate dans certaines régions, comme en Lorraine, une longue pratique d'intercommunalité conventionnée. Dans le département de Meurthe-et-Moselle, il existe des conventions de développement local entre le département et les établissements publics de coopération intercommunale sur les thèmes de projets.

Ces EPCI sont presque tous transformés en communauté de communes pour bénéficier de la dotation globale mais la plupart d'entre eux ont déjà une habitude de travailler avec des réseaux culturels, associatifs, sportifs, d'avoir une vision transversale des objectifs à travers les territoires.

C'est déjà un palier et nous l'avions amorcé dans les années 1988 : parce que nous avions les problèmes des bassins de conversion, des bassins houillers, nous avions créé des programmes d'aménagement concertés (PACT), des vallées textiles, des bassins charbonniers, des vallées sidérurgiques. Nous avions cet acquis, qui a continué en 1993 dans la dernière génération des contrats de plan , s'y ajoutaient des conventions de développement régional sur des espaces plus grands que les EPCI de proximité préfigurant nos pays, avec un comité de pilotage commun entre la région et les départements.

Dans ces PACT, l'Etat participait à des programmes spécifiques. Nous avons bénéficié d'un programme qui nous obligeait à avoir une vision "diagnostic-projet-territoire" et "territoire-diagnostic-projet" sur des bassins importants correspondant à des arrondissements charbonniers, sidérurgiques, ferrifères, textiles.

Je suis resté sur ma faim par rapport à la dynamique que portait la circulaire du Premier Ministre, et je trouve que le décret d'application de la loi - qui n'est pas publié, mais dont nous connaissons la teneur - a une approche trop méthodologique et pas assez pragmatique.

Je ressens un peu la loi comme étant très méthodologique, voire très technocratique, et je croyais que le décret d'application sur les pays allait redonner un peu de souffle à cette dynamique, en portant plus sur l'esprit de la loi, peut-être la circulaire en redonnera-t-elle davantage.

Le "carburant", c'est-à-dire le financement, va nous manquer également. Dans ma région, le conseil régional, compte tenu de son expérience, a créé un Fonds régional d'aménagement du territoire (FRAT), qui correspond au FNADT déconcentré. En principe, une concertation devrait avoir lieu, à l'intérieur du contrat de plan, sur les grands espaces que l'on a à peu près dessinés, et nous devrions retenir ensemble des objectifs communs financés par le FNADT et par le FRAT.

J'avais proposé que soit créé un fonds régionalisé, m'appuyant sur l'expérience que j'avais eu du FRIL, le Fond régionalisé d'initiative, qui avait été très apprécié, parce qu'il était un fonds déconcentré auprès du Préfet de région avec une grande souplesse et une rapidité d'utilisation, mais l'existence de ce fonds régionalisé impliquait que le conseil régional et l'Etat dans la région s'entendent sur des objectifs.

Je crains fort, même si c'est un progrès d'avoir un FRAT et un FNADT déconcentré, qu'il n'y ait pas articulation entre ces deux fonds régionaux sur des objectifs communs. Nous risquons d'avoir deux implications parallèles sur les territoires.

J'ai fait l'impasse sur les fonds structurels, qui sont aussi modifiés fondamentalement, mais dont la simplification outrancière pose problème, d'autant que le débat n'a pas eu lieu. Le fonds structurel, lorsqu'il intervient sur un territoire, est-il un plus pour un territoire et a-t-il une cohérence avec les priorités du territoire ?

Je n'ai pas ressenti que la réforme des fonds structurels européens portait sur ce thème, chacun se contentant de réclamer des crédits. A ce sujet, la DATAR a plus que moi une vision nationale, je suis un peu dans l'expectative.

Il a été positif de donner trois ans à la montée en puissance des territoires mais, derrière tout cela, il est nécessaire de clarifier les enjeux. Une bataille doit être menée car beaucoup sont hostiles pour des raisons diverses au développement de la démocratie participative.

On remarque une frilosité dans la mise en _uvre des territoires. Nombreux sont ceux aussi qui, à travers ce qu'ils appellent le développement local, entretiennent un clientélisme de bon aloi ; or, à partir du moment où l'on a une démarche de partenaires, de projet et de stratégie, on réduit considérablement la possibilité pour un conseil général ou un conseil régional de continuer dans cette voie.

D'ailleurs, les collectivités territoriales, dans leurs exécutifs régionaux, départementaux ou intercommunaux ne sont pas seules en cause, cette dynamique percute aussi de plein fouet les habitudes de l'Etat.

J'ai été préfet et ministre, je sais donc ce que représente l'Etat, mais je pense qu'il est important que le citoyen s'y retrouve ; plus les centres de décision s'éloignent, plus les enjeux du développement à connotation économique posent des effets d'échelle et des effets de seuil. Si, sur le territoire, on n'implique pas les individus dans ce qui les touche directement (exclusion, emploi et conditions de vie), si on ne montre pas que la politique d'aménagement des territoires est aussi la prise en compte des besoins de la population, les résultats se font attendre.

M. le Président : Votre intervention a permis de recouper des débats que nous avons eus. Je pense que nous n'avons pas souhaité être trop méthodologiques dans la loi mais nous l'avons été un peu par sédimentation des demandes et par nécessité de trouver des majorités et des consensus.

Il est vrai que les décrets ont tendance à être un peu redondants par rapport aux dispositions législatives. Le décret sur les pays est un peu une réécriture de l'article 25. C'est un peu dommage.

Pour le groupement d'intérêt public (GIP), nous souhaitions la plus grande souplesse possible, mais on sent bien que le ministère de l'Intérieur a des craintes au sujet de cette espèce d'objet mal identifié et a souhaité retrouver une capacité de contrôle, notamment de contrôle de légalité.

M. Jacques Chérèque : J'ai regretté que le conseil de développement, qui est un "portail", pour employer le vocabulaire d'Internet, par lequel passent le projet et la confrontation des partenaires, soit un peu devenu dans la loi et dans le décret un élément secondaire que l'on consulte deux fois par an.

J'imaginais qu'on passait par le portail, qu'on élaborait le programme et qu'à partir du moment où étaient dégagés des fonds publics, il appartenait aux élus d'avoir la responsabilité de leur gestion.

M. le Président : Dans la loi, nous n'avons pas souhaité que ce soit simplement un organe consultatif, mais nous avons mis un filet de sécurité pour qu'il soit au moins consulté deux fois par an. Cependant, dans l'esprit des collègues qui ont travaillé sur ce texte, il s'agit évidemment d'un outil de proposition et d'élaboration du projet. Les débats parlementaires sont assez nets à ce sujet.

M. Jacques Chérèque : On ne sent pas fortement la volonté que c'est un point de passage, pas obligatoire, mais un point de passage presque préalable.

Si je regarde le contrat d'agglomération, il se fabrique in vitro sur la ville avec les outils techniques et technocratiques que s'est donnée l'agglomération - par exemple une agence d'urbanisme - et, comme il est élaboré sous la houlette de l'exécutif majoritaire, il est soumis à la délibération d'une assemblée d'élus.

Et si je caricature, on réunira éventuellement, ensuite, les forces économiques, les forces sociales pour leur demander ce qu'elles en pensent. Si elles en pensent le plus grand bien, tant mieux, si elles en pensent le plus grand mal, tant pis.

M. Le Président : A ceci près que la grande difficulté est de juger aujourd'hui de la pertinence de ces outils que sont les conseils de développement, dans la mesure où les agglomérations et les pays au sens de la loi Voynet ne sont pas encore arrêtés par les préfets. Nous avons seulement un exercice d'élaboration des projets préalable à la mise en place d'une institution. C'est ce qui pose problème aujourd'hui, me semble-t-il.

Mais nous avons souhaité dire que le conseil de développement était le lieu de l'élaboration du pays ou de l'agglomération et qu'il était aussi un organisme souple. Par exemple, nous avons souhaité une grande liberté de constitution du conseil de développement, alors que nous avions un certain nombre de demandes d'institutions, notamment de chambres consulaires qui souhaitaient être mentionnées dans le texte de loi et être les partenaires exclusifs du monde économique ; cela nous a semblé être une prétention excessive, cela nous a semblé aussi être une contrainte qui n'était pas forcément opérationnelle partout sur le territoire. C'est pourquoi nous n'avons pas été trop en aval sur la définition du conseil de développement. Il en est de même pour la présence des associations.

En effet, les associations reconnues posent des problèmes dans la mesure où cette reconnaissance est souvent nationale et, sur le territoire, les associations qui ont une dimension nationale ne sont pas forcément représentées. Nous avons buté sur la difficulté de qualifier ou de prédéterminer les associations qui devraient faire partie des conseils de développement et nous avons souhaité laisser une marge d'autonomie au territoire qui élabore son projet.

M. le Rapporteur : Il nous a semblé que la force pédagogique des projets pouvait définir la part échue aux différentes associations, c'est pourquoi nous avons laissé une certaine latitude aux territoires pour les désigner.

Je voudrais revenir sur la territorialisation au travers de cinq questions. La première concerne le FRAT. Plusieurs régions avaient élaboré des dossiers sur l'utilisation d'un fonds régional d'aménagement du territoire. Or, pour beaucoup d'entre elles, c'était devenu le fonds permettant un saupoudrage et donc un moyen de pression politique vis-à-vis de l'ensemble des collectivités territoriales de second ou troisième rang.

Quelle est la part des crédits du FRAT dans la contractualisation territoriale ? Quelle est la part incluse dans le contrat de plan Etat-région ? La région a-t-elle conservé une part importante des crédits FRAT non contractualisés ?

Existe-t-il dans le contrat de plan une modulation qui veille à l'équité républicaine, c'est-à-dire donner plus là où on a moins ?

Existe-t-il un travail préparatoire sur le suivi annuel du contrat, sur les conventions de mise en _uvre ? Cela me paraît une des dimensions peut-être les plus importantes de ce qui va se passer sur le contrat de plan, car un peu partout on a défini les lignes et donné les enveloppes, mais, sur le suivi de la mise en _uvre, beaucoup d'interrogations demeurent.

Je reviens aux conseils de développement. Nous avons remarqué dans la région Champagne-Ardenne un problème redoutable, qui est celui des pays en voie de formation ; ils se constituent en association d'abord avant de savoir comment ils évolueront, et forment des conseils d'administration presque uniquement composés d'élus, dans lesquels le conseil général prend la prééminence, refusant les partenaires sociaux et économiques.

Où est la démocratie participative dans ce cas ? Je voulais savoir s'il existe des problèmes de ce type dans votre région avec des pays déjà instaurés, ou des pays en devenir ou des agglomérations, ce qui nous permettrait de faire une observation suivie in situ  ?

De manière plus générale, il est important d'établir aujourd'hui un point zéro de la situation et de faire à nouveau le point dans un an ou deux sur l'évolution du contrat de plan à travers la réalité de terrain. Je sais que certains territoires ont une exemplarité au regard de ce que nous proposons et faisons, il serait important que nous puissions désigner un ou deux projets dont nous puissions suivre l'évolution.

M. Jacques Chérèque : Le FRAT est identifié comme une enveloppe globale et nous ne savons pas encore comment nous l'utiliserons, sinon que nous avons un plan lorrain qui était l'élaboration du projet global lorrain. Il existe donc des priorités territoriales à travers les agglomérations, à travers des espaces territoriaux conséquents, significatifs et en pleine réflexion ouverte et nous étions dans le cas de figure que vous décrivez avec une ligne budgétaire appelée "micros projets".

Dans ce cas, la commission d'aménagement du territoire a une réelle fonction dans le conseil régional de suivi et de proposition. Elle a travaillé en amont dans l'élaboration du projet régional, nous l'avons décliné sur le contrat de plan et nous avons eu pour principe de remettre en cause ce qui existait auparavant.

Nous avions un système où nous avions créé un appui aux villes, en fonction de leur importance. Nous avions établi des villes d'appui, il s'agissait de gros bourgs qui avaient une fonction structurante et nous avions créé une dotation d'un million de francs par an, que l'on appelait la dotation "ville relais". Nous nous étions entendus avec le département pour qu'il attribue également un million de francs, ce qu'on appelait une aide sur un contrat de complémentarité.

La dotation de "ville relais" signifiait qu'une ville accomplissait des actions au bénéfice de son bassin. Nous n'avons jamais réussi à articuler le fonds régional avec le fonds départemental. Si bien que certaines villes ont utilisé la dotation de "ville relais" pour leurs propres équipements, peut-être était-ce une compensation, mais elles ne sont jamais inscrites dans une dynamique de complémentarité avec les communes environnantes, alors que le contrat de complémentarité devait les concerner également.

Quelquefois ces bassins ont créé des communautés de communes ou des districts qui avaient des objectifs d'équipement et maintenant le problème se pose du projet de la communauté de communes. Dans la mesure où il s'agissait d'égalité républicaine, quelle que soit l'importance de la ville relais, qu'elle soit dans un bassin très développé ou non, elle recevait un million de francs. Certaines faisaient un effort pour mettre en _uvre un contrat de complémentarité, mais d'autres pas.

Sur six ans, pour une ville de 12 000 habitants, six millions de francs est une somme non négligeable. Or, ce montant n'a pas toujours contribué à ce qu'elle prenne en compte sa fonction de "ville relais" et d'animation, parce qu'il fallait qu'elle s'entende avec les communes environnantes.

Le FRAT existe, les principes sont posés, la démarche est en route, mais nous sentons que nous touchons à des options politiques, des options d'égalité et de démocratie.

Pour le suivi annuel, la région a créé un Institut lorrain d'évaluation. Nous voudrions que l'évaluation soit à la CRADT une démarche commune. Autrement, le SGAR fait son évaluation de son côté et la région la sienne de son côté. Existera-t-il deux FRAT, celui de l'Etat et celui de la région, ou irons-nous vers des convergences ?

S'agissant du conseil de développement, je n'avais pas encore perçu ce détournement dont parle le rapporteur. Je suis dans le cas de figure où j'ai créé il y a dix ans une association de développement des vallées de la Meurthe et de la Moselle regroupant 43 communes, 80 000 habitants et de grands bassins industriels sidérurgiques, dont l'une des usines majeures a disparu dans la restructuration de 1985.

Cette association est dotée d'un conseil d'administration tripartite : 22 élus, 11 chefs d'entreprises et 11 représentants d'associations qui ont une importance à l'échelle du territoire.

Ce conseil d'administration a créé un bureau relevant également de la loi de 1901, qui compte six élus et trois chefs d'entreprise. Nous tenons fermement à la présence de ces derniers, car ils sont quotidiennement confrontés à la dynamique de leur entreprise et, en général, y participent.

M. Le Président : ... et participent donc à la dynamique du territoire.

M. Jacques Chérèque : Exactement. Maintenant notre problème est que notre conseil d'administration devrait devenir conseil de développement ; il est conforme à l'esprit de la loi puisqu'il est tripartite.

Nous avons, dans ces 43 communes, 22 communes de 500 habitants et des communes de 5 000, 7 000 ou 8 000 habitants qui sont des communes industrielles, ainsi que la ville de Pont-à-Mousson qui compte 14 000 habitants.

Nous avons su créer des projets sur les 22 communes rurales, nous avons mené des politiques de rénovation du patrimoine, de rénovation des entrées de villages, de bâtiments de ferme dégradés destinés à être loués.

Nous avons conduit des politiques qui fédèrent les communes rurales et nous avons demandé au conseil général et au conseil régional de signer des conventions appelées programmes de coopération intercommunale sur les communes rurales.

La politique de la ville s'applique aux communes de 5 000 ou 7 000 habitants, anciennes communes ouvrières, désormais en pleine recomposition, mais qui ont encore des quartiers ouvriers, de mineurs, de sidérurgistes et nous avons dégagé des objectifs communs.

Nous avons une équipe adaptée, nous nous sommes créés des outils techniques. Depuis dix ans, les communes donnent 10 F par habitant, 3,50 F pour l'outil technique que nous appelons agence de développement et d'urbanisme, mais nous avons pris soin que toute la maîtrise d'ouvrage relève des communes ou du secteur privé. Maintenant nous pensons que les maîtres d'ouvrage des fonds que nous collectons vont devenir des communautés de communes.

Nous attendons la constitution d'un groupement d'intérêt public, mais jusqu'à maintenant les subventions que nous recevons ne sont que des subventions de fonctionnement ou d'étude et nous avons pris soin de ne jamais recevoir des fonds destinés à des établissements publics qui soient des communes ou des communautés de communes.

Nous pensons que la transformation de notre association et notre conseil d'administration en conseil de développement, puis la création d'un GIP, sera conforme à l'esprit et la lettre de la loi ; les faits que vous décrivez sont un détournement de l'esprit de la loi.

Mais nous avons différents cas de figure. Certains départements essaient de parvenir à une délimitation du pays qui corresponde aux réalités. C'est à partir de cette étape qu'il se produit des dérapages. Parfois la tentation est grande pour certains départements de mettre à la tête du pays un conseiller général et de lui donner des crédits sous conditions, afin de contrôler la montée en puissance du pays. Mais je sais que certains présidents de conseils généraux se demandent loyalement comment s'organiser en pays.

Pour répondre à la dernière question, en Meurthe-et-Moselle, il existe trois pays constatés de type "loi Pasqua", le pays de Colombey qui est éminemment rural, le pays de Lunéville qui correspond à un arrondissement, et le pays que j'anime, qui a été créé depuis dix ans, et compte maintenant 120 000 habitants.

Je serai ravi si l'on venait voir ce que nous faisons, mais nous sommes en pleine mutation, parce que nous devons nous mettre en conformité avec la loi, je crois que nous sommes dans l'esprit de la loi par anticipation, et je serais navré que la loi, par sa lettre, nous pénalise.

Nous avons élaboré le projet et nous déclinons le programme ; depuis septembre 1999, nous avons presque 300 personnes constituées en groupe de travail, nous avons réuni les associations, maintenant nous sommes obligés de faire des choix, de hiérarchiser les projets.

Il est positif d'additionner les projets, les objectifs, mais il faut savoir qui paie. Parfois nous ne le savons pas. Il n'y avait pratiquement pas d'EPCI, la loi de 1992 a permis les communautés de communes mais la participation, l'intégration des communautés de communes au processus n'est pas évidente, parce que, sur mon bassin, la communauté de communes la plus importante, 35 000 habitants, est passée du désastre sidérurgique à une dynamique de redéveloppement. Nous sommes aux portes de Nancy, nous avons une université non loin, cette communauté de communes remplit strictement ses compétences, aménagement de l'espace, développement économique et deux compétences optionnelles, dont le traitement des déchets.

Une communauté de communes est une communauté de compétences ; si les communes ne lui donnaient pas leurs compétences en matière de sport, de politique sociale, de culture, la communauté ne fonctionnerait pas. Or, je ne sens pas les communes qui la constituent prêtes : elles se trouvent mieux dans la dynamique du pays pour la culture, le sport, les services, car elles ne délèguent pas leurs compétences dans le pays, alors que dans la communauté de communes, elles doivent le faire et elles pensent qu'elles vont perdre de leur identité.

Nous avons créé notre association en 1989, la communauté de communes a été constituée en 1995 avec la décision d'instaurer une taxe professionnelle unique. La communauté de communes commence à avoir beaucoup de moyens financiers, elle a de ce fait une vision très gestionnaire, alors que lorsque nous étions vraiment dans la crise nous étions plus attentifs les uns aux autres pour nous soutenir.

M. Pierre Cohen : C'est un problème qui me semble très important, dans la mesure où le pays est ce que nous avons voulu dans la loi, c'est-à-dire une entité où l'on conçoit un projet, on crée des dynamiques, sachant que les véritables structures qui portent ces dynamiques sont les intercommunalités.

En région Midi-Pyrénées, la dynamique de pays est faible jusqu'à maintenant ; dans les seuls qui s'étaient déclarés, les communes ne déléguaient pas réellement leurs compétences, mais en faisaient partie uniquement pour des raisons d'image. Il faut lutter contre cette dérive.

Les contrats de plan Etat-région ont un rôle à jouer pour remédier à ce type de problème.

Il me semble qu'on ne peut pas évoquer de pays s'il n'y a pas au moins des communautés d'agglomérations, c'est-à-dire des périmètres pertinents par rapport à la politique de la ville.

Dans la constitution des territoires, il y a des enjeux de pouvoir, de périmètre, de structuration, de compétences, et l'association des personnes extérieures aux élus n'est pas aisée.

Quant à la notion de schéma de service collectif, pourrons-nous espérer, dans les trois ans à venir, conduire une réflexion sur la participation à l'élaboration de ce schéma ?

M. Jacques Chérèque : A propos de votre première série de questions, je crois que le pays est une démarche stratégique, une démarche de projet, c'est comme un mini projet régional. Cela devrait être, pour partie, une déclinaison du projet régional, donc du contrat de plan et, pour partie, une prise en compte des réalités du territoire et des attentes des acteurs du territoire. Nous sommes moins concernés par la gestion de compétences, puisque que le pays n'est un échelon ni de gestion ni administratif, que par la définition d'une politique.

Dans notre projet de pays, nous avons une politique de développement économique que l'on dit porteuse d'emplois et économiquement durable : il s'agit de la reconstitution d'un tissu industriel qui a complètement disparu et d'emplois socialement utiles.

Nous avons essayé de nous mettre d'accord sur les politiques, mais sur des termes concrets. Nous avons aux confluents de la Meurthe et de la Moselle une belle vallée, où n'existent plus d'usines sidérurgiques majeures, nous avons installé des entreprises non polluantes, nous avons donc un véritable patrimoine architectural et environnemental. Nous avons essayé de définir une politique touristique qui se déclinera sur les portions de territoires que sont les communautés de communes.

Nous avons tenté d'élaborer notre projet de la façon la plus large possible et de développer ensuite la concertation, nous avons rencontré toutes les communes, les communes moyennes et importantes ont réuni leur conseil municipal, et nous avons échangé nos points de vue.

Nous avons également réuni les conseils communautaires pour examiner avec eux leurs priorités en tant que telles et comment elles pouvaient être mises en synergie avec celles des voisins.

Certaines communautés de communes cependant n'ont pas de compétences déléguées dans tous les domaines visés par le contrat de pays. Dès lors elles ont souhaité d'elles-mêmes, tout en gardant tout en gardant leurs propres compétences, les mettre en relation avec les communes adjacentes, par exemple en matière culturelle ou touristique.

Le risque, identifié, pour les communautés de communes très fortes, est celui d'un repli sur soi, que la communauté de communes devienne une fin en soi au détriment du maillage sur des objectifs communs, sur des bases intercommunales ou entre les communes.

L'Etat n'est pas très présent dans notre dynamique. Nous bénéficions d'une écoute positive mais ce n'est pas la culture ni la tradition du SGAR et là nous sommes quand même dans un cas où l'organisation concrète des services publics n'est pas résolue, lorsque nous sommes dans un espace avec de grandes infrastructures, un aéroport, une base logistique.

Le préfet de département en est au début de l'organisation du service public de l'emploi. Nous sommes dans un espace comportant beaucoup d'industries et beaucoup de nouvelles industries. L'Etat engage une réflexion sur l'organisation du réseau éducatif, des lycées, des lycées professionnels, de l'hôpital local, de l'hôpital relais et en particulier du service public de l'emploi, ANPE, AFPA, Direction Régionale du Travail. Mais il ne s'agit pas d'une démarche de territorialisation.

En ce qui concerne le département et le conseil général, la constatation est la même. Le conseil général commence à engager une réflexion sur l'organisation médico-sociale, l'organisation de la gérontologie.

Nous avons construit notre projet, le préfet a participé à notre séminaire de lancement, il vient de nommer un sous-préfet aux affaires économiques chargé des arrondissements hors de la ville-centre Nancy et sa communauté urbaine et il commence seulement à participer à nos réunions et à s'interroger sur les questions posées.

Nous n'en sommes qu'au début d'une véritable territorialisation.

La déconcentration précède la décentralisation et l'Etat aura toujours une limite dans la décentralisation.

M. le rapporteur : Par conséquent, la politique du département ne se déclinant plus facilement au travers des cantons, il faut que les conseillers généraux et le conseil général retrouvent le droit à la politique du département au travers du pays.

C'est un acte positif que le département juge que sa politique départementale passe par ce nouveau découpage de projet ; mais, a contrario, lorsque l'analyse est faite de cette manière, la tentation est grande de penser qu'il faut maîtriser les outils du développement durable que sont les pays ou les agglomérations et que, par conséquent, les élus territoriaux ne peuvent pas être absents. C'est ce que nous voyons dans les départements que nous observons, cela pose un vrai problème.

Concernant la territorialisation des services, il est vrai que les services de l'Etat sont importants et qu'ils peuvent et devraient avoir des déclinaisons territoriales, tout comme c'est vrai aussi pour tous les organismes publics, privés et semi-publics qui ont des missions de service public.

Aujourd'hui, le Ministre de l'Economie et des Finances annonce un semi-moratoire sur tout ce qui concerne les perceptions et les trésoreries, comme un autre gouvernement avait prévu un moratoire sur les établissements scolaires ou les services publics. La solution d'un moratoire est la plus mauvaise qui soit, car elle gèle une situation déterminée dans un contexte qui n'est plus celui du développement local que l'on souhaite pour des projets territorialisés.

Cela veut donc dire que si l'on veut que la politique de territorialisation aille à son terme, il ne faut pas de moratoire, ni de disparition ou de concentration du service public.

C'est une difficulté que nous n'arrivons pas à maîtriser, le débat actuel sur le service public est lié à ce problème. Beaucoup de nos concitoyens souhaitent que le développement de ces territoires soit lié à la présence du service public et des services. Or, on annonce d'autres concentrations. De quelle manière pouvons-nous affronter ce problème  ?

M. Jacques Chérèque : Vous posez un problème redoutable.

Je crois que le conseiller général paradoxalement, peut-être moins en ville, mais hors agglomération, reste l'élu territorial le plus pertinent, ce n'est pas pour autant qu'il soit associé d'emblée au processus de territorialisation.

Les conseillers généraux des cantons qui maillent le pays de la Lorraine sont très actifs, lorsqu'ils sont maires et qu'ils ont été concernés au début par la dynamique d'intercommunalité. Mais tous ne le sont pas. Un autre problème s'ajoute, le découpage électoral administratif du canton est souvent différent de la cohérence territoriale.

Moi-même, je suis conseiller général d'un canton où l'une des communes majeures de la communauté urbaine de Nancy ne participe pas et n'a jamais participé à la dynamique de construction du pays, puisque celle-ci commence aux portes de la communauté urbaine. C'est un vrai problème et ceci est valable pour d'autres cantons, comme par exemple le canton de Nancy Nord où une partie des communes sont dans l'agglomération et les autres sont des communes rurales.

J'ai été à un moment persuadé que l'on pouvait remettre en cause tout cela. Je ne le suis plus. Je me rappelle les grands moments où, avec la DATAR, nous imaginions de grandes régions, voire une disparition des départements ou une homogénéisation des 36 600 communes.

J'ai découvert que le fait que nous ayons 36 600 communes n'était pas contradictoire avec la démocratie ; plus les centres de décision s'éloignent plus les citoyens savent que le Maire est le premier interlocuteur et le situe comme l'interlocuteur de la République. Pour eux, la République, c'est le Maire, plus on est petit plus on a besoin de toucher quelqu'un rapidement.

Je suis assez persuadé que c'est sous l'effet de dynamiques qui induiront des cohérences de partenariats et de projet, qu'un jour, les citoyens auront une influence sur le législateur ou sur les élus.

Derrière cela, il y a un problème politique, je suis persuadé que tous ceux qui s'investiront dans la dynamique de projet, d'écoute, de partenariat, d'imagination, seront plus appréciés des citoyens. C'est un vecteur de démocratie.

Les adversaires de cette approche savent que ceux qui s'en emparent avec une volonté politique de démocratie participative maîtriseront un peu l'avenir.

M. le Président : Monsieur le Ministre, nous vous remercions pour cet échange extrêmement riche.

Audition de M. Rémy Pautrat,

préfet de la région Nord-Pas-de-Calais

Réunion du mercredi 22 mars 2000

Présidence de M. Philippe Duron, président

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Rémy Pautrat, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, accompagné de M. Claude Kupfer, secrétaire général pour les affaires régionales.

Monsieur le préfet, je suis particulièrement heureux de vous recevoir, car nous nous sommes connus sous d'autres cieux. Je sais que vous nous apporterez une contribution extrêmement riche, votre expérience étant grande et votre connaissance des territoires parfaitement subtile.

La délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan Etat-région, actuellement en cours de signature. Elle s'intéresse tout particulièrement au volet territorial de ces contrats et souhaite que notre réunion porte sur ce thème. En effet, la loi du 25 juin 1999, dans ses articles 25 et 26, offre la possibilité aux nouvelles mailles territoriales que sont les pays et les agglomérations de contractualiser avec l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-région.

Le Premier ministre, lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 23 juillet 1999, a indiqué que 20 % des enveloppes des contrats de plan seraient consacrés au volet territorial ; d'autres chiffres ont parfois été évoqués, allant même jusqu'à 25 %.

Ce dispositif autorise et encourage les régions et les départements à s'agréger à l'Etat et à compléter ainsi le financement des projets territoriaux. Il peut constituer un levier pour le développement des territoires infra-régionaux. Le problème est le suivant : comment financer les contrats de plan, quelles sont les modalités à mettre en place ?

Nous savons que le Gouvernement n'a pas retenu l'idée de crédits "fongibles", qu'il a préféré consacrer des lignes budgétaires en totalité ou en partie à ce financement ; mais la réalité sur le territoire est probablement plus complexe.

Comment avez-vous perçu cette loi d'orientation et d'aménagement du territoire en tant qu'acteur territorial ? Comment avez-vous prévu cette contractualisation qui est encore embryonnaire, puisque les pays et les agglomérations sont tout juste en train de se constituer ? Comment allez-vous donc réserver ces crédits jusqu'en 2003 ? Enfin, quel est votre point de vue sur cette façon de concevoir l'aménagement du territoire ?

Je vous propose de nous présenter un exposé liminaire, puis nous vous poserons un certain nombre de questions.

M. Rémy Pautrat : Monsieur le président, messieurs les députés, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire me fait penser aux paroles d'un philosophe : "En philosophie, les questions sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse est même une nouvelle question" !

Nous avons tout à fait conscience de l'innovation considérable que représente ce texte et des chances accrues qu'il donne à une démocratie participative. Cela étant dit, il est vrai que nous nous posons un certain nombre d'interrogations, car il s'agit d'un changement culturel très important. Aujourd'hui, il me semble que le problème se pose moins pour les élus, qui ont déjà très bien intégré la valeur ajoutée qui se trouve dans cette démarche territoriale, qu'aux services de l'Etat, qui ne participent pas encore à celle-ci.

Je vous présenterai un exposé en trois parties. La première est un historique des initiatives qui ont été prises antérieurement à cette loi du 25 juin 1999 dans la région Nord-Pas-de-Calais. Dans la deuxième, je vous dirai quelles dispositions nous avons prises pour nous organiser de façon à intégrer cette démarche territoriale dans le contrat de plan, sous réserve de son adoption, puisqu'il a été rejeté la semaine dernière par les conseillers régionaux. Enfin, je terminerai par la partie la plus stimulante, les enjeux de cette loi dans la région Nord-Pas-de-Calais, les enjeux collectifs et les enjeux spécifiques à l'Etat et à ses services.

Le Nord-Pas-de-Calais est un terrain fertile, propice à la loi du 25 juin 1999, puisqu'un certain nombre d'initiatives et d'expériences remontant à de nombreuses années donnent les meilleures chances d'application à cette loi.

En matière d'expériences contractuelles antérieures à la loi Voynet -s'agissant de l'approche territoriale-, trois éléments sont significatifs : les contrats d'agglomération, les contrats de développement rural et les sous-espaces régionaux.

En région Nord-Pas-de-Calais, le soutien aux projets d'agglomération remonte à une dizaine d'années, au contrat de plan 1989/1993. Il a concerné 15 agglomérations ; 210 millions de francs de crédits spécifiques et 203 millions de crédits européens ont été consacrés à ces projets entre 1994 et 1999.

S'agissant des contrats de développement rural, la politique d'aménagement rural remonte à 1976. La contractualisation a commencé en 1994 et a été exécutée à partir de 1996, à l'échelle non pas du bassin d'emplois mais du bassin de vie, plus réduit. Vingt et un territoires ont été concernés par ces contrats de développement rural, et deux à trois communautés de communes dans chaque territoire, avec une mobilisation de crédits de l'ordre de 75 millions de francs de crédits spécifiques.

Troisième catégorie d'initiatives, les sous-espaces régionaux, et notamment la convention d'aménagement et de développement du littoral, qui a également une assise financière constituée par un fonds de développement - le FODEL ; 39 projets ont été financés pour un montant de 28 millions de francs. Il s'agit d'une démarche qui intéresse d'autres sous-espaces régionaux, tels que le Hainaut-Cambrésis, qui sont intéressés par des financements de cette nature.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces expériences ? Une évaluation est en cours. En effet, nous avons créé une cellule d'évaluation en partenariat avec les services de l'Etat, de la région et des départements, qui traite à la fois des pays et des agglomérations. Nous avons fait appel à des cabinets de consultants privés. Nous sommes en cours de finalisation, et nous pensons rendre l'évaluation publique vers le mois de juin.

En ce qui concerne l'évaluation des politiques d'agglomération, les résultats sont intéressants, puisqu'ils révèlent plus de cohésion entre les acteurs des agglomérations, une aide décisive en matière d'ingénierie -notamment en termes qualitatifs-, et un développement de la capacité d'attraction des villes-centres d'agglomération.

Plusieurs préconisations ont été avancées par le cabinet d'études. Tout d'abord, mieux expliciter les objectifs, mieux préciser les finalités, le projet global, avec un engagement plus fort que celui qui a été enregistré dans ce dispositif de soutien aux agglomérations. Ensuite, parvenir à une meilleure efficacité administrative qui passe sans aucun doute par une instruction des dossiers à un échelon infra-régional. Puis, atteindre une meilleure efficacité financière, notamment par un recours accru aux crédits de droit commun et un accompagnement plus fort des services fonctionnels de l'Etat, de la région et des départements dans le soutien des actions prioritaires des agglomérations. Elaborer un tableau financier qui nous permette d'avoir en permanence un compte rendu du recours aux crédits de droit commun. Enfin, assurer une meilleure visibilité de la politique de soutien aux agglomérations.

S'agissant de l'évaluation de la politique des contrats de développement rural, les résultats sont les suivants. En termes de projet, deux tiers des communes rurales ont été couverts par ces contrats, dont environ 60 % en zone rurale fragile. La démarche engagée avec ces contrats reposait sur un diagnostic et une stratégie, c'était une approche coordonnée et transversale à l'échelle du territoire.

Nous nous sommes rendu compte que pour concrétiser un contrat de développement rural, le délai était d'environ 3 ans - ce qui est un peu long. Mais le travail de diagnostic et d'élaboration de la stratégie pouvait, dans certains cas, le justifier. Nous pouvons également noter la taille sûrement trop réduite des territoires pour des questions de développement économique.

Les propositions du bureau d'études sont les suivantes : clarifier le contenu de la politique et son cadre d'application ; tenir davantage compte des spécificités locales ; renforcer la dimension contractuelle et partenariale de cette politique.

Cet historique explique la demande que l'on sent s'exprimer aujourd'hui sur le terrain, grâce, notamment, aux réunions d'information organisées par l'équipe du SGAR. Plusieurs territoires ont fait connaître leur volonté de s'engager dans l'élaboration d'un projet de pays ou d'agglomération.

La deuxième partie de mon exposé porte sur l'organisation des partenaires pour intégrer la démarche territoriale dans le contrat de plan.

Du point de vue de l'outil, nous avons créé un groupe technique des territoires qui traitera à la fois des problèmes de pays, d'agglomération et de ville. Le pilotage en a été confié au SGAR et à la direction régionale de l'équipement ; ce groupe est composé de représentants du conseil régional, les départements étant représentés au niveau des responsables des services techniques.

Un groupe plus restreint est chargé de préparer le travail de ce groupe technique, et lorsque le contrat de plan sera signé, nous avons prévu un comité de pilotage unique pour piloter à la fois les politiques de pays et d'agglomération. Ce traitement unique nous paraît important pour assurer la cohérence de l'ensemble.

Cette organisation procède d'une vision commune et partagée entre l'Etat, la région et les départements. Sans trop entrer dans le détail, je vous dirai que nous sommes convenus de trois principes, que l'éligibilité de l'ensemble de la région était indispensable, que la base était le volontariat, et enfin, qu'il convenait de rechercher autant que possible l'adéquation entre le territoire et le projet.

Quatre éléments de cadrage ont été retenus : un projet pour chaque territoire, une structure intercommunale pour piloter le projet, la mise en _uvre d'un pilotage partenarial et la signature d'un contrat de nature transversale.

Ont été retenus comme espaces de contractualisation possibles : les grandes agglomérations à dominante urbaine, les agglomérations qui sont en synergie avec leur environnement rural, les territoires ruraux et les grands espaces, ou les parcs naturels régionaux.

En ce qui concerne les objectifs opérationnels, nous en avons, en partenariat, identifié un nombre réduit. Le premier est l'animation au niveau régional : essayer de renforcer les dynamiques territoriales avec l'appui des outils et des réseaux régionaux, ce qui suppose à la fois des actions de formation et d'observation ; nous disposons de l'observatoire régional de l'habitat et de l'aménagement qui sera un instrument utile pour susciter cette dynamique.

Le deuxième objectif est la mise en place de crédits d'ingénierie importants. Notre souci est de favoriser le développement et la pérennité d'une ingénierie territoriale opérante. Nous nous sommes en effet rendu compte, dans l'exemple précédent, que l'on en avait un grand besoin en Nord-Pas-de-Calais, et que là où l'ingénierie fonctionne bien, les résultats sont au rendez-vous.

Enfin, le troisième objectif est la mobilisation des crédits spécifiques pour financer des actions et accompagner la mise en _uvre des stratégies territoriales et des contrats de ville en agglomération.

Nous avons prévu 185 millions de francs pour l'animation au niveau régional, 450 millions de francs de crédits d'ingénierie et 600 millions de francs de crédits spécifiques, le volet territorial s'élevant à 3 milliards de francs dans le contrat de plan, la part totale de l'Etat étant de 10,5 milliards de francs.

Nous avons prévu d'organiser une transition entre les dispositifs territoriaux existants et les dispositifs futurs. Celle-ci prendra la forme d'une convention d'élaboration d'une charte de pays ou d'agglomération ; les éléments de méthodologie seront fournis aux groupements de communes. Nous avons également prévu des avenants au contrat de développement rural, avec les territoires qui ont décidé de s'engager dans cette démarche d'évolution vers le pays. Enfin, il est envisagé un financement limité d'actions de préfiguration en agglomération avant la signature du contrat d'agglomération.

Je rappellerai également qu'en Nord-Pas-de-Calais, nous avons, par rapport à la démarche nationale de sites témoins, deux communautés urbaines : celles de Dunkerque et de Lille métropole, qui sont des expériences en grandeur nature dont nous allons tirer un grand nombre d'enseignements utiles dès le mois de juin prochain.

J'aborderai en troisième et dernière partie de mon exposé les enjeux de la loi dans la région. Je développerai deux volets : d'une part, les enjeux communs aux divers promoteurs de la démarche, et, d'autre part, les enjeux spécifiques à l'Etat.

S'agissant des enjeux communs aux divers promoteurs, j'en ai relevé sept. Premièrement, il convient d'arriver à franchir un palier dans la qualité des projets de territoire. Nous avons tous conscience de l'importance que revêt la construction d'un projet de territoire pour l'aménagement du territoire. Mais il s'agit tout de même d'un exercice inédit. Un projet de territoire, ce n'est pas seulement un diagnostic, ce sont aussi des étapes à maîtriser, une stratégie à définir, un point d'aboutissement clairement identifié, le chemin à trouver ; c'est également définir un plan d'action pluriannuel et mettre en _uvre les actions et les évaluer, avec les financements correspondants.

Nous voyons bien que dans cette démarche, un certain nombre d'acteurs de terrain ont tenté de mettre la charrue avant les b_ufs et ont raisonné en termes d'actions déconnectées de la stratégie, en essayant de faire une espèce de catalogue, afin notamment de mobiliser des crédits. Or un catalogue n'est pas une stratégie. Il convient de commencer par le commencement, c'est-à-dire par identifier le but à atteindre.

Cela est important, car de la qualité de la démarche d'élaboration du projet de territoire va dépendre le succès ou l'échec de cette approche territoriale. C'est la raison pour laquelle il faut beaucoup de créativité et de capacités de négociation. Il s'agit d'un changement culturel très important.

Deuxième enjeu, lutte contre la logique de guichet. Le risque du projet de territoire est de laisser entendre qu'il s'agit d'un exercice un peu formel pour certaines collectivités, de façon à mobiliser des crédits publics -Le projet ne progresserait alors pas beaucoup.

Troisième enjeu, l'organisation de la participation de la société civile à travers les conseils de développement. Bien entendu, on ne peut que se féliciter de la participation des acteurs individuels, des associations, des entreprises, à la conception et à la mise en _uvre de l'évaluation des projets de territoire, notamment par le biais des conseils de développement.

Cela étant dit, il ne faudrait pas que ce soit un exercice uniquement formel qui ne serve à rien. Nous devons avoir une réflexion sur le sens de ces conseils de développement ; une expérience grandeur nature à lieu en ce moment à Lille avec le conseil communal de concertation, dont nous pourrons tirer des enseignements tout à fait utiles.

Quatrième enjeu, l'articulation de la politique de la ville et la politique d'agglomération. Notre ambition est en effet d'intégrer ces deux politiques qui, jusqu'à présent, ont été conçues et mises en _uvre de façon indépendante. Il s'agit d'une bonne démarche qui ne sera pas facile à mettre en place sur le terrain mais que l'on traitera sérieusement, car du point de vue de la finalité, elle n'est pas discutable.

Sur chaque territoire concerné, le choix d'un comité unique de pilotage pour les deux politiques favorisera certainement cette intégration. Demain, la mise en réseau des équipes d'ingénierie et de maîtrise d'_uvre jouera aussi beaucoup, et sera même un élément majeur dans le succès de cette approche territoriale.

Cinquième enjeu, la mobilisation des crédits sectoriels. La question que l'on peut se poser est de savoir si les crédits spécifiques vont réellement jouer un effet de levier sur les crédits sectoriels ou sur les crédits de droit commun. C'est un écueil qui est apparu au cours des expériences de contractualisation précédentes. En outre, il est vrai que la méthode de travail territoriale est innovante, et qu'elle n'est pas encore très bien comprise par un certain nombre de rédacteurs d'objectifs sectoriels du contrat de plan.

Sixième enjeu, la gestion de la complexité liée à l'emboîtement des échelles d'action. L'énoncé du principe de subsidiarité est clair : chaque problème doit trouver sa solution à la bonne échelle spatiale. Mais en pratique, c'est tout de même un peu plus compliqué, car s'il y a les principaux territoires -les pays, les agglomérations et les sous-espaces régionaux- il y a aussi d'autres limites spatiales qui fondent, de leur côté, la mise en _uvre des politiques sectorielles ou de droit commun : ce sont l'arrondissement, les parcs naturels régionaux, les bassins versants, les quartiers en contrat de ville, les villes en grand projet de ville.

Ajoutez à cela que certains élus conjuguent des responsabilités municipales, territoriales, nationales, de délégation dans les groupements de communes. Cette conjugaison ne facilite pas toujours l'identification de l'échelle de territoire la plus adaptée pour conduire des actions. Il conviendra donc d'essayer d'appliquer la loi du 25 juin 1999 avec souplesse : chaque pays ou agglomération sera un cas particulier. Il sera en effet difficile d'avoir un cadre de référence unique, et l'on devra tenir compte de l'ensemble de ces données.

Septième enjeu, la nécessité pour l'Etat de se familiariser avec cette nouvelle approche. La démarche de conduite de projets transversaux, la logique d'action territoriale ne sont pas des données immédiates de la conscience administrative et du comportement administratif.

Or les groupements de communes qui vont se lancer dans cette démarche attendent de trouver en face d'elles des personnes à la fois convaincues de l'intérêt de la démarche et prêtes, culturellement, à changer en termes de méthode de travail. Or il reste encore sans aucun doute, en ce qui concerne les services de l'Etat, du travail à réaliser, un terrain à défricher. Les services de pointe, les services pilotes, adhèrent, évidemment, à cette nouvelle démarche, mais, pour de nombreux services il s'agit encore d'une problématique à laquelle ils sont étrangers.

Le second volet portera sur les enjeux spécifiques à l'Etat.

La problématique de loi du 25 juin 1999 est claire : la loi ouvre des potentialités inédites pour un développement participatif. Il me paraît essentiel aujourd'hui que les services de l'Etat en région y donnent du sens et qu'ils aient conscience de la valeur ajoutée de cette approche territoriale par rapport aux pratiques actuelles.

Aujourd'hui, le vide qui existe dans les prescriptions de la mise en _uvre par l'Etat de l'approche territoriale est à double tranchant. Il s'agit, d'une part, d'un atout, parce qu'elle donne une grande souplesse en termes d'organisation ; elle laisse aux acteurs la possibilité de s'organiser suivant les réalités régionales. D'autre part, il s'agit d'un handicap redoutable, car l'absence de tout cadrage fait reposer le succès sur la capacité d'adhésion et la conviction des services de l'Etat.

Pour ma part, je pense qu'il est temps de déterminer le cadre de cet exercice, car je crains qu'il ne soit pas facilement maîtrisable !

Première question : en quoi peut consister la démarche territoriale du point de vue des services de l'Etat ? Les services de l'Etat vont devoir apporter leur concours à des groupements de communes organisées en territoire au sens de la loi du 25 juin 1999, qui vont prendre l'initiative de se mobiliser pour définir et mettre en _uvre un projet de développement à moyen terme, de 10 à 15 ans. En fait, il s'agit d'une tâche de pédagogie à l'égard des élus en matière d'intercommunalité.

Nous devons également nous intéresser au problème de la coordination interne aux services de l'Etat sur le territoire donné. Faut-il un guichet unique, et si oui, quel guichet ? Faut-il qu'il s'adresse au comité de pilotage au nom de l'ensemble des services de l'Etat ? Ou faut-il plutôt créer un tandem constitué d'une sous-préfecture et d'un service technique ? C'est un vrai débat.

Deuxième question : pourquoi les services de l'Etat accepteraient-ils de bon c_ur de s'adapter à une démarche territoriale ? En dehors du fait que la loi l'impose, nous devons trouver les arguments donnant les raisons pour lesquelles l'on doit s'engager résolument dans cette démarche.

Tout d'abord, la démarche territoriale ne remet pas tout en cause. Chaque service continue à mettre en _uvre ses compétences techniques propres, et conserve la maîtrise de ses lignes budgétaires. Ensuite, la démarche s'applique si elle est pertinente. Enfin, il conviendra de privilégier l'expérimentation.

En outre, travailler avec d'autres services de l'Etat présente des avantages, tels que l'ouverture réelle sur d'autres logiques ; il faut développer cet esprit de réseau.

L'autre élément pouvant susciter l'adhésion des services qui pourraient s'interroger est que l'efficacité de l'action peut en être accrue. La démarche territoriale va faire une part importante aux équipes d'ingénierie, ce qui stimulera les services de l'Etat qui se trouveront en face d'acteurs d'envergure.

Quelles seront les nouveautés pour les services de l'Etat dans cette démarche ?

Tout d'abord, dans la phase d'instruction proprement dite, ils ne seront pas toujours habitués à la réalité de l'approche transversale des projets. Il faut arriver à apprécier la pertinence d'une action, non plus seulement par rapport à des décrets ou à des circulaires relatifs à la mise en place d'une politique sectorielle, mais par rapport à un projet de développement global du territoire.

Ensuite, dans la phase de mise en _uvre et d'animation du territoire, un service pourra être amené à jouer le rôle de rapporteur devant le comité de pilotage au nom d'autres services sur des questions relatives à des secteurs autres que son secteur propre.

On peut par ailleurs se demander si l'approche territoriale est une méthode de travail compatible avec notre pratique actuelle ? Je répondrai oui, mais à certaines conditions.

Il faut d'abord que chaque service parvienne à définir ses propres modalités pour donner du sens à la démarche territoriale. Un échec de la territorialisation serait de nommer un "chargé de mission aux territoires" qui traiterait de l'ensemble du problème, sans changer en rien la pratique actuelle du reste du service.

Il faut ensuite une certaine cohérence des actions et des stratégies locales avec les dispositifs d'aide qui ne sont pas contractualisés, qu'ils soient de caractère national, régional ou départemental.

Enfin, dernière question, qui va mesurer les progrès de la territorialisation ? On ne peut pas mettre en place une démarche de cette nature sans se soucier des résultats. Un certain nombre d'indicateurs sont prévus dans le contrat de plan Etat-région qui permettront de mesurer les résultats de la démarche territoriale, de même que dans le DOCUP, mais il est vrai que l'on ressent le besoin d'avoir un observatoire de ces résultats. Nous devons être capables, en permanence, d'avoir une photographie de ce qui se passe, afin d'être en mesure, si l'on a fait fausse route, de corriger une pratique ou une procédure.

En conclusion, je vous dirai que l'on sent bien que la démarche territoriale est profondément innovante pour les services de l'Etat. Pour susciter l'adhésion, il convient d'avoir une démarche de conduite du changement, qui est certes délicate, et de s'entourer de garanties, notamment en recourant aussi souvent que possible à des expertises extérieures, à des cabinets de consultants. Il convient également d'organiser des formations et de promouvoir des phases d'expérimentation.

Tels sont, dans la région Nord-Pas-de-Calais, les éléments déterminants.

Un autre élément, spécifique au Nord-Pas-de-Calais, est très important : celui de l'insuffisance des effectifs dans les administrations publiques. J'avais, au moment de l'élaboration du projet, attiré l'attention du Premier ministre sur la situation du Nord-Pas-de-Calais. Un grand nombre de projets n'ont pas vu le jour dans la phase précédente parce que avons été incapables de mener les procédures correspondantes dans les délais prévus, les effectifs étant insuffisants dans certaines directions.

A la DDASS, par exemple, plus de 30 postes ne sont pas pourvus. En matière de sécurité, le département du Nord a un policier pour 520 habitants contre un policier pour 380 habitants dans le Rhône ou les Bouches-du-Rhône. Ce manque de fonctionnaires a un impact considérable ; dire que le Nord-Pas-de-Calais est une région sous-administrée n'est pas exagéré.

J'étais d'ailleurs très satisfait de constater que la lettre de mission adressée par le Premier ministre faisait le constat, pour la première fois, de ce sous-effectif de la région Nord-Pas-de-Calais, et prenait l'engagement d'essayer de remettre, dans les sept années qui viennent, ces effectifs à niveau.

S'agissant du succès de la démarche, une bonne partie sera liée à notre capacité de développer une administration de partenaires. Il s'agit d'une stratégie que nous développons avec les chefs de service de l'Etat : nous essayons de faire percevoir l'administration non seulement dans sa fonction régalienne mais de montrer qu'elle a une capacité d'expertise et d'accompagnement tout à fait essentielle et qui peut être mise à la disposition des particuliers, des collectivités locales et des entreprises.

Je crois beaucoup à cette notion de partenaire. L'arrivée et la mise en _uvre des nouvelles technologies de l'information et de la communication sont un enjeu tout à fait décisif. Or ces technologies entrent lentement dans le fonctionnement des services de l'Etat.

En ce qui me concerne, je ne suis en réseau avec aucun service de l'Etat de la région Nord-Pas-de-Calais ! Je suis en train d'introduire une messagerie en préfecture, et j'ai maintenant une centaine de personnes ; mais je ne dispose d'aucun tableau de bord permanent avec la direction régionale de l'équipement, la DRASS ou la DIREN.

M. le Président : Monsieur le préfet, je vous remercie. Vos propos étaient à la fois riches, extrêmement illustrés et posaient clairement les problèmes.

Pour ma part, je souhaiterais savoir comment s'articulent dans votre région à la fois la démarche d'encouragement régional -la région et vos services s'investissent pour essayer de définir les territoires de projet- et la demande qui émane du territoire lui-même.

Par ailleurs, nous partageons votre point de vue sur la nécessaire transversalité qui doit exister dans les services publics -il s'agit d'un sujet qui nous préoccupe au sein de cette délégation-, ainsi que sur la territorialisation des services de l'Etat, sujet difficile mais indispensable si l'on veut réussir à apporter une espèce d'équité devant les services publics, pour les territoires et pour les citoyens.

M. le Rapporteur : Monsieur le préfet, ma première question n'en est pas vraiment une puisque vous y avez répondu : comment est constituée, en territoires pertinents, votre région ? Manifestement, il existe une diversité dans la constitution des territoires, d'une région à l'autre. Pour votre part, vous êtes apparemment bien doté, mais j'ai relevé dans votre propos que le mot "agglomération" était employé à la fois au sens de l'INSEE, de la LOADDT et de la loi Chevènement ; ce qui prouve bien que vous avez, là aussi, rencontré un problème de cohérence entre les différents sens de ce mot et sa signification dans l'organisation du territoire.

Vous avez rencontré des difficultés, en ce qui concerne la multi-contractualisation et les emboîtements des contrats de ville, contrats de pays, contrats d'agglomération et contrats de plan Etat-région, ainsi que des contrats spécifiques à tel ou tel territoire et les procédures que l'on est amené à promouvoir dans le cadre de la politique européenne, dont on a peu parlé. Quelles difficultés rencontrez-vous au travers des lectures de ces différentes règles de contractualisation dans leur application à un même territoire, le même lieu pouvant faire partie d'un projet de ville, d'un contrat d'agglomération, voire d'un contrat de pays ?

Ma deuxième question concerne l'ingénierie.Vous avez indiqué la masse financière consacrée à celle-ci grâce à l'utilisation du FNADT. A peu près tous les présidents de région ou les préfets que nous avons auditionnés ont répondu de la même manière, à savoir que l'ingénierie était un élément important, et qu'un montant non négligeable y serait consacré. Ce qui nous intéresse également, c'est de savoir à quel type d'ingénierie vous ferez appel et à quoi elle sera destinée. L'ingénierie de projet, l'ingénierie d'action et l'ingénierie de service -y compris celle que l'on peut trouver dans les services de l'Etat- ne sont pas de la même nature ; certaines sont internes au territoire, d'autres externes, de quelle manière envisagez-vous vraiment la présence d'une ingénierie forte dans votre région ?

Ou est-elle déjà forte et de quelle manière la mobilisez-vous, en général à l'échelle de la région, et en particulier de manière territorialisée ?

Ma troisième question concerne également la cohérence. Où en êtes-vous dans les SRADT successifs et dans le SRADT que la région n'a pas manqué d'adopter ? Quelle sera sa cohérence avec le contrat de plan Etat-région ?

Sur cette vision à moyen et à long terme, comment articulez-vous la stratégie à 20 ans et celle d'un contrat de plan qui dure 6 ou 7 ans ? Pour d'autres régions, cela a été difficile. La préparation des schémas de services collectifs fixe d'autres objectifs à 20 ans : une étude a-t-elle été menée sur la cohérence entre ces trois types de définition politique, SRADT, contrat de plan Etat-région et schémas de services collectifs ?

Enfin, dernière question, la région a-t-elle adopté une modulation des aides en fonction de la pertinence territoriale, et, si oui, sur quels critères ?

M. Rémy Pautrat : S'agissant de la modulation des aides, je dois vous dire que j'y suis assez favorable. Prenons l'exemple du développement durable. Il est de fait que si l'on veut faire entrer cette préoccupation dans la pratique et que l'on veut sortir des idées générales, il convient d'encourager un certain nombre d'initiatives et d'opérations qui répondent très spécifiquement à cette préoccupation.

La notion de développement durable doit trouver son application dans la région Nord-Pas-de-Calais. Je serais donc favorable au fait de moduler un certain nombre d'aides suivant la qualité des opérations et des projets. Si l'on veut faire entrer cette notion dans les faits, l'ajout d'une sanction est nécessaire.

M. Jean-Michel Marchand : C'est de la discrimination positive !

M. Rémy Pautrat : Oui, tout à fait. Mais une fois qu'on l'a dit, on se rend compte qu'il n'est pas si facile de faire entrer cette notion dans les faits. Si l'on manque cette occasion dans le contrat de plan Etat-région, on passera à côté d'un rendez-vous et dans sept ans le problème se posera de nouveau.

Aujourd'hui, je ne peux pas prétendre être entièrement satisfait de ce que nous avons fait au titre du développement durable dans la région Nord-Pas-de-Calais. Cette région a été profondément meurtrie par des événements douloureux, des exploitations minières, textiles et sidérurgiques fermées, une dégradation du cadre de vie considérable. Je pense donc que nous n'allons pas assez loin en ce domaine ; pour aller plus loin, il convient d'instaurer une sanction ou une prime.

M. René Mangin : Monsieur le préfet, si nous pouvons concevoir l'existence d'une prime, il ne faut pas négliger le fait que l'évaluation de la qualité du projet est difficile. Quelle réponse avez-vous à nous apporter à ce sujet, s'agissant du développement durable ?

M. Rémy Pautrat : J'ai conscience de la difficulté de l'exercice. Comme je vous le disais tout à l'heure, je crois beaucoup à l'expérimentation. Le Nord-Pas-de-Calais représente 80 % des friches industrielles du territoire national. Il faut que nous soyons en mesure de trouver un certain nombre d'indicateurs qui peuvent nous permettre de mesurer les résultats acquis sur des opérations de cette nature.

Cela est également vrai pour les projets dans les agglomérations ; il ne s'agit pas seulement de réhabiliter des immeubles, mais d'offrir à un certain nombre de personnes une espérance de vie qu'elles n'ont plus. Cette région a été, pour moi, sur le plan humain, une découverte tout à fait considérable.

Je ne dis pas que tout cela est toujours facile à quantifier, mais je pense que l'on devrait expérimenter, sur quelques territoires particulièrement significatifs en termes de dégradation du cadre de vie ou tout simplement de la vie, un certain nombre d'indicateurs qui nous permettent d'avoir en permanence une photographie de ce qui s'y passe et de développer des opérations qui donneront un plus à ces territoires. Si l'on ne procède pas de cette façon, je pense que l'on n'y arrivera pas.

La qualité est aujourd'hui un élément essentiel d'aspiration du concitoyen qui doit figurer dans le contrat de plan Etat-région. Nous devons donc parvenir à définir des indicateurs permettant d'appréhender la qualité de la relation sociale, du rapport au milieu, et de les expérimenter sur un certain nombre de territoires.

Je me suis retrouvé dans la difficulté que vous avez indiquée : comment finaliser cela, comment mettre en service un projet qui nous permette de nous rendre compte de ce que l'on fait et d'apprécier l'amélioration qualitative que l'on apporte. D'ailleurs, la Commission européenne nous a fait valoir, à juste titre, que l'on n'allait pas au terme de cette démarche.

Il s'agit d'un sujet sur lequel nous réfléchissons avec le conseil régional, nous avons procédé à quelques sondages, mais cela ne suscite pas un grand enthousiasme.

M. le Rapporteur : Si l'on n'atteint pas les résultats escomptés, n'est-ce pas parce que finalement l'Etat mène une politique déconcentrée et non pas décentralisée, le président de la région et l'équipe majoritaire n'ayant pour fonction que de décliner territorialement des lignes financières déjà préécrites. Or les choix de discrimination que doit faire une équipe régionale sont des choix politiques et sanctionnables par le vote de nos concitoyens.

M. Rémy Pautrat : Tout à fait. Et c'est la raison pour laquelle il s'agit d'un sujet un peu sensible. Mais ne pas le faire nous expose à d'autres risques plus importants.

M. René Mangin : En Lorraine, une expérimentation forte est en cours, avec des objectifs ambitieux, notamment de création d'emplois, il s'agit du pôle européen de développement aux Trois Fontaines, à la limite de la Belgique, du Luxembourg et de la France. Si tous les objectifs ne sont pas atteints, on constate tout de même une démarche volontariste de développement durable. Qu'en pensez-vous ?

M. Rémy Pautrat : Vous êtes en avance sur le Nord-Pas-de-Calais.

Sur le bassin minier, par exemple, on affiche une priorité : nous devons terminer la réhabilitation de ce bassin, les voiries et les réseaux. Cela est positif, mais nous n'avançons pas assez. Le problème est que nous n'avons pas de projet pour le bassin minier. Il nous appartient d'imaginer un vrai projet de territoire par rapport à cette préoccupation de développement durable ; nous devons tenir compte du cadre de vie des habitants, des services auxquels ils pourront avoir accès. Bref, nous devons faire en sorte qu'ils y vivent plus heureux.

Je le reconnais, cela n'est pas facile, d'autant que nous n'avons pas d'expérimentations. Je serais très curieux d'aller faire un tour en Lorraine afin de voir comment vous avez procédé, car ce type d'expérimentation m'intéresse. En outre, c'est à partir de démarches de cette nature que l'on fera évoluer l'administration. Les démarches qualitatives permettront de changer, culturellement, les réflexes et les procédures.

Nous sommes trop tentés de voir l'aspect quantitatif. Bien entendu, il est important de restaurer les immeubles, les réseaux et les voiries -les habitants l'attendent depuis vingt ans-, mais il convient d'aller au-delà.

Prenons un autre exemple. Nous avons affiché l'ambition de faire du Nord-Pas-de-Calais une grande région numérique. En fait, cela intéressera et concernera surtout les universités, les entreprises et les pôles de compétence. Et que vont devenir les habitants du bassin minier, des quartiers en difficulté, alors qu'il s'agit pourtant d'un projet de développement durable ? Il faudrait permettre la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans tous les quartiers, pour donner à chacun les moyens d'accéder à ce nouveau langage, à ce nouveau moyen de formation.

Nous avons organisé cette semaine la fête d'Internet à la préfecture, et je puis vous dire que les jeunes des quartiers sensibles -qui sont venus très nombreux- ont été exceptionnels ! Ils sont restés des heures, avec l'aide d'éducateurs, devant les écrans ! Nous devons donc, nous, fonctionnaires de l'Etat, appréhender ce qui, dans notre démarche, peut contribuer à créer plus de bonheur chez les habitants ; c'est ce qui doit fonder le contrat de plan, car pour l'instant la dimension éthique, qui est indissociable du développement durable, fait largement défaut.

En ce qui concerne les schémas de services collectifs, tous les schémas -sauf le schéma culturel- ont été élaborés en région. Pour le moment, nous n'avons encore aucune information de Paris.

S'agissant du croisement entre le contrat de plan et les schémas, il n'a pas été réalisé, ce qui rend l'exercice un peu surréaliste. Pour mettre en _uvre la territorialisation, faute de schémas de services collectifs, on s'appuie sur la stratégie du contrat de plan Etat-région, qui, elle, aurait dû s'appuyer sur les schémas de services collectifs qui n'existent pas encore.

En ce qui concerne l'ingénierie interne aux territoires, nous allons nous fonder essentiellement sur les zones d'urbanisme et sur les équipes d'agglomération de pays. A l'échelle de la région, nous pensons avoir recours aux observatoires.

Nous avons remarqué, dans les contrats de développement rural et dans le soutien aux petites agglomérations, un très grand déficit en ingénierie dans le Nord-Pas-de-Calais. C'est encore une idée neuve et nous devrons faire un gros effort dans ce domaine. Là où existe de l'ingénierie, nous sommes satisfaits des résultats que nous avons déjà obtenus.

M. le Rapporteur : S'agissant toujours de l'ingénierie, monsieur le préfet, de quelle manière les expériences sont-elles mises en réseau ? Par ailleurs comment développe-t-on la formation, car il va bien falloir ancrer la réalité de cette démarche de projet sur le territoire ?

M. Rémy Pautrat : Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il est absolument nécessaire de développer massivement l'esprit de réseau et les techniques de réseaux entre les services. Une bonne partie du succès de cette démarche territoriale va être fonction de notre capacité à devenir de vrais professionnels des technologies de l'information et de la communication, ainsi que de la gestion de l'information.

Si l'on n'est pas capable aujourd'hui de créer des centres de ressources auxquels l'on pourrait avoir recours, si l'on n'est pas capable de mettre les services de l'Etat en réseau, comment voulez-vous que l'on soit crédible à l'égard des services extérieurs ?

Je tiens beaucoup au développement de la stratégie d'administration partenaire. Il existe un problème de cohérence dans ce que fait ou ne fait pas l'Etat et dans la façon dont il est perçu. Prenez cet exemple très révélateur : lorsque je suis arrivé, les cartes d'identité étaient délivrées en sept mois et les permis de conduire en six ! Comment voulez-vous être crédible !

Or convaincre les fonctionnaires que ce n'était pas acceptable, est un travail important. Nous devons considérer les usagers comme nos clients, le sommet de la pyramide étant l'utilisateur, le préfet se situant en bas. Un effort considérable a été réalisé, les cartes d'identité sont aujourd'hui délivrées en 72 heures, mais les permis de conduire -malheureusement- en cinq mois.

Nous ne pouvons pas être crédibles dans cette démarche si nous n'avons pas le souci de répondre à la demande de l'usager : à la personne qui vient demander sa carte d'identité, à la collectivité locale qui cherche une réponse, au chef d'entreprise pour qui nous avons un devoir d'accompagnement -je vous rappelle que 80 % de l'information utile, dans le secteur économique, sont détenus par la puissance publique.

L'esprit de réseau est une culture différente et une condition de la réussite de cette démarche territoriale. Si l'on n'est pas capable de devenir des vrais professionnels dans les technologies de l'information et de la communication, l'on ne peut pas réussir dans cette démarche.

Il s'agit donc d'un changement énorme, d'un travail de formation considérable, mais également d'un problème de moyens ; l'on ne peut pas demander à l'administration de se réformer si elle n'en a pas les moyens. Et nous ne les avons pas toujours : notamment en termes de formation du personnel et de mise en place des technologies de l'information et de la communication.

M. Jean-Michel Marchand : Monsieur le préfet, je vous remercie des propos que vous venez de tenir, notamment en ce qui concerne les limites du développement durable ; j'apprécie beaucoup que vous y mettiez de la dimension éthique.

Cela étant dit, la situation dans les territoires n'est pas simple. Vous semblez inquiet de la taille trop réduite des territoires dans votre région. Je suis élu d'une région moins peuplée que la vôtre, Pays-de-la-Loire, plus rurale, et les inquiétudes sont largement aussi grandes.

En ce qui concerne cette notion de discrimination positive, peut-être la réflexion est-elle un peu simpliste, mais il faut savoir, de temps en temps, pour faire avancer les choses, poser les problèmes de façon brutale ; entre catalogue et projet, la nuance est énorme, et je puis vous assurer que ce sont plutôt des catalogues que l'on a vus jusqu'à présent.

Cependant, je conçois parfaitement qu'il n'est pas facile de mettre en _uvre des projets, notamment de façon collective et citoyenne.

Enfin, je crains que cette démarche ne devienne encore plus complexe. Nous venons d'achever le débat concernant la loi solidarité et renouvellement urbain, or, en matière de transport collectif, trois notions vont se superposer : l'aire urbaine au sens de l'INSEE, l'aire à dominante urbaine, et la communauté d'agglomération, dont la compétence transport est une compétence obligatoire.

Certains pensent, à partir de ces trois définitions, qu'il sera facile de trouver des solutions pour être plus efficace, alors que d'autres se demandent comment satisfaire aux besoins impérieux -transports collectifs- sans qu'ils soient supportés par le contribuable. Chacun sait qu'une communauté d'agglomérations, plus rurale qu'urbaine, aura du mal à mettre en place un tel dispositif.

M. Rémy Pautrat : La première forme de discrimination qui peut être intéressante pour faire avancer le système est de dire "non" ; quand on a le sentiment qu'il s'agit plus d'un catalogue que de différents projets, il faut savoir dire "non". Ce n'est pas toujours facile, certes, mais cela participerait à l'avancée de cette démarche.

S'agissant du SRADT, à ma connaissance, le travail a commencé, mais je ne peux pas vous en dire plus, ne disposant pas d'information à ce sujet.

M. le Rapporteur : Nous nous sommes rendus, voilà quinze jours, dans une région où la lecture du SRADT, du contrat de plan et les schémas de services collectifs mettaient en évidence des contradictions importantes. Au-delà de ces documents, nous devrons nous pencher sur les réalisations ; cela nous amène à la question suivante : quel examen annuel de mise en _uvre du contrat de plan Etat-région envisagez-vous ?

M. Rémy Pautrat : En ce qui concerne l'exécution du contrat de plan, nous avons prévu une réunion semestrielle du comité d'évaluation et de suivi. Et nous le ferons avec le souci d'apporter des corrections, des modifications, lorsque cela sera nécessaire.

M. Pierre Cohen : Monsieur le préfet, je voudrais revenir sur la cohérence entre les différentes phases de contractualisation, le contrat Etat-région et les schémas de services collectifs. La loi comporte des impératifs assez précis concernant les articulations entre la contractualisation territoriale, en particulier le volet territorial, et les schémas de services collectifs ce qui amène l'Etat à faire sa révolution culturelle et à en faire profiter les citoyens. Quelle est votre réflexion à ce sujet ?

M. Rémy Pautrat : Nous sommes en train de faire un exercice qui, par rapport aux résultats des schémas de services, devra à un moment donné être revu. Il nous a manqué, dans l'élaboration de ces stratégies, le socle permettant de constituer les schémas de services collectifs. Quand ils seront achevés, nous essayerons d'en tenir compte afin de réinsérer certaines dispositions, en espérant que nous n'avons pas trop fait d'erreurs. Pour l'instant, je n'ai rien à vous répondre, il s'agit d'un sujet sur lequel je me pose aussi beaucoup de questions.

M. le Rapporteur : N'y a-t-il pas, dans certaines régions, des projets fortement conditionnés par le biais du contrat de plan Etat-région ?

Le contrat de plan Etat-région ne risque-t-il d'entraîner l'Etat à avoir une attitude différente de celle que l'on souhaite ? Ne risque-t-il pas de devenir centralisateur en région et trop directif en ce qui concerne les projets ? Quelle latitude doit-il laisser aux projets sachant que ces derniers sont tout de même conditionnés par les crédits disponibles ?

La deuxième difficulté est celle du risque de catalogue. Nous l'avons vu avec les programmes leader et leader 2, par exemple, quand dans certaines régions, on a vu surgir la compilation de tous les désirs : les catalogues étaient la somme des désirs exprimés sur un territoire. Tant qu'il s'agit d'études et que l'Europe attribue des crédits d'étude, cela ne pose pas problème. Mais quand il faut passer à la réalisation de ces désirs, il est difficile de déterminer lequel d'entre eux doit être réalisé parce qu'il est pertinent à l'échelle du territoire ; il faut donc dire "oui" à très peu de projets et "non" à beaucoup.

Quand les choix se jouent à l'échelle du territoire et en son sein, on construit une politique territoriale forte. Si les choix sont préconditionnés par le contrat de plan Etat-région, le territoire est assujetti à la volonté de l'Etat ou de la région. Avez-vous rencontré ce double risque ?

M. Rémy Pautrat : Nous partons de l'idée que chaque territoire sera un cas particulier. Il est important que l'on soit exigeant sur la stratégie. Dès lors que l'on a le sentiment que le projet est authentique, on peut s'accorder sur un certain nombre de points. On sent s'il existe une volonté collective.

Je sais bien que cela est difficile. Je le vois, par exemple, pour le Hainaut-Cambrésis; il n'est pas simple de faire comprendre aux habitants de Douai, de Valenciennes, de Cambrais et de d'Avesnes, qu'il y a une sorte de sud du département du Nord, et qu'il serait bénéfique d'élaborer une stratégie pour ces quatre arrondissements, plutôt que quatre stratégies différentes.

Mon souci est de veiller à assurer les complémentarités, d'éviter les doublons ; de faire en sorte que l'on ne fasse pas la même chose partout. Je vous parlais des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Valenciennes possède un pôle image important et disposant d'un certain savoir-faire. Or, à Lille se développe le projet Eura-Technologie, dans lequel un pôle image doit également voir le jour. Il est très difficile de faire comprendre que, Valenciennes disposant déjà d'un tel pôle, il serait préférable de créer les complémentarités nécessaires. C'est un combat de tous les instants.

Bien entendu, nous ne devons pas non plus être trop réducteurs et vouloir à tout prix imposer notre façon de voir, mais il est important d'éviter les doublons. Or je suis certain que dans toutes les régions de France, les mêmes réalisations ont été mises en place plusieurs fois. En matière d'imagerie médicale, par exemple, il aurait été plus intelligent de ne développer que deux ou trois pôles, et de faire partager l'information !

Dans le Nord-Pas-de-Calais, je souhaite que le plus grand nombre de personnes se reconnaissent dans la stratégie du territoire, et se l'approprient. Mais si elles ne sont pas en situation de la comprendre ou si elles ne se sentent pas acteurs, l'approche territoriale ne nous permettra pas d'obtenir des résultats.

M. le Président : Monsieur le préfet, vous allez avoir un rôle important dans la validation des périmètres ; pressentez-vous déjà des difficultés dans cet exercice ? Au cours de mes déplacements, j'ai souvent rencontré des préfets gênés par des territoires recoupant deux départements ou deux régions. Quelle sera votre doctrine en la matière, si le cas se présente ?

Vous vous êtes interrogé sur les conseils de développement, sur la façon de les constituer, en vous fondant sur l'expérimentation qui a cours à Lille. Je me suis rendu à Lille à l'invitation de l'association "Géants", voilà un an ou deux, et j'y ai trouvé une grande richesse associative, des associations et un milieu universitaire qui s'étaient pleinement saisis de la problématique de l'aménagement du territoire. N'existe-t-il pas là une demande sociale pour intégrer les conseils de développement, ou bien celle-ci est-elle en conflit avec les stratégies des élus ?

M. Rémy Pautrat : Le milieu associatif dans le département du Nord est, en effet, d'une qualité rare et d'une puissance extraordinaire. J'observe d'ailleurs que, là aussi, le travail en réseau est indispensable. Il est inadmissible que les associations, notamment celles qui luttent contre l'exclusion, passent 50 % de leur temps à remplir des dossiers !

Mes collaborateurs et moi-même faisons beaucoup de terrain, et je peux vous affirmer que les personnes souhaitant participer au conseil de développement sont peu nombreuses. Nous devons réaliser un important travail de pédagogie. La solidarité s'exerce à l'échelle du quartier, ce qui a, d'ailleurs, certainement permis à cette région de tenir quand tout s'est effondré.

Nous avons organisé des réunions de terrain concernant le contrat de plan, auxquelles nous avons invité les associations. Nous avons eu l'impression que, pour elles, il s'agissait d'un exercice qui était loin des réalités de terrain. Elles sont confrontées à des problèmes humains d'une telle ampleur que notre exercice leur apparaît trop intellectuel. Pour nous, ces associations sont aussi une école de pédagogie et d'humilité : nous essayons de faire comprendre aux personnes travaillant dans ces associations que leur participation serait positive pour leur devenir ; cela est extrêmement compliqué !

En fait, il faudrait que l'on soit en situation de leur montrer concrètement à quoi tout cela sert. Peut-être faudra-t-il que l'on en fasse moins, mais que le résultat soit plus visible. Nous devons donc réussir nos expérimentations afin de démontrer aux intéressés que l'on change quelque chose.

Que devons-nous changer dans notre comportement pour être crédibles ? Tout d'abord, le rapport aux autres, mais également l'administration, pour en faire une administration de partage ; si l'on n'est pas partenaire, si les gens ont le sentiment que l'on ne tient pas compte de leur demande - s'ils attendent sept mois pour avoir leur carte d'identité -, nous ne serons pas crédibles.

En ce qui concerne les territoires, le plus important est la pertinence. Nous devrons dire "non" aux projets qui ne sont pas viables. Mais nous sentons bien que cela ne sera pas facile à gérer sur le terrain.

Enfin, il faut susciter le volontariat, susciter la prise de conscience de l'intérêt général ; mais, et je me répète, elle sera largement fonction de notre propre comportement. Je trouve les élus beaucoup plus ouverts, déjà prêts à s'investir dans cette démarche ; le problème sera la capacité de l'Etat à se réformer suffisamment pour être convaincu de l'intérêt de cette démarche et pour lui donner ses chances.

M. le Président : Monsieur le préfet, je vous remercie.

Audition de Mme Dominique VOYNET,

ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

(Réunion du mercredi 31 mai 2000)

Présidence de M. Philippe DURON, Président

M. le Président : Madame la Ministre, la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est particulièrement heureuse de vous recevoir aujourd'hui pour la première fois, afin d'évoquer avec vous une série de sujets, et principalement celui du volet territorial des contrats de plan Etat-région.

Ce thème est le premier choisi par notre Délégation. Cela est logique dans la mesure où la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire a innové en mettant l'accent sur la recomposition des territoires et sur la possibilité conférée aux pays et aux agglomérations de contractualiser dans le cadre de la nouvelle génération des contrats de plan qui viennent d'être signés.

La Délégation a procédé à plusieurs auditions sur ce thème. Elle a entendu les représentants de l'Association des régions de France et de l'Assemblée des départements de France ; elle a reçu Mme Bettina Laville, conseillère du Premier Ministre ; elle a entendu MM. Dominique Parthenay, Francis Ampe et Nicolas Portier, de la DATAR, qui est rattachée à votre ministère ; elle a ensuite auditionné plusieurs préfets, M. Hubert Fournier, préfet de Basse-Normandie, M. Rémy Pautrat, préfet du Nord-Pas-de-Calais, puis l'un de vos prédécesseurs, Madame la Ministre, M. Jacques Chérèque.

La Délégation, pour compléter son information, a effectué un déplacement en Champagne-Ardenne, où elle a rencontré le préfet, M. Michel Thénault, le président du conseil régional, M. Jean-Claude Etienne, des conseillers régionaux et le président du CES régional.

Notre rapporteur, M. Jean-Claude Daniel, nous a présenté son rapport le 17 mai dernier, mais la Délégation ne voulait pas clore ce thème sans vous entendre à ce sujet et échanger quelques réflexions avec vous. Au cours de cette réunion, la délégation a adopté dix recommandations. Vous avez pu en prendre connaissance dans le compte rendu qui a été publié à la suite de cette réunion ; je ne vous les rappellerai donc pas toutes, mais, peut-être certaines d'entre elle permettront-elles de lancer la discussion à l'issue de votre exposé liminaire.

L'ensemble d'entre elles montre que la Délégation souhaitait avoir une meilleure connaissance des réalités du terrain. C'est ainsi qu'elle a mis l'accent sur la nécessité de mettre en place un observatoire des territoires et de disposer d'une cartographie plus détaillée. Elle a également demandé au gouvernement d'expliciter la cohérence et l'articulation entre les contrats de ville et les contrats d'agglomération, et plus généralement la méthodologie d'emboîtement des différents contrats.

Enfin, elle a regretté qu'il n'ait pas été possible de mettre à la disposition des préfets des crédits non affectés, au moins pour les micro projets, et que le rôle du conseil de développement prévu par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire soit, de fait, minoré.

Je vous laisse la parole, madame la Ministre, pour que vous puissiez, dans un exposé liminaire, nous donner votre point de vue sur ces questions.

Mme Dominique Voynet : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette séance est pour moi l'occasion de faire le point sur la mise en _uvre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, votée le 25 juin dernier. Voilà donc un an que cette loi a été promulguée ; nous n'avons pas terminé la mise en _uvre des grands chantiers générés par cette loi qui a l'ambition de réorienter les choix publics en matière d'aménagement durable du territoire, mais de le faire dans une approche permettant une réelle appropriation collective de ces choix.

Je voudrais dire quelques mots des chantiers qui ont été, pour l'essentiel, menés à bien au cours de cette année, en évoquant tout d'abord les contrats de plan Etat-région et les documents de programmation européens.

Elle manifeste, tout comme pour les documents de programmation européens, l'intérêt des régions et des collectivités pour cet exercice et l'importance de leur engagement : pour les contrats de plan Etat-régions, c'est à une quasi-parité que s'engagent les régions, puisque, aux 120 milliards de francs dégagés sur sept ans par l'Etat correspondent plus de 110 milliards de francs des régions, auxquels s'ajoutent environ 50 milliards de francs des départements. Il convient d'y ajouter environ 64 milliards de francs de fonds structurels européens programmés dans une stratégie élaborée région par région par les préfets. Au total, 350 milliards de francs seront consacrés à ces politiques, de 2000 à 2006, soit 50 milliards de francs par an.

Le volet territorial de ces contrats est important puisqu'il mobilise potentiellement 30 % des crédits de l'Etat et des régions, soit 70 milliards de francs sur la période. Il s'agit, soit de crédits dédiés spécifiquement à ce volet territorial, en particulier les crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et les crédits de la politique de la ville pour un tiers, soit de crédits sectoriels applicables localement dans le cadre des contrats pour les deux autres tiers ce qui représente la moitié des 40 % de crédits non dédiés et affectés régionalement dans le cadre des contrats, en matière, par exemple, de transport ou d'enseignement supérieur et de recherche.

On voit bien comment, selon les régions, on s'est emparé de cette dimension territoriale des contrats, avec le souci de concrétiser ce qui correspondait à une attente forte du terrain, et comment on s'est adapté en cherchant à mettre en valeur la cohérence territoriale. La démarche a été comprise et soutenue dans plus de la moitié des régions.

Pour être plus précise, outre les 4 milliards de francs du FNADT et les 8 milliards de francs de la politique de la ville, le gouvernement a procédé au repérage des moyens budgétaires qui serviront de manière privilégiée à financer des actions inscrites dans les contrats territoriaux.

Ces politiques, dites à vocation territoriale, ont été déterminées dans un cadre interministériel et correspondent aux différentes actions que les ministères s'engagent à mettre en _uvre dans le cadre des volets territoriaux et pour lesquels ils considèrent qu'un gain d'efficacité significatif résultera de cette procédure.

Il est demandé aux préfets, à ce titre, de veiller scrupuleusement au respect des principes de la loi en dissuadant les démarches précipitées qui ne présenteraient pas les garanties nécessaires en matière de participation des acteurs économiques, sociaux et associatifs locaux. Il leur a aussi été demandé de veiller à la cohérence des espaces proposés pour les pays et aux progrès réels de l'intercommunalité pour les agglomérations. Il s'agit de s'assurer que les contrats se fondent sur un projet de territoire prenant en compte l'ensemble de l'aire urbaine et, a minima, la totalité des communes du pôle urbain principal.

Pour ce qui concerne les pays, il convient de veiller au renforcement des solidarités entre espaces ruraux et urbains, notamment à l'échelle du bassin d'emploi, en utilisant la souplesse permise par la distinction prévue entre périmètre d'étude et périmètre définitif du pays.

Dans la perspective d'une meilleure contribution des services de l'Etat au dispositif, il est demandé aux préfets de mobiliser les collèges des chefs de services extérieurs de l'Etat au niveau départemental et régional. Ceux-ci seront encouragés à apporter leur concours à l'élaboration des projets d'agglomération ou de pays, dès lors que les acteurs locaux souhaiteront les associer à leurs travaux. Ils auront la charge de préparer les contrats de territoires et d'en assurer le suivi lors de la phase de mise en _uvre. Il est demandé que chaque administration, tant au niveau départemental qu'au niveau régional, nomme un correspondant, doté des prérogatives suffisantes pour mobiliser l'administration de rattachement à travers ces contrats territoriaux.

Cette mobilisation concerne particulièrement :

- l'agriculture, au travers des programmes rassemblés sous les intitulés "développement durable des activités et des emplois" et "gestion des milieux" ;

- l'industrie, pour les politiques en faveur des petites et moyennes entreprises, et, en liaison avec le FNADT, pour la mobilisation des systèmes productifs locaux ;

- les PME, le commerce et l'artisanat, pour les actions d'accompagnement, de promotion des nouvelles technologies, de mobilisation pour les investissements immatériels et les actions groupées ;

- l'économie sociale et solidaire ;

- le tourisme, pour la mobilisation et le développement du tourisme local ;

- la culture, pour l'ensemble des programmes relatifs à l'aménagement culturel du territoire ;

- l'éducation nationale, la recherche et la technologie, pour les actions relatives à la technologie, à la vie étudiante et au développement des pôles et des actions nouvelles ;

- l'emploi, la solidarité et la santé, pour les dispositifs d'insertion professionnelle et de lutte contre l'exclusion, l'adaptation des entreprises, les actions à destination des publics particuliers, notamment les personnes âgées, les personnes handicapées ;

- l'environnement, notamment pour la gestion des milieux naturels, l'intervention en faveur des sites et des paysages, les actions relatives à la réduction des pollutions de l'air et du bruit, l'éducation à l'environnement ;

- la jeunesse et les sports, pour les actions relatives à la jeunesse et à la vie associative.

-

La mise en place de ce cadre budgétaire et de ce programme rend d'autant plus nécessaire la publication prochaine des décrets et textes d'application relatifs à ce volet territorial.

a plupart des décrets étaient prêts dès le mois de septembre et les phases de concertation -concertations prévues et voulues à la fois par le gouvernement et les parlementaires- ont été longues.

Il est vrai qu'en raison du temps consacré à de vrais échanges avec le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire (CNADT) et les consultations menées dans les régions, le Conseil d'Etat n'a été saisi que le 19 avril dernier de l'ensemble des projets de décrets, à l'exception de celui qui est relatif aux agglomérations et qui sera transmis cette semaine ; il devrait rendre un avis début juin.

Nous avons en effet eu d'abord une première présentation devant le CNADT ; nous avons intégré ses remarques dans les projets qui ont ensuite fait l'objet d'une consultation interministérielle, puis nous avons indiqué au CNADT celles de ses suggestions que nous avions retenues. Cette procédure est relativement lourde et peut gêner le CNADT ; il est en effet difficile de mobiliser des élus locaux, des représentants syndicaux et associatifs sur des projets de textes lourds, technocratiques. Nous avons d'ailleurs remarqué que la participation à ces réunions était aléatoire et assez faible dès lors que les sujets abordés n'étaient pas des sujets très concrets et ancrés dans la pratique des participants.

Le nouveau conseil national d'aménagement et du développement du territoire (CNADT), les conférences régionales d'aménagement et du développement du territoire (CRADT), ainsi que les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire pourront donc être mis en place ou élaborés dès cet été. En fait, il s'agit là d'une clause de style, puisque le CNADT et les CRADT fonctionnent déjà sur des bases qui tiennent compte de la volonté de renouvellement qui s'exprimait dans la loi.

La mise en place des pays et des agglomérations et la contractualisation avec ces territoires pourront également s'engager sans retard particulier par rapport aux contrats de plan, la possibilité de conclure les contrats relatifs au volet territorial étant ouverte jusqu'en 2003. Les décrets confirment, malgré les réticences des ministères de l'intérieur et des transports, de l'équipement et du logement, la nécessité d'un projet préalable et le caractère partenarial de cette entreprise.

A ce jour, plus de 200 territoires ont engagé la réflexion et les démarches préalables à la constitution des pays. Il en est de même pour une trentaine d'agglomérations, parmi lesquelles les quatorze agglomérations-tests avec lesquelles une démarche d'expérimentation est menée.

La mobilisation des acteurs locaux lors des cinquièmes rencontres du développement local qui se sont tenues à Lille les 22 et 23 mai constitue à cet égard un signe très encourageant. Elle permet d'espérer une réelle amélioration qualitative des projets. Une réunion des préfets de région à la mi-juin, accompagnée d'une circulaire à leur attention, pourra préciser les modalités pratiques de mise en place des agglomérations.

Je veillerai tout particulièrement à ce que les moyens d'ingénierie prévus dans le cadre du FNADT qui, comme vous le soulignez dans votre rapport, sont indispensables à la qualité des projets, soient mobilisés auprès des collectivités maîtres d'ouvrage pour la conduite et le pilotage du projet d'ensemble, et pour partie, auprès des conseils de développement pour assurer la participation et le partenariat avec les acteurs économiques, sociaux et associatifs.

S'agissant des actions elles-mêmes, les crédits du FNADT doivent permettre de répondre aux besoins de crédits non affectés pour les petits projets ou les éléments nécessaires à la cohérence de l'ensemble. Et je serai attentive à ce que, progressivement, les volets des contrats territoriaux d'exploitation consacrés à l'environnement puissent être mis en cohérence, voire intégrés dans les projets de territoire.

Pour ce qui concerne les contrats de ville, 250 contrats sont aujourd'hui signés ou en voie de l'être. Ces contrats, qui constituent une contribution au volet de cohésion sociale et territoriale des futurs contrats d'agglomération, seront intégrés dans la contractualisation et, le cas échéant, réexaminés et amendés pour tenir compte du document d'ensemble. Je pourrai revenir plus en détail sur les questions que vous vous poseriez sur les divers aspects précédemment évoqués.

Le deuxième grand volet concerne les schémas de services collectifs.

L'élaboration des neufs schémas de services collectifs prévus par la loi comprend trois étapes. La première, qui s'est achevée en août 1999, a conduit à produire les documents de cadrage fixant les priorités de l'Etat dans chacun des domaines concernés.

La deuxième, menée sous l'autorité des préfets de région, a permis à la fois une élaboration concertée avec les acteurs régionaux et l'identification des priorités pertinentes au regard des grandes orientations des notes de cadrage. Elle a fixé également les objectifs d'amélioration de service à satisfaire.

La troisième, enfin, qui est en cours, doit permettre aux comités stratégiques d'élaborer le contenu des schémas lui-même. Engagée activement avec chacun des ministres concernés, les projets de schéma doivent être achevés au plus tard le 31 juillet prochain, de même que la rédaction du document d'introduction d'ensemble des schémas. Celui-ci s'appuiera sur les travaux de prospective menés à la DATAR et au commissariat général du plan.

Les consultations prévues se dérouleront auprès des régions et des conférences régionales du 1er septembre au 30 novembre 2000. Les avis et contributions issus de cette consultation seront rassemblés pour être adressés aux comités stratégiques et joints aux documents de la consultation nationale. Celle-ci se déroulera du 1er janvier au 31 mars 2001 auprès de votre Délégation et de celle du Sénat, et auprès du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et des instances spécialisées.

Ce calendrier devrait permettre une adoption définitive des schémas par le gouvernement avant le 30 avril 2001, en vue de la publication du décret. Nous pourrons revenir plus en détail sur chacun de ces schémas. Vous l'aurez noté, l'essentiel des délais sont ceux de la concertation et des échanges ; nous aurions pu nous en tenir à une collecte des contributions régionales suivie d'une synthèse nationale et de l'élaboration par l'Etat de ces propositions.

Nous avons souhaité, parce que cela correspondait à une demande forte des régions, que les propositions de l'Etat leur soient retransmises pour que l'on s'assure de l'adéquation entre les contributions régionales et la synthèse nationale, et que l'on dispose de l'avis des régions sur des schémas nationaux, avec une vue d'ensemble pour chacune d'entre elles.

On peut répertorier ces schémas en trois grandes catégories. Tout d'abord, les quatre schémas relatifs au transport de voyageurs et de marchandises, à l'enseignement supérieur et à la recherche, ainsi qu'à la santé, sont aujourd'hui largement avancés et font l'objet d'arbitrages et de choix de la part du gouvernement. C'est ainsi, par exemple, qu'en matière de transport, je m'attache à ce que les objectifs de services et d'environnement, notamment au regard des engagements relatifs à la lutte contre l'effet de serre, soient pleinement pris en compte.

Ensuite, les schémas relatifs à la culture, au sport à et l'énergie, dont le cadre national est fixé, nécessitent un travail plus fin de localisation et de territorialisation aux échelles régionales ou interrégionales.

Enfin, les technologies de l'information et de la communication, ainsi que les espaces naturels et ruraux, qui constituent des exercices nouveaux dans leur réalisation et dans leur conception, constituent le troisième ensemble.

Pour les technologies de l'information et de la communication, le cadre en est éclairé par les débats actuels sur la couverture du territoire et des populations par la téléphonie mobile et les réseaux GSM et UMTS. Le gouvernement réaffirme son engagement en faveur d'une couverture exhaustive du territoire, d'une part, et d'un assouplissement des possibilités d'équipement du territoire par les réseaux à haut débit, d'autre part.

Pour les espaces naturels et ruraux, il s'agit d'arriver à une approche active des territoires face aux phénomènes d'étalement urbain, en prenant en compte les cohérences propres à leurs fonctions économiques et sociales, notamment dans le domaine de l'agriculture, d'une part, et les objectifs de qualité de l'environnement, de préservation des ressources et de prévention des risques, d'autre part. Il s'agit d'éléments qu'il est difficile de rendre compatibles sur le terrain, et je confesse donc que pour ces deux derniers schémas, notre travail est moins avancé que nous l'avions espéré.

Le troisième élément important est la politique des services publics.

Il s'agit de mettre en _uvre de manière coordonnée les deux dispositifs juridiques qui constituent la base de l'évolution territoriale des services publics.

D'une part, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire qui, dans son article 30, concerne les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placées sous la tutelle de l'Etat ou celles dont il est actionnaire et qui sont chargées d'un service public.

D'autre part, les décrets du 20 octobre 1999 qui modifient les décrets du 10 mai 1982 relatifs au pouvoir des préfets et qui renforcent leur rôle en matière de concertation lors des modifications de l'organisation des administrations civiles de l'Etat, des unités de gendarmerie nationale et des organismes chargés d'une mission de service public non visés par la précédente loi.

Le champ couvert est donc constitué par l'ensemble des administrations, établissements, organismes publics et entreprises nationales placés sous la tutelle de l'Etat.

L'évolution du contexte au plan européen et l'évolution de l'attente de services des populations en termes de qualité et d'accessibilité imposent un renouvellement profond des méthodes de modernisation de ces services publics. Ils doivent mieux intégrer les attentes des habitants et être organisés à une échelle adaptée à la satisfaction de ces attentes.

Les réorganisations appellent une plus grande concertation avec les personnels, les usagers et les élus, et la constitution d'espaces de projet appropriés et reconnus localement. Vous vous souvenez que, lors de l'examen de la loi, nous avions avancé l'idée que les pays et les agglomérations pourraient représenter un cadre adapté pour mener cette approche et définir à cette échelle une réponse négociée avec les intéressés, permettant enfin de sortir d'une logique sectorielle.

Elle pourrait s'appuyer sur l'idée de contrats locaux de services publics. Cela présuppose que le cadre soit fixé par le gouvernement et les administrations centrales, la mise en _uvre étant déléguée aux préfets et aux administrations déconcentrées. Sur ce chantier, nous avons encore un important travail à réaliser dans les mois à venir.

Je n'ai pas évoqué deux thèmes qui constituent néanmoins des chantiers auxquels je suis attentive. Le premier concerne la mission sur les zonages qui a été confiée au président de la délégation et à Mme Geneviève Perrin-Gaillard pour nous permettre de faire aboutir le chantier promis aux parlementaires sur la simplification et la mise en cohérence de ces zonages. Le second est l'achèvement de la mise en place de l'Agence des investissements étrangers qui doit permettre de mettre en cohérence les outils du ministère de l'économie et des finances et ceux de mon ministère destinés à démarcher les industriels et les entreprises à l'étranger et à leur proposer une localisation adaptée sur le territoire. Là encore, l'essentiel du travail de préparation a été réalisé, il nous reste à finaliser ce travail en concertation avec le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le Président : Madame la Ministre, je vous remercie pour ce balayage très complet des chantiers de l'aménagement du territoire ainsi que des problèmes de la mise en _uvre des contrats de plan, et de la territorialisation avec des contrats de pays et d'agglomération.

Madame la Ministre, pouvez-vous nous dire où nous en sommes dans la validation des documents uniques de programmation ? Le commissaire à l'action régionale et le commissaire à l'environnement ont signé une lettre commune indiquant que ces documents uniques de programmation seront validés que lorsque les pays membres auront satisfait à leurs obligations en matière environnementale notamment, à savoir, pour ce qui concerne la France, la mise en _uvre de la directive "Natura 2000" et des directives "Habitat" et "Oiseaux".

Nous aimerions savoir comment nous allons pouvoir satisfaire à nos obligations européennes, et comment nous pourrons lancer ces politiques que nous attendons tous sur les territoires.

Mme Dominique Voynet : Je dois, à cette heure, vous faire part de ma perplexité. En effet, j'ai rencontré la commissaire européenne à l'environnement il y a 48 heures, je lui ai posé directement la question en essayant de lui faire préciser quelles étaient les exigences réelles de la Commission et quelle était la nature des points sur lesquels la commissaire à l'environnement et le commissaire à l'action régionale s'étaient mis d'accord.

Je suis encore plus interrogative à cette heure qu'il y a 48 heures, parce que la commissaire en charge de l'environnement exige non seulement la transmission de tous les sites qui pourraient être retenus au titre de "Natura 2000", mais également de ceux qui n'ont pas encore été transmis et pour lesquels la France n'entend pas opérer une transmission, l'idée étant donc de veiller, pour ce qui concerne le commissaire à l'action régionale, à ce que les fonds structurels ne soient pas mobilisés en faveur de projets qui mettraient en péril la conservation de ces sites. J'ai attiré son attention sur le fait qu'il y avait une réelle incohérence à exiger la transmission de documents évidemment générateurs de contentieux futurs dans la mesure où, si l'on n'a décidé de ne pas transmettre ces sites, c'est que des éléments objectifs les rendaient intransmissibles.

Je me suis engagée devant les acteurs locaux à ne transmettre à Bruxelles que des sites sur lesquels la concertation avait permis de dégager un certain accord local. Et notre réglementation nous y oblige : un décret impose cette consultation préalable. Or je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la consultation préalable est simplement un passage obligé, suivi par l'oubli des éléments de réticence ou d'opposition des acteurs locaux. Je me refuse donc à cette exigence dont le caractère abusif et étroitement technocratique m'apparaît manifeste.

Cependant, je n'ai toujours pas de réponses utilisables pour nous. J'avais cru comprendre, lors d'une rencontre préalable avec M. Michel Barnier, que nous pourrions, au contraire, mobiliser des fonds européens sur des cantons difficiles, au motif de politiques de protection d'intérêts communautaires. Or ce n'est pas du tout la même démarche, au contraire ! Nous serons donc amenés à revenir sur cette question avec M. Michel Barnier que je n'ai pas encore sollicité sur ce problème.

Donc, côté environnement, les exigences m'apparaissent exorbitantes et impossibles à satisfaire. Je ne me vois pas justifier, site par site sur le territoire national, le bien-fondé des projets car il faut, en plus, transmettre à la Commission des argumentaires scientifiques.

M. le Président : J'ai bien senti, en rencontrant M. Michel Barnier, qu'il s'agissait d'un problème assez difficile, et que l'on aurait des difficultés à satisfaire les exigences bruxelloises.

Mme Dominique Voynet : J'aimerais que la Commission fasse son travail, qu'elle parle d'une seule voix et se mette d'accord sur l'étendue exacte des exigences. Or à cette heure, je n'ai pas l'impression que les exigences de M. Michel Barnier soient les mêmes que celles de Mme Margot Wallström.

M. le Rapporteur : Madame la Ministre, je vous remercie d'avoir brossé l'ensemble des problèmes qui sont les nôtres face à la mise en exécution sur le terrain des lois de 1999.

Parler du volet territorial du contrat de plan aurait dû relever du pléonasme, car comment imaginer que les régions puissent ignorer la diversité des territoires et la nécessité des actions à y promouvoir ? Au cours de nos auditions, nous avons bien remarqué que, pour atteindre le seuil prévu de 20 à 30 % des crédits inscrits dans le cadre du volet territorial, certaines régions ont transformé des actions de droit commun, ou presque, en actions dites territoriales, alors que pour d'autres, ce sont bien des actions nouvelles qui ont ainsi été définies dans les contrats de plan Etat-région.

Il y a donc là une différence importante d'une région à l'autre, et c'est l'une des questions sur lesquelles nous serons amenés à revenir dans un souci d'équité à l'échelle du territoire national.

La période de contractualisation nouvellement ouverte doit permettre de poursuivre la construction de ces projets de territoire inscrits dans la durée et à l'échelle du sol national. Elle doit être l'occasion de mettre en relation les bassins de proximité, les interconnecter et, en définitive, de créer une logique d'ensemble intégrant unités urbaines, périurbaines et rurales. Cela a été d'ailleurs, à travers les auditions, l'un des grands sujets de discussion à l'intérieur de notre délégation. Y a-t-il contradiction ou complémentarité entre les initiatives que l'on est amené à prendre dans les régions concernant le milieu urbain et le milieu rural ? Les réponses sont assez claires à l'échelle de tous les territoires, mais pas totalement élucidées.

Et pourtant, c'est bien là que réside l'enjeu principal : comment les textes législatifs récents sur l'intercommunalité, les agglomérations et les pays vont-ils permettre de faire vivre des projets de territoires qui intègrent la forte imbrication du rural et de l'urbain, voulue parfois, imposée la plupart du temps, par l'évolution sociale, économique ou culturelle de notre pays, en particulier les déprises démographiques dans le monde rural dit, quelquefois, profond ?

Le volet territorial, puisqu'il s'agit de cela, est une innovation majeure de la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire. Sa mise en place, nécessairement progressive vous l'avez dit, présuppose une organisation des territoires, avec une première étape qui est fixée à 2003, autour de projets de qualité, ainsi qu'une modification des pratiques administratives. Et je vais y revenir au travers de deux questions au-delà des recommandations qui ont été adoptées par la délégation à l'aménagement du territoire.

Premièrement, à l'évidence, du côté des territoires, passer d'une logique de guichet à une politique de projets impose de surmonter tous les corporatismes locaux, ce qui est une vraie difficulté. Mais en même temps, du côté des administrations et des services publics, cela nécessite de mettre en _uvre une territorialisation de ces services publics dans une démarche stratégique et cohérente de présence de proximité, moins centrée sur les procédures et leur contrôle que sur l'efficacité des mesures arrêtées dans le cadre de ces textes.

De quelle manière envisagez-vous, madame la Ministre, de proposer aux services de l'Etat déconcentrés ou départementalisés une présence de territoire, prenant en compte la réalité des agglomérations et des pays ? C'est une question qui reste non résolue et qui va prendre une grande acuité au fur et à mesure que les territoires vont réellement se constituer et commencer à agir.

La toute jeune Délégation à l'aménagement du territoire, dans son premier rapport, a pu mesurer la diversité et la richesse des approches de région à région, mais en même temps, elle a constaté lacunes, incohérences, contradictions parfois, et donc un grand risque d'iniquité.

Une certitude se fait jour - et c'est la seconde question : l'ingénierie du développement local, levier puissant, sera un élément déterminant de la réussite, et chacun doit en mesurer l'importance. Les moyens financiers sont indispensables, vous l'avez rappelé, le FNADT a fait l'objet d'une augmentation significative et d'une réorientation dans son affectation, mais ces moyens financiers ne peuvent constituer la seule réponse.

Les lieux et les moyens de la formation des techniciens, des élus, des acteurs locaux, donc des équipes d'ingénierie de terrain, les lieux et les moyens de la capitalisation des expériences, de la mutualisation des projets de territoire, de la mise en réseau des méthodologies indispensables sont pour partie à imaginer, et pour d'autres, existants mais à mobiliser. C'est un second sujet qui me paraît majeur, et qui résulte des auditions auxquelles nous avons procédées. Pour l'ingénierie et le développement local, comment passe-t-on, en quelque sorte, de l'enveloppe financière à la réalité de l'action, et comment prépare-t-on ce travail indispensable des équipes de terrain ?

Tels sont, Madame la Ministre, les deux sujets sur lesquels je souhaitais revenir. Vous avez pris connaissance des dix recommandations adoptées par la Délégation. Les cinq premières sont l'affirmation du souci de disposer d'un certain nombre d'outils pour la mise en application de la loi dans la réalité de terrain. Les cinq autres s

Mme Dominique Voynet : Je ne vais pas faire semblant de répondre à certaines de vos questions qui restent pour moi aussi des questions ! Je vous proposerai des ébauches de pistes, qui ne doivent d'ailleurs pas être très loin de celles que vous avez vous-mêmes identifiées sur le terrain ou au hasard de vos rencontres.

En ce qui concerne le volet territorial des contrats, on constate d'énormes différences d'une région à l'autre, tant sur le pourcentage quantitatif du volet territorial que sur la qualité des projets ; effectivement, on a parfois reconstruit a posteriori une présentation du volet territorial permettant de laisser penser qu'on avait engagé cette démarche, alors que, manifestement, les acteurs locaux, du côté de l'Etat comme du côté des élus, avaient éprouvé beaucoup de difficultés à l'aborder.

On voit bien que des politiques sont, et étaient déjà, par nature, territorialisées. Il n'y a pas de raison de réinventer le contrat de ville, par exemple ; on l'enrichit, on le fait monter en puissance au fur et à mesure que les différents partenaires apprennent à travailler ensemble, c'est normal. On voit aussi que des régions ont, et avaient, l'expérience soit de l'intercommunalité, soit de la construction de projets à des échelles territoriales variées, soit de montage de projets de parcs naturels régionaux. Des départements ont déjà eu le souci de couvrir leur territoire de projets de pays. En Poitou-Charentes ou en Rhône-Alpes, cette expérience existe, alors que ce n'est pas le cas en Auvergne ou dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Notre pari est de faire en sorte que ces régions, qui ne possèdent pas cette expérience et se rendent compte aujourd'hui qu'elles n'ont peut-être pas utilisé tous les outils qui étaient à leur disposition, enrichissent leur démarche d'ici à 2003. Cela ne pourra se faire que si l'on met en place des lieux d'échange des expériences.

Vous avez insisté sur une dimension qui me paraît effectivement mal prise en compte dans de nombreux contrats, qui est la question de l'imbrication rural-urbain. Je voudrais dire quelques mots d'une expérience qui a été menée dans ma région à propos du montage du projet de territoire Saône-Rhin, et qui a conduit préfet, secrétaire général pour les affaires régionales et acteurs locaux à identifier des pôles le long de la vallée du Doubs, le cahier des charges comportant l'obligation de réfléchir à cette synergie rural-urbain. Or même dans ce cas, on peut faire mieux, et il faudra que l'on tire partie des appels à projets qui avaient été lancés.

J'ai peut-être déjà eu l'occasion de citer le travail qui avait été mené autour de la dynamique ville de Chambéry et du massif des Bauges, en réponse à un appel à projets "Agenda 21". On se rend compte que, d'une bonne idée au projet concret, un important travail reste à accomplir. Je vous fournirai les quelques exemples dont nous disposons, mais je crois que les réalisations sont encore insuffisantes.

S'agissant de la territorialisation des services publics, on constate à la fois une attente forte de la population et une réelle volonté de la part des préfectures et des secrétaires généraux pour les affaires régionales d'y réfléchir. Mais je relève deux types de difficultés. La première tient aux réticences des administrations et des entreprises publiques qui ne sont pas habituées à cette pratique ; je pourrais évoquer, par exemple, les difficultés réelles que l'on a à faire évoluer sur le terrain les services de La Poste. Nous avons vraiment l'impression d'une vision très verticale de la part des entreprises. La seconde, c'est le désarroi des personnels dont la formation, l'absence de passerelles entre les métiers, la diversité des statuts et des conditions de travail ne facilitent pas non plus l'appropriation de projets de ce type. Il s'agit donc d'un des chantiers sur lesquels il faudra aller au-delà du dispositif mis en place par la loi.

Là encore, comme le disait le rapporteur, de nombreuses expérimentations ont été menées ; ce qui nous manque, peut-être, c'est un lieu permettant de capitaliser ces expériences et de les mettre en commun en vue de les généraliser. Je ne sais pas si cette délégation peut y contribuer, mais je ressens ce besoin, tant au niveau national que régional.

J'évoquerai enfin l'Institut des hautes études d'aménagement du territoire (IHEDAT), auquel le président participe activement, dont l'objectif est non pas d'apporter des connaissances à des étudiants non expérimentés, mais d'échanger. La diversité des participants - préfets, élus, syndicalistes, chefs d'entreprise, parlementaires - doit nous permettre d'avancer.

M. le Président : Madame la Ministre, je voudrais revenir quelques instants sur le problème des services publics, car nous avons conscience qu'il s'agit d'un des problèmes essentiels pour le dynamisme des territoires, ou même la survie de certains territoires fragiles. On ne pourra pas en rester au moratoire, et le gouvernement l'a bien compris. Il faut imaginer autre chose.

Notre Délégation s'est donc fixé comme deuxième thème d'étude les services publics. Elle aura deux rapporteurs, l'un pour examiner les problèmes d'ensemble, l'autre pour s'intéresser aux problèmes ruraux. Mais vous avez évoqué un sujet qui avait été soulevé par le préfet du Nord-Pas-de-Calais, M. Rémy Pautrat ; il nous avait fait part de la difficulté qu'il rencontrait pour faire comprendre la loi d'orientation et d'aménagement du territoire à ses fonctionnaires, qui se sentent souvent dessaisis ou perturbés par des logiques nouvelles qu'ils doivent adopter.

Vous avez enfin mentionné l'IHEDAT, qui peut être un moyen pour favoriser une acculturation nouvelle des cadres les plus importants de la fonction publique, des assemblées, des élus, mais également d'un certain nombre d'autres acteurs tels que des chefs d'entreprise ou des syndicalistes. Il conviendrait peut-être d'envisager une déclinaison régionale de cette initiative afin que ce travail d'acculturation des acteurs locaux puisse se faire d'une façon plus généralisée et plus rapide. Il s'agit d'un enjeu essentiel si l'on veut mobiliser tous les acteurs dans une logique de projet.

M. Félix Leyzour : Madame la Ministre, ma première préoccupation concerne la publication des décrets d'application ; j'ai bien compris vos propos à ce sujet et noté qu'elle est moins rapide que ce que l'on espérait.

Le deuxième point que je souhaitais soulever est relatif à la constitution des territoires, communautés d'agglomérations et pays. S'agissant des communautés d'agglomérations, on remarque des progrès, le cadre est plus net et plus précis que pour les pays. En effet, pour ces derniers, le cadre est plus flou : les pays sont différents et variés, les uns ont une certaine caractéristique géographique, d'autres une caractéristique historique.

Les décrets d'application comporteront-ils des éléments plus précis sur les pays ?

Ma troisième question porte sur les pays et les services publics. Je crois qu'il faut une certaine présence des services publics dans ces territoires pertinents de développement, de concertation, d'élaboration de projets. Mais je constate que les zones ne se recoupent pas forcément ; nos arrondissements de sous-préfecture, par exemple, ne correspondent pas forcément à des pays. Une zone d'attraction d'un lycée ou d'un hôpital ne coïncidera pas nécessairement avec tel ou tel pays.

Bien entendu, nous devons faire en sorte d'aller vers une plus grande coïncidence, mais il ne faut pas s'épuiser dans la recherche d'une coïncidence systématique sur laquelle l'on risque de buter et décourager totalement les acteurs locaux. Il convient donc d'être pragmatique et faire en sorte que les services publics soient présents partout. Et ils ne se présentent pas de la même façon ; vous avez parlé de La Poste, mais il faut prendre en compte aussi les écoles primaires, les collèges, les lycées qui peuvent avoir des zones plus larges, les hôpitaux...

Le quatrième point concerne la mise en _uvre des contrats de plan et des programmes européens. Quels sont les crédits prévus pour cette première année, aussi bien en autorisations de programme qu'en crédits de paiement ? Il ne faudrait pas que le retard soit trop important, sinon on ne le rattrapera jamais.

Mme Dominique Voynet : En ce qui concerne la publication des décrets, vous savez bien que ce n'est pas sur les détails de la composition des conférences régionales d'aménagement et du développement du territoire (CRADT) que la concertation a été la plus nourrie, même si l'on a détaillé, au CNADT, le nombre de syndicalistes, d'associatifs et d'élus, ces derniers étant extrêmement jaloux des équilibres. Les décrets qui ont fait l'objet de nombreux échanges sont les projets de décrets sur les pays, les agglomérations et les services publics.

Pour l'essentiel, le travail du Conseil d'Etat relatif au projet de décret sur les pays, qui vous avait déjà été présenté, a soulevé trois difficultés qui avaient été soulignées à la fois par mon cabinet et par vous-mêmes. Je vous rappelle que l'article de la loi relatif aux pays n'est pas simple  ; si l'on précisait chaque point dans le décret, on aboutirait à des édifices pouvant décourager les acteurs qui ne sont déjà pas toujours enthousiastes à l'idée de coopérer.

A l'issue de l'examen préalable du Conseil d'Etat, le rapporteur a suggéré quelques points nécessitant des simplifications, notamment en ce qui concerne le processus de révision du périmètre. Nous souhaitons évidemment éviter de reprendre la procédure depuis le début - périmètre d'étude, délibérations, constatations, etc. Il s'agit aussi de surmonter les difficultés liées au nécessaire respect des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) par le pays, puisque l'on avait noté la nécessité de modifier le périmètre en cas de création d'un EPCI qui débordait du périmètre arrêté. Nous souhaitons aussi traiter les problèmes liés aux situations où le périmètre définitif aurait été plus restreint que le périmètre d'étude pour ne pas nous exposer à des pays discontinus ou à des pays miniatures qui ne respecteraient plus les ambitions affichées dans la phase d'étude.

Je vous propose donc de diffuser le projet, qui est le projet du Conseil d'Etat non définitif, puisqu'il devrait rendre son avis début juin.

M. le Président : Si nous diffusons le projet, cela ne ralentira pas nos réflexions personnelles et les travaux que nous engageons sur le terrain.

Mme Dominique Voynet : S'agissant des modalités de validation des pays constitués dans le cadre de la loi du 4 février 1995 dite "loi Pasqua", sachez que, sous réserve de la mise en place d'un conseil de développement, ces pays seront validés dans l'écrasante majorité des cas.

En fait, ceux qui n'ont pas adopté la charte seront considérés comme périmètres d'étude, et ceux qui ont une charte et mettent en place le conseil de développement seront considérés comme des pays.

En ce qui concerne l'analyse de M. Félix Leyzour, je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il est plus facile de mettre en place un projet d'agglomération qu'un projet de pays. Rétrospectivement, nous avons été bien ambitieux et bien idéalistes de proposer un outil d'aménagement moins identifié que les agglomérations, avec des moyens incitatifs moins marqués, voire même carrément faibles.

Il est vrai que nous avons insisté, tout au long de l'examen du projet, sur le fait que c'était le projet qui primait, la cohérence des périmètres, et que les moyens seraient mobilisés dans le cadre des contrats de plan. Je continue à y croire, mais je constate que cela rend les choses difficiles et que certains projets d'agglomération semblent avoir sérieusement été stimulés par les perspectives matérielles qui y sont liées.

J'espère que dans dix-huit mois, l'on n'aura pas à regretter l'attitude ambitieuse et idéaliste que nous avons adoptée ; les 200 projets de pays en cours se mettent en place lentement, mais avec une réelle volonté de réussir.

S'agissant de l'articulation entre pays et services publics, je pense en effet qu'il convient d'être pragmatique. Les élus locaux en sont d'ailleurs convaincus. On ne va pas mettre en place un panier qui serait le panier des services que tout pays est en droit d'exiger ! En revanche, nous sommes, chaque jour, handicapés par la tradition administrative française qui ignore parfois les suggestions des acteurs locaux.

On a beaucoup parlé des difficultés d'évolution de l'offre de service de la gendarmerie sur le terrain ; or j'ai présent à l'esprit un exemple dans mon département où trois cantons bénéficiant de trois gendarmeries ont proposé, par le biais de leurs maires, la suppression d'une des trois gendarmeries moyennant la possibilité de disposer d'un service le week-end. Eh bien, cette proposition a été refusée, la gendarmerie s'y est opposée et aucune évolution n'est possible.

Il conviendrait certainement d'échanger nos expériences et de faire le point sur les difficultés afin d'interpeller les administrations concernées, les amener à changer et à suggérer des évolutions à leurs agents.

S'agissant des moyens des contrats de plan, nous sommes en phase de préparation du projet de loi de finances 2001 ; nous avions anticipé sur la conclusion des contrats de plan pour l'année 2000, avec une connaissance du fait que, pour cette année de préparation des projets, il convenait de prévoir, pour l'essentiel, des moyens pour le montage et pour l'animation plutôt que pour la réalisation de grandes infrastructures. Nous serons peut-être amenés à prévoir des modifications en loi de finances rectificative, mais pour l'essentiel les moyens ont été prévus.

La question de M. Félix Leyzour est très précise ; elle concerne la capacité de ministères particuliers à faire face aux engagements qui ont été pris : il s'agit principalement du ministère des transports, de l'équipement et du logement, d'une part, et du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, d'autre part. En ce qui concerne le premier, les engagements dans ce domaine, pris dans le cadre des contrats, excèdent de façon manifeste ses moyens budgétaires. Il nous faudra donc, au cours des années, prévoir la montée en puissance de ce budget pour pouvoir faire face notamment au volet ferroviaire des contrats de plan.

L'autre ministère très concerné par ces difficultés est celui de l'aménagement du territoire. Et cela d'autant plus que, d'un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) à l'autre, l'habitude semble prise de faire financer par le FNADT nombre de mesures que d'autres ministères ne veulent pas financer. Il est vrai que l'on aura besoin d'une importante augmentation de crédits en 2001 pour faire face aux engagements des contrats et aux mesures arrêtées lors des CIADT. Je pense notamment à celles qui l'ont été pour Belfort ou la Lorraine et qui mobilisent très lourdement le FNADT. D'autres ministères ont des problèmes plus faciles à surmonter compte tenu des montants en cause - il s'agit des ministères de la ville, du tourisme, de l'environnement.

M. Félix Leyzour : Nous arrivons au mois de juin, des rencontres vont avoir lieu dans les régions, et nous souhaiterions connaître l'enveloppe de la première année.

Mme Dominique Voynet : Pour 2000, les crédits sont inscrits en loi de finances initiale. Dans le cadre des discussions budgétaires pour 2001, nous ne sommes pas encore au stade des rencontres entre ministres ; nous en sommes encore aux échanges entre services. Nous ne pouvons donc donner notre accord aux propositions budgétaires faites pour notre ministère. Et nous demanderons l'arbitrage du Premier ministre si cela est nécessaire. En revanche, je n'ai pas de nouvelle du budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement.

M. Félix Leyzour : Le budget de l'an 2000 a été voté, il convient donc de commencer à le mettre en place, sinon nous allons perdre un an.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : Nous sommes en phase avec ce que vous avez dit, Madame la Ministre, sur l'attente forte de la population en matière de services publics, sur la réticence des administrations qui ne sont pas habituées à ces pratiques et qui sont désarçonnées. Cela s'explique dans la mesure où il s'agit d'une véritable révolution culturelle qui leur est proposée. Si parallèlement à cette réflexion, on avait fait suspendre les restructurations en cours, on aurait plus de crédibilité sur le terrain, plus d'adhésions des personnels et moins d'inquiétudes des élus et des acteurs locaux.

Que demandent ces acteurs locaux ? Non pas un panier minimum de services qui serait offert à chaque pays, mais des services qui soient en cohérence avec leurs besoins. Or on continue, et souvent avec beaucoup de brutalité pour La Poste, à restructurer. On manque, là, de crédibilité. Et nous qui avons voté cette loi, qui la défendons, nous sommes souvent interpellés à ce sujet. Je sais bien que vous ne pouvez pas directement tout régler, mais il s'agit d'un message qu'il convient de faire passer au gouvernement.

En ce qui concerne les pays - vous avez parlé de pays miniatures -, il faut faire attention, notamment dans les territoires où il n'existe pas un grand enthousiasme pour la constitution de pays. Il ne faudrait pas que l'on ait le sentiment qu'il existe des seuils minimums. Il vaudrait mieux, dans une petite région, un petit pays avec de vrais projets, qu'un pays de taille importante et imposé. Et je suis un peu inquiète lorsque je vois, dans les études de préfiguration actuelles, que les cabinets d'études ont une vision qui vient "d'en haut" et qui ne tient pas compte nécessairement de la réalité locale. Il s'agit là d'un vrai problème, sur lequel nous devons réfléchir ensemble.

Mme Dominique Voynet : Les créations d'emplois annoncées pour 2001 devraient nous permettre de desserrer la contrainte sur les administrations publiques. En revanche, les entreprises publiques posent un vrai problème : il serait intéressant que l'on collecte quelques exemples et que les parlementaires et moi-même rencontrions ces entreprises pour leur demander d'être cohérentes.

M. Henri Nayrou : Mes interrogations portent sur la territorialisation du service public. Je suis tout à fait d'accord pour que l'on parte désormais du pays, c'est-à-dire du nouveau bassin pertinent, mais je crois nécessaire également qu'il y ait un niveau départemental, avec un chef de projet qui pourrait être le préfet, et des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics qui auraient de véritables pouvoirs.

Ne croyez-vous pas qu'au lieu de faire partir les initiatives des administrations d'Etat, qui ont prouvé, par leur cloisonnement, leur incapacité à mettre en place de véritables services publics depuis 1995, il vaudrait mieux les faire partir des territoires ?

Ma deuxième observation porte sur l'implantation des emplois publics sur les territoires grâce aux nouvelles techniques de l'information et de la communication. Au CIADT du 18 mai dernier, le Premier ministre a annoncé que l'expérience portant sur le transfert de 30 000 emplois fixé en 1991 était arrivée à terme, et qu'il serait peut-être temps de lancer une autre opération. Ce serait là le meilleur moyen de ne pas décourager les habitants des zones rurales.

Ma dernière question porte sur la mini PAT.

Mme Martine Lignières-Cassou : Madame la Ministre, ma crainte, en ce qui concerne la constitution des pays, est non pas la logique de guichet, mais la logique de pouvoir.

Ma seconde crainte concerne l'articulation entre les agglomérations et les pays. J'ai parfois le sentiment que des pays essaient de se constituer parce qu'ils ont peur des agglomérations. Or le moyen de faire disparaître cette crainte, c'est justement de pouvoir nouer des collaborations entre les agglomérations et les pays. Sera-t-il possible de passer des conventions entre agglomérations et pays ou entre deux pays - je pense là au contrat d'agglomération qu'Orléans a signé avec la région -, afin qu'un pays puisse se sentir porteur d'un projet présenté par un autre pays ?

En fait, il convient de ne pas recréer de frontières entre des potentats locaux et de pouvoir introduire une logique de projet avec ce type de conventions.

M. Pierre Cohen : Madame la Ministre, il me semble qu'il existe une ambiguïté assez forte entre la dynamique qui existe pour les agglomérations, qui correspondaient à un besoin, et les pays. En effet, il me semble qu'un pays ne peut pas être comparé à une agglomération, puisque le pays est défini comme un projet et non comme une série de compétences. J'ai l'impression que, pour certains, le pays est la structure qui correspond un peu à l'agglomération et consiste à réunir l'ensemble des collectivités. Or normalement, on aurait dû traiter les pays différemment, en précisant qu'il s'agit d'un outil qui peut aussi fédérer les agglomérations et les communautés de communes rurales.

Par ailleurs, il est important de noter que des couches successives se créent, ce qui entraîne un manque de cohérence. Même si la politique de la ville existe depuis de nombreuses années, il est difficile de délimiter des périmètres cohérents : un contrat de ville concerne un certain nombre de communes qui ne sont pas obligatoirement celles qui correspondent aux communautés d'agglomérations, qui prendront de facto la compétence "politique de la ville". J'espère donc que la dynamique des projets d'agglomération permettra une meilleure articulation de ces différentes strates.

Enfin, il me semble qu'il faut opérer une révolution culturelle à propos des schémas de services collectifs. Je suis effrayé par la vision qu'ont les élus et les responsables de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Si tous les partenaires concernés comprennent bien le processus des agglomérations et des pays, il n'en va pas de même pour les schémas de services collectifs. Il y a là une double révolution culturelle à conduire : celle des fonctionnaires et celle des élus.

M. le Rapporteur : C'est le premier rapport de la Délégation à l'aménagement du territoire, il s'agit donc d'un "point zéro" qui était difficile à réaliser, car l'on ne pouvait pas faire référence au décret, dont on avait quelques connaissances. Mais nous comptons bien nous interroger régulièrement sur l'avancement de la mise en application des projets.

Au travers des auditions, la nécessité du passage du principe à l'acte a été rappelée de façon constante et il a été souligné que la simplicité devait être la règle. Je fais allusion, d'une part, aux décrets, d'autre part, à la déclinaison annuelle des contrats de plan Etat-région. Si les décrets sont eux-mêmes d'une complexité telle qu'ils deviennent difficilement lisibles pour ceux qui ont la charge de les appliquer sur le terrain, le remède risque de comporter plus d'inconvénients que le mal.

S'agissant de la déclinaison annuelle des contrats de plan Etat-régions, ces dernières nous interrogent et posent un grand nombre de questions pratiques sur lesquelles il faudra certainement revenir.

Nous avons été très sensibles à l'apport de la DATAR dans la qualité de la présentation et des documents ; dans ses recommandations, la Délégation a demandé des documents synthétiques communicables à l'échelle de tous les territoires. Il existe un manque de matériels substantiels qui permettraient d'agir.

Enfin, il semble bien qu'une pédagogie de terrain, une pédagogie départementale, soit nécessaire pour mettre la loi à la portée de tous ceux qui en seront les acteurs.

Mme Dominique Voynet : M.  Henri Nayrou, nous connaissons les problèmes, en revanche, nous ne faisons que pressentir les moyens de les surmonter. Nous savons que pour surmonter le cloisonnement des administrations, la réticence des personnels, les doutes de certains préfets, il convient d'expérimenter, d'échanger et à partir d'une satisfaction manifeste des usagers, d'étendre le champ de l'expérimentation. Je suis convaincue que cela prendra du temps et que c'est sous la pression des faits que l'on pourra innover et dépasser des blocages que je ne m'explique pas, mais qui sont manifestes, importants et qui ne seront surmontés que dans des circonstances douloureuses et difficiles. On voit bien que dans le Gard ou la Lozère, on a su trouver des solutions parce que les faits nous y poussaient.

En ce qui concerne la politique de délocalisation des emplois publics, je dois dire, malheureusement, que, quand on regarde où les emplois ont été délocalisés, il n'est pas raisonnable, pour une zone rurale en difficulté, d'espérer cette solution. Les emplois ont été délocalisés, en général, dans des capitales régionales ou dans des villes de taille importante, et nous devons être capables, par étapes successives, de faire en sorte que des activités soient délocalisées des capitales régionales vers des villes plus petites. Ce qui n'est pas toujours le cas, puisque dans mon département, 4 emplois ont été délocalisés sur 30 000 !

En ce qui concerne les pays, mon problème aujourd'hui n'est pas tant lié au caractère peu attractif ou à la complexité des procédures de pays, qu'à la difficulté de conduire les élus à choisir une démarche de pays plutôt qu'une démarche d'agglomération quand ils ont le choix. Quand une ville de 30 000 habitants se pose la question de savoir si ses élus vont consentir les efforts nécessaires pour convaincre les communes rurales de leur périphérie à s'engager dans une démarche de pays, la tentation existe aussi de franchir le seuil fatidique des 50 000 habitants pour pouvoir bénéficier d'une procédure d'agglomération, ce qui constitue, à certains égards, un détournement de ce qu'a souhaité le législateur ; car une entité de 50 000 habitants n'est pas une agglomération.

Je ne suis pas hostile à l'idée de clarifier les relations entre une agglomération et un pays, ou entre deux pays, ou même entre deux agglomérations par le biais de conventions, mais je dois dire, qu'actuellement, le problème ne s'est pas posé en ces termes.

Mme Martine Lignières-Cassou : Il s'agit pour moi d'une question fondamentale. Prenons l'exemple que je connais le mieux, celui de Pau : nous sommes au-delà des 50 000 habitants, et l'on perçoit bien à la fois la peur de l'agglomération et la nécessité d'une collaboration. Je ne sais pas comment cela se terminera en termes de restructuration, mais si l'on n'a pas, sur un certain nombre de sujets, des accords entre l'agglomération et le pays qui l'entourera, on passera à côté du développement local.

Il me semble que le contrat qu'a signé Orléans avec la région allait un peu dans ce sens.

Mme Dominique Voynet : Je ne suis pas sûre que la solution soit de recréer des sous-ensembles.

Mme Martine Lignières-Cassou : Je parle de la possibilité de pouvoir passer une convention par projet, notamment quand un projet, visiblement, va dépasser l'agglomération ou concerner deux pays. Car il faut faire avancer les projets et susciter des collaborations.

M. le Président : Il ne s'agit pas là de l'esprit de la loi. L'esprit de la loi est d'essayer de constituer des territoires forts. On voit ici et là que la possibilité, que l'on a réintroduite dans les débats parlementaires, d'intégrer une agglomération dans un pays pour la faire dialoguer et coopérer avec son environnement donne des résultats ; cela est le cas à Rennes, à Quimper, et nous essayons de le développer à Caen.

Il convient de travailler dans ce sens pour avoir de véritables territoires de projets et cette transversalité qui manque pour les services publics. Sinon, on aura un peu manqué notre objectif.

Mme Martine Lignières-Cassou : Je suis entièrement d'accord avec vous, mais le risque existe.

Mme Dominique Voynet : En même temps, il faut bien préciser que ce n'est pas parce que l'on est dans une agglomération que toutes les communes participent à toutes les actions. Au sein de la dynamique d'agglomération, certains projets sont destinés à mettre en valeur telle ou telle préoccupation au profit de tel ou tel type de commune.

Je continue à penser que le point fondamental dans la dynamique d'agglomération est, plus encore que la liste des compétences, la taxe professionnelle unique ; or beaucoup de structures de coopération intercommunales ont choisi la taxe professionnelle unique sans être pour autant des agglomérations. Environ une cinquantaine d'agglomérations et 230 communautés de communes ont une taxe professionnelle unique. Les outils de l'intégration et le caractère rural ou urbain, ou rurbain ou mixte, ne sont pas inéluctablement liés.

Par ailleurs, pour moi, une des frustrations de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire est de n'avoir pas pu intégrer à ce projet un volet sur les initiatives économiques des collectivités. Mais pour ce qui concerne la mini-PAT, la prime régionale à l'emploi devrait permettre de répondre à votre préoccupation. Les textes sont prêts et cette prime sera réservée aux entreprises créant moins de 30 emplois dans le secteur de l'industrie et des services pour des investissements inférieurs à un million de francs, avec un plafond de 70 000 F de prime par emploi.

En ce qui concerne la complexité, je vous répondrai, chers amis parlementaires, que vous l'avez un peu cherchée ! Vous avez souhaité que l'on puisse créer des pays à cheval sur plusieurs départements, sur plusieurs régions, avec plusieurs modèles. Tout cela demande des modalités d'application qui ne peuvent pas être simples. Mais je constate qu'à l'issue de l'examen avec le rapporteur du Conseil d'Etat, elles pourraient être un peu moins compliquées qu'auparavant. J'espère donc de tout c_ur que la toute dernière ligne droite ne va pas en rajouter !

La demande de matériels de communication et la pédagogie de terrain sont liées. Le ministère ne possède pas de services départementaux ; les secrétaires généraux pour les affaires régionales relaient honorablement nos préoccupations, mais nous ne possédons aucun autre service, sinon des réseaux de développement local qui sont les relais traditionnels de la DATAR et du ministère sur le terrain ou des outils très proches du ministère comme ETD (Entreprise, Territoire, Développement) ou les réseaux de développement local que nous encourageons financièrement depuis longtemps, moyennant une ouverture sur nos préoccupations et une remontée des initiatives de terrain . Mais il est vrai que cela manque.

Je ne sais pas si la mise en place des CRADT permettra des débats plus concrets, une approche plus pragmatique des problèmes par les conseils économiques et sociaux régionaux, par les conseils régionaux et par les acteurs de terrain ; je le souhaite, mais il est vrai que l'on a besoin de trouver des relais.

Et j'ai bien noté votre demande de matériels de communication, car nous devons absolument dire ce que l'on veut faire.

M. le Président : Madame la Ministre, nous vous remercions d'être venue pour la première fois devant cette Délégation. Nous avons retrouvé avec bonheur votre générosité et votre sincérité. Votre témoignage et le débat ont montré le caractère novateur de la loi, mais aussi la nécessité de définir, d'explorer et d'évaluer plus avant les concepts nouveaux qui sont déclinés dans ce texte de loi. Je suis convaincu que la Délégation trouvera là les chantiers qui justifient pleinement son existence.

Je vous remercie.

A N N E X E S

Cartes

- Les EPCI à fiscalité propre

- Les 361 aires urbaines

- Pays constatés et pays tests

- Pays et espaces urbains

- Pays et territoires Leader II

- Pays et EPCI à fiscalité propre

- Pays de Langres

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Langres

Liste des groupements à fiscalité propre en Ile-de-France au 01/01/2000

DEPARTEMENT DE SEINE-et-MARNE

NOM

Population

AU RP 99

SAN VAL MAUBUEE

85 737

SAN DE SENART VILLE NOUVELLE

86 704

SAN DES PORTES DE LA BRIE

11 929

CC DE SCOTEAUX DU MORIN

6 835

CC CEDRE BRIARD

2 128

CC AVENIR ET DEVELOPEMENT SECTEUR DES TROIS RIVIÈRES

4 921

CC G.E.R.B.E.

7 013

CC DE LA BRIE DES TEMPIERS

24 559

CC DU MONTOIS

9 810

CC VAL BREON

12 392

D. DES DEUX FLEUVES

2 509

D. DE LA REGION DE CHATELET-EN-BRIE

11 477

D. DU CANTON DE BRAY SUR SEINE

11 786

D. DU PAYS DE L'OURCQ

14 912

D. DE DAMMARTIN EN GOELE

25 051

D. DE L'AGGLOMERATION MELUNAISE

96 722

D. SEINE ECOLE

13 719

D. DE MORET S/LOING

12 349

D. DE L'AGGOMERATION DE FONTAINEBLEAU-AVON

32 173

D. DE LA PLAINE DE France

5 134

D. DES MONTS DE LA GOELE

4 566

D. RURAL DE LA FERTE SOUS JOUARRE

25 069

D. DU PAYS CRECOIS

12 587

D. DE BEAUMONT-DU-GATINAIS

1 557

D. DU BOCAGE

1 954

DEPARTEMENT DES YVELINES

NOM

Population

Au RP 99

CA DE MANTES

81 055

SAN DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES

144 344

CC PORTES ILE DE FRANCE

9 449

CC DU PAYS HOUDANAIS

10 173

DEPARTEMENT DE l'ESSONNE

NOM

Population

Au RP 99

SAN d'EVRY

80 489

SAN SENART-EN-ESSONNE

7 204

CC CORBEIL-ESSONNE/LE COUDRAY-MONTCEAUX

42 773

D. RURAL DU CANTON DE LIMOURS

21 138

D.U. LINAS-MONTLHERY

11 083

D. DE MILLY-LA-FORET

9 188

D. DU PLATEAU DE SACLAY

115 762

D. DE MAISSE

4 831

DEPARTEMENT DE SEINE-SAINT-DENIS

NOM

Population

Au RP 99

CC DE CLICHY/MONTFERMEIL

52 578

CC DE LA PLAINE SAINT DENIS

234 346

DEPARTEMENT du VAL-DE-MARNE

NOM

Population

Au RP 99

CA DU HAUT VAL-DE-MARNE

99 818

CA DE NOGENT-LE-PERREUX

58 643

CA DU VAL DE BIEVRE

186 362

DEPARTEMENT DU VAL-D'OISE

NOM

Population

Au RP 99

SAN DE CERGY-PONTOISE

181 301

CC DU VAL DE FRANCE

110 174

CC DU COEUR DU PAYS DE FRANCE

9 069

CC ROISSY PORTE DE FRANE

26 820

Orientations de la politique des pays (DATAR)

Document de travail - 14/09/99

A la suite des, décisions du CIADT du 15 décembre 1998 et de la publication de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), ce document vise, dans l'attente du décret d'application de l'article 25 (pays), à fournir des précisions relatives à la mise en oeuvre de la politique de pays.

Ces éléments d'information et d'orientation sont destinés à permettre :

- de répondre aux diverses questions qui peuvent être posées par les acteurs locaux sur le terrain;

- de préparer des notes ou des interventions des représentants de l'Etat,

- d'accompagner par des moyens appropriés la constitution progressive des pays,

- de préparer le volet territorial dans le cadre de la négociation avec les collectivités territoriales concernées du contrat de plan Etat-région

1- Rappel des objectifs de la politique de pays

La constitution des pays et leur prise en compte dans les futurs contrats de plan Etat-région traduisent la volonté du gouvernement de stimuler la constitution d'organisations territoriales plus efficaces pour répondre aux enjeux contemporains du développement économique et de l'aménagement de l'espace. L'organisation des pays vient répondre d'une part au constat de l'interdépendance croissante des espaces ruraux et urbains mais elle vise par ailleurs à encourager de nouvelles formes de partenariat autour de projets globaux de développement susceptibles de fédérer des initiatives publiques et privées.

L'inscription des pays dans une logique contractuelle manifeste bien la volonté du gouvernement de ne pas créer un échelon administratif supplémentaire. Le pays est en effet une organisation souple destinée à associer des personnes morales et des personnes physiques de statuts différents (collectivités, établissements consulaires, entreprises, associations, personnalités qualifiées...).

Un pays n'a vocation ni à effectuer les actes quotidiens d'une administration ordinaire ni même à être le maître d'ouvrage principal des actions qui auront pu être initiées dans le cadre du projet territorial et grâce à son concours. A l'instar de ce qui est déjà pratiqué par la quasi totalité des pays constitués, l'organisme de gestion du pays n'a vocation à prendre en charge des maîtrises d'ouvrage (notamment d'investissement) qu'à un titre subsidiaire, à défaut d'autres opérateurs compétents. Le pays n'est donc pas de nature à se substituer aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en développement rapide dans le cadre de la loi du 6 février 1992. Il leur est au contraire parfaitement complémentaire dans la mesure où il vise à les fédérer dans le cadre de projets plus ambitieux en leur offrant un lieu mutualisé d'expertise et d'ingénierie. Il est pour cette raison essentiel qu'un pays respecte l'intégrité des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comme l'exige désormais la LOADDT.

D'un point de vue géographique, un pays est un espace choisi et proposé par les acteurs locaux qui doit reposer sur une « cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale » et exprimer une communauté d'intérêts réelle. Un pays se « constate » à partir d'une volonté locale.

Le pays n'est pas obligatoirement tributaire des délimitations administratives (régionales et départementales) et peut, le cas échéant, s'en affranchir pour recouvrir des solidarités socio-économiques mises en évidence, par exemple, par la carte de l'organisation territoriale de l'emploi et des services de proximité réalisée par l'INSEE et l'INRA (carte des « territoires vécus »). En revanche, il sera de la responsabilité des représentants de l'Etat, notamment lors de la procédure de reconnaissance des périmètres, d'apprécier la pertinence et la « cohésion » des territoires proposés par les collectivités. Il sera également de leur responsabilité de rappeler l'esprit de la LOADDT (cf. ci-dessous) et la nécessité de disposer de territoires suffisamment conséquents pour répondre aux enjeux du développement économique, de la gestion durable de l'espace et de l'organisation des services collectifs.

2 - Le nouveau cadre législatif défini par la LOADDT

La publication de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire offre désormais un cadre de mise en oeuvre plus précis à la politique des pays.

L'article 2 qui définit les choix stratégiques de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire établit un lien implicite entre pays et bassin d'emploi. Il mentionne en effet le développement local parmi ces choix en affirmant qu'il doit être :

- «organisé dans le cadre des bassins d'emploi et fondé sur la complémentarité et la solidarité des territoires ruraux et urbains»,

- qu'il «favorise au sein de pays présentant une cohésion géographique, historique, culturelle, économique ou sociale la mise en valeur des potentialités du territoire en s'appuyant sur une forte coopération intercommunale et sur l'initiative et la participation des acteurs locaux»

Par conséquent, les pays n'ont pas pour objet les seules réalités rurales. Bassins organisés de développement économique et d'aménagement de l'espace, les pays ont vocation à englober des pôles ruraux, des villes petites ou moyennes, voire des agglomérations le cas échéant (cf art. 26 de la LOADDT).

D'un point de vue opérationnel, l'article 25 relatif aux pays introduit un certain nombre de précisions et de modifications par rapport à la loi d'orientation n° 95-115 du 4 février 1995.

2.1 Une nouvelle procédure de reconnaissance

- la constitution de pays relèvera de l'initiative des communes ou de leurs groupements,

- la reconnaissance des pays sera opérée après avis conforme de la (ou des) conférence(s) régionale(s) d'aménagement et de développement du territoire et après avis simple de la (ou les) CDCI compétentes,

- il reviendra au préfet de région d'arrêter le périmètre du pays après avis du ou des préfets de département et des conseils généraux et régionaux concernés.

La conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire aura par conséquent un pouvoir d'appréciation décisif dans la reconnaissance des pays puisque son avis devra être conforme. Les propositions émanant des collectivités locales devront ainsi justifier la cohésion et la pertinence du périmètre proposé.

2.2 Une reconnaissance en deux temps

La loi prévoit une première phase de reconnaissance d'un périmètre d'étude qui permettra au pays :

- de s'organiser progressivement, éventuellement de manière informelle ou sous la forme associative,

- de constituer un conseil de développement composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs,

- d'élaborer une charte de développement durable.

Le texte prévoit en outre une phase de reconnaissance du périmètre définitif une fois la charte de développement élaborée et approuvée par les communes et leurs groupements.

Cette reconnaissance en deux temps permettra, le cas échéant, des réajustements de périmètres. Elle offrira de la souplesse à la politique de pays et maintiendra cette dernière dans une logique de projet. Un pays ne sera en effet définitivement reconnu qu'une fois sa charte élaborée et adoptée par les communes.

La nouvelle loi évoque par conséquent, d'une manière plus explicite que ne faisait la LOADT du 4 février 1995, la responsabilité de l'initiative locale pour la création d'un pays. Si elle prévoit que les groupements pourront, le cas échéant, représenter les communes au stade de la proposition d'un périmètre d'étude, elle précise en revanche que la charte de développement durable devra être approuvée par les communes et par les groupements ayant des compétences en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique. Le législateur a ainsi veillé à ce que le niveau communal ne soit pas mis à l'écart de cette politique. L'approbation de la charte par les communes imposera, en amont, leur association régulière aux travaux de réflexion.

2.3. Devenir des pays déjà constatés

Le texte voté par l'Assemblée nationale pérennise les pays déjà constatés par les CDCI à la date de publication de la loi lorsque ceux-ci disposent déjà d'une charte de développement. Il prévoit néanmoins qu'en cas de modification du périmètre demandée par les communes ou leurs groupements, celle-ci s'opère selon le nouveau dispositif. Ce dispositif aménage ainsi le retour progressif à un seul régime juridique des pays. Dans l'attente du décret d'application de l'article 25, il semble possible de déduire du nouveau texte de loi que les pays ne disposant pas de charte mais constatés dans le cadre de l'ancien dispositif législatif devront être considérés en «périmètres d'étude».

2.4. Les conditions de la contractualisation

La charte de développement durable du pays servira de cadre de référence pour préparer un contrat particulier de pays en application du contrat de plan Etat-région. La loi prévoit que c'est au stade de la contractualisation qu'une organisation des pays sous forme de personnes morales de droit public sera exigée. La LOADDT prévoit en l'occurrence trois possibilités :

- la constitution d'un syndicat mixte,

- la constitution d'un groupement d'intérêt public de développement local (dont le texte définit les conditions de création et de fonctionnement),

- l'organisation du pays à travers un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre couvrant l'ensemble de son périmètre (dans ce cas le contrat serait signé avec l'ensemble des EPCI à fiscalité propre).

Ces différentes alternatives permettront une adaptation aux réalités locales et offriront un cadre souple tenant compte de l'organisation intercommunale préexistante. Il doit être souligné que le législateur a explicitement souhaité (après amendement) ne pas obliger les pays intégralement couverts par plusieurs EPCI à fiscalité propre à créer un nouvel établissement public à l'échelle du pays. De fait, la signature du contrat aura alors lieu avec l'ensemble des EPCI à fiscalité propre. Cette formule souple sera dans certains cas un moyen incitatif pour achever le maillage intercommunal à fiscalité propre de certains territoires.

2.5. Points spécifiques

- Pays et parcs naturels régionaux

S'ils ne répondent pas à des vocations strictement similaires et obéissent à des logiques géographiques différentes, les pays et les parcs naturels régionaux présenteront des analogies dans leurs modes d'organisation et de fonctionnement (syndicat mixte, charte, contrat...) qui risquent de susciter confusions et conflits de compétences en cas de chevauchement de périmètres. La solution idéale, suggérée par l'article 25 de la LOADDT, serait de parvenir à une harmonisation de leurs périmètres respectifs afin d'éviter le plus possible les cas de superposition ou de chevauchement. Pour autant, les réalités locales révèlent la difficulté d'un tel exercice compte tenu des missions spécifiques des parcs naturels et des pays.

Afin de répondre aux cas de chevauchement qui se présentent ou se présenteront à l'avenir, l'article 25 aménage un dispositif conventionnel de clarification des missions respectives d'un pays et d'un parc naturel régional sur d'éventuelles parties communes. Cette clarification préalable devra intervenir avant la reconnaissance du périmètre de la dernière entité constituée et sera en tout état de cause nécessaire pour préparer la phase de contractualisation. Il est par conséquent souhaitable que tout projet de pays susceptible de comprendre des communes déjà membres d'un parc naturel régional présuppose le rapprochement des représentants des entités intéressées dès l'origine de la démarche. Le cas échéant, il pourra s'avérer opportun de proposer une étude de faisabilité aux deux parties pour examiner la possibilité de double appartenance de certaines communes. La DATAR pourrait proposer une expertise conduite, le cas échéant, en partenariat avec la Direction de la nature et des paysages et la Fédération des Parcs naturels régionaux.

Cette convention de clarification des missions respectives d'un pays et d'un parc naturel régional sera rendue d'autant plus nécessaire que l'article 29 de la LOADDT reconnaît aux parcs naturels régionaux les mêmes prérogatives qu'aux pays et aux agglomérations pour bénéficier d'un contrat particulier en application du contrat de plan Etat-région. Les parcs naturels régionaux pourront ainsi contractualiser sur des axes d'intervention larges, excédant les seuls domaines de la protection de l'environnement ou de la valorisation des milieux naturels. Dans ces conditions, il sera souhaitable de limiter le nombre et l'ampleur des chevauchements. I1 s'agira également de garantir aux parcs naturels régionaux des champs et moyens d'intervention suffisamment larges pour éviter les risques d'abandon des parcs naturels régionaux par les communes au profit de pays réputés moins contraignants.

- Pays et agglomérations

Cadre de la solidarité et de la coopération entre milieux urbains et ruraux, les pays ont vocation à s'organiser autour de petites villes, de villes moyennes mais également d'agglomérations significatives. De fait, un certain nombre de pays incluent déjà des agglomérations de plus de 50 000 habitants concernées tant par les futurs contrats d'agglomération que par la nouvelle formule des communautés d'agglomération proposée par la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

Il a été souhaité que ces deux processus d'organisation du territoire ne soient pas exclusifs l'un de l'autre et qu'un district urbain (à l'avenir une communauté d'agglomération), voire une communauté urbaine (exemples d'Alençon ou de Brest), puisse s'insérer dans un pays pour traiter des enjeux transversaux de développement socio-économique, d'organisation des services, de valorisation culturelle et touristique, ou de gestion de l'espace qui se déploient à cette échelle. L'article 26 de la loi prévoit explicitement ce cas de figure en précisant que « lorsqu'un pays comprend une agglomération éligible à un contrat particulier, la continuité et la complémentarité entre le contrat de pays et le contrat d'agglomération sont précisées par voie de convention entre les parties concernées ».

- Charte de portée spécifique

L'article 25 de la LOADDT prévoit enfin qu'une force particulière, en l'absence de schéma directeur, pourra être conférée à la charte de pays lorsque celle-ci visera en priorité à préserver et requalifier le patrimoine naturel, paysager et culturel de territoires soumis à de fortes pressions d'urbanisation ou d'artificialisation. La charte du pays exigerait dans ce cas la compatibilité des POS et des documents d'urbanisme des collectivités signataires. Cette innovation pourra par conséquent, dans certains cas spécifiques, donner une valeur prescriptive aux chartes de pays et les rapprocher de la nature de chartes de parcs naturels régionaux.

3. Points nécessitant des précisions complémentaires dans les textes d'application

Le décret d'application de l'article 25, en cours de préparation, permettra de préciser certains aspects du nouveau dispositif. Il devra notamment :

1° expliciter les conditions de reconnaissance des pays et les modalités d'appréciation des instances chargées d'émettre un avis.

2° aménager la procédure de saisine des différentes instances à consulter avant reconnaissance des pays.

3° déterminer les conditions de fonctionnement du conseil de développement et du groupement d'intérêt public de développement local.

4° définir de manière plus précise la notion de charte de développement durable, dont l'article 25 prévoit l'élaboration selon « les recommandations inscrites dans les agendas 21 locaux », et répondre à l'hypothèse où certaines communes isolées refuseraient d'approuver la charte.

5° préciser la procédure à suivre et les conditions à remplir pour que la charte de pays puisse, dans certains cas, exiger la compatibilité des plans d'occupation des sols et des documents d'urbanisme en tenant lieu.

4- Méthode à suivre dans le cadre de la préparation des CPER

4.1. Accompagner les démarches de préfiguration de pays et la préparation des chartes

Les nouvelles dispositions législatives permettent déjà, avec toutes les précautions nécessaires dans l'attente de la publication des décrets d'application des articles 25 et 26, d'informer les acteurs locaux et régionaux sur les objectifs et moyens de la politique de pays. Cette information pourra notamment s'opérer dans le cadre de la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire (CRADT) ou de manifestations nationales, régionales ou locales appropriées.

En tout état de cause, le nouveau cadre juridique offert par la loi est suffisamment précis pour accompagner les initiatives locales et intensifier de manière progressive le soutien aux pays constitués ou actuellement en cours de préfiguration. Si la publication du décret d'application de l'article 25 sera un préalable nécessaire avant l'engagement de toute nouvelle procédure de reconnaissance de pays (tant en périmètre d'étude qu'en périmètre définitif), il est néanmoins souhaitable que l'Etat renforce dès à présent son soutien aux démarches de projet engagés au sein des pays déjà constatés ou en projet.

Cet accompagnement est d'autant plus nécessaire que, ainsi que l'indiquait le Premier ministre dans sa circulaire du 31 juillet 1998, les contrats de pays pourront intervenir à partir du ler janvier 2000 jusqu'à la révision à mi-parcours (2003) des contrats de plan Etat-région. Par ailleurs, la négociation en cours du contrat de plan Etat-région exige dès à présent un rapprochement de l'Etat et des collectivités régionales afin d'envisager, dans chaque région, les modalités pratiques de l'intervention future des deux partenaires dans le soutien de cette politique.

Dans cette perspective, une enveloppe de 30 MF de crédits FNADT (affectés par le CIADT du 15 décembre 1998 à l'ingénierie des projets de pays) a fait l'objet de délégation aux préfectures de région durant l'été 1999 accompagnée de circulaires fixant leurs conditions d'emploi (cf circulaires du DATAR des 6/04/99 et 13/08/99). Ces crédits devront permettre aux préfectures de région (SGAR) d'entamer une démarche partenariale avec la collectivité régionale et d'amorcer une réflexion commune pour concevoir les futurs contrats de pays. Ils permettront ainsi de couvrir les besoins les plus immédiats jusqu'à l'entrée en vigueur des prochains CPER.

4.2. L'élaboration d'un document-cadre d'application régionale

Conçu en application de la charte (et donc distinct), le contrat susceptible d'être passé avec le pays par l'Etat et la région (voir d'autres partenaires le cas échéant) devra donner lieu à un programme d'actions élaboré en partenariat et négocié avec l'Etat et la région. Il doit impérativement être rappelé que la réalisation d'une charte et la reconnaissance du pays en périmètre définitif ne donnent pas automatiquement droit à un contrat. L'Etat et la région doivent pouvoir, dans le cadre du contrat de plan Etat-région, demeurer libres de définir :

- leurs champs prioritaires et modalités concrètes d'intervention,

- les actions qu'ils considéreront les plus opportunes à financer dans le programme présenté par le pays.

A cet égard, les textes d'application de l'article 25 de la LOADDT n'auront pas vocation à détailler ces conditions d'intervention. Il sera par conséquent nécessaire de prévoir un document-cadre régional, co-signé par l'Etat et la région (éventuellement par les conseils généraux), précisant les modalités précises d'intervention des partenaires dans les contrats de pays. Ce document-cadre devra être étroitement articulé avec le DOCUP des programmes européens et pourra préciser :

- les types de mesures ou de thèmes d'actions pouvant être pris en compte dans les contrats de pays,

- les systèmes de taux d'intervention et de bonification prévus par les partenaires pour financer les actions inscrites dans un contrat de pays,

- les exigences fixées quant à l'impact supracommunal des actions éligibles sur le territoire et quant à la nature du maître d'ouvrage,

- les moyens d'ingénierie mis à disposition des territoires en contrat.

Il doit en outre être rappelé que les contrats de pays pourront donner lieu au financement d'actions relevant aussi bien de politiques inscrites au volet territorial du CPER que de politiques de droit commun non contractualisées.

4.3. Des conventions d'obiectifs

A partir du ler janvier 2000, de nombreux territoires seront encore éloignés de la perspective d'une contractualisation rapide. Il sera à cet égard capital qu'un dispositif d'accompagnement des territoires ou des pays en phase d'élaboration de leur charte puisse être organisé. Cet accompagnement devra être naturellement progressif et s'opérer dans un premier temps par le financement des besoins d'ingénierie (études, animation), notamment à travers le FNADT dont une part significative servira à cet effet.

Ce financement devra être :

- conséquent pour faciliter la constitution d'équipes techniques de bon niveau (condition sine qua non pour concevoir et animer des projets de qualité),

- stable et pluriannuel pour sécuriser les agents de développement et leurs moyens d'animation.

Ces financements pourraient intervenir dans le cadre de conventions d'objectifs passées avec les pays constitués ou en projets, à travers la personne morale appropriée qui sera reconnue localement pour conduire la démarche (association, syndicat mixte, EPCI, comité de bassin d'emploi...).

Les territoires reconnus par la CRADT en périmètre d'étude pourraient signer ces conventions d'objectifs définissant les principes et éléments de méthode requis pour élaborer une charte de développement durable conforme à l'esprit de la LOADDT. Ces conventions devront être attractives pour les territoires et donner de réelles ressources en matière grise à des bassins de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Elles permettront, en contrepartie, d'orienter les territoires et de leur imposer une démarche qualitative. Elles permettront également aux pays de créer rapidement leur conseil de développement et d'animer la concertation locale avec les principaux partenaires intéressés.

Il est stratégiquement important que la phase de « convention d'objectif » serve à éviter la précipitation des pays vers le contrat et les financements qu'il implique. La LOADDT organise en effet une procédure de constitution des pays qui peut s'avérer complexe dans la pratique. Par ailleurs, l'expérience montre que l'élaboration d'une charte de développement durable de qualité peut être un processus long (près de 18 mois dans certains cas). Réaliser un diagnostic approfondi de territoire, réunir des groupes de travail spécifiques, animer des « états généraux », valider de manière régulière des orientations, rédiger la charte avant de la faire approuver par les communes... sont autant de phases qui représentent un temps incompressible. Il doit à ce titre être rappelé que la charte n'est pas un programme d'actions mais un document de long terme qui doit définir les orientations prioritaires du pays. La référence explicite faite par l'article 25 de la LOADDT aux « agendas 21 locaux », traduction locale des principes dits de Rio, imposera certaines exigences en termes de contenu et de modes d'élaboration. C'est à l'aune de cette référence qu'il sera possible d'évaluer les chartes et de fixer des recommandations.

La phase de « convention d'objectif » devra être en outre un premier cadre de coopération entre les services de l'Etat et les collectivités engagées dans une démarche de pays. Certaines actions sectorielles ou politiques de droit commun de l'Etat pourront connaître une mise en oeuvre expérimentale au sein d'un pays en cours de constitution, en dehors de tout contrat, et contribuer à la structuration progressive du territoire. Aucun territoire ne devrait, dans ces conditions et dès lors qu'il en aura manifesté le souhait, rester à l'écart de cette nouvelle politique, même lorsque ses capacités d'organisation et son expérience des démarches de développement local s'avèrent encore insuffisantes pour proposer rapidement un projet global à contractualiser.

4.4. Dispositif régional d'animation

La réussite de la politique de pays et son engagement vers des démarches de qualité croissante exigeront enfin une véritable stratégie régionale d'animation et de pilotage. Il serait à cet égard souhaitable qu'un dispositif régional d'animation soit constitué conjointement par l'Etat et la région avec pour mission de :

- préparer l'examen des dossiers présentés à la CRADT,

- appuyer les territoires dans l'élaboration de leurs projets,

- rompre l'isolement (très souvent constaté) des agents de développement,

- évaluer les chartes des pays et expertiser leurs programmes d'actions avant signature de contrats,

- faciliter les échanges d'expérience entre les différents pays de la région.

En partenariat avec de nombreux réseaux techniques nationaux (réunis au sein du comité de suivi national de la politique des pays), la DATAR pourrait appuyer la constitution de ces dispositifs régionaux. Les opérations expérimentales déjà conduites et les réflexions méthodologiques qui en sont issues pourraient être mises à profit.

Extrait du document d'orientation sur les contrats de pays et d'agglomération joint au relevé de décision du CIADT du 15 décembre 1998

Les missions privilégiées des pays

S'il n'est pas opportun de prédéfinir les politiques susceptibles d'être initiées ou mises en oeuvre dans le cadre d'un pays, il est utile d'indiquer les champs d'intervention privilégiés par les pays déjà constitués.

L'aménagement durable du territoire et l'organisation des services

Le pays a montré qu'il constituait souvent un bon niveau d'action pour assurer ou, le cas échéant, appuyer :

- la mise en oeuvre et le suivi de procédures de planification : schéma directeur d'urbanisme, plans locaux de l'habitat, schémas de services publics, schémas d'équipements commerciaux, schémas d'aménagement et de gestion des eaux ;

- des missions de gestion et de préservation des ressources naturelles (eau, biodiversité...),

- la valorisation des richesses patrimoniales, culturelles et paysagères,

- l'enrichissement du territoire en services ou équipements collectifs (éducation, santé, culture, sport, transports collectifs, assainissements...) par mutualisation de moyens et recherche active des complémentarités (mise en réseau, polyvalence...),

- la mise en oeuvre de procédures spécifiques d'amélioration du cadre de vie (opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, opération programmée d'amélioration de l'habitat, structuration de l'offre culturelle...).

L'économie, la formation, la cohésion sociale

Prenant en compte la notion de bassin d'emploi, le pays a également vocation à servir de cadre d'appui pour :

- organiser le soutien à l'activité économique et au milieu productif local (réseaux d'entreprises, diffusion des innovations technologiques, plates-formes d'initiatives, accompagnement des créateurs d'entreprises, requalification et mise en réseau des zones d'activités, groupements d'employeurs, démarche collective de certification, mobilisation de l'épargne de proximité, activités logistiques, promotion territoriale, organisation de filières) ;

- améliorer l'efficacité du service public de l'emploi (organisation des réseaux de P.A.I.O., des missions locales et de l'ANPE, plans locaux d'insertion par l'économie...) ;

- consolider et adapter l'offre de formation professionnelle (observatoire des besoins, rapprochements lycées/entreprises, interventions de l'AFPA...) ;

- structurer l'offre touristique et renforcer la qualité des prestations (activités de promotion, valorisation de sites remarquables, organisation de circuits, politique d'accueil coordonnée, qualifications des professionnels...).

__________

N° 2416.- Rapport d'information de M. Jean-Claude Daniel, au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, sur le volet territorial des contrats de plan Etat-régions.

1 Auberive, Bourbonne-les-Bains, Fayl-Billot, Laferté-sur-Axance, Langres, Longean-Percy, Montigny-le-Roi, Neuilly- l'Evêque, Prauthoy, Terre-Natale.