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Rapport sur l'aval du cycle nucléaire
Par M. Christian Bataille et Robert Galley
Députés
Tome II : Les coûts de production de l’électricité

Conclusion par Robert GALLEY 383

Recommandations...................................................................................................... 387

Adoption du rapport par l’Office............................................................................... 389

Personnalités auditionnée 393

CONCLUSION

par Robert GALLEY

Le programme nucléaire français, décidé en 1970 à la veille du premier choc pétrolier, s’est révélé être un choix gagnant en terme d’indépendance énergétique, de progrès technologiques, d’économies d’importations et de capacité exportatrice. Il a aussi été et demeure un atout décisif pour la compétitivité globale de l’économie française.

L’analyse des statistiques économiques et les simulations macroéconomiques rétrospectives le montrent sans aucune ambiguïté.

Toutes les données objectives confortent donc les choix du nucléaire civil faits en 1970 mais surtout en 1973 et confirmés, depuis lors, par les gouvernements successifs, les administrations et la collectivité nationale avec un sens de l’anticipation et de l’intérêt supérieur de notre pays auquel les Rapporteurs tiennent à rendre hommage.

Grâce à un effort d’investissement cumulé de 450 milliards de francs, la France dispose aujourd’hui d’un parc électronucléaire qui, en 1997, a généré 376 TWh, soit 78,2 % de l’électricité produite en France.

C’est grâce à ce parc électronucléaire que l’industrie française dispose du courant le moins cher d’Europe.

Le coût de production du kWh nucléaire était en 1995 de 19 centimes toutes charges comprises, y compris les charges de capital, les coûts de l’aval du cycle et les coûts du démantèlement.

Depuis cette date, les coûts ont probablement diminué de 3 à 5 %, ce qui, en plaçant le coût du kWh nucléaire du parc actuel à 18,5 centimes, donne sans conteste au nucléaire la première place dans la compétition de l’énergie.

Depuis le début des années 1990, des progrès techniques considérables et plus rapides dans les autres filières que dans le nucléaire et, surtout, une évolution très favorable des cours mondiaux du charbon et du gaz ont provoqué toutefois une convergence des coûts de production prévisibles pour de nouvelles installations.

Le coût du kWh produit avec un cycle combiné à gaz pourrait être, selon les dernières évaluations disponibles, compris entre 16,5 et 20,5 centimes, le coût du kWh nucléaire se situant quant à lui dans un intervalle de 18 à 20 centimes. Les performances du gaz et du nucléaire semblent donc converger pour de futures installations. Mais la structure des coûts de production de l’électricité devra cependant être prise en considération pour les choix futurs.

En effet, le coût du combustible représente de 60 à 70 % du coût total pour le gaz, contre 20 % pour le nucléaire. Ces deux filières offrent ainsi des vulnérabilités très différentes à des chocs éventuels sur les prix ou les approvisionnements.

Le nucléaire s’impose donc toujours en France pour la production d’électricité en base, c’est-à-dire, pour des durées de fonctionnement des installations de l’ordre de 8000 heures par an.

Le nucléaire s’impose d’autant plus pour les volumes de production importants qu’il constitue pour le moment la seule option technique efficace dans la lutte contre l’effet de serre décidée à Kyoto.

Ce phénomène de l’effet de serre provoqué par des concentrations croissantes en gaz carbonique est susceptible d’être relié directement aux élévations de température de l’atmosphère de notre planète, augmentations devenues indiscutables aux yeux des scientifiques de toutes nations. Les conséquences d’une élévation continue des températures seraient incalculables en termes de catastrophe planétaire. Il appartient donc à notre génération, compte tenu d’une progression prévisible de la consommation mondiale d’énergie, non seulement de stabiliser le phénomène mais sans doute de l’enrayer durablement.

A l’évidence, l’électricité nucléaire est aujourd’hui la seule production de masse susceptible de faire face à ce danger.

Les analyses nouvelles de la compétitivité des filières électriques cherchent à juste titre à intégrer les coûts externes de la production d’électricité, au premier rang desquels figure le coût du CO2.

