N° 971 |
N° 484 |
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ASSEMBLÉE NATIONALE |
SÉNAT |
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 |
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ONZIÈME LÉGISLATURE |
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998 |
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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale |
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juin 1998 |
le 9 juin 1998 |
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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
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RAPPORT
sur le contrôle de la sureté et de la sécurité
des installations nucléaires
Première partie :
Le projet de réacteur nucléaire franco-allemand
par
M. Claude BIRRAUX,
Député
Tome I : Conclusions du rapporteur
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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale |
Déposé sur le Bureau du Sénat |
par M. Jean-Yves LE DÉAUT, |
par M. Henri REVOL, |
Président de l'Office. |
Vice-Président de l'Office. |
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Énergie et carburants
Entre imagination et réalisation
il est chez l'homme un espace qui ne peut être franchi que par son
ardeur.
K. Gibran
Le Sable et l'Ecume
TABLE DES MATIÈRES
SAISINE
INTRODUCTION
TITRE I UN PROJET TROP RAISONNABLE ?
Chapitre I Le projet "EPR" et la coopération franco-allemande
I La coopération des industriels
A) Une coopération rendue nécessaire par les
difficultés du marché
B) La genèse du projet EPR
C) Les acteurs du projet
D) Une collaboration fragile ?
II La coopération des organismes de recherche
A) La collaboration CEA/FZK
B) Le champ d'application des recherches conduites en commun
1 - Le comportement de la cuve du réacteur
2 - Le comportement du corium hors cuve ou la lutte contre le "syndrome
chinois"
3 - Chargements de lenceinte en cas daccidents graves
III La coopération entre les autorités de sûreté
A) La DFK
B) La DFD (Deutsch-Französischer Direktionausschuss)
C) Le projet EPR a entraîné une intensification de cette coopération.
IV Les caractéristiques du projet
A) Les objectifs de sûreté et de compétitivité
B) Les principales caractéristiques du futur réacteur
C) Les nouveaux systèmes de sûreté
Chapitre II Les démarches concurrentes du projet EPR
I Les démarches retenues
II Les projets évolutionnaires en cours
III Les projets révolutionnaires
A) La fusion thermonucléaire contrôlée
B) L'amplificateur d'énergie (EA) de Carlo Rubbia
TITRE II " DOMPTER LA LAVE RADIOACTIVE ? "
Chapitre I La recherche et développement générée par le projet EPR
I Recherche et développement générale consacrée à la filière REP
II R & D générée par les options de lEPR
A) R & D non liée aux recherches sur les accidents
graves
B) Recherche et développement liée à la prise en compte des accidents graves
1 - Les codes intégraux ou codes scenarii
2 - Les codes mécanistes
a) Les études de scenarii
b) Les études relatives au corium
c) Les études relatives à lenceinte de confinement
III R & D innovante
Chapitre II Les recherches sur les accidents graves
I Les risques liés à lhydrogène
A) Les solutions techniques sont malaisées à définir
B) Hydrogène et fusion du coeur
C) Les enceintes de confinement
1 - Les situations accidentelles retenues en France pour le dimensionnement
des réacteurs
existants
2 - Divers types denceintes de confinement sont en exploitation en
France et en Allemagne
a) En Allemagne
b) En France
3 - L'enceinte de confinement du projet EPR
4 - La protection des installations à légard des chutes davion
II Le confinement du corium
A) Corium en cuve et refroidissement associé
B) Corium hors cuve
III Explosion vapeur
IV Compte rendu succinct de lessai VULCANO VE-U1
Chapitre III Lîlot non nucléaire
I La salle des machines
II Le génie civil
III Léquipement mécanique
IV Une exploitation plus facile du poste dévacuation dénergie
V Un nouveau bâtiment électrique
TITRE III FAUT-IL CONSTRUIRE UN EPR ?
