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Rapport sur l'aval du cycle nucléaire
Par M. Christian Bataille et Robert Galley
Députés
Tome II : Les coûts de production de l’électricité

CHAPITRE II : POUR DE NOUVELLES INSTALLATIONS, LES ANALYSES TRADITIONNELLES CONCLUENT A LA CONVERGENCE DES COÛTS DES DIFFERENTES FILIERES MAIS AVEC DES BIAIS METHODOLOGIQUES 111

I. La convergence des competitivites selon les etudes recentes de la Digec, de l’AEN-OCDE et d’EDF 113

A. Le convergence des coûts des nouveaux équipements selon la Digec 114

CHAPITRE II : POUR DE NOUVELLES INSTALLATIONS, LES ANALYSES TRADITIONNELLES CONCLUENT A LA CONVERGENCE DES COÛTS DES DIFFERENTES FILIERES MAIS AVEC DES BIAIS METHODOLOGIQUES

La compétitivité du parc électronucléaire français tel qu’il existe a été analysée dans le premier chapitre du présent rapport.

Le coût de production complet s’élevait en 1995 à 19 centimes par kWh, une performance inégalée par les autres moyens de production. Depuis 1995, ce coût s’est encore abaissé, du fait d’économies de combustibles et de performances accrues dans la gestion des centrales.

Hors charges de capital (qui représentent 32 % du coût complet), c’est-à-dire pour sa partie exploitation, le coût du kWh nucléaire ressortait en 1995 à 13 centimes, ce qui le mettait hors de portée des autres moyens de production d’électricité.

Par ailleurs, le parc d’EDF commençant à arriver à maturité, les charges de capital ne vont cesser de décroître, faisant apparaître un accroissement de richesse important, à tarifs et volumes de ventes constants.

Caractérisé par une compétitivité prouvée et sans équivalent pour le parc actuellement en fonctionnement, le nucléaire semble dans une position moins avantageuse s’il s’agit de déterminer le meilleur choix pour un nouvelle centrale électrique.

La baisse du prix des combustibles fossiles et les avancées technologiques sur les autres filières de production, le gaz mais aussi le charbon, semblent réduire la marge de compétitivité du nucléaire pour des équipements de renouvellement du parc de production électrique.

Cette tendance est manifeste sur longue période. En 1981, la marge de compétitivité du kWh produit dans une nouvelle centrale nucléaire atteignait 22 centimes par rapport au charbon. En 1995, elle n’était plus que de 3 centimes. De même, en 1991, le coût du kWh nucléaire était inférieur de 14 centimes à celui du kWh gaz. En 1995, la différence s’était réduite à 3 centimes.

Depuis le début des années 1980, la tendance est donc à une convergence des coûts de production de l’électricité pour de nouvelles installations.

Or les premiers réacteurs REP 900 MWe en service industriel en France, ceux de Fessenheim 1 et 2 vont arriver à l’étape fatidique de 30 années de fonctionnement à la fin de l’année 2007 et au début de l’année 20081. Même si rien n’indique que leur durée de vie ne pourra pas être prolongée pour atteindre les 40 années de fonctionnement jugées économiquement souhaitables, la perspective du renouvellement du parc se rapproche.

Une question importante est donc de savoir si la convergence des coûts constatée dans un passé récent tient toujours, ou encore de dire quels équipements de production d’électricité il faudrait choisir aujourd’hui s’il fallait construire.

Cette question n’est simple ni au plan méthodologique ni à celui des solutions concrètes, compte tenu de la faiblesse des écarts.

De fait, il faut examiner quels coûts sont comptés pour chaque filière selon quelles méthodes et apprécier si les indispensables règles de cohérence comptable et économique sont respectées.

Les évaluations étant par ailleurs fondées sur l’état actuel des technologies concernées, il convient aussi de s’intéresser à leurs perspectives d’évolution.

La première partie du présent chapitre expose les résultats et les limites des différentes études disponibles actuellement sur le coût du kWh pour de nouvelles installations.

La deuxième partie traite des difficultés méthodologiques rencontrées dan la comparaison des filières et des biais affectant les évaluations traditionnelles.

La troisième partie passe en revue les différentes filières de production d’électricité, en réexaminant les évaluations de leurs coûts et en appréciant leurs perspectives d’évolution technologique.

I. La convergence des competitivites selon les etudes recentes de la Digec, de l’AEN-OCDE et d’EDF

Les coûts de production comparés à un instant donné sont les coûts d’investissement et d’exploitation des équipements les plus performants dans chaque technologie, pour une mise en service immédiate ou presque.

Lorsque l’on observe ces coûts sur les vingt dernières années, force est de constater une réduction de l’avantage du nucléaire, dans le cadre d’une convergence générale.

Figure 1 : Evolution au cours du temps du coût du kWh en base pour de nouvelles centrales dans chacune des filières – nucléaire, charbon, fioul et gaz – 2

Cette évolution est confirmée par l’ensemble des études disponibles sur les coûts de production, qu’elles émanent de l’administration française, d’organisations internationales ou des producteurs d’électricité eux-mêmes.

Les coûts de production pour des installations nouvelles, tels qu’ils sont évalués par ces différentes sources, sont passés en revue dans la suite.

A. Le convergence des coûts des nouveaux équipements selon la Digec

La Digec (DGEMP-Secrétariat d’Etat à l’Industrie) a publié en 1997 son document intitulé « coûts de référence » de la production électrique pour de futurs équipements supposés être mis en service en 2005.

Ce document, qui a été publié également en 1990 et 1993, permet de vérifier sur des bases très précises la convergence des coûts de production du kWh.

La tableau suivant et la figure ci-après montrent ce rapprochement des coûts.

Tableau : Evolution du coût du kWh des différentes filières depuis 1990 sur la base d’un taux d’actualisation de 8 % pour une production en base

 

1990

1993

1997

nucléaire

21-22

24,1-25,8

20,7-21,2

charbon

27-32

28,8-34,8

22,1-26,5

cycle combiné à gaz

28-43

29,4-35,7

20,7-28,2

Figure : Evolution du coût du kWh des différentes filières depuis 1990 sur la base d’un taux d’actualisation de 8 % pour une production en base3

· Les hypothèses d’évolution du prix des combustibles

Les cours des différentes énergies constituent un paramètre essentiel de toute étude de compétitivité. Les tableaux suivants détaillent les anticipations correspondant à l’étude Digec.

Tableau : Hypothèse d’évolution des cours des combustibles fossiles de l’étude Digec 1997

 

dollar

pétrole

gaz

charbon

scénario

haut

1 US$ = 6,5 F

· hausse jusqu’à 30 US$/bl en 2010

· stabilité au-delà

· hausse jusqu’à 3,9 US$/MBtu en 2019

· stabilité au-delà

50 US$/t CIF

scénario médian

  · hausse jusqu’à 24 US$/bl en 2005

· stabilité au-delà

· hausse jusqu’à 3,3 US$/MBtu en 2005

· stabilité au-delà

 

scénario

bas

1 US$ = 5 F

· stabilité à 17 US$/bl (hypothèse la plus probable) · stabilité à 2,7 US$/Mbtu

· scénario « bulle gazière » :

- déconnexion des prix du gaz /prix du pétrole

- baisse du prix à 2 US$/MBtu en 2000

- stabilité à ce prix jusqu’en 2010

- ensuite remontée à 3,3 US$/MBtu en 2015 et stabilité au-delà

40 US$/t CIF

Tableau : Hypothèses de prix concernant le combustible nucléaire –Digec 1997

étape

prix

uranium naturel

20 – 25 US$/lb U3O8

conversion

45 F/kg Unat

enrichissement

500 F/UTS4

fabrication

2000 F/kg Uenrichi

· Les coûts de production pour de nouveaux équipements

Les estimations du coût du kWh sont faites pour deux échéances de mises en service industriel, l’échéance de l’an 2000 et celle de 2005.

Les résultats pour une mise en service industriel en 2000 sont indiqués dans la figure suivante.

Figure : Coûts de production du kWh pour des équipements de 1997 mis en service industriel en 2000 et fonctionnant en base – Digec 1997

Les résultats concernant une mise en service industriel en 2005 sont indiqués dans la figure suivante.

Figure : Coûts de production du kWh pour le palier N4 amélioré et le cycle combiné à gaz de 2002, mis en service industriel en 2005 et fonctionnant en base – Digec 1997 –

Les résultats concernant le nucléaire correspondent à une série de 10 réacteurs, série probablement inférieure aux besoins futurs de renouvellement du parc. Pour le taux d’actualisation de 5 % qui seul est à retenir (voir plus loin), le coût du kWh produit par les nouvelles centrales nucléaires en 2005 est compris entre 16,6 et 17,1 centimes.

La comparaison avec le cycle combiné à gaz montre que le nucléaire garde la première place, le gaz arrivant toutefois à son niveau dans l’hypothèse de coûts du gaz naturel la plus favorable.

Des études de sensibilité ont été effectuées, pour déterminer l’influence des variations des différents paramètres sur le coût du kWh, ainsi que le montre le tableau suivant.

Tableau : Sensibilité des coûts de production du kWh aux variations des principaux paramètres

 

taux d’actualisation : 8 %

impact sur le coût actualisé de production (cF/kWh)

 

variation

nucléaire

cycle combiné à gaz

charbon

durée de vie économique

+ 10 ans

-0,8

négligeable

nd5

coût d’investissement

± 5%

± 0,6

± 0,25

± 0,4

disponibilité

± 1%

± 0,15

± 0,06

± 0,1

prix du combustible · nucléaire :

± 20-50 %

· gaz :

± 3 %

· charbon ;

± 11 %

· uranium (± 5 US$/lb U3 O8) :

± 0,2 – 0,26

· enrichissement (± 100 F /UTS) :

± 0,2

· fabrication (1 000 F/kg U) :

± 0,2

· prix frontière du gaz (± 0,1 US$/MBtu) :

± 0,40-0,50

· prix CIF du charbon (± 5 US$/t) :

± 0,8-1,1

Il faut noter à cet égard la forte sensibilité du coût de production du kWh gaz ou charbon aux variations du prix de la ressource. Ainsi, une variation de 3 % du prix du gaz se traduit par une variation d’un demi centime du coût du kWh, soit environ dix fois plus que pour le nucléaire.

Cliquer ici pour accéder à la suite de la partie I du chapitre II:
B. Les principaux résultats de l'étude de l'AEN/AIE-OCDE.

Cliquer ici pour retourner au sommaire général:

1 Dans l’hypothèse où les temps d’arrêt pour maintenance et révision ne seraient pas décomptés.

2 P. Lederer et F. Falgarone, La compétitivité des moyens de production de l’électricité, Revue de l’Energie, n° 492, novembre 1997. Les études du Secrétariat d’Etat à l’industrie et celles de l’OCDE, citées plus loin, conduisent au même résultat.

3 Source : Digec, Secrétariat d’Etat à l’industrie

4 UTS :unité de travail de séparation isotopique

5 nd : non déterminé



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