Les premiers résultats de la méthode des externalités développée par la Commission européenne confirment l’avantage du nucléaire en termes de coûts environnementaux, ce qui devrait accroître son rôle à l’avenir au regard des immenses besoins en électricité des grands pays en développement comme l’Inde et la Chine.

Pour autant, le cycle combiné à gaz, le charbon propre et la cogénération voient leur compétitivité et leurs débouchés à l’étranger s’accroître d’une manière telle que la France ne peut se tenir à l’écart de ces nouvelles techniques de production de l’électricité.

C’est pourquoi, sur un plan pratique, les Rapporteurs estiment que la France doit reprendre, avec une grande modération mais résolument, ses recherches et ses investissements dans l’énergie.

Les Rapporteurs estiment qu’EDF doit dès cette année passer commande d’un premier réacteur EPR, avec l’aide éventuelle de l’Etat, après avoir obtenu des constructeurs qu’ils améliorent encore sa compétitivité en augmentant non pas sa puissance nominale mais son rendement.

EDF possède la capacité d’autofinancement nécessaire pour procéder à cet investissement indispensable à la construction à partir de 2010 de la deuxième génération du parc électronucléaire français.

Simultanément, la France doit créer les conditions favorables au développement du cycle combiné à gaz, de la cogénération, du charbon propre et des piles à combustible, par Electricité de France, certes mais aussi par les entreprises privées du secteur de l’énergie.

A ce titre, le renouvellement du parc fonctionnant en semi-base ou en pointe devrait être engagé et ouvert à la concurrence.

Ainsi la France devra développer encore plus avant son expérience dans le nucléaire dont elle a déjà une parfaite et complète maîtrise et tirer parti de toutes les évolutions technologiques en cours.

Parallèlement, elle donnera à ses entreprises industrielles les références nationales dont elles ont absolument besoin pour valoriser leurs atouts techniques et conquérir les parts qu’elles méritent sur un marché mondial de l’électricité qui va connaître une croissance rapide.

RECOMMANDATIONS

Orientation générale : Dynamiser la recherche et le développement sur les technologies de l’énergie autour d’une organisation rénovée et lancer sans délai la construction de démonstrateurs

1. Développer les recherches sur les technologies futures de l’énergie, en particulier sur les énergies renouvelables et, à cet effet, faire coopérer les organismes existants.

2. Imprimer une nouvelle dynamique au CEA en élargissant, avec les moyens budgétaires correspondants, sa mission à l’ensemble des énergies d’avenir préservant l’environnement.

3. Renforcer la recherche sur l’économie de l’énergie.

4. Mettre en pratique la méthode des externalités dans les évaluations officielles du secrétariat d’Etat à l’industrie.

5. Tirer parti des atouts de la France dans les technologies du charbon propre en construisant en France un démonstrateur de chaudière LFC supercritique.

6. Donner l’ordre à EDF de passer commande d’un EPR à 1450 MWe, en faisant compenser par l’Etat les coûts d’une mise en service anticipée de cinq ans par rapport à ses besoins.

7. Construire une série de piles à combustible de puissances croissantes.

8. Accélérer la recherche sur les piles à combustibles embarquées en renforçant la coopération Etat-industrie.

9. Lancer des études approfondies et coordonnées avec l’industrie, sur une nouvelle filière hydrogène.

EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’est réuni le mardi 2 février 1999 pour examiner le rapport de M. Robert Galley et de M. Christian Bataille.

M. Robert Galley, député, rapporteur, a tout d’abord évoqué les méthodes de travail utilisées pour préparer le rapport, précisant que les deux rapporteurs avaient participé ensemble à la totalité des auditions, qu’ils avaient porté conjointement une grande attention à la méthodologie et avaient, notamment expertisé les hypothèses de calculs au demeurant tous réalisés par des intervenants extérieurs.

Il a ensuite indiqué que le rapport comprenait une première partie consacrée au bilan économique de la filière électronucléaire, une deuxième relative à la compétitivité des différentes techniques de production de l’électricité dans la perspective de la construction de nouveaux équipements et une troisième partie d’évaluation des coûts externes – sanitaires et environnementaux – de ces différentes technologies.

M. Robert Galley, député, rapporteur, a souligné que la contribution de l’électronucléaire à la balance du commerce extérieur depuis 1974 comprenait une économie d’importations de 600 milliards de francs et des recettes d’exportations de 316 milliards de francs. Il a précisé que le parc électronucléaire fournissait à l’industrie française le courant électrique le moins cher en Europe, le prix de revient du kWh nucléaire étant aujourd’hui de 18,5 centimes.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a observé que le parc électronucléaire d’Electricité de France (EDF) allait entrer dans sa période de plus grande rentabilité et que la prolongation probable d’une dizaine d’années de la durée de vie des réacteurs nucléaires devrait générer un cash flow que l’on peut estimer entre 100 et 150 milliards de francs.

Jugeant nécessaire de tenir compte des externalités dans le coût du kWh, il a relevé la difficulté d’estimer le coût de séquestration du CO2 ou bien le coût du changement climatique que l’accumulation de ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère pourrait entraîner. En revanche, le coût de la réduction des émissions de gaz carbonique nécessaires pour respecter les engagements pris à Kyoto peut être évalué. Au total, le coût du kWh produit avec les combustibles fossiles devrait être majoré de 5 centimes pour prendre en compte cette déséconomie externe.

Après avoir rappelé que le parc électronucléaire constituait le gisement essentiel de notre approvisionnement d’électricité en base, M. Christian Bataille, député, rapporteur, a estimé souhaitable de tirer parti de l’amélioration de la compétitivité des cycles combinés à gaz et des centrales à charbon à lit fluidisé circulant pour introduire plus de diversité et de souplesse dans le fonctionnement du parc de production électrique français.

M. Robert Galley, député, rapporteur, a souhaité que non seulement les coûts externes soient désormais inclus dans les calculs officiels sur les coûts de production de l’électricité mais que le taux d’actualisation associé à la durée de vie des installations soit fixé à 5 % contre 8 % actuellement. Il a ajouté qu’il était également nécessaire de recourir à un taux d’actualisation intergénérationnel de 0,5 % pour les dépenses à très long terme.

MM. Christian Bataille et Robert Galley, députés, rapporteurs, ont tour à tour insisté sur la nécessité de lancer, dans les prochains mois, la commande d’un réacteur EPR afin de bénéficier des quatre ou cinq années d’expérience requises avant le renouvellement en série du parc actuel qui commencera vers 2010-2015. Ils ont, en outre, appelé les pouvoirs publics à soutenir la mise au point des piles à combustible et à lancer des études détaillées sur une nouvelle filière énergétique centrée sur l’hydrogène.

Remerciant les rapporteurs, M. Henri Revol, sénateur, président de l’Office, a tout spécialement salué l’intérêt des éléments nouveaux apportés quant aux méthodes de calcul des coûts de production de l’électricité.

Tout en se déclarant intéressée par les informations fournies par les rapporteurs, Mme Michèle Rivasi, députée, a émis le souhait de disposer d’informations plus récentes et plus représentatives de la réalité française sur l’aval du cycle nucléaire et en particulier sur le coût du retraitement des combustibles irradiés et la compétitivité du Mox.

M. Claude Gatignol, député, s’est félicité de ce qu’une évaluation économique vienne compléter l’approche scientifique et technique habituelle de l’Office, car il est, à ses yeux, essentiel de disposer d’évaluations comparatives des coûts pour traiter les questions énergétiques.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, a marqué son accord avec la démonstration faite par les rapporteurs de la sensibilité aux aléas géopolitiques des coûts de production du kWh à partir du gaz. Il a également souligné la nouveauté des évaluations présentées dans le rapport sur les coûts, du point de vue de la santé publique, des différentes techniques de production d’électricité.

M. Claude Birraux a fait remarquer que le scepticisme des Rapporteurs pour les réacteurs sous-critiques pilotés par accélérateurs du type « Rubbiatron », scepticisme exprimé dans le tome I du rapport, était démenti par plusieurs instances de la recherche, nationales ou internationales. Il a remarqué que certains éléments de calcul des coûts de production de l’électricité avaient été étudiés au cours de ses travaux sur la sûreté nucléaire.

M. Serge Poignant a approuvé l’approche technico-économique retenue par l’Office et remarqué l’intérêt de disposer d’évaluations complètes, incluant les effets sur l’environnement et la santé, pour les différentes filières de production de l’électricité.

A l’issue du débat, le rapport a été adopté à l’unanimité des membres titulaires présents et sa publication autorisée.

PERSONNALITES AUDITIONNEES

SECRETARIAT D’ETAT A L’INDUSTRIE

M. D. MAILLARD Directeur général de l'Énergie et des Matières Premières, Secrétariat d'État à l'Industrie

M. P. KAHN Chef du Service des Affaires nucléaires

M. S. GRIT Adjoint au Chef du Service des Affaires nucléaires

COMMISSION EUROPEENNE

M. P. VALETTE Direction générale XII, Science, Recherche et Développement

* * *

ADEME

M. F. MOISAN Directeur de la Stratégie et de la Communication

ALSTOM

M. GOUNON Président-directeur général, ALSTOM France

M. R. MAHLER Président Transmission-Distribution

M. Y. RAAK Vice-Président, Energy Management & Strategy

ANDRA

M. Y. KALUZNY Directeur général

M. E. BOISSAC Directeur de la Communication

CHARBONNAGES DE FRANCE - SNET

M. J. TEYSSIER, Directeur général, SNET (groupe CDF)

M. F. RAIN, Directeur général adjoint, SNET (groupe CDF)

M. ROLLIN, Direction générale, CDF Ingéniérie

Mme MONTEIL, Relations avec le Parlement

CEA

M. Y. d’ESCATHA Administrateur général

M. B. BARRÉ Directeur des Réacteurs Nucléaires

M. N. CAMARCAT Directeur du Cycle du Combustible

M. J-C PERRAUDIN Direction de la Communication

COGEMA

M. J-L RICAUD Directeur de la Branche Retraitement et de la Branche Industrie

M. PRADEL Directeur adjoint de la Branche Retraitement

M. L-F DURRET Direction Plan, Stratégie, Développement international

M. D. BEUTET Direction Plan, Stratégie, Développement international

Mme TISSOT-COLLE Direction de la Communication

ECOLE DES MINES

M. A. RABL Chargé de recherches

EDF

M. F. ROUSSELY Président

M. P. CARLIER Directeur général adjoint, Production Transport

M. F. FALGARONE Direction de la Stratégie

M. ESTÈVE Direction des Combustibles, chef du service Combustible

Mme C. PONCELET Direction de la Stratégie

M. JC MONCOMBLE Direction de la Stratégie

M. E. EUGENE Direction de la Communication

GAZ DE FRANCE

M. B. LEBLANC Directeur général adjoint

M. B. DAUGER Directeur de la Stratégie

IDEI

M. N. LADOUX Directeur de recherche

M. M. VIELLE Chargé de recherche

IEPE-CNRS

M. P. CRIQUI Directeur de recherche

OCDE

M. SAVELLI Directeur adjoint, AEN

Mme BERTEL Chef de service, AEN

SUEZ-LYONNAISE DES EAUX

M. NOSSENT, Directeur délégué, Suez Lyonnaise des Eaux

M. BLETRACH, Président-directeur général, Elyo

M. CARRESSE, Directeur cogénération, Elyo

VIVENDI

M. B. MASSIET DU BIEST, Direction déléguée au développement,

M. P. LE VAILLANT, Directeur adjoint des exploitations, DALKIA

M. E. LESUEUR, Directeur du département Prospective et Innovation, CGEA

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