Chapitre I Léconomie du projet EPR
I Les incertitudes liées à la politique énergétique
II Les incertitudes impliquent une amélioration de la compétitivité du projet EPR
avant de
pouvoir envisager une quelconque construction
A) Une modification stratégique : labandon
du suivi de charge
B) Les améliorations techniques pour réduire les coûts de construction
III Le renouvellement du parc des centrales nucléaires
A) Lapproche technique
B) Lapproche économique
C) Les incertitudes
Chapitre II Les conséquences de la non-réalisation du projet EPR
I Hypothèses de réalisation de lEPR
A) Lhypothèse " au plus
tôt "
B) L'hypothèse " au plus tard "
II Influence de la date de décision sur les programmes menés
au CEA
A) Amélioration continue des connaissances et des
outils
1 - Développement de méthodes et de logiciels
2 - Comportement des matériaux
3 - Combustibles
B) Programmes de recherche directement corrélés au projet EPR
1 - Prévention des conséquences des accidents graves
2 - Diminution de la fluence au niveau de la paroi de la cuve
3 - Etude de lhydraulique du fond de cuve
4 - Recherches en technologie et composants
C) Programmes dinnovations
Chapitre III Les effets de la non-réalisation du projet EPR pour les
industriels
I Le projet EPR est-il vital pour Framatome ?
II L'analyse des partenaires sociaux
A) La CGT
B) La CFDT
C) Force Ouvrière
D) Le point de vue de la mouvance écologiste
CONCLUSION
ADDENDA LES PERSPECTIVES DE CONSTRUCTION D'UN EPR EN RUSSIE
RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR
ADOPTION DU RAPPORT PAR LOFFICE
ANNEXES
Liste des personnalités auditionnées par le rapporteur
Lettre du Président d'EDF
Contribution de la CFDT
Graphiques et données techniques
SAISINE
INTRODUCTION
Jai, depuis 1990, eu loccasion de présenter sept rapports
sur la sûreté nucléaire. Ce travail considérable, qui représente 13 volumes et
4 237 pages, doit, me semble-t-il, faire lobjet dune
évaluation.
Ou, plus exactement, les 118 recommandations quil contient et qui
touchent pratiquement à tous les aspects de la sûreté des installations nucléaires.
Plus quun bilan, il me paraît utile, à un moment charnière
pour lindustrie nucléaire française, de vous livrer une synthèse de ce travail
qui vous permette également de mesurer laction et lefficacité de
lOffice dans un domaine aussi vital que la sûreté nucléaire.
Jai beaucoup appris du dialogue qui sest noué avec les
divers intervenants du secteur qui ont dû expliquer et justifier leur action ou ... leur
inaction.
Jai adressé, pour ce faire, aux principaux intervenants du
secteur nucléaire un questionnaire qui ne faisait que reprendre, sans les commenter, les
propositions formulées. Mais le travail qui vous est proposé va au-delà de la
réalisation dun tableau synoptique.
La démarche proposée est plus ambitieuse quil ny paraît.
A partir de l'analyse des recommandations précédemment formulées, nous voyons
apparaître les "points noirs" de la sûreté nucléaire ainsi que les
principaux facteurs dimmobilisme.
L'ampleur du travail entrepris permet aujourd'hui d'établir ce bilan.
Il me paraît important également que les principaux acteurs du secteur perçoivent notre
volonté d'assurer un suivi particulièrement attentif des questions de sûreté
nucléaire.
Ces renseignements seront précieux pour les décideurs, autorités
politiques comme exploitants.
Si le contrôle constitue l'une des vocations premières de
lOPECST, ce dernier se doit également déclairer en amont les décisions des
responsables politiques.
Cela est particulièrement vrai pour le Réacteur Européen à Eau
Pressurisé, plus connu sous labréviation anglaise de " EPR ".
Cette question est relativement urgente car dici à deux ans
devra intervenir la décision de réaliser un prototype (ou une tête de série ?).
Près d'un milliard de francs a été dès à présent engagé sur les études de
faisabilité de ce projet ; je ne voudrais pas que les décideurs politiques se
trouvent placés dans une situation où il leur serait expliqué que, du fait de
l'importance des sommes déjà engagées dans le projet, il serait irresponsable de ne pas
le poursuivre.
Le réacteur européen à eau pressurisé (EPR) est présenté par ses
initiateurs comme le prototype de la prochaine génération de réacteurs nucléaires. De
ce fait, et quelle que soit lopinion que nous pouvons avoir sur lénergie
nucléaire, limportance de ce projet est évidente.
Le Bureau de lAssemblée nationale, sur la requête de
M. Laurent Fabius, Président du Groupe socialiste, conscient de la difficulté
de ce dossier, avait saisi lOffice le 27 mars 1997 en " recommandant
que, dans un premier temps, cette question soit examinée dans le cadre du rapport
périodique consacré (...) à la sûreté des installations nucléaires ".
