N° 2592

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 septembre 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1)

sur

les moyens et les structures de diffusion de la francophonie

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Yves TAVERNIER,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Politique extérieure.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de  M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila.

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER - LA FRANCOPHONIE EN QUESTION 13

I.- LA FRANCOPHONIE INSAISISSABLE 13

A.- UN CONCEPT POLYSÉMIQUE 14

B.- UNE CONSTRUCTION POLITIQUE 16

1.- La francophonie n'est pas le Commonwealth 16

2.- La francophonie est une communauté politique fondée sur le partage d'une même langue 17

II.- LA FRANCOPHONIE INCARNÉE 19

A.- LA FRANCOPHONIE EN INSTITUTIONS 19

1.- Les structures multilatérales 19

a) Les sommets de chefs d'État et de Gouvernement 20

b) L'Agence de la francophonie 34

c) L'Agence universitaire de la francophonie 36

d) TV5 39

e) Les autres opérateurs 40

2.- Le dispositif institutionnel français 40

a) Le Haut Conseil de la francophonie 41

b) Le Conseil supérieur de la langue française 41

c) Les structures ministérielles 42

3.- Le réseau 45

4.- Les autres acteurs de la francophonie 47

a) L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger 48

b) L'Association française d'action artistique 50

c) L'Alliance française 51

d) La Mission laïque française et les associations congréganistes 52

B.- LA FRANCOPHONIE EN ACTIONS 53

1.- L'action politique 53

2.- L'action linguistique 54

a) Une tradition de « monoglossie » 54

b) La défense du français en France 55

c) La défense du français dans les organisations internationales 60

d) L'enjeu européen 62

e) Une politique linguistique mondiale 64

3.- L'action éducative 65

a) L'action en faveur de l'enseignement français à l'étranger 65

b) La coopération universitaire et la création d'ÉduFrance 68

4.- L'action culturelle 73

a) La constitution progressive d'une action culturelle extérieure 73

b) Les inforoutes 74

5.- L'action juridique, technique et scientifique 81

a) la coopération juridique et administrative 82

b) La coopération technique et scientifique 86

6.- L'action économique 87

a) La francophonie économique 87

b) Les entreprises et la francophonie 88

III.- LA FRANCOPHONIE EN CHIFFRES 89

1.- La population francophone 89

2.- La francophonie, objet budgétaire non identifié : le budget français de la francophonie 91

CHAPITRE II - FRANCOPHONIE APPLIQUÉE : ÉTUDES DE CAS AU PROCHE-ORIENT ET EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE 97

I.- LE LIBAN : UNE TERRE FRANCOPHONE À RECONSTRUIRE 98

A.- UN CONTEXTE FRANCOPHONE FAVORABLE À UNE COOPÉRATION IMPORTANTE 98

1.- Le contexte libanais 98

2.- Le Liban fait partie des priorités de la politique de coopération 99

3.- Des moyens importants 101

4.- Un réseau conséquent 102

B.- UNE COOPÉRATION DIVERSIFIÉE CENTRÉE SUR LA FRANCOPHONIE 104

1.- Le soutien à une francophonie dynamique 104

a) La coopération linguistique et éducative 104

b) La coopération culturelle et audiovisuelle 106

2.- Une action relayée par une coopération scientifique et technique en développement et par une présence économique importante 107

a) La coopération universitaire 107

b) La coopération technique 111

c) Une présence économique substantielle 111

3.- La nécessité de lier francophonie avec démocratie et développement 112

a) Le soutien à l'État de droit 112

b) L'entrée dans la zone de solidarité prioritaire et l'aide au développement économique 113

II.- LA SYRIE : UNE FRANCOPHONIE À ENCOURAGER 114

A.- UN CONTEXTE RIGIDE SUSCEPTIBLE D'OUVERTURE 115

1.- Une structure politique et économique monolithique 115

2.- L'action de l'Union européenne 115

3.- L'exemple de la coopération allemande 117

B.- UNE FRANCOPHONIE DISPERSÉE 118

1.- Une francophonie embryonnaire 118

2.- Des moyens modestes et un réseau de qualité 119

a) Des moyens modestes 119

b) Le Centre culturel français 123

c) Le centre de documentation pédagogique 126

d) Les écoles françaises de Damas et d'Alep 127

e) L'Agence culturelle et de coopération éducative d'Alep 130

f) Les instituts de recherche 131

3.- Des actions concentrées sur la coopération universitaire et linguistique 136

a) La coopération linguistique et éducative 136

b) La coopération universitaire et de recherche 137

c) La coopération culturelle et technique 140

d) L'ébauche d'une coopération institutionnelle 142

e) Une coopération économique embryonnaire 142

III.- LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE : ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE ET FRANCOPHONIE 144

A.- LE CONTEXTE LOCAL ET RÉGIONAL 145

B.- UNE COOPÉRATION CENTRÉE SUR LE PROCESSUS DE PRÉADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE 146

C.- UNE FRANCOPHONIE CIRCONSCRITE, EN REDRESSEMENT SENSIBLE 147

1.- L'état de la francophonie en République tchèque 147

2.- La nécessité de maintenir un réseau culturel solide 148

a) Un réseau diversifié 148

b) Des moyens en régression 153

c) Le nécessaire appui des opérateurs privés 155

IV.- LA ROUMANIE : UNE FRANCOPHONIE À PRÉSERVER 156

A.- LE CONTEXTE LOCAL ET RÉGIONAL DE LA COOPÉRATION 156

B.- UNE FRANCOPHONIE RICHE ET DIVERSIFIÉE, SUPPORT D'UNE COOPÉRATION IMPORTANTE 157

1.- Une situation privilégiée 157

2.- Des liens substantiels 158

3.- Un réseau de diffusion dense 159

a) Un réseau dense 160

b) L'Institut français de Bucarest 163

c) Les centres culturels de Timisoara et de Cluj 165

d) Le centre culturel français de Iasi 165

4.- Une action francophone riche et diversifiée 167

a) La coopération pré-universitaire 167

b) La coopération universitaire 168

c) La coopération dans le domaine du livre et de l'audiovisuel 168

C.- UNE ACTION FRANCOPHONE RELAYÉE PAR UNE COOPÉRATION IMPORTANTE 169

1.- La coopération administrative 169

2.- La coopération juridique et judiciaire 170

3.- La coopération scientifique et technique 171

CHAPITRE III - POUR UNE FRANCOPHONIE RENFORCÉE 173

I.- RENFORCER LA PLACE DE LA FRANCOPHONIE DANS LA RÉFORME DE LA COOPÉRATION 174

A.- REDONNER À LA FRANCOPHONIE UNE VISIBILITÉ PERDUE 174

B.- DÉFENDRE LE FRANÇAIS DANS LES INSTANCES INTERNATIONALES 175

C- ORGANISER LES RELATIONS ENTRE BILATÉRAL ET MULTILATÉRAL 176

D.- ACCORDER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA COMMUNICATION 176

E.- CHOISIR LES OBJECTIFS DU RÉSEAU D'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER 177

II.- FAVORISER LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE 178

III.- RASSEMBLER LA FRANCOPHONIE ET LA DÉFENSE DE LA LANGUE DANS UNE SEULE STRUCTURE 179

A.- AU NIVEAU CENTRAL 179

B.- DANS LES POSTES 180

IV.- IDENTIFIER L'EFFORT BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE 181

V.- SANCTIONNER LES DÉRIVES 182

CONCLUSION 183

EXAMEN EN COMMISSION 185

ANNEXES 189

INTRODUCTION

« Mon plus grand plaisir quand je quitte le Ministère est de relire Voltaire. » Ainsi s'exprime au ministère des affaires étrangères à Téhéran une interprète accompagnant une délégation de parlementaires français. Dans le contexte si particulier de l'Iran d'aujourd'hui, l'hommage rendu à notre langue et à notre culture illustre leur vocation universelle.

L'idée du français « langue de l'universel » opposée à l'anglo-américain « langue du global » a été remarquablement développée le 24 juin dernier, à l'occasion du à l'occasion du cent vingt-cinquième anniversaire de l'université Saint-Joseph de Beyrouth par le professeur Selim Abou, recteur de cette institution. Selon lui, l'anglais est l'instrument d'une homogénéisation culturelle favorable à la diffusion des produits de consommation, dans le cadre de la mondialisation des économies. Face à la langue du commerce et de la consommation, le français lui apparaît comme la langue de l'humanisme critique qui a produit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si la première tend au monopole et à l'exclusion en voulant imposer un style de vie global, la seconde s'affirme ouverte à toutes les cultures, faisant de la différence un élément essentiel de la vie : d'un côté, l'expression d'un mode de vie unique et fortement conditionné ; de l'autre, l'instrument du pluralisme et du libre arbitre.

Cette analyse mérite réflexion. Le débat n'est pas théorique. Il est l'un des enjeux majeurs du devenir de nos sociétés. La défense des exceptions culturelles n'apparaît pas alors comme l'expression d'une attitude « ringarde », mais comme l'élément central d'un combat pour la diversité et la liberté.

À l'occasion du dixième congrès de la Fédération internationale des professeurs de français, qui s'est tenue à Paris du 17 au 21 juillet 2000, le Premier ministre Lionel Jospin a fort justement rappelé que « l'enseignement du français contribue à l'ouverture vers d'autres modes de pensée » et que le français pouvait devenir « une des langues dans lesquelles s'expriment la résistance à l'uniformité du monde, l'encouragement de la liberté de chacun de créer et de s'exprimer dans sa propre culture ».

Dans le combat pour la diversité culturelle, la francophonie apparaît, ainsi que le dit M. Stelio Farandjis, secrétaire général du Haut Conseil de la francophonie, comme une voie médiane entre le « tout coca-cola » et le « tout ayatollah ». Elle exprime le besoin d'éviter le laminage des cultures et des langues dans un vaste marché aux goûts standardisés.

Claude Hagège souligne fort bien la menace qui pèse sur la singularité et la richesse de notre civilisation lorsqu'il écrit : « l'énorme production de spectacles et d'informations à prix avantageux et promptement amortis qui se répand sur le marché européen est l'outil privilégié d'un harcèlement médiatique singulièrement efficace. Investie par l'anglais, l'Europe multilingue est toute bruissante de slogans unilingues. » (1)

Voilà pourquoi la francophonie doit être perçue par nos concitoyens comme un enjeu majeur de la politique intérieure et extérieure de la France. Il est dans notre propre pays des responsables institutionnels pour lesquels l'anglais est devenu la langue quasi maternelle et qui qualifient d'archaïque la défense de l'espace et des valeurs francophones.

Comment ne pas être choqué par M. Pascal Lamy, commissaire européen, dont la nomination a été proposée par la France et qui, recevant une délégation de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, répond exclusivement en anglais aux questions posées en français, par des parlementaires français. Ignore-t-il que notre langue est à l'égal de l'anglais, la langue écrite et parlée de l'Union européenne (2) ?

Comment s'étonner que le monolinguisme envahisse toutes les institutions internationales ? De la même façon, on peut regretter que, faute de la présentation d'une candidature adéquate, le greffier français de l'Assemblée de l'Union pour l'Europe occidentale ait été remplacé par un ressortissant britannique, ce qui a eu pour conséquence immédiate, de réduire à la peau de chagrin la place du français dans les réunions de travail de cette institution.

L'impérialisme anglo-américain trouve, il est vrai, une coopération et une collaboration intéressée dans la plupart des domaines de la recherche scientifique. Langue usuelle dans les sciences expérimentales, l'anglais tend à devenir le moyen de communication quasi obligatoire dans les sciences humaines. Beaucoup de chercheurs estiment que, pour être lus, ils doivent publier leurs écrits dans des revues anglo-saxonnes. Peu à peu, la forme influe sur le fond et les concepts scientifiques tendent à se réduire à une vision homogène de l'histoire et du fonctionnement des sociétés. L'évolution de la recherche en science politique est, à cet égard, éclairante.

En ce domaine, l'Institut Pasteur pousse jusqu'au ridicule le conformisme intellectuel. Dans une note interne, en date du 5 avril 2000, il fait obligation à tous ses chercheurs de rédiger leurs programmes de recherches exclusivement en anglais. Il s'agit de programmes sur appels d'offres lancés par l'Institut Pasteur et financés par lui, c'est-à-dire payés par les contribuables français. Pour se justifier cette éminente institution prétextera que des savants étrangers siègent dans son comité d'évaluation. Ignore-t-elle que beaucoup d'intellectuels et de chercheurs à travers le monde s'honorent de comprendre et de parler notre langue ! (3)

Apparemment anecdotiques, ces constatations révèlent les glissements continuels des usages linguistiques et culturels vers une uniformisation, pourtant de plus en plus dénoncée, comme l'ont révélé les manifestations de Seattle et de Washington. Lors d'une rencontre franco-québécoise sur la diversité culturelle, tenue en décembre 1998 à la Sorbonne, le Premier ministre a affirmé que « la promotion de la diversité culturelle constitue pour le Gouvernement un impératif politique ». Cet impératif doit s'imposer à tous ceux qui ont la mission de représenter la France et tout particulièrement à tous nos fonctionnaires. Il doit être un élément d'appréciation sur l'aide que l'État apporte aux institutions nationales et internationales.

La promotion de la diversité culturelle, c'est la défense de la pluralité de toutes les langues. Défendre par suffisance ou par égoïsme le seul français serait une erreur et conduirait à l'échec. Faisons nôtre l'idée émise par Victor Segalen : « Ne nous flattons pas d'assimiler les m_urs, les races, les Nations, les autres ; mais au contraire, réjouissons-nous de ne le pouvoir jamais, nous réservant ainsi la perdurabilité du plaisir de sentir le Divers ». (4)

La francophonie est un combat, en France et au sein des pays francophones. Certes, cinquante cinq pays adhérent à l'Organisation internationale de la francophonie et le français est enseigné sur les cinq continents. Mais l'apparence est trompeuse, notre langue perd constamment du terrain. Peut-on enrayer ce déclin ? La francophonie est avant tout une affaire de volonté politique.

Nous devons malheureusement constater qu'entre les discours officiels sur l'universalité du français, les moyens dont disposent les administrations et la faiblesse des convictions chez certains responsables, existe un écart qui confine parfois au divorce. Pourtant, l'engagement du Gouvernement en faveur de la francophonie est réel et les moyens financiers en jeu sont considérables. La majeure partie d'entre eux se trouve inscrit au budget des Affaires étrangères. Par ailleurs, si elle a incontestablement un caractère interministériel, la francophonie relève, à l'étranger, de l'action quasi exclusive des postes diplomatiques. Autant de raisons qui justifient que le Rapporteur spécial de la Commission des finances de l'Assemblée nationale se penche sur cette question qui n'a fait l'objet, jusqu'ici, d'aucune évaluation.

L'étude et la réflexion doivent porter non seulement sur les structures traditionnelles, mais aussi sur la diversité des relais de l'action administrative qui bénéficient de subventions importantes. Tel est le cas de l'Alliance française, de la Mission laïque, de l'Association française d'Action artistique ou encore de l'Association pour l'accueil des personnalités étrangères.

Ce rapport reprend la démarche suivie dans le cadre d'un précédent rapport d'information sur la politique des visas avec :

· une analyse du dispositif général de diffusion de la francophonie qui révèle l'impossibilité d'évaluer l'action francophone en tant que telle ;

· des études de cas permettant de conforter et d'affiner l'analyse générale. Elles portent sur quatre pays : le Liban, la Syrie, la République tchèque et la Roumanie (5);

· et des propositions destinées à améliorer et à réorienter l'ensemble de notre dispositif.

CHAPITRE PREMIER

LA FRANCOPHONIE EN QUESTION

La francophonie apparaît insaisissable dans sa définition. Elle souffre de nombreuses ambiguïtés. Certaines sont ment levées. Le dixième congrès de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), qui s'est tenue au mois de juillet dernier à Paris, a ainsi été l'occasion de faire le point sur la position de la France à l'égard de sa langue et de sa diffusion. Le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a rappelé que la francophonie ne devait être ni l'expression d'une nostalgie, ni celle d'une volonté de puissance, mais le soutien d'un combat « pour la diversité culturelle, pour un dialogue fondé sur l'égalité entre toutes les cultures ». Par ailleurs, la France a souvent considéré que le français était nécessairement une langue universelle et qu'il était naturel et normal que des étrangers s'y intéressent et la pratiquent, sans qu'elle ait à faire des efforts particuliers pour les soutenir. Là encore, le dixième congrès de la FIPF a permis à la France de reconnaître l'action entreprise par les professeurs de français en particulier, par les francophones en général. Le nouveau président de la Fédération, M. Dario Pagel, de nationalité brésilienne, a pu affirmer : « Nous venons enfin de recevoir la reconnaissance que nous attendions depuis trente ans ; c'est le début d'un vrai partenariat ».

Les difficultés de définition ne doivent pas masquer le fait que la francophonie est incarnée par toute une série d'institutions, qui lui donnent de facto corps et substance. Ces institutions agissent et, par ce biais, donnent une dimension pratique à la francophonie, que reflète un certain nombre de chiffres : celui de la population francophone, celui des moyens qui sont consacrés à sa diffusion.

I.- LA FRANCOPHONIE INSAISISSABLE

La première difficulté à laquelle s'est heurté votre Rapporteur spécial concerne la définition de la francophonie. Chacun de ses interlocuteurs, y compris au sein d'un même ministère, avait sa propre définition du concept, correspondant au champ de ses compétences. De fait, il faut constater que la francophonie accepte plusieurs définitions, évolutives et changeantes en fonction de la période historique, du champ géographique et de la matière considérée. Apparemment insaisissable, la francophonie acquiert une nouvelle dimension avec la construction progressive d'un ensemble politique, qui sous-tend aujourd'hui toutes les définitions qu'on peut lui donner.

A.- UN CONCEPT POLYSÉMIQUE

Du caractère insaisissable de la francophonie naît une partie de ses faiblesses.

Dans un rapport sur la francophonie, il paraît impossible de faire l'impasse sur les questions de définitions. Sous peine de ne pas apporter ces précisions, la francophonie demeure un concept aux frontières incertaines, à la signification perdue ou rêvée. Le mot francophonie est apparu sous la plume d'Onésime Reclus, en 1880, dans son livre France, Algérie et colonies, pour désigner l'ensemble des populations parlant le français : « Nous acceptons comme francophones tous ceux qui sont ou semblent destinés à rester ou à devenir participants de notre langue... » En 1886, dans un autre ouvrage, La France et ses colonies, le géographe donna la première estimation du « nombre de francophones » dans le monde : 51,75 millions. Au-delà de cette définition strictement linguistique, l'auteur lie usage de la langue française et solidarité, partage et coopération entre les peuples. La langue française apparaît porteuse du messianisme et de l'universalisme de la France, de ses messages chrétien, révolutionnaire et laïque.

Le terme devient d'usage courant seulement à partir de 1960 dans le mouvement des indépendances. En 1962, la revue Esprit consacre en effet un important dossier au « français, langue vivante ». C'est l'occasion pour Léopold Sédar-Senghor de définir dans un style lyrique et prophétique qui sous-tend encore aujourd'hui de nombreux discours, la francophonie comme « cet humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre : cette symbiose des " énergies dormantes " de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur chaleur complémentaire ». Le terme désigne à la fois, selon le Petit Robert, l'ensemble constitué par les populations francophones, et un mouvement en faveur de la langue française.

À partir de cette double définition et dès lors qu'elle s'est inscrite dans un processus institutionnel à partir des années 1960 grâce à des hommes d'État africains tels que Léopold Sédar-Senghor, Habib Bourguiba ou Hamami Diori, la francophonie a pu revêtir de multiples formes.

Linguistique, elle réunit tous ceux qui partagent la langue française, qui s'expriment en français, naturels, occasionnels, habituels. C'est la définition la plus simple, historique, une donnée de démographie linguistique internationale. Cette francophonie s'étend par l'éducation, soit par le rôle des parents, soit par celui des médias.

Politique et institutionnelle, elle favorise les rapprochements et les échanges entre des États qui ont le français en partage. Elle devient synonyme d'un ensemble de pays et d'entités territoriales où le français jouit de fortes positions de fait ou d'un statut juridique particulier. Comme l'a écrit Albert Salon, ancien sous-directeur chargé de la francophonie et de la langue française au ministère de la coopération, « il s'agit de consolider, par pression collective, dans les relations internationales, la place de la langue française qui est le lien premier ; puis de promouvoir les droits de l'homme, l'État de droit, l'idéal démocratique, de placer l'homme au centre de la société et du développement », de défendre « l'unité dans la diversité » (6). C'est la notion volontariste et collective de la francophonie, rassemblée au sein d'associations, puis d'organisations internationales et à l'occasion de grands sommets.

De ce point de vue, la francophonie n'est pas géographique ou régionale, comme l'Union européenne ou l'Association de libre-échange nord-américaine (ALENA), ni réservée à un groupe de pays comme la Ligue arabe ou aux États ayant une même confession religieuse, comme la Conférence islamique. Elle intègre de très nombreux pays pauvres.

Culturelle, la francophonie rassemble ceux qui partagent le même idéal de diversité et d'universalité. Et cette communauté culturelle ne s'arrête pas à la littérature ou aux arts du spectacle. Elle peut aller très loin et inclure ainsi ceux qui partagent la même vision d'un droit égalitaire, prévisible, dans la tradition romano-germanique et napoléonienne. Ainsi, les francophones se distinguent par une volonté de définir de nouveaux domaines du droit : droit de l'environnement, droit humanitaire, droit de la santé, droit de la régulation éthique... Cette définition de la francophonie recouvre la « définition senghorienne », telle que définie de manière lyrique dans le numéro fondateur de la revue Esprit de 1962 : c'est l'humanisme intégral, la convivialité des langues et des cultures. Cette conception senghorienne du métissage culturel est à l'_uvre aujourd'hui. Ainsi, l'Algérie s'apprête à rendre obligatoire le français dès la troisième année de l'école primaire. La Mauritanie réintroduit le français comme langue d'enseignement. La francophonie devient un système de valeurs.

Économique, elle affirme les particularités des valeurs portées par les entreprises des pays francophones et favorise les actions communes. Enfin, on a vu apparaître récemment une question francophone dans le développement des technologies de l'information, comment en témoignent le rapport de M. Patrick Bloche sur les autoroutes de l'information francophone ou le programme de l'Agence de la francophonie sur les inforoutes (7).

Il faut rappeler qu'une bonne moitié des six milliards d'habitants de la planète n'a pas encore utilisé une seule fois le téléphone et que, pour se connecter à Internet, il faut non seulement savoir lire et écrire, ne pas dépendre d'autorisations administratives délivrées avec parcimonie par certains régimes et disposer d'un ordinateur, d'un modem, d'une ligne téléphonique, mais aussi commencer par avoir l'électricité.

Cette question de définition n'est pas innocente. Elle explique en partie la confusion qui peut régner dans la recherche des structures institutionnelles qui s'occupent de francophonie. Ainsi, d'un point de vue purement français, et pour simplifier, la prise en compte de l'ensemble francophone serait assurée par le ministère des affaires étrangères, tandis que le mouvement en faveur de la langue française serait du ressort direct des services du ministère de la culture et de la communication.

Mais, la réalité est plus compliquée. En effet, comment s'intéresser aux populations francophones sans soutenir la langue française ? Et, inversement, comment favoriser la diffusion de la langue française sans tenir compte de la situation politique, culturelle et économique des populations francophones ?

De fait, la confusion née de la polysémie de la francophonie se reflète dans la multiplicité et l'hétérogénéité des organismes qui s'intéressent à cette question : organisations internationales, organisations internationales non gouvernementales, organismes bilatéraux, institutions nationales, interministérielles et ministérielles, associations, etc.

B.- UNE CONSTRUCTION POLITIQUE

De ces débats naît le principal problème de la francophonie : son identification, préalable à tout développement. Est-ce que la francophonie existe ?

1.- La francophonie n'est pas le Commonwealth

Le Commonwealth apparaît très directement lié à la décolonisation dans l'Empire britannique. La Conférence impériale de 1926 assimila la Grande-Bretagne et les quatre dominions, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Afrique du Sud, à des « communautés autonomes au sein de l'empire britannique, d'un statut égal, en aucune manière subordonnées l'une à l'autre en quelque aspect de leurs affaires intérieures ou extérieures, bien qu'unies par une allégeance commune à la Couronne et librement associées en tant que membres du Commonwealth britannique des nations ». Le statut de Westminster, signé en 1931, consacrait officiellement la nouvelle situation. L'Inde et le Pakistan devinrent membres en 1947 et en 1957, le Ghana ouvrit la voie aux États africains.

Les principes régissant le Commonwealth furent affirmés en 1971, à Singapour, lors de la réunion des chefs d'État et de Gouvernement : le Commonwealth « est une association librement consentie d'États souverains et indépendants, ayant chacun la pleine responsabilité de ses décisions politiques, qui se consultent et coopèrent en vue de servir les intérêts communs de leurs peuples et la cause de la compréhension internationale et de la paix mondiale ».

Ces éléments suffisent à démontrer la différence fondamentale entre francophonie et Commonwealth. Dans ce dernier cas, la langue n'est pas le fondement premier de rapprochements culturels ou politiques. Elle apparaît seulement comme un outil.

2.- La francophonie est une communauté politique fondée sur le partage d'une même langue

Avant la chute du mur de Berlin, certains voyaient dans la francophonie institutionnelle le « seul événement diplomatique de ces années glaciales » (8). Cette assertion ne peut être justifiée que si l'on se penche sur la construction progressive de la réalité internationale de la francophonie mettant en évidence certaines ambiguïtés et confusions, dont la plupart ne sont que le résultat de malentendus qu'une meilleure connaissance de ce qu'est le mouvement francophone permettrait d'éclaircir.

La francophonie se met en place, fort logiquement, avec le processus de décolonisation. L'ensemble francophone semble s'être édifié de manière progressive, voire empirique, sinon erratique.

Le premier malentendu est né de la confusion entre le passé colonial français et la naissance de la francophonie. Or, d'une part, la France ne détient pas un droit de propriété sur la langue française. Antoine de Rivarol avait pressenti ce risque dès la première phrase de sa défense et illustration de la langue française dans De l'universalité de la langue française, en affirmant : « On sent combien il est heureux pour la France, que la question sur l'universalité de sa langue ait été faite par des étrangers (ie par l'Académie de Berlin) ; elle n'auroit pû sans quelque pudeur, se la proposer elle-même. » (9)

D'autre part, la francophonie est née de l'initiative de trois éminents francophones, mais non français et qui ont conduit leur pays vers l'émancipation : Félix Houphouët-Boigny en Côte-d'Ivoire, Habib Bourguiba en Tunisie et Hamami Diori au Niger. À l'origine, la francophonie est incarnée par des groupements de nature professionnelle ou culturelle, réunissant des journalistes (création de l'Union internationale des journalistes et de la presse de langue française en 1950), des élus s'exprimant à titre non officiel (1967), des spécialistes et enseignants de la langue (1968 et 1969).

La mutation fondamentale se réalise avec la mise en place, en 1970 à Niamey, de la première institution intergouvernementale, l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), future Agence de la francophonie et avec la première conférence, en février 1986 à Paris, des chefs d'État et de Gouvernement ayant le français en partage. Le nombre de membres passe de 40 en 1986 à 47 en 1993.

Fondée non sur une convention internationale mais sur de simples décisions des chefs d'État de se réunir périodiquement, la francophonie renforce ses institutions de sommet en sommet, mobilise des crédits multilatéraux qui sont concentrés sur de grands programmes mis en _uvre par les opérateurs : Agence de la francophonie, TV5, Agence universitaire de la francophonie (AUF), université Senghor d'Alexandrie, Association international des maires francophones (AIMF).

Accuser la France de pratiquer, par le biais de la francophonie, un néocolonialisme linguistique ou culturel, reviendrait à affirmer que la francophonie est l'affaire de tous les francophones, à la seule exception des Français. Il faut à l'appui de cette opinion rappeler le discours de Habib Bourguiba, devant l'Assemblée nationale du Niger en 1965 : « La langue dans laquelle nous nous exprimons, vous et nous, est celle qui a servi dans toutes les batailles pour la liberté... Pour le combattant que je suis, la langue française a toujours été une arme précieuse et efficace que je n'ai pas seulement utilisée durant la lutte politique contre le colonialisme, mais aussi durant la lutte pour notre autodéveloppement, contre les forces de l'obscurantisme. (...) Pour vous comme pour nous, la langue française constitue l'appoint à notre patrimoine culturel, enrichit notre pensée, exprime notre action, contribue à forger notre destin intellectuel et à faire de nous des armes à part entière, appartenant à une communauté de nations libres. » De la même façon, le cinéaste égyptien Youssef Chahine relevait que : « La francophonie nous permet de nous organiser, nous Arabes, Africains et autres identités menacées par le rouleau compresseur des industries culturelles américaines car, seuls, nous ne serions pas assez forts pour nous défendre... »

On voit là le caractère absurde de l'offensive. Accuser la France de manipuler la francophonie est d'autant plus injuste que, si ce mouvement a été constitué à l'origine d'États ayant vécu dans la mouvance de la France, il s'est progressivement étendu à d'autres États, à l'exemple de la Bulgarie ou de la Pologne, n'entretenant avec la langue française que des relations plus ténues ou plus épisodiques et où elle n'est pas une langue officielle ou d'usage mais une langue d'enseignement et une langue de culture, minoritaire. Boutros Boutros-Ghali, avant même de devenir secrétaire général de la francophonie soulignait que « la francophonie est née d'un désir ressenti hors de France » (10). Dans ce cadre, l'espace francophone est difficile à appréhender et s'étendrait au risque de se dissoudre.

II.- LA FRANCOPHONIE INCARNÉE

Si la francophonie s'avère difficile à saisir in abstracto, elle peut être facilement appréhendée lorsqu'on se penche sur les institutions qui se réclament d'elle ou sur les actions qui sont menées en son nom.

A.- LA FRANCOPHONIE EN INSTITUTIONS

La francophonie doit une part de son existence au fait que nombre d'institutions se réclament d'elles. On peut distinguer trois groupes d'acteurs : les structures multilatérales, le dispositif institutionnel français et les autres acteurs susceptibles d'intervenir dans le champ de la francophonie.

1.- Les structures multilatérales

Le dispositif multilatéral est bien connu, avec :

· d'une part, les organes de délibération et de décision, chapeautés par le sommet des chefs d'État et de Gouvernement, et composés du secrétariat général de la francophonie, de la conférence ministérielle de la francophonie, du Conseil permanent de la francophonie (CONFEMEN et CONFEJES), d'un opérateur principal (Agence intergouvernementale de la francophonie, ex-ACCT) et d'opérateurs directs (AUF, TV5, université Senghor d'Alexandrie et AIMF) ;

· et d'autre part, l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), ancienne Assemblée internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) (11).

Ces institutions, souvent décriées, notamment parce qu'elles subissent les assauts des adversaires de la francophonie, font l'objet depuis quelques années d'une réorganisation en profondeur et de réformes substantielles, sous l'impulsion des bailleurs de fonds, et en particulier de la France, qui apporte près des quatre cinquièmes des financements. Ces changements, fondés sur une démarche d'audit et d'évaluation, sont progressivement mis en _uvre dans le sens d'un meilleur partage de compétences et d'un recentrage des activités de chacune des institutions.

a) Les sommets de chefs d'État et de Gouvernement

Les instances de décision de la francophonie sont les Conférences des chefs d'État et de Gouvernement des pays ayant le français en partage, dits « sommets francophones », qui s'appuient sur la Conférence ministérielle de la francophonie (CMF), composée des ministres des affaires étrangères ou de la francophonie, qui veille à l'exécution des décisions arrêtées par le sommet, et sur le Conseil permanent de la francophonie (CPF), composé des représentants personnels des chefs d'État et de Gouvernement, qui assure la préparation et le suivi du sommet. Ces organes se réunissent généralement tous les deux ans.

Le premier sommet s'est tenu à Paris en 1986. Les présidents des pays francophones d'Afrique et d'Asie s'étaient déjà réunis autour du général de Gaulle ou de Georges Pompidou, mais ces réunions n'avaient jamais atteint une échelle mondiale, compte tenu de la divergence qui a longtemps opposé le Gouvernement fédéral du Canada et celui du Québec sur la place que l'un et l'autre devaient y occuper. Il a fallu attendre les élections canadiennes de 1985 et l'arrivée au pouvoir de Brian Mulroney à Ottawa et de Pierre Bourassa à Québec pour permettre la réunion de quarante-et-un chefs d'État et de Gouvernement, qui s'est déroulée du 17 au 19 février 1986, à Paris et à Versailles. Vingt-huit résolutions furent adoptées et un comité de suivi fut chargé de veiller à leur exécution.

Le deuxième sommet francophone se déroula à Québec en septembre 1987. À cette occasion fut arrêtée la liste des secteurs prioritaires de la francophonie, tandis qu'on institutionnalisa les sommets en même temps qu'on prévoyait la création d'une université francophone et d'un Centre d'échanges multinationaux d'actualités francophones. En 1988, une première journée internationale de la francophonie était organisée. Un troisième sommet se tint à Dakar en mai 1989. Le quatrième sommet réuni à Chaillot en novembre 1991 a regroupé près de cinquante pays et Gouvernements. Ils s'y sont dotés de nouvelles institutions et ont confirmé dans son rôle d'opérateur principal et de secrétariat de toutes les instances de la francophonie, l'Agence de la coopération culturelle et technique (ACCT).

Le cinquième sommet, qui s'est tenu à l'île Maurice en octobre 1993, amena les participants à remplacer l'appellation de sommet par celle de « conférence des chefs d'État et de Gouvernement ayant le français en partage ». Ils reconnaissent que l'économie est l'un des éléments indissociables de la culture des peuples et définissent les paramètres d'une coopération économique entre les pays membres de la francophonie.

Le sommet de Cotonou en décembre 1995 a vu la francophonie se doter de nouvelles institutions qui lui assurent une dimension politique sur la scène internationale : un poste de secrétaire général de la francophonie est créé, l'Agence de coopération culturelle et technique est devenue l'Agence de la francophonie, appelée de manière usuelle Agence intergouvernementale de la francophonie dirigée désormais par un administrateur général de l'Agence de la francophonie. Enfin, la charte de l'Agence est révisée pour devenir la Charte de la francophonie.

Un secrétaire général de la francophonie, M. Boutros Boutros-Ghali, a été élu au sommet de Hanoi, en 1997, pour quatre ans par les chefs d'État et de Gouvernement. Il a notamment pour mission de faire en sorte que l'Agence devienne une force politique plus active, susceptible de jouer un rôle plus significatif sur la scène internationale. La septième Conférence des chefs d'État et de Gouvernement des pays ayant le français en partage a eu lieu, pour la première fois, sur le continent asiatique. C'est grâce à l'apport vietnamien que la francophonie a fait, dans la zone Asie-Pacifique, une rentrée significative. Elle compte alors quarante-neuf États et Gouvernements membres. Leurs représentants, qui avaient prévu de se pencher sur le thème de la coopération économique, ont finalement travaillé sur la prévention des conflits dans les pays membres, et se sont engagés à coopérer avec la communauté internationale pour garantir le respect des droits de la personne.

Le huitième sommet, qui a réuni cinquante-deux États observateurs ou membres, s'est déroulée à Moncton, au Canada en septembre 1999. Le plan d'action adopté lors de ce sommet, qui a force de loi pour l'Agence de la francophonie et les autres opérateurs de la francophonie, est reproduit dans l'encadré ci-après.

PLAN D'ACTION ADOPTÉ PAR LE SOMMET DE MONCTON
(SEPTEMBRE 1999)

Nous avons voulu consacrer ce sommet à la jeunesse parce que nous estimons que les jeunes représentent non seulement la relève, mais aussi une force qui peut et doit agir aujourd'hui, et être partie prenante de nos choix.

Dans chaque axe d'intervention prioritaire, nous demandons aux opérateurs de porter une attention particulière à la jeunesse et d'intégrer cet objectif dans toutes nos actions.

I.- AXES D'INTERVENTION PRIORITAIRES

AXE N° 1 : CONSOLIDATION DE LA PAIX DE LA DÉMOCRATIE
ET DE L'ÉTAT DE DROIT

Contribuer à la réalisation, dans l'espace francophone, de l'aspiration universelle à la paix, à la démocratie et au respect des droits de l'homme, constitue une mission essentielle de la francophonie. Notre mouvement doit aider les Francophones à cheminer ensemble sur cette voie en conjuguant ses efforts avec ceux des organisations internationales compétentes. Pour l'accomplissement de cette tâche prioritaire, il est important que le secrétaire général dispose des moyens humains et financiers nécessaires, tels que déterminés par les États et Gouvernements.

1.1. Intensifier les actions en faveur de la paix et en appui aux populations civiles

1.1.1. Appui à la paix

Nous réaffirmons que la paix et la sécurité sont indispensables au développement durable. La démocratie, les droits de l'homme, les libertés fondamentales, la primauté du droit et la bonne gouvernance sont essentielles à la prévention et au règlement des conflits dans les pays et entre les pays. Notre coopération sur ces thèmes devra s'adresser particulièrement aux enfants, aux femmes et à la société civile en général, en privilégiant les actions conjointes et multilatérales.

Nous nous engageons à renforcer la collaboration avec les institutions multilatérales qui jouent un rôle dans la prévention et le règlement des conflits, notamment l'Organisation des Nations Unies, l'Organisation de l'unité africaine et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et à appuyer les initiatives de consolidation de la paix dans les pays francophones.

Nous nous félicitons des actions politiques et diplomatiques entreprises par le secrétaire général depuis Hanoi. Nous l'invitons à poursuivre ses actions en faveur du maintien de la paix et du règlement des crises. Nous renforcerons et systématiserons le dialogue entre le secrétaire général et nos représentants sur la préparation et le déroulement de ses actions dans ce domaine.

Nous appuyons tous les efforts visant à aboutir à un traité de paix juste et globale au Moyen-Orient dans le cadre d'une réactivation du processus de Madrid basé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sur le principe de « Terre contre Paix ». Nous réaffirmons notre appui à l'application de la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui exige le retrait total, immédiat et inconditionnel des forces israéliennes du territoire libanais.

Nous appuyons aussi les efforts entrepris pour un règlement des conflits qui prévalent encore dans la région des Grands Lacs et dans la région des Balkans et ce, conformément aux résolutions ad hoc des instances internationales.

Nous nous félicitons de l'accord de Lusaka, avancée essentielle en direction d'une paix juste et globale dans la région des Grands Lacs. Nous appelons toutes les parties et tous les signataires à en appliquer l'ensemble des dispositions. Nous en appuierons l'application et invitons la communauté internationale à faciliter cette _uvre de réconciliation, notamment par la mise en _uvre des résolutions pertinentes des Nations Unies.

Nous avons noté avec satisfaction l'aboutissement du dialogue inter-togolais qui a conduit à l'accord-cadre en vue de la réconciliation nationale. Nous demandons à tous ses signataires d'en appliquer l'ensemble des dispositions et invitons la communauté internationale, notamment sa composante européenne, à apporter au Togo le concours nécessaire à la réussite de ce processus,

Nous apporterons également notre appui, dans le cadre de notre coopération multilatérale, aux processus en cours au Niger et en Guinée-Bissau et appelons au respect des calendriers électoraux afin de rétablir les processus constitutionnels dans ces pays.

Enfin, nous souhaitons que la mise en _uvre des accords de Tananarive permette aux Comores d'avancer rapidement sur le chemin de la paix, de la démocratie, et du développement, et invitons la communauté internationale à soutenir ce processus.

1.1.2. Appui à la sécurité des populations civiles

Nous souhaitons mener de front des actions en faveur de la paix et de la sécurité internationale et des politiques d'appui à la protection des populations civiles affectées par les conflits armés. Pour mettre fin aux pressions psychologiques et physiques que ces populations subissent dans les régions sous occupation étrangère, nous demandons aux puissances occupantes de respecter les conventions de Genève de 1949 et de s'abstenir de toute action mettant en danger la vie et la condition des jeunes en particulier. Nous soutenons les efforts visant à renforcer les capacités nationales à gérer les conflits sans recourir à la violence et permettant d'assurer la sécurité des personnes, par la mise en place de stratégies mixtes axées sur la prévention des conflits, le respect des conventions internationales et l'élaboration de nouvelles normes, le droit humanitaire, ainsi que la promotion des processus démocratiques et des droits de l'homme.

Pour manifester notre commune volonté, nous nous engageons à promouvoir le respect de la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et en particulier, à _uvrer en vue de l'élaboration d'un protocole facultatif à cette convention, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. À cet égard, nous soutiendrons l'action du Représentant du secrétaire général des Nations Unies en faveur de la protection des enfants en période de conflits armés, ainsi que la coalition d'ONG constituée à cet effet, pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats, et nous veillerons à la protection des enfants dans les opérations d'aide humanitaire et de maintien de la paix. Nous _uvrerons également en vue de l'élaboration du deuxième Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants.

Nous réitérons notre appui à la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel en vigueur depuis mai 1999. Nous nous assurerons qu'elle obtienne le soutien le plus large possible et veillerons à son application, en collaboration avec nos partenaires et les ONG concernées. Nous apporterons notre appui à l'universalisation de la Convention, dès que possible, et aux programmes de déminage et d'aide aux victimes des mines antipersonnel.

Nous continuerons de sensibiliser nos populations aux effets nuisibles de la diffusion incontrôlée des armes de petit calibre. Nous appuyons la décision de l'ONU de convoquer une Conférence internationale sur toutes les formes de commerce illicite d'armes. Nous appuyons en particulier la proclamation d'un moratoire ouest-africain sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères. Nous souscrivons, en outre, aux Principes énoncés sur la question par l'Union européenne en décembre 1998. Nous favoriserons l'élaboration d'un instrument international destiné à combattre la fabrication illicite et le trafic d'armes à feu dans le cadre de la convention des Nations Unies sur la lutte contre la criminalité organisée transnationale.

Par ailleurs, nous continuerons à appuyer la Cour pénale internationale sur les affaires de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, en exigeant qu'elle reçoive toutes les garanties possibles d'indépendance et d'efficacité. Nous invitons tous les États à devenir parties au statut de Rome du 17 juillet 1998 afin d'en accélérer l'entrée en vigueur.

1.2. Approfondir les processus démocratiques, promouvoir les Droits de l'Homme et renforcer l'État de droit

1.2.1. Culture démocratique

Nous organiserons au début de l'an 2000 un symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone qui permettra, en liaison avec le centre des droits de l'homme des Nations Unies à Genève, d'approfondir la concertation et la coopération autour de l'État de droit et de la culture démocratique. Ce symposium constituera une étape nouvelle dans notre dialogue sur l'approfondissement de la démocratie et le respect des libertés. Il devra permettre de faire ressortir les axes principaux de notre expérience et de notre spécificité que nous ferons valoir lors de la quatrième conférence des Nations Unies sur les démocraties nouvelles et rétablies prévue au Bénin en l'an 2000.

Nous renforcerons la collecte et l'analyse d'informations juridiques, institutionnelles et politiques destinées à éclairer l'action des instances politiques de la francophonie. Cette fonction d'observatoire dévolue à l'Agence intergouvernementale de la francophonie sera conduite en étroite concertation avec les institutions nationales et internationales, et avec la société civile à travers les organisations internationales non gouvernementales compétentes.

Les missions d'observation des élections seront poursuivies, chaque fois que cela sera possible et nécessaire, en coopération avec d'autres organisations internationales. Ces interventions devront s'inscrire dans le cadre d'une coopération à long terme, tant en amont qu'en aval des consultations électorales, avec les pays concernés. L'accompagnement nécessaire à l'organisation des consultations électorales démocratiques sera privilégié, notamment dans le secteur juridique, ainsi que l'appui aux institutions de contrôle et à la société civile.

Nous encourageons l'Assemblée parlementaire de la francophonie à poursuivre ses actions, en particulier les séminaires de parlementaires et les stages de fonctionnaires francophones, l'appui aux services documentaires des parlements du Sud et l'aide à l'installation de services de compte-rendu des débats parlementaires. Nous l'invitons à conduire des actions de sensibilisation sur le rôle et les activités des parlements en direction des jeunes.

Convaincus que la démocratie locale est l'une des conditions de l'approfondissement de la démocratie, nous inciterons les collectivités territoriales de nos États membres à s'engager dans la voie de la coopération décentralisée francophone. Nous invitons l'AIMF à poursuivre son action en matière d'informatisation des municipalités partenaires et de tenue de l'état-civil.

1.2.2. Droits de l'Homme

Nous nous emploierons à promouvoir tous les droits de l'Homme et à agir pour que ces droits, civils et politiques, mais aussi économiques, sociaux et culturels, ainsi que le droit au développement, trouvent leur protection dans la vie quotidienne des individus. Nous appuierons à cette fin la ratification et la mise en _uvre des instruments juridiques internationaux qui régissent les obligations des États dans la mise en _uvre de ces droits. Nous prêterons une attention particulière aux droits des femmes et aux droits des enfants et sensibiliserons les jeunes aux droits de l'Homme.

Nous demandons au secrétaire général d'_uvrer de concert avec les organisations internationales compétentes à l'établissement d'un rapport sur l'état des ratifications des grands instruments juridiques internationaux et sur leur mise en _uvre. Nous favoriserons la mise en _uvre de la déclaration de l'Organisation internationale du travail (OIT), relative aux principes et droits fondamentaux du travail de 1998.

Nous apporterons une assistance technique aux États qui en exprimeraient le désir pour accompagner leur dialogue avec la commission des droits de l'homme des Nations Unies et le Haut Commissariat aux droits de l'homme, ainsi que pour la mise en _uvre des recommandations des comités conventionnels.

Nous participerons activement à la préparation des grandes conférences internationales dans le domaine des droits de l'homme, notamment la conférence de suivi du sommet social de Copenhague à Genève. Nous nous préparerons également à la conférence mondiale des femmes de juin 2000 à New York, par la tenue d'une conférence francophone intitulée « Femmes, pouvoir et développement » à Luxembourg, en février de la même année.

1.2.3. État de droit

Nous proclamons notre attachement à l'indépendance de la magistrature et notre volonté de renforcer les systèmes de justice nationaux et de promouvoir la diffusion du droit.

Nous privilégierons en particulier l'accompagnement de plans d'action nationaux de réforme de la justice en veillant à ce que l'accent soit mis sur la justice des mineurs dans toutes ses composantes (politiques d'insertion des jeunes et de prévention de la criminalité juvénile, organisation de la justice des mineurs, politiques répressives, dimension pénitentiaire).

Nous encourageons l'harmonisation du droit, notamment dans le cadre du traité de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA).

Nous apportons notre soutien à la constitution de réseaux francophones, notamment pour ce qui concerne les cours constitutionnelles, ainsi que les instances de contrôle, de régulation et de médiation, les médiateurs et les hautes autorités de l'audiovisuel. Nous nous appliquerons à étendre ces réseaux à d'autres institutions.

Nous soutenons le développement des banques de données juridiques et judiciaires sur la base d'une évaluation systématique et d'une relance qualitative du programme en murs.

AXE N° 2 : PROMOTION DE LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE
ET CULTURELLE

2.1. La langue

2.1.1. Nous renouvelons notre engagement à défendre et à promouvoir l'utilisation de la langue française dans les organisations et enceintes internationales. Nous apporterons notre concours à la formation des diplomates en langue française. Nous veillerons au respect du plurilinguisme et de l'utilisation du français dans les organismes de normalisation tels l'AFNOR (Association française de normalisation) et l'ISO (Organisation internationale de normalisation). Nous soutiendrons la participation de francophones aux réunions d'experts de ces organismes, et la coopération internationale en matière de terminologie française.

2.1.2. Nous invitons tous les opérateurs de la francophonie à articuler davantage leurs programmes de soutien à l'enseignement du et en français, y compris dans le cadre de classes bilingues. Une large utilisation de la formation à distance et le recours massif aux nouvelles technologies de la communication et de l'information doivent être encouragés, tout comme les échanges linguistiques entre pays francophones. Dans ce cadre, la francophonie devra prendre appui sur les relais locaux déjà mis en place, tels les centres de lecture et d'animation culturelle (CLAC) et le programme de radios locales.

2.1.3. Au sommet de Hanoi, nous avons mis en place un plan d'urgence pour la relance du français dans les organisations internationales. Nous désirons renforcer ce plan par la présence accrue de jeunes experts francophones associés dans des postes à effets multiplicateurs, ainsi qu'en soutenant la concertation et la participation de fonctionnaires francophones à des conférences internationales.

2.1.4. Nous poursuivrons la promotion des langues partenaires en favorisant la concertation sur les politiques nationales et la traduction de et vers les langues partenaires. Dans ce sens, les efforts devront se poursuivre pour la mise en ligne du français et des langues partenaires.

2.2. La culture

2.2.1. Nous croyons que le contexte actuel de mondialisation rend plus que jamais indispensable la contribution de la francophonie à la promotion de la diversité culturelle et de sa reconnaissance par tous les acteurs de la scène internationale. Dans cette perspective, nous considérons que les biens et services culturels, y compris audiovisuels, reflets des identités nationales et régionales, ne doivent pas être traités comme de simples marchandises, notamment dans le cadre des négociations commerciales multilatérales. Nous réaffirmons, en outre, le droit des États, des gouvernements et, le cas échéant, des collectivités publiques et territoriales d'établir librement leurs politiques culturelles, et notamment, les moyens et instruments nécessaires à leur mise en _uvre. Afin de faire prévaloir ces convictions, nous estimons nécessaire de mobiliser de façon accrue et concertée les sociétés civiles autour de ces enjeux, de systématiser les concertations entre francophones permettant d'élaborer des positions communes sur ces questions et, enfin, de sensibiliser l'ensemble de nos partenaires non francophones à l'importance de la promotion de la diversité culturelle dans un contexte de mondialisation.

2.2.2. Afin notamment d'explorer plus à fond cette problématique de la mondialisation au regard de la diversité culturelle telle qu'elle est vécue par les États et les Gouvernements membres de la francophonie, et de faire le point sur les enjeux essentiels dont la prise en compte avait motivé les signataires du traité de Niamey en 1970, nous décidons, également, dix années après celle de Liège, que la Conférence ministérielle thématique du biennum 2000-2001 sera consacrée à la culture.

2.2.3. Dans le but de promouvoir le dialogue entre les cultures, nous encouragerons les échanges entre artistes, et entre industries culturelles, et nous faciliterons la circulation des _uvres. Nous favoriserons également l'appui à la formation aux métiers de la culture. Nous procéderons à une évaluation approfondie du Marché des arts et du spectacle africain (MASA) afin d'en faire un véritable tremplin pour la diffusion des spectacles et un pôle structurant où s'articulent encore mieux cadre institutionnel et milieux professionnels.

La francophonie devra prendre des mesures pour aider le financement de la participation d'artistes à des manifestations en contribuant au rayonnement de la création culturelle, et poursuivra les actions engagées grâce au fonds de soutien à la production audiovisuelle du Sud. Enfin, elle aidera les télévisions et le cinéma du Sud, à travers leurs productions, à être présents dans les grands marchés internationaux et les festivals du film francophone.

2.2.4. Nous invitons l'Agence intergouvernementale de la francophonie à étudier l'intérêt et la faisabilité d'un fonds d'investissement pour les industries culturelles. Nous lui demandons également d'intensifier le programme des CLAC en leur confiant une nouvelle mission axée sur le développement et la solidarité.

2.3. Les médias

2.3.1. Nous encourageons TV5 à être le reflet de la diversité culturelle de la francophonie, à faire une large place à l'expression de toutes ses composantes et à renforcer la présence d'images du Sud sur tout son réseau. Nous saluons la nouvelle dynamique mise en _uvre par TV5 et nous donnons notre appui au plan d'action arrêté par la dernière Conférence des ministres responsables de TV5 réunie à Bruxelles. Nous appuyons les efforts de développement de TV5 Afrique et encourageons les pays africains à favoriser sa croissance.

2.3.2. Nous poursuivrons les efforts déployés pour soutenir le développement et la diffusion de la presse écrite francophone.

AXE N° 3 : ÉDUCATION ET FORMATION

Nous appuyons le rôle dévolu à la CONFEMEN pour contribuer à l'élaboration et à l'évaluation des politiques éducatives au sein des États et Gouvernements membres et l'invitons à s'élargir à l'ensemble des pays ayant le français en partage.

Nous demandons aux opérateurs compétents de la francophonie de mettre leur savoir-faire au service des États afin de faciliter la coopération de nos États avec les institutions internationales qui, telles la Banque mondiale et l'Union européenne, ont reçu mandat de développer leurs programmes dans le domaine de l'éducation.

3.1. Éducation de base et formation professionnelle et technique

Nous sommes déterminés à apporter à la jeunesse une éducation primaire et secondaire ainsi qu'un système universitaire efficaces. Nous sommes particulièrement attentifs à créer les conditions susceptibles de favoriser la motivation des jeunes pour ces diverses formations.

Nous encourageons les opérateurs francophones à concentrer leur action en matière d'alphabétisation, d'éducation de base et de formation professionnelle et technique sur l'information et la concertation. La poursuite de cet objectif suppose en particulier une meilleure participation de la coopération francophone à toutes les concertations menées dans ce secteur et le développement des partenariats entre enseignants, administrations de l'éducation, parents, collectivités, ONG, associations, acteurs économiques et sociaux. Nous demandons à l'Agence intergouvernementale de la francophonie d'assurer, comme une priorité, le suivi des assises de Bamako sur la formation professionnelle et technique.

Nous appuyons la mise en place d'une politique d'édition capable d'assurer l'émergence de filières de production de manuels scolaires dans les pays du Sud.

3.2. Enseignement supérieur et recherche

En matière d'enseignement supérieur, nous préconisons le développement des actions en faveur de la reconnaissance mutuelle des diplômes, de la mobilité des étudiants et chercheurs, du plan d'urgence pour les universités africaines, de la recherche, des filières universitaires francophones, ainsi que de l'information scientifique et technique et du recours accru aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Nous souhaitons le renforcement de l'université Senghor d'Alexandrie et son ouverture à de nouveaux partenariats.

Nous félicitons le secrétaire général d'avoir commencé le processus d'évaluation externe par celle de l'Agence universitaire de la francophonie, en raison de l'importance cruciale que revêt notre coopération multilatérale dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette évaluation globale, intervenant après une dizaine d'années de forte croissance de l'AUF, met l'accent sur les points forts et les points faibles de cet opérateur et sur la nécessité de le remobiliser dans un cadre multilatéral.

Nous donnons mandat au secrétaire général d'engager, en étroite liaison avec le CPF, une réflexion prospective sur les orientations de la coopération multilatérale universitaire pour le moyen terme, en accordant une attention particulière à la régionalisation et à la spécificité des actions.

Cette réflexion devra déboucher sur une proposition de réforme des structures chargées de l'élaboration et de la mise en _uvre de la coopération universitaire multilatérale. Elle visera, en particulier, une meilleure identification des priorités et stratégies, le resserrement des dispositifs administratif et financier, l'amélioration des dispositifs d'évaluation et de suivi des programmes. Elle s'appuiera sur les travaux d'évaluation de l'AUF et sur un dialogue avec l'AUF elle-même.

La prochaine conférence ministérielle de la francophonie devra être saisie du projet de réforme, en vue de son adoption et de son application, dès 2000.

AXE N° 4 : COOPÉRATION ÉCONOMIQUE

4.1. Concertation

La Conférence des ministres de l'économie et des finances de la francophonie, réunie à Monaco en avril 1999, a adopté une déclaration qui guidera l'action des différents opérateurs et acteurs de la francophonie en matière de coopération économique à trois niveaux : États et Gouvernements, entreprises et ressources humaines.

Nous avons décidé de renforcer la concertation francophone tant au sein des organisations multilatérales que dans la perspective des conférences internationales particulièrement importantes.

Cette concertation, politique et technique, nous permettra de partager et d'accroître notre information mutuelle, afin, lorsque cela sera possible, d'aboutir à des propositions communes.

À cet égard, nous convenons de nous concerter dans la perspective du prochain cycle de négociations à l'OMC et tout au long de ce cycle.

Soucieux de favoriser l'intégration régionale en cours, nous appuyons les efforts destinés à renforcer la compétitivité des économies des États et Gouvernements membres, à favoriser le développement des échanges intra-régionaux et la cohérence des politiques macro-économiques, et à harmoniser les règles juridiques applicables à la vie économique.

Nous poursuivrons nos efforts pour lutter contre la pauvreté. Nous nous emploierons à persuader la communauté internationale d'adopter une attitude plus équitable sur la question de la dette, particulièrement celle des Pays les moins avancés.

4.2. Aide au commerce et à l'investissement

Nous invitons les opérateurs de la francophonie à développer leur action économique là où leur expérience offre aux pays membres une véritable plus-value : l'information, la formation, et l'aide à l'intégration au système économique mondial. La francophonie devrait également promouvoir différentes formes de coopération : Nord-Sud, Sud-Sud et tripartite.

Dans cet esprit, nous approuvons les projets suivants, dont nous demandons la mise en _uvre lors du biennum 2000-2001 :

· création d'un dispositif francophone d'information économique destiné notamment à éclairer les acteurs économiques sur les possibilités d'investissement ;

· constitution d'un réseau d'institutions de formation au commerce international ;

· établissement d'un fonds destiné à l'intégration et à la pleine participation des pays les moins avancés au système économique mondial.

4.3. Aide au développement des entreprises

Nous rappelons, par ailleurs, notre appui aux actions que la francophonie mène pour la création, le développement, le partenariat et le soutien des entreprises, notamment au Sud et dans les économies en transition. Cet appui doit se manifester plus particulièrement par l'encouragement des transferts de technologies, la formation technique et un accès facilité au crédit, notamment grâce à la poursuite des programmes de mobilisation de l'épargne locale. Nous convenons de renforcer les programmes destinés à favoriser une plus grande implantation de la francophonie dans les domaines des nouvelles technologies et des industries culturelles.

Nous invitons l'Agence intergouvernementale et les opérateurs à inscrire leur programmation en matière économique dans le cadre défini par la conférence de Monaco, et à rechercher systématiquement une concertation et une coopération efficaces avec les organisations internationales spécialisées.

4.4. Aide au développement durable

Nous renouvelons notre appui aux actions que mène l'Agence intergouvernementale, par le biais de son Institut de l'énergie et de l'environnement, notamment pour assurer une présence active de la communauté francophone dans les négociations pour les conventions internationales en matière d'environnement.

En matière d'énergie, il s'agit de poursuivre les efforts en vue d'une maîtrise endogène du développement et de la gestion des systèmes énergétiques nationaux.

AXE N° 5 : NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
ET DE LA COMMUNICATION

5.1. Fonds francophone des inforoutes

Le fonds francophone des inforoutes mis en place à la suite de la conférence de Montréal et du sommet de Hanoi, fait la preuve de son efficacité, alliant à la fois souplesse et rigueur de gestion. Sur la base de son succès et de son expérience, nous demandons que ce programme prioritaire se développe avec plus de moyens, notamment par un accroissement du nombre des pays contributeurs et en encourageant les États et Gouvernements à doter le fonds francophone des inforoutes en contributions déliées.

En adaptant ses critères, le fonds francophone des inforoutes devra mettre l'accent sur la production et la diffusion de contenus en langue française dans les secteurs reconnus prioritaires en francophonie. Une partie du fonds sera consacrée aux initiatives et aux projets présentés par et pour les jeunes.

5.2. Accès aux nouvelles technologies de la communication et de l'information

L'accès aux nouvelles technologies de la communication et de l'information, et particulièrement l'accès à Internet devra être facilité. Pour ce faire, la francophonie s'appuiera sur des structures existantes pour établir des points d'accès à Internet afin d'augmenter le volume des échanges entre tous les partenaires de la francophonie.

5.3. Formation et développement des contenus

Un effort significatif devra être consenti par les opérateurs de la francophonie à la sensibilisation et à la formation des nouveaux utilisateurs des technologies de la communication et de l'information. Les opérateurs de la francophonie devront aussi appuyer des initiatives de développement des contenus en français largement accessibles aux francophones et non francophones.

II.- JEUNESSE

Un dialogue fructueux a eu lieu à Moncton entre les chefs d'État et de Gouvernement d'une part et des représentants de la jeunesse francophone d'autre part. Ce dialogue a été nourri par la tenue de plusieurs concertations nationales et multilatérales, entre autres à Bamako, Genève et Shippagan-Ouagadougou.

Parmi les recommandations des jeunes issues de ces rencontres préalables, nous retenons les suivantes : nécessité de démocratiser la francophonie par une concertation et une participation accrues des jeunes soutien à l'insertion sociale et professionnelle ; encouragement à la mobilité ; accès facile aux nouvelles technologies.

Nous invitons à ces fins, le secrétaire général à intensifier la collaboration entre la CONFEJES, l'Agence intergouvernementale et les autres opérateurs, ainsi qu'avec les ONG actives dans le domaine de la jeunesse. Nous considérons la CONFEJES comme lieu de référence et d'avis en matière d'appui multilatéral aux politiques destinée à la jeunesse.

1. Concertation et participation des jeunes

Nous nous proposons de poursuivre le dialogue de la francophonie avec la jeunesse tel qu'amorcé. Il pourrait être renforcé par la création d'un réseau virtuel, mais aussi à travers des mécanismes de concertation entre organisations représentatives de jeunes. Nous favorisons également une meilleure consultation des jeunes, notamment à travers la création d'un site jeunesse incluant une base de données sur les programmes « jeunesse » existant auprès des institutions internationales et des bailleurs de fonds, ainsi qu'au niveau national.

Nous attachons une grande importance à ce que le dialogue entre les jeunes et les institutions de la francophonie soit respectueux de la représentativité réelle des jeunes. À cette fin notamment nous encourageons l'ensemble des pays à se doter de structures représentatives de la jeunesse. Nous voulons que cas instruments de concertation soient souples et proches des populations.

2. Insertion sociale et professionnelle

Afin de soutenir l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, notamment par le biais de la formation, nous invitons l'Agence intergouvernementale de la francophonie et la CONFEJES à renforcer conjointement le fonds d'insertion des jeunes. Nous réaffirmons la finale d'insertion sociale et économique et d'accès à des programmes de création d'emplois de ce fonds, en relation étroite avec les politiques nationales et multilatérales en faveur de la jeunesse. Ce fonds aura, entre autres, pour vocation de faire partager et de confronter la diversité des expériences francophones d'insertion sociale et professionnelle des jeunes.

Parallèlement, nous encourageons les initiatives qui favorisent l'expression des jeunes, tant au niveau collectif qu'au niveau individuel. Nous soutiendrons la production et la diffusion des activités artistiques, culturelles et sportives des jeunes.

3. Mobilité

Nous encourageons la mobilité des jeunes à l'intérieur de l'espace francophone par des programmes d'échanges culturels, scolaires et universitaires, de stagiaires et de professionnels. Cette mobilité permettra aux jeunes de l'espace francophone de mieux connaître la diversité et la richesse, d'être davantage informés des opportunités qu'offre la francophonie et donc de mieux y participer.

Nous décidons la création d'un programme de soutien à la mobilité des jeunes francophones, sous les auspices de l'Agence intergouvernementale de la francophonie et auquel la CONFEJES sera associée. Ce programme de mobilité valorisera et renforcera les programmes existants dans ce domaine. Sans se superposer aux actions en cours, il permettra d'élargir l'offre francophone en matière de mobilité des jeunes.

4. Nouvelles technologies de l'information et de la communication

Nous encourageons l'accès des jeunes aux nouvelles technologies, sans lesquelles ils ne pourraient faire face aux défis du prochain millénaire. Nous devons faciliter la maîtrise de ces technologies, l'échange d'expertise et leur utilisation dans le plus grand nombre d'applications possibles, au niveau scolaire, mais aussi comme outil de concertation, instrument de travail, d'échanges et de coopération.

À cette fin, nous nous efforcerons de mieux promouvoir le fonds des inforoutes auprès des jeunes francophones et, par conséquent de le leur rendre plus accessible. Nous consacrerons une partie du fonds des inforoutes aux initiatives et aux projets présentés par et pour des jeunes.

III.- RÉNOVER LES INSTRUMENTS ET LES MÉTHODES

Nous invitons les instances et les opérateurs de la francophonie à s'engager résolument dans un processus nécessaire de rénovation de leur mode de fonctionnement, qui donne toute son efficacité au cadre institutionnel approuvé à Hanoi.

Nous saluons ainsi la démarche modernisatrice engagée par l'Agence intergouvernementale de la francophonie, qui constitue la première étape de ce processus. Nous demandons aux instances et aux opérateurs de la francophonie de coordonner leurs actions et de rationaliser leurs méthodes de travail en les fondant sur la hiérarchisation de leurs objectifs, la recherche de partenariats, le choix de modes adaptés de coopération et le recours généralisé à l'évaluation des programmes.

1. Hiérarchisation des objectifs

La francophonie doit concentrer son action sur des secteurs prioritaires, en leur affectant les moyens financiers et humains adéquats provenant de l'ensemble des opérateurs francophones, ainsi que les concours externes qui pourraient être fournis. Ces secteurs sont ceux où la francophonie dispose d'un avantage comparatif déterminant par rapport aux autres systèmes de coopération et peut mettre en _uvre des programmes atteignant une masse critique suffisante.

À cet égard, nous demandons qu'il soit systématiquement tenu compte des programmes de coopération bi- et multilatérale existants dans l'élaboration des actions envisagées.

2. Recherche de partenariats

La capacité d'attraction de la francophonie, à travers ses programmes, sera renforcée par le resserrement de ses liens avec les coopérations bilatérales, les organisations internationales compétentes, les collectivités territoriales, les ONG, les associations, les syndicats et les entreprises privées.

Nous demandons que chaque opérateur élabore un plan spécifique de recherche de partenariats.

3. Choix des modes de coopération

Nous avons identifié quatre modes de coopération auxquels les instances et les opérateurs francophones devront se référer afin d'adapter leurs actions.

3.1. L'information réciproque et volontaire par laquelle les États et Gouvernements francophones éclairent les choix qui président à la définition de leurs politiques nationales ; elle justifie la constitution de banques de données susceptibles de fournir des éléments de référence et de comparaison.

3.2. La concertation entre États et Gouvernements francophones, pour harmoniser les politiques nationales et rechercher des positions communes dans les secteurs où la programmation ne saurait à elle seule, fournir une réponse adaptée.

Cette concertation, technique ou politique, pourra s'appuyer sur l'organisation de symposiums et de conférences thématiques, comme ce fut le cas à Bamako et à Monaco, ou prendre la forme de rencontres préalables ou d'échanges de vue avant et pendant les grandes négociations internationales, ainsi que l'ont démontré la préparation du sommet de Rio en 1992 et les discussions autour de la Convention instituant la Cour pénale internationale.

3.3. La mobilisation de ressources financières externes, grâce à laquelle la francophonie renforcera ses programmes ou appuiera ses membres dans la définition de projets susceptibles de recevoir un financement des grands bailleurs de fonds internationaux

3.4. La programmation, réservée aux domaines où la francophonie dispose d'une véritable valeur ajoutée, doit être servie par une maîtrise des coûts et des mécanismes décisionnels transparents et efficaces. Elle doit également respecter des critères de régionalisation, de multilatéralité et de synergie.

Le rôle des États et des Gouvernements doit être renforcé au sein des instances, particulièrement dans les Commissions du Conseil permanent qui devront faire l'objet d'une réflexion approfondie, tout comme les Comités de programme. Les efforts de réduction des dépenses de fonctionnement des opérateurs doivent être poursuivis au profit des dépenses actives de programmation.

La programmation devra recourir, chaque fois que cela est possible, à des instruments comme le fonds francophone des inforoutes qui démontre son efficacité, tant pour la gestion que pour la mobilisation de ressources financières. Enfin elle doit être inscrite dans un cadre temporel précis.

4. Évaluation des opérateurs et des programmes

Au terme de l'évaluation de l'Agence universitaire de la francophonie, nous souhaitons que ce processus soit étendu à l'ensemble des opérateurs et des programmes de la francophonie. Parallèlement, nous demandons qu'à cette fin les ressources nécessaires figurent dans les budgets de chaque nouveau programme et que les opérateurs procèdent à l'examen critique des programmes existants dont ils assurent la gestion.

Nous appuyons le secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie dans la mise en _uvre de l'évaluation externe des opérateurs bénéficiant de financements du fonds multilatéral unique. Nous invitons ces derniers à s'engager résolument dans un processus permanent destiné à renforcer la coopération multilatérale francophone. Les échanges ainsi engagés contribueront à améliorer les performances des opérateurs dans les domaines de leur compétence et, notamment, à préciser l'adéquation entre les objectifs qui leur sont assignés, leurs capacités opérationnelles et les moyens financiers qui leur sont alloués.

Ce plan constitue, pour le prochain biennum, le cadre de la coopération multilatérale francophone. Nous demandons au secrétaire général, responsable de l'animation de cette coopération, de veiller à des programmes et actions de la francophonie.

Aujourd'hui, l'Organisation internationale de la francophonie (12) compte 51 États et Gouvernements membres et 4 États observateurs. Les États membres sont les suivants : Albanie, Belgique, Bénin, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Canada, Canada-Nouveau-Brunswick, Canada-Québec, Cap-Vert, Centrafrique, Communauté française de Belgique, Comores, Congo-Brazzaville, Côte-d'Ivoire, Djibouti, Dominique, Égypte, France, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée-Équatoriale, Haïti, Laos, Liban, Luxembourg, Macédoine, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Moldavie, Monaco, Niger, République démocratique du Congo, Roumanie, Rwanda, Sainte-Lucie, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Seychelles, Suisse, Tchad, Togo, Tunisie, Vanuatu, Vietnam. Les États observateurs sont la Lituanie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie.

b) L'Agence de la francophonie

L'Agence intergouvernementale de la francophonie, opérateur principal de l'Organisation internationale de la francophonie, a été créée par la convention de Niamey (Niger) le 20 mars 1970 sous l'impulsion de trois chefs d'État africains : Léopold Sédar-Senghor du Sénégal, Habib Bourguiba de Tunisie et Hamani Diori du Niger. Depuis 1970, l'Agence était au centre de la francophonie multilatérale, grâce à son statut d'organisation intergouvernementale. Le bouleversement des institutions de la francophonie date de 1986 avec le premier sommet des chefs d'État. Depuis ce sommet, le politique est pris en charge par le sommet des chefs d'État et ses instances.

Désormais, l'Agence sera une agence de coopération. Il faudra longtemps pour que cette modification soit prise en considération. Au sommet de Maurice, est mis en place un comité de réflexion qui doit faire la réforme de la francophonie. La réforme est adoptée à Cotonou et affinée et concrétisée à Hanoi.

L'Agence regroupe aujourd'hui quarante-neuf États et Gouvernements (13) qui, unis par les liens que crée le partage de la langue française, souhaitent, par des actions de coopération multilatérale, utiliser ces liens au service de la paix, du dialogue des cultures et du développement. L'Agence de la francophonie est l'unique opérateur intergouvernemental de l'Organisation internationale de la francophonie. L'Agence, dont le siège se trouve à Paris, dispose de trois bureaux régionaux situés à Lomé, Libreville et Hanoi. Elle dispose également de deux organes subsidiaires : l'Institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation basé à Bordeaux et l'Institut de l'énergie et de l'environnement basé à Québec. Chaque pays membre désigne un correspondant national, interlocuteur privilégié de l'Agence.

L'Agence de la francophonie, qui a su réformer ses structures en 1997 (14), peut présenter à son actif des opérations importantes : développement des centres de lecture et d'animation culturelle en Afrique rurale, appui à d'importants festivals et marchés des arts, soutien matériel et formation au fonctionnement de la justice et des parlements africains.

Son budget s'élève à 350 millions de francs par an. Il a trois sources. Il est financé pour moitié par les cotisations statutaires calculées par rapport au PNB et à la population de chaque pays. La France assure 40 % du total, suivie par le Canada, la communauté française de Belgique, la Suisse et le Québec, avec un taux de recouvrement des cotisations de 95 % en 1999. L'autre moitié du budget est financée par les cotisations volontaires divisées elles-mêmes partagées en deux, les cotisations libres d'emploi et les cotisations attachées à un programme particulier. Les effectifs de l'Agence atteignent 200 personnes, y compris celles qui sont mises à la disposition du secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie.

c) L'Agence universitaire de la francophonie

L'Agence universitaire de la francophonie est la première des institutions de la francophonie à avoir fait l'objet d'une évaluation en profondeur, prélude à sa réforme et à son recentrage sur ses missions essentielles (15). Elle représente une pièce essentielle dans la diffusion de la francophonie, dès lors que l'éducation constitue l'instrument fondamental de constitution d'un espace francophone solide.

Cette organisation est née de l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF-UREF), fondée à Montréal en 1961 en vue de développer les échanges et la solidarité entre les universités de langue française. D'une quarantaine de membres en 1961, l'Agence universitaire est passée, en 2000, à 403 membres, répartis dans les pays appartenant à l'Organisation internationale de la francophonie. À ces membres, il convient d'ajouter les 353 départements d'études françaises d'établissements universitaires du monde entier.

D'abord association de recteurs et de présidents d'université, disposant des moyens financiers modestes, l'Agence a considérablement développé son activité et accru le nombre de ses adhérents, lorsqu'elle a acquis en 1989, au deuxième sommet de la francophonie à Dakar, le statut d'opérateur direct de l'Organisation internationale de la francophonie, statut confirmé dans la Charte de la francophonie adoptée à Hanoi, en novembre 1997. L'existence de l'Agence, dont cinquante-deux pays sont membres, repose sur l'idée suivante : le français, dans le combat du plurilinguisme, offre la vertu d'être présent dans tous les coins du monde ; il n'a pas de vocation à cesser d'être une langue scientifique ; or, les temps politiques ne sont pas favorables à cette persistance et ne pas abandonner sa vocation à être une langue d'invention et de recherche nécessite d'engager la lutte.

L'Agence, dont le siège est établi à Montréal depuis sa fondation, est régie par une loi du Québec. Elle dispose de services centraux à Paris et de treize bureaux régionaux. Elle réunit régulièrement son assemblée générale qui élit un conseil d'administration, qui délègue certains de ses pouvoirs à un bureau pour la gestion courante. Un conseil scientifique propose les orientations scientifiques des problèmes et évalue leurs résultats. Le recteur est le responsable exécutif de l'Agence.

À la demande des participants du dernier sommet à Moncton, en septembre 1999, les statuts de l'Agence font l'objet d'une refonte, afin d'assurer notamment une représentation des États de la francophonie dans la proportion de leur engagement réel dans l'Agence.

La contribution particulière que l'Agence apporte aux établissements universitaires est fondée sur la demande des établissements eux-mêmes et leur engagement concret à participer, dans le cadre d'un partenariat étroit à la réalisation des programmes (16). Cette action porte sur l'appui à la mobilité des étudiants, des chercheurs et professeurs, la formation supérieure « professionnalisante » en français, la formation à la recherche, la formation et l'accès à l'information scientifique et l'aide à l'appropriation des nouvelles technologies de l'information. L'Agence a pu ainsi participer à la relance de la recherche au Sud et de la science en français.

Elle s'appuie pour ce faire sur un système de bourses, sur la création de filières francophones, sur quatre Instituts de la francophonie (17), sur des classes bilingues et sur des centres régionaux d'excellence, sur la mise en place de campus numériques francophones.

En outre, elle a créé trois observatoires régionaux qui travaillent sur plus de quinze pays. Dans chaque pays, l'Agence a conclu des ententes avec des départements de français, qui ont permis d'identifier un ou plusieurs correspondants, et des professeurs pour assurer leur encadrement scientifique. Les correspondants sont chargés de collecter les informations concernant l'évolution de la situation du français dans le pays ou la région. Il est envisagé de prendre en compte à la fois les variables politiques (officialité du français dans les textes normatifs), les variables éducatives et culturelles (place du français dans l'enseignement et dans la vie pratique et culturelle d'une région) et les variables économiques (volumes des importations et des exportations vers les pays francophones).

L'Agence emploie environ 380 personnes, dont de nombreux contractuels de droit local. 50 personnes travaillent à Paris, 30 à Montréal. Selon le rapport annuel de l'Agence pour l'exercice 1999, le montant global des ressources de l'organisme s'est élevé à 200,6 millions de francs, incluant environ 3 millions de subventions canadiennes et québécoises pour immobilisations. Le budget, voté par biennum par les chefs d'État des cinquante-deux pays membres de l'Agence, est structuré en trois fonds distincts : le fonds Université des réseaux d'expression francophone (UREF), le Fonds international de coopération universitaire (FICU) et le fonds de fonctionnement. Le Fonds UREF se monte à 174,2 millions de francs, financés à hauteur de 86 % par la France. Le FICU s'élève à 11,2 millions de francs, financés par la France à 70 %. Enfin, le fonds de fonctionnement se monte à 15,3 millions de francs, dont 61 % proviennent de contributions françaises. Au total, la France a financé 83,2 % des budgets de programmes et de fonctionnement de l'Agence en 1999.

Avec la nomination d'un nouveau recteur, la politique de l'Agence a été redéfinie sur la base de trois principes : l'action multilatérale ne peut pas se substituer aux actions des pays du Sud et aux efforts des États ; le budget multilatéral ne doit pas entrer en concurrence avec les budgets bilatéraux, mais les deux composantes doivent entrer en complémentarité ; enfin, même des pays pauvres ont la possibilité de payer les salaires de base de chercheurs et de professeurs qui s'engagent à développer des actions en français.

En vertu du deuxième principe, l'Agence a cessé de développer sans modération les classes bilingues dans l'enseignement secondaire, notamment en Moldavie, au Vietnam, en Haïti, au Cambodge et au Laos, pays où il existait, notamment, des lycées français. Des licenciements étaient prévus. Une concertation s'est alors mise en place entre l'Agence intergouvernementale de la francophonie, les ministères français des affaires étrangères et de l'éducation nationale et les postes diplomatiques concernés.

En vertu du principe de responsabilité des États du Sud, l'Agence peut apporter un supplément de salaires, mais le salaire de base reste de la responsabilité de l'État. Du Vietnam au Gabon, en passant par Haïti, aucun État contacté à ce jour n'a refusé ce partenariat et cette part de responsabilité. Les ambassadeurs vont ainsi intégrer leurs classes à celles de l'Agence universitaire, sur la base d'un contrat entre la France et l'institution multilatérale.

Pour accompagner ces réorientations, une déconcentration du pouvoir de décision a été mise en place, afin de donner aux directeurs régionaux, mieux à même d'apprécier les conditions locales d'action, les moyens d'assurer la meilleure adéquation entre la politique de l'agence et les situations particulières. Des directeurs régionaux sont en poste à Paris, à Montréal, à Haïti, à Dakar, à Yaoundé, à Bujumbura, pour l'Océan indien, à Beyrouth, à Bucarest et à Hanoi.

L'exemple de réorganisation de l'Agence, dans son administration et dans sa politique, tend à démontrer qu'une institution francophone multilatérale peut trouver sa place dans le concert des coopérations entre pays francophones, sans se substituer aux États, ni entrer en concurrence avec les actions bilatérales, concurrence qui a pu être à la source de conflits stériles, voire fatale à l'idée de francophonie.

d) TV5

L'opérateur télévisuel a permis l'extension progressive à cinq continents de son réseau francophone. Son statut est réellement international par sa diffusion, son statut, la participation de cinq Gouvernements et dix chaînes à sa gestion, son financement et ses programmes.

Le 2 janvier 1984, les trois chaînes publiques françaises s'associent à la Radio-Télévision belge de la communauté française et à la Société suisse de radiodiffusion et de télévision pour créer une chaîne francophone par satellite. TV5-Québec Canada a été créée en 1988.

Aujourd'hui, la chaîne est organisée autour de deux pôles. Le premier situé à Paris produit une version France-Belgique-Suisse, une version asiatique et une version africaine, ainsi qu'une version pour le monde arabe, depuis octobre 1999. À Montréal, le deuxième pôle, on fabrique deux versions : l'une pour le Québec et le Canada ; l'autre pour le reste de l'Amérique. Les deux grilles sont totalement différentes. À Paris, la grille a été réorganisée avec un rendez-vous journalistique à heure ronde, l'introduction fiction, et du sport, ce que la grille fabriquée à Québec n'offre pas. 600 millions de personnes peuvent potentiellement recevoir TV5. Si l'on additionne câble, satellites analogiques et numériques, 7 millions de foyers, soit le tiers des téléspectateurs français, reçoivent la chaîne francophone. Nombreux sont ceux qui regardent la seconde retransmission du journal de France 2 en décalé. Il reste que la télévision francophone ne doit pas avoir pour objet d'offrir en France une seconde chance de regarder le journal télévisé.

Pour certains, on ne peut prendre prétexte des lacunes de TV5 pour détruire le seul instrument multilatéral francophonie, seul canal dans lequel on voit la francophonie dans toutes ses formes. Le seul moyen d'entendre pour le moment le monde en français, c'est TV5. Il faut changer de style. Il ne faut pas briser le seul lien qui unit les francophones du monde entier. Il reste que, pour d'autres, « la francophonie s'est enfoncée dans la télécratie ». Et si l'instrument ne parvient pas à évoluer, on pourrait créer une chaîne française internationale. Il apparaît ainsi aberrant qu'au Liban, les francophones ne puissent recevoir France 2 ou France 3, alors qu'ils bénéficient de plusieurs chaînes polonaises, espagnoles ou allemandes. Il est également dommage qu'on ne puisse avoir de sous-titres en arabe.

e) Les autres opérateurs

Les autres opérateurs de la francophonie multilatérale sont l'université Senghor d'Alexandrie, créée en 1989 pour offrir une formation de perfectionnement aux jeunes cadres supérieurs dans les domaines de l'administration, de la gestion de l'environnement, de la nutrition et de la santé, et de la gestion du patrimoine culturel, et l'Association des maires et responsables de capitales et métropoles partiellement ou entièrement francophones (AIMF), créée en 1979. Le Forum francophone des affaires (FFA) est également associé aux travaux des sommets francophones.

2.- Le dispositif institutionnel français

Sans même se référer au fonctionnement de l'action extérieure en période de cohabitation, en matière de francophonie, la première impression que l'on peut avoir face au traitement de cette question par l'appareil administratif pourrait être celle présentée récemment par M. Samy Cohen d'un « État, qui n'est pas une entité homogène, mais un assemblage assez hétéroclite d'acteurs dotés d'une vision propre des intérêts de la France, d'individus aux sensibilités différentes, et s'estimant chacun détenteur des meilleures solutions à apporter aux défis quotidiens auxquels la diplomatie française est confrontée » (18).

Le dispositif institutionnel français est composé de trois niveaux :

· le Haut Conseil de la francophonie, placé auprès du Président de la République ;

· le Conseil supérieur de la langue française, placé auprès du Premier ministre ;

· et les ministères, avec, d'un côté, le ministère des affaires étrangères (service des affaires francophones pour le multilatéral, direction générale de la coopération internationale et du développement pour le bilatéral), et, de l'autre côté, le ministère de la culture et de la communication (délégation générale à la langue française). Outre ces services juridiquement chargés de la francophonie, il convient de relever que de nombreux autres ministères concourent à la francophonie (exemple : délégation aux relations internationales et à la coopération du ministère de l'éducation nationale).

a) Le Haut Conseil de la francophonie

Les autorités chargées de la politique francophone disposent du Haut Conseil de la francophonie, organe de proposition et de prospective, institué en 1984 en remplacement du Haut Conseil de la langue française et présidé par le Président de la République française qui en nomme les membres et le secrétaire général. Il s'agit d'une institution française originale, puisqu'elle est composée d'une trentaine de membres qui sont en majorité des non-Français.

Cet organisme fait appel à des consultants extérieurs pour établir des inventaires, des statistiques, des diagnostics ou des études techniques. Cela lui est indispensable pour préparer ses sessions, pour le dépouillement des réponses à l'enquête annuelle adressée aux postes diplomatiques français et pour l'élaboration du rapport annuel sur l'état de la francophonie dans le monde. Il organise également des colloques (19). Comme le relève parfaitement le secrétaire général de cet organisme, M. Stélio Farandjis, « au fil des ans, le Haut Conseil de la francophonie est devenu un organisme d'expertise et de conseil incontournable pour tous ceux qui, au niveau public ou privé, prennent des initiatives et lancent des entreprises nouvelles ; pour les professeurs et les élèves mais aussi pour les chercheurs étrangers, le Haut Conseil de la francophonie est devenu un centre de documentation particulièrement consulté ».

Tête d'un réseau d'amitiés et de relations francophones, le Haut Conseil, compte tenu de la faiblesse de ses moyens, ne peut que s'en tenir à animer ce réseau, sans réellement pouvoir faire appel à des opérateurs. Votre Rapporteur spécial insiste, une nouvelle fois, sur la nécessité de prévoir un budget convenable. Il n'est pas satisfaisant que le Haut Conseil, pour faire face aux missions qui sont les siennes, fasse appel, chaque année, à des crédits d'origine parlementaire.

b) Le Conseil supérieur de la langue française

Le Conseil supérieur de la langue française, placé auprès du Premier ministre, est l'héritier direct ou indirect du Haut Comité pour la défense et l'expansion de la langue française, créé le 29 juin 1966, devenu Haut Comité de la langue française en février 1973, du Secrétariat permanent du langage, placé auprès de l'ex-Office de radio et de télévision française, du Comité consultatif pour la francophonie et du Commissariat général de la langue française créés le 9 février 1984 en remplacement du Haut Comité.

En vertu du décret n° 89-403 du 2 juin 1989, le Conseil supérieur de la langue française a pour mission d'étudier, dans le cadre des grandes orientations définies par le Président de la République et le Gouvernement, les questions relatives à l'usage, à l'aménagement, à l'enrichissement, à la promotion et à la diffusion de la langue française en France et hors de France et à la politique à l'égard des langues étrangères. Il fait des propositions, recommande des formes d'action et donne son avis sur les questions dont il est saisi par le Premier ministre ou par les ministres chargés de l'éducation nationale et de la francophonie. Il entend les rapports du délégué général à la langue française.

Les ministres de la culture, de l'éducation nationale et de la francophonie, les secrétaires perpétuels de l'Académie française et de l'Académie des sciences, ainsi que le président de la commission générale de terminologie et de néologie sont membres de droit du conseil qui comprend, en outre, vingt-deux personnalités.

c) Les structures ministérielles

· Le ministère des affaires étrangères

Relevant de la compétence principale du ministère des affaires étrangères, la francophonie trouva une place particulière en avril 1986 avec la création d'un secrétariat d'État spécifique à la francophonie et en août 1988 d'un ministère délégué, avant que cette structure ne soit fusionnée avec le ministère de la culture sous le Gouvernement dirigé par M. Édouard Balladur en 1993 et ne retrouve sa place au sein des affaires étrangères en 1997.

Le ministère des affaires étrangères, qui a, depuis 1999, fusionné avec le ministère de la coopération, assure toujours l'essentiel de la défense de la francophonie. L'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères, remplacée en 1999 par la direction générale de la coopération internationale et du développement, a, notamment, pour mission de mettre en _uvre l'action culturelle de la France. Elle a concentré une partie de son action en faveur de la francophonie sur l'enseignement du français, la présence du français dans les organisations internationales et dans les nouveaux moyens de communication. Au sein de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement, a été créée une direction de la coopération culturelle et du français chargée, au plan bilatéral, à la fois de la promotion de la langue française et de la diffusion de la culture française. Au sein de cette direction, on notera que la sous-direction du français emploie 28 personnes. La coopération universitaire occupe également une place importante (cf. infra « La francophonie en actions »). La réforme de la coopération a eu pour effet de prendre en compte une zone de solidarité prioritaire bénéficiant de moyens financiers accrus, d'élargir la compétence du Comité d'orientation, de coordination et de projets (COCOP) à l'ensemble des champs de coopération avec les pays de l'Est et des Balkans. En revanche, on peut s'interroger sur la séparation en deux services distincts des coopérations éducative et linguistique.

Le service des affaires francophones, placé sous l'autorité du ministre des affaires étrangères et du ministre délégué à la francophonie, a pour mission essentielle de contribuer à l'élaboration et à la mise en _uvre de la politique française de coopération, d'assurer la préparation et le suivi des différentes instances politiques de la francophonie, ainsi que la coordination avec l'ensemble des services officiels de la langue française. Sa mission s'exerce, à titre principal, à l'égard des institutions multilatérales.

· Le ministère de la culture et de la communication

Le ministère de la culture, exerce par délégation du Premier ministre, les attributions relatives à l'emploi et à l'enrichissement de la langue française, dans le domaine de l'enseignement, de la communication, des sciences et des techniques. La délégation générale à la langue française, créée par le décret n° 89-403 du 2 juin 1989, est placée sous l'autorité du ministre de la culture ; elle publie en particulier un rapport annuel sur l'application des dispositions des conventions et traités internationaux relatives au statut de la langue française dans les institutions internationales. Elle disposait pour 2000 de 2,4 millions de francs de crédits de fonctionnement et de 12,6 millions de francs de crédits d'intervention.

En tant que ministère de tutelle de l'Association française d'action artistique, il participe également de la politique culturelle extérieure. Se pose alors un problème de coordination avec le ministère des affaires étrangères. En mars 2000, plusieurs réunions entre les différents acteurs ont permis de dresser un état des lieux des actions menées par la direction générale de la coopération internationale et du développement du Quai d'Orsay avec les différentes directions sectorielles de la rue de Valois. A été décidé, de manière particulièrement opportune selon votre Rapporteur spécial, d'organiser, au moins une fois par an, une réunion de cadrage stratégique pour effectuer un échange d'informations sur les programmes relatifs à l'ensemble des disciplines artistiques. Il a également été décidé de mettre en _uvre une politique d'évaluation des opérations communes menées avec l'AFAA et le réseau culturel français à l'étranger. Il peut paraître étonnant que ce type d'initiatives n'ait pas été plus fréquent par le passé. L'absence de coordination nuit en effet gravement à la définition d'une politique francophone bien identifiée.

· Le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie

Le ministère de l'éducation fournit l'essentiel du personnel de coopération éducative et linguistique. Il assure la tutelle des grands établissements de recherche à l'étranger, tels que l'Académie de France à Rome ou l'École française d'Athènes. Par le biais de la direction de l'enseignement scolaire, il exerce conjointement avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger une fonction de sélection des personnels envoyés à l'étranger. Il exerce également, avec le ministère des affaires étrangères, une cotutelle sur l'agence ÉduFrance.

La création d'une délégation aux relations internationales et à la coopération (DRIC) a créé un mouvement vers l'international, qui s'est traduit notamment par la mise en place, dans chaque académie, d'un délégué académique aux relations internationales et à la coopération (DARIC), chargé d'animer le réseau international des établissements scolaires et universitaires. On voit là le risque qui peut apparaître de voir le ministère de l'éducation développer une politique parallèle à celle menée par le ministère des affaires étrangères, surtout lorsque l'on sait que ce dernier a pu impulser la mise en place de sous-commissions mixtes à l'éducation dans certains pays, sans que le ministère des affaires étrangères en soit informé. La DRIC est, par ailleurs, chargée de mettre en place les compétences nécessaires pour permettre aux centres de formation et aux centres universitaires de se placer sur les appels d'offres internationaux (20).

Au total le ministère de l'éducation nationale participe à hauteur de 23 millions de francs à la francophonie, principalement par l'intermédiaire d'une contribution à l'Agence universitaire de la francophonie (16 millions de francs), à l'AIMF (3 millions de francs), à l'Agence de la francophonie (2 millions de francs) et au fonds francophone des inforoutes (21) (2 millions de francs).

· Les autres ministères

À titre secondaire, le ministère de la justice joue un rôle dans la francophonie en matière, notamment, d'enseignement du droit et de mise en place de formation de magistrats. Ceci est valable pour tous les ministères techniques dans leur domaine d'intervention.

3.- Le réseau

La création des instituts et centres culturels, principaux vecteurs de la diffusion de la francophonie avec les établissements d'enseignement français, a été inspirée par le souci de l'État de fonder à l'étranger des établissements destinés à la formation de savants ou artistes français. Ainsi, dans un premier temps, furent créées l'Académie de France à Rome en 1666, l'École française d'Athènes en 1864, l'École française de Rome en 1874, et de l'Institut français d'archéologie orientale du Caire en 1880. L'Institut français de Florence fut créé en 1908, l'Institut français de Londres en 1910, la Maison franco-japonaise en 1924, l'Institut français de Lisbonne en 1928, la Maison Descartes d'Amsterdam en 1933, l'Institut français d'archéologie d'Istanbul en 1930 et l'Institut français de Stockholm en 1937. Ces premiers instituts étaient chargés de mener en action culturelle active, en organisant pour les étudiants étrangers des conférences et des cours, notamment de littérature et de civilisation française. Après la Libération, de nouveaux instituts furent mis en place au Moyen-Orient, en Europe et en Amérique Latine. On peut citer l'Institut français d'études sur l'Asie centrale (IFEAC) de Tachkent, l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) de Tunis et de Rabat, le Centre français d'études yéménites de Sanaa, le Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC) et l'Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO) de Beyrouth, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), le Centre d'études et de documentation économique, juridique et sociale (CEDEJ) du Caire, ou encore l'Institut français de recherche en Iran de Téhéran.

Si la première génération de grands instituts constitue un ensemble de grands établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale (22), la seconde génération relève directement du ministère des affaires étrangères. Ces instituts ont pour vocation privilégiée d'organiser des manifestations dans tous les domaines de la vie culturelle : conférences, colloques et séminaires, expositions artistiques et documentaires, présentation de livres, manifestations théâtrales et chorégraphiques, concerts, programmes télévisés, projections de film, etc. Ils sont dans la plupart des cas de simples prolongements administratifs des ambassades, même si nombre d'entre eux - les plus importants - ont, depuis le décret n° 76-832 du 24 août 1976, acquis l'autonomie financière, à l'exemple de certains lycées.

En 1960, il existait 44 instituts culturels et 92 centres culturels. En 1968, leur nombre respectif a été porté à 59 et 192. Aujourd'hui, la « diplomatie culturelle », proprement dite, dispose d'un réseau de 151 établissements dotés de l'autonomie financière, dont 145 centres culturels et 6 établissements à vocation scientifique et universitaire, auxquels il convient d'ajouter 68 annexes et 4 établissements franco-étrangers. On pourrait y ajouter également 27 centres de recherche qui dépendent directement du ministère des affaires étrangères.

Si les instituts culturels sont relativement anciens, les postes de conseillers et attachés culturels (23) sont de création récente, puisqu'ils furent mis en place après la seconde guerre mondiale dans la droite ligne de la création de la direction des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères.

Ils cumulent souvent leurs fonctions à l'ambassade avec la direction de l'institut local lorsqu'un tel établissement existe dans la capitale du pays d'accueil. Leur mission est triple :

· diplomatique avec la protection des établissements et de leur personnel, la conduite des négociations relatives à la place du français dans l'enseignement local, l'insertion de professeurs français dans les établissements locaux, le choix des boursiers du Gouvernement français, et la préparation des commissions mixtes ;

· d'animation par le biais de l'accueil des conférenciers, des expositions, des tournées théâtrales, de l'envoi de livres et de films ;

· et enfin, administrative et pédagogique, en tant que chefs de la mission universitaire dans le pays de résidence.

Dans le cadre de la mise en place de la réforme du ministère des affaires étrangères, les établissements culturels relevant du ministère délégué à la coopération ont été rattachés à la direction générale de la coopération internationale et du développement le 1er janvier 1999. L'arrêté du 20 avril 1999 a arrêté la liste des établissements culturels et précisé les compétences et les champs d'intervention de ces établissements. Ils sont désormais regroupés sous l'appellation d'établissements à vocation pluridisciplinaire, chargés au cas par cas et sous l'autorité de l'ambassadeur de la mise en _uvre des actions de diffusion et de coopération approuvées par le ministère des affaires étrangères dans les domaines culturels et artistiques, linguistiques et de promotion du français, scientifiques et universitaires, de développement et de coopération technique, audiovisuels et des techniques de communication.

Par ailleurs, la direction de la coopération culturelle et du français, au travers du bureau des établissements culturels et des alliances françaises créé au sein de la sous-direction de la coopération culturelle et artistique, est devenue l'interlocuteur principal de ces établissements. Des progrès ont été réalisés en matière de gestion, puisque des modalités de suivi garantissant aux autonomies financières la souplesse indispensable mais exigeant en retour une transparence ont été mises en place. Par ailleurs, a été fixé un objectif d'autofinancement des cours de français.

Mais la réforme comptable, qui fera de l'ambassadeur l'ordonnateur secondaire des dépenses de la France dans un pays étranger, va nécessiter un recentrage de l'autonomie financière de ces établissements à vocation pluridisciplinaire, qualifiés de centres culturels et de coopération (CCC), sur l'activité linguistique et culturelle. Ainsi, le modèle des services de coopération et d'action culturelle, mis en place avec la réforme de la coopération, va devenir le modèle unique, au sein duquel pourront demeurer des instituts ou centres culturels, dotés d'une autonomie financière limitée.

La multiplicité des attitudes face à la francophonie relevées par votre Rapporteur spécial chez ceux qui doivent la défendre, que ce soit au sein des ministères ou au sein du réseau, laisse penser qu'aucune vision claire de ce concept n'est transmise par la France. Il faut ainsi regretter que la formation des hauts fonctionnaires, qui seront appelés à défendre les positions francophones, n'aborde pas le sujet, tandis qu'aucune consigne ne définit de manière explicite ce que doit recouvrir la francophonie, qui tend alors à devenir synonyme de cacophonie.

4.- Les autres acteurs de la francophonie

Au-delà de ces organismes institutionnels et des organismes nationaux étrangers (exemple du Centre de promotion internationale canadien) existe une myriade d'institutions et associations qui militent et _uvrent pour la francophonie, à titre principal ou secondaire (Agence pour l'enseignement français à l'étranger, Association française d'action artistique, Union latine, établissements privés d'enseignement français à l'étranger, etc.). La liste pourrait apparaître hétéroclite. Pourtant, chacun de ces organismes, malgré leur diversité de statuts et de missions, lorsqu'on les interroge, se sent participer de l'action francophone. La direction de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères elle-même estime que chacune de ces opérations participe à la promotion de la francophonie.

Il faut également citer le Groupe d'études sur la francophonie et la culture française dans le monde à l'Assemblée nationale, présidé par notre collègue Bruno Bourg-Broc et qui a réalisé un travail important d'auditions, dont le compte rendu est publié, pour partie, en annexe du présent rapport.

a) L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger

Créée en janvier 1991, sous forme d'établissement public, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est au centre du dispositif français d'enseignement à l'étranger, même s'il convient de signaler que des organismes tels que le Centre national d'enseignement à distance (CNED), dépendant du ministère de l'éducation nationale, interviennent également. Si elle n'intervient pas directement dans la diffusion de la langue française à l'étranger, qui reste l'apanage du ministère des affaires étrangères, son influence apparaît comme essentielle dans la diffusion de la francophonie.

La mission de l'AEFE est double : contribuer au renforcement des relations de coopération avec les systèmes éducatifs français et étrangers, au bénéfice des élèves français et étrangers, contribuer, notamment par l'accueil d'élèves étrangers, au rayonnement de la langue et de la culture françaises.

Conformément au projet pédagogique et éducatif pour l'enseignement français à l'étranger, établi par l'Agence pour la dernière rentrée (1999-2000), les établissements sont invités à « inscrire leur action dans la coopération linguistique et culturelle mise en _uvre par les services culturels de nos ambassades ». L'affirmation de cette mission est fondamentale, compte tenu du caractère parfois isolé de ces établissements et des différences de culture qui demeurent fortes entre les enseignants des établissements français et les attachés linguistiques des ambassades. Dans la perspective d'une coopération francophone plus cohérente, les établissements d'enseignement français sont appelés à devenir de véritables centres de ressources et de formation en mesure de participer aux actions menées en faveur des professeurs locaux, ainsi qu'aux manifestations culturelles organisées par les postes diplomatiques, de mettre en place des partenariats avec les sections ou établissements bilingues nationaux et de renforcer nos relations avec les systèmes éducatifs nationaux.

Quant à la contribution au rayonnement de la langue et de la culture françaises par l'accueil d'élèves étrangers, il convient de relever que les établissements de l'Agence accueillent, sur ses 158.000 élèves, 46 % de nationaux et 13 % d'étrangers tiers. Les bourses francophones participent de cette action. Elles sont servies à partir d'un fonds de scolarisation des enfants francophones (FASEF), créé en 1986 et financé uniquement par la France, contrairement au engagements initiaux des pays fondateurs, à hauteur de 8 millions de francs. Ces bourses concernent des familles appartenant aux pays en développement de la communauté francophone, membres de l'Agence de la francophonie.

Les moyens mis au service de notre réseau d'enseignement à l'étranger s'avèrent considérables, comme le montre le tableau suivant :

 

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS
À L'ÉTRANGER

(en millions de francs)

 

Loi de finances initiale
1998

Loi de finances initiale
1999

Loi de finances initiale
2000

 

AEFE

1.872,91

1.969,57

1.994,2

OUCFA

7,72

7,72

4

 

AEFE : Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

OUCFA : Office universitaire et culturel français pour l'Algérie.

Source : documents budgétaires.

À la subvention de l'État s'ajoutent les ressources propres de l'AEFE (produits financiers tirés des placements de la trésorerie, contribution des établissements au financement des salaires des résidents). L'effort entrepris en 1998 et en 1999 en faveur des bourses s'est poursuivi en 2000.

L'essentiel des dotations étant consacré aux rémunérations de personnel et aux bourses scolaires, les crédits disponibles pour les dépenses d'investissement s'avèrent relativement faibles et l'AEFE ne peut que très peu subventionner des opérations d'investissement, pourtant souvent nécessaires. Les moyens nouveaux d'investissement dégagés ces dernières années l'ont été sur titre V, hors de la subvention de l'AEFE, et ont été destinés quasi exclusivement aux établissements placés en gestion directe et ont servi, pour l'essentiel, à financer de grosses opérations, telles que celles de Milan, Moscou, Francfort, ou Ankara.

Les établissements conventionnés assurent le principal de leurs opérations de construction et de rénovation, ce qui constitue un facteur décisif d'augmentation des frais de scolarité et en conséquence de progression des besoins en bourses.

Le nombre de professeurs enseignant à l'étranger, employés dans les établissements homologués et non seulement dans les établissements de l'AEFE, apparaît très important, même s'il n'atteint pas les niveaux constatés au sortir de la décolonisation. Ils étaient 12.400 en 1961 et plus de 27.200 en 1968 (dont plus de 9.300 en Algérie). En 1983, le nombre de personnels d'enseignement à l'étranger rémunérés sur les crédits des affaires étrangères s'élève à plus de 3.300. En 1999, on compte, pour les seuls établissements de l'AEFE, 1.833 expatriés et 4.178 résidents, ce qui constitue encore un volume d'emplois très important.

b) L'Association française d'action artistique

L'Association française d'action artistique (AFAA), fondée par des artistes, des diplomates et des mécènes pour faire connaître la création et le patrimoine artistiques français à l'étranger, a été créée en 1922 sous la forme d'une association régie par la loi de 1901 et reconnue d'utilité publique dès 1923. Association à vocation interministérielle, elle a été placée sous la tutelle principale du ministère des affaires étrangères. Elle a traditionnellement été chargée, en collaboration avec les ambassades et établissements culturels à l'étranger, de favoriser à l'étranger la présence d'artistes français de toutes les disciplines artistiques, à l'exception du cinéma et de la littérature. Elle a fait partie, avant sa réforme, de l'ensemble des associations qui relevaient directement, sans grande autonomie réelle, du ministère des affaires étrangères, à l'exemple de l'Association pour la diffusion de la pensée française ou de l'Association nationale du livre français à l'étranger.

À partir du rapprochement engagé en juin 1999, le 1er janvier 2000, son champ d'intervention s'est élargi à l'Afrique avec la fusion de l'AFAA et d'« Afrique en créations », qui dépendait de l'ancien ministère de la coopération. Le 18 avril 2000, le ministre des affaires étrangères et la ministre de la culture ont présenté les nouvelles missions de l'AFAA.

Dans la réforme de la coopération et du ministère des affaires étrangères, l'AFAA est chargée de faire le lien entre culture et action extérieure, avec une double mission, classique de diffusion, et plus nouvelle, de conseil (« ingénierie culturelle »). Elle sera tournée non seulement vers l'extérieur, mais également vers l'intérieur avec la promotion des cultures étrangères en France.

Pour accompagner cette évolution, une réforme des statuts a été adoptée le 10 janvier 2000, afin, d'une part, d'inscrire dans l'objet de l'association la reprise des missions développées par « Afrique en créations », et d'autre part de réorganiser les instances dirigeantes dans un esprit plus conforme à l'esprit associatif. C'est ainsi que le conseil d'administration a été ramené de quarante à dix-huit membres et que dans sa composition les personnalités de la « société civile » sont en nombre supérieur à celui des représentants de l'État. Cette instance se distingue de l'assemblée générale, composée de soixante-huit membres, dans son rôle comme dans sa composition. Ce statut associatif affirmé constitue pour l'AFAA le cadre d'intervention qui devra lui permettre de servir dans les meilleures conditions d'efficacité les missions dont elle est chargée.

Le budget prévisionnel pour 2000 de l'association est fixé à 131,8 millions de francs, dont 104,9 millions de francs du ministère des affaires étrangères, 6,4 millions de fracs du ministère de la culture, 11,2 millions de francs des collectivités territoriales (24), et 9,4 millions de francs de recettes diverses et partenariats.

Les dépenses s'élèvent à 32,4 millions de francs pour les frais de structures (soit environ 24 % du budget), à 0,7 million de francs pour les investissements et 98,7 millions de francs pour les programmes. Les moyens en personnel atteignent 89 salariés et 9 emplois-jeunes. Le ministère des affaires étrangères a mis 7 agents à disposition de l'association.

c) L'Alliance française

Créée en 1883 et reconnue d'utilité publique dès 1886, l'Alliance française se présente comme une association de droit privé destinée à regrouper dans le monde les amis de la France, de sa langue et de sa culture. _cuménique, républicaine et colonialiste, l'Alliance favorisa l'expansion de la langue française au tournant du siècle, en finançant toutes les écoles, confessionnelles ou non.

Elle agit par le biais de diverses publications, par la création et la subvention de cours à destination des étudiants étrangers en France, par la subvention de toutes écoles et autres établissements étrangers où la langue française est enseignée. Elle peut également subventionner des musées et des expositions, des bibliothèques, l'envoi de conférenciers à l'étranger. Elle fonctionne, en France, par le truchement de comités locaux de propagande, et à l'étranger, par l'intermédiaire de comités d'action.

Les 1.100 comités ou sections formés à l'étranger ont le statut d'associations régies par les lois des pays où elles se trouvent, dotées d'assemblées générales composées en grande majorité d'étrangers. Ces assemblées élisent leur comité de direction et leur président en toute liberté et déterminent elles-mêmes leurs cotisations, leur budget, leurs orientations et leur ligne pédagogique. Pour obtenir le label « Alliance française », un projet de statut doit être soumis à l'examen du conseil de l'Alliance de Paris. L'approbation des statuts s'accompagne d'une inscription au fichier des alliances. Un statut-type a été élaboré pour faciliter la création des alliances à l'étranger.

Il est intéressant de noter que le représentant diplomatique de la France est de droit président d'honneur de l'association, ce qui tend à montrer l'importance des relations entre alliances françaises et les instituts et autres institutions publiques françaises, et ce d'autant plus que l'État finance une partie non négligeable du budget de l'Alliance, par le biais de subvention ou de mises à disposition de personnel. Le ministère des affaires étrangères, sur la base d'une politique de partenariat et de contractualisation, apporte son concours à 219 alliances réparties sur 90 pays. 320 agents y sont détachés (25). Leur rémunération, sur le titre III, peut être estimée à 160 millions de francs par an. S'y ajoutent diverses subventions sur le titre IV et sur le titre VI, pour un total, en 1999, de 60 millions de francs. Les Alliances participent, à part entière, à l'action culturelle extérieure et à la diffusion de la francophonie.

d) La Mission laïque française et les associations congréganistes

La Mission laïque française fut quant à elle fondée en 1902 dans le but de propager l'enseignement laïque par la création et la gestion d'écoles françaises à l'étranger. Cette association de droit privé fut reconnue d'utilité publique en 1907. À la différence de l'Alliance française, elle ne dispose que d'un siège à Paris et ne donne son nom à aucune association étrangère.

L'objectif de la Mission laïque est proche de celle de l'Alliance : la diffusion de la langue et de la culture française à l'étranger par le moyen de l'enseignement laïque. Pour ce faire, elle a créé ses propres établissements, puis a encouragé et subventionné des établissements laïques affiliés. Elle s'est associée, par exemple, au développement des « petites écoles françaises » en leur proposant une assistance technique sur la base de la signature d'une convention.

Elle bénéficie de l'appui financier du ministère des affaires étrangères, qui verse une subvention annuelle au siège de Paris, des subventions directes aux établissements « affiliés » et prend en charge la rémunération d'un certain nombre de professeurs qu'il détache auprès de la Mission laïque.

Il convient également de citer l'action de l'Alliance israélite universelle, créée en 1860, qui possède une quarantaine d'établissements répartis entre Israël, le Liban, l'Iran, la Syrie, mais aussi l'Espagne, la Belgique et le Québec.

Quant aux établissements religieux, ils furent les premiers à répandre l'enseignement de la langue française et pendant longtemps les seuls à assurer la formation des élites des pays en développement. Le ministère des affaires étrangères les aide par le biais de l'envoi de livres, du remboursement de certains voyages de professeurs en France, de bourses accordées aux futurs enseignants congréganistes. Cet enseignement joue encore un rôle particulièrement important dans des pays tels que le Liban avec l'université Saint-Joseph de Beyrouth (voir infra chapitre II, I).

B.- LA FRANCOPHONIE EN ACTIONS

Au-delà des grands principes politiques, l'étude de la francophonie doit porter nécessairement, dans un premier temps, sur le champ classique de la francophonie, à savoir la langue et la culture. Cela implique, notamment, d'étudier le régime juridique de la langue française. Cette action linguistique est relayée par l'action éducative et culturelle. Votre Rapporteur spécial insistera sur les derniers développements de ces actions, en particulier la mise en place d'ÉduFrance et d'actions en faveur des inforoutes francophones. Ces deux exemples permettront de prendre les dimensions les plus novatrices de la diffusion de la francophonie, avec l'enseignement supérieur d'une part, les nouvelles technologies de l'information d'autre part. Enfin, nous insisterons sur l'importance de l'action en faveur d'une diffusion du modèle juridique et du modèle économique francophone.

1.- L'action politique

La francophonie dans l'action politique, notamment dans l'action extérieure, a été réévaluée. Ainsi, la communication du Conseil des ministres en date du 4 février 1998 relatif à la réforme du dispositif français de coopération mentionne précisément la nécessité pour la France d'affirmer sa présence dans les enceintes internationales, notamment au sein de la francophonie, entendue comme organisation politique internationale.

Dans le même mouvement, le « français » est présent en tant que tel au sein de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement.

La défense et la promotion du français dans le monde passent par sa valorisation comme moyen d'accès au savoir, à la culture et à la profession, mais aussi par une défense du plurilinguisme et du pluralisme culturel.

Le premier cercle de la politique de la francophonie est celui des pays de l'Union européenne. Au sein de l'Union, les objectifs sont :

· l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères jusqu'à l'examen de fin d'études secondaires ;

· en corollaire, le développement de l'enseignement précoce d'une langue vivante étrangère, mesure qui devrait renforcer, à terme, celui d'une deuxième langue vivante ;

· le développement systématique d'enseignements bilingues sur le modèle des sections européennes en France ;

· le maintien du français, à égalité avec l'anglais, comme langue de travail de l'Union européenne, compte tenu de l'adhésion de nouveaux pays.

Le second cercle est constitué par les pays d'Europe centrale et orientale appelés à se rapprocher de l'Union européenne. Les principales actions sont :

· le développement de la coopération linguistique avec les deux pays francophones de cette zone, la Bulgarie et la Roumanie ;

· le soutien à l'enseignement du français, notamment dans les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne ;

· la mise en place d'une coopération éducative partenariale.

Le troisième cercle se compose des pays du pourtour méditerranéen et des autres États de la communauté francophone. Au Maghreb et au Liban, les objectifs sont la rénovation de l'enseignement du français et le développement d'un environnement audiovisuel francophone. En Turquie, en Égypte et dans les trois pays de la péninsule indochinoise (Vietnam, Cambodge, Laos), le développement de l'enseignement du français à l'école et à l'université dans un contexte biculturel est privilégié.

2.- L'action linguistique

a) Une tradition de « monoglossie »

Si l'on adopte une longue perspective historique, il faut constater que la langue française s'est rapidement constituée en langue unifiée et le dialecte francien s'est imposé aux territoires au fur et à mesure qu'ils entraient dans le royaume, puis dans la République. L'intérêt de l'État, qu'il soit royal, impérial ou républicain, pour la langue est une constante. Cette action a eu pour conséquence d'imposer le français comme langue unique sur tout le territoire et de lui donner une certaine force.

« La langue française est, de toutes les langues, celle qui exprime avec le plus de facilité, de netteté et de délicatesse, tous les objets de la conversation des honnêtes gens ; et, par là, elle contribue, dans toute l'Europe à l'un des plus grands agréments de la vie. » Ce qu'écrivait Voltaire dans Le siècle de Louis XIV en 1751 reflète une image du français largement dépassée mais qui reste pourtant la base des discours d'encore nombre de responsables. Les Lumières françaises n'éclairaient qu'une faible partie des populations. En effet, dans tous les pays européens, si une partie des savants et des lettrés partageait avec l'aristocratie le culte et la pratique du français, l'assise sociale demeurait étroite.

Si l'on excepte les XIIème et XIIIème siècles, le français a connu à partir du milieu du XVIIème siècle et jusqu'au début du XXème siècle une période faste, même s'il faut rappeler que son usage, hors de France, était dans la très grande majorité le fait des élites. Le tournant, sur la scène internationale et diplomatique se situe sans doute aux lendemains de la première guerre mondiale. Antoine Meillet l'a précisé : « Par une innovation singulière (...), le traité de Versailles a été rédigé en deux langues, le français et l'anglais, les deux textes faisant également foi. » (26)

De cette époque date le recul du français. Ce mouvement a justifié la mise en place de politiques spécifiques de défense de son usage.

b) La défense du français en France

En 1992, est incluse, à l'article 2 de la Constitution de la disposition selon laquelle « la langue de la République est le français » (27) En droit français, la langue dispose d'un statut qui trouve son fondement dans les articles 2 de la Constitution et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il limite le champ possible d'une terminologie officielle obligatoire. Le pouvoir politique ne dispose ainsi sur la langue que d'une autorité réduite et ses initiatives ne sauraient excéder ses compétences.

Il en résulte que la langue ne peut être considérée simplement comme un outil au service de la communication individuelle. Elle s'impose aux pouvoirs publics (28) et offre aux membres du corps social un instrument de formulation de la volonté générale. La langue est d'abord un attribut de la souveraineté et doit donc être protégée en tant que telle. Ce principe constitutionnel trouve aussi sa traduction dans l'existence d'une politique linguistique vigilante, dont le législateur a jeté les bases depuis vingt-cinq ans.

La Constitution légitime donc l'intervention étatique en matière linguistique, mais elle en circonscrit le domaine à la présence et à l'emploi de la langue, à l'exclusion de son vocabulaire. Celui-ci relève, en effet, du principe constitutionnel de la liberté d'expression. La France est ainsi des mieux fournies en organismes d'aide, de protection, voire de contrôle de son idiome. Chaque période de l'histoire a laissé la trace de l'intérêt étatique, par des institutions diverses que l'on a pris soin de conserver en les additionnant.

En 1539, avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le français, langue d'État, remplace les langues régionales dans les actes juridiques. Le décret du 2 thermidor an II (20 juillet 1794), suspendu puis repris en l'an IX, soumet aux rigueurs de la loi ceux qui n'utilisent pas le français. En 1919, le français est imposé comme langue judiciaire en Alsace-Lorraine. En 1966, est créé le Haut Comité de la langue française, placé sous la présidence du Premier ministre et destiné à protéger le français. En 1972, sont installées des commissions de terminologie dans les ministères, chargées de créer les vocabulaires techniques et de franciser les mots étrangers (29).

De manière originale, la France, comme le Québec d'ailleurs, a fondé la défense du français sur un dispositif juridique. Non seulement une série de décrets relatifs à l'enrichissement de la langue française (30) furent ainsi régulièrement publiés, mais des dispositions législatives furent adoptées. La loi du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française visait à « réduire les manifestations les plus choquantes de la dégradation de la langue française et protéger les citoyens de tout dommage essentiel ». Cette loi, qui introduisit pour la première fois la défense de la langue française dans l'appareil législatif, fut renforcée par la suite.

Après plusieurs consultations (Conseil supérieur de la langue française, Délégation générale à la langue française, Haut Conseil de la francophonie) et un grand séminaire sur « la langue et la loi », organisé en décembre 1992, un projet présenté par Mme Catherine Tasca, alors secrétaire d'État chargée de la francophonie, fut adopté par le Conseil des ministres du 17 mars 1993. La majorité changea et le nouveau ministre de la culture et de la francophonie, M. Jacques Toubon, annonçait, le 1er juin 1993, le dépôt d'un nouveau projet de loi. Une circulaire du 12 avril 1994 aux agents publics précédera la loi sur l'emploi de la langue française du 4 août 1994.

La loi impose l'emploi du français, sans exclure la présence d'autres langues, dans un certain nombre de circonstances où son usage est nécessaire pour protéger le citoyen, et contribue ainsi à assurer l'information du consommateur (étiquetage, mode d'emploi, factures, etc.) et la protection du salarié (offres d'emploi, contrats de travail, règlement intérieur, etc.). Son champ d'application s'étend également aux annonces et inscriptions sur les lieux publics, aux émissions et aux publicités audiovisuelles, ainsi qu'aux documents de préparation des colloques organisés sur le territoire national par des personnes françaises.

Elle fixe un certain nombre d'obligations propres aux services publics. Ainsi, lorsque les informations que ceux-ci destinent au public font l'objet de traductions, ces dernières doivent être au moins au nombre de deux, afin de favoriser le plurilinguisme. Outre ces règles, la loi rappelle que le français est la langue de l'enseignement, des examens, concours, thèses et mémoires et fixe comme objectifs fondamentaux de l'enseignement la maîtrise du français et la connaissance de deux autres langues. La délégation générale à la langue française (DGLF), rattachée au ministère de la culture et de la communication, coordonne l'application de ce texte et doit en faire rapport au Parlement chaque année.

L'une des originalités de la nouvelle loi est de prévoir pour la plupart de ses articles un dispositif de contrôle et de sanctions adapté, qui devrait permettre une bonne application de la législation. En effet, les difficultés d'application de la loi du 31 décembre 1975 tenaient au fait que celle-ci ne prévoyait pas de sanctions pénales spécifiques, les infractions étant constatées seulement à l'occasion d'autres infractions au code de la consommation, et relevant du régime de sanction de la répression des fraudes. Les peines encourues sont désormais des peines contraventionnelles de la quatrième classe. Certaines relèvent du droit de la consommation, d'autres du droit du travail, ou du pouvoir de contrôle et de sanction du Conseil supérieur de l'audiovisuel. En outre, un lien est établi entre le bénéfice d'une subvention accordée par une collectivité publique et l'usage de la langue française dans les divers cas prévus par la loi (colloques, annonces ou inscriptions, publications de travaux d'enseignement ou de recherche, etc.).

Elle a fait l'objet d'un décret et d'une circulaire d'application, datés respectivement du 3 mars 1995 et du 19 mars 1996. La loi, comme prévu, est entrée en vigueur pour l'ensemble de ses dispositions le 7 septembre 1995. Ce délai a permis de donner aux agents économiques et aux services publics le temps de prendre les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec les nouvelles réglementations. L'ensemble des textes d'application de la loi est désormais publié. Deux circulaires, signées le 28 septembre 1999 par le ministre de l'équipement, des transports et du logement et la ministre de la culture et de la communication, complètent ce dispositif linguistique dans les secteurs des transports et du tourisme. La première circulaire concerne la mise en _uvre du décret du 1er juillet 1998 relatif à l'application de la loi dans le domaine des transports internationaux. La seconde circulaire complète la série des circulaires ministérielles prévues par instruction du Premier ministre en 1994. Elle insiste plus particulièrement sur les rapports des agents du ministère de l'équipement, des transports et du logement avec les institutions de l'Union européenne et sur la promotion du plurilinguisme, notamment sur l'Internet.

LISTE DES CIRCULAIRES PRISES EN APPLICATION DE LA CIRCULAIRE DU PREMIER MINISTRE EN DATE DU 12 AVRIL 1994 RELATIVE À L'EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE PAR LES AGENTS PUBLICS

   

Ministère

Date

Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire

15 novembre 1994

Ministère des anciens combattants et victimes de guerre

10 novembre 1994

Ministère des affaires étrangères

30 novembre 1994

Ministère de l'industrie et des postes et télécommunications et du commerce extérieur

8 décembre 1994

Ministère de la fonction publique

9 décembre 1994

Ministère de la défense

9 décembre 1994

Ministère de la coopération

13 février 1995

Ministère de l'économie et ministère du budget

15 mars 1995

Ministère de l'éducation nationale

21 mars 1995

Ministère de la culture et de la francophonie

6 avril 1995

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

5 mai 1995

Ministère de la justice

16 mai 1995

Ministère de la jeunesse et des sports

17 mai 1995

Ministère de l'équipement, des transports et du logement

28 septembre 1999

Les dispositions relatives à la protection du consommateur sont appliquées grâce à l'action des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et à la vigilance des associations agréées de défense et de promotion de la langue française. La DGCCRF a ainsi effectué 7.824 interventions en 1998 et 124 condamnations ont été prononcées.

Les revues et publications éditées par des personnes publiques respectent en règle générale l'obligation consistant à disposer au moins d'un résumé en français des contributions rédigées en langue étrangère. En ce qui concerne les manifestations et colloques internationaux organisés en France par des personnes françaises, des difficultés persistent pour assurer la présence minimale du français qu'impose la loi (possibilité pour tout participant de s'exprimer en français, présence d'une version française des documents de présentation du programme, etc.).

L'activité dans les domaines de l'enrichissement de la langue française et de la diffusion de la terminologie a été soutenue en 1999. La commission générale de terminologie et de néologie a publié plusieurs listes de termes et d'expressions, notamment dans le domaine de l'informatique et de l'Internet. Enfin, deux nouvelles commissions spécialisées de terminologie ont été créées : celle du ministère de l'équipement, des transports et du logement et celle du ministère des affaires étrangères.

Pour aller plus loin, certains, à l'exemple de M. Maurice Schumann, souhaiteraient inclure la francophonie en tant que telle dans la Constitution. En 1996, plusieurs sénateurs, à la veille d'un congrès du Parlement, avaient déposé un amendement tendant à insérer dans la Constitution la formule suivante : « La France participe au développement de la coopération et de la solidarité entre les États et les peuples ayant le français en partage ». Si cette initiative aurait eu pour conséquence d'instituer une hiérarchie néfaste et injuste entre les pays les moins avancés, selon qu'ils appartenaient ou non au monde francophone, elle avait le mérite de marquer une volonté politique réelle.

En octobre 1998, vingt-trois sénateurs ont décidé de relancer le débat sur la « constitutionnalisation de la francophonie » à travers une lettre adressée au Premier ministre. Le texte demandait au Gouvernement de déposer un amendement favorisant la reconnaissance de la langue française dans la Constitution.

Par ailleurs, la France doit développer une véritable « ingénierie linguistique ». Il est notable de remarquer que le Québec possède aujourd'hui les plus grandes banques terminologiques francophones. La France doit jouer un rôle majeur au sein de la francophonie. Elle est le berceau de la langue, la source de la norme et par son action la « s_ur aînée des pays francophones ; elle a tout intérêt à devenir... réellement francophone. Prendre conscience d'une telle appartenance implique l'abandon de la norme monoglossique et de l'idéologie de cette norme, l'ouverture aux diverses variétés du français, une faveur donnée aux autres langues présentes sur le territoire (...). Le dialogue, le commerce des langues, le pluralisme sont l'avenir de la francophonie. » (31) D'où la nécessité de défendre le français dans les institutions internationales et l'Union européenne.

c) La défense du français dans les organisations internationales

Chaque année, dans le rapport au Parlement précité, la délégation générale à la langue française du ministère de la culture et de la communication fait un bilan de l'application de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Dans les colloques et congrès internationaux, le bilan de l'application de cette loi est assez positif, mais on se heurte souvent à des difficultés de financement pour la mise en place des dispositifs de traduction. Ainsi, dans ce domaine, le nombre de plaintes concernant les manquements à l'application de la loi a progressé en 1998-1999. Le Commissariat à l'énergie atomique, l'Institut national de la recherche agronomique et le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et forêts, sont particulièrement attentifs à ces problèmes. La délégation générale à la langue française, le Centre national du livre et le ministère des affaires étrangères soutiennent l'édition d'ouvrages et de revues scientifiques et techniques en français.

De manière générale, au sein des instances internationales, de nombreuses difficultés apparaissent, malgré le statut de langue officielle et de travail du français. Il est présent dans les réunions officielles, mais l'anglais domine nettement dans les groupes techniques et les groupes de travail particuliers.

Aux Nations Unies, et dans les organisations qui en dépendent, la langue anglaise a assis sa suprématie. Les traductions écrites en français sont souvent tardives et parfois inexactes. L'UNESCO même est atteinte, surtout pour les documents écrits. Dans les institutions économiques et financières, telles que l'Organisation de coopération et de développement économiques, le Fonds monétaire international ou l'Organisation mondiale du commerce, le français est souvent limité à la sphère officielle. Dans les organisations policières et militaires, la situation est relativement plus satisfaisante au sein d'Interpol et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, mais l'usage de l'anglais est majoritaire au sein de l'Union de l'Europe occidentale.

Selon des analyses récentes, plusieurs indicateurs montrent que le français, même s'il bénéficie dans la quasi-totalité des organisations onusiennes, du statut de langue officielle et de travail, a de plus en plus de difficultés à s'imposer comme langue de travail courante. À l'Assemblée générale, le nombre de délégations s'exprimant en anglais est passé de 74 en 1992 à 95 en 1998, celles s'exprimant en français diminuant dans le même temps de 31 à 25. La rédaction des documents originaux en anglais est presque systématique, aussi bien dans les organisations implantées à New York qu'à Genève. Les difficultés du secteur de la traduction dans plusieurs organisations ont pour conséquence un recours accru à des traducteurs indépendants et des retards dans la disponibilité des documents en français.

Enfin, dans plusieurs organisations, la présence de représentants de pays francophones ne joue pas suffisamment en faveur du français, souvent en raison d'une connaissance insuffisante de notre langue.

Ce bilan doit être nuancé de deux manières :

· le français demeure bien pratiqué dans plusieurs organisations basées en Europe, par exemple le Haut Commissariat aux droits de l'Homme (HCDC) et l'Organisation internationale du travail (OIT) à Genève, l'Union postale universelle (UPU) à Berne, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA) à Rome. Le français y bénéficie en règle générale d'une interprétation dans les réunions officielles, mais aussi informelles ;

· le français est toujours privilégié dans le cadre des relations avec les pays francophones d'Afrique.

Enfin, face à la place grandissante de l'anglais, des mouvements en faveur du plurilinguisme se manifestent dans plusieurs organisations et prennent des formes variées : création d'un comité consultatif pour le pluralisme linguistique à l'UNESCO, réaffirmation du principe de l'égalité des langues à l'OAA, etc.

Des expériences récentes ont montré qu'à l'occasion d'interventions armées des Nations Unies, menées par les États-Unis, le français, traditionnellement langue de travail, a été écarté au profit de l'anglais. Ce phénomène a pu être constaté dans des pays où la langue française occupait pourtant une place privilégiée, à l'exemple du Cambodge, et ce même si des pays francophones, la France au premier chef, y participaient de manière active. La même constatation a pu être faite en Croatie et en Bosnie.

La place du français dans les organisations non gouvernementales internationales est plus fragile que dans les organisations gouvernementales où notre langue est protégée par son statut. Dans le domaine olympique, la France mène une politique volontariste et interministérielle, axée sur une coopération linguistique avec les organisateurs des manifestations sportives. Cette démarche a porté ses fruits aux Jeux d'Atlanta et de Nagano, où le français était très présent. La préparation des Jeux de Sydney s'est effectuée également dans des conditions très satisfaisantes, qu'il s'agisse, par exemple, du travail lexical effectué par des étudiants sur les disciplines sportives ou des formations linguistiques proposées aux personnels participant à l'organisation des Jeux.

Dans le domaine de la normalisation internationale, les projets de remise en cause du plurilinguisme, aussi bien à l'Organisation internationale de normalisation (ISO) qu'à l'Association européenne pour la coordination de la représentation des consommateurs pour la normalisation (ANEC), n'ont pas abouti grâce à une mobilisation interministérielle importante, qui a permis de conserver au français une place significative au sein de ces organismes.

d) L'enjeu européen

La vocation européenne du français est ancienne. Il a rayonné à deux époques, surtout, assez éloignées l'une de l'autre. L'une se situe aux XIIème et XIIIème siècles, l'autre dans la seconde moitié du XVIIème et au XVIIIème siècle. Or, aujourd'hui, la position internationale de l'anglais paraît lui garantir une influence primordiale. Tout Européen qui le connaît peut, dans les conditions actuelles, s'entretenir par ce moyen avec tout autre Européen dont il n'a pas l'intention d'apprendre la langue. Ainsi, l'effet devient cause : l'anglais, répondant à une très forte demande, est aujourd'hui, dans la plupart des pays d'Europe, la première langue enseignée. Cependant, l'Europe des langues a un destin qui lui est propre, et ne saurait s'inspirer de modèles étrangers. Si l'adoption d'une langue unique apparaissait aux États-Unis, pour tout nouvel émigrant, comme sceau d'identité, en revanche, ce qui fait l'originalité de l'Europe, c'est l'immense diversité des langues et des cultures qu'elles reflètent. La domination d'un idiome unique, comme l'anglais, ne répond pas à ce destin.

C'est pourquoi, l'Union européenne constitue l'un des lieux cruciaux de défense de l'usage du français. Il convient de distinguer deux niveaux, l'usage du français comme langue officielle de l'Union, parmi d'autres, et l'utilisation du français comme langue de travail.

Le régime linguistique en vigueur, valable pour toutes les institutions de l'Union, est fixé par le règlement n° 1 du 15 avril 1958 modifié portant fixation du régime linguistique du régime des institutions de l'Union. L'article 8D du traité d'Amsterdam élargit ce principe : il prévoit que tout citoyen de l'Union peut écrire aux institutions communautaires dans l'une des douze langues du traité (les onze langues plus le gaélique) et recevoir une réponse rédigée dans la même langue. En ce qui concerne le seul Parlement, ce régime est précisé, notamment, par les articles 28 et 102 du règlement intérieur. Ainsi, les documents de travail des commissions spécialisées et des sessions plénières du Parlement sont disponibles dans les onze langues de l'Union. De la même façon, les débats, interventions, amendements et comptes-rendus de séance sont interprétés ou traduits dans toutes ces langues. Font également l'objet d'une traduction dans les onze langues les procès-verbaux des principaux organes de cette institution : bureau et conférence des présidents.

Le plurilinguisme concerne également les langues de travail des institutions, même si, en pratique, le français, l'anglais et dans une moindre mesure l'allemand sont les langues les plus utilisées dans la communication de tous les jours. La situation du français demeure enviable au sein de l'Union européenne. On observe toutefois, depuis dix ans, une baisse rapide de son emploi dans les institutions communautaires, aggravée par la récente adhésion des pays du Nord, qui privilégient l'anglais : le français et l'anglais sont désormais à égalité dans la communication interne de la Commission européenne et l'anglais domine dans certains secteurs.

Ainsi, dans l'Union européenne, la situation du français est meilleure que dans les enceintes internationales, mais on note certaines difficultés croissantes. Par exemple, les documents de travail de la Commission et du Conseil sont très souvent adressés aux administrations françaises en anglais. Les documents en provenance du Parlement et de la Cour de justice restent cependant, de manière dominante, en français. Les documents remis par les institutions communautaires sont généralement disponibles en français, mais avec du retard dans 95 % des cas. La traduction simultanée est très peu assurée dans les réunions informelles. Les appels d'offres émanant des organismes communautaires sont le plus souvent rédigés en anglais, d'où des problèmes de concurrence. Au sein de la Cour européenne des droits de l'homme, l'usage de l'anglais est de plus en plus fréquent.

L'utilisation du français constitue un enjeu fondamental puisqu'elle constitue un élément de sécurité essentiel pour nos capacités d'expression, d'analyse, de négociations et de propositions amenées à être mobilisées en permanence dans le cadre des échanges et travaux communautaires. C'est pourquoi, plusieurs directives ont incité les fonctionnaires français à rédiger en français toute correspondance adressée à une institution de l'Union et à s'exprimer en français dans les réunions.

Depuis début 1996, un groupe de travail interministériel sur le français dans l'Union européenne a lancé plusieurs actions. Il contribue, grâce aux interventions du ministère des affaires étrangères, à renforcer la formation linguistique des fonctionnaires internationaux. Enfin, une plaquette sur Le français dans les institutions européennes, préfacée par le Premier ministre, a été très largement diffusée en 1998 afin d'informer nos concitoyens sur les droits que leur donne le régime linguistique communautaire. En effet, c'est l'action de l'ensemble des Français, fonctionnaires ou non, de plus en plus nombreux à avoir des relations avec l'Union, qui assurera une présence vivante de notre langue dans les institutions européennes.

L'avenir de la langue française se joue probablement à Bruxelles, à l'heure où 50 % des textes primaires sont rédigés dans cette langue au lieu de 70 % il y a quelques années. La langue anglaise tend à s'imposer comme la langue véhiculaire au sein de l'Union européenne et de ses institutions.

Avec l'ouverture future de l'Union européenne vers l'Est, ce sont près de 15 langues officielles qui auront droit de cité. Elles donneront lieu à 105 traductions possibles entre langues distinctes.

La France est liée, par le français, aux pays qui l'ont pris pour moyen officiel de communication. L'Europe a sans doute intérêt à s'ouvrir, par ce biais, à des parties du monde moins favorisées qu'elle. De ce que sera la position du français en Europe dépend pour une part l'avenir de la francophonie. Le développement des exigences culturelles, en réaction de lassitude face à l'insolente frénésie du profit, donne toutes ses chances au français. Et il peut, dans divers domaines, où l'anglais et l'allemand sont moins présents, devenir, par une heureuse complémentarité, un facteur d'équilibre trilingue en fédérant les aspirations.

e) Une politique linguistique mondiale

La politique linguistique s'inscrit dans le cadre de programmes de coopération impliquant de nombreux partenaires français et étrangers et s'exerce selon trois orientations :

· une coopération linguistique centrée sur la formation initiale et continue des enseignants nationaux et l'appui à la diffusion de la langue tant à l'école que dans les médias ;

· une coopération éducative fondée sur l'expertise et les échanges ainsi que sur l'appui à des systèmes éducatifs en pleine évolution dans un monde où l'éducation s'impose comme un enjeu capital du développement. Elle cherche dans ce domaine le soutien de programmes à financement multilatéral. En Europe, notamment, elle tend à accompagner les échanges mis en _uvre dans le cadre des programmes européens. Une de ses priorités est le développement des établissements étrangers francophones (Turquie, Égypte, Liban), ainsi que des sections bilingues (Europe centrale et péninsule indochinoise) ;

· une coopération universitaire qui, pour faire face au sensible étiolement des départements d'études françaises classiques dans beaucoup de pays, contribue, d'une part, à leur modernisation, d'autre part, à la mise en place de cursus spécialisés (tourisme, médecine, économie et gestion, relations internationales, par exemple). Cette démarche valorise l'apprentissage du français sur des objectifs professionnels.

Les développements infra permettront de cerner de manière plus précise le contenu de ses orientations. De facto, la politique linguistique ne saurait se suffire à elle-même. Elle doit s'appuyer sur l'ensemble des actions que la France mène à l'étranger.

3.- L'action éducative

La diffusion de la francophonie repose très largement sur l'action éducative. Si la France dispose pour ce faire d'un réseau dense et reconnu d'établissements primaires et secondaires, placés pour la plupart sous l'égide de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), elle accuse en matière d'enseignement supérieur un retard important, en particulier en matière d'accueil d'étudiants étrangers. Or, comme l'ont souligné de nombreux interlocuteurs de votre Rapporteur spécial, ce domaine apparaît vital pour la constitution d'une francophonie plus forte et de meilleure qualité.

a) L'action en faveur de l'enseignement français à l'étranger

Il convient tout d'abord de distinguer l'enseignement du français à l'étranger de l'enseignement français à l'étranger. Le premier regroupe l'ensemble des élèves et étudiants qui apprennent le français, quel que soit le statut de l'établissement fréquenté. Il concernait, selon le Haut Conseil de la francophonie, près de 57,5 millions de personnes en 1994. Le second recouvre l'ensemble des élèves étudiant dans des établissements où la moitié au moins des enseignements est assurée en français.

· Un réseau hétérogène dominé par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger

Au sens large, conformément à la définition donnée par M. Pierre Lequiller (32), le réseau de l'enseignement français à l'étranger regroupe l'ensemble des établissements homologués (33) par le ministère de l'éducation nationale, par le biais de la direction de l'enseignement scolaire. Pour obtenir cette homologation, conformément au décret n° 93-1084 du 9 septembre 1993, l'établissement doit être ouvert aux enfants de nationalité française résidant hors de France. Il faut également que « la scolarité accomplie par les élèves dans ces établissements (soit) assimilée à celle effectuée en France dans un établissement d'enseignement public en vue de la poursuite des études et de la délivrance des diplômes ». Cet ensemble comprend aussi bien les lycées et collèges qui dépendent directement de l'AEFE, que les établissements relevant d'offices culturels français autonomes (Algérie, Maroc, Tunisie) ou des ambassades, les écoles françaises de l'étranger gérées par des fondations ou des associations de parents d'élèves, les établissements de l'ancienne direction de l'enseignement français en Allemagne (DEFA) destinés aux Forces françaises pour les enfants du personnel militaire, les établissements gérés par l'Alliance française, ceux relevant de la Mission laïque française, les sections françaises des écoles européennes (Belgique, Luxembourg), les écoles d'entreprises, et enfin les écoles privées et confessionnelles homologuées.

Au sens strict, le réseau de l'enseignement français à l'étranger rassemble les établissements liés juridiquement à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), soit qu'ils sont gérés directement par elle (établissements en gestion directe) (34), soit qu'ils sont conventionnés avec elle (établissements conventionnés). Il convient de noter que les établissements homologués par le ministère de l'éducation nationale, mais qui ne sont pas juridiquement liés à l'AEFE, dits « établissements hors réseau », peuvent obtenir de l'Agence, dans certains cas soumis à son conseil d'administration, des bourses, quelques subventions de fonctionnement et sont associés aux programmes d'inspection et aux actions de formation continue.

Tant les établissements en gestion directe que les établissements conventionnés peuvent obtenir de l'AEFE, personnels, subventions de fonctionnement et subventions d'investissement. Mais les établissements en gestion directe sont soumis aux règles de la comptabilité publique française et disposent d'un agent comptable nommé par l'Agence. Le chef d'établissement est également nommé par l'AEFE. En revanche, les établissements conventionnés sont en général soumis aux règles de la comptabilité privée du pays d'accueil et sont pour la plupart gérés par des associations de parents d'élèves qui nomment le trésorier responsable du bon emploi des fonds versés par l'AEFE.

Votre Rapporteur spécial voudrait souligner l'extrême diversité des établissements du réseau. À la diversité des statuts s'ajoutent des dénominations qui ne correspondent pas toujours à la réalité de l'enseignement dispensé : un « lycée français » ou un « collège français » peut ainsi désigner un établissement qui assure un enseignement de la maternelle à la terminale. Certains établissements disposent, à côté d'une section française, une section d'enseignement étranger ou franco-étranger. Par ailleurs, il existe une catégorie originale d'établissements, créés et financés par des entreprises pour scolariser les enfants de leurs collaborateurs (exemple de l'école France Télécom de Medan en Indonésie). Mais la diversité des établissements d'enseignement français à l'étranger se traduit également par des tailles très différentes : ainsi le lycée français de Madrid accueille près de 3.690 élèves, dont 1.160 Français tandis que la Petite école française de Kiev en Ukraine, récemment conventionnée avec l'AEFE, scolarise 21 élèves, dont 14 Français.

· Un réseau étendu

Au 1er mars 1997, le réseau au sens large comprenait 408 établissements homologués dans 125 pays. 68 établissements étaient gérés directement par l'Agence et 219 avaient passé une convention avec elle. En 1998, la liste des établissements scolaires homologués par le ministère de l'éducation nationale compte 410 établissements totalisant 223.000 élèves, dont environ 160.000 dans les établissements de l'Agence. Le nombre de boursiers était, au début de l'année 1999, de 17.428.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS SCOLARISÉS DANS LES ÉTABLISSEMENTS
DE L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

 

1995-1996

1996-1997

1997-1998

1998-1999

Répartition des élèves par nationalité
(en %)

Français

61.170

64.090

64.423

67.138

41,96

Nationaux

71.995

71.735

70.316

71.168

44,48

Étrangers tiers

21.462

21.190

20.745

21.691

13,56

Total

155.627

157.015

155.484

159.997

100,0

Source : AEFE.

L'Europe centrale et orientale est la zone qui a connu la plus forte progression des effectifs scolarisés dans des établissements gérés ou conventionnés par l'AEFE, avec un taux d'évolution de 13,3 % depuis 1994-1995. La zone Asie-Océanie a, quant à elle, enregistré une progression de 11 %. Les effectifs dans les pays d'Afrique relevant du champ de compétence du ministre délégué chargé de la coopération ont évolué, sur la même période, de 9,1 %. Toutes les autres zones, à l'exception notable du Maghreb et, dans une moindre mesure, de l'Amérique du Nord, ont enregistré également une hausse des effectifs scolarisés dans des établissements français. De fait, la hausse générale des effectifs enregistrée ces dernières années a été répartie sur l'ensemble des continents.

· La situation particulière de l'Algérie

La présence du français en Algérie, si elle est particulièrement importante, a subi, en raison des événements de la dernière décennie, des chocs sérieux.

Ainsi, la situation de l'Office universitaire et culturel français pour l'Algérie (OUCFA), établissement public national à caractère administratif institué conformément aux accords d'Évian du 19 mars 1962, demeure marquée par la fermeture de ses établissements scolaires intervenue en 1994 après l'assassinat à Alger de cinq Français et les menaces terroristes contre les écoles et lycées. L'administration centrale de l'OUCFA a été rapatriée à Nantes. Les personnels français titulaires de l'éducation nationale ont dû être réintégrés dans leur ministère d'origine. Les personnels non titulaires ont été licenciés. À ce jour, l'Office, dirigé par le conseiller culturel près l'ambassade de France à Alger, n'a d'autre activité que la conservation du patrimoine immobilier, constitué de 7 établissements scolaires et de 10 centres de documentation pédagogique, et la gestion de ses 91 agents.

Les perspectives d'ouverture, marquées notamment par la visite de notre ministre des affaires étrangères français, vont conduire à la réouverture de certaines de nos institutions dans le pays.

b) La coopération universitaire et la création d'ÉduFrance

La coopération universitaire, par le biais de l'accueil d'étudiants étrangers, est fondamentale pour l'avenir de la francophonie. Par ce biais, le rayonnement même du français a également servi les autres langues, celles, précisément, de tous ces lettrés et étudiants attirés en France, et dont la présence suscitait une curiosité pour leurs cultures d'origine. Ainsi, le français, en même temps qu'il s'est donné vocation de langue commune, apparaît comme un garant de la variété constitutive de l'Europe.

Le marché mondial de l'éducation connaît aujourd'hui une très forte croissance. Cette évolution apparaît comme une chance de placer le français et le système d'éducation qu'il véhicule dans une nouvelle dimension. Lors du premier salon mondial de l'éducation, qui s'est tenu à Vancouver, en juin 2000, le marché de l'éducation a été évalué à 665 milliards de francs en 1999 au lieu de 168 milliards de francs en 1996.

D'après les chiffres dont dispose le ministère des affaires étrangères (35), 150.000 étudiants étrangers ont été inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur français en 1998, dont 123.000 dans les universités, pour un nombre total d'étudiants inscrits (Français et étrangers) de 2.120.000. Ce chiffre place la France au quatrième rang des pays d'accueil en nombre total d'étudiants étrangers, derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

Cette situation est le résultat d'une lente dégradation depuis le début des années 1990. Une analyse plus fine de cette population a permis également de constater que ces nombres d'étudiants étrangers comprenaient non seulement ceux venus pour études mais également ceux issus de l'immigration qui représentaient en 1992 approximativement un bon tiers de cette population totale, proportion qui serait en croissance. La proportion globale d'étudiants étrangers dans l'ensemble de la population étudiante en France n'a cessé de décroître depuis 1990, année où elle était de 14,6 % ; elle est en 1999 de 7 %. Il s'agit d'une moyenne, les universités accueillant des proportions très variables pouvant être importantes.

La répartition par région d'origine n'est disponible que pour le monde universitaire (une enquête complémentaire est en cours auprès des écoles d'ingénieurs et de gestion). Elle fait apparaître que la moitié environ des étudiants étrangers (49 %) sont, en 1998, originaires d'Afrique dont 29 % d'Afrique du Nord et 20 % d'Afrique Noire ; cette part est en décroissance lente depuis 1992, année où elle atteignait 54 %. Les autres régions disposent d'une part approximativement stable. Seule l'Europe occupe une place de plus en plus importante : 23,6 % en 1992, 30,1 % en 1998. Une analyse plus fine de cette croissance fait apparaître le rôle majeur des pays de l'Est, grands pourvoyeurs d'étudiants depuis la chute du mur de Berlin.

Si le nombre d'étudiants peut ainsi être traité en termes d'inscrits (autrement dit de « stock »), les données ne sont pas actuellement disponibles pour définir les flux. Ils ne peuvent qu'être assez grossièrement approchés par les nombres de visas ou de titres de séjour délivrés. Il faut garder en mémoire le fait que les ressortissants de nombreux pays ne sont pas soumis à visas. Les visas d'étudiants délivrés en 1999 atteignent le chiffre de 37.000, au lieu de 28.900 en 1998, soit une augmentation de 28 %.

Pour évaluer les parts de marché, il faudrait disposer d'une étude des marchés dans les différents pays, ce qui n'est pas le cas actuellement Néanmoins quelques estimations peuvent être faites. Ainsi, la part française apparaît très dominante avec 90 % du marché et peut-être même au-delà dans les pays d'Afrique francophone. Elle semble équilibrée sur le marché de l'Union européenne, mais s'avère insuffisante dans les pays d'Europe centrale et orientale, malgré sa croissance rapide ces dernières années, ainsi qu'au Moyen-Orient avec de grandes différences - presque satisfaisante au Liban ou en Égypte, elle est dérisoire dans les pays du Golfe. Enfin, elle se révèle dramatiquement insuffisante en Asie et en Amérique Latine.

L'agence ÉduFrance, groupement d'intérêt public, a été créée en novembre 1998 par le ministère des affaires étrangères, par le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et par les établissements français d'enseignement supérieur qui souhaitent mettre en valeur leur savoir-faire et leurs compétences dans le cadre de leur politique d'ouverture internationale. Elle comptait, en janvier 2000, 115 adhérents.

Elle a été chargée de trois missions principales :

· présenter des formations françaises adaptées aux étudiants étrangers, en partenariat avec les universités et les établissements d'enseignement supérieur ;

· promouvoir et faire connaître l'offre française de formation, en partenariat avec les postes diplomatiques ;

· exporter le savoir-faire français en ingénierie pédagogique, en partenariat avec les experts du secteur.

L'agence est présidée par M. Bernard Raoult, élu par le conseil d'administration, et dirigée par M. François Blamont, directeur général. Son assemblée générale est composée de l'ensemble des membres de l'agence et des représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Son conseil d'administration a compétence sur sa politique et son organisation. Il est composé de douze membres : trois représentants du ministère des affaires étrangères, trois représentants du ministère chargé de l'enseignement supérieur, trois représentants de la Conférence des directeurs d'écoles et formations d'ingénieurs (CDEFI), un représentant de la Conférence des grandes écoles (CGE) et un représentant de la Fondation pour l'enseignement de la gestion des entreprises (FNEGE).

Un comité consultatif regroupe des experts dans les domaines de compétence de l'Agence. Il est chargé de contribuer à la réflexion stratégique, de faciliter les partenariats et de conforter la légitimité fédératrice de l'Agence.

Le personnel de l'Agence est composé de 29 personnes. L'Agence ÉduFrance dispose de ses propres locaux, 173, boulevard Saint Germain dans le VIème arrondissement de Paris. Son budget provient principalement des contributions de ses deux ministères de tutelle à hauteur de 5 millions de francs chacun en 1999 et des contributions apportées par ces derniers en personnels détachés. La contribution du ministère des affaires étrangères a été portée, en 2000, à 10 millions de francs. Les parts représentées dans le budget par les cotisations des établissements d'une part, et les revenus propres (expertise) d'autre part, sont encore modestes. ÉduFrance dispose aussi de certains crédits que les postes diplomatiques inscrivent sur leur budget de coopération pour réaliser les actions prévues dans leurs pays d'accréditation.

Dans le cadre de son action de promotion, l'Agence a déjà conçu et élaboré un certain nombre d'outils qu'elle met à disposition des étudiants étrangers et de ses adhérents :

· un site sur le réseau mondial informatique en trois langues (français, anglais et espagnol) qui permet aux étudiants et aux responsables étrangers d'avoir accès à toutes les informations sur l'enseignement supérieur français, les établissements d'accueil, les programmes offerts, les possibilités de financement, etc. ;

· un « kit expo » pour la mise en place des stands français-type à l'étranger ;

· un ensemble documentaire pour accompagner les opérations de promotion (brochures et plaquettes sur support papier, documents sur support audiovisuel) ;

· un répertoire des formations spécifiques (programmes et filières pour étudiants étrangers incluant formation et prestations annexes) proposées par les établissements, notamment, pour les actions de promotion. Près de 150 formations de ce type ont été recensées à ce jour ;

· une carte électronique « ÉduFrance Pass » qui permet aux étudiants étrangers d'accéder à différents services à des conditions préférentielles (transports, loisirs, restauration, etc.) ;

· des produits de formation d'appel conçus spécialement en partenariat avec les adhérents : les universités d'été ÉduFrance (séjours de quatre semaines sur des thématiques comme l'administration des entreprises, l'hôtellerie-restauration, la vidéo, l'informatique, ...).

En 1999, l'Agence a apporté son concours à la promotion de l'offre française de formation dans plus de 60 manifestations organisées à l'étranger. Elle intervient dans ces manifestations à différents niveaux, selon les pays et selon le degré de priorité accordé à chacune de ces opérations organisées. Dans la phase de lancement et compte tenu des moyens et des effectifs dont elle disposait, l'Agence a accordé la priorité à certaines grandes manifestations, au sein desquelles elle a mis en place un stand de dimension importante : salon de l'étudiant au Venezuela, salon de l'étudiant et journées ÉduFrance au Brésil, espace ÉduFrance à France Expo en Égypte, congrès de la NAFSA aux États-Unis, espace ÉduFrance au sein de l'exposition organisée par le CFME/ACTIM en Côte-d'Ivoire, salon international Expo-universidad en Argentine, salon de l'étudiant en Turquie, espace réservé dans l'exposition CFME/ACTIM en Inde, etc. Pour toutes les autres manifestations réalisées avec le concours des postes diplomatiques, l'Agence ÉduFrance a apporté son expertise (conférenciers, animation) ainsi qu'un soutien documentaire.

Au cours des derniers mois, l'Agence a pu évaluer le potentiel de savoir-faire français en matière d'ingénierie pédagogique. Elle a commencé à identifier les différents pôles d'expertise dans ce domaine existant au sein des établissements et des écoles et des opérateurs publics et privés.

Cette activité s'est véritablement amorcée à partir de septembre 1999. D'ores et déjà des missions auprès de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine de développement ont permis d'identifier un certain nombre d'actions à mener auprès de ces organismes. Au cours de plusieurs missions au Mexique, en Égypte et en Côte-d'Ivoire, des possibilités de contrats d'ingénierie pédagogique ont pu être identifiées. Ils devraient constituer les premières références d'ÉduFrance dans ce secteur : étude académique pour la mise en place d'une université française en Égypte, étude préliminaire pour la mise en place d'un centre de formation aux métiers de la plasturgie au Mexique, étude de l'implantation d'un dispositif d'enseignement supérieur à distance en Côte-d'Ivoire.

Des accords contractuels sont en cours de finalisation, pour étendre le réseau des correspondants ÉduFrance au-delà des postes diplomatiques qui en constituent le réseau naturel et multiplier les « espaces ÉduFrance », avec les alliances françaises, les centres culturels français, les universités nationales et les lycées français à l'étranger.

4.- L'action culturelle

En 1993, les membres de la francophonie intergouvernementale ont, lors du sommet de Maurice, décidé de soutenir la France qui menait alors la lutte pour l'« exception culturelle », devenue un combat pour la « diversité culturelle ». La France mène ce combat depuis la création de son action culturelle extérieure. Celle-ci est aujourd'hui relayée par l'action menée en faveur des inforoutes francophones.

a) La constitution progressive d'une action culturelle extérieure

L'action culturelle extérieure française a une histoire ancienne. Elle est née au XIXème siècle sur la base d'appuis publics à des initiatives privées. En 1909 est créé au sein du ministère des affaires étrangères un bureau des écoles et _uvres françaises à l'étranger. En 1920, il est transformé en service des _uvres françaises à l'étranger, chargé de la gestion des crédits affectés aux _uvres d'enseignement et d'assistance, à l'envoi de livre, à l'organisation de manifestations artistiques et de « tout ce qui concernait l'expansion culturelle de la France au dehors ». Le British Council ne sera créé qu'en 1934 et il faudra attendre 1938 pour voir se constituer au sein du ministère britannique des affaires étrangères une division des relations culturelles.

Puis fut créée au sortir de la deuxième guerre mondiale une direction des relations culturelles. Parallèlement furent créés trois services de relations internationales au sein du ministère de l'éducation nationale, tandis que prospéraient des organismes plus ou moins indépendants, tels que l'Office national des universités et écoles françaises, le Comité d'accueil aux boursiers étrangers du Gouvernement français.

À cette époque, de nombreuses conventions culturelles globales sont signées avec de très nombreux pays. Elles s'inspiraient, parfois avec quelques artifices, du principe de réciprocité, en constituant une forme de loi cadre, dont l'application était assurée par une commission mixte permanente, qui devait se réunir une fois par an pour mettre en _uvre chaque disposition de l'accord.

En 1956, la direction des relations culturelles voit ses missions élargies et devient la direction générale des affaires culturelles et techniques, dont le premier objectif est de consolider les positions de la langue et de la culture françaises dans les pays ouverts à l'influence de la France et de les défendre dans les autres. Ce n'est qu'ensuite que vient le développement de la coopération technique. La réorganisation administrative s'accompagna de la mise en place d'un plan quinquennal, ce qui démontre le caractère ancien de la recherche de la pluriannualité dans ce domaine. Le ton était alors héroïque : « L'expansion de la langue, le rayonnement de sa culture et de ses idées, l'attrait de sa littérature, de sa science, de sa technique et de son art, la valeur de ses méthodes de formation des hommes, constituent pour la France, par l'influence qu'elle exerce grâce à eux, des moyens d'action essentiels de sa politique étrangère. L'action culturelle est étroitement liée à l'action politique qu'elle précède, qu'elle appuie et quelle complète. » (36) Le ton a changé, l'action linguistique et culturelle n'est plus la priorité, mais la tradition qui sous-tend cette pétition de principe reste très largement vivace dans l'action menée aujourd'hui.

En 1980, le rapport de M. Jacques Rigaud sur Les relations culturelles extérieures a soulevé la nécessité de renouveler les objectifs de la politique culturelle extérieure de la France. Il relevait également le caractère inadapté de l'organisation de la direction générale.

Deux décrets du 27 juillet 1982 ont institué une réforme profonde, en modifiant les compétences et les structures de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques. Une direction du français est créée. Le projet culturel extérieur, adopté par le Conseil des ministres du 19 octobre 1983, place en tête des objectifs la promotion de la diffusion de la langue française et de la francophonie. Un nouvel accent est donné à l'action audiovisuelle, qui ne cessera dès lors d'occuper une place croissante.

b) Les inforoutes

Lors du sommet de la francophonie de 1995 au Bénin, les pays ayant le français en partage s'étaient engagés à « promouvoir un espace francophone dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication ». Le Premier ministre, M. Lionel Jospin, l'a réaffirmé lors du dixième congrès de la Fédération internationale des professeurs de français, qui s'est tenu à Paris, en juillet dernier : il faut « encourager tous ceux qui peuvent nourrir la toile en contenu francophone ».

Or, selon le ministère des affaires étrangères, le français dispose d'une place marginale sur le réseau Internet : seuls 4 % des sites présents en 1999 sont en français, au lieu de 8 % en allemand et 56 % en anglais. Selon une étude de l'association « Réseau et développement », le français n'est utilisé dans les forums de discussion que dans 1,15 % des cas, contre 80 % pour l'anglais.

Il faut commencer par assurer l'utilisation aisée de la langue française, avec l'ensemble de ses signes diacritiques, et des données en français dans les « inforoutes », Internet et les autres grands réseaux de communication.

Si les craintes de voir notre langue et notre culture absentes des réseaux numériques ne sont pas fondées, en revanche, des efforts importants restent à faire dans ce domaine, d'où le lancement, en janvier 1998, du programme d'action du Gouvernement pour l'entrée de la France dans la société de l'information (PAGSI). Les propositions de notre collègue Patrick Bloche, dans son rapport remis, en décembre 1998, au Premier ministre, et intitulé Le désir de France, la présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l'information, paraissent, de ce point de vue, particulièrement pertinentes.

LES PROPOSITIONS DU RAPPORT « BLOCHE »

POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCOPHONIE

DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

I.- DÉvelopper des contenus et des services d'intÉrÊt gÉnÉral

1.- Avoir comme objectif la mise en ligne gratuite des contenus nécessaires aux cursus scolaires jusqu'à la terminale

2.- Mettre à disposition sur l'Internet, en mode texte, une base des grands textes français et des outils performants pour les manipuler

3.- Lancer, avec l'UNESCO, un grand site plurilingue de la littérature française

4.- Définir un « label » d'intérêt général culturel, élaborer un inventaire ou un catalogue disponible en ligne et mettre en _uvre un fonds de soutien et un dispositif raisonné pour les projets culturels d'intérêt général sur l'Internet

5.- Établir un compte de soutien pour le multimédia afin d'être en mesure d'accorder des subventions pour certains projets

6.- Constituer un site rassemblant les différentes procédures d'aide au multimédia en ligne et hors ligne

7.- Élaborer un dossier unique de demande de subvention pour un projet multimédia, en ligne ou hors ligne

8.- Susciter la création de « ruches » multimédias, le rapprochement des créateurs, des entreprises et des lieux de formation

9.- Accélérer la mise en réseau des Espaces culture multimédia

10.- Réaliser un portail culturel public français

11.- Organiser des « États généraux de l'enseignement à distance »

12.- Créer une grande « université française en ligne » qui offre un service complet en ligne de formations initiales, continues ou diplomantes pour tous publics et tous niveaux et lui donner un nom bien visible : « la Sorbonne internationale »

13.- Demander à une personnalité de rendre un arbitrage sur les différends provoqués par le projet d'université virtuelle francophone

14.- Actualiser la loi du 12 juillet 1971 relative aux organismes privés d'enseignement à distance de façon à favoriser l'éclosion de petits organismes de formation à distance en ligne. Créer à cette occasion un label « éducation nationale française »

15.- Renforcer la présence de la France dans les programmes de l'Union européenne et de l'UNESCO. Inciter fortement les acteurs publics et privés français à s'impliquer dans les actions portant sur la formation en ligne.

16.- Lancer une « initiative Piaget » pour favoriser la recherche pédagogique dans la société de l'information

17.- Connecter les professeurs de français : proposer à chacun une adresse électronique

18.- Concevoir et construire le site « portail » des professeurs de français

19.- Relancer un projet européen pur l'apprentissage des langues par les technologies de l'information

20.- Inciter les enseignants à développer des « jumelages électroniques », qui ne doivent pas se limiter aux écoles francophones. Ils peuvent, en effet, s'avérer être de bons supports pour l'apprentissage d'une langue étrangère

21.- Accroître et compléter la mise à disposition du droit français sur l'Internet

22.- Introduire dans les codes en ligne des références jurisprudentielles et doctrinales, diffuser plus largement la jurisprudence des diverses juridictions

23.- Mettre en _uvre des procédures de validation des sites juridiques sur l'Internet

24.- Promouvoir une diffusion de l'information juridique dans plusieurs langues

25.- Créer une maison d'édition de revues scientifiques électroniques sous la forme d'une société d'économie mixte

26.- Négocier les droits de diffusion numérique d'un certain nombre de revues scientifiques françaises et les rendre disponibles sur l'Internet

27.- Généraliser les accès multilingues aux bases de données scientifiques, y compris celles des thèses et des mémoires, et en faire un axe prioritaire des grands diffuseurs publics de la recherche française (INIST, INSERM, etc.)

28.- La mise en réseau des sites scientifiques francophones doit être une priorité réaffirmée de l'Agence universitaire de la francophonie

29.- Mettre gratuitement en ligne les bases de données médicales francophones disponibles, en particulier la base « Pascal »

30.- Créer un label « santé » qui pourrait être délivré par les conseils de l'ordre

31.- Mettre en réseau les hôpitaux que la France rénove et équipe à l'étranger

32.- Développer des accords intergouvernementaux de coopération avec les pays francophones, visant à la mise en place de formations médicales (initiale et continue) à distance par l'Internet

33.- Créer, auprès du ministère de la culture et de la communication, une instance de médiation pour les questions de propriété intellectuelle liées à la société de l'information et plus particulièrement à l'Internet, assisté d'un conseil scientifique composé de juristes et de représentants des différents acteurs

34.- Il paraît donc nécessaire que soient mises en _uvre au plus vite des négociations devant aboutir pour la recherche et l'enseignement à un accord global de licence contractuelle à des fins de recherche et d'enseignement

35.- Parallèlement, il serait souhaitable que le ministère de la culture et de la communication étudie la possibilité de mettre en _uvre pour l'Internet, de façon provisoire et clairement limitée dans le temps, un dispositif de licence légale qui puisse assurer aux auteurs une rémunération acceptable dans le contexte actuel du développement du réseau, si les négociations n'aboutissaient pas

36.- Modifier la loi du 4 août 1994, relative à l'emploi de la langue française pour que son texte prenne mieux en compte les problématiques propres aux réseaux et au commerce électronique

37.- Susciter la création d'un organisme public pour la terminologie

38.- Adapter des logiciels « libres » pour les applications « réseau » des administrations

39.- Renforcer la concertation interministérielle sur le traitement informatique du langage et, pour ce faire, renouveler et relancer le Conseil consultatif sur le traitement informatique du langage en lui donnant davantage de pouvoirs et en lui assignant des priorités : la traduction automatique et la recherche documentaire plurilingue. En outre, un haut fonctionnaire du ministère des finances pourrait mener une mission d'évaluation des politiques publiques dans ce secteur

40.- Créer un pôle de compétence et d'expertise sur le traitement informatique du langage auprès de l'INRIA Lorraine et du CNRS, par exemple sous la forme d'un groupement d'intérêt public

41.- Lancer un programme de recherche et développement interministériel : recherche, industrie, affaires étrangères, culture et communication pour les outils d'aide à la traduction et le multilinguisme français-autres langues, autres langues-français, notamment pour l'arabe

42.- Organiser une veille stratégique sur tous les secteurs de la normalisation et de la standardisation et soutenir financièrement la présence et les travaux d'experts français, issus du secteur public et du secteur privé, dans les instances concernées

43.- Élaborer en partenariat avec la BNF un guide papier et électronique « Indexez vos documents »

44.- La fonction publique doit étudier la création d'un statut et d'une grille de rémunération adaptés aux métiers des technologies de l'information et de la communication

II.- Mieux se prÉparer À l'international

par les technologies de l'information

45.- La traduction et l'internationalisation des sites Internet des entreprises de presse doivent être prises en compte dans les aides à la presse existantes

46.- La création de sites Internet doit être prise en compte dans le fonds de modernisation de la presse

47.- Engager une réflexion sur le statut d'une « entreprise de presse en ligne » et sur les critères de définition du journaliste pour le multimédia

48.- Susciter la création d'un site « portail » de l'audiovisuel français

49.- Inciter l'audiovisuel public à lancer des services thématiques

50.- Inciter l'audiovisuel public à développer de nouveaux services dans l'objectif de trouver de nouvelles ressources

51.- Il est nécessaire que la loi sur l'audiovisuel public fasse inscrire, de façon plus précise, dans le cahier des charges des chaînes publiques l'obligation de diffusion d'une partie de leurs programmes sur les nouveaux supports et tout particulièrement sur l'Internet.

52.- Créer un réseau national de recherche en audiovisuel fédérant l'ensemble des acteurs concernés

53.- Inciter les producteurs de films français à réaliser des sites Web pour chacun de leurs films

54.- Les pouvoirs publics doivent devenir les partenaires de l'action internationale des associations qui militent pour la citoyenneté

55.- Renforcer le comité réseau des universités dans ses actions en faveur des listes de diffusion francophones en le dotant de moyens plus importants

56.- Créer un site interactif, « site Internet de la coopération décentralisée », qui présente les procédures existantes ainsi que les différents projets en cours

57.- Créer un site Web pour les organisations de solidarité internationale qui ont leur siège en France

58.- Une campagne d'expérimentation d'outils d'aide à la traduction doit être conduite dans l'administration

59.- Créer un pôle de compétences en traduction à l'usage de l'administration, qui utilise les techniques de travail en réseau et les possibilités offertes par les outils d'aide à la traduction

60.- Encourager le développement d'une industrie de la localisation et de l'internationalisation de produits multimédias

61.- Créer systématiquement des volets « internationalisation » aux fonds de soutien pour le multimédia et concevoir une coordination entre eux

62.- Concevoir un situe d'accueil et de suivi des personnes ayant effectué leurs études ou des stages en France

63.- Construire un site portail de la France touristique consultable dans plusieurs langues (français, allemand, anglais, espagnol, japonais)

III.- DÉvelopper de nouvelles stratÉgies d'exportation

64.- Il serait souhaitable d'étudier une ouverture plus large aux produits audiovisuels des aides à l'exportation

65.- Créer, en mettant en synergie plusieurs acteurs publics, un site Web d'informations en continu

66.- Privilégier la création de sites « portails », notamment dans l'Administration

67.- Promouvoir les moteurs de recherche français en liaison avec les organisations professionnelles du secteur

68.- Mener une campagne systématique d'inscription multilingue des contenus français dans les grands moteurs de recherche existants

69.- Dans chaque pays, mettre en ligne, dans la langue du pays et en français un site Web « portail » qui assure la promotion de l'Internet français

70.- Prendre le réflexe de communiquer sur support numérique, notamment grâce aux cédéroms promotionnels

71.- Proposer des pages « html » françaises aux sites étrangers

72.- Mener des campagnes de référencement systématiques de sites français auprès des moteurs de recherche et des annuaires locaux

73.- Organiser un « label » francophone de qualité

74.- Créer des sites Web pour des publics francophones spécifiques, notamment les jeunes : site ludo-éducatif, sport, jeux...

75.- Le ministère des affaires étrangères pourrait créer un site Web interactif de services dédié aux Français de l'étranger

IV.- DÉcouvrir de nouveaux territoires de diplomatie et de coopÉration

76.- Assurer un meilleur suivi par le ministère de la culture et de la communication des programmes « société de l'information » menés par la Commission européenne

77.- Renforcer le fonds francophone des inforoutes. Lancer des appels à propositions thématiques

78.- Mettre à disposition sur l'Internet une base de données terminologique importante en plusieurs langues latines alignées

79.- Expérimenter et diffuser des méthodes d'apprentissage de plusieurs langues latines dans le même temps

80.- Développer les accès à l'Internet pour les moins favorisés

81.- Réunir les responsables des différents fonds de développement liés aux technologies de l'information pour étudier la mise en _uvre de meilleures synergies

82.- Poursuivre les formations données dans le cadre des congrès « INET » organisés par l'Internet Society et mettre les compétences des pays du Sud en réseau

quelques actions visibles À l'aube du xxième siÈcle

83.- Mettre en _uvre un programme de « villas Médicis numériques »

84.- Mettre en _uvre une exposition universelle numérique en trois dimensions, en liaison avec la mission pour la célébration de l'an 2000

85.- Mettre en _uvre, sous la coordination de l'Institut, un projet d'encyclopédie du XXIème siècle

86.- Pérenniser la fête de l'Internet et la rendre thématique

L'action de la France en faveur des « inforoutes » francophones se double d'une action multilatérale importante. Ainsi, dans ce domaine, les actions de la francophonie sont mises en _uvre selon les recommandations de la conférence des ministres francophones chargés des inforoutes de Montréal, en mai 1997. Les axes d'intervention définis à Montréal en 1997 sont les suivants : démocratiser l'accès aux inforoutes, développer l'aire d'éducation, de formation et de recherche, renforcer l'aire de création et de circulation des contenus, promouvoir une aire de développement économique, établir une vigie francophone, sensibiliser les jeunes, les producteurs et les investisseurs, et assurer une présence concertée des francophones.

Cette action bénéficie de la création du fonds francophone des inforoutes, décidée, en novembre 1997, par le sommet de Hanoi. Son but est de financer des projets qui favorisent l'appropriation et l'usage des inforoutes par la création de contenus d'expression française. Mis en place auprès de l'Agence intergouvernementale de la francophonie depuis le 3 juin 1998, il est doté de 40 millions de francs par an, grâce aux contributions de 13 États et Gouvernements (Bénin, Cameroun, Canada, Canada-Québec, Canada-Nouveau-Brunswick, Communauté française de Belgique, Côte-d'Ivoire, France, Gabon, Liban, Monaco, Suisse, Sénégal). Il a permis à ce jour le financement, d'une centaine de projets (sur 500 présentés) qui ont bénéficié d'une subvention pouvant représenter jusqu'à 2 millions de francs.

Par ailleurs, les pays francophones, plus particulièrement ceux du Sud, doivent pouvoir accéder aux inforoutes, y circuler, y trouver des contenus francophones et devenir eux-mêmes producteurs d'informations. L'Agence intergouvernementale, grâce à l'Institut francophone des nouvelles technologies de l'information et de la formation (INTIF), met en _uvre des actions favorisant l'accès aux inforoutes, la production de contenus, la veille technologique, la sensibilisation et la concertation. L'AIF a ainsi installé près d'une centaine de postes d'accès à Internet auprès de partenaires dans vingt-sept pays du Sud auprès de ses correspondants nationaux, de ses partenaires en énergie et environnement, du réseau de dix radios rurales locales implantées par elle en Afrique, des trois sites du futur réseau de « Points d'accès aux inforoutes » pour la jeunesse au Mali, au Cameroun et au Burkina Faso, ainsi qu'auprès des partenaires nationaux en formation à distance...). Elle poursuit la mise en place de la « Toile scolaire » dans six États membres : Burkina Faso, Cameroun, Mali, Maroc, Maurice, Sénégal.

L'Agence universitaire de la francophonie poursuit la mise en place progressive de l'Université virtuelle francophone (UVF). Celle-ci favorise, en partenariat avec les universités du Nord, des collaborations universitaires régionales et une meilleure intégration, dans les cercles internationaux, des formations et des chercheurs des universités du Sud. 26 projets d'enseignement virtuel ont été retenus sur les 207 reçus lors d'un premier appel à proposition. Cinq campus régionaux destinés au fonctionnement de l'UVF ont été installés à Antananarivo, Dakar, Hanoi, Port-au-Prince et à Yaoundé. L'UVF, à travers le programme Transfer, a formé 450 personnes, des pays du Sud, dans le domaine de l'enseignement des nouvelles technologies de l'information et de la communication à Hanoi, Port-au-Prince, Tamatave (Madagascar), Antananarivo, Cotonou, Beyrouth, Maurice et Nouakchott.

Le consortium international francophone de formation à distance (CIFFAD), créé en 1987 lors du sommet de Québec, anime un réseau de coopération entre des institutions francophones de formation à distance. Il agit en faveur des personnels de l'éducation, du secteur productif et du secteur des services avec une priorité en direction des jeunes, des personnels rattachés aux administrations gouvernementales et territoriales, et touche, grâce à la radio et la télévision, le grand public. Le CIFFAD forme des professeurs du secondaire pour un nombre total de 2.000 apprenants et directeurs d'écoles grâce à la création d'un Réseau africain de formation à distance (RESAFAD). Il met en place une base de données sur les ressources francophones de formation à distance grâce à l'Observatoire des ressources francophones pour la formation à distance (ORFFAD), un guide du multimédia pour l'enseignement du français langue étrangère, une version française de l'étude sur les nouveaux logiciels de conception et de diffusion de l'apprentissage sur Internet.

Par le biais du système VIFAX que votre Rapporteur spécial a eu l'occasion de voir fonctionner en Roumanie, l'Agence intergouvernementale offre un système multimédia pour l'apprentissage du français. À partir des journaux télévisés français, belges, suisses et canadiens, retransmis chaque jour par la chaîne TV5, deux séries d'exercices fondés sur deux séquences d'environ deux minutes trente chacune sont envoyées à l'apprenant par télécopie ou par courrier électronique, quelques heures seulement après la diffusion télévisuelle.

Les nouvelles technologies de l'information constituent typiquement un domaine de coopération qui permet de conduire des actions bilatérales et multilatérales complémentaires.

5.- L'action juridique, technique et scientifique

L'action culturelle ne suffit pas à renforcer la francophonie. L'image de langue française a été, depuis le règne de Louis XIV, et reste largement attachée aux lettres et aux beaux-arts, ignorant les réussites scientifiques et techniques des sociétés francophones. La nécessité de modifier cette image pour inscrire la représentation du français dans la modernité a constitué une préoccupation constante des politiques de coopération.

Ainsi M. Jacques de Bourbon-Busset, ancien directeur des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères relatait les efforts déjà entrepris dans ce sens dans les années 1950 : « Il m'apparaissait cependant indispensable de faire connaître le visage, entièrement méconnu de la France, puissance scientifique et technique. Aussi avons-nous multiplié les missions de scientifiques et de techniciens et encouragé la tenue en France de congrès relevant de ces disciplines » (37).

a) la coopération juridique et administrative

La défense du modèle juridique francophone et plus largement romano-germanique (38), tel qu'il existe en Afrique, ou dans certains pays comme l'Égypte, apparaît essentielle. En effet, comme l'écrit notre collègue Jean-Louis Bianco (39), « il est temps de se demander si le droit des affaires a vocation à dicter le tempo des relations internationales », et ce d'autant plus qu'il est de plus en plus influencé par les règles de la Common Law, source en réalité de complexité et d'inégalité.

Le domaine du droit offre à la langue française une place particulière et légitime. La France, par le code Napoléon, a été à la source de beaucoup de codes juridiques en vigueur en Europe et sur d'autres continents. Nous trouvons ici une origine commune. Le système anglo-saxon a une tradition et une pratique légale fort différentes, régies par une jurisprudence orale. Un tel régime est réalisable dans un contexte culturellement et socialement homogène. Il ne peut être appliqué à l'échelle du monde ou de groupements régionaux, tels que l'Union européenne, qui a besoin d'une législation précise et unique pour régler les questions juridiques.

De ce point de vue, la création, en 1993, de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires (OHADA), réunissant des pays francophones, constitue un progrès notable. Cette organisation, mise en place par le traité de Port-Louis, le 17 octobre 1993, regroupe quinze États. Elle est dotée de la personnalité juridique internationale. Ses objectifs consistent à favoriser l'institution d'une communauté économique africaine, de promouvoir l'unité africaine pour développer l'activité économique et de garantir la sécurité juridique au sein de cette communauté. Pour ce faire, l'OHADA s'attache à unifier le droit des affaires dans les États membres, à promouvoir l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels et d'améliorer la formation des magistrats et des auxiliaires de justice. Cette expérience trouve pleinement sa place dans les relations qui peuvent exister entre normes juridiques et développement économique. Ainsi, il est particulièrement important de pouvoir agir sur les premières pour influencer le second.

Le tableau ci-après montre combien le monde est partagé entre deux systèmes dominants, le droit romano-germanique d'une part, et la Common Law d'autre part. Une étude récente menée par le ministère des affaires étrangères révèle que les pays de droit romano-germanique sont plus perméables aux influences de la Common Law que ne le sont les pays de Common Law par rapport au droit romano-germanique : la globalisation accrue des échanges au niveau mondial consécutive aux effets du libéralisme économique et commercial, la place dominante qu'occupent les États-Unis dans les domaines économiques, financiers et commerciaux, le rôle plus actif des cabinets de juristes anglo-saxons, l'influence exercée par les grandes organisations financières internationales, qui sont le plus souvent dominées par le modèle anglo-saxon et la prééminence de l'anglais comme langue internationale expliquent ce phénomène.

Cette pénétration des règles de la Common Law dans les pays de droit romano-germanique est surtout notable dans les domaines du droit des affaires, du droit des contrats, mais aussi du droit pénal. Elle contribue également au développement croissant du recours à la procédure de l'arbitrage pour le règlement des litiges, d'où l'importance que revêt la défense du système romano-germanique pour asseoir la francophonie sur une base plus large. Avec l'adoption d'un système juridique, c'est tout un mode de pensée, une culture, qui sont adoptés. Et cette culture favorise l'intervention des acteurs francophones, les entreprises au premier chef.

L'IMPORTANCE RELATIVE DES SYSTÈMES JURIDIQUES

Type de système juridique

Population concernée
(en millions d'habitants)

Part dans la population mondiale
(en %)

Exemples

Systèmes de droit civil

1.454

25,26

Allemagne, Brésil, Corée du Sud, France, Grèce, Italie, Mexique, Pologne, Russie, Turquie, Vietnam

Systèmes mixtes de droit civil et de droit coutumier

1.490

25,88

Chine, République démocratique du Congo, Japon, Mali, Sénégal, Taiwan, Tchad

Systèmes mixtes de droit civil et de droit musulman

177

3,07

Algérie, Égypte, Iraq, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie

Systèmes mixtes de droit civil, de droit musulman et de droit coutumier

293

5,09

Burkina Faso, Côte-d'ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Indonésie

Sous-total Droit civil

3.414

59,3

-

Systèmes de Common Law

374

6,5

Canada, États-Unis, Royaume-Uni

Systèmes mixtes de Common Law et de droit musulman

262

4,55

Bangladesh, Pakistan, Singapour

Systèmes mixtes de Common Law et de droit coutumier

150

2,60

Hong-Kong, Myanmar, Népal, Ouganda, Tanzanie

Systèmes mixtes de Common Law, droit musulman et de droit coutumier

1.112

19,30

Inde, Kenya, Malaisie, Nigeria

Sous-total Common Law

1.898

32,95

-

Systèmes mixtes de droit civil et de Common Law

200

3,46

Afrique du Sud, Écosse, Louisiane, Philippines, Québec, Thaïlande

Systèmes mixtes de droit civil, de Common Law et de droit coutumier

46

0,80

Cameroun, Sri Lanka, Zimbabwe

Systèmes mixtes de droit civil, de Common Law et de droit talmudique

5

0,09

Israël

Sous-total Droit civil-Common Law

251

4,35

-

Population mondiale influencée de façon directe ou indirecte par les traditions de droit civil et de Common Law

5.563

96,60

-

Source : ministère des affaires étrangères.

Notre action au sein de l'Union européenne apparaît de ce point de vue également fondamentale. En effet, dans son ensemble, le droit communautaire est, pour des raisons historiques tenant notamment à la tradition juridique des six États fondateurs, très largement marqué par le droit romano-germanique en dépit de l'adhésion ultérieure de pays de Common Law. De ce point de vue, la reprise intégrale de l'acquis communautaire par les pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion et l'assistance à leur apporter à cet effet constituent des enjeux majeurs puisqu'ils contribueront activement à ancrer ces pays dans le système de droit romano-germanique, qui apparaît plus démocratique, plus rationnel, plus économique, plus égalitaire, plus rapide et plus indépendant que le système de la Common Law (40).

Notre coopération juridique et judiciaire doit donc être développée. Les efforts entrepris ont déjà été substantiels. Entre 1993 et 1996, les crédits du titre VI consacrés à ce secteur sont passés de 74 millions de francs à 125 millions de francs. Mais ils se sont stabilisés depuis. Ainsi, ils atteignaient 120 millions de francs au 1er janvier 1999. S'ajoutent à ces crédits réservés aux pays qui étaient éligibles au Fonds d'aide et de coopération (FAC) 33 millions de francs par an sur le titre IV, qu'il convient de compléter par les projets financés directement par les postes. Enfin, il faut souligner l'appui à l'OHADA, à l'Agence de la francophonie et à l'Institut international de droit du développement. Parmi les programmes engagés, on peut noter le lancement d'une traduction des principaux textes de référence du droit français en anglais et en espagnol. Ce projet démontre combien la francophonie doit promouvoir le plurilinguisme.

Les objectifs de la coopération juridique et judiciaire rejoignent ceux fixés par la francophonie multilatérale : renforcement de l'État de droit, prévention et apaisement des conflits, amélioration de la garantie des droits fondamentaux, création d'un environnement juridique propice au développement économique. La mise en _uvre de ces objectifs passe par la formation des magistrats et auxiliaires de justice (41), l'adaptation et la diffusion du droit, accessoirement par un appui matériel apporté aux juridictions et institutions concourant à l'exercice de la justice. Cette politique relève de la responsabilité de la sous-direction de la coopération institutionnelle de la direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères, mais voit également intervenir le ministère de la justice, par le biais, notamment, d'une association de coopération juridique internationale, ARPEJE.

Il apparaît nécessaire, face à ces perspectives, de renforcer de manière substantielle les moyens affectés à cette action. De l'extension du droit romano-germanique naîtra, pour les pays concernés, la nécessité de s'intéresser à la diversité culturelle, et par conséquent, à la francophonie.

De la même manière, la promotion de notre modèle administratif peut contribuer de façon déterminante à la diffusion de la francophonie, comprise comme pratique culturelle. En effet, la formation des acteurs administratifs, l'appui à la mise en place des structures administratives et à la coordination gouvernementale, à l'amélioration des relations entre administration et citoyens et la promotion de la déconcentration sont de nature à favoriser l'identification de partenaires privilégiés et de les sensibiliser à la Weltanschauung francophone.

Cette action apparaît particulièrement importante dans les pays d'Europe centrale et orientale, notamment dans les pays candidats. Elle s'appuie sur les crédits du Comité d'orientation, de coordination et de projets (COCOP), géré par la DGCID, et sur les crédits multilatéraux du programme PHARE, dans le cadre des projets de jumelage, avec la mise en place de conseillers préadhésion (CPA), chargés de favoriser la reprise de l'acquis communautaire. En 1999, plus de 1 million de francs de crédits du Comité ont été affectés à la coopération administrative et 2,4 millions de francs ont été consacrés au financement de missions d'identification de jumelage PHARE nécessaires à la participation aux appels d'offre de jumelages avec les pays candidats.

b) La coopération technique et scientifique

Le domaine de la science s'avère particulièrement sujet au dynamisme des modèles concurrents. Ainsi voit-on les publications de langue anglaise, essentiellement nord-américaines, transformer la première place qu'elles occupent en quasi-monopole, grâce en particulier aux pratiques de référencement. Par exemple, le Science Quotation Index de Philadelphie recense presque exclusivement les publications primaires parues en anglais et dans les revues anglo-américaines. De nombreux comités de lecture, censément internationaux, sont souvent composés dans leur très grande majorité par des scientifiques qui travaillent pour des universités et des institutions de recherche nord-américaines. Le fait demeure que les chercheurs non anglophones, en Allemagne comme en France, contribuent eux-mêmes à la promotion de l'anglais : les meilleurs d'entre eux, s'ils publiaient dans leur langue, la serviraient efficacement, puisque l'accès à des travaux de qualité impliquerait que l'on passe par elle.

Il est, par ailleurs, quelque peu déroutant de constater que certaines universités et certains centres de recherche publics s'évertuent à organiser des colloques uniquement en anglais, contraignant la majorité des participants francophones à utiliser cette langue pour leurs communications. Ce faisant, ces organismes se trompent. Loin de faciliter les échanges, cette pratique ne fait que les simplifier en les appauvrissant, au risque à terme de les anéantir. En effet, sous l'influence d'une pratique linguistique uniforme, le contenu suivra et la recherche francophone aura tendance à s'aligner dans ses thèmes sur les institutions nord-américaines. La langue française, dans les sciences humaines, a cette particularité d'avoir été la source d'une pensée. La langue et la pensée vont ensemble. La langue française n'est pas seulement un tuyau par lequel on fait passer des connaissances intérieures. C'est la substance même de certaines connaissances, ce dont témoigne, par exemple, la tradition de l'école des Annales.

L'exemple, parallèle, du cinéma le montre : sous couvert de recherche de marchés qu'ils n'obtiennent d'ailleurs pas toujours, certains cinéastes francophones tournent leur film en anglais, réalisent des produits anglo-saxons, perdent leur originalité, leur identité et appauvrissent, par ce biais, l'ensemble du secteur.

6.- L'action économique

a) La francophonie économique

L'économie ne doit pas être absente des préoccupations francophones. Les pays francophones se retrouvent dans les trois catégories de pays définies par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) : pays industrialisés, pays en développement, pays les moins avancés. Cet état de fait appelle une certaine solidarité. En 1998, les pays francophones dans leur ensemble produisent 10,7 % de la richesse mondiale. Les pays les plus industrialisés (Belgique, Canada, France, Luxembourg et Suisse) assurent à eux seuls 9,1 % du produit national brut mondial. La part des pays francophones dans le commerce mondial de marchandises s'établissait à 13,4 % en 1994 et à 15,76 % en 1996. Dans ces conditions, le poids de l'« économie francophone » ne peut être négligé.

Face à cette situation, les pouvoirs publics ne peuvent rester inactifs. En janvier 1987, le ministère de la coopération organisait les rencontres à Libreville entres chefs d'entreprise, décideurs et détenteurs de capitaux français et africains. La même année, est créée à Québec une organisation internationale non gouvernementale, le Forum francophone des affaires, dont le rôle est de promouvoir, soutenir et développer les échanges commerciaux, industriels et technologiques entre les entreprises francophones. Il est constitué de cinquante-deux comités nationaux sur les cinq continents et, depuis 1993, de groupes régionaux destinés à favoriser les relations transrégionales.

La conférence de Monaco qui a réuni, en avril 1999, les ministres francophones de l'économie a été le révélateur d'une prise de conscience de l'importance de cette « économie francophone ». À cette occasion, les ministres de l'économie ont rappelé la vocation de l'OMC à accueillir en son sein tous les membres de la communauté internationale et ont décidé de renforcer leur concertation pour que le système commercial international contribue davantage au développement durable.

Dans un monde d'échanges intensifs, dans un monde médiatique où la formation intellectuelle s'élève, le rayonnement international de notre culture est d'évidence une priorité. À ce titre, la DGCID et son réseau pourraient être comparés à la plus grande « multinationale culturelle du monde », comme le fut, en son temps, la direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques, avec plus de 20.000 professeurs, animateurs, coopérants, et diplomates. Il faudrait associer à son action des partenaires privés, par le biais, par exemple, des grandes fondations privées allemandes ou hollandaises. Ainsi, dans des territoires aussi importants que les États-Unis, l'engagement des fondations allemandes ou japonaises, au capital desquelles participent les grandes entreprises, dans la stratégie de production culturelle est beaucoup plus développé que chez nous.

b) Les entreprises et la francophonie

Dans ce contexte, le rapport des entreprises francophones avec le français est ambigu. En effet, d'un côté, elles peuvent revendiquer et exploiter l'image véhiculée par cette langue en soutien à la diffusion de leurs produits. De l'autre, elles peuvent se complaire à utiliser un vocable anglo-saxon, sous prétexte de jouer la modernité, alors même que dans certaines zones la compréhension de mots anglais n'est pas innée. Il suffit de s'attacher à examiner un tant soit peu les pratiques des médias et agences publicitaires pour se convaincre de l'existence de ce « cache-misère » de l'absence d'imagination. Il ne suffit pas de vendre un produit en anglais pour qu'il devienne attractif. C'est bien plus en jouant la carte de l'identité et de la diversité culturelle que les entreprises francophones parviendront à s'affirmer sur les marchés internationaux. De fait, entreprises et réseau diplomatique et culturel extérieur français ont des intérêts communs très forts. M. Thierry de Beaucé, ancien directeur général des relations culturelles, scientifiques et techniques, le constatait : « partout l'image d'une entreprise était liée à l'image globale de son pays » et « la préférence pour un partenaire industriel dépendait souvent de la préexistence de liens culturels » (42). Il faut noter que le rapport remis en février 1990 au Premier ministre par M. Stéphane Hessel sur la réforme de la coopération soulignait déjà la nécessité de créer une synergie entre action publique et secteur privé.

Par ailleurs, on pourrait croire, et l'on croit souvent, que la diffusion de l'anglais n'est pas officiellement soutenue par les pays anglophones. Mais c'est là une erreur. Les actions de certaines entreprises privées, comme celles qui posent, pour préalable, de généreux financements accordés à une université, l'abandon d'une langue bien établie, au bénéfice de l'anglais. Il faut mieux mobiliser les grands intervenants privés français aux États-Unis. La réflexion menée par les entreprises françaises sur l'usage du français, porteur d'une culture qui pouvait soutenir l'exportation, est insuffisante.

Parallèlement, se développe une demande de français langue de commerce. Dans de nombreux pays, comme le Liban, les femmes prennent les choses en main et ont besoin d'un français des affaires. Elles sont souvent plus structurées dans les pays du Sud qu'on le croit. À l'université, ces femmes demandent à entrer dans des instituts de gestion. C'est le cas, par exemple, pour les instituts de Haïti, Sofia, et de l'Île Maurice, gérés par l'Agence universitaire de la francophonie.

III.- LA FRANCOPHONIE EN CHIFFRES

Deux types de données chiffrées permettent de cerner la francophonie. Le premier concerne la population francophone, le second les montants financiers consacrés à l'action francophone, par des biais bilatéraux ou multilatéraux. Mais on verra que l'un comme l'autre sont sujets à incertitude et mériteraient d'être mieux cernés.

1.- La population francophone

Le français fait partie des quelques langues parlées aux quatre coins de la planète. Il se situe au 9ème rang des langues les plus utilisées, après le chinois, l'anglais, l'hindoustani (hindi et ourdou), l'espagnol, le russe, l'arabe, le bengali et le portugais. On compte aujourd'hui un peu plus de 113 millions de vrais francophones à travers le monde, soit 2,5 % de la population mondiale. L'Europe regroupe 21 % de la population francophone, l'Amérique 4 %, et l'Afrique 75 %. À l'intérieur de ce groupe, il est possible de distinguer plusieurs niveaux d'usage du français.

À côté de ces francophones authentiques, on peut distinguer les « francisants », c'est-à-dire ceux qui apprennent et pratiquent le français à des degrés divers, sans le maîtriser. Ils formeraient une population d'environ 60 millions de personnes. Au total, la francophonie, entendue comme groupe de locuteurs, réunirait ainsi 180 millions de personnes.

LES FRANCOPHONES DANS LE MONDE EN 1998

Zone géographique

Francophones réels

Francophones occasionnels

Nombre

Part de la population (en %)

Nombre

Part de la population (en %)

Afrique

32.189.500

4,6

46.740.000

6,7

Afrique subsaharienne

15.672.500

2,6

24.570.000

4,0

Maghreb

15.650.000

23,6

18.730.000

28,3

Océan Indien

867.000

4,7

3.440.000

18,7

Amérique

10.481.000

1,3

4.067.000

0,5

Amérique du Nord

8.596.000

2,9

3.176.000

1,1

Amérique centrale et Caraïbes

1.760.000

1,1

891.000

0,5

Amérique du Sud

125.000

0,04

1.560.000

ns

Asie

1.672.000

0,05

277.000

0,045

Extrême-Orient

172.000

0,01

1.283.000

0,01

Proche et Moyen-Orient

1.500.000

0,65

8.200.000

0,56

Europe

67.856.500

7,9

3.000.000

0,95

Europe centrale et orientale

1.133.500

0,2

5.200.000

0,63

Europe de l'Ouest

66.723.000

17,3

45.000

1,34

Océanie

467.000

1,6

45.000

0,15

Total

112.666.000

1,9

60.612.00

1,03

Source : Haut Conseil de la francophonie.

En Europe, la France mise à part, les francophones se trouvent essentiellement en Belgique (70 % de la population), en Suisse (20 % de la population) et au Luxembourg. Au niveau de l'Union européenne, à laquelle il faut ajouter la Suisse, le français est la deuxième langue la plus parlée avec 68 millions de locuteurs, derrière l'allemand (90 millions), mais devant l'anglais (61 millions).

En Amérique du Nord, c'est au Canada que vit la plus forte minorité de population francophone, soit 6,5 millions de locuteurs sur 27,3 millions d'habitants en 1990. Très concentrées géographiquement, ceux-là représentent 80 % des habitants du Québec (7 millions), et plus de 30 % de ceux du Nouveau-Brunswick. Sur le reste du continent américain, Guadeloupe, Martinique et Guyane exceptées, les communautés francophones sont présentes en Louisiane (260.000 en 1990) et en Haïti, où 22 % des 6,3 millions d'habitants parlent le français.

L'Afrique subsaharienne compte à elle seule presque 32 millions de francophones (estimations pour l'année 1996), dont 34 % en Afrique équatoriale de l'Ouest, 29 % en Afrique tropicale, 25 % en Afrique équatoriale de l'Est, et enfin 14 % en Afrique sahélienne.

Dans l'Océan indien, le taux global de francophones est de 19 %, pour une population totale de 17,7 millions de personnes. Avec plus de 25 millions de francophones au Maghreb (49 % des Tunisiens, 49 % des Algériens et 30 % des Marocains), la francophonie y est très présente.

Au Moyen-Orient, le Liban demeure le pivot de la francophonie, avec environ 800.000 locuteurs. Enfin, en Asie, c'est dans la péninsule indochinoise que les francophones sont les plus nombreux (environ 500.000 au Vietnam et 5 % de la population au Laos).

Selon la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), le français serait enseigné par 70.000 professeurs dans le monde à 50 millions d'élèves. Le ministère des affaires étrangères donne, quant à lui, un chiffre de 70 millions.

2.- La francophonie, objet budgétaire non identifié : le budget français de la francophonie

Se pose la question du financement des actions francophones et de l'évaluation des volumes en jeu et de l'efficacité de la répartition des crédits. Un des interlocuteurs de votre Rapporteur spécial, spécialiste des questions francophones, a pu ainsi considérer qu'« il y a beaucoup de saupoudrage. On ne sait pas où va l'argent. On n'utilise pas les bons leviers. Une chose essentielle est d'organiser systématiquement, non pas par le biais d'associations " bidons ", par villes, par syndicats, les entreprises, le multipartenariat. Il faut recenser ce qui existe, favoriser les triangulations dans les partenaires et systématiser. Il faut faire intervenir davantage la société civile, qui est elle-même très atomisée, d'où l'importance des coordinations. »

Le jugement apparaît sévère, mais il faut reconnaître qu'aucune source réellement fiable n'est disponible sur cette question. La francophonie est un objet budgétaire non identifié. Les difficultés que l'on éprouve à la définir se manifestent de manière encore plus forte lorsque l'on cherche à déterminer combien coûte la francophonie au budget de l'État.

Néanmoins, au sein du budget des affaires étrangères, outre le budget de fonctionnement du service des affaires francophones et de la direction de la coopération culturelle et du français, créée au sein de la DGCID, qu'il est impossible d'individualiser, pourraient être identifiés les crédits d'intervention consacrés à des actions en faveur de la francophonie. Il reste qu'il est extrêmement difficile de déterminer si telle ou telle action répond à ce critère.

Ainsi, le financement d'un programme d'aide technique au Sénégal contribue-t-il plus à la francophonie qu'un programme similaire (emportant envoi d'experts français) mené en Guinée-Bissau ? Faut-il classer dans les dépenses d'action francophone ces deux programmes ou seulement le premier ? La réponse fournie par la direction générale, reproduite infra, suffit à démontrer l'impossibilité d'évaluer aujourd'hui l'action francophone au sein même de la DGCID.

EST-IL POSSIBLE DE DÉTERMINER QUELS MOYENS LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT CONSACRE AUX ACTIONS FRANCOPHONES ? (43)

« Compte tenu du caractère transversal de l'action francophone bilatérale de la DG, il n'est pas possible de déterminer les moyens qui sont consacrés à cette action. En d'autres termes, toute opération de coopération menée par nos services est une action en faveur de la langue française et la francophonie, dont la part ne peut être évaluée en pourcentage ou en estimation. Toutefois, les moyens spécifiquement consacrés à la diffusion de la culture et de la langue françaises se traduisent de la manière suivante :

- Budget de la DGCID : 9,35 milliards de francs (y compris crédits transférés
à l'Agence française de développement)

* Budget de la coopération culturelle et du français : 939,927 millions de francs (non compris personnel détaché du titre III)

* dont subvention à l'AEFE : 1.994 millions de francs.

* dont subvention à l'AFAA : 104,85 millions de francs.

- Budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger : 2.395 millions de francs.

- Budget de l'Association française d'action artistique : 131,825 millions de francs. »

Le « jaune » relatif à l'action extérieure de la France, annexé chaque année au projet de loi de finances initiale, présente pour les crédits du budget général, les chiffres suivants : 4,8 milliards de francs en 1998, 4,8 milliards de francs en 1999 et 5,1 milliards de francs pour 2000. Le choix qui préside à la définition de cette somme est nécessairement arbitraire. Cet arbitraire se retrouve pour les dépenses d'action francophone au sein du budget de l'État.

Au sein du budget de l'État, les dépenses destinées à soutenir la francophonie sont définies par chaque ministère, qui transmet des chiffres sans réelle vérification. Cette réserve étant faite, le « jaune » précité donne, pour le total des crédits de l'État, comptes spéciaux compris, les chiffres suivants : 5,28 milliards de francs en 1998, 5,27 milliards de francs en 1999 (projet de loi de finances pour 1999) ou bien 5,19 milliards de francs (projet de loi de finances pour 2000) la même année, 5,59 milliards de francs pour 2000. La différence même de chiffres en 1999 selon la source exploitée montre à elle seule le caractère aléatoire de l'exercice.

L'essentiel de la différence entre les crédits « Affaires étrangères » et le total des crédits d'action francophone résulte des crédits inscrits sur les comptes spéciaux du Trésor au titre du soutien à l'industrie cinématographique et du financement des radios et télévisions publiques (240 millions de francs en 1999, 359 millions de francs en 2000). Par ailleurs, nombre de ces crédits sont comptabilisés également au sein d'autres actions, telles que l'action culturelle ou même l'action européenne.

La France participe, à hauteur des deux tiers, au financement du Fonds multilatéral unique (FMU) (363 millions de francs en 1999), destiné aux opérateurs de la francophonie multilatérale.

En effet, le principal instrument de financement de la francophonie est le fonds multilatéral unique qui est alimenté, on peut le rappeler, par trois catégories de contributions volontaires : les contributions déliées versées à l'Agence de la francophonie en vue de sa programmation générale, les contributions liées finançant certaines programmations de l'Agence ou des projets nouveaux, et les contributions spécifiques consenties à des opérateurs spécialisés pour financer les programmes qu'ils sont chargés de mettre en _uvre (ces contributions ne font que transiter par le FMU).

CONTRIBUTIONS VOLONTAIRES AU FONDS MULTILATÉRAL UNIQUE

(en millions de francs)

Institutions

1998

1999

Biennum 1998-1999

Part allouée sur le biennum

(en %)

1.- Agence de la francophonie

142,94

141,74

284,68

38,9

Contributions volontaires déliées

68,06

68,06

136,12

18,6

Contributions volontaires liées

74,88

73,68

148,56

20,3

2.- Agence universitaire de la francophonie

144,81

144,81

289,62

39,5

3.- Université Senghor

14,11

14,11

28,23

3,8

4.- AIMF (1)

12,86

12,86

25,73

3,5

5.- TV 5 Afrique

3,26

3,26

6,52

0,9

6.- Autres fonds de concours (2)

50,36

46,99

97,35

13,4

Fonds francophone des inforoutes

28,29

24,91

53,2

7,3

Français dans les organisations internationales

15

15

30

4,1

Appui au processus démocratique et à la paix

4

4

8

1,1

Autres

3,06

3,06

6,15

0,9

Total

368,35

363,77

732,12

100

(1) Association internationale des maires de capitales ou métropoles entièrement ou partiellement de langue française.

(2) Sont identifiées sous ce vocable les contributions dont le gestionnaire n'est pas à ce jour désigné, excepté le fonds francophone de inforoutes géré par l'Agence de la francophonie.

Source : Haut Conseil de la francophonie.

77 % des crédits du FMU sont apportés par la France, suivi par le Canada (y compris le Québec et le Nouveau-Brunswick) à hauteur de 17 % et par la Communauté française de Belgique pour 4 %. À elles seules, l'Agence de la francophonie et l'Agence universitaire de la francophonie reçoivent plus des trois quarts des contributions. Hors FMU, chaque organisation reçoit des contributions qui sont en partie statutaires. Il convient de relever l'importance des contributions volontaires liées et le nombre restreint des bailleurs de fonds. Les financements bilatéraux dominent dans certains cas (AIMF par exemple) et le caractère multilatéral du financement de la francophonie doit donc être relativisé. Outre le financement d'organisations institutionnelles, il faut prendre en compte le financement, par les États, d'organisations non gouvernementales qui interviennent dans le domaine de la francophonie (exemple de l'Association francophone d'amitié et de liaison, ou du Centre international pour le développement de l'inforoute en français établi au Nouveau-Brunswick). Pour donner un ordre de grandeur, le montant total des crédits en 1998 destiné au financement des seules institutions francophones est supérieur à 1 milliard de francs.

LE BUDGET DE LA FRANCOPHONIE INSTITUTIONNELLE EN 1998

(en millions de francs)

Institutions

Année

Ressources

Agence de la francophonie

1998

321,28

Autres fonds de concours du Fonds multilatéral unique

(dont fonds francophone des inforoutes)

1998

50,36

(28,29)

Assemblée parlementaire de la francophonie

(hors recettes pour ordre versées par l'Agence)

1998

2,83

(3,73)

Agence universitaire de la francophonie

(hors fonds francophone des inforoutes)

FICU

1998

171,6

(9)

9,7

Université Senghor

(hors contribution de l'Agence universitaire)

1997-1998

16,15

(0,1)

AIMF (1)

1997

31,65

TV 5 (hors contribution de l'Agence)

1998

442 (4)

CONFEMEN (2)

1998

2,62

CONFEJES (3)

1998

11,41

Jeux de la francophonie

1998

1,78

Total

-

1.061,38

(1) Association internationale des maires de capitales ou métropoles entièrement ou partiellement de langue française.

(2) Conférence des ministres de l'éducation des pays ayant le français en partage.

(3) Conférence des ministres de la jeunesse et des sports des pays d'expression française.

Source : Haut Conseil de la francophonie.

D'un point de vue budgétaire, il conviendrait de définir la francophonie comme l'ensemble des participations directes aux actions multilatérales des institutions francophones et des financements bilatéraux qui contribuent aux actions menées par ces institutions. Ces dépenses bilatérales seraient alors estampillées « actions francophones ».

CHAPITRE II

FRANCOPHONIE APPLIQUÉE

ÉTUDES DE CAS AU PROCHE-ORIENT
ET EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

L'examen de la situation de la francophonie dans des pays particuliers, appuyé par des déplacements sur le terrain, a permis à votre Rapporteur spécial de noter dans quelle mesure celle-ci constituait un objectif pour nos postes et d'évaluer l'importance et l'efficacité du dispositif qui contribue à sa diffusion.

Pour ce faire, quatre pays aux caractéristiques très différentes ont été choisis. Le premier, le Liban, qui s'apprête à accueillir le prochain sommet de la francophonie, est marqué par un bilinguisme historique, par des relations économiques importantes avec la France, mais également par la progression forte de l'anglais et une « évasion » des étudiants libanais vers les États-Unis. La Syrie, quant à elle, a noué des relations historiques avec la France. La coopération universitaire et scientifique est relativement importante. Ces deux pays constituent par ailleurs des États clefs dans le renouveau proche-oriental.

La République tchèque présente une identité culturelle forte, sans tradition francophone. Sa volonté de s'intégrer à l'Union européenne l'encourage cependant à se rapprocher de la francophonie. Enfin, la Roumanie appartient au monde latin. Sa culture francophone est ancienne et relativement bien ancrée, soutenue par un réseau dense d'établissements d'enseignement et d'alliances françaises.

Ce préambule laisse entrevoir la diversité des situations auxquelles notre action en faveur de la francophonie, si elle veut progresser, doit s'adapter. Votre Rapporteur spécial a délibérément choisi des pays qui n'étaient pas dans la sphère « évidente », originelle, de la francophonie, précisément pour sortir du lieu commun de la francophonie franco-québéco-africaine. Il a vu là un moyen d'approcher de manière différente la question francophone.

I.- LE LIBAN : UNE TERRE FRANCOPHONE À RECONSTRUIRE

La situation de la francophonie au Liban est particulière. Claude Hagège l'a souligné : « L'emploi d'une norme raffinée du français reste comme à l'époque classique, dans quelques lieux tels que la Roumanie ou le Liban (bien que le français soit menacé, dans ce pays en plein désarroi d'identité), l'indice d'un certain statut intellectuel » (44). Dans un pays où la population, dans sa composante la plus jeune notamment, est en recherche d'identité, la francophonie, comprise comme promotion du plurinlinguisme, constitue un enjeu fondamental. La création de repères francophones peut participer, de manière dynamique, à la reconstitution d'une nation libanaise, riche d'un trilinguisme.

Le professeur Selim Abou, recteur de l'université Saint-Joseph de Beyrouth, à l'occasion du cent-vingt-cinquième anniversaire de cette institution, le 24 juin 2000, a rappelé qu'au Liban, si « l'anglais tend à devenir la langue dominante dans le monde des affaires, le français reste la langue de formation et de culture dans 80 % des écoles et, au niveau universitaire, la tendance est au trilinguisme ». Il a rappelé que, dans ce pays multiconfessionnel, le français n'était plus le privilège des chrétiens. Le Premier ministre sunnite déclara ainsi au sommet de Hanoi en 1997 que : « en ce qui concerne (...) le Liban, sa vocation francophone s'est affirmée bien avant que ne s'organisent les instances de la francophonie. Le Liban (...) a joué un rôle phare dans le rayonnement du français. Fier de sa culture arabe et de son héritage méditerranéen, il perçoit la francophonie comme mode de vie et de pensée. » (45)

A.- UN CONTEXTE FRANCOPHONE FAVORABLE À UNE COOPÉRATION IMPORTANTE

1.- Le contexte libanais

L'économie libanaise présente un état contrasté qui associe des progrès notables liés à la reconstruction à une situation financière incertaine. Une croissance tirée surtout par l'activité immobilière et une politique de monnaie forte et de taux d'intérêts élevés ont freiné la reprise de la croissance. L'absence de retour à une paix totale continue à projeter à l'extérieur l'image d'un pays à risque et à dissuader les investisseurs. Le déblocage de la situation au Liban Sud avec le retrait israélien de la zone en mai 2000 permettra sans doute d'attirer de nouveaux projets. Environ 10.000 habitations, par exemple, devront être reconstruites. Les problèmes d'adduction d'eau, de réseaux électriques et routiers s'avèrent également fondamentaux. S'y ajoutent la remise en état des équipements scolaires, la création d'emplois pour une population dont les autorités prévoient un retour massif, et la réhabilitation de l'agriculture.

L'Union européenne négocie avec le Liban un accord d'association. L'enveloppe dont bénéficie le Liban au titre de MEDA pour 1996-1999 est de 147,9 millions d'euros. La Banque mondiale lui apporte un soutien financier important, d'environ 700 millions de dollars de prêts de 1992 à 1998, dont environ 300 millions seulement ont été débloqués pour la réalisation d'une quinzaine de projets.

2.- Le Liban fait partie des priorités de la politique de coopération

Le Liban constitue un point d'appui majeur pour notre présence et notre influence au Moyen-Orient. C'est en effet le seul pays francophone de la région et il porte à notre pays un grand intérêt. Il doit être notre porte d'entrée naturelle sur le reste de la région. La France y dispose d'atouts exceptionnels. La langue française est mentionnée dans la Constitution, l'environnement légal et réglementaire est d'inspiration française, les relations humaines entre les deux pays sont étroites, le Liban est un partenaire politique, économique et culturel majeur, autant de caractéristiques liées à une longue histoire commune. Néanmoins, aucune position ne doit être considérée comme acquise durablement dans ce pays qui reste fragilisé par la guerre et ouvert à toutes les influences, notamment celle des Etats-Unis, actuellement en forte expansion.

Réduite durant les années de guerre civile, notre action a repris au Liban en force depuis le début des années 1990, même si depuis deux ou trois ans les relations apparaissent moins faciles entre les deux pays, comme en témoignent les difficultés que certaines de nos entreprises rencontrent sur place. De manière générale, notre coopération avec le Liban a souvent été rendue difficile par les clivages inter-confessionnels, le manque de fiabilité des partenaires institutionnels, les retards dans la mise en _uvre et l'exécution des textes normatifs, l'instabilité dans leurs fonctions des personnes formées et l'insouciance de leurs remplaçants refusant d'assumer les engagements antérieurs. De fait, les programmes multilatéraux sont, dans de nombreux cas, exécutés à moins de 50 %, faute de relais institutionnels stables et de cofinancements locaux idoines.

Les élections municipales en mai et juin 1998 suivies en octobre de la même année de l'élection d'un nouveau Président de la République et de la formation d'un nouveau Gouvernement ont toutefois profondément modifié le paysage politique libanais. Rompant avec certaines pratiques du précédent régime, les autorités d'alors ont marqué leur volonté de donner à l'État et à l'administration les moyens d'assumer leur rôle. De véritables partenaires sont ainsi apparus notamment dans les secteurs de l'enseignement supérieur, l'éducation nationale, la culture, l'audiovisuel et l'eau. Le nouveau Gouvernement issu des urnes en septembre 2000 devra poursuivre, avec profit, cet effort.

Institutionnalisée en 1993 par un accord bilatéral de coopération culturelle, scientifique et technique, elle a été fortement dynamisée par les trois visites effectuées par le Président de la République en 1996 et 1998. Elle a été complétée par la signature le 27 mars 2000 d'un accord de coopération cinématographique et le 28 mars 2000 par celle d'un mémorandum sur le secteur audiovisuel de service public libanais. Néanmoins, la commission mixte prévue par l'accord de 1993 ne s'est jamais tenue. Notre réseau a été élargi afin de permettre une action ouverte à l'ensemble des communautés libanaises.

Enfin, il convient de noter que la libération du Sud-Liban par Israël devrait susciter de nouvelles demandes d'aide de la part de nos partenaires libanais et ouvrir de nouvelles perspectives de coopération. Le poste mène actuellement une réflexion sur les actions à venir dans cette région qui pourrait être amenée à devenir un champ d'intervention prioritaire de la France au Liban.

Dans ce contexte et dans la perspective de la tenue à Beyrouth du sommet de la francophonie en 2001, la consolidation de la francophonie est l'orientation fondamentale de notre politique culturelle au Liban avec deux objectifs principaux : lutter contre l'érosion de notre influence au sein des élites et développer notre présence dans l'ensemble des communautés et régions du pays.

Prenant acte du fait que notre présence culturelle est encore prépondérante mais confrontée au développement rapide de l'influence anglophone, un processus a été engagé depuis près de trois ans visant à restructurer et recentrer notre coopération autour de plusieurs grands projets (ESA, USJ, CEDRE, lycée de Nabatieh) tout en tenant compte de nos intérêts économiques et commerciaux. La décision a ainsi été prise avec nos partenaires libanais de faire de Beyrouth un pôle régional d'enseignement supérieur et de formation de cadres francophones. Parallèlement, nous avons cherché en particulier à renforcer l'enseignement du français dans l'ensemble du système éducatif libanais privé et public.

Néanmoins, ces différentes actions, pour être efficaces sur le long terme, devraient pouvoir être relayées par une présence audiovisuelle plus importante qu'elle ne l'est actuellement. En effet, la diffusion très insuffisante de programmes français à la télévision libanaise risque fort de compromettre à moyen terme les efforts que nous faisons par ailleurs pour consolider la francophonie dans ce pays.

3.- Des moyens importants

Notre coopération avec le Liban bénéficie de la première enveloppe de crédits d'intervention de la région, soit au total près de 96,2 millions de francs comprenant 43,2 millions de francs de crédits d'interventions de titre IV, 7,5 millions de francs d'autorisations de programme au titre du Fonds de solidarité prioritaire, 6 millions de francs au bénéfice de l'archéologie et des centres de recherche, 32,5 millions de francs au titre des établissements du réseau de l'AEFE et, enfin, environ 7 millions de francs pour la prise en charge des personnels culturels (titre III). L'inclusion récente du Liban dans la zone de solidarité prioritaire (ZSP) devrait permettre d'étoffer certains axes de notre coopération, notamment dans les secteurs sociaux et du développement, de même que la présence nouvelle de l'Agence française de développement.

La France a contribué activement à la reconstruction du Liban, premier bénéficiaire per capita de l'aide publique française. Le Liban a ainsi bénéficié de cinq protocoles financiers, gérés par la direction des relations économique extérieures du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pour plus de 1,3 milliard de francs, dont 130 millions de francs de dons du Trésor, depuis 1992 (dont 315 millions de francs en 1995, 500 millions de francs en 1996, et 250 millions de francs en 1997). Ces protocoles ne sont engagés qu'à hauteur de 46 % au 30 juin 2000. Sur le volume total non encore imputé, une très faible part peut être expliquée par la complexité technique des projets à mettre en _uvre. Les difficultés traduisent, pour une large part, une capacité d'absorption de plus en plus restreinte des entités publiques libanaises. Cette situation ne laisse de poser problème, en particulier pour les projets relatifs à l'eau. En effet, compte tenu du niveau de produit intérieur brut par habitant, l'OCDE interdit, depuis le 31 juillet 1999, les financements concessionnels liés inférieurs à 80 % d'élément don. Après l'obtention d'une prorogation jusqu'au 31 juillet 2000, aucun contrat ne pourra plus être imputé sur protocole après cette date. Par ailleurs, la direction du Trésor a limité la part de l'élément-don à 25 %.

En matière d'assurance crédit, la COFACE intervient à la fois sur les dossiers en court terme et en moyen terme. Le Liban a bénéficié, par ailleurs, des concours du FASEP (4,1 millions de francs depuis 1996) et des actions de l'ADETEF (6,7 millions de francs), qui se sont concentrées sur le financement de l'institut de formation du ministère libanais des finances.

4.- Un réseau conséquent

Cette action est complétée par le maintien d'un dispositif structuré réparti sur tout le territoire : maison de la culture française de Beyrouth et ses quatre antennes à Tripoli, Saïda, Deir El Qarnar et Zahlé.

LE DISPOSITIF CULTUREL FRANÇAIS AU LIBAN

Nom

Ville

Observations

Centre culturel et de coopération

Beyrouth

Service doté d'une autonomie financière élargie jusqu'au 1er janvier 2001. Chapeaute l'ensemble du dispositif culturel et de coopération français du Liban.

Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC)

Beyrouth

Institut de recherche du ministère des affaires étrangères doté de l'autonomie financière. Vocation régionale. Implanté à Beyrouth avec une antenne à Amman. Sert de relais aux universités locales et françaises pour développer la recherche. Outil connu et reconnu localement. Une vingtaine de chercheurs à Amman et en Palestine et une quarantaine à Beyrouth (urbanisme, science politique). Suivi de recherches individuelles et six programmes collectifs de recherche (médias et mondialisation, municipalités au Liban, interface entre agriculture et urbanisation sur le littoral libanais, localités du Liban-système de données géographiques, histoire orale).

Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO)

Beyrouth

Institut de recherche du ministère des affaires étrangères doté de l'autonomie financière à vocation régionale (un bureau à Damas et un bureau à Amman).

Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO)

Saïda

Antenne du centre de Beyrouth.

École supérieure des affaires

Beyrouth

Créée en 1996. Fruit d'un partenariat entre une grande banque libanaise, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et le Gouvernement français. Les trois partenaires financent le développement de l'école. La France a mis à disposition de l'école des locaux rénovés. Formation de troisième cycle. 300 diplômés depuis 1996.

Mission culturelle française au Liban

Antenne de Tripoli

-

Mission culturelle française au Liban

Antenne de Zahlé

Les cours donnés par le centre culturel accueillent 1.000 élèves. Les cours sont autofinancés à hauteur de 25 % nets. Le centre de Zahlé possède lui-même une antenne à Baalbek. Créé en 1999, le centre de Baalbek fonctionne grâce à une recrutée locale et à une équipe de bénévoles. La médiathèque compte 140 abonnés.

Mission culturelle française au Liban

Antenne de Deir el Qamar


-

Écoles et lycées français

passim

Voir infra.

Source : d'après ministère des affaires étrangères.

En 1999, une antenne dépendant du centre de Zahlé a été ouverte à Baalbek, dans le nord de la plaine de la Bekaa, centre chiite dans une région majoritairement chrétienne. Cette implantation comprend une bibliothèque et des salles de cours, ainsi qu'un espace d'accueil pour jeunes enfants, et permet d'assurer une présence dans une partie de la Bekaa qui est majoritairement chiite et qui avait régulièrement demandé la possibilité d'avoir accès à de telles ressources.

L'ouverture d'un centre, à moyens constants, a donc permis de progresser dans une donnée fondamentale de la reconstruction culturelle libanaise, à savoir l'équilibre confessionnel. Dans un bâtiment fourni par l'évêché grec orthodoxe de la ville, le centre offre des activités gratuites pour les enfants, fournit une aide pédagogique pour les écoles, organise régulièrement des stages pour les professeurs de français ainsi que des cours de langues, propose une série d'activités culturelles, passant par la projection de films, des spectacles, des conférences. Elle appuie son activité sur une petite médiathèque riche de 2.000 livres, 120 cassettes vidéos et 100 cassettes audio, de disques compacts et de cédéroms, structure à laquelle une centaine de personnes est abonnée. La majorité du public est chiite.

Le centre de Baalbek emploie une seule recrutée locale, qui partage son temps entre l'animation du centre et le soutien pédagogique aux écoles francophones. Elle travaille avec une équipe de bénévoles libanais pour lesquels « la France peut fournir tous les moyens, leur ambition étant illimitée ». Votre Rapporteur spécial tient à rendre hommage à ces personnes, qui, plus que certaines structures, contribuent à faire vivre la francophonie au quotidien, dans un ancrage local, à un coût réduit, voir nul, pour nos finances publiques. Ce sont ces personnes que nos centres culturels doivent encourager et aider. C'est pourquoi, en l'espèce, il serait utile que le centre de Baalbek, ainsi que celui de Zahlé dont il dépend, soient équipés d'ordinateurs qui puissent être consultés par les adhérents. Or, lorsqu'on sait que Bouygues, qui vient d'achever un chantier très important dans le port de Beyrouth, va repartir en laissant des ordinateurs, il est peut-être possible de faire le lien entre les deux. Il s'agit là, typiquement, d'un cas où les entreprises françaises peuvent agir en faveur de la francophonie.

Il faut également évoquer le soutien aux centres de recherche français, en archéologie et en sciences humaines, c'est-à-dire l'IFAPO et le CERMOC, sous tutelle du ministère des affaires étrangères. Votre Rapporteur spécial voudrait souligner, à ce titre, les difficultés pour de tels établissements à fonctionner de manière autonome.

De fait, le CERMOC, par exemple, ne dispose d'aucun gestionnaire en propre. Ses effectifs ne sont composés que de chercheurs. La quête d'un équilibre financier, dans ces conditions, ne peut se faire qu'au détriment des activités de recherche. Ainsi, le Centre a pu se trouver en rupture de paiements et l'ambassade a dû intervenir pour « renflouer » ses finances. Cet exemple démontre assez combien il est nécessaire de prévoir les moyens nécessaires, humains et financiers, à la pérennité de tels instruments, indispensable à une présence française d'excellence.

Quatre raisons justifient l'investissement fait par la France dans la coopération au Liban. La première tient aux liens historiques, la deuxième justification au fait que ce pays est politiquement sensible, placé dans une zone dans laquelle la France a toujours voulu jouer un rôle. En troisième lieu, le Liban est le plus important des pays francophones de la région et dans les pays arabes, hors Maghreb. C'est une francophonie plus volontaire. Le français préexistait au mandat. L'utilisation du français au Liban n'est pas un fait colonial. C'était un choix fait par la bourgeoisie chrétienne, mais aussi musulmane. Enfin, la France a souhaité participer à la reconstruction du pays, d'où une poussée des moyens financiers accordés à la coopération avec le Liban à partir de 1991-1992 et jusqu'en 1998.

B.- UNE COOPÉRATION DIVERSIFIÉE CENTRÉE SUR LA FRANCOPHONIE

1.- Le soutien à une francophonie dynamique

a) La coopération linguistique et éducative

Le soutien à la francophonie libanaise proprement dit par le développement de la coopération culturelle et du français bénéficie en 2000 de 11,9 millions de francs. Il est dirigé en direction des 560.000 francophones libanais et des 73 % de la population scolaire globale concernés par l'enseignement du français. 601.000 élèves sur un total de 850.000 apprennent le français depuis les classes maternelles jusqu'aux classes terminales. Le nombre des élèves francophones est stable, mais celui des élèves anglophones progresse au rythme de 2 à 3 % par an. Entre 1980 et aujourd'hui, la francophonie a perdu environ 10 % de ses effectifs, en termes relatifs.

ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES HOMOLOGUÉS PAR L'ÉDUCATION NATIONALE AU LIBAN

Nom

Ville

Conventionné avec l'AEFE

Types d'enseignement homologué

Nombre d'élèves

Frais de scolarité

(en francs) (1)

Collège de la sagesse

Achrafieh

Non

De la maternelle à la Terminale

1.637 dont 24 Français

10.000. à 17.000

Collège Mont-la-Salle

Aïn Saadé

Non

De la maternelle au BTS

2.660 dont 44 Français

7.000 à 12.000

Lycée Abdallah Rassi

Akkar

Non

De la maternelle à la seconde

537 dont 2 Français

6.500 à 7.700

Lycée Franco-libanais

Al Maayssar

Oui

De la maternelle à la terminale

1.523 dont 280 Français

14.000 à 15.000

Collège Saint-Joseph

Antoura

Non

De la maternelle à la terminale

3.801 dont 33 Français

9.000 à 11.000

Collège des Pères antonins

Baabda

Non

De la maternelle à la terminale

1.745 dont 33 Français

10 200 à 12 000

Collège de la Sagesse

Baabda

Non

De la maternelle à la première

1.648 dont 9 Français

11.700 à 14.000

Lycée Franco-libanais de Verdun

Beyrouth

Oui

De la maternelle à la terminale

1.948 dont 223 Français

10.230 à 13.667

L'Athénée

Beyrouth

Non

De la maternelle à la terminale

845 dont 62 Français

19.300 à 24.600

Collège des Saints-C_urs

Beyrouth

Non

De la maternelle à la terminale

1.663 dont 43 Français

11.300 à 16.500

Collège Elite

Beyrouth

Non

De la maternelle à la terminale

1.756 dont 67 Français

21.700

Lycée Abdel Kader

Beyrouth

Oui

De la maternelle à la terminale

1.218 dont 59 Français

11.000 à 14.800

Collège protestant Français

Beyrouth

Oui

De la maternelle à la terminale

1.530 dont 206 Français

12.000 à 13.400

Collège Louise Wegmann

Beyrouth

Non

De la maternelle à la terminale

1.762 dont 190 Français

10.300 à 11.200

Collège Notre-Dame de Jamhour

Beyrouth

Non

De la maternelle à la terminale

2.811 dont 160 Français

2.000 à 13.900

Grand lycée Franco-libanais

Beyrouth

Oui

De la maternelle à la terminale

3.075 dont 787 Français

12.000 à 14.000

Collège Carmel Saint-Joseph

Damour

Non

De la maternelle à la terminale

783 dont 12 Français

19.000 à 19.700

Collège Mariste Champville

Dick El Mehdi

Non

De la maternelle à la terminale

3.282 dont 137 Français

9.120 à 16.800

Collège de la Sainte Famille

Fanar

Non

De la maternelle à la terminale

1.728 dont 59 Français

8.200 à 13.000

Collège Notre-Dame de Lourdes des Frères maristes

Jbaïl Byblos

Non

De la maternelle à la terminale

1.781 dont 26 Français

6 000 à 10 000

Collège des Saints-C_urs

Jounieh

Non

De la maternelle à la terminale

2.217 dont 111 Français

12.600 à 15.200

Lycée Franco - libanais Habbouche

Nabatieh

Non

De la maternelle à la cinquième

503 dont 25 Français

6.500 à 8.000

Lycée Franco-libanais

Tripoli

Oui

De la maternelle à la terminale

1.465 dont 238 Français

9.465 à 12.047

(1) taux utilisé : 1 LBP = 0,004 FF.

Source : d'après Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Historiquement, la tradition des établissements francophones n'a pas subi d'érosion dans les régions. La plus grande usure a eu lieu à Beyrouth. Dans les campagnes, l'enseignement catholique est fortement présent. La présence des services culturels français amène des établissements à rester francophones. Nombreux sont ceux qui sont confrontés à des choix.

Certains éléments d'évaluation permettent d'affirmer que quelques établissements font aujourd'hui le choix du français, alors qu'ils étaient hésitants il y a quelques années. L'enseignement secondaire en français de qualité a la possibilité d'offrir à ses élèves la capacité de poursuivre leurs études supérieures dans des universités francophones au Liban même.

Le dispositif de coopération éducatif, qui dispose de 26 personnes en permanence, est fondé sur le renforcement de l'enseignement du français dans le système éducatif libanais public et privé, le développement et l'amélioration de la qualité de cet enseignement, et l'ouverture du réseau de l'AEFE, qui réunit 6 établissements conventionnés avec 10.750 élèves et 18 établissements homologués avec 20.000 élèves, notamment à la communauté musulmane chiite avec la création en 1997 d'un lycée à Nabatieh, qui comptait 400 élèves inscrits en 1998.

b) La coopération culturelle et audiovisuelle

La présence culturelle française est complétée par le développement d'un environnement culturel francophone dans le domaine du livre (Salon du livre français de Beyrouth), et dans le domaine artistique et de la jeunesse et des sports. Les centres culturels dispensent des cours de français qui s'autofinancent à hauteur d'environ 40 %. Les résultats sont moins satisfaisants dans la plaine de la Bekaa où ce taux atteint moins de 25 %, ce qui peut s'expliquer par le caractère pauvre de cette région.

Le secteur audiovisuel apparaît, comme on l'a vu dans le premier chapitre, comme un élément essentiel de diffusion de la francophonie. Si la coopération audiovisuelle repose sur 2,8 millions de francs en 2000, elle connaît quelques difficultés. Réinstaurée en 1991 et institutionnalisée en janvier 1993 par un accord-cadre bilatéral, elle souffre d'un décalage qui demeure important entre un enseignement scolaire très francophone et un audiovisuel qui l'est très peu. Le secteur est en effet dominé largement par des opérateurs privés qui accordent la priorité à une logique commerciale défavorable aux programmes francophone. Néanmoins, la mise en place en 1995 d'une filière francophone d'enseignement au journalisme qui fonctionne bien et une coopération cinématographique franco-libanaise importante permettent de faire évoluer la situation.

Notre politique doit être orientée vers le développement d'un environnement culturel francophone, entendu de manière large (action culturelle et artistique, livre, jeunesse et sports), plus dynamique. À ce titre, il est indispensable d'assurer notre présence dans le secteur audiovisuel sous peine de voir nos efforts en faveur de la francophonie échouer à moyen terme. Télé-Liban a sollicité la réaffectation des montants des protocoles financiers initialement destinés à Radio-Liban, pour la relance d'un projet de canal francophone, « Le Neuf ». Un mémorandum a été signé sur ce sujet à l'occasion de la visite du ministre délégué à la coopération et à la francophonie à Beyrouth les 2 et 28 mars derniers. Une stratégie d'ensemble pour ce secteur, qui est l'une des deux priorités du ministère des affaires étrangères, doit impérativement être trouvée afin de favoriser la présence de programmes audiovisuels français.

La francophonie doit rester l'orientation fondamentale de la coopération franco-libanaise, notamment dans la perspective de la tenue du sommet de la francophonie à Beyrouth en 2001. Cela suppose la poursuite de la politique actuelle menée en faveur du maintien et du renforcement de l'enseignement de la langue française dans le système éducatif libanais. Le poste prévoit d'accentuer son action vers l'enseignement public. L'éducation va être ainsi amenée à devenir l'une des priorités de notre coopération à partir de 2001 avec un important projet du Fonds de solidarité prioritaire de 12 millions de francs sur quatre ans portant sur la formation des enseignants et des chefs d'établissements dans le cadre d'un programme de la Banque mondiale sur la réforme du système éducatif. Nos experts ont déjà joué un rôle déterminant dans la réforme des programmes qui vient de s'achever.

2.- Une action relayée par une coopération scientifique et technique en développement et par une présence économique importante

La coopération scientifique, universitaire et de recherche, tout comme la coopération technique, contribuent à diffuser la culture francophone entendue au sens large.

a) La coopération universitaire

La coopération scientifique, universitaire et de recherche, qui bénéficie de 13 millions de francs en 2000, a permis la mise en place depuis 1996 d'un pôle universitaire à vocation régionale avec la création de l'École supérieure des affaires, ainsi qu'un partenariat rénové avec l'université Saint-Joseph (46). Au total, la seule coopération universitaire qui incluent également des actions en direction de quatre universités libanaises et le programme Amal pour la formation des élites chiites, nécessite l'engagement de plus de 11 millions de francs. Dans le domaine de la recherche scientifique, le programme CEDRE favorise notamment les thèses de cotutelle.

En 1997-1998, 385 étudiants libanais étaient inscrits en France en premier cycle, 534 en second cycle, 1.563 en troisième cycle, 9 en études post-doctorales, soit 2.491 étudiants au total.

La cohérence de la politique française au Liban avec les objectifs de la francophonie multilatérale mérite d'être constatée dans le domaine de la coopération universitaire et de recherche. Trois ans après le démarrage des grands projets prioritaires définis à l'occasion des visites du Président de la République au Liban en 1996, un bilan de notre coopération universitaire et de recherche avec ce pays s'impose.

En effet, l'École supérieure des affaires (ESA) connaît désormais un succès considérable et parvient même à assurer son autofinancement. Elle est née d'un partenariat original entre la Banque du Liban, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et le Gouvernement français. Elle assure une formation de troisième cycle dans les domaines de la gestion des entreprises et des finances, en français et avec des méthodes pédagogiques françaises dans un secteur traditionnellement dominé par les universités anglo-saxonnes. Les 300 élèves déjà diplômés de l'école, qui a ouvert ses portes en 1996, ont pu se placer sans difficulté sur le marché du travail libanais ou dans les pays environnants. La France a mis les locaux de l'ancienne chancellerie diplomatique de Clemenceau à la disposition de cette école et financé leur rénovation. Elle contribue, en outre, par un financement de 6 millions de francs sur cinq ans, jusqu'en 2001, au fonctionnement de l'école. La Banque du Liban, pour sa part, fournit une contribution équivalente et la CCIP nomme et rémunère le directeur général et l'équipe de direction. Le corps professoral est composé d'enseignants du groupe HEC-ISA et du groupe ESCP-EAP, qui se succèdent dans des missions d'enseignement à Beyrouth. Les raisons de la réussite de ce projet résident avant tout dans le choix des partenaires : du côté libanais, une institution solide, la Banque du Liban, dont le gouverneur, partisan résolu de la francophonie et à l'écoute des milieux d'affaires, s'est tout de suite fortement impliqué dans cette opération ; du côté français, la CCIP, forte de son expérience dans l'enseignement de la gestion, a mis à disposition du projet ses plus grandes écoles ; le Gouvernement français, enfin, a apporté les bases logistiques indispensables à l'école ainsi que la garantie de la puissance publique.

Par ailleurs, les vingt-et-un projets mis en _uvre dans le cadre du partenariat rénové avec l'université Saint-Joseph (34 millions de francs sur la période 1997-2000) et le programme CEDRE ont connu un développement relativement satisfaisant. Tout en consolidant les avancées obtenues, en particulier la position de Beyrouth en tant que pôle universitaire régional francophone, il conviendrait de réfléchir, d'ores et déjà, et sur la base de ce bilan, aux nouvelles orientations éventuelles pour l'avenir avec une définition de nouveaux objectifs et partenariats.

On peut regretter que la création d'un Institut universitaire de technologie de Saïda n'ait pas la même réussite, alors même que son enseignement répond à un besoin du pays. Votre Rapporteur spécial rappelle, une nouvelle fois, l'importance de développer, non seulement des pôles de coopération d'excellence, mais également des formations technologiques, la plupart des pays émergents et en développement ayant besoin, avant tout, de bons techniciens.

Cet enjeu apparaît également important en termes de francophonie. En effet, former des cadres techniques en français, c'est aussi les sensibiliser aux technologies françaises, porte ouverte à des synergies entre secteur public et secteur privé pour la diffusion de la francophonie.

L'Agence universitaire de la francophonie dispose, depuis mai 1993, d'une antenne à Beyrouth, qui lui sert de bureau pour le monde arabe. Il s'agissait pour l'Agence de s'installer dans un pays susceptible de servir de porte d'entrée pour l'ensemble du Machrek. Selon le responsable de l'Agence à Beyrouth, rémunéré sur des crédits du ministère des affaires étrangères, le dispositif bilatéral pèche peut-être par une trop grande dispersion, qui a motivé ces dernières années un certain recentrage. La coopération multilatérale n'a pas vocation à se substituer à la coopération bilatérale, mais à la compléter, en particulier dans le domaine de la coopération universitaire. Le statut associatif de l'Agence universitaire de la francophonie permet ainsi de faire participer des établissements de plusieurs pays du Nord et du Sud, sans la charge politique que représente la coopération bilatérale. Ainsi, le recteur de l'université Saint-Joseph peut traiter directement, à pied d'égalité, avec le recteur de l'université d'Ottawa ou de Paris. La parité entraîne la proximité. Cette structure associative permet également de monter des opérations régionales.

Pour chaque projet, l'Agence engage un appel d'offres auquel peuvent répondre toutes les universités francophones. Actuellement, le bureau de Beyrouth organise cinq formations doctorales inter-universitaires dans les domaines de l'agriculture durable en milieu méditerranéen, du calcul intensif, des réseaux de télécommunications et, pour la prochaine rentrée, dans les sciences politiques et les mathématiques financières. Le diplôme d'études approfondies (DEA) inter-universitaire sur l'agriculture durable en milieu méditerranéen réunit ainsi l'université libanaise, l'université Saint-Joseph de Beyrouth, l'université Saint-Esprit de Kaslik, l'Institut national agronomique Paris-Grignon (INA-PG), l'Institut national de recherche agronomique (INRA) et, à l'avenir, une école d'agriculture belge. L'action est financée par les trois universités du Liban et l'AUF, qui prend en charge la mobilité des enseignants français. Les étudiants concernés passent une année pour leur DEA ; les trois ou quatre meilleurs étudiants obtiendront des bourses pour faire une thèse de doctorat en France. Cette formation a concerné environ quarante étudiants depuis 1997. Pour prendre un autre exemple, le DEA inter-universitaire de modélisation et de calcul intensif réunit l'université Saint-Joseph, l'université libanaise, l'université de Reims Champagne-Ardennes, l'Institut pour la recherche en informatique et systèmes aléatoires de l'université de Rennes I et l'École polytechnique fédérale de Lausanne. Des établissements canadiens et marocains sont associés aux autres formations.

L'Agence prend en charge, par ailleurs, le financement d'une partie des mobilités des professeurs et des étudiants dans le cadre de trois filières francophones (droit, audit et contrôle de gestion, régulation et robotique), ainsi que des bourses du programme Cursus intégré pour la mobilité des étudiants (CIME). 146 bourses ont ainsi été distribuées depuis 1990. Enfin, l'AUF offre un accès au réseau Internet et à une bibliothèque d'information et a mis en place une vingtaine de points SYFED (47), y compris au sein de l'Assemblée nationale libanaise.

Le bureau du Liban dispose d'un budget de 3 millions de francs, hors rémunération du directeur et de deux autres employés. Le budget opérationnel est supérieur à 2 millions de francs. Les crédits de personnel permettent de rémunérer cinq employés, sur huit que compte le bureau. Il est manifeste que l'Agence ne peut intervenir qu'en marge des actions européennes ou bilatérales et cela est d'autant plus vrai si l'on considère que les rémunérations les plus élevées sont prises en charge par la France et que l'Agence est hébergée par l'ambassade de France. On peut s'interroger notamment sur l'avantage comparatif apporté par le système de bourses mis en place par l'Agence. Une extension de son action en Syrie, pays ouvert à la francophonie, lui permettrait peut-être de donner à ses actions une assise générale plus forte.

b) La coopération technique

La coopération technique représente 7,9 millions de francs en 2000. Elle apporte un appui substantiel à la restructuration de l'administration libanaise avec diverses opérations de formation : éducation nationale dans le cadre de la réforme du système éducatif, administration économique et financière, Conseil d'État, services de police et de sécurité, actions en faveur des secteurs hospitalier et de santé publique. L'aide au développement porte, notamment, sur l'eau et l'agriculture.

Il apparaît clairement que la coopération agricole est déficiente. Il n'existe pas à proprement parler d'interlocuteur valable sur le plan ministériel dans ce secteur. La coopération décentralisée permet de palier pour partie cet inconvénient. Ainsi, votre Rapporteur spécial a relevé avec intérêt la mise en place d'un projet viticole dans le nord de la plaine de la Bekaa à l'initiative du conseil général de l'Oise, qui finance la présence d'un expert pendant plusieurs années ainsi que des plans de vigne. Ce projet a permis de réunir une dizaine de villages, de confessions différentes, autour du programme de plantation, avec la perspective à terme de créer une coopérative viticole. Ce type de projet permet de structurer un tissu social éclaté et d'ouvrir un dialogue entre les différentes communautés sur la base de l'introduction de l'esprit coopératif, aujourd'hui absent.

c) Une présence économique substantielle

Le Liban, marché de 4 millions d'habitants, importe traditionnellement dix fois plus qu'il n'exporte. En 1999, le pays a ainsi importé 6,2 milliards de dollars de biens et de services et en a exporté seulement 0,6 millard de dollars. Le premier partenaire commercial du Liban est l'Union européenne, qui représente 53 % des importations et 33 % des exportations libanaises. Le Liban a absorbé, en 1999, 3,7 milliards de francs d'exportations françaises, soit quatre fois plus qu'en 1990. La France a importé pour 233 millions de francs de produits libanais.

Selon des sources libanaises, la France reste le deuxième fournisseur du Liban, avec une part de marché de 9,6 %, en légère baisse, après l'Italie qui régresse également à 10,9 %, et devant l'Allemagne (8,9 %), les États-Unis (8 %) et la Suisse (7,1 %). Le Liban demeure le quatrième excédent de la France au Moyen-Orient après les Émirats Arabes Unis, la Turquie et l'Égypte. Il constitue le dix-neuvième excédent de la France. On notera, par ailleurs, le poids très important des PME-PMI dans les exportations françaises vers le Liban. Elles sont plus de 3.000 à exporter régulièrement vers le Liban.

La France est aujourd'hui le principal investisseur étranger au Liban : 1,3 milliard de francs de 1990 à 1998, notamment dans le secteur des services. La plupart des grandes banques françaises y sont implantées, de même que les grands assureurs. Aux côtés de groupes implantés de façon directe (Alcatel Contracting, Bouygues, Schneider...), des PME ont créé, avec des partenaires libanais, plusieurs co-entreprises. Les deux investissements les plus importants réalisés au Liban au cours de ces dernières années ont été réalisés par Total (100 millions de francs) et France Télécom (306 millions de dollars).

Cette présence économique très importante justifie le maintien d'une action de coopération forte avec le Liban. Elle appellerait également plus d'implication des entreprises dans notre action culturelle et francophone, élément essentiel de création d'un environnement favorable aux acteurs économiques.

3.- La nécessité de lier francophonie avec démocratie et développement

Le discours du recteur Abou cité en introduction de ce chapitre consacré au Liban rappelle combien l'idée de démocratie et de pluralisme est liée à l'idée francophone. C'est sur cette base que doit se développer notre coopération en faveur de l'État de droit et du développement économique.

a) Le soutien à l'État de droit

L'État de droit, qui fait partie des priorités de la francophonie multilatérale, doit faire l'objet d'une attention particulière. Le changement de Gouvernement au Liban, comme l'évolution du contexte régional, rendent désormais possible une action plus forte en faveur de la reconstruction d'un État de droit. L'État libanais ne pourra constituer le partenaire idoine au Proche-Orient que s'il trouve stabilité, indépendance et fonctionnement démocratique. En ce sens, la coopération technique institutionnelle est amenée à devenir une de nos priorités au Liban, en particulier l'appui à la réforme de l'État et à la réorganisation de l'administration, qui passe par une remise en ordre du système judiciaire, par la lutte contre la corruption, par l'appui à la sécurité et à la protection civile, et par la réforme de la fonction publique.

b) L'entrée dans la zone de solidarité prioritaire et l'aide au développement économique

Comme votre Rapporteur spécial l'a déjà, à plusieurs reprises, souligné, il n'existe pas de francophonie durable et approfondie sans relations économiques développées, ce qui nécessite de soutenir une politique d'aide au développement forte. D'une part, une francophonie développée favorise l'implantation de nos entreprises. D'autre part, il ne peut y avoir de francophonie durable sans présence des entreprises francophones.

L'inclusion du Liban dans la zone de solidarité prioritaire lui permet d'avoir accès au Fonds de solidarité prioritaire (FSP) qui a remplacé le Fonds d'aide et de coopération (FAC). Un premier projet de développement rural, projet Baalbek-Hermel mené autrefois sur le titre IV (48), pour un total 6 millions de francs, a ainsi été repris sur le titre VI. Un deuxième projet financé sur le FSP dans le secteur de l'eau devrait être prochainement présenté pour un montant de 4,5 millions de francs.

Pour l'avenir, il conviendra de bien articuler les actions du service de coopération avec celles de l'Agence française de développement (AFD), qui doit désormais intervenir dans ce pays, en relais, notamment, des protocoles financiers. Actuellement, l'AFD a lancé un premier projet portant sur l'eau à Jezzine et étudie des projets dans le domaine de l'eau et des transports publics. On rappellera que la limitation de l'élément-don à 25 % du montant des projets par le Trésor implique que l'AFD ne peut accorder que des prêts à 3,5 % sur 10 ans, avec un différé de remboursement de 2 ans. Sans une augmentation de la part de l'élément-don, il est à craindre que l'installation de l'AFD au Liban ne permette pas d'augmenter sensiblement notre aide publique au développement en faveur de ce pays et que la réorientation de notre politique de coopération soit bridée.

D'une manière générale, la programmation devra s'efforcer de supprimer les opérations relevant trop de la substitution et de développer les cofinancements en inscrivant davantage notre action dans le cadre européen (MEDA, notamment pour la réforme de l'administration) et multilatéral (Banque Mondiale pour la réforme du système éducatif, PNUD pour le développement rural).

De fait, la création d'un titre VI au Liban s'est traduite, certes, par la création d'une enveloppe de 15 millions de francs sur le titre VI, mais également par une réduction du titre IV de 7 millions de francs pour 2000. Le premier comité directeur du fonds de solidarité prioritaire a accepté tous les projets des pays africains, et seul le projet libanais de 3 millions de francs a été refusé au motif qu'il ne participait pas réellement à une action de développement, alors même qu'un projet similaire de lecture publique de 12 millions de francs en Afrique (Bénin) a été accepté. Des responsables du Trésor sont venus expliquer les procédures du fonds de solidarité prioritaire au Liban. Mais ces procédures sont trop compliquées et cela n'a sans doute pas été suffisant pour connaître les « ficelles » qui permettent de présenter un projet de manière efficace. Les cultures « Rue Monsieur » et « Quai d'Orsay » ne sont pas encore fusionnées ; dans cette dichotomie, le ministère de l'économie arbitre vers le bas.

In fine, si l'objectif de notre coopération au Liban doit rester la francophonie, il apparaît aujourd'hui nécessaire, dès lors que le Liban est sorti de la guerre depuis dix ans, de s'orienter d'une coopération de substitution à une coopération partenariale, à l'aide, en particulier, des nouveaux instruments mis en place avec l'entrée du pays dans la zone de solidarité prioritaire. D'une manière générale, la francophonie ne doit pas être l'alibi pour accepter tout et accorder une aide de substitution, qui semble acquise, voire due, par nos partenaires. Elle doit, au contraire, être associée à l'idée d'aide projet et d'aide publique au développement moderne.

II.- LA SYRIE : UNE FRANCOPHONIE À ENCOURAGER

La Syrie, pays-clef dans le processus de paix au Proche-Orient, au bord d'une ouverture que chacun se plaît à espérer sur un mode plus ou moins incantatoire, si elle a une histoire commune avec la France, n'est pas un pays francophone à proprement parler. Cependant, au moment où le système éducatif est en passe d'être modernisé, elle apparaît prête à se tourner vers la francophonie. C'est un pays où le message de la diversité culturelle peut porter et où il existe un noyau francophone de confession chrétienne aussi bien que musulmane, qui fait preuve d'un enthousiasme peu commun.

En marge de ce propos, votre Rapporteur spécial souhaite souligner la très grande qualité et le caractère complet des réponses données par le poste de Damas au questionnaire qu'il a envoyé à tous les postes visités. Il s'agit là d'un modèle de réaction face au contrôle parlementaire, un réflexe sain, témoignage d'une grande culture démocratique de la transparence.

A.- UN CONTEXTE RIGIDE SUSCEPTIBLE D'OUVERTURE

1.- Une structure politique et économique monolithique

Depuis une dizaine années, le régime syrien, jusqu'alors soucieux avant tout de stabilité, a amorcé une ébauche d'ouverture et de libéralisation économique qu'il souhaite cependant progressive et contrôlée. Certaines activités économiques ont été ouvertes à l'investissement privé, certaines barrières juridiques et fiscales aux échanges ont été levées, permettant l'émergence d'un secteur privé dynamique. Malgré ces évolutions importantes, l'administration reste fortement centralisée, le secteur public surdimensionné, peu productif et peu flexible. Cette difficulté à répondre à des changements rapides constitue un des points faibles de l'économie syrienne. Le secteur financier, les grandes industries restent également la propriété de l'État et souffrent de nombreux dysfonctionnements. La situation économique du pays s'avère fragile avec une croissance d'à peine 2 %, tandis que la population de 16 millions d'habitants croît de manière rapide à un taux de 3,5 %.

L'ouverture économique engagée à la fin des années 1980 s'est également traduite par un rapprochement avec l'Occident. Les contentieux financiers avec la France et avec la Banque mondiale ont été réglés en 1997, et cet effort se poursuit envers les autres créanciers. L'objectif est de rétablir l'accès aux financements internationaux.

2.- L'action de l'Union européenne

L'Union européenne dispose d'une délégation à Damas. Le programme MEDA I a engagé 65,5 millions d'euros sur la période 1996-1999, dans les secteurs de la réforme administrative et des services publics et de la formation en gestion. La France participe activement au programme européen d'assistance à la modernisation du système bancaire. Le projet d'institut de gestion à Damas devrait être relancé prochainement. Le taux d'absorption de ces crédits apparaît globalement très faible. 105 millions d'euros sont programmés dans le domaine de la modernisation institutionnelle, de la modernisation de l'administration municipale, de l'énergie, des télécommunications, du tourisme culturel.

Entre les premiers protocoles financiers signés entre l'Union européenne et la Syrie et l'année 1995, début de MEDA I, la coopération européenne est passée d'une coopération classique (adductions d'eau, formation professionnelle...) à une nouvelle coopération au sein de la Méditerranée (modernisation et réforme économique), utilisée depuis dix ans dans les pays de l'Est. À la fin des protocoles, on était déjà passé à des créations de centres d'affaires... Dans MEDA I, qui n'a pas encore été mis en _uvre, les programmes ont été réorientés vers des projets d'appui à la modernisation économique (déclaration de Barcelone, accord d'association signé ou en négociation comme en Syrie). La particularité de la Syrie est la suivante : le pays a décidé de participer au processus de Barcelone, après de nombreuses hésitations ; en 1996, elle a demandé une programmation ; en 1998, la Syrie a commencé à négocier l'accord d'association qui n'est rien d'autre qu'un véhicule pour introduire des réformes économiques. Pour certains des 105 millions d'euros programmés, l'argent est réservé, mais il ne s'est encore rien passé. Ces projets sont des dons : réforme de politique à travers une assistance technique, formation, politique d'équipement, du type ordinateur.

Le processus de décision européen, votre Rapporteur spécial l'a déjà souligné, s'avère très long. La mise en place d'une programmation correspond à une déclaration d'intention. Ensuite, des discussions interviennent projet par projet. On peut prendre l'exemple de la création d'un centre d'affaires en Syrie. La première étape consiste à définir le projet à Bruxelles et sur place. Pour ce faire, un consultant est recruté. Un document intitulé « proposition de financement » est préparé. Une fois accepté par le gouvernement local, le document est présenté au comité MEDA, qui donne un avis. S'il est favorable, la Commission décide l'imputation financière.

Le recrutement de consultants apparaît souvent inadapté. Les appels d'offres sont organisés à Bruxelles, où les cabinets anglo-saxons ou hollandais exercent une pression très forte qui leur permet souvent de remporter le marché, alors que leur culture et leurs modes de travail ne correspondent absolument pas au pays concerné. Une décision du Conseil des ministres interdit d'utiliser des experts locaux, alors même que certains États membres disposent d'un avantage comparatif et d'une expérience appréciable dans certains pays.

À l'occasion de la mise en place de MEDA II, il a été décidé de multiplier par trois le montant consacré aux programmes méditerranéens, sans que l'augmentation des ressources ne dépasse 15 %. De fait, on a assisté à un phénomène de transfert des crédits des budgets bilatéraux vers les budgets méditerranéens multilatéraux. Les nouvelles négociations n'ont malheureusement pas ouvert la possibilité de mise à disposition du personnel des États à la Commission. Le règlement MEDA maintient le principe de l'appel d'offres. Or, certains services des ministères, mieux à même d'opérer dans certains domaines, à l'exemple de la direction des relations économiques du ministère français de l'économie et des finances ou de la direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères, ne peuvent soumissionner.

À côté de la continuation du centre d'affaires (modernisation du secteur privé : formation, catalogue technique, mission d'exportation..., expertises cofinancées ), spécifique au secteur des entreprises (de 9 à 12 millions d'euros), un projet d'ampleur est en cours de réalisation. Il s'agit de mettre en place un instrument de modernisation du Gouvernement, qui pourrait toucher toutes les administrations. Cet instrument prendrait la forme d'une cellule placée auprès du ministère du plan et qui bénéficierait d'une enveloppe de 16 millions d'euros de fonds opérationnels sur 21 millions d'euros au total. La formation des fonctionnaires se déroulera en Syrie, sur appels d'offres : les encadreurs viendront du marché.

Il reste que l'accord d'association, préparé depuis 1998, qui impliquerait une mutation économique radicale, suscite une certaine perplexité. De fait, les relations de la représentation française avec le représentant de la Commission sont courtoises, mais l'action de l'Europe a longtemps été bloquée parce que la conditionnalité de l'aide était très forte, alors que la Syrie n'avait pas immédiatement besoin de MEDA et a tardé à signer la convention cadre.

Le Fonds monétaire international n'est pas intervenu en Syrie. La Banque mondiale a suspendu ses prêts en 1986 en raison d'accumulation d'arriérés. Ses concours reprendront après apurement complet de ces arriérés. Un accord a été conclu en juillet 1997 pour le règlement de 550 millions de dollars d'arriérés. Il a permis un remboursement du principal (270 millions de dollars).

3.- L'exemple de la coopération allemande

Avant d'aborder la question du dispositif français de coopération et de soutien de la francophonie, il est utile de présenter en comparaison les relations bilatérales entre l'Allemagne et la Syrie. Jusqu'en 1980, la Syrie était l'un des principaux récipiendaires de l'aide allemande dans la région. Au début des années 1980, le mouvement a été interrompu pour des raisons politiques. Depuis 1991, aucune négociation ni consultation dans le domaine de la coopération n'est intervenue. Aucun nouveau projet n'a été financé. L'Allemagne réclame comme préalable le remboursement de la très importante dette d'environ 1,7 milliard de marks contractée par la Syrie. Cette dette interdit la mise en _uvre de garantie d'exportation par l'agence HERMES, équivalent allemand de la COFACE. Elle motive le refus systématique opposé par l'Allemagne à tout projet européen engagé avec la Syrie.

B.- UNE FRANCOPHONIE DISPERSÉE

Pays-clef de la région du Proche-Orient, État tuteur du Liban, la Syrie, si elle possède un passé commun avec la France, n'est pas un pays francophone à proprement parler. Pourtant, il existe des pôles de diffusion du français dynamiques qu'il convient d'encourager et de soutenir. Le rôle du pays dans les équilibres régionaux et le pari de son ouverture justifient cet effort.

1.- Une francophonie embryonnaire

Le partenariat politique de notre pays avec la Syrie s'intègre dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient, notamment en liaison avec son volet libanais. Pour la France, une Syrie plus ouverte constituerait avec le Liban une zone d'influence francophone très propice. La dernière commission mixte de décembre 1997 a permis de définir des axes précis, parmi lesquels figure au premier chef la coopération universitaire.

Le contexte est marqué par le fait que le français est largement supplanté par l'anglais, bien qu'une tradition de culture francophone demeure vivace dans certaines communautés. Si la Syrie n'appartient à aucune organisation francophone, la demande des Syriens reste forte. Le nombre de francophones reste relativement réduit. À cette faiblesse numérique s'ajoute une image attachée quasi exclusivement à la culture littéraire, qui ignore le français comme langue d'études et de recherches scientifiques. Mais, comme en République tchèque, l'enjeu pour la langue française de l'introduction d'une deuxième langue étrangère obligatoire dans le système d'enseignement est considérable.

18 % des élèves syriens du primaire et du secondaire apprennent le français, soit 285.683 élèves au lieu de 1.588.627 qui apprennent l'anglais. Quant à l'enseignement supérieur, il faut noter que sur les quatre universités syriennes (Damas, Alep, Lattaquié et Homs), seule celle de Homs n'a pas encore de département de français. Le français est enseigné comme filière dans les départements de français des facultés de lettres (un peu moins de 4.000 étudiants) ou bien comme langue pour les étudiants des autres facultés, dans un centre de langues de l'université ou dans les facultés elles-mêmes. L'université syrienne accueille 60.000 étudiants. Plus de 700 professeurs des universités syriennes sont francophones.

2.- Des moyens modestes et un réseau de qualité

a) Des moyens modestes

Si la France est un des premiers pays à avoir repris une coopération financière avec la Syrie, après le règlement de nos contentieux, à l'occasion de la visite du Président Jacques Chirac en 1996, et de la signature en 1997 d'un protocole de 150 millions de francs destinés à financer des projets d'irrigation et d'épuration des eaux. Leur mise en _uvre est cependant laborieuse.

En 1999, l'enveloppe titre IV de coopération de la DGCID se monte à 16,8 millions de francs auxquels s'ajoutent 8,3 millions de francs sur le titre III destinés à financer le fonctionnement du réseau éducatif et culturel : Centre culturel français, Centre de ressources, Agence culturelle de Damas, bureau de coopération linguistique et éducative (49). Par ailleurs, les crédits centraux peuvent être évalués à 7 millions de francs pour les établissements qui relèvent de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et 4 millions de francs pour le fonctionnement de l'Institut français d'études arabes de Damas (IFEAD) et de l'Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO).

PROGRAMMATION EN SYRIE
(1996-2000)

(en francs)

 

1996

1997

1998

OPID (1)

251.750

461.544

430.548

DAAE (2)

381.300

340.943

832.692

DCCL (3)

10.887.450

11.306.931

10.585.640

DCST (4)

10.779.500

9.890.582

8.511.120

TOTAL

22.300.000

22.000.000

20.360.000

       

SERVICES

1999

SERVICES

2000

OPID

916.602

DSPE (9)

3.130.000

DATC (5)

1.017.344

DATC

1.314.960

DCCF (6)

11.427.660

DCCF

7.778.354

DSUR (7)

5.630.558

DSUR

5.546.096

DDCT (8)

1.007.836

DDCT

1.440.590

TOTAL

20.000.000

TOTAL

19.210.000

(1) Opérations inter directions (crédits non préaffectés).

(2) Direction de l'action audiovisuelle extérieure.

(3) Direction de la coopération culturelle et linguistique.

(4) Direction de la coopération scientifique et technique.

(5) Direction de l'audiovisuel et des techniques de communication.

(6) Direction de la coopération culturelle et du français.

(7) Direction de la coopération scientifique, universitaire et de recherche.

(8) Direction du développement et de la coopération technique.

(9) Direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation (il s'agit de la
subvention de fonctionnement du CCF de Damas).

Source : d'après ambassade de France en République arabe syrienne.

Le redéploiement de certaines activités culturelles de Damas vers Alep est à poursuivre et renforcer.

Le service de coopération et d'action culturelle chapeaute un ensemble d'institutions :

· le Centre culturel français de Damas qui propose des cours de langue et des activités culturelles ;

· le Centre de ressources sur la France contemporaine, qui offre au public universitaire une documentation complète sur la France ; situé dans un bâtiment indépendant, il offre une bibliothèque scientifique, un espace multimédia, une vidéothèque, des cycles de conférence, un espace de documentation sur les études supérieures en France ; il met en place des programmes de coopération scientifique et technique entre la France et la Syrie : apiculture, _nologie, chirurgie, médecine...

· le bureau des bourses, situé au Centre de ressources, qui organise le départ de nombreux boursiers syriens en France ;

· le bureau du livre, situé au même endroit, qui contrôle les commandes et la diffusion des livres français dans tout le pays ;

· le Centre de documentation pédagogique, qui met en place avec les ministères syriens la coopération dans le domaine de la diffusion de la langue française ;

· l'IFEAD, qui accueille chercheurs et stagiaires travaillant sur le monde arabe et dont la bibliothèque et les enseignants le placent au premier rang des instituts du monde arabe ;

· l'IFAPO, qui coordonne, en collaboration avec la direction des antiquités et des musées du ministère syrien de la culture, les fouilles et la recherche archéologique en Syrie (21 équipes franco-syriennes) ;

· l'École française de Damas ;

· l'Agence culturelle et de coopération éducative d'Alep ;

· l'École française d'Alep.

LE DISPOSITIF CULTUREL FRANÇAIS EN SYRIE

Nom

Ville

Observations

Service de coopération et d'action culturelle - Service culturel

Damas

Son responsable est également directeur du centre culturel français. 16,8 millions de francs sur titre IV, 8,3 millions de francs sur titre III en 1999.

Centre culturel français

Damas

Cours de français général et spécialisé (français de la santé, de la banque, de la radio et de la télévision, du tourisme). 5.000 étudiants par an. 30 professeurs. Effectif d'une soixantaine de personnes.

Centre de documentation universitaire, scientifique et technique

Damas

Centre de ressources sur la France contemporaine. Bibliothèque scientifique de 2.500 ouvrages, 45 périodiques. Espace multimédia. Catalogue de cédéroms. Une centaine de cassettes vidéo scientifiques. Édition d'une revue scientifique trois fois par an, Nouvelles scientifiques de France et du Proche-Orient. Documentation sur les études supérieures en France. Organisation de conférence. Programmes de coopération scientifique et technique (apiculture, médecine, chirurgie, médecine, _nologie...).

Centre de documentation pédagogique

Damas

Situé au sein du grand lycée de Damas Bachel el-Assad. Créé en 1968. Établissement franco-syrien, chargé de la coopération linguistique et éducative, ainsi que de la documentation relative à l'enseignement de la langue française. Son champ d'action couvre tout le territoire syrien, divisé en quatorze gouvernorats. 16 personnes, budget délégué de 0,8 million de francs.

Institut français d'études arabes de Damas (IFEAD)

Damas

Institut de recherche du ministère des affaires étrangères doté de l'autonomie financière. Cours d'arabe.

Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO)

Damas

Institut de recherche du ministère des affaires étrangères doté de l'autonomie financière. Vocation régionale. Siège principal à Beyrouth.

École française

Damas

653 élèves dont 243 Français.

Agence culturelle et de coopération éducative

Alep

Antenne du centre culturel français de Damas, créée en 1991. 19 personnes. Budget de 0,85 million de francs (dont 0,3 million de francs de subventions).

École française (Mission laïque)

Alep

329 élèves dont 40 Français.

Centre culturel arabe

Alep

Structure syrienne. Présence d'une lectrice de français.

Centre culturel arabe

Lattaquié

Structure syrienne. Présence d'une lectrice de français.

Centre culturel arabe

Homs

Structure syrienne. Présence d'un coopérant du service national. La France est le seul pays étranger à y proposer régulièrement des activités culturelles d'importance.

Centre culturel arabe

Soueïda

Structure syrienne qui accueille des activités culturelles françaises. Présence d'un coopérant du service national qui anime des cours de français.

Source : d'après ministère des affaires étrangères.

b) Le Centre culturel français

Le projet d'établissement du Centre culturel français (CCF) de Damas s'articule autour de trois axes : diffusion culturelle et coopération au développement culturel, diffusion de la langue française, documentation - bibliothèque - Centre de ressources sur la France contemporaine (ex-CEDUST). Ces axes, inscrits dans la logique de la mise en _uvre de la commission mixte, ont été validés par l'ambassadeur et le ministère des affaires étrangères. Le CCF de Damas est un établissement à autonomie financière. Il exerce une tutelle sur l'antenne d'Alep et les cours de langue française donnés à Lattaquié. Les personnels de l'agence comptable font partie des personnels du centre.

Le CCF, dont votre Rapporteur spécial a pu constater l'extrême dynamisme, organise donc des activités culturelles régulières, à la fois à l'intérieur du centre et hors les murs. Ces manifestations, organisées pour la plupart en collaboration avec le ministère syrien de la culture, couvrent les principaux domaines de la vie artistique française et syrienne : expositions régulières d'artistes syriens et d'artistes français, accueil d'artistes français en résidence, spectacles de théâtre français, productions théâtrales en arabe de jeunes artistes syriens, concerts de musique classique, concerts de jazz, concerts de musique actuelle, spectacles de danse contemporaine, cycles de conférences, séances régulières de cinéma français et arabe. L'Association française d'action artistique (AFAA) apporte un concours déterminant à la mise en _uvre du programme de diffusion culturelle par la prise en charge des voyages et le transport du matériel des troupes se présentant dans le cadre de tournées régionales des centres culturels français. Le CCF de Damas est le centre pilote de la majorité des tournées sur la Jordanie, l'Iraq et la Syrie.

S'agissant de l'organisation des cours de français, il faut noter la collaboration qui s'est établi avec la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) et, il faut le souligner, pour la mise en place de cours de spécialités : droit des affaires, commerce international, hôtellerie, tourisme, etc. Le poste d'expansion économique intervient dans la formation et dans l'évaluation. Il labellise la formation, mais n'apporte pas d'argent. La CCIP prend en charge une partie des examens, qui coûtent cher ; elle apporte ainsi 30 % des droits d'examen. Les tarifs sont déterminés en fonction du coût de revient des cours. Ces tarifs doivent être approuvés par le ministère de la culture, autorité locale de tutelle du CCF. Les tarifs du CCF sont inférieurs à ceux du British Council et de l'American Center, et équivalents à ceux des instituts Goethe et Cervantes. Par ailleurs, on peut noter que la bibliothèque-médiathèque accueille environ 17.000 documents.

Le budget du CCF de Damas représente un montant de dépenses de 7,96 millions de francs pour 2000 en programmation. Il faut souligner les difficultés conjoncturelles liées à la dépréciation de l'euro au cours des derniers mois. Le taux de chancellerie en francs pour la livre syrienne est en effet passé de 0,140 à 0,155 entre le début de l'année et le mois de mai. Aujourd'hui, le budget équivaut, en conséquence, à près de 8,13 millions de francs. Le ministère des affaires étrangères a informé les postes qu'aucune compensation ne pouvait être attendue au cours de l'année 2000 ; des mesures d'ajustement vont donc être prises pour intégrer cette donnée liée aux fluctuations monétaires. Votre Rapporteur spécial saisit cette occasion pour souligner que les pertes liées à l'effet change ont des conséquences négatives nettes pour les postes et se résument souvent à de brutales réductions de crédits.

COMPTE FINANCIER DU CENTRE CULTUREL FRANÇAIS DE DAMAS
(1996-2000)

(en livres syriennes) (1)

Rubriques

1996

1997

1998

1999

2000 (2)

Produits

28.783.918

31.148.400

39.950.514

55.350.519

56.867.543

- dont produits de l'activité

9.879.850

14.369.200

18.438.400

20.138.400

24.552.000

- dont subvention de l'État

12.721.600

15.984.000

16.592592

26.712.499

18.842.857

Charges

17.828.804

21.209.650

23.770.376

59.756.176

57.547.559

- dont charges de personnel

14.991.504

18.356.675

20.248.716

23.854.095

28.738.609

Résultat final

+3.323.259

-5.271.468

-1.316.182

-1.940.958

+3.200.759

(1) Une livre syrienne équivaut environ à 0,14 franc.

(2) Prévisions.

Source : d'après ambassade de France en République arabe syrienne.

Il convient de signaler une modification importante intervenue au 1er janvier 2000 avec l'intégration du CEDUST dans le CCF de Damas (et donc du budget du CEDUST) et sa transformation en Centre de ressources sur la France contemporaine.

Par ailleurs, un Centre de langues a été ouvert à Lattaquié le 1er janvier 2000 ; il s'agit d'une annexe du CCF de Damas. Le personnel détaché du CCF de Damas comprend une directrice des cours et un secrétaire général. La responsable de l'ACCEA d'Alep est également détachée. Le conseiller de coopération et d'action culturelle est directeur du CCF de Damas, l'attaché culturel est directeur adjoint.

PERSONNEL DU CENTRE CULTUREL FRANÇAIS DE DAMAS
(1997-2000)

 

1997

1998

1999

2000

Personnel enseignant détaché de l'éducation nationale

2

2

2

2

Coopérant du service national

1

2

2

2

Total des personnels expatriés

3

4

4

4

Personnel contractuel recruté sur place

-

-

-

-

Personnel mensualisé

-

-

21

21

Personnel recruté local

-

-

42

45

Source : d'après ambassade de France en République arabe syrienne.

Comme on l'a vu supra, depuis le 1er janvier 2000, le CEDUST a été intégré dans le CCF de Damas et transformé en Centre de ressources sur la France contemporaine. Depuis le 31 mars 2000 le CRFC dispose d'un accès Internet ouvert au public (inauguration à l'occasion de la quinzaine de la francophonie). Un coopérant du service national en poste au CRFC est plus particulièrement chargé de l'accueil du public pour ces nouvelles technologies de l'information. L'accès à ce service est facturé au coût réel au public qui achète une carte horaire d'utilisation. Le Centre de ressources dispose d'une importante documentation scientifique et technique et de revues plus générales sur la France contemporaine. Un agent bilingue (français/arabe) est chargé de l'accueil et de l'information du public. Les brochures les plus consultées sont : Bulletin du CIDJ, Je vais en France, les brochures d'information sur les centres de langue. Les demandes du public sont recensées (par thème et par type de public) grâce à un système de fiches de demande. La plupart des ouvrages et des revues sont en consultation directe. La documentaliste est à la disposition du public pour des recherches personnalisées (15 à 20 demandes par jour). La consultation du poste Internet est effectuée en direct après achat de la carte horaire.

Dans le domaine culturel, l'Allemagne arrive en deuxième position après la France. L'Institut Goethe est très actif. Des milliers de Syriens ont fait leurs études en ex-République démocratique d'Allemagne. Plusieurs universitaires sont germanophones. La clientèle est difficile, elle comprend de nombreux anciens communistes, qui regrettent fortement les relations privilégiées. De nombreux archéologues allemands travaillent en Syrie.

L'Angleterre limite ses activités aux cours de langue dans le cadre du British Council de Damas. L'Espagne dispose d'un centre culturel assez actif (Institut Cervantes), l'Italie doit ouvrir un centre culturel en 2000. La Russie ne développe plus de coopération et se contente de louer les salles de l'important centre culturel dont elle dispose à Damas à des organisateurs locaux de manifestations culturelles. Les États-Unis dont le centre culturel était peu actif ont encore réduit leurs activités à la suite des événements de décembre 1998 ; ils mettent en place un programme de cours de langue et offrent des bourses universitaires et de découverte. L'Iran dispose d'un centre culturel actif à Damas. Le Danemark possède un centre archéologique. L'Autriche a mis en _uvre une manifestation en 1999 (séminaire d'histoire contemporaine), avec le concours de l'ambassade de France.

c) Le centre de documentation pédagogique

La coopération linguistique et éducative s'appuie sur une structure franco-syrienne, le centre de documentation pédagogique, créé en 1968, à la suite de la nationalisation des établissements d'éducation. Il fait donc office de bureau de la coopération linguistique et éducative. Toutes les décisions sont prises en coopération entre le ministère syrien de l'éducation et le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France (bureau de coopération linguistique et éducative). À l'origine, le centre avait pour vocation de former des enseignants, chercheurs et spécialistes pour l'enseignement et la promotion de la langue française et d'assurer le suivi de la didactique des disciplines scientifiques et techniques dans l'enseignement primaire et secondaire. Au fil des années, l'activité s'est concentrée sur la première mission, en raison notamment du fait qu'il est impossible de créer des filières bilingues en Syrie, l'arabe restant la seule langue d'enseignement. Le centre participe à la formation des boursiers syriens qui s'apprêtent à partir en France (65 candidats en 1999-2000).

Le centre compte 16 personnes, y compris l'antenne d'Alep. Il dispose d'un budget délégué de 0,8 million de francs pour accomplir ses missions d'information, de documentation, de formation, d'animation, d'élaboration de matériel pédagogique et d'évaluation. Le centre de Damas, installé dans un grand lycée de la capitale, ancien lycée franco-arabe de la Mission laïque créé en 1925, offre une bibliothèque de bon niveau et des animations régulières. Il bénéficie, par ailleurs, d'un peu moins d'un million de francs de crédits centraux permettant notamment le financement de personnels (3 lecteurs, 4 moniteurs, 4 stagiaires, 4 coopérants du service national). Il couvre pratiquement l'ensemble des volets nécessaires à la promotion de notre langue : formation des élèves du primaire et du secondaire (soit dans des lycées « normaux », soit dans des classes bilingues), formation des étudiants en général et des étudiants des départements de français en particulier, formation initiale et continue des professeurs, autant d'activités auxquelles on peut ajouter l'organisation de cours ouverts au public, qui relève de la mission du centre culturel.

d) Les écoles françaises de Damas et d'Alep

Les écoles homologuées par le ministère français de l'éducation nationale jouent également un rôle important en formant en français les enfants de l'élite syrienne. Une évaluation externe de notre action dans les départements de français des universités d'Alep et de Damas devra être effectuée, ainsi que pour les actions de formation à distance, si celles-ci devaient être étendues. La coopération éducative concerne essentiellement un appui à l'enseignement technique, secteur qui devrait accueillir à terme, 70 % des élèves après la classe de troisième.

ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES HOMOLOGUÉS PAR L'ÉDUCATION NATIONALE EN SYRIE

           

Nom

Ville

Conventionné avec l'AEFE

Types d'enseignement homologué

Nombre d'élèves

Frais de scolarité

(en francs) (1)

École française d'Alep (Mission laïque française)

Alep

Non

De la maternelle à la seconde

329 dont 40 Français

13.230 (école)
13.770 (collège)
14.850 (lycée)

École française

Damas

Oui

De la maternelle à la terminale

653 dont 243 Français

8.400 à 12.700

(1) taux utilisé : 1 SYP = 0,135 FF.

Source : d'après Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

L'école française de Damas est une école de droit syrien. Une convention a été signée entre le président de l'association de parents d'élèves, fictivement créée en France (50), et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Les murs sont loués. Le matériel appartient à l'école. La tutelle du ministère de l'éducation nationale syrien est légère mais existe. La France joue le jeu d'une coopération qui s'inscrit dans le cadre d'accords. D'autres pays ont opéré une installation sauvage, à l'exemple de l'école américaine, rattachée à l'ambassade américaine mais non reconnue par le droit syrien, et qui, de ce fait, ne supporte pas les contraintes éprouvées par les écoles françaises. La seule chose que peuvent faire les autorités est d'interdire aux Syriens de s'y inscrire. Pour entrer à l'école française, les enfants syriens et palestiniens doivent obtenir une dérogation, ce qui n'est pas évident.

L'école de Damas est installée depuis 1971. Les locaux ont souvent changé. Depuis deux ans, un bâtiment accueille le lycée, un autre le collège, tandis qu'un bâtiment pour l'école primaire est loué « à prix d'or » en banlieue. Les espaces de vie scolaire sont réduits, des espaces de circulation hors norme. Les conditions matérielles sont relativement difficiles. Il n'y a pas d'espace de réunion ni d'archivage. Il apparaît évident que le projet de construction d'un nouveau bâtiment, qui réunirait toutes les composantes de l'école, sur un terrain situé en centre-ville et rétrocédé à la France par l'armée syrienne, s'avère indispensable et mérite d'être suivi avec attention. Une mission d'un spécialiste de l'immobilier du ministère de l'éducation nationale et d'un cadre financier des affaires étrangères a d'ores et déjà été conduite. Une deuxième mission est intervenue par la suite. Une nouvelle mission interviendra en septembre 2000. Le concours devrait avoir lieu au début de l'année 2001 et le début des travaux en 2002, pour une enveloppe estimée à 40 millions de francs.

Les promotions sont passées progressivement de 10 à 30 bacheliers. Les premiers bacheliers syriens ont fini leur cycle supérieur et tous ont obtenu des postes de responsabilité, en Syrie ou à l'étranger. Il n'y a pas eu un seul cas d'échec. L'objectif à terme est d'avoir un lycée de 900 élèves avec 30 élèves par classe et deux niveaux.

L'école française de Damas a un avantage sur toutes les écoles privées. C'est la seule école qui n'est pas qu'une école de langue. Le pays la soutient. Les Anglais ne pourraient sans doute pas bénéficier de la même situation favorable. Cette école a rempli un vide dans un pays où, jusqu'en 1967, existait une éducation privée, essentiellement française. Demeure une tradition de francophonie, qui a repris. La clientèle locale existe, au-delà des expatriés. Cette école a donc une vocation très importante.

Les parents syriens veulent transmettre à leurs enfants cette tradition de francophonie (maristes, lazaristes, lycée français avant 1967...). La scolarité coûte relativement cher par rapport au niveau de vie : le droit d'écolage varie de 1.000 à 1.500 euros, de 6.000 à 12.000 francs (tarifs les plus bas de la région pour les écoles françaises). Le comité de gestion fournit un effort important pour favoriser les familles syriennes qui sont allées en France et qui reviennent dans le pays, mais qui n'ont pas forcément les moyens financiers. L'école a acquis un respect important dans le contexte local. Les personnes qui ont des revenus importants essayent désormais de mettre leurs enfants dans l'école française ; l'enseignement apparaît meilleur. La motivation n'est pas seulement économique. De plus en plus, des jeunes gens qui réussissent viennent de l'école française ; l'école est appelée à former des cadres.

L'équipe pédagogique est formée d'une cinquantaine d'enseignants. Le taux d'encadrement de titulaires est important, avec sept expatriés et treize recrutés locaux. Il y a trente-quatre enseignants français, d'où un ratio élevé. Les recrutés locaux sont embauchés sur le fondement d'un diplôme : la licence. Le niveau technique est bon, mais la partie pédagogique fait parfois défaut. Pendant la guerre du Golfe, certains recrutements se sont fait dans des conditions exceptionnelles, qui ont joué dans l'histoire de l'école. La Syrie n'apparaît pas comme un pays attractif. Or, les marges de man_uvre pour inciter les Français à s'expatrier sont faibles : prime d'installation, billet d'avion. Faute de présence économique française, l'école ne bénéficie pas de mécénat suffisant pour proposer de tels avantages.

Il existe une école de la Mission laïque française à Alep. Établissement créé le 1er septembre 1997, il dépend de la direction des établissements privés du ministère de l'éducation syrien. Il est dirigé par un directeur nommé par la France et par un directeur nommé par la Syrie. Il n'existe pas d'association représentant l'école en tant que telle. Les parents et les enseignants élisent leurs représentants au conseil d'administration. En droit, le directeur nommé par la France est directeur adjoint. Le consul de France à Alep et le conseiller culturel sont membres de droit du comité d'établissement. Le directeur participe à la réunion mensuelle des chefs de service et d'établissement du service culturel. Les relations sont étroites avec le consulat, notamment concernant la confection des dossiers de bourses nationales, les questions d'état civil ou d'ordre social et de recensement

Les effectifs enseignants sont adaptés aux besoins de l'école. Une récente mission d'inspection a notamment souligné la qualité de l'équipe pédagogique du primaire. L'école ne dispose pas de conseiller d'éducation, de personnel socio-médical ou de conseiller d'orientation mais cela constituerait un « luxe » compte tenu de la taille d'un établissement dont le problème principal est sans aucun doute d'avoir grandi trop vite. Une ouverture modulée des sections (primaire puis secondaire) aurait sans doute permis de mieux gérer budgétairement le développement de l'école d'Alep. Les détachés budgétaires (expatriés) sont recrutés et affectés par la Mission laïque française. Les contrats locaux à l'année sont recrutés après appel d'offres, ils bénéficient d'un contrat écrit conformément à la législation locale du travail. Cette dernière peut rendre très délicate l'administration d'éventuels contentieux avec ces personnels. L'école d'Alep applique les programmes et horaires nationaux et distribue l'année scolaire conformément aux instructions nationales : trente-six semaines de classe, divisées par cinq périodes de congés. Tous les enseignements se déroulent en français, excepté les cours de langues.

Le Pakistan a plusieurs écoles dans la région ; l'enseignement s'y déroule en anglais. Il y a également une école iranienne, une petite école hollandaise. On peut relever qu'il existe une demande des Allemandes mariées avec des Syriens pour obtenir une école allemande. Mais l'ambassade a estimé que les effectifs d'expatriés étaient trop faibles. Les binationaux peuvent s'intégrer au système syrien. Un projet de rapprochement avec l'école français a échoué. De plus, l'Allemagne ne souhaite pas voir l'intrusion du pouvoir syrien dans l'éducation.

e) L'Agence culturelle et de coopération éducative d'Alep

L'Agence culturelle et de coopération éducative d'Alep (ACCEA) est une antenne du centre culturel de Damas, créée en 1991. Elle est liée géographiquement et institutionnellement au consulat de France à Alep. Il faut rappeler que les États ne sont autorisés à n'ouvrir qu'un seul centre dans le pays, d'où la solution d'une agence, qui dispose, en réalité, d'une certaine autonomie. L'agence d'Alep est à la fois un centre de ressources et un pôle organisateur d'activités culturelles spécifiques (expositions de peintures et de photographies, lectures de poésie, fête de la musique, journées de la francophonie). Elle organise, par ailleurs, des activités éducatives. Elle a ainsi accueilli 336 élèves de janvier à juin 2000 au lieu de 398 sur toute l'année 1999. Elle emploie six professeurs de français langue étrangère, originaires de France. Est adjointe à l'agence une résidence d'artistes, destinée à accueillir des articles en contrat avec le centre culturel français.

L'agence d'Alep emploie 19 personnes : une directrice et un coordinateur pédagogique expatriés, 11 vacataires, dont 5 professeurs de français, une lectrice sur un contrat de résident, ainsi qu'un fonctionnaire de l'éducation nationale syrienne. Les ressources de l'agence s'élèvent environ à 850.000 francs. La subvention du ministère des affaires étrangères représente 300.000 francs. Les ressources propres issues des cours de français et des manifestations culturelles s'élèvent à un montant similaire. Le complément provient du centre de documentation pédagogique de Damas. Les dépenses de personnel représentent 52 % des dépenses et les dépenses de fonctionnement 13 %. Les activités culturelles proprement dites absorbent 19 %.

Un dispositif semblable, bien que de moindre importance, est présent à Lattaquié.

f) Les instituts de recherche

En matière de recherche, la France dispose avec ses deux instituts, l'IFAPO et l'IFEAD, de deux pôles d'excellence, reconnus par les autorités syriennes et références pour les chercheurs. Les relations avec l'IFEAD et l'IFAPO peuvent être qualifiées d'excellentes. Des réunions de travail régulières sont organisées avec les deux directeurs. Ces derniers informent le conseiller de coopération et d'action culturelle des actions qu'ils mettent en _uvre. Des rencontres avec l'ambassadeur sont organisées périodiquement. Les chefs de mission archéologique rencontrent l'ambassadeur et le conseiller de coopération à l'occasion de leurs passages. Le service de coopération et d'action culturelle est l'interface privilégiée dans les relations entre la direction générale des antiquités et des musées (ministère syrien de la culture) et les instituts basés à Damas.

L'IFAPO ET L'IFEAD

PÔLES D'EXCELLENCE DE LA RECHERCHE FRANÇAISE

I.- L'Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO)

Fondé en octobre 1946 sous l'égide du ministère des affaires étrangères, l'Institut français d'Archéologie de Beyrouth, devenu en 1977 l'Institut français d'Archéologie du Proche-Orient (IFAPO), est un maillon dans la chaîne des grands instituts archéologiques français à l'étranger.

Il a été fortement marqué par la personnalité riche et originale de son fondateur, Henri Seyrig, qui a joué un rôle de premier plan non seulement dans le renouvellement de la recherche archéologique et historique sur le Proche-Orient, mais aussi dans l'histoire de la France Libre et dans le développement de l'art et de la culture au Liban et dans le monde. Il était au centre d'un réseau d'amis qui comprenait le groupe surréaliste français, des écrivains et des poètes libanais comme G. Schéhadé, des architectes comme Le Corbusier, des sculpteurs comme A. Calder et des peintres dont les _uvres éclairaient la vieille maison Beyhoum. À sa création l'Institut s'est installé dans la maison patricienne de la famille Beyhoum, construite en 1850, qui abrita pendant sept mois, en 1856, l'émir Abd el-Kader en exil.

Autour de la bibliothèque, la plus riche du Proche-Orient, à laquelle Henri Seyrig avait apporté tous ses soins, l'Institut s'est d'abord développé comme un centre de recherche réunissant, autour du directeur et des pensionnaires, des savants d'Europe et du Proche-Orient dans un projet commun : explorer la région en cherchant monuments et documents inédits susceptibles d'ouvrir de nouvelles voies à la réflexion historique.

Sous la direction de personnalités comme D. Schlumberger et E. Will et avec la collaboration d'architectes comme R. Duru, R. Amy et P. Coupel, qui ont fortement marqué la discipline, l'Institut s'est tourné vers l'étude architecturale et historique de grands sites comme Baalbek, Palmyre, Cyrrhus (1952) et plus tard Tell 'Arqa (1972).

Dès ses origines l'Institut s'est engagé dans la voie de grandes études régionales avec la Mission archéologique française en Syrie du Nord, qui poursuit son travail d'inventaire et d'interprétation d'une vaste zone rurale avec sa trame presque complète de villages et d'équipements agricoles.

C'est à l'Institut de Beyrouth que sont nées les premières applications françaises à l'archéologie d'une « informatique avant l'ordinateur ». J.-Cl. Gardin, encouragé par H. Seyrig, y a développé les premières bases de données « mécanographiques » sur fiches perforées. H. Seyrig a mis en place le programme de publications avec la revue Syria et la collection de la BAH (Bibliothèque archéologique et historique).

Le tournant majeur a été la guerre du Liban, qui a fait essaimer à Damas et à Amman une partie des membres qui se sont tournés alors davantage vers les activités de terrain. Avec l'ouverture de chantiers de fouilles et de programmes de prospections dans les trois pays, sont apparues de nouvelles orientations de recherche, de caractère plus collectif. Elles étaient imposées par l'évolution même des méthodes d'investigation archéologique des trente dernières années, et ont ouvert de nouveaux secteurs à la recherche, en exploitant en particulier les données géologiques, archéozoologiques et archéobotaniques et en faisant appel à l'analyse spatiale et à l'archéométrie.

Comme les autres instituts archéologiques et historiques dans le monde, l'IFAPO est le support local, logistique et technique de toutes les missions françaises (hébergement, prêt de véhicules et de matériel topographique,...) ; il veut être aussi un centre d'impulsion et de diffusion de la recherche. Avec ses trois sites, Beyrouth, Damas et Amman, l'IFAPO a une vocation régionale marquée. Ses personnels scientifiques et techniques sont souvent appelés à intervenir dans les trois pays, avec des équipements mobiles. En plus des personnels propres, chercheurs (pensionnaires et boursiers) et techniciens, l'IFAPO va accueillir des spécialistes européens pour des séjours de durées variables. Le centre est financé à 90 % par le ministère des affaires étrangères, le reste venant des universités.

Fidèle à l'esprit de son fondateur, l'Institut a élargi le champ de ses recherches à l'ensemble du Proche-Orient, de la préhistoire à l'avènement de l'Islam. Il apporte son appui à toutes les disciplines et techniques qui renouvellent la connaissance historique, de l'archéométrie à l'épigraphie et à la numismatique.

L'Institut s'efforce aussi de répondre aux demandes de ses interlocuteurs locaux ; il travaille en étroite relation avec les directions générales des antiquités des pays hôtes et définit avec elles ses grandes orientations.

À leur demande, il contribue à la sauvegarde et à la mise en valeur du patrimoine archéologique régional et à la formation de chercheurs, administrateurs et techniciens locaux. Ces objectifs ont conduit l'IFAPO à organiser, à côté de conférences, des séminaires et des stages de formation approfondie, aussi bien dans les domaines scientifiques que techniques. Dans ses activités, il travaille avec les grandes universités des trois pays, entre autres l'université du Yarmouk en Jordanie. La collaboration avec les autres instituts de recherche étrangers installés dans la région se renforce, et s'inscrit de plus en plus dans des programmes européens. L'IFAPO commence à bénéficier de l'appui de mécènes (Fondation BNP, EDF Mécenat Technologique, BOUYGUES-BTP, ELF).


L'Institut dispose de deux bibliothèques complémentaires :

- au Liban, le fonds ancien de la bibliothèque Henri Seyrig est réinstallée à Beyrouth (15 000 livres, 7.500 numéros de périodiques au total 45.000 volumes) et sa remise à jour a été commencée grâce à une aide de la Fondation BNP.

- à Damas, sont réunies les collections acquises depuis 1975 (7.500 livres, 6.200 numéros de périodiques).

La nouvelle salle de lecture, à Beyrouth, permet aujourd'hui d'en élargir l'accès aux étudiants avancés. L'inventaire informatisé de la bibliothèque, mené à terme en 1997, assure la productivité de ce capital. Il porte sur la totalité des fonds des trois centres de l'IFAPO. Une diffusion sur cédérom et sur Internet est en cours et constitue un instrument d'échanges avec les autres centres archéologiques de la région. Aux bibliothèques s'ajoutent les fonds de cartes et de photographies (45.000 clichés à Damas). Ces collections doivent être développées en coordination étroite avec les autres institutions présentes sur les mêmes sites (catalogues communs, politique d'acquisitions coordonnée).

Grâce à l'aide d'EDF Mécénat Technologique, l'IFAPO a créé depuis plusieurs années déjà un petit laboratoire mobile pour le traitement des objets métalliques (en particulier les monnaies). Cette activité va connaître un nouveau développement avec la création d'un laboratoire, équipé par EDF à Beyrouth, qui permettra de réaliser dans les meilleures conditions des traitements de base sur la céramique, le verre, le métal, les enduits muraux.

À l'avenir de nouvelles collaborations se développeront entre l'IFAPO et les missions archéologiques françaises sur des thèmes comme : cartographie, analyse de l'espace antique et inventaire du patrimoine, analyse architecturale, restauration et présentation, modèles urbains entre Orient et Occident, cultures nomades et sédentaires à l'échelle régionale, histoire des technologies (lithique, céramique, métal, pierre d'_uvre).

L'IFAPO employait, en 1999, 47 personnes, dont 6 personnes expatriées rémunérées sur titre III et 2 personnes rémunérées sur titre IV. Le budget de l'IFAPO atteint 5,57 millions de francs en emplois, dont 2 millions de charge de personnel et 1,1 million de charges de fonctionnement, et 4,9 millions de francs en ressources, dont 3,5 millions de subvention du ministère des affaires étrangères, hors rémunération du personnel sur titre III.

II.- L'Institut français d'études arabes de Damas (IFEAD)

L'IFEAD est un établissement du ministère des affaires étrangères doté de l'autonomie financière, semblable, dans son statut, à l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) d'Istanbul ou à l'Institut français de recherches iraniennes (IFRI) de Téhéran ou encore à l'Institut français d'études sur l'Asie centrale (IFEAC).

Son histoire remonte à la création, en 1922, de l'Institut français d'archéologie et d'art musulman, dépendant du Haut Commissariat français, et d'abord installé au Palais Azem. Une section scientifique française des arabisants (composée de 4 pensionnaires) lui est rattachée en 1928, et, en 1930, est créé l'Institut français de Damas. Devenu, depuis 1946, Institut français d'études arabes de Damas, l'établissement occupe aujourd'hui un bâtiment dont l'État français est propriétaire, situé dans le quartier d'Abou Rommané et développant 1.400 mètres carrés sur cinq niveaux.

L'immeuble abrite une bibliothèque spécialisée de 70.000 volumes, une cartothèque, une cellule de publication assistée par ordinateur, un libre service informatique à l'usage des chercheurs, des services administratifs, des bureaux réservés aux programmes, aux chercheurs et aux professeurs attachés à l'IFEAD, des salles de réunion, des salles de cours pour les enseignements de perfectionnement en langue arabe et quelques chambres d'hôtes pour les chercheurs de passage.

Les ressources de l'institut sont passées de 6 millions de francs à 5,2 millions de francs entre 1996 et 2000, tandis que le coût du personnel sur titre III est estimé à 4 millions de francs. La subvention du ministère est passée sur la même période de 2,4 millions de francs à 2,6 millions de francs. Les ressources propres atteignent 40 % du total. C'est un des seuls instituts à abonder son budget à ce niveau. L'IFEAD reçoit une très faible subvention du ministère de la recherche pour ses publications.

Le domaine géographique des compétences de l'IFEAD privilégie l'ancien Bilâd al-Châm (Syrie, Liban, Palestine, Jordanie). Les directorats successifs auront tantôt encouragé les études d'histoire, d'archéologie et de philologie portant sur les périodes médiévales, et tantôt les recherches en sciences sociales et en linguistique. L'établissement accorde une grande place, dans le recrutement de ses chercheurs, à la formation en langue arabe et assure lui-même deux stages annuels de complément de formation arabisante pour des étudiants se destinant à la recherche.

Les Presses de l'Institut français de Damas ont édité, depuis leur création, 177 titres d'ouvrages en arabe et en français auxquels s'ajoutent 50 livraisons d'un périodique annuel (comité de lecture et reconnaissance du CNRS), de vocation généraliste à l'intérieur des études arabes et de réputation internationale : le Bulletin d'études orientales. Un conseil scientifique composé d'universitaires, de chercheurs, de représentants de l'éducation nationale, du CNRS et des directeurs ou présidents des grands établissements français d'études arabes (INALCO et IREMAM) contrôle les orientations de l'établissement et propose au ministère des affaires étrangères la désignation des cadres et des chercheurs français.

L'effectif de ces derniers se compose de pensionnaires effectuant des recherches post-doctorales (trois pensionnaires scientifiques français), de boursiers doctorants (quatre « bourses d'appui à la recherche » du ministère des affaires étrangères), d'allocataires du ministère de l'éducation nationale et de titulaires de bourses « Lavoisier » auxquels se joignent des chercheurs syriens émargeant au budget de l'IFEAD (une secrétaire scientifique, deux pensionnaires et plusieurs enseignants chercheurs) et des « chercheurs associés » de nationalités différentes. L'IFEAD alloue par ailleurs des bourses prises sur ses ressources propres. Au total, l'institut accueille 53 personnes en 2000, dont 6 agents expatriés recrutés sur titre III, une personne mise à disposition et 46 personnes recrutées localement. Ces effectifs sont répartis en 4 personnels de direction, 10 professeurs, 10 personnes affectées à la recherche, 8 personnes à la bibliothèque, 10 à la maintenance et 7 à l'administration. Le directeur de l'IFEAD souligne en ce qui concerne l'adéquation des effectifs aux besoins de l'établissement que « la croissance de l'institut depuis le début des années 90 n'a pas été suivie d'un renforcement de l'encadrement administratif et l'établissement a un besoin critique d'un secrétaire général spécialisé et compétent ».

Le ministère de l'éducation nationale confirme chaque année son engagement dans la mission de formation de cet établissement par une subvention importante et par l'attribution de 8 bourses de la délégation aux relations internationales et à la coopération à des étudiants arabisants licenciés et désireux de parfaire leur formation linguistique pour aborder la recherche dans les meilleures conditions. À ces huit boursiers s'associent tous les ans une vingtaine d'étudiants de nationalités très diverses s'acquittant de leurs frais de scolarité pour suivre les enseignements dispensés par une dizaine de professeurs syriens chevronnés.

Le ministère de l'éducation nationale met, de surcroît, à la disposition de l'Institut, un maître de conférences en mission de longue durée, en charge de l'administration et des orientations pédagogiques du stage d'arabe. L'Institut jouit, auprès de ses partenaires syriens, d'une confiance que lui vaut la qualité et la rigueur de ses travaux, et le rayonnement de sa bibliothèque. Elle permet aux chercheurs qu'il accueille, et dont il se porte garant, de tirer le meilleur parti possible de leurs séjours d'étude.

Les relations de l'établissement avec le ministère syrien de la culture et la direction générale des antiquités de Syrie comme avec l'université de Damas et l'Académie de langue arabe lui permettent de les aider à recueillir la documentation dont ils ont besoin et à multiplier les contacts avec les intellectuels syriens. Les activités scientifiques de l'Institut sont nombreuses (tenue d'un séminaire de recherche hebdomadaire commun entre l'IFEAD et l'IFAPO et organisation annuelle de plusieurs colloques).

L'IFEAD affiche quatre programmes de recherche « lourds »  : un atelier, récent et prometteur, sur les études relatives à l'histoire du mandat français au Levant, un programme lexicographique portant sur la constitution d'un nouveau dictionnaire de l'arabe parlé syrien, un atelier, ancien, travaillant sur le recensement du patrimoine du vieux Damas extra muros et un programme conjoint franco-syrien de recherches archéologiques à la citadelle de Damas.

Hors ces programmes, l'IFEAD accueille des doctorants travaillant sur des domaines très différents, allant de l'actuelle bioéthique musulmane à la première islamisation de la Syrie, en passant par la littérature moderne, l'histoire des mathématiques médiévales, les développements urbains de Damas à l'époque ottomane et la géographie des marges arides (l'inventaire n'est pas exhaustif). L'institut met à leur disposition des structures d'information et de documentation et des aides de toutes sortes qu'aucun autre établissement n'est à même de leur fournir. Il les invite, de surcroît, à participer à un séminaire hebdomadaire au cours duquel il est demandé à chacun de s'acquitter, dans le courant de l'année, d'une communication portant sur l'état de ses travaux.

Votre Rapporteur spécial a pu constater que les locaux qui abritaient, dans le centre de la ville, l'IFEAD et l'IFAPO étaient anciens, inadaptés, et se révélaient aujourd'hui saturés. Il faut également rappeler que l'IFEAD loue deux dépôts pour ses publications, le premier situé dans la lointaine banlieue de Damas, le second étant un dépôt de proximité, plus exigu et plus cher. Depuis cette année, l'IFEAD et l'IFAPO louent, par ailleurs, conjointement pour un loyer dont le montant est symbolique une maison du XIXème siècle située dans un ancien quartier de la ville d'Alep. Or, s'agissant de Damas, il est prévu de construire, dans une zone périphérique sans être excentrée, une maison de France, qui réunirait les deux instituts dans des locaux spacieux et fonctionnels. Si l'on veut préserver la qualité de ces outils et offrir aux futurs chercheurs des conditions matérielles satisfaisantes, répondant à de réels critères de modernité, ce projet apparaît raisonnable, et ce d'autant plus qu'il permettrait un échange de compétences encore plus soutenu. Il ne s'agit pas de fusionner les deux institutions et de leur faire perdre leur identité, mais de leur assurer un environnement convenable. On pourrait envisager d'installer également dans les nouveaux locaux le centre de ressources sur la France contemporaine. Les montants investis par le contribuable dans ces institutions méritent d'être utilisés au mieux et doivent servir l'intérêt général, qui est, dans le cas d'espèce, gouverné par la qualité de la recherche et des coopérations avec la Syrie.

Une réforme des instituts de recherche du ministère des affaires étrangères est en cours à l'heure actuelle. Est prévue l'institution d'une double tutelle, allant vers un partage des charges. L'IFEAD pourrait devenir un lieu de réflexion pour une information des décideurs politiques. Les États-Unis ont beaucoup d'espaces universitaires qui renseignent les politiques, beaucoup plus que les structures universitaires françaises.

3.- Des actions concentrées sur la coopération universitaire et linguistique

a) La coopération linguistique et éducative

Jusqu'au milieu des années 1960, l'élite syrienne était formée par des établissements francophones, souvent confessionnels mais aussi dépendant de la Mission laïque française. 1967, année de la nationalisation des établissements scolaires, constitue de ce point de vue une rupture Aujourd'hui, les francophones constituent une minorité dans la minorité dirigeante, mais elle est active et tend à remonter en nombre. Il est donc important de maintenir une coopération linguistique et éducative forte.

L'enseignement primaire est réparti sur six années, soit une de plus qu'en France. Depuis quelques années, l'enseignement de la langue étrangère commence en cinquième année et continue l'année suivante en sixième. L'enseignement secondaire est constitué de deux cycles, un cycle préparatoire de trois ans et un cycle secondaire correspondant au lycée français où la langue étrangère continue d'être enseignée. Depuis cette année 1999-2000, l'enseignement d'une deuxième langue étrangère est introduit à titre expérimental, en première année du cycle secondaire dans quinze écoles pour enfants dits « surdoués ». La généralisation de cette expérience constitue un enjeu pour notre coopération. Il faut constater que le niveau de formation des professeurs de français est plutôt bas, tandis que les méthodes restent traditionnelles et peu attrayantes.

Votre Rapporteur spécial tient à souligner la qualité de l'expertise apportée par le centre de documentation pédagogique. Si les moyens du centre apparaissent satisfaisants au regard de l'état actuel du français en Syrie, ils risquent de s'avérer insuffisants pour répondre au défi de l'introduction d'une deuxième langue étrangère obligatoire dans le système d'enseignement. Il s'agira également de développer les formations spécialisées, dans les domaines du tourisme et de l'hôtellerie notamment. La formation de professionnels francophones s'avérera fondamentale, si l'économie du pays tend à s'ouvrir à des investisseurs étrangers.

b) La coopération universitaire et de recherche

La coopération universitaire, pour laquelle un comité mixte a été créé en mai 1999, mobilise plus du tiers de l'enveloppe, soit 7,2 millions de francs. Elle comprend un programme à coûts partagés de formation doctorale en France des assistants des universités syriennes. Ce programme intéresse 140 étudiants syriens, la Syrie prenant en charge les voyages, une allocation d'entretien et les charges d'une « cotutelle » pédagogique, la France se chargeant des missions de sélection en Syrie, de la couverture sociale des étudiants et des coûts de formation, y compris linguistique. 70 boursiers dits « de marque » dont seule la couverture sociale est à la charge de la France et 25 boursiers du Gouvernement français complètent ce dispositif.

Cette coopération tend à s'appuyer de plus en plus sur des accords entre universités syriennes et françaises. L'accent est porté sur les disciplines techniques et « professionnalisantes », notamment pour les cadres des ministères techniques, sans exclure les domaines linguistiques et littéraires. Le domaine de l'administration publique n'est pris en compte que par quelques stages en France.

La question centrale de la coopération franco-syrienne concerne la place occupée par le programme de bourses. Ainsi, plus de 300 docteurs syriens sont en formation en France, dans le cadre d'un programme « Assistants ». La partie syrienne paye la scolarité et le transport (90 % du coût total), avec cette remarque que les Syriens bénéficient de l'outil universitaire français dont le coût n'est pas évalué. Son cofinancement par la partie syrienne témoigne d'un véritable intérêt des autorités. La formule semble correspondre au nouveau développement du pays. De plus, dans un pays au régime « fermé » comme celui-ci, la formation en France de futures élites constitue souvent une stratégie d'attente « rentable » à terme. Mais, cette politique mériterait d'insister sur les disciplines administratives, économiques et juridiques par rapport aux sciences pures et à la littérature. Dans cet ordre d'idées, l'absence de boursiers Eiffel, comparée à la quarantaine de bourses accordées au Liban, révèle les limites de l'opération.

Cette coopération doit donc s'affiner et poser clairement le choix des types de formation (administration publique, gestion, sciences appliquées et technologie) permettant de toucher les catégories les plus dynamiques de la société syrienne : futurs décideurs, cadres, scientifiques en contact avec le monde industriel, consultants. Un dispositif élaboré en fonction de ces objectifs pourra intégrer l'ensemble du cycle scolaire et universitaire, ainsi que des formations linguistiques spécialisées.

Il reste que les boursiers demandent de préférence des études médecine. 75 % des médecins formés à l'étranger reviennent en Syrie, qui connaît cependant une certaine surmédicalisation. Les Syriens ne peuvent plus aller aux États-Unis, ni en Angleterre, compte tenu des frais d'inscription. Dans le domaine de l'architecture, les trois quarts des architectes syriens sont formés en France. Mais le DPLG délivré en France n'est pas un diplôme de l'université et les architectes recommandent aujourd'hui à leurs élèves d'aller en Allemagne et en Angleterre.

En 1997-1998, 82 étudiants syriens étaient inscrits en premier cycle en France, 181 en deuxième cycle, 999 en troisième cycle, et 11 en cycle post-doctoral, soit 1.273 étudiants au total.

En outre, la coopération comprend des appuis aux départements de français des universités, la mise en place de diplômes professionnels, un appui à l'enseignement primaire et secondaire - par le biais de la mise à disposition d'animateurs pédagogiques, de l'envoi de manuels scolaires et d'un enseignement à distance -, et le développement de filières d'excellence dans certains établissements publics et privés.

Hors départements de langue, un enseignement de langue étrangère est obligatoire en première et deuxième année. 17 % des étudiants choisissent le français. En troisième, quatrième et cinquième années, les étudiants doivent choisir une spécialisation de langue (tourisme, affaires...). On peut peut-être constater une légère remontée de l'enseignement du français, en raison d'une volonté politique, ce qui se traduit par des facilités en termes de formation continue et de coopération inter-universitaire. La mise en place d'une politique globale se pose donc, notamment dans le cadre de MEDA. S'agissant de la coopération de la formation des cadres en économie et gestion d'entreprise, un projet de 14 millions d'euros d'école supérieure de commerce a été mis en place ; le décret a été signé par le président, à la mi-septembre 1999. Un appel d'offres est organisé ; un consortium européen pourrait être impliqué, la France pourrait se placer (voir infra).

Le département de français de l'université vise l'auto-reproduction. Une ouverture légère s'est faite sur le français langue étrangère pour permettre d'offrir des débouchés. Ainsi deux sections sont en cours d'expérimentation, l'une dédiée au tourisme, l'autre aux affaires. Il est nécessaire pour les entreprises françaises de trouver un personnel francophone. L'autre enjeu important serait de trouver des professeurs syriens de français pour une deuxième langue étrangère obligatoire bientôt dans le secondaire.

Par le biais des assistants, le français doit être enseigné pour sa modernité, en tant que langue utile. C'est tout l'objet du programme « Assistants », qui débouche sur une formation supérieure en France. Une opération de renforcement logistique des départements de français est en cours, afin de rehausser le niveau dans le secondaire, toujours en liaison avec l'introduction d'une deuxième langue étrangère obligatoire.

Quant à la recherche, il faut indiquer que, très largement inspiré du modèle soviétique (plusieurs milliers de chercheurs ont été formés dans les républiques de l'ex-URSS), le système de recherche syrien peut être caractérisé à la fois par son ambition et par son peu d'efficacité. En effet, comme en URSS, deux secteurs de recherche cohabitent : le secteur universitaire, qui regroupe quatre universités (Damas-Lattaquié-Alep-Homs), avec 3.877 enseignants et chercheurs (chiffre 1998) et 151.502 étudiants (chiffre 1999) au total, et qui se consacre en priorité à l'enseignement et à la formation, et le secteur ministériel de recherche, qui comprend des centres et instituts spécialisés relevant de ministères techniques.

Un Conseil suprême des sciences, créé en 1958, et comprenant douze comités spécialisés est chargé d'élaborer la programmation scientifique du pays, et d'organiser, chaque année, des colloques et une semaine scientifique. Ce Conseil, dont l'autonomie est importante, est rattaché au ministère de l'enseignement supérieur. Des relations étroites et des passerelles existent entre ces deux secteurs institutionnels. Les chercheurs des centres assurent, en effet, des cours universitaires et des professeurs d'universités sont amenés à participer à des projets de recherche mis en _uvre dans les établissements spécialisés.

Créé dans les années 1960, à l'époque où la Syrie entendait jouer un rôle de leader dans le monde arabe, le système de recherche, dès sa conception, affichait son ambition. Il s'agissait de redonner à la science arabe, « mère de la science occidentale », la place qu'elle occupait dans le monde, au moment de son âge d'or, et, compte tenu du contexte géopolitique de l'époque et à l'instar de l'Égypte et de l'Iraq, la priorité était donnée aux programmes de recherche à vocation militaire mais les projets de recherche concernant tous les domaines liés au développement (agriculture, santé, technologie...) bénéficiaient également d'un soutien politique et financier important.

Les difficultés économiques et sociales provoquées par les deux conflits israélo-arabes, la disparition de l'aide massive accordée par les ex-pays de l'Est, en particulier dans le domaine de la formation des universitaires et des scientifiques ont eu des conséquences désastreuses pour la mise en _uvre et le développement de ce plan ambitieux : diminution des crédits d'équipement et de fonctionnement, fuite des cerveaux vers les pays du Golfe et vers les pays occidentaux, conflits entre les laboratoires des universités et ceux des centres pour obtenir des crédits de fonctionnement et de recherche. Les grands programmes de recherche, même militaire, sont actuellement en « panne » mais d'une façon paradoxale cette pénurie de moyens a permis à la « recherche appliquée » de se développer en Syrie d'une façon satisfaisante.

De nombreux secteurs (textile, agro-alimentaire, génie civil...) ont pu se développer grâce au soutien méthodologique et scientifique des chercheurs et des scientifiques qui ont pu, ainsi, rentabiliser directement leurs compétences et trouver, sur le terrain, les moyens financiers de poursuivre leurs recherches et de développer leur savoir-faire technologique.

c) La coopération culturelle et technique

La France mène quelques actions dans le domaine du livre et des échanges artistiques (théâtre), accompagnés de formations socioculturelles, qui bénéficient essentiellement à une élite locale.

Dans le domaine audiovisuel, un appui est apporté à la coopération entre France-Télévision et l'Office de radiotélévision arabe syrienne (ORTAS) en matière de formation, sur place et en France, et d'expertise technique. Les chaînes françaises reçues sont Arte, TV5, Canal Plus Horizons. On ne peut donner aucun chiffre d'écoute fiable. En revanche, il faut constater que les promesses de TV5 ne sont, à ce jour, par tenues et que le nombre d'émissions sous-titrées en arabe sur le satellite Arabsat (seul moyen d'intéresser un public peu francophone) n'est guère élevé... Pour certains observateurs locaux, la pratique de rediffusion instituée à TV5 donne plus de chance d'être vus à des films médiocres, les actualités canadiennes dans des pays qui ont des liens avec la France ne sont pas adaptées, tandis la qualité d'information serait moins bonne que sur la Deutsche Welle ou la BBC.

L'absence de liberté d'association et la faiblesse de l'autonomie locale constituent deux obstacles non négligeables au développement de relations de coopération décentralisée, sur lesquelles doivent pouvoir s'appuyer les relations bilatérales. Sont en cours de finalisation des projets de partenariat entre Lyon et Alep, entre Nancy et Homs, entre Poitiers et Tartous dans le cadre de Cités Unies. Une esquisse de partenariat Marseille- Lattaquié et Damas-Paris apparaît.

Quatre projets plus modestes de coopération technique ont été lancés dans les secteurs de la médecine, de l'agronomie, de la gestion de l'eau agricole, et de l'apiculture. Les domaines de coopération technique identifiés par le poste ces deux dernières années doivent maintenant donner lieu à un recentrage clair, en fonction des critères habituels : domaines d'excellence française et qualité des partenaires, retours, « débouchés » sur les projets multilatéraux, etc. On relèvera qu'un protocole financier de 150 millions de francs, portant sur le financement de stations d'épuration des eaux et d'équipement d'irrigation dans la vallée du Khabour, a été signé en 1997.

Les coopérations entre hôpitaux sont importantes, peut-être trop par rapport aux autres secteurs de la coopération aux yeux des observateurs. Ainsi l'Institut Pierre et Marie Curie et l'hôpital de médecine nucléaire de Damas ont conclu un partenariat. Dans le domaine de la transfusion sanguine, la demande de coopération est forte et un docteur formé en France a souhaité lancer un système qui ne relève pas du ministère syrien de la défense, mais de celui de la santé. Un accord a été signé avec l'Agence française du sang dans ce cadre. Il est intéressant de noter qu'un colloque a été organisé à ce propos, que les spécialistes et les chercheurs étaient français, tandis que l'appareillage était uniquement américain, compte tenu du refus exprimé par les sociétés français de venir présenter leurs matériels. Là encore, on peut regretter la frilosité de certaines entreprises françaises qui attendront d'obtenir des financements publics et d'être prises en charge par les services de l'ambassade pour investir le marché syrien, alors même que des voies leur étaient d'ores et déjà ouvertes. Elles oublieront sans doute également que la France a investi de l'argent public pour former des médecins syriens francophones, à même d'être plus ouverts à la technologie française.

d) L'ébauche d'une coopération institutionnelle

Affichée comme une des priorités à l'issue de la dernière commission mixte de 1997, la coopération institutionnelle, visant à aider une administration syrienne sinistrée à former ses cadres et à se moderniser, a connu un début de relance au cours des derniers mois. Nos partenaires ont manifesté le souhait de voir leurs cadres profiter des filières de formation (courtes et longues) des structures françaises (IIAP, ENA) désertées depuis plus d'une dizaine d'années. Cette demande a connu un début de réponse avec la programmation de plusieurs bourses de stages à l'IIAP.

La modernisation et l'adaptation de la Syrie à la modernité ne passent pas par la seule réhabilitation de son administration. Les enjeux économiques et financiers sont aussi décisifs et les besoins de formation des cadres constituent un défi de première importance qui est fortement souligné par les représentants syriens du secteur entrepreneurial. Des réponses sont déjà apportées dans le cadre d'accords particuliers entre chambres de commerce (appui de la Chambre de commerce de Paris). Dans ce domaine, le décret présidentiel qui vient de fixer les conditions d'ouverture du futur Institut supérieur de gestion de Damas (décret du 14 septembre 1999) devrait permettre le lancement du programme européen d'appui à cet institut (14 millions d'euros). Un appel d'offres devrait être lancé au cours du premier semestre 2000 afin de désigner le consortium de grandes écoles qui accompagnera la mise en place de l'institut de gestion de Damas. Le choix du consortium emmené par le groupe HEC-ESCP permettrait d'établir un pôle régional de formation (ESA de Beyrouth-ISG de Damas) où nous aurions des postions fortes, confortant la mise en _uvre d'un axe prioritaire du Département. Une attention particulière sera portée à ce secteur en 2000.

e) Une coopération économique embryonnaire

Si les échanges commerciaux sont relativement favorables, en revanche, la coopération économique est limitée à la présence d'une entreprise française pétrolière.

S'agissant des échanges commerciaux, l'Allemagne avec 8,1 % du total, en 1997, était le premier pays exportateur en Syrie, avant l'Italie et la France (3,2 %). En 1998, l'Allemagne conservait la première place avec 7,1 %, suivie par l'Italie avec 6,5 %, l'Ukraine avec 5,8 %, la France avec 5,5 %, puis par la Turquie et les États-Unis. Les exportations syriennes étaient principalement dirigées vers l'Italie (24,5 %), la France (19,6 %) et la Turquie (10 %). En 1998, les principaux clients de la Syrie restaient l'Italie avec 21,7 % du total des exportations, la France avec 17,6 %, suivie par la Turquie et le Liban.

L'environnement économique étant peu favorable à l'investissement direct étranger, un nombre limité de groupes internationaux est implanté en Syrie. Ils interviennent à titre principal dans les secteurs pétrolier et agroalimentaire. Ainsi, un seul groupe français est implanté localement, Total-Fina, qui a investi, au cours de la dernière décennie, environ 600 millions de dollars. L'entreprise assure 15 % de la production nationale, en deuxième position derrière Shell. Il reste que la Syrie est classée sur l'échelle 7 de la COFACE, qui est l'un des seuls assureurs crédit à avoir repris ses engagements sur la Syrie. Elle gérait un encours de 740 millions de francs, dont 581 millions de francs d'arriérés consolidés au 31 mars 1999. Cependant, il faut constater que les entreprises allemandes et américaines ont su s'adapter à la donne locale et conclure des accords avec des partenaires locaux, relais de leurs actions. Comme souvent, les entreprises françaises apparaissent très hésitantes face à l'intermédiation et préfèrent souvent investir directement, alors même que les conditions particulières à tel ou tel pays peuvent exiger un autre mode de commerce. Ce seront autant de marchés perdus lorsque l'investissement direct sera facilité.

La mise en _uvre des protocoles financiers destinés à financer des projets d'irrigation et d'épuration des eaux, évoqués supra, s'avère laborieuse.

Votre Rapporteur spécial a souhaité rappeler les missions du poste d'expansion économique, afin de mesurer l'étendue des services qu'une entreprise francophone peut attendre de ce « portail » vers les marchés locaux. Ainsi, le poste d'expansion économique de Damas fournit des données de base, destinées à faire connaître l'environnement économique du pays ou un secteur particulier (sa taille, les concurrents, les obstacles et les incitations à l'importation, les circuits d'entrée, les outils de promotion). Il offre des conseils pour des contacts avec des interlocuteurs syriens et des conseils pratiques pour faciliter la venue d'entreprises en Syrie.

En outre, le poste d'expansion de Damas propose, moyennant une facturation commune à tous les postes d'expansion, les prestations suivantes : une note sectorielle ou thématique approfondie, un diagnostic sur le marché assorti d'une liste personnalisée d'opérateurs syriens, une information ou une étude sur mesure, une mission de prospection commerciale en Syrie, incluant une analyse du marché et un programme de rendez-vous. Enfin, pour une demande nécessitant un traitement particulier (résolution d'un litige, implantation industrielle, conseils juridiques, recherche de financement), le PEE apporte une première réponse et oriente l'entreprise vers des partenaires spécialisés.

En résumé, notre dispositif de coopération, satisfaisant, peut et devrait évoluer dans le futur, compte tenu du fait qu'il est aujourd'hui très largement dominé par la coopération linguistique et éducative et mériterait de prendre une place plus large dans le domaine de l'économie, des institutions, de la coopération urbaine, de la coopération décentralisée. Mais le contexte est particulier : régime autoritaire, collectivités locales sous tutelle... Des pistes sont ouvertes, il existe des frémissements. On peut espérer que dans les mois qui viennent un type nouveau de coopération puisse se développer. Les problèmes régionaux (exclusion, ville, eau, éducation, francophonie) pourraient trouver des solutions adaptées dans une offre renouvelée de coopération.

Dans le contexte actuel, le désir de modernité et de libéralisation sourd donc fortement derrière une façade autoritaire, toujours en place mais qui tend à se lézarder. La tentation du mouvement s'accompagne du désir de maintenir la paix sociale et la sécurité. L'image d'une « Syrie entre deux » se dessine, celle d'un pays qui reste un acteur majeur de la région, un pays méditerranéen historiquement lié à la France et dont il ne faut pas exclure qu'il pourrait à terme intégrer la famille francophone dont il pourrait faire aussi légitimement partie que le Vietnam, la Roumanie ou le Nouveau-Brunswick...

Nous sommes mieux placés que d'autres pour intervenir culturellement dans des pays comme la Syrie. C'est le seul moyen d'ancrer la francophonie dans un terreau stable et durable. En conséquence, il serait souhaitable de rééquilibrer nos flux de coopération entre le Liban et la Syrie, où l'effet multiplicateur des crédits alloués apparaît plus fort, compte tenu de la part importante des coûts pris en charge par les Syriens dans les programmes de coopération. L'entrée de l'ensemble de la région dans la zone de solidarité prioritaire permettrait de développer des programmes régionaux.

III.- LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE : ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE ET FRANCOPHONIE

Le plus simple pour introduire la question francophone en République tchèque est sans doute de rappeler quelques propos du plus célèbre écrivain tchèque en France, Milan Kundera : « Quand un éditeur chinois, un universitaire américain feignent de ne pas apercevoir la place qu'occupe la France dans mon travail, est-ce une ignorance ? Ou est-ce autre chose ? (...). Car la francophobie, ça existe ! C'est la médiocrité planétaire voulant se venger de la supériorité culturelle française (...). L'arrogance francophobe m'offense personnellement. » (51).

Mais, cet attachement est très loin d'être général en République tchèque, bien que l'on constate, depuis la mise en mouvement du processus d'adhésion de ce pays à l'Union européenne, un mouvement favorable à la francophonie.

A.- LE CONTEXTE LOCAL ET RÉGIONAL

La République tchèque connaît depuis 1996-1997 des turbulences politiques et économiques qui ont ralenti le rythme des réformes. Le Gouvernement minoritaire de M. Zeman, mis en place après les élections législatives de juin 1998, a permis un relatif apaisement des tensions mais l'absence de majorité freine l'application des réformes structurelles indispensables.

La situation économique est dominée par une dégradation préoccupante des indicateurs : croissance faible, voire négative, regain d'inflation, fragilisation du système de financement de l'économie par la crise bancaire, réapparition du déficit des finances publiques, affaissement des investissements étrangers, progression rapide du chômage. Le Gouvernement a adopté plusieurs mesures pour faire face à cette situation, notamment un plan de revitalisation de l'industrie tchèque, mais il est prématuré de risquer un pronostic sur leurs chances de succès.

Les Tchèques sont hostiles à une institutionnalisation exagérée des processus de coopération régionale, comme le Groupe de Visegrad, par crainte d'un effet de freinage sur l'adhésion à l'Union européenne. Ils préfèrent les forums informels, à l'image de la rencontre des sept présidents d'Europe centrale, organisée par le président Havel à Litomysl en 1994 et qui se répète chaque année. Le nouveau Gouvernement semble toutefois accorder plus d'importance à la coopération régionale, comme Visegrad mais aussi le CEFTA et l'initiative centre-européenne, ce qui peut constituer, pour la France, un biais intéressant de coopération. Les changements politiques à Prague et Bratislava ont permis une amélioration significative des relations entre les deux pays, matérialisée par la déclaration commune signée par les premiers ministres en novembre 1998. Les relations avec l'Allemagne, qui est le tout premier partenaire de la République tchèque, marquées par la « déclaration de réconciliation germano-tchèque » du 21 janvier 1997, s'affirment progressivement, malgré la permanence du problème sudète.

S'agissant de la coopération internationale, l'intégration euro-atlantique est la grande priorité de la politique étrangère tchèque. L'adhésion à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) est effective depuis le 12 mars 1999. Le processus de négociation avec l'Union européenne est en cours depuis mars 1998, la République tchèque faisant partie de la première vague des pays candidats. Huit chapitres d'acquis communautaire ont pu être provisoirement clos, mais les négociations se heurtent aux nombreuses demandes de périodes de transition et de régimes dérogatoires en provenance de Prague. Par ailleurs, l'opinion tchèque paraît peu mobilisée en faveur de ce processus.

Les relations politiques franco-tchèques ont connu un essor fondé sur notre appui au double élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN. Nos relations économiques demeurent modestes mais ont connu cette année un essor significatif : la France est passée à la quatrième place en termes d'échanges derrière l'Allemagne, l'Autriche et la Slovaquie. De même, les flux d'investissements placent notre pays en quatrième position.

B.- UNE COOPÉRATION CENTRÉE SUR LE PROCESSUS DE PRÉADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE

Notre partenariat avec la République tchèque souffre d'un déficit d'image, notamment face à l'Allemagne, et d'une certaine difficulté à promouvoir notre savoir-faire, comme l'illustre le relatif échec que nous avons rencontré en matière de jumelages institutionnels.

Notre coopération technique concentre ses moyens sur l'appui au processus de préadhésion. Elle porte en particulier sur la formation des fonctionnaires tchèques aux affaires européennes, la coopération juridique (formation de magistrats au droit communautaire et mise à disposition d'un magistrat auprès du ministère tchèque de la justice). Les difficultés organisationnelles que rencontre l'administration tchèque dans la préparation à l'adhésion plaident en faveur de la poursuite de notre effort dans ce domaine, notamment par l'extension de la filière partiellement francophone de Brno, formée en collaboration avec l'Institut d'études politiques de Rennes, et qui pourrait devenir un institut franco-tchèque d'administration publique. Il convient également de poursuivre l'action engagée en matière de coopération juridique.

Notre aide porte également sur le soutien au processus de réforme régionale (assistance à la création d'agences de développement régional, échanges entre villes jumelées, comme Brno et Rennes), la mise en place de filières francophones et l'appui aux jumelages institutionnels. La France ne réalise toutefois aucun jumelage en tant que chef de file, mais est associée à trois jumelages, dans les domaines de l'agriculture, des finances et de la politique régionale et a remporté des contrats de service PHARE, avec l'intervention du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) auprès du ministère de l'environnement. Ainsi, s'agissant de l'aide à la reprise de l'acquis communautaire, notre effort doit porter sur les domaines où les faiblesses sont les plus manifestes. C'est en particulier le cas pour le traitement des conséquences sociales de la restructuration des secteurs de l'acier et du charbon, où notre expertise est demandée, ou l'environnement. La création d'agences d'intervention en matière agricole et la réforme de l'administration territoriale sont également des chantiers où notre intervention pourrait être utile.

La coopération décentralisée peut être développée, sur la base des contacts déjà noués entre collectivités locales françaises et tchèques et en vue de la réforme de l'administration territoriale. Dans ce but, l'organisation en mars 2000 des Assises franco-tchèques des villes et régions constitue une opportunité essentielle.

La coopération en matière de recherche s'appuie sur le programme d'actions intégrées Barrande 2000 en matière d'échanges scientifiques de haut niveau entre laboratoires français et tchèques et le Centre français de recherches en sciences sociales (CEFRES), dont les travaux concernant les sociétés des pays d'Europe centrale à l'époque contemporaine se développent en prenant appui sur le réseau des établissements de recherche de la région.

Notre présence sur le plan scientifique doit permettre de développer la mobilité des universitaires, des chercheurs et étudiants par le biais du programme Barrande 2000, et, dans le domaine des sciences sociales, à travers le CEFRES, qui pourrait être renforcé, en vue de l'intégration dans les programmes européens (cinquième PCRD).

C.- UNE FRANCOPHONIE CIRCONSCRITE, EN REDRESSEMENT SENSIBLE

1.- L'état de la francophonie en République tchèque

En 1989, la francophonie en République tchèque était au niveau le plus bas de toute l'Europe centrale et orientale. Ceci explique l'importance de l'effort consenti dans ce pays par la France, dès le lendemain de la « Révolution de velours ».

Un sondage réalisé en juin 2000 par un organisme privé de sondage sur une commande de l'ambassade de France à Prague révèle un véritable intérêt chez les Tchèques pour la langue française. Une très grande majorité estime que le français est très important ou moyennement important au sein de l'Union européenne, alors même que seulement 16 % des Tchèques se déclarent en contact avec la langue française plusieurs fois par an et 50 % ne le sont jamais. Le français suit l'anglais, qui s'impose comme une langue internationale, et l'allemand, traditionnellement influent en pays tchèques. Parmi les personnes interrogées qui se considèrent comme appartenant à la couche sociale supérieure, 49 % estiment que le français est très important et 39 % comme moyennement important. On retrouve là une constante dans les pays non francophones : le français bénéficie d'un avantage comparatif au sein de l'« élite ». 12 % des Pragois maîtrisent ou apprennent le français ; dans les autres régions, la moyenne est de 7,5 %. Au total 7 % de la population adulte affirme maîtriser ou apprendre le français, au lieu de 3 % lors d'un précédent sondage. En résumé, 4 % de la population tchèque adulte parvient, au moins partiellement, à communiquer en français. Près de 50 % se disent capables de communiquer en allemand et en russe et 30 % en anglais. Ainsi, le français occupe la troisième place, mais loin derrière l'anglais et l'allemand, le russe ayant une place particulière, en déclin rapide.

Le redressement du français s'accompagne d'une « francophilie », en particulier chez les jeunes. L'appétence pour notre langue a sauté deux générations et représente un élément non négligeable du processus d'adhésion à l'Union européenne. C'est, en partie, dans cette perspective que la République tchèque a demandé un poste d'observateur au sein de l'Organisation internationale de la francophonie.

La réforme en cours dans l'enseignement pourrait permettre le développement en primaire et collège d'une seconde langue vivante : le français pourrait s'y développer. Le français, loin derrière l'anglais et l'allemand - l'anglais qui remplace l'allemand depuis quatre ans comme première langue vivante étrangère d'enseignement- reste la troisième langue vivante étrangère et ce de façon stable après avoir connu un essor considérable après 1990. Il convient de relever l'essor récent de la langue espagnole dans les écoles de langues. La montée certaine du français dans le supérieur reste limité par le numerus clausus et les restrictions budgétaires.

L'appétence pour la langue française semble être vérifiée par la récente affluence aux certifications de diplôme élémentaire et approfondi de langue française (DELF/DALF). Il convient donc d'offrir une réponse à cette demande des jeunes et de s'en donner les moyens. Parallèlement à cet effort de publicité il convient également de ne pas négliger la formation des enseignants de français (dont la moyenne d'âge est d'environ 45 ans) à de nouvelles démarches (pédagogie par projets dans le cadre des programmes européens par exemple) et à de nouveaux outils leur permettant de répondre à l'envie de français des jeunes.

2.- La nécessité de maintenir un réseau culturel solide

a) Un réseau diversifié

De nombreuses institutions françaises et tchèques ont concouru à permettre au français de redresser sa situation par rapport aux « années de plomb » de la période précédente.

 

LE DISPOSITIF CULTUREL FRANÇAIS EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Nom

Ville

Observations

 

Service de coopération et d'action culturelle (Mission culturelle française)

Prague

Service de l'ambassade qui chapeaute l'ensemble du réseau culturel et de coopération en République tchèque. Le conseiller de coopération et d'action culturelle est également directeur de l'Institut français de Prague. 24 millions de francs de crédits d'intervention pour 2000, hors crédits du COCOP. 170 personnes employées au total par la mission culturelle française, y compris dans les lycées.

Institut français de Prague

Prague

3.620 élèves ont assisté aux cours de langue en 1999, au lieu de 2.066 en 1998. Nombreuses activités culturelles. Budget d'environ 12,5 millions de francs.

Centre de recherches en sciences sociales (CEFRES)

Prague

Institut de recherche du ministère des affaires étrangères doté de l'autonomie financière créé en 1991. Voir encadré infra.

Lycée français

Prague

L'établissement accueille 420 élèves dont plus de la moitié est de nationalité française.

Institut franco-tchèque de gestion

Prague

L'entrée dans cette filière francophone nécessite, outre la maîtrise de la langue tchèque et française, la possession d'une maîtrise. Elle fut lancée en 1991 en partenariat avec l'ambassade de France et la FNEGE (en partenariat avec l'IAE de Lyon, de Nice et de Paris, l'ESC de Nantes) et accueille 25 étudiants en moyenne par année

Alliances françaises

Prague, Brno, Ostrava, Plzeñ, Liberec, Pardubice

Associations de droit local dont les statuts ont été approuvés par l'Alliance française de Paris

La saison 1998-1999 a offert des cours à 869 étudiants.

Des alliances vont être créées à Louny, Zlin et Pribram.

Clubs franco-tchèques

Kromeriz, Usti nad Labem, Louny, Zlin

Associations locales non reconnues par Paris, mais relais de l'action linguistique et culturelle de l'ambassade

Sections bilingues dans quatre lycées tchèques

Prague, Brno, Olomuc, Tabor


-

Implantations dans les universités

Prague, Liberec, Plzen, Ceske Budejovice, Ostrava, Olomuc, Brno

-

Filières francophones spécialisées

Prague, Brno, Olomuc, Ceske Budejovice

- Les « cours d'introduction au droit français », dispensés à la faculté de droit de l'université Charles depuis 1995 en partenariat avec l'ambassade de France et l'université Paris II. Cette filière comprend 60 élèves et nécessite la possession d'une licence.

- Le « diplôme franco-tchèque d'administration publique » comprend 60 étudiants. Cette filière nécessite la possession d'une licence et est implantée à l'université Masaryk de Brno, en partenariat avec l'ambassade de France et l'université Rennes I.

- Le « magistère d'administration économique et sociale » de la faculté de lettre de l'université Palacky à Olomouc, en partenariat avec l'ambassade de France et l'université Lille III. Cette filière lancée en 1995 comprend 100 étudiants ; un niveau de première année d'université est suffisant pour y entrer.

- La filière « Gestion et comptabilité des entreprises » de l'université de Bohème du sud, à Ceske Budejovice en partenariat avec l'ambassade de France et l'université de Savoie. Lancée en 1995, elle comprend 45 étudiants. Un niveau de première année d'université est suffisant pour y entrer.

 

Source : d'après ministère des affaires étrangères.

L'Institut français de Prague, héritier d'une longue tradition d'échanges universitaires, demeure un acteur reconnu de la vie culturelle à Prague par une programmation très professionnelle et une participation significative aux différents festivals et aux manifestations. L'Institut organise des cours de langue (3.620 élèves en 1999), assure la diffusion de la culture et de la langue française. Il est l'opérateur principal des projets franco-tchèques et multilatéraux. Dans un proche avenir, va être organisée une manifestation « Prague capitale européenne de la culture », sous présidence française, tandis que se prépare la saison culturelle tchèque en France en 2002. 

Outre le service culturel, scientifique et de coopération, l'Institut français de Prague constitué en centre de coopération culturelle et linguistique, notre dispositif compte également un réseau d'Alliances françaises.

Né dès 1886 d'un contexte francophile et d'une volonté politique affirmée, le réseau tchécoslovaque de l'Alliance française a été, jusqu'en 1938, parmi les plus denses du monde. Dissous en 1948, il s'est reconstitué au début des années 1990, souvent par la transformation d'associations culturelles tournées vers la France ou d'embryons de comités de jumelage et a rapidement servi de point d'appui pour l'action culturelle française en province, la coopération éducative passant davantage par les attachés linguistiques et conseillers pédagogiques en province. Le réseau tchèque est passé de six associations début 1998 à dix en juin 2000. Les dix villes concernées réunissent environ 15 % de la population tchèque. Cinq de ces établissements, sous l'appellation de clubs franco-tchèques, ne sont cependant pas des alliances françaises stricto sensu, mais en ont adopté la formule sans solliciter le label décerné par l'Alliance française de Paris. Ce développement est lié d'une part au souhait de l'ambassade de disposer de relais dans les régions au moment où le dispositif de l'Institut français s'allège et où la rationalisation de l'action culturelle est rendue nécessaire par des contraintes budgétaires, mais constitue également une manière souple de répondre à la demande exprimée par certaines villes tchèques. On notera que les Alliances françaises de Plzeñ et de Pardubice sont logées dans des « maisons européennes ». Le réseau scolarise près d'un millier d'étudiants par an, dont plus de la moitié est concentrée à Brno et à Plzeñ. Les cours de français apportent un complément financier de 0,4 million de francs. Le réseau organise des festivals de culture française, connus sous le nom de Journées françaises.

L'action des Alliances françaises est coordonnée par la délégation générale, basée à Brno, où se trouve l'établissement le plus important. La subvention attribuée aux Alliances en République tchèque atteint 0,87 million de francs en 2000. Elle est gérée par la délégation générale, qui propose et coordonne les tournées artistiques. Elle assure également un appui logistique important et finance largement les activités culturelles. Outre le délégué général, par ailleurs attaché de coopération pour le français et directeur de l'Alliance de Brno, l'État français prend en charge un coopérant du service national.

Le réseau français est complété par un centre de recherche dépendant du ministère des affaires étrangères, le CEFRES.

LE CENTRE FRANÇAIS DE RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES (CEFRES)

Le CEFRES a été créé en 1991 par le ministère des affaires étrangères sur la suggestion de quelques universitaires et chercheurs français. Il agit en aval du dispositif francophone, au niveau de la recherche en sciences humaines et sociales. Il est donc bien placé pour évaluer les résultats des efforts déployés depuis 1990. Si le CEFRES a été créé à Prague et pas ailleurs en Europe centrale, c'était pour remédier à une situation catastrophique d'interruption et même d'arrêt total des relations universitaires franco-tchécoslovaques. Les sciences sociales ont été interdites pendant les quarante ans de communisme.

En dehors de sa fonction officielle d'observatoire de l'Europe centrale, il agit à plusieurs niveaux :

- il fonctionne comme structure d'accueil de jeunes chercheurs français (une cinquantaine depuis son ouverture en 1992), qui se spécialisent sur la région ; la bibliothèque du centre possède environ 3.800 volumes et environ 90 périodiques vivants ;

- il est un organe interface de la collaboration franco-tchèque, facilitant et orientant les contacts ;

- il présente la recherche française, organisant une quarantaine de rencontres annuelles ;

- il met sur pied des réseaux de recherche multilatéraux et européens ;

- il joue aussi le rôle d'unité de service avec sa bibliothèque en sciences humaines et sociales, ses publications et son site Internet.

Depuis 1999, la vocation régionale (Pologne, Slovaquie, Hongrie) du CEFRES a été réaffirmée. Le constat du CEFRES, en termes de francophonie, est clair et univoque : l'effort entrepris à la base (classes bilingues, formation de jeunes Tchèques en France) commence à porter ses fruits. L'interrompre actuellement serait prématuré et reviendrait à donner généreusement à nos partenaires les intérêts des investissements que nous avons consentis. Ce serait la fin définitive de la francophonie dans ce pays.

En ce qui concerne le fonctionnement et les moyens du CEFRES, le ministère des affaires étrangères a répondu aux besoins qui étaient ceux de l'institution, qu'il s'agisse de la dotation annuelle de base de 1 million de francs à laquelle se sont ajoutées des dotations informatiques de 100.000 et 200.000 francs ou des projets présentés au COCOP ; aujourd'hui, le problème essentiel est celui de la création d'un poste qui permettrait de faire face à la vocation régionale du Centre, de même que le rattachement d'un ou deux chercheurs détachés du Centre national de la recherche scientifique ou de l'enseignement supérieur.

Selon le directeur du centre, dans le rapport d'activité juillet 1998-avril 2000, l'accent devra être mis en particulier sur les jeunes chercheurs. Encore faudrait-il que les dispositifs locaux de soutien à la coopération et à la francophonie soient rendus plus cohérents. En effet, aucune aide n'est prévue entre le baccalauréat et le troisième cycle, problème général dans le système de coopération français ; en République tchèque, de nombreux étudiants formés dans les lycées bilingues franco-tchèques vont faire leurs études supérieures en Allemagne ou aux États-Unis ; cette incohérence s'est manifestée aussi du côté de la direction de la recherche où l'interruption des programmes fléchés sur l'Europe médiane et orientale a eu des conséquences considérables sur les projets et les flux communs. Nombre de chercheurs centre-européens impliqués dans des équipes françaises ont cessé d'être soutenus dans la seconde moitié des années 1990.

Une implication plus forte du ministère de la recherche et du Centre national de la recherche scientifique dans le financement du centre, comme de tous les établissements de recherche qui dépendent peu ou prou du ministère des affaires étrangères, serait souhaitable.

Le rayonnement du français est également assuré par les quatre lycées bilingues, les sections tchèques en France et le lycée français de Prague.

ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE HOMOLOGUÉ PAR L'ÉDUCATION NATIONALE
EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

           

Nom

Ville

Conventionné avec l'AEFE

Types d'enseignement homologué

Nombre d'élèves

Frais de scolarité

(en francs) (1)

Lycée français

Prague

Oui

De la maternelle
à la terminale

420 élèves dont 275 Français

13.200 à 35.250

(1) taux utilisé : 1 CZK = 0,18 FF.

Source : d'après Agence pour l'enseignement Français à l'étranger.

En matière audiovisuelle, nous devons suivre avec attention le traitement réservé à nos opérateurs, au moment où la République tchèque accède à la francophonie, et alors que la présence américaine se renforce, comme d'ailleurs dans les autres pays de la région. En effet, le paysage est dominé par les États-Unis qui ont distribué leurs films à des coûts défiant toute concurrence. Des festivals du film français ont été organisés, tandis que les programmes francophones de certaines radios bénéficient d'un soutien. Un frémissement est perceptible avec une plus grande curiosité de la part du public. Dans ce cadre, les promoteurs des produits français peuvent avoir une carte à jouer. Si les télévisions tchèques diffusent de nombreux vieux films français, le cinéma contemporain est peu représenté. Un effort doit être mené en sa faveur.

Le partenariat mené par l'Institut franco-tchèque de gestion (IFTG) est exemplaire de l'articulation nécessaire entre francophonie et économie. En effet, cet institut forme des cadres tchèques en français et en tchèque dans le cadre d'un troisième cycle. L'IFTG propose une formation des cadres au management d'entreprise (DESS), des sessions de formation spécialisée (comptabilité, droit des affaires, législation du travail, mercatique, négociation et techniques commerciales, logistique, transport internationale, etc.), et des cours de langue (français général et spécialisé, tchèque).

Très présents en République tchèque, que ce soit directement avec près de 320 entreprises ou indirectement par le biais de filiales allemandes ou hollandaises, les entrepreneurs français emploient au moins 35.000 personnes et peuvent donc, de ce fait, avoir une influence non négligeable sur la diffusion de la francophonie dans le pays. De grandes entreprises, à l'image de Renault, organisent des cours de français pour tous leurs employés. Elles viennent parfois en soutien à quelques manifestations culturelles. Mais, leur action paraît dispersée. Il semble que des institutions telles que la Chambre de commerce franco-tchèque offriraient un cadre idoine à une plus grande coordination, voire mutualisation, des efforts. De création récente, puisque fondée en 1995, la Chambre de commerce franco-tchèque rassemblait, au 1er mars 2000, 203 adhérents, dont 170 entreprises françaises, 26 entreprises tchèques et 7 entreprises internationales. Dotée depuis peu d'une structure permanente, elle pourrait développer des relations plus étroites avec le monde de l'enseignement, et en particulier de l'enseignement de gestion. L'IFTG pourrait être soutenu dans le développement de formations plus courtes, plus thématiques, plus ciblées, en français et en tchèque. La reconstitution de filières bilingues dans les lycées tchèques, à l'initiative de l'ambassade de France, n'a pas de sens si les entreprises françaises ne prennent le relais. Les étudiants concernés, à la sortie de l'université tchèque, qui offre un enseignement académique, traditionnel, pourraient se voir proposer des formations spécialisées, au sein de l'IFTG notamment, financées par les entreprises françaises. Au-delà du simple mécénat culturel, qui fonctionne à Prague mieux qu'ailleurs, il est de l'intérêt des entreprises de réaliser des investissements à moyen terme qui créent un environnement favorable à leur action. La francophonie est utile à leur développement et les pouvoirs publics ne peuvent pas tout faire.

b) Des moyens en régression

La mission culturelle française en République tchèque compte, au total, environ 170 personnes, y compris dans les lycées et les lecteurs en province. 50 personnes travaillent à l'Institut français de Prague et 20 environ au service culturel. Il est sans doute regrettable qu'en cette période charnière les postes soient en réduction, avec la suppression d'un poste d'attaché de coopération pour le français et le non-renouvellement du poste d'attaché culturel responsable de la politique linguistique et éducative qui avait pourtant, dans le cadre de ses fonctions, en plus, la responsabilité des sections bilingues des lycées et les cours à l'Institut français.

En résumé, la suppression des postes au cours des trois dernières années (un directeur adjoint de l'Institut chargé du secteur linguistique et éducatif, un directeur des cours de l'école de langue, deux attachés linguistiques, deux conseillers pédagogiques, un professeur de lettres) affaiblit le réseau, tandis qu'il faut relever la dégradation de la qualité des recrutements des professeurs français des lycées bilingues avec le remplacement de professeurs chevronnés mais coûtant plus cher, par des professeurs plus jeunes, non titulaires du ministère français de l'éducation nationale, et souvent inexpérimentés.

Hors crédits attribués par le Comité d'orientation et de coordination des projets (COCOP) (52), l'action de coopération et culturelle a bénéficié d'une enveloppe de 37,2 millions de francs en 1995, de 40,9 millions de francs en 1997, de 37,9 millions de francs en 1998 et de 34,5 millions de francs en programmation sur 1999. Sur ces chiffres, plus du quart relève du titre III, donc des moyens de fonctionnement. Pour 2000, les crédits devraient atteindre environ 24 millions de francs, dont 5,9 millions de francs au titre du COCOP et donc non reconductibles.

À l'intérieur de ces crédits globaux, il convient de distinguer la situation de l'Institut français de Prague. Ses dépenses de fonctionnement, consacrées à 50 % aux dépenses de personnel, sont restées relativement stables : 12,6 millions de francs en 1995, 12,4 millions de francs pour 2000. En revanche, ses recettes ont baissé de manière significative : 15,9 millions de francs en 1995 au lieu de 12 millions de francs en 2000. Au sein de celles-ci, il faut noter la forte régression de la subvention du ministère des affaires étrangères, dont la part dans le total des recettes est passée en cinq ans de 85 % à 61 %. Son montant absolu a été réduit de 13,5 millions de francs en 1995 à 7,34 millions de francs.

En raison de cette baisse sensible des crédits, toutes les opérations doivent être cofinancées. Les frais de fonctionnement aujourd'hui préemptent une très grande partie des crédits. Il n'est plus possible pour le poste de financer la totalité d'une opération, dès lors qu'elle a une certaine ampleur, un spectacle de la Comédie française, par exemple. Les manifestations importantes se font grâce à des parraineurs privés. Or, il n'existe pas l'équivalent en République tchèque d'une association du type Initiative France-Hongrie ou Fondation franco-polonaise. A contrario, l'Allemagne finance la plupart de ses activités culturelles en République tchèque par le biais de grandes fondations, ce qui milite, une nouvelle fois, pour la création d'une grande fondation culturelle française.

c) Le nécessaire appui des opérateurs privés

Compte tenu de la baisse régulière des moyens publics, la République tchèque pourrait constituer un bon exemple de pays où le recours aux entreprises françaises en soutien de l'action culturelle et de coopération pourrait être utile, et ce d'autant plus qu'un mécénat, encore limité, existe d'ores et déjà.

Les investissements français en République tchèque sont importants. Avec près de 4 milliards de francs investis fin 1999, soit 4,4 % du stock total, la France se situe au septième rang des investisseurs étrangers, derrière l'Allemagne (26 %), les Pays-Bas (24 %), l'Autriche (12 %), les États-Unis (9,1 %), la Belgique (7,2 %) et le Royaume-Uni (4,4 %). Les 300 filiales françaises implantées en République tchèque emploient environ 30.000 personnes. Les principaux investisseurs français dans ce pays sont Saint-Gobain, Dalkia, Carrefour, Danone, Vivendi Water, Lyonnaise des Eaux, Valeo, Schneider Electric, Renault Véhicules Industriels, Sagem et Gaz de France. D'importants projets sont en cours de réalisation. Ainsi, l'appel d'offres pour la privatisation des Eaux de Prague, attendu depuis 1993, devait être lancé à l'été 2000. Il intéresse Vivendi et Lyonnaise des Eaux, déjà fortement implantés dans le reste du pays, ainsi que la SAUR. Par ailleurs, le Gouvernement a notamment l'intention de privatiser partiellement les huit sociétés de distribution de gaz et les huit entreprises de distribution d'électricité.

L'ensemble de ces perspectives offre aux entreprises privées des opportunités de réaliser des investissements rentables. Or, la mission diplomatique française et ses services de coopération et commerciaux mènent régulièrement des actions favorisant l'implantation et le développement des entreprises françaises. En échange, ces dernières pourraient financer des actions en faveur de la diffusion de la culture française et de la francophonie. Un soutien plus actif en faveur de l'IFTG leur permettrait, par exemple, de former plus de cadres francophones pour leurs filiales.

IV.- LA ROUMANIE : UNE FRANCOPHONIE À PRÉSERVER

La situation de la Roumanie en Europe centrale et orientale pourrait, mutatis mutandis, être rapprochée de celle du Liban au Proche-Orient. Il s'agit, en effet, d'un pays où la francophonie est très présente et continue d'occuper la première place avant l'anglophonie. Notre réseau diplomatique et culturel y est également relativement étoffé. Et, en Roumanie comme au Liban, la pratique de l'anglais connaît un développement plus fort.

A.- LE CONTEXTE LOCAL ET RÉGIONAL DE LA COOPÉRATION

Régime semi-présidentiel, la Roumanie a réussi sa transition démocratique et jeté les fondements d'un État de droit. En revanche, la situation économique demeure très dégradée, les changements structurels nécessaires n'ayant été engagés que tardivement. Les restructurations ont eu des effets récessifs en 1997 et 1998 et les mesures d'austérité prises par les autorités ont entraîné des mouvements sociaux. Cette mauvaise conjoncture n'a pas favorisé les investissements étrangers, qui restent relativement faibles. La sortie de la crise ne pourra intervenir que grâce aux interventions des institutions financières internationales. L'année 2000 devrait voir, pour la première fois depuis trois ans, une croissance du produit intérieur brut.

L'adhésion à l'Union européenne, comme à l'OTAN, constitue l'objectif principal de la politique étrangère de la Roumanie. La Commission européenne vient de proposer l'ouverture des négociations avec l'ensemble des pays de la deuxième vague, dont fait partie la Roumanie. Elle pose toutefois des conditions pour la Bulgarie et la Roumanie.

La Roumanie a développé une politique de bon voisinage, surtout ces dernières années, avec la Hongrie, l'Ukraine et la Moldavie. Les relations avec la Russie demeurent cependant empreintes de méfiance et l'amitié traditionnelle serbo-roumaine est hypothéquée par la loyauté manifestée par la Roumanie vis-à-vis de l'OTAN lors de l'intervention aérienne en République fédérale de Yougoslavie. Après y avoir été réticente, la Roumanie s'est finalement engagée dans une politique de coopération régionale, dans le cadre de l'Association centre-européenne de libre-échange et du Conseil de coopération de la Mer noire. Elle a fait part de son souhait d'être activement associée à la mise en _uvre du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est.

La Roumanie bénéficie d'aides multilatérales substantielles. Ainsi, la Banque mondiale lui a accordé un prêt de 70 millions de dollars d'aides non remboursables pour la réforme de l'enseignement supérieur ainsi qu'un prêt pour l'éducation nationale de 60 millions de dollars. L'Union européenne, quant à elle, a offert à la Roumanie, dans le cadre du programme national PHARE 1999, 55,3 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 540 millions d'euros d'aides structurelles en 2000 et d'instruments de préadhésion (ISPA et SAPARD).

B.- UNE FRANCOPHONIE RICHE ET DIVERSIFIÉE, SUPPORT D'UNE COOPÉRATION IMPORTANTE

Le français et la culture française bénéficient d'une situation privilégiée en Roumanie. Cette situation est exploitée par un réseau culturel et de coopération dense, qui mène des actions nombreuses et diversifiées dans le domaine linguistique, éducatif et culturel. Ces activités méritent d'être relayées par une coopération plus large, qui intègre les aspects techniques et scientifiques, mais aussi économiques et commerciaux.

1.- Une situation privilégiée

En Roumanie, pour reprendre les termes de la réponse au questionnaire envoyé par votre Rapporteur spécial (53), « la langue et la culture française occupent " une place à part " pour des raisons à la fois linguistiques et historiques, mais aussi " affectives " (...). La Roumanie est aujourd'hui le pays le plus francophone d'Europe centrale et orientale avec environ 25 % de locuteurs et le français reste la première langue étrangère choisie par 51 % des élèves roumains. Seule la République de Moldova (jouirait) d'une situation plus favorable avec 53 % d'élèves apprenant le français. (...) ce chiffre est nettement inférieur en Bulgarie (7 %), en Pologne (4 %) et en Hongrie (3 %). »

Par ailleurs, « le nombre d'apprenants est à peu près stable, mais les effectifs des apprenants en anglais ont augmenté (...). Avant 1991, le choix exclusif d'une langue étrangère rendait l'apprentissage du français majoritaire. Au fil de la décennie, l'anglais s'est imposé comme deuxième langue d'apprentissage majoritaire. » Le tableau suivant retrace cette évolution.

ÉVOLUTION DE L'APPRENTISSAGE DES LANGUES ÉTRANGÈRES EN ROUMANIE

Langue étrangère

Année scolaire 1994-1995

Année scolaire 1998-1999

Effectifs

Répartition

(en %)

Effectifs

Répartition

(en %)

Français

2.085.227

50,55

2.154.371

51,02

Anglais

1.302.907

31,58

1.525.987

36,14

Russe

474.126

11,49

292.474

6,93

Allemand

262.899

6,37

227.422

5,39

Italien

ns

ns

10.370

0,25

Espagnol

ns

ns

12.319

0,29

Japonais

ns

ns

nd

nd

Total

4.125.159

100

4.222.943

100

Source : d'après ambassade de France en Roumanie.

Ce nombre important d'apprenants s'appuyait sur un corps professoral très important : 16.000 enseignants de français en 1993, mais 14.445 en 1998, dont 57 % avaient plus de 45 ans. Le nombre de professeurs d'anglais était respectivement, pour ces deux années, de 7.000 et de 8.951, dont 35 % avaient plus de 45 ans.

2.- Des liens substantiels

Les visites en France du Président Constantinescu en septembre 1999 et de M. Petre Roman, ministre des affaires étrangères et de l'intégration européenne, en janvier 2000, ont été l'occasion de souligner l'importance de la coopération bilatérale, d'en rappeler les priorités et d'annoncer quelques projets phares, dans le domaine de la formation des hauts fonctionnaires notamment. Notre coopération, intense avec ce pays, doit être poursuivie avec le souci de la concentrer davantage encore sur la préparation à l'adhésion à l'Union européenne, tout en préservant les acquis spécifiques de la francophonie et en assurant une plus grande visibilité à nos actions, en particulier pour les centres d'excellence.

La France bénéficie en Roumanie de certains atouts :

· des liens historiques et culturels anciens. Pays membre de la francophonie depuis 1991, la Roumanie est le premier pays francophone parmi ceux dont le français n'est pas la langue officielle, avec 25 % de francophones.

· Un partenariat politique actif, avec le soutien de la France à l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne et l'OTAN et des échanges politiques très denses.

· Une forte présence économique. La France est le premier investisseur étranger (Lafarge, France Télécom, Société Générale, Renault, projets Elf et Eurocopter), le quatrième fournisseur (après l'Italie, l'Allemagne et la Russie) et le troisième client de la Roumanie (après l'Italie et l'Allemagne) (54). La présence importante des entreprises françaises en Roumanie continue à progresser, tant en ce qui concerne les échanges commerciaux que les investissements.

L'enveloppe allouée à la coopération en Roumanie est l'une des premières en Europe centrale et orientale. Notre coopération s'inscrit dans une perspective européenne, celle de la préparation à l'adhésion de la Roumanie à l'Union. Près des deux tiers de l'enveloppe sont consacrés à la coopération scientifique et technique.

3.- Un réseau de diffusion dense

L'examen de la situation roumaine révèle l'existence d'un réseau culturel français dense, disposant de relais importants dans le système éducatif et universitaire roumain. Une analyse particulière de l'activité de l'Institut français de Bucarest et des centres culturels français en province renforce cette impression de maillage relativement serré, qui constitue un atout pour la diffusion de la francophonie dans ce pays, à condition, cependant, que l'action du réseau soit coordonnée et pilotée de manière cohérente. Les réunions mensuelles des directeurs de centres et d'alliances françaises constituent de ce point de vue une initiative que l'on peut saluer, mais qui mériterait peut-être d'être enrichie en étant organisée alternativement dans chacun des centres et non pas seulement à Bucarest.

a) Un réseau dense

Le réseau français en Roumanie, chapeauté par le service de coopération et d'action culturelle (SCAC), comprend outre l'Institut français de Bucarest, trois centres culturels et de coopération linguistique (Timisoara, Cluj, Iasi), cinq alliances françaises (Brasov, Constanta, Craiova, Ploiesti, Pitesti) et le lycée français de Bucarest « Anna de Noailles » qui accueille 420 élèves. S'y ajoutent les 55 lycées bilingues.

Au total, la programmation générale du SCAC sur titre IV, hors crédits du COCOP et hors rémunérations des 13 personnes inscrites sur titre III, s'élève pour 2000 à 19,06 millions de francs. Y compris crédits COCOP, la coopération linguistique et éducative bénéficie d'une enveloppe de 6,6 millions de francs, la coopération scientifique, universitaire et de recherche d'un budget de 14,98 millions de francs, la coopération audiovisuelle et dans le domaine des techniques de communication d'une enveloppe de 1,15 million de francs. Les centres culturels en province reçoivent une subvention totale de 3,7 millions de francs et les Alliances françaises reçoivent une subvention de 0,55 million de francs.

Les opérations montées en cofinancement sont nombreuses. Ainsi, les collectivités territoriales françaises, en partenariat avec leurs homologues roumaines, sont engagées dans quelque 35 projets de développement régional. Par ailleurs, pour 2000, six opérations nouvelles seront présentées au ministère français des affaires étrangères pour un montant total de 120.000 euros, qui induiront 120.000 euros de concours supplémentaires des opérateurs français et de leurs partenaires et 800.000 euros de participations de l'Union européenne, en cas d'agrément de ces projets par la Commission.

LE DISPOSITIF CULTUREL FRANÇAIS EN ROUMANIE

Nom

Ville

Observations

Service de coopération et d'action culturelle

Bucarest

49 agents travaillent au sein du service, dont 11 titulaires. Ces effectifs comprennent le personnel de direction de l'Institut français de Bucarest et des centres culturels en province. Budget d'environ 20 millions de francs, hors crédits du COCOP.

Institut français

Bucarest

Créé en 1923, doté de l'autonomie financière. Ses cours réunissent 2.000 personnes, sa bibliothèque-médiathèque 4.500 abonnés. Son budget, hors dépenses de personnel sur titre III, devrait atteindre 4,41 millions de francs en 2000 (en produits). 65 personnes environ travaillent en son sein.

Lycée Anna de Noailles

Bucarest

Établissement conventionné avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui assure un enseignement de la maternelle à la terminale. Il accueille 422 élèves, dont 151 Français. Les frais de scolarité s'échelonnent de 12.000 à 16.000 francs pour les Français et de 14.200 à 18.600 francs pour les autres nationalités.

Centre culturel et de coopération linguistique

Cluj

Créé en 1990. Les cours de français touchent un millier de personnes. Le centre organise des résidences d'artistes. La médiathèque avait, en 1999, 1.800 abonnés. Le budget atteint 1,2 million de francs (en charges). 2 personnes travaillent au centre.

Centre culturel et de coopération linguistique

Iasi

Créé en 1990. 780 inscriptions ont été enregistrées pour les cours de français et 1.600 abonnés fréquentent sa bibliothèque-médiathèque. Son budget approche les 1,2 million de francs (en charges). Les effectifs du centre s'élèvent à 15 personnes.

Centre culturel et de coopération linguistique

Timisoara

Créé en octobre 1990. Sa médiathèque attire 1.100 abonnés, ses cours de langue 1.100 inscriptions. Son budget atteint environ 1,3 million de francs (en charges). 12 personnes sont employées au centre.

Alliance française

Brasov

Créée en 1992. En sommeil de 1997 à 2000. Problème récurrent de loyer. Médiathèque de 4.300 documents. 56 adhérents. 225 étudiants aux cours de langue en 1998.

Alliance française

Constanta

Créée en 1991. 1.468 adhérents, dont 272 à l'antenne de Medgidia, ouverte en 1999. Médiathèque de 13.000 documents. Cours de langue française généraux, spécifiques (préparation du DALF), cours spécialisés, qui accueillent environ 700 étudiants. Un directeur, 20 professeurs.

Alliance française

Craiova

-

Alliance française

Ploiesti

Créée en 1991. Médiathèque de 11.800 documents. 982 adhérents. Cours de français généraux et spécialisés. 300 étudiants. Effectif de 10 personnes.

Alliance française

Pitesti

-

10 filières universitaires francophones

passim

Les filières francophones accueillent environ 1.500 étudiants, dans les domaines des sciences de l'ingénieur, de l'économie, des finances et de la gestion, des sciences politiques et du droit.

55 lycées bilingues

passim

Les lycées bilingues scolarisent un total de 4.813 élèves en 1999-2000 ; les mathématiques, la physique, la biologie et la chimie sont enseignées en français dans près de la moitié de ces lycées.

Bureau de l'Agence universitaire de la francophonie

Bucarest

Ouvert en 1994. Apporte notamment son soutien aux 4 filières francophones de l'université de Bucarest.

Source : d'après ministère des affaires étrangères.

Depuis 1999, le conseiller de coopération et d'action culturelle assure en même temps les fonctions de directeur de l'Institut français de Bucarest, tandis que l'attaché culturel en est le directeur adjoint. En outre, l'attaché de coopération linguistique et éducative a été nommé délégué général des alliances françaises en Roumanie.

Ce type de dispositif évite les risques de dichotomie qui peuvent intervenir entre la politique culturelle et éducative initiée par le SCAC, sous la gouverne de l'ambassadeur, et les actions mises en place par un centre culturel, dont le directeur aurait des vues différentes de celles du service culturel. On sait combien le système allemand, assurant une séparation nette entre le service culturel de l'ambassade et l'Institut Goethe, peut entraîner d'effets pervers en matière de cohérence de la politique culturelle extérieure. Dans certains pays où il a été amené à se déplacer dans le cadre du présent rapport, votre Rapporteur spécial a pu ainsi constater que l'Institut Goethe d'une part et l'ambassade d'Allemagne d'autre part pouvaient organiser des manifestations concurrentes, alors même que la demande de culture allemande était très faible.

Les cinq alliances françaises comptent au total 2.000 étudiants. Elles développent une triple activité. Ce sont à la fois des centres de documentation, des centres d'enseignement et des pôles de diffusion de la pensée et de la culture française.

Les sections bilingues constituées au sein des lycées roumains ont accueilli à la rentrée 1999, 4.813 élèves dans 55 lycées. 50 % des élèves apprennent le français, contre 33 % l'anglais. Les élèves des lycées à sections bilingues doivent passer l'examen de fin d'études secondaires roumain, assorti d'épreuves spécifiques reflétant le caractère bilingue du cursus suivi. Le succès à cet examen permet la délivrance d'une « attestation de français », valant dispense du texte de connaissances linguistiques requis pour des étudiants candidats à une première inscription dans un établissement d'enseignement supérieur en France, et dans les filières universitaires francophones en Roumanie.

Au réseau proprement français et aux filières francophones dans le système éducatif roumain, il convient d'ajouter le Bureau Europe centrale et orientale (BECO) de l'Agence universitaire de la francophonie, ouvert en 1994, et qui dispose de filiales en République de Moldavie, en Hongrie et en Bulgarie. L'agence apporte son soutien aux autres filières universitaires francophones de Bucarest : la filière de l'Académie d'études économiques et celle de sciences politiques constituées au sein de la faculté des sciences politiques et administratives de l'université de Bucarest, la filière francophone du département des sciences de l'ingénieur de l'université polytechnique de Bucarest, et la filière francophone du département de génie civil de l'université technique de construction de Bucarest. Elle apporte également son soutien à l'école doctorale en sciences sociales de Bucarest et au programme d'action de soutien à la formation et à la recherche. Enfin, elle soutient le Laboratoire associé francophone (LAF) de l'université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca. Le BECO a créé, par ailleurs, des conférences régionales des recteurs des universités membres de l'Agence en Europe centrale et orientale.

b) L'Institut français de Bucarest

Un institut des études supérieures français, ancêtre de l'Institut français de Bucarest, est créé en 1923. Après une mise en sommeil prolongée, le centre, qui dispose de l'autonomie financière et de locaux spécifiques, séparés de ceux du SCAC, n'a rouvert réellement ses portes qu'en 1990. Rénové en mars 2000, il accueille une médiathèque, qui possède près de 35.000 documents répartis entre une bibliothèque pour adultes, une bibliothèque pour enfants et une sonovidéothèque. La médiathèque, après avoir dépassé le cap de 6.000 adhérents au début des années 1990, a vu son public se stabiliser autour de 4.500 personnes (4.379 en 1999).

L'Institut possède également une salle de cinéma de 200 places qui permet d'offrir un programme quotidien de films français et européens. Il abrite dans ses murs un cybercafé et un bistrot. Il organise régulièrement des conférences et des manifestations culturelles, dans le domaine de la danse, du théâtre, de la musique et des arts visuels. Un espace neuf a été aménagé pour abriter les cours de langue, qui réunissent chaque année environ 2.000 élèves, qui peuvent disposer d'un centre de documentation linguistique et pédagogique, d'une salle d'auto-apprentissage, de cours de roumain, des cours de français général et des cours spécialisés adaptés à des demandes spécifiques. Il prépare aux certifications du diplôme approfondi de langue française de la Chambre de commerce et de d'industrie de Paris. Les cours de langue rapportent 0,76 million de francs en 1999 et devraient en rapporter 1,1 million en 2000 après l'ouverture de nouveaux espaces. La marge sur les coûts directs imputables à l'enseignement et les coûts forfaitaires (quote-part de consommations externes communes), hors coût du personnel expatrié, devrait atteindre ainsi 0,43 million de francs en 2000.

COMPTE FINANCIER DE L'INSTITUT FRANÇAIS DE BUCAREST
(1996-2000)

(en francs)

Rubriques

1996

1997

1998

1999

2000 (1)

Produits

4.041.760

3.849.627

3.901.475

4.051.474

4.096.960

- dont produits de l'activité

731.911

741.493

1.113.339

1.158.471

1.728.860

- dont subvention de l'État

3.195.800

2.895.400

2.604.500

2.499.530

2.357.500

Charges

3.667.919

3.849.628

3.713.243

3.778.801

4.414.663

- dont charges de personnel

1.194.908

1.305.337

1.269.233

1.612.669

1.891.365

Résultat intermédiaire

373.841

-1

188.233

272.673

-317.703

Total des charges de personnel du titre III

2.625.600

2.625.600

2.625.600

2.164.800

2.164.800

Résultat final

-2.251.759

-2.265.601

-2.437.367

-1.892.127

-2.482.503

(1) Prévisions.

Source : d'après ambassade de France en Roumanie.

Les produits de l'action culturelle, hors subvention, s'élèvent à 396.00 francs et ceux des cours de langue et des traductions à 1,11 million de francs. L'activité de la médiathèque et de la bibliothèque rapporte 175.000 francs hors subvention.

FONDS DE ROULEMENT ET FONDS DE RÉSERVE DE L'INSTITUT FRANÇAIS
DE BUCAREST
(1997-2000)

(en francs)

Rubriques

1997

1998

1999

2000 (1)

Fonds de roulement (en francs)

534.087

380.427

2.494.596

640.563

Fonds de roulement (nombre de jours)

54

37

247

53

Fonds de réserve (en francs)

2.459.083

2.976.117

3.517.224

3.517.224

(1) Prévisions.

Source : ambassade de France en Roumanie.

Hors les deux postes de direction et le poste du secrétaire général, l'Institut français de Bucarest emploie 62 personnes en 2000 au lieu de 49 personnes en 1999. Il retrouve son niveau de 1997. Parmi ceux-ci, 61 personnes sont recrutées localement, une seule est expatriée, détachée de l'éducation nationale, et chargée de la direction des cours.

c) Les centres culturels de Timisoara et de Cluj

Créé en octobre 1990 dans la région réputée la moins francophone de Roumanie, le centre culturel français de Timisoara s'installe dans des locaux prestigieux en février 1992. Il propose notamment des colloques, des conférences, des concerts, des spectacles de danse, de mime et de cirque. Il a mis en place des partenariats artistiques et prend en charge la formation de professeurs. Il offre également des cours de français général ou spécialisé, destinés aux étudiants et aux entreprises (1.100 inscriptions en 1999). Sa médiathèque compte environ 1.100 adhérents et possède 15.000 documents. Il a, par ailleurs, compétence pour instruire les dossiers de demande de visas pour les ressortissants roumains et constitue un relais local du poste d'expansion économique de l'ambassade. En 1999, il a ouvert une école française, sous forme de soutien au cours du Centre national d'enseignement à distance. Son budget atteint 1,36 million de francs en produits (subvention de 0,7 million de francs du ministère des affaires étrangères) et 1,3 million de francs en charges.

Le centre culturel français de Cluj est installé dans des bâtiments appartenant à l'université au centre de la ville. Sa médiathèque possède 18.500 documents et accueille chaque année environ 30.000 visiteurs. Les cours de français y sont assurés par une équipe de 16 professeurs vacataires. Ils touchent un millier de personnes. Les activités artistiques passent par des projections à la cinémathèque, des expositions à la médiathèque, l'organisation d'événement en commun avec les institutions roumaines et en liaison avec des événements français. Ces échanges artistiques s'appuient régulièrement sur des résidences d'artistes. Le centre développe des actions dans le cadre des programmes européens COMENIUS et LEONARDO et apparaît très actif dans le projet « Jeunesse pour l'Europe », qui permet des partenariats importants dans le domaine artistique. La coopération décentralisée est également à l'origine de nombreuses manifestations.

Le budget du centre de Cluj atteindrait 1,2 million de francs en charges (au lieu de 1,55 million de francs en 1996) et 1,16 million de francs en produits (dont une subvention de 0,85 million de francs).

d) Le centre culturel français de Iasi

Votre Rapporteur spécial a eu l'occasion de se rendre dans le nord-est du pays, en Moldavie, dans la ville de Iasi, ville universitaire et pôle culturel, où la France dispose d'un Centre culturel. Ce dernier a été créé en 1990 pour répondre, notamment, à la demande d'étudiants francophones, soutenus par un groupe d'intellectuels et d'hommes de lettres. Inauguré le 19 avril 1991, il est installé dans un bâtiment historique au centre du quartier universitaire de la ville.

Le centre possède une salle de théâtre, susceptible d'accueillir soixante-dix personnes, qui peut également servir de salle de conférence et de salle de cinéma. Il dispose de plusieurs salles de cours et d'une bibliothèque-médiathèque, qui offre 70 titres périodiques, 20.000 livres, dont un fonds belge et canadien francophone, 2.000 documents audiovisuels, des cédéroms et des disques compacts. À ce dispositif, s'ajoutent deux bibliobus qui permettent de fournir en documents plusieurs villes de la région.

Dirigé par un spécialiste du théâtre, le centre paraît concentrer son activité sur l'organisation de représentations théâtrales, dont la dernière, réunissant trente-trois acteurs, jouée en douze langues et organisée en coopération avec les centres culturels allemand et latino-américain, paraît particulièrement intéressante au regard de la diffusion de la francophonie, comprise comme soutien du plurilinguisme, même si le spectacle n'a pu toucher qu'un millier de personnes dans une ville qui en compte 350.000, dont 45.000 étudiants.

Au-delà de l'organisation d'expositions thématiques, le centre culturel français de Iasi offre une série de cours de français quotidien, de français spécialisé (médical, du tourisme, des affaires, des relations internationales, juridique) (55) et de civilisation. Ce dispositif repose entièrement sur un groupe de professeurs roumains, qui enseignent par ailleurs dans des lycées roumains. Le centre culturel sert aussi de centre d'examen pour les diplômes élémentaire et approfondi de langue française et des certifications de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.

Son budget prévisionnel atteint un peu plus de 1 million de francs en produits (dont 0,7 million de francs de subventions du ministère des affaires étrangères) et 1,1 million de francs en charges. Le centre est dirigé par une personne expatriée et administré par un secrétaire général coopérant du service national.

4.- Une action francophone riche et diversifiée

Compte tenu d'un « terreau » francophone très favorable, les activités du SCAC concernent, pour une large part, la coopération linguistique et éducative.

a) La coopération pré-universitaire

L'apprentissage d'une première langue étrangère est obligatoire dès la troisième année de scolarisation (huit ans), d'où l'importance de favoriser l'apprentissage du français dès l'école primaire. Le SCAC s'efforce de diffuser des outils pédagogiques adaptés, pour la formation continue des enseignants comme pour la pratique de classe. Dans l'enseignement secondaire, le SCAC apporte son soutien aux enseignants de français en organisant des sessions de formation en Roumanie et en France. Parallèlement, un réseau de formateurs est en cours de développement.

Une deuxième langue étrangère est devenue obligatoire à partir de la première année de collège. Mais le ministère roumain de l'éducation nationale a été contraint de réduire ses dépenses et doit supprimer 20.000 postes en 2000, contexte qui pourrait avoir des répercussions négatives pour notre coopération linguistique. Le corps professoral est vieillissant et les zones rurales manquent d'enseignants qualifiés. Les autorités roumaines entendent laisser une plus grande autonomie aux établissements dans la définition des contenus de l'enseignement. Il apparaît donc important de développer des actions de proximité en s'appuyant sur les centres culturels de province pour accompagner la réflexion des établissements sur un enseignement renforcé du français. Par ailleurs, la demande des autorités roumaines concernant leur intérêt pour l'expérience française en matière de « zone d'éducation prioritaire » et de fonctionnement des centres régionaux de documentation pédagogique a été prise en compte.

De manière générale, dans le domaine pré-universitaire, nos actions visent à appuyer le recyclage des professeurs de français et le recrutement de jeunes diplômés (56). Nous avons vu dans quelle mesure leur moyenne d'âge était relativement élevée, notamment en comparaison avec le corps des enseignants d'anglais. L'utilisation des nouvelles technologies de communication a été promue. Notre représentation veille à informer largement les établissements et le corps enseignant des possibilités d'échanges ou de formations complémentaires dans le cadre des programmes européens. La coopération éducative pré-universitaire bénéficie d'une enveloppe de 4 millions de francs environ.

Quatre projets ont, par ailleurs, été soumis au comité COCOP de juin 2000 : un projet d'éducation à distance, la mise en place expérimentale d'une zone d'éducation prioritaire, un programme d'éducation à l'information en milieu rural défavorisé et un projet de développement des relations internationales entre académies roumaines et françaises, pour un total de 1,83 million de francs.

b) La coopération universitaire

Dans le domaine universitaire, notre représentation propose aux départements d'études françaises des universités des modules intensifs d'enseignement du français langue étrangère. Par ailleurs, onze lecteurs sont en poste dans huit départements de français et auprès de quatre filières francophones. Le poste conjugue ses efforts avec ceux de l'Agence universitaire de la francophonie. On rappellera qu'il existe seize départements d'études françaises dans les plus grandes universités roumaines ; ils accueillent plus de 6.000 étudiants. La coopération universitaire bénéficie d'une enveloppe de 3 millions de francs.

Le soutien aux filières francophones concerne 1.500 étudiants, 10 filières, dans les domaines des sciences de l'ingénieur, de l'économie, des finances, de la gestion, des sciences politiques et du droit. Cette action passe, notamment, par la réalisation de cursus intégrés avec six DESS et quinze DEA, un important programme boursier - 210 bourses ont été distribuées en 1999, dont certaines relèvent d'opérations d'excellence - , par le financement du Collège juridique franco-roumain d'études européennes, et par celui de l'Institut national de développement économique (INDE). Il faut rappeler que la France accueille un nombre non négligeable d'étudiants roumains : en 1997-1998, 418 étudiants étaient inscrits en premier cycle, 397 en deuxième cycle, 1.022 en troisième cycle, soit près de 1.850 au total.

En s'appuyant sur les coopérations encore modestes menées par l'École des hautes études en sciences sociales dans le cadre de l'École doctorale de Bucarest et sur financement du ministère français des affaires étrangères, les échanges dans le domaine de la recherche en sciences sociales mériteraient d'être développés, notamment les recherches régionales, qui permettraient de créer des liens entre voisins de l'Europe du Sud-Est.

c) La coopération dans le domaine du livre et de l'audiovisuel

L'édition française bénéficie d'une position avantageuse, avec un nombre de traductions d'ouvrages français très important. Cette position favorable mérite d'être défendue et renforcée.

Les services culturels s'attachent à approvisionner les bibliothèques roumaines, en particulier les bibliothèques universitaires. Ce volet de notre coopération fait l'objet, depuis 1990, d'un effort soutenu dans le cadre de la coopération bilatérale et décentralisée. Par ailleurs, le programme d'appui à la publication « Nicolae Iorga », destiné à permettre aux maisons d'édition roumaines intéressées d'éditer, dans le respect de leurs stratégies éditoriale et économique, des auteurs français, essentiellement du XXème siècle, dans tous les domaines de la pensée, est soutenu également par le poste, qui prend en charge les droit d'auteurs, en partie ou en totalité, ainsi qu'une aide directe à la publication.

À ce programme s'ajoutent plusieurs initiatives, à la fois d'aide à la traduction, destinée à favoriser les publications dans la langue du pays partenaire, et d'appui à la création de revues intellectuelles locales rédigées en partie en français. Il s'agit du programme des « belles étrangères » qui se propose de faciliter le contact entre les écrivains des deux pays et de promouvoir la littérature contemporaine roumaine française, de l'aide à la traduction gérée par le Centre national du livre et des bourses de traducteurs professionnels. Par ailleurs, des projets de formation de bibliothécaires viennent appuyer la coopération dans le domaine du livre et de l'écrit.

Dans le domaine audiovisuel, les résultats sont encourageants : reprise d'Arte sur le câble, vente de documentaires à la télévision publique, aide au sous-titrage (dix films en 1999), participation aux manifestations à forte visibilité (fête du cinéma français, festival du court métrage), rachat d'une radio par RFI et de deux radios roumaines par une filiale d'Hachette. TV5 est reçue par voie hertzienne et un soutien est accordé au quotidien de langue française Bucarest matin.

C.- UNE ACTION FRANCOPHONE RELAYÉE PAR UNE COOPÉRATION IMPORTANTE

1.- La coopération administrative

Les jumelages et la coopération administrative constituent un domaine d'activité dynamique, puisque la France a remporté douze jumelages, dont onze comme chef de file, sur les vingt-deux conclus par la Roumanie à ce jour, dans les domaines suivants : justice (voir infra), finances, contrôle vétérinaire, environnement et eau, police, banques, et agriculture.

Ce dispositif est complété au plan bilatéral par un soutien à divers projets de coopération administrative, notamment de formation des cadres de l'administration et d'aide au développement du Centre de formation à la diplomatie et aux relations internationales, et par une coopération active en matière de police, suivie par un attaché de police en résidence à Bucarest.

Depuis 1996, une vingtaine de fonctionnaires et jeunes diplômés roumains ont suivi les cycles internationaux organisés en France par l'École nationale d'administration (ENA). À la demande de la partie roumaine, l'ENA, en partenariat avec le ministère de la fonction publique et le département pour l'intégration européenne, a mis en place un programme de formation de 50 hauts fonctionnaires roumains à la pratique des affaires européennes et à la gestion des politiques publiques.

2.- La coopération juridique et judiciaire

La coopération juridique et judiciaire, effective, depuis 1996, passe, notamment, par le collège juridique d'études européennes, fondé en 1995 au sein de la faculté de droit de l'université de Bucarest, qui assure une formation diplomante (DEUG, licence et maîtrise français de droit), en parallèle avec la délivrance de la Licenta de la faculté de Bucarest. Le collège bénéficie du soutien d'un consortium, regroupant, outre les ministères français des affaires étrangères, de la justice, et de l'éducation nationale, 10 universités françaises, ainsi que l'ensemble des organismes représentatifs des professions juridiques et judiciaires. Les quelque 230 étudiants, parfaitement francophones, reçoivent un enseignement au droit français et au droit comparé des grands pays de l'Union européenne et au droit communautaire.

En outre, l'Institut franco-roumain de droit des affaires et de la coopération internationale, créé en 1994, sous l'impulsion de M. Robert Badinter, en partenariat avec la faculté de droit de Bucarest, dispense aux jeunes professionnels du droit une formation d'un an au droit communautaire et au droit international des affaires. Les enseignements sont assurés par des professeurs, des avocats et des magistrats français, en collaboration avec des universitaires roumains. Ce cycle est sanctionné par un diplôme délivré par les universités de Paris I et Bucarest.

Conformément aux dispositions de l'accord conclu entre les ministères français et roumain de la justice en date du 8 avril 1996, entré dans le cadre d'un important programme de jumelage institutionnel PHARE, attribué en 1998, des formations de magistrats et de greffiers, des jumelages de tribunaux, des journées constitutionnelles franco-roumaines et des coopérations entre avocats ont été organisés.

3.- La coopération scientifique et technique

Une coopération importante a été développée dans le domaine de l'environnement. Ont ainsi été mis en place des projets de gestion des ressources en eau, de collecte et de recyclage des déchets urbains, de dépollution et de réhabilitation des sites industriels et de reprise de l'acquis communautaire en matière environnementale.

Dans le domaine de l'emploi, de la protection sociale et de la santé, la coopération est engagée depuis 1996. Elle a permis de renforcer la collaboration en matière d'emploi et de formation professionnelle afin de préparer l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne et de définir conjointement des actions prioritaires en matière de santé. Un groupe mixte franco-roumain « Emploi et protection sociale » a été mis en place début 1997. Ce groupe fait intervenir, notamment, l'Agence nationale pour l'emploi, le GIP-International, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'université de Bordeaux IV, les caisses d'allocations familiales. Dans le domaine plus particulier de la santé, les partenariats entre établissements hospitaliers constituent un élément important du dispositif franco-roumain dans ces domaines. Outre les nombreux jumelages, qui permettent la formation d'équipes roumaines en France, l'assistance technique en rapport avec la mise en _uvre d'équipements de réanimation, le développement d'un atelier biomédical et l'acheminement en Roumanie de matériels médicaux en provenance d'hôpitaux parisiens, plusieurs projets ont été programmés : création d'un centre de soins en santé mentale, formation de personnels hospitaliers roumains en kinésithérapie pédiatrique, campagnes de vaccination...

L'action de l'État est relayée par la coopération décentralisée, relativement forte en Roumanie. En effet, ce pays représente, après les pays ayant une frontière commune avec la France, la plus forte implication des collectivités locales françaises. Les 180 partenariats répertoriés constituent près de 3,5 % du total mondial des opérations extérieures des collectivités françaises. Pour l'année 1999, les programmes soumis au Comité de la coopération décentralisée ont représenté 8,77 millions de francs, montant que le ministère des affaires étrangères a soutenu à hauteur de 2 millions de francs. Dans ce cadre, les collectivités locales françaises proposent, pour l'année 2000, une trentaine de projets représentant près de 7,5 millions de francs, dans des domaines aussi variés que l'adduction d'eau, le développement de la vie associative, la mise en place d'expositions culturelles, la formation à l'administration locale, etc.

Votre Rapporteur spécial se rallie volontiers à l'avis formulé dans les réponses à son questionnaire : « La Roumanie ayant choisi d'être membre de la francophonie, il est important de respecter cette adhésion volontaire et de préserver cette affinité élective en faisant de l'apprentissage du français non seulement un effort utile mais encore une démarche séduisante ».

CHAPITRE III

POUR UNE FRANCOPHONIE RENFORCÉE

Après cette analyse générale et ces études de cas, six questions méritent de trouver des réponses. Qui détermine la politique de la France en matière de francophonie ? Qui fixe la stratégie ? Qui décide des actions concrètes ? Qui répartit les tâches ? Qui dispose des moyens ? Faut-il développer la culture française, même par le biais de l'utilisation de l'anglais ou bien faut-il en priorité étendre l'usage de la langue française, au prix de restrictions pour notre action culturelle ?

De manière pragmatique, deux moyens permettent de faire progresser la francophonie :

· le hasard : la lecture d'un écrivain ou d'un intellectuel, la diffusion d'une image, la rencontre avec l'_uvre d'un artiste en général, font souvent naître le désir de connaître la France, sa langue et sa culture ;

· la nécessité : le besoin d'accéder à un vaste champ de connaissances, disponible seulement en français, peut inciter un non-francophone à apprendre le français ; les impératifs du commerce et les nécessités économiques peuvent conduire des non-francophones à prendre contact avec des entreprises françaises. Inversement la connaissance du français amène naturellement certains francophones à choisir des entreprises françaises.

Plusieurs questions peuvent fonder la recherche de propositions :

· Comment faire de la francophonie un véritable objectif de la politique de la France à l'étranger ?

· Comment améliorer les structures qui s'occupent de francophonie ?

· Comment organiser une coopération plus forte avec nos partenaires ?

· Comment intégrer la dimension économique dans l'action francophone ?

I.- RENFORCER LA PLACE DE LA FRANCOPHONIE
DANS LA RÉFORME DE LA COOPÉRATION

La réforme de la coopération, engagée depuis janvier 1999, devrait être l'occasion de mieux structurer notre action en faveur de la francophonie, dès lors que celle-ci a été affirmée, à maintes reprises, comme un des objectifs prioritaires de notre politique extérieure.

A.- REDONNER À LA FRANCOPHONIE UNE VISIBILITÉ PERDUE

Dans les médias, la francophonie est trop souvent perçue de manière superficielle comme une notion dépassée, destinée à justifier le maintien d'une influence française sur un « pré-carré » hérité de la période coloniale. Dans le meilleur des cas, l'indifférence règne. Et, dans le pire, les mêmes arguments qu'utilisent les groupes de pression anglo-saxons pour dénigrer les relations francophones et placer leurs propres intérêts sont repris par certains médias français, sans recul ni esprit critique.

Afin d'éviter ce genre de dérives et de redonner à la francophonie la place qu'elle mérite dans le débat public, il conviendrait d'organiser de manière plus cohérente le discours officiel sur la francophonie tout en l'accompagnant d'actions mieux définies et ciblées.

Cela passe, notamment, par la promotion systématique du trilinguisme, voie ouverte et d'ores et déjà développée par le ministre délégué à la francophonie et par le Gouvernement. Ainsi, il faut concentrer les moyens dans les pays où l'introduction dans l'enseignement d'une deuxième langue étrangère obligatoire, comme en Syrie ou en Roumanie par exemple, donne une nouvelle chance au français, les parents ayant de plus en plus tendance à orienter leurs enfants vers le choix de l'anglais lorsqu'une seule langue étrangère est obligatoire. La défense de la francophonie doit devenir celle du trilinguisme - la langue vernaculaire, l'anglais et le français -, voire du plurilinguisme. Cette démarche doit également être suivie en France même.

L'enseignement des langues étrangères dans notre pays exige une profonde rénovation. La plupart des élèves, au terme de leur scolarité du second degré, sont incapables de s'exprimer dans une langue qu'ils ont étudiée pendant sept ans. Il serait souhaitable que l'apprentissage des langues étrangères commence dès l'école primaire, qu'il soit assuré par des enseignants qualifiés et financé par l'Éducation nationale. Il n'est pas paradoxal, tant s'en faut, d'affirmer que de telles dispositions renforceraient la francophonie.

L'enseignement supérieur a compris la nécessité d'accorder une place importante aux langues étrangères dans le cursus des étudiants. On peut, à ce titre, saluer l'initiative de l'Institut d'études politiques de Paris qui, à travers le directeur scientifique de la Fondation nationale des sciences politiques, M. Jean-Luc Domenach, préconise l'institution de trois langues étrangères obligatoires pour les étudiants : l'anglo-américain, une langue européenne, et une des grandes langues mondiales (russe, arabe, chinois, japonais). En 1999-2000, 181 étudiants de l'Institut sur 2.232 étudiants étudiaient trois langues, 2.007 étudiaient au moins l'anglais, 934 au moins l'allemand et 756 au moins l'espagnol. (57)

B.- DÉFENDRE LE FRANÇAIS DANS LES INSTANCES INTERNATIONALES

Le français, langue internationale, est reconnu comme langue officielle dans tous les organismes internationaux. Mais la pratique est bien différente. Il arrive souvent que « par commodité » l'anglais soit utilisé comme seule langue de travail. On peut alors regretter que les représentants de la France, par conformisme ou par faiblesse, n'exigent pas le respect du pluralisme.

Il est même arrivé, lors de l'Assemblée générale d'une grande institution des Nations Unies, que l'administrateur français s'exprime en anglais devant son ministre de tutelle. De tels errements doivent être sanctionnés. L'État doit exiger que ses représentants s'expriment en français. Ils y gagneront en efficacité. Ils développeront leur pensée avec plus de finesse et de rigueur, s'ils utilisent toute la richesse de leur langue maternelle. Leur démission entraîne la démission générale. Leur résistance fait des émules parmi les représentants des autres pays.

Évitons le ridicule d'une situation où le français n'est utilisé que par les représentants, de moins en moins nombreux, de nations étrangères. Le Gouvernement doit rappeler avec force la règle et les principes et se montrer intransigeant en cas de non-respect.

C.- ORGANISER LES RELATIONS ENTRE BILATÉRAL ET MULTILATÉRAL

On rappellera que la Commission européenne dispose de 126 délégations dans le monde. Ce seul chiffre, accompagné du constat que les montants des fonds européens consacrés à la coopération croissent continûment, suffit à fonder la nécessité de coordonner notre action avec celle de l'Union européenne. Il s'agit de déterminer, dans chaque pays, quel acteur dispose d'avantages comparatifs et de concentrer l'ensemble des efforts en soutien de l'action de cet acteur.

L'exemple libanais a montré combien il était essentiel d'assurer une coordination entre les actions bilatérales de la France avec les programmes multilatéraux, européens (MEDA) ou internationaux (Banque mondiale). L'exemple roumain, quant à lui, a permis d'évaluer la différence des moyens que pouvait mobiliser l'action bilatérale et ceux qui pouvaient être apportés, en l'espèce, par l'Union européenne. Pour réaliser une véritable complémentarité, il conviendrait de permettre un recrutement déconcentré d'experts. Il est clair que, dans des pays comme la Syrie, la France dispose d'une expertise qu'un cabinet recruté à Bruxelles n'aura pas et mettra du temps à acquérir. Et cette expertise française participe de la francophonie.

D.- ACCORDER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA COMMUNICATION

La télévision, le cinéma et Internet sont aujourd'hui les vecteurs essentiels de la culture, de l'information, de la communication. Or, les moyens d'expression dont dispose l'univers francophone demeurent modestes, sinon marginaux.

La chaîne internationale de télévision est certes utile, mais il lui reste des progrès importants à accomplir pour être vraiment opérationnelle et attractive. Le téléspectateur francophone syrien attend de TV5 une vision française des problèmes mondiaux. Le journal de Radio Canada, dont l'univers va des Rocheuses aux rives du Saint-Laurent, ne répond pas exactement à son attente.

Une juxtaposition d'émissions belges, suisses, canadiennes, françaises ne fait pas une chaîne de télévision. Aussi les appréciations portées sur TV5 à l'étranger sont-elles pour le moins contrastées. Il lui reste des efforts à entreprendre pour être plus près de l'actualité et pour donner une image plus moderne et plus dynamique de la France. Il convient de lui accorder des moyens financiers supplémentaires pour atteindre ces objectifs. En contrepartie, notre place et notre influence au sein de la chaîne doivent être conformes à nos engagements financiers qui représentent l'essentiel de son budget.

Par ailleurs, TV5 ne peut pas avoir le monopole de la télévision française dans un certain nombre de pays qui reçoivent toutes les chaînes généralistes européennes. Il serait de bonne politique que France Télévision, notamment, ait accès au public francophone du Proche-Orient.

La volonté de promouvoir un espace francophone dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication est une impérieuse nécessité. La place du français y est marginale. Pour lui donner une importance significative, notre collègue Patrick Bloche a présenté quatre-vingt six propositions dans un rapport remis au Premier ministre en décembre 1998 (voir supra, chapitre premier, paragraphe 4 : l'action culturelle). Elles sont toujours d'actualité. Il appartient au Gouvernement de les mettre en _uvre avec toute la célérité qu'exige une situation d'urgence.

E.- CHOISIR LES OBJECTIFS DU RÉSEAU D'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

Nous l'avons vu, le réseau français d'enseignement français se trouve dans une situation contrastée. Tantôt archaïque, tantôt à la pointe du progrès, ici bien enraciné, et là marginalisé, reflet plus ou moins fidèle des transformations pédagogiques de l'éducation nationale, système productif pour les élites locales ou système de rupture et de déracinement, ce réseau souffre d'un manque d'orientation certain. Ses finalités sont multiples et les contraintes budgétaires restreignent les choix.

Initialement conçu pour donner une formation à la française aux élites locales, le système s'est légitimement réorienté vers la scolarisation de type métropolitain des enfants français de l'étranger. Un autre objectif lui a été assigné, celui de concourir, directement ou indirectement, à l'enseignement de la langue française dans les systèmes éducatifs locaux, mais aussi de participer, dans les structures d'éducation des pays développés, ou en voie de développement, à l'enseignement de la langue et de la civilisation françaises pour les adultes. Enseignement français, du français, en français, à la française, ces différentes vocations sont toutes présentes, entremêlées, chacun des acteurs ayant l'impression de mener une mission sans fin et trop diffuse.

Cette situation appelle la définition de messages plus clairs, destinés en particulier à l'AEFE. De la même manière que nous sommes parvenus à dégager des priorités dans notre politique de coopération, nous devrions circonscrire l'action de notre réseau d'enseignement à l'étranger. Les travaux du groupe interministériel destinés à définir un projet pédagogique et éducatif cohérent méritent ainsi d'être salués. Il faut parvenir à la réalisation d'une grille d'analyse qui, pour chaque pays, présente les moyens en place, les objectifs précis à atteindre, et l'adaptation des premiers aux seconds.

II.- FAVORISER LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE

La place d'une langue sur la scène internationale est liée à la place que le pays où elle est parlée occupe sur cette même scène. Un professeur de rhétorique de l'université de Salamanque, A. de Nebrija, qui composa à l'intention des Rois Catholiques Une grammaire du castillan, premier ouvrage de ce genre, en Europe, à codifier une langue vulgaire, n'affirmait pas autre chose en 1492 : « La langue a toujours accompagné la puissance ». De la même manière, et à propos de la langue française, Antoine de Rivarol soulignait : « Aux productions de l'esprit se joignaient encore celles de l'industrie (...) ; nos voisins (...) furent comme accablés sous l'exubérance de l'industrie française ; si bien qu'il prit comme une impatience générale à l'Europe, et pour n'être plus séparé de nous, on étudia notre langue de tout côté. » (58)

Aussi convient-il, si notre objectif est d'asseoir la francophonie sur une base solide, de favoriser la présence des entreprises francophones à l'étranger. Des efforts considérables sont portés par les pouvoirs publics pour favoriser ces implantations. En retour, les entreprises seraient bien avisées de soutenir l'action culturelle et l'action francophone. Il ne s'agit pas pour elles de changer d'objectif et de passer de la recherche du profit à la générosité gratuite en faveur du développement des beaux-arts, mais bien de répondre à leur intérêt. Soutenir la francophonie dans un pays, c'est faciliter leur propre implantation et disposer de relais susceptibles de comprendre les nuances de leur culture et de leurs modes de production. Quel intérêt un jeune Ouzbek a-t-il d'apprendre le français s'il ne trouve pas un débouché professionnel dans une entreprise française ou dans une entreprise locale en relation avec les pays francophones ? Dans beaucoup de pays, l'enseignement du français attire principalement les jeunes filles parce qu'il relève du simple enrichissement culturel et débouche essentiellement sur l'enseignement. Il faut rompre avec cette vision réductrice qui, à terme, ferait du français une langue morte.

Ainsi, Renault, qui a racheté le premier constructeur automobile roumain, s'attache à développer la connaissance du français parmi ses employés roumains. Parallèlement, les cadres de Renault apprennent le roumain. Le dialogue devient plus riche et ne se trouve pas limité par l'usage d'un idiome, éloigné de l'anglais classique et appauvri. L'entreprise pratique la même politique au Japon où elle a racheté la firme Nissan.

La démarche de Renault dans ces deux pays est exemplaire, mais malheureusement exceptionnelle. Il ne serait pas choquant que cette entreprise ait le même souci de la langue française sur le sol national, ce qui n'est pas le cas. Combien de chefs d'entreprises, par snobisme ou par manque d'imagination, communiquent exclusivement en anglais alors que l'utilisation du français serait possible et efficace ? Citons cette grande banque française, qui ayant racheté la deuxième banque roumaine, utilise paraxadolament dans ce pays francophone, l'anglais comme seule langue de travail pour ses cadres.

De nombreux exemples étrangers, allemands, hollandais ou japonais montrent que l'action culturelle extérieure peut être relayée par des partenaires privés rassemblés dans une Fondation. En France la tendance est forte de tout attendre de l'argent public. Or, celui-ci est naturellement limité. Certes de grandes entreprises pratiquent un mécénat individuel et ciblé. Mais il n'existe pas une grande Fondation qui à l'image des grandes fondations anglo-saxonnes ou germaniques, rassemblerait un grand nombre de donateurs privés, et disposerait de moyens puissants. Une telle fondation France Entreprise en faveur de la francophonie et de la diffusion de la culture française dans le monde serait un instrument incomparable de notoriété et d'influence pour le monde des affaires français. Un tel investissement serait utile et rentable.

III.- RASSEMBLER LA FRANCOPHONIE ET LA DÉFENSE
DE LA LANGUE DANS UNE SEULE STRUCTURE

A.- AU NIVEAU CENTRAL

Défense de la langue dans sa pureté et dans son unité d'une part, diffusion de cette langue d'autre part, sont les deux facettes d'une même nécessité.

Il faut constater l'impossibilité de rattacher la francophonie à un ministère en particulier. Le système actuel ne fait que disperser les efforts et noyer la francophonie dans un dédale d'organismes, qui s'occupent de tout sans véritable coordination, et dans une multitude d'actions, où le label francophone fait parfois figure de postiche. Il manque une structure de veille, de coordination entre les différents départements ministériels, s'occupant de francophonie. Cela n'existe pas. Autrefois, il y avait un comité de suivi des sommets. Il faut le recréer.

Le nouvel organisme devra étudier les mesures propres à assurer la défense et l'expansion de la langue française, établir les liaisons nécessaires avec les organismes publics et privés compétents, notamment en matière de coopération culturelle et technique, susciter et encourager toutes initiatives se rapportant à l'expansion de la langue française. Il faut placer cet organisme auprès du Premier ministre, à l'exemple du secrétaire d'État à la francophonie créé en mai 1986.

En outre, l'évaluation mérite d'être développée de manière prioritaire. Des indices de performance sont en cours de réalisation au sein de la direction générale de la coopération internationale et du développement. En matière de francophonie, cette évaluation pourrait passer par la caractérisation des actions de formation linguistique (nombre de stages, de stagiaires, durée des formations...), par le recensement des moyens consacrés à l'enseignement et à la diffusion de la langue française, par la définition des effectifs de professeurs, d'élèves, de locuteurs francophones et de leur évolution, par la prise en compte de la situation et du statut de la langue française dans les pays partenaires.

B.- DANS LES POSTES

Dans chaque poste diplomatique, en relation avec la création d'un service central de la francophonie, un correspondant francophonie doit être désigné, l'attaché culturel ou l'attaché de coopération linguistique par exemple. Il faut accompagner cette désignation d'une grille d'analyse systématique de l'action francophone menée par le poste et définir, en conséquence, des indicateurs et des instruments de suivi. L'exemple des observatoires de la francophonie mis en place par l'Agence universitaire de la francophonie apparaît, de ce point de vue, comme un progrès appréciable, qui mériterait d'être mieux exploité au plan bilatéral.

Parallèlement, il conviendrait de mettre en place une politique de communication cohérente dans l'ensemble de nos implantations diplomatiques et culturelles. Aujourd'hui, chacun doit déployer des efforts d'imagination et des trésors d'énergie pour obtenir du matériel destiné à illustrer ce qu'est la France d'aujourd'hui (cartes, affiches,...). Il serait utile de créer, au sein du ministère des affaires étrangères, une cellule chargée de déployer dans tous les postes un matériel documentaire, qui pourrait servir à décorer tous les espaces publics : services des visas, salles de cours, bibliothèques-médiathèques, alliances françaises.

Cette cellule pourrait, par exemple, commander auprès des organismes publics et des entreprises des affiches et des panneaux illustratifs de la France classique (paysages, Châteaux de la Loire, grands écrivains, etc.) et contemporaine (TGV, laboratoires,...). Une série d'équipements de diffusion servant à présenter des films vidéos représentatifs de notre dimension technologique ou économique pourrait être financée par des entreprises et installée, par exemple, dans les halls d'accueil de nos représentations.

Cette proposition peut paraître anecdotique ou légère. Elle est importante pour contribuer à améliorer et à actualiser l'image de la France à l'étranger. Aujourd'hui, combien de salles d'accueil des visas offrent à ceux qui veulent découvrir notre pays, la tristesse de murs blancs agrémentés de quelques notes administratives ? Ces salles devraient être au contraire la vitrine du premier pays touristique du monde, d'un pays d'inventeurs et de grandes réussites technologiques et industrielles.

IV.- IDENTIFIER L'EFFORT BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE

On a pu constater combien le flou qui régnait sur la définition budgétaire de la francophonie, en particulier sur un plan bilatéral, pouvait avoir des répercussions dommageables sur la représentation même de la francophonie. Faute de pouvoir être évaluée avec précision, elle donne lieu à tous les fantasmes et on lui prête plus de moyens qu'elle ne peut en disposer. Et, par un glissement subreptice, on l'accuse de tous les gaspillages.

C'est pourquoi il apparaît nécessaire que soit entrepris un effort de clarification et de définition de ce qui peut contribuer ou non, parmi les dépenses de l'État, à la francophonie. Une série de critères (action en faveur de la langue, programme mené dans un pays francophone, intervention de tel ou tel service de l'État chargé spécifiquement de la francophonie...) pourrait être appliquée par chaque ministère, ce qui permettrait de déterminer, à l'exemple de ce qui existe pour le budget civil de recherche et de développement, les crédits qui concourent spécifiquement à la francophonie.

Il s'agirait de donner au « jaune », non plus une valeur relative, soumise aux aléas des définitions choisies par chaque ministère, mais une valeur de référence, susceptible de fonder tout débat sur la francophonie sur des éléments sérieux, comparables avec certitude d'une année sur l'autre.

V.- SANCTIONNER LES DÉRIVES

Votre Rapporteur spécial propose de supprimer les crédits publics des organismes et institutions français qui ne respectent pas les textes sur l'utilisation de la langue française et qui, sous prétexte de modernité, qui n'est en fait qu'un cache-misère, font un usage immodéré de l'anglais. Ainsi, ne devrait-on plus accorder, dans la droite ligne de ce que prévoit la loi du 4 août 1994, les subventions accordées à l'Institut Pasteur, qui, s'il doit favoriser la maîtrise des langues parmi ses chercheurs, ne doit pas dériver vers le monolinguisme anglo-américain, sous peine, à terme, d'aligner la recherche française sur les méthodes et les champs de recherche américains, ce qui serait préjudiciable à la nécessaire diversité culturelle et marginaliserait la science francophone du Sud. En cette matière, le contenu risque, en effet, de suivre la forme.

De même, il doit être fait obligation à tous les fonctionnaires français de veiller au respect du plurilinguisme dans les institutions internationales. Leur vigilance doit être appréciée dans le jugement porté sur la qualité de leur action.

CONCLUSION

D'un point de vue philosophique, si à l'origine la francophonie était un mouvement de nature linguistique (promotion et défense de la langue), elle a été amenée, selon la volonté des pères fondateurs, à participer au développement du Sud. Progressivement, la langue est devenue, non plus un objectif, mais un outil de développement. On utilise le français pour faire de la coopération, de la concertation, de la politique, de la coopération économique. La francophonie est appréhendée comme espace de coopération politique, de solidarité Nord-Sud et de prévention des conflits.

Cette approche s'inscrit pleinement dans la politique de la France à l'égard de ses anciennes colonies, au lendemain de leur indépendance. La langue française a servi de ciment ou de trait d'union dans une stratégie de défense du « pré-carré », essentiellement en Afrique. Les fonctions de diffuseur culturel étaient censées se marier avec celles de développeur.

La confusion entre les objectifs a été source d'ambiguïtés. Il a été souvent reproché à la coopération culturelle et scientifique qui s'inscrit dans le présent, d'ignorer ou de s'opposer à la coopération au développement qui gère le long terme.

La nouvelle politique de la France, mise en _uvre depuis 1998 par l'intégration du ministère de la coopération dans celui des affaires étrangères, a justement pour finalité « d'assurer en permanence le croisement des deux concepts placés au c_ur de son action : la culture et le développement (...) d'apprendre à les traiter comme deux versants d'une même réalité comme distinctement perceptibles, étroitement imbriqués et nourris l'un de l'autre ». (59)

Cette place de la langue française comme outil permet de la restituer au plan mondial. Quand nous la défendons, nous défendons la capacité des États ayant le français en partage à affirmer leur propre identité culturelle. Ce combat est celui du plurilinguisme. Il doit être proclamé avec force que les populations dans tous les pays du monde ont le droit d'exprimer leur culture dans leur langue.

Ainsi, la francophonie mérite d'être défendue. Elle est le support de la diversité culturelle. Il faut le rappeler, sa définition est extensive et dépasse la simple défense de la langue : linguistique, culturelle, politique, juridique et économique. Sa diffusion en tant que système de pensée doit être favorisée, y compris par le biais de l'anglais et des langues vernaculaires. Elle doit être défendue en France même.

Le choix du code Napoléon ou de la Common Law en droit civil, en droit des affaires ou en procédure commerciale n'est pas de simple nature technique. Il implique des raisonnements et des modes de pensée différents. Il détermine fortement les relations contractuelles à l'échelle mondiale. Le choix d'un système juridique est autant politique, qu'économique et culturel.

Si la francophonie est affirmée comme un objectif de notre politique extérieure, elle doit apparaître en tant que telle dans chaque action. Les moyens qui lui sont consacrés doivent être identifiés. Il ne suffit pas de dire que tout contribue à la francophonie, dès lors qu'une action est menée par la France ou par tout autre pays francophone.

La francophonie est un portail d'entrée à la diversité culturelle. Celle-ci ne peut se satisfaire de bonnes intentions, il lui faut des moyens. Ce combat passe de nos jours par la maîtrise des nouvelles technologies. La diversité des sources de communication et le pluralisme de leur contenu constitue un enjeu majeur si nous voulons éviter la chape de plomb de la pensée unique au service des intérêts des multinationales à dominante nord-américaine. Ainsi, le français qui « n'est plus la langue du Pouvoir » selon l'heureuse formule de Lionel Jospin pourrait être utilement « la langue d'un Contre-Pouvoir ».

Au terme de cette analyse, laissons le dernier mot au roi Étienne de Hongrie. Dans ses exhortations de 1013-1015 destinées à son fils sur les affaires de l'État, il écrit : « un pays qui n'a qu'une seule langue et une seule coutume est faible et faillible ».

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 21 septembre 2000, la Commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné le présent rapport d'information.

La francophonie apparaît, au premier abord, comme un concept particulièrement flou, situé entre une approche réduite à la défense de la langue et la diffusion d'une culture, d'une façon de penser et d'une manière d'agir. Dans de nombreux milieux dirigeants, le débat francophone est parfois appréhendé comme un combat perdu d'avance face à l'anglo-américain, qui s'imposerait dans les échanges internationaux, scientifiques ou culturels. Le recteur de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth a su parfaitement définir la francophonie : le français s'impose comme la langue de l'universel face à une langue anglo-américaine, instrument global d'homogénéisation, favorable à la diffusion d'un certain stéréotype de produits de consommation. Au-delà des conceptions philosophiques, la francophonie apparaît donc comme un enjeu politique majeur dans son combat pour la diversité culturelle.

Cependant, d'un point de vue budgétaire, aucune donnée réellement fiable n'est disponible. Tout juste peut-on se référer au « jaune » relatif à l'action extérieure de la France, annexé chaque année au projet de loi de finances, qui fournit un chiffre total de 5,6 milliards de francs, comptes spéciaux compris, pour l'année 2000. Ces crédits proviennent pour la quasi-totalité du ministère des affaires étrangères avec 5,2 milliards de francs, le reste venant des comptes spéciaux du Trésor, à hauteur de 360 millions de francs et du ministère de la culture avec 60 millions de francs.

Outre le fait qu'on peut s'interroger sur la pertinence d'inclure dans cet ensemble, par exemple, les crédits du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle (290 millions de francs inscrits en 2000), il faut bien constater que le périmètre choisi varie d'un exercice à l'autre, ce qui rend impossible toute comparaison pertinente dans le temps. Par ailleurs, lorsqu'on interroge le ministère des affaires étrangères, il met en avant, comme soutien à la francophonie, l'ensemble des crédits gérés par la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement, à savoir plus de 9,35 milliards de francs.

Les crédits budgétaires affectés à la francophonie multilatérale apparaissent plus clairement. En effet, la France contribue aux deux tiers du Fonds multilatéral unique (FMU), soit environ 240 millions de francs, ce qui permet de mesurer l'effort fait par la France par rapport aux 50 autres États de la francophonie multilatérale institutionnelle. L'essentiel du FMU est attribué à l'Agence intergouvernementale avec 90 millions de francs et à l'Agence universitaire de la francophonie (ex-AUPELF-UREF) avec près de 120 millions de francs.

Les incertitudes qui entourent la définition budgétaire de la francophonie se retrouvent par ailleurs dans sa définition institutionnelle. Le volet institutionnel multilatéral de la francophonie y apparaît plus clairement que le volet bilatéral et, ce, d'autant plus que les derniers sommets de Hanoi en 1997 et de Moncton en 1999 ont permis, en particulier sous la pression de la France, de clarifier les compétences. Ainsi, d'un point de vue institutionnel, la francophonie, c'est d'abord le multilatéral. On retient l'image des grands sommets francophones ou encore de la réunion de plus de vingt-cinq chefs d'État francophones qui a eu lieu à New York, lors du sommet du Millenium.

En second lieu, l'organisation institutionnelle française en charge de la francophonie, si elle semble théoriquement claire, apparaît dans la réalité compliquée et dispersée. En effet, d'un point de vue théorique, seuls le ministère des affaires étrangères, avec le service des affaires francophones pour le suivi des institutions multilatérales et avec la DGCID pour les questions bilatérales, et le ministère de la culture, pour la défense de la langue française, sont compétents. Pourtant, il convient d'y ajouter le Haut Conseil de la francophonie, placé auprès du Président de la République, le Conseil supérieur de la langue française, placé auprès du Premier ministre, et nombre de ministères, qui revendiquent une part de l'action francophone, au premier rang desquels on pourrait citer le ministère de l'éducation nationale et sa délégation aux relations internationales et à la coopération. Il faut également prendre en compte nombre d'institutions, aux statuts très divers, dont les missions participent directement de la diffusion de la langue française et de la francophonie. On peut citer l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'Association française d'action artistique, ou encore des associations telles que la Mission laïque ou l'Alliance française.

La multiplication des institutions tend à obscurcir l'organisation générale de l'action francophone bilatérale, justifiée par le fait que la francophonie est incluse dans le périmètre des intérêts français, et rend plus difficile une coordination avec l'action multilatérale, que la France finance pourtant très largement. Cette complexité, l'incertitude des définitions budgétaire et institutionnelle s'ajoutent à un foisonnement d'actions, qui sont revendiquées comme participant de la francophonie : lutte pour la diffusion de la démocratie, de l'État de droit et de la « bonne gouvernance », actions linguistiques, éducatives, juridiques, techniques et scientifiques, actions économiques francophones.

La mise en _uvre de plusieurs propositions permettrait d'améliorer la situation. La première consiste à favoriser de manière appuyée le trilinguisme, ce qui impose des moyens financiers adéquats. Pratiquée par 150 millions de personnes, la langue française peut connaître un développement comme « deuxième langue étrangère » dans nombre de pays. Par ailleurs, le développement des technologies de l'information francophones doit pouvoir bénéficier d'un soutien continu. La réforme de TV5 dont les programmes laissent nettement à désirer doit être poursuivie et il convient de permettre aux chaînes publiques de diffuser à l'étranger. La création d'une fondation qui réunirait les efforts des entreprises privées en faveur de la diffusion de la culture et de la langue françaises constituerait également un progrès notable. Il faut créer un organisme de coordination auprès du Premier ministre, qui viendrait remplacer un certain nombre d'institutions existantes, tandis que la désignation d'un correspondant « francophonie » dans chaque poste diplomatique offrirait la possibilité de prendre réellement en compte l'action diplomatique francophone.

M. Jean-Louis Idiart a regretté qu'aucun journal francophone, au-delà des quotidiens français et de deux ou trois titres phares de la presse francophone, ne soit disponible à l'Assemblée nationale.

Le Président Henri Emmanuelli a souligné la nécessité de permettre la diffusion la plus large possible du présent rapport, notamment par le biais du site Internet de l'Assemblée et par cédérom, compte tenu de l'intérêt qu'il pourrait susciter, chez les chercheurs en particulier. Il a souhaité que ses conclusions soient nettement affirmées, alors que très souvent l'écrit aboutit à nuancer les propos tenus.

M. Yves Tavernier, rapporteur, a indiqué que sur la nécessaire réforme de TV5 ou sur le fait que l'Institut Pasteur ait diffusé des documents en anglais destinés à des chercheurs français, comme sur ses propositions, le rapport écrit ne comporte pas d'ambiguïté.

Votre commission des Finances a ensuite autorisé, conformément à l'article 146 du Règlement, la publication du présent rapport.

2592 - Rapport d'information de M. Yves Tavernier, au nom de la commission des finances sur les moyens et les structures de diffusion de la francophonie

() M. Claude Hagège, Le souffle de la langue, Paris, Odile Jacob, Poches, 2000, page 41.

() Si le français est l'une des onze langues officielles de l'Union européenne, elle constitue avec l'anglais l'une des deux premières langues de travail.

() Voir note méthodologique reproduite en annexe.

() Victor Segalen, Essai sur l'exotisme : une esthétique du divers, Paris, Librairie générale française, Livre de poche, 1999.

() Votre Rapporteur spécial a délibérément choisi des pays qui n'étaient pas dans la sphère «  évidente », originelle, de la francophonie, précisément pour sortir du lieu commun de la francophonie franco-québéco-africaine. Il a vu là un moyen d'approcher de manière différente la question francophone.

() Albert Salon, « La francophonie, nouvel objet de défense nationale », Défense nationale, 1995, n°10, page 47.

() M. Patrick Bloche, Rapport du Premier ministre, Le désir de France, la présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l'information, décembre 1998.

() Paul-Marie Couteaux, « La France est une grande puissance », Le Monde, 27 juin 1987.

() Antoine de Rivarol, De l'universalité de la langue française : discours qui a remporté le prix de l'Académie de Berlin, Paris, Dessenne, 1784.

() Le Monde, 2 décembre 1995.

() L'AIPLF est devenue Assemblée parlementaire de la francophonie depuis la XXIVème session ordinaire d'Abidjan (6-9 juillet 1998).

() L'expression « organisation internationale de la francophonie » a été adoptée officiellement pour désigner l'ensemble du dispositif multilatéral francophone par la Conférence ministérielle de la francophonie qui s'est tenue à Bucarest le 5 décembre 1998.

() La Macédoine et le royaume de Belgique sont membres du sommet de la francophonie sans être membres de l'Agence.

() Voir en annexe l'audition de M. Roger Dehaybe, administrateur général de l'Agence de la francophonie, par le groupe d'études de l'Assemblée nationale sur la francophonie et la culture française dans le monde.

() L'université Senghor d'Alexandrie devrait être la prochaine institution sur la liste des organismes multilatéraux francophones évalués.

() On peut ainsi évoquer le Fonds international de coopération universitaire (FICU), le Fonds francophone universitaire de la recherche (jeunes équipes de recherche, réseaux thématiques de recherche), le Fonds francophone universitaire de la formation (bourses de mobilité...) ou encore le Fonds francophone universitaire de l'information (réseau électronique francophone, campus virtuel francophone...).

() Institut francophone pour l'informatique à Hanoi, pour l'administration et la gestion à Sofia, pour l'entrepreneuriat à Maurice, et pour la technologie à Phnom Penh.

() M. Samy Cohen, « Décision, pouvoir et rationalité dans l'analyse de la politique étrangère », in Mme Marie-Claude Smouts, Les nouvelles relations internationales, Paris, Presses de Sciences-Po, 1999.

() Par exemple, colloque des 30 avril, 2 et 3 mai 1996, La francophonie face aux défis des nouvelles technologies.

() Voir en annexe l'audition de M. Thierry Simon, délégué aux relations internationales et à la coopération du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, par le groupe d'études de l'Assemblée nationale sur la francophonie et la culture française dans le monde.

() Voir infra la partie consacrée aux inforoutes francophones.

() Établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel à l'étranger : École française de Rome, École française d'archéologie d'Athènes, Casa Velasquez de Madrid, École française d'Extrême-Orient, Institut français d'archéologie orientale du Caire.

() Il existe des attachés militaires dans les ambassades depuis le Second Empire, des attachés financiers depuis 1906 et des attachés commerciaux depuis 1919.

() L'AFAA a passé des conventions de partenariat avec 18 villes, 3 conseils généraux et 5 conseils régionaux.

() Voir site Internet de l'Alliance française : www.alliancefrancaise.fr

() Antoine Meillet, Les langues de l'Europe nouvelle, Paris, Payot, 2ème édition, 1928.

() Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992.

() Décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994.

() Voir, par exemple, arrêté du 11 février 1993 relatif à la terminologie économique et financière.

() Décret n° 72-19 du 7 janvier 1972, décret n° 83-243 du 25 mars 1983, décret n° 86-439 du 11 mars 1986.

() Ces propos du linguiste M. Bernard Cerquiglini ont été prononcés à l'occasion d'une conférence de l'Université de tous les savoirs, le 15 février 2000.

() M. Pierre Lequiller, député, L'enseignement français à l'étranger, contribution à notre rayonnement culturel : un bilan en demi teinte, Rapport au Premier ministre, juillet 1996.

() Cf. arrêté du 25 février 1997 fixant la liste des établissements scolaires français à l'étranger, Journal officiel du 4 avril 1997.

() Cf. articles 3 et 4 de la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990.

() La collecte et l'édition de ces données sont de la responsabilité du ministère de l'éducation nationale. Pour une analyse approfondie de cette question, on peut utilement se reporter au rapport de notre collègue Alain Claeys, L'accueil des étudiants étrangers en France : enjeu commercial ou priorité éducative, Assemblée nationale, XIème législature, n° 1806, 22 septembre 1999.

() Extraits du second plan quinquennal d'expansion culturelle de la France 1964-1968.

() M. Jacques de Bourbon-Busset, « Deux choix fondamentaux », extraits des actes d'un colloque organisé par l'École normale supérieure de Saint-Cloud pour son centenaire, Brochure Saint-Cloud, Credif, 1983.

() S'ils ne se recoupent pas entièrement, le droit romano-germanique et la francophonie se rejoignent largement dans la très grande majorité des pays francophones.

() M. Jean-Louis Bianco, « Pour un " consensus de New York " », Les Échos, 21-22 avril 2000.

() Cf. rapport définitif du groupe de travail sur la diffusion et la traduction du droit romano-germanique, 2000.

() On relèvera ainsi que l'École nationale de la magistrature de Bordeaux assure, en langue anglaise, la formation des magistrats jordaniens.

() Entretien avec M. Thierry de Beaucé, Le Monde, 3 janvier 1987.

() On peut noter que, dans un premier temps, le ministère des affaires étrangères avait fourni une réponse sans chiffrage se contentant de relever dans les crédits de la francophonie : le budget de la DGCID, celui de la sous-direction de la culture et celui de la sous-direction du français, ainsi que les budgets de l'AEFE et de l'AFAA. Cette première réponse faisait apparaître, spontanément, la définition avant tout culturelle qui était faite de la francophonie. Elle révèle également le caractère incertain de la définition budgétaire de celle-ci.

() M. Claude Hagège, Le souffle de la langue, Paris, Odile Jacob, Poches, 2000, page 115.

() M. Rafic Hariri, sommet des chefs d'État et de Gouvernement des pays ayant le français en partage, tenu à Hanoi du 14 au 16 novembre 1997.

() La présence d'une université francophone au Liban est ancienne. La Faculté de médecine de Beyrouth, premier élément d'une université qui se constituait progressivement, a été fondée à la fin du XIXème siècle, en 1889, dans un but politique. Il s'agissait de lier le concours que l'État lui apportait au contrôle constant de celui-ci, ainsi que ses promoteurs Gambetta et Jules Ferry eurent soin de l'établir. Il s'agissait aussi et surtout de concurrencer l'université fondée par l'église presbytérienne des États-Unis, qui contribua fortement avec d'importants moyens à répandre l'usage de l'anglais dans certaines communautés.

() Le programme SYFED produit et diffuse l'information grâce à des supports évoluant du moyen traditionnel (livres et revues) aux nouveaux outils multimédias et interactifs. L'objectif principal de ce programme est la mise à disposition et le partage de l'information afin de décloisonner les chercheurs, enseignants et scientifiques du monde francophone. On peut relever qu'il existe un point SYFED au sein du CEDUST de Damas.

() Crédits d'intervention classique de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères.

() On notera, avec intérêt, que si, théoriquement, à Paris, les « bureaux de coopération linguistique et éducative » ont disparu, ils demeurent encore, sur le terrain, dans les postes, une appellation quotidienne, quasiment exclusive, des services correspondant.

() On rappellera qu'il n'existe pas de droit d'association en République arabe syrienne.

() Milan Kundera cité par Kvetoslav Chvatik dans Le monde romanesque de Milan Kundera, Paris, Gallimard, 1995.

() Le COCOP, instance interministérielle présidée par le ministre délégué aux affaires européennes, réunit l'ensemble des ministères intéressés à la coopération française avec l'Est de l'Europe. Il définit les priorités de notre coopération avec cette région et décide du principe du financement ou du rejet des projets qui lui sont soumis par les ambassades de France dans les pays concernés. L'organisation des travaux du COCOP relève de la direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères (DGCID), qui instruit les projets en liaison avec les autres ministères. Son champ de compétence s'étend aux domaines de la coopération technique, scientifique, universitaire, de recherche, linguistique, culturelle, audiovisuelle et de communication. Les projets peuvent concerner un seul ou plusieurs pays.

() Voir questionnaire reproduit en Annexe II.

() Selon le document de base sur la Roumanie rédigé par le conseiller économique et commercial. Un document de la direction des relations économiques extérieurs indique pour la même année, 1999, que la France est le troisième fournisseur et le cinquième client du pays !

() Il faut noter que la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) a annoncé, à l'occasion du dixième congrès de la Fédération internationale des professeurs de français, qui s'est tenu du 17 au 21 juillet 2000, la création d'un nouveau certificat venant couronner un enseignement spécialisé : le certificat de français professionnel (CFP).

() En 1998, 1.200 postes de français étaient proposés à la titularisation. Le faible nombre de candidats a seulement permis de pourvoir 800 postes.

() Sciences Po Magazine, n° 3, juin 2000.

() Antoine de Rivarol, De l'universalité de la langue française : discours qui a remporté le prix de l'Académie de Berlin, 1784, page 41.

() Projet d'entreprise de la direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères, 2000.