Cette demande a été réitérée par le Bureau de lAssemblée
nationale le 24 septembre 1997.
En effet, EDF met en service actuellement, sur ses dernières centrales
nucléaires, des réacteurs de type N4 dune puissance de 1 450 mégawatts
issus de la technologie américaine, aujourdhui francisée, qui constituent
lextrapolation des réacteurs de 900 mégawatts ; laccroissement de
leur taille sest accompagné dune amélioration de leurs performances et de
leur sécurité. L'exploitant souhaite promouvoir, dans la perspective du renouvellement
de son parc, une nouvelle génération de réacteurs nucléaires.
S'il est difficile de donner une date à laquelle devront être
remplacées les centrales nucléaires construites à partir de 1977, nous pouvons penser
que les échéances se situeront à partir de 2010. Il est malaisé de donner une date car
les centrales ont été construites sur la base d'une durée de vie de vingt-cinq ans,
mais il semblerait que celle-ci puisse être portée à quarante ans. En examinant le
projet "EPR", j'essayerai, bien sûr, de répondre à cette question.
Dans la perspective du renouvellement du parc EDF, les constructeurs
ont lancé depuis 1989 les premières études dun nouveau réacteur nucléaire. Or,
le problème de lengagement de la réalisation dun prototype (ou d'une tête
de série ?) va se poser à terme rapproché, dans la mesure où les études
d'optimisation sont en cours d'achèvement.
Il est important que, dès l'origine du projet, le législateur
puisse formuler ses exigences en matière de sûreté.
Le rapport qui vous est présenté soulève des questions
importantes :
Lobjectif de prévention des accidents les plus graves, en
particulier la fusion du coeur (le "syndrome chinois"), au moyen dun
récupérateur de corium sera-t-il atteint ?
La protection contre la chute davion militaire lourd
pourra-t-elle être effective ?
En sens inverse, les options techniques retenues telles que la mise en
oeuvre dun réacteur comportant 241 assemblages (barres de combustibles),
contre 205 pour le réacteur N4, ou lallongement des campagnes (périodes entre
lesquelles il est procédé au renouvellement du combustible), portées à 22 mois,
ne risquent-elles pas de poser des problèmes de sûreté inédits ?
Il en est de même pour le taux dirradiation plus élevé qui,
sil favorise l'allongement du cycle, peut soulever dautres problèmes, par
exemple celui de la résistance des matériaux.
Le combustible de ces réacteurs sera-t-il entièrement composé de
MOX ? Si cela était le cas, quelles en seraient les conséquences sur la politique
de gestion du plutonium ?
Faut-il poursuivre la course à la puissance des réacteurs ?
Quelles peuvent en être les conséquences en matière de sûreté ou d'exportation ?
Dautre part, nous pouvons nous demander si les nouvelles règles
de construction de lEPR ne vont pas conduire à l'édiction de normes renforcées
pour les nouvelles centrales (par exemple le renforcement de 50 cm de la coque en
béton du réacteur pour faire face à la chute dun avion militaire lourd).
Enfin, à lheure où la question de la compétitivité de
lénergie nucléaire est posée, il est intéressant dessayer d'évaluer la
compétitivité de l'EPR en intégrant, en particulier, les perpectives
damélioration de la sûreté qu'offrent les nouvelles technologies.
Si la phase détude initiale du projet est revenue à
375 millions de francs, la seconde phase (projet de base) a coûté 750 millions
de francs et la construction dun prototype se chiffrera au minimum à une quinzaine
de milliards de francs.
Ces perspectives rendent plus nécessaire que jamais
lintervention de lOffice sur un dossier où les enjeux économiques sont
excessivement importants ; par exemple, le report d'un an du renouvellement d'une
tranche de 900 mégawatts représente, pour EDF, une économie de 700 millions
de francs.
Les réponses aux questions que je viens de poser conditionnent
l'attitude des pouvoirs publics, mais également l'avenir de toute l'industrie
électronucléaire française.
Aussi, par souci pédagogique, jai choisi de scinder en deux
parties la présentation de mon rapport : la première (présentée au mois de mai
1998) est consacrée à lanalyse du projet EPR, la seconde (qui devrait être
publiée au mois de novembre 1998) réalisera la synthèse des sept rapports précédents
afin den dégager un bilan et de tracer des perspectives.
TITRE I
UN PROJET TROP RAISONNABLE ?
Le projet de réacteur nucléaire franco-allemand à eau pressurisée
(EPR) a pour ambition de constituer la génération qui remplacera les actuels réacteurs
nucléaires lorsquils arriveront au terme de leur vie.
Il constitue un volet particulièrement important de la coopération
franco-allemande (chapitre I), qui supporte la comparaison avec les projets étrangers
équivalents (chapitre II).
Chapitre I
Le projet "EPR" et la coopération franco-allemande
La volonté politique de développer les coopérations entre la France
et lAllemagne a conduit, tout naturellement, les responsables de nos deux pays à
souhaiter la mise en oeuvre dune collaboration plus étroite dans le domaine de la
construction des centrales électronucléaires.
Avant danalyser dans le détail les avancées scientifiques et
technologiques du projet de nouvelle génération de réacteur nucléaire franco-allemand,
il ma paru utile de vous livrer une description détaillée de la coopération
franco-allemande dans ses trois aspects : industriel, de recherche et de sûreté,
ainsi, bien entendu, que les grands axes du projet.
I La coopération des industriels
La pression politique qui sest développée à partir de 1985,
alliée à un marché de la construction des réacteurs nucléaires de plus en plus
difficile, a conduit à la création par Framatome et Siemens, en avril 1989, dune
entreprise commune, dénommée " NPI " (Nuclear Power International),
ayant pour objet la mise en commun des compétences de ces deux fabricants dans le domaine
de la construction des réacteurs nucléaires civils. Cet accord a été conclu dans une
perspective dexportation, chaque industriel restant maître de son marché
domestique. Le projet a été baptisé " European Pressurized Water
Reactor " (EPR) lorsque les électriciens français et allemands ont décidé de
lui apporter leur concours, en 1992.
A) Une
coopération rendue nécessaire par les difficultés du marché
Le ralentissement des programmes nucléaires dans la plupart des pays a
exacerbé la concurrence entre les entreprises sur les rares projets de centrales dans les
pays ouverts aux importations. Il a rendu dautant plus souhaitable la consolidation
de lindustrie européenne, qui doit faire face aux grands groupes américains et à
leurs alliés nippons.
Par exemple, en Chine, lors de la négociation pour la construction de
la centrale de Daya-Bay, KWU (qui ne sera intégrée dans Siemens quen 1988) était
le principal concurrent de Framatome, alors que Westinghouse se montrait également très
actif, bien que les autorités chinoises manifestent une certaine méfiance à l'égard
des fournisseurs américains, compte tenu du fort lien existant aux Etats-Unis entre la
politique et les autorisations dexportation (sur ce dernier point, les données du
problème viennent de changer à loccasion de la visite officielle du Premier
Ministre chinois aux Etats-Unis).
La négociation des contrats principaux de la centrale de Daya-Bay
sest achevée le 22 décembre 1985 ; la première réunion entre Framatome
et KWU, au cours de laquelle a été évoquée une possible coopération à l'exportation,
a eu lieu à la mi-janvier 1986.
Le contre choc pétrolier (janvier 1986) et laccident de
Tchernobyl le 26 avril 1986 ont encore éloigné la perspective dune reprise du
marché des centrales nucléaires.
En juin 1986, Framatome et KWU ont engagé des négociations en vue
détablir une coopération pour le développement, la commercialisation et la
fourniture des îlots nucléaires des réacteurs à eau sous pression des centrales
nucléaires de 600 MW de puissance unitaire, niveau de puissance pour lequel ni
Framatome ni Siemens ne disposaient de modèle de référence alors quil semblait
qu'un marché puisse exister dans les pays en voie de développement, point de vue encore
défendu récemment par lUnion Européenne.
En février 1987, Framatome et KWU ont annoncé officiellement
quils étudiaient, à la demande du gouvernement indonésien, une coopération pour
la fourniture de centrales nucléaires de 600 MWe. Cependant, les équipes de
Framatome et KWU se sont vite rendu compte qu'il était très difficile détablir un
projet compétitif avec les centrales à charbon pour des centrales nucléaires d'une
puissance unitaire relativement faible, dautant que le charbon semble devoir rester
durablement bon marché.
En juin 1987, Framatome et KWU ont conclu un accord de principe pour
létude dune coopération pour le développement, la commercialisation et la
fourniture dans les pays tiers des îlots nucléaires avec des réacteurs à eau sous
pression (REP) pour des centrales de la classe de 1000 MWe. Les dispositions
essentielles qui seront incluses dans laccord de coopération du 13 avril 1989
figurent en filigrane dans cet accord de principe.
Lannonce, au cours de lété 1987, de la fusion entre Asea
(société suédoise) et BBC (société suisse), toutes les deux importants fournisseurs
de centrales, afin de constituer ABB, confirme la tendance mondiale à la concentration de
cette industrie. Cette fusion sera suivie, à la fin de 1988, par la fusion entre GEC et
Alsthom ainsi quà la fin de 1989 par le rachat de Combustion Engineering (société
américaine) par ABB.
Jusquau début de 1988, de très nombreuses discussions
techniques ont eu lieu, mais Framatome et KWU ont rencontré une très grande difficulté
pour progresser sans être préalablement engagés par un accord de coopération
définitif, chaque partie ayant peur de prendre des décisions susceptibles de donner un
avantage à l'autre partie, dans le cas où la coopération ne serait pas poursuivie. Ce
climat de méfiance qui a présidé à lélaboration de ce projet est extrêmement
saisissant ; il semblait sêtre atténué mais la conclusion récente dun
accord entre Siemens et le britannique BNFL vient de le réactiver.
B) La
genèse du projet EPR
A partir du deuxième trimestre 1988, les discussions ont porté
principalement sur la mise au point de laccord de coopération. Elles ont abouti le
13 avril 1989 à la signature de l'accord de coopération entre Framatome et Siemens
et à la création dune compagnie commune.
Lobjet principal de cette coopération est double :
- le développement dun îlot nucléaire de technologie commune, le
"Produit Commun", en relation avec les producteurs délectricité et les
autorités de sûreté françaises et allemandes,
- la commercialisation et la réalisation des îlots nucléaires
sur le marché
international, sous la direction de NPI, avec un partage équilibré des fournitures entre
Framatome et Siemens, tant pour les îlots de technologie commune que pour ceux relevant
de la technologie dorigine de lun des partenaires.
J'ai résumé les termes de cet accord de coopération dans le rapport
d'information n° 3246, relatif au projet de rapprochement entre Framatome et
GEC-Alsthom, que j'ai présenté au nom de la Commission de la Production et des Echanges
de l'Assemblée nationale.
Dès le mois de juin 1989, les gouvernements allemand et français ont,
par une déclaration commune, exprimé leur soutien à la coopération engagée par
Framatome et Siemens, et annoncé leur décision dinstaurer un groupe de travail au
niveau des autorités de sûreté de chaque pays afin d'étudier les options de sûreté
du projet de réacteur commun, qui repose sur le retour d'expérience des centrales
allemandes et françaises construites par Siemens (KWU) et par Framatome. Elles
totalisaient ensemble, en 1995, 1 000 années dexpérience de
fonctionnement de réacteurs à eau sous pression.
Ce projet a pour objet de développer une technologie franco-allemande
de réacteurs nucléaires à eau sous pression pour les besoins des deux pays, en
priorité, puis pour lensemble des producteurs mondiaux d'électricité concernés
par le nucléaire. Ce nouveau réacteur, dont la puissance unitaire devait initialement
s'élever à 1 450 MWe, devrait se différencier des modèles actuellement en
fonctionnement de chaque côté du Rhin par lintroduction des avancées
technologiques les plus récentes, notamment en matière de sûreté, thème de ce
rapport.
Parallèlement, cette nouvelle génération de réacteurs nucléaires
ambitionne de générer une baisse des coûts dexploitation des centrales
électronucléaires pour les électriciens, qui est lun des objectifs premiers du
projet, une condition importante de sa concrétisation étant que lEPR reste
compétitif par rapport aux réacteurs nucléaires daujourd'hui et aux autres
sources dénergie fossile.
C) Les
acteurs du projet
Le 23 février 1995, EDF et 9 électriciens allemands ont passé
commande à NPI, Framatome et Siemens/KWU des études dingénierie nécessaires à
la réalisation de lavant-projet détaillé, dit "basic design", qui
concerne lîlot nucléaire de la centrale.
Pour la France, lEPR constitue lîlot nucléaire du
projet REP 2000, palier de centrales nucléaires destinées à succéder aux
réacteurs de type N4, modèle le plus récent. Il a vocation à remplacer les centrales
françaises les plus anciennes aux environs de 2015, dans lhypothèse, bien entendu,
où lénergie nucléaire demeurerait le mode de production dominant, débat qui
nest pas lobjet de ce rapport.
En Allemagne comme en France, le nombre de centrales en fonctionnement
est actuellement excédentaire par rapport aux besoins. Mais les exploitants, qui
considèrent indispensable de maintenir loption nucléaire, ont décidé
dapporter leur support financier au développement de lEPR. Leur attitude
rejoint dailleurs celle de lactuel Gouvernement français, qui affirme la
nécessité de garder sa liberté de choix dans le domaine de la politique énergétique.
Si les accords qui ont été conclus organisent les études et
la vente à lexportation de ce nouveau type de réacteurs, ils sont muets sur
léventuelle construction dune tête de série en France ou en Allemagne,
laquelle ne sera possible que si sa compétitivité se confirme et si la situation
politique permet denvisager la construction dune centrale électronucléaire
dans l'un ou l'autre des pays promoteurs.
Pendant les premières années qui ont suivi le démarrage du
développement du Produit Commun par NPI, ses maisons mères, Framatome et Siemens, ont
poursuivi chacune de leur côté, sous contrats respectivement dEDF et des
électriciens allemands, le développement de centrales nucléaires dérivées de leurs
plus récentes réalisations, en France N4+ - programme REP2000, en
Allemagne Konvoï B - Contrat Planungsauftrag.
Au début de 1990, les autorités de sûreté françaises et allemandes
ont renforcé leur coopération et ont créé une nouvelle instance de concertation
appelée DFD ("Deutsch-Französischer Direktionausschuss") ayant pour objectif
l'évaluation de la sûreté de la conception des futures centrales. Simultanément, ces
autorités ont créé un groupe dexperts pour examiner les exigences de sûreté
applicables au Produit Commun.
De leur côté, dès le mois de novembre 1989, EDF et les électriciens
allemands ont décidé de créer un groupe de travail pour observer le développement du
Produit Commun et dialoguer avec NPI. Dès 1990, des contacts ont eu lieu entre les
industriels et les électriciens français et allemands, au cours desquels ont été
évoquées la possible participation des électriciens au développement du Produit
Commun, la fusion des trois programmes de développement (Produit Commun, REP2000 et
Planungsauftrag), et la construction du Produit Commun en France et en Allemagne.
Les principales raisons exposées à votre Rapporteur par les
différents acteurs pour souhaiter ce rapprochement étaient les suivantes :
- Pour les industriels, l'espoir dune participation des électriciens au
financement du développement de ce nouvel îlot nucléaire et, ultérieurement, de la
construction de centrales de référence dans leur pays dorigine, ce qui constitue
un préalable ou, pour le moins, un atout très important pour aborder le marché
international (même si lexemple américain permet de nuancer cet argument).
- Pour les électriciens, leur désir dinfluencer le développement du
produit commun afin dêtre certains que leurs spécifications seront bien
prises en compte et, également, leur volonté déviter quun dialogue direct
ait lieu, sans leur participation, entre les constructeurs et les autorités de sûreté.
- Pour les autorités de sûreté, leur souhait de faire progresser lharmonisation
des règles de sûreté applicables aux futures centrales devant être construites en
France et en Allemagne.
- Pour les gouvernements, leur conviction quune telle harmonisation
faciliterait lacceptation par le public.
Au terme dassez longues discussions, du fait de la complexité du
sujet et de l'importance des enjeux économiques, les industriels et les électriciens
français et allemands ont lancé formellement, lors de la première réunion du comité
dorientation ("Steering Committee") du projet EPR, le 14 janvier
1992, l'harmonisation entre les trois programmes, et le nom du projet a été modifié en
EPR (European Pressurized Water Reactor) pour bien marquer lentrée dans cette
nouvelle phase.
Les industriels ont transmis aux électriciens, en février 1992, un
document décrivant le résultat de leurs études de conception du Produit Commun, le
"Project Engineering Manual".
En juin 1992, l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN)
et son homologue allemand, le GRS, ont émis un rapport commun en réponse au document (le
"General Safety Design Basis") établi par les industriels en avril 1990 et
présentant les objectifs généraux de sûreté retenus pour le Produit Commun.
Le 4 juin 1993, les autorités de sûreté françaises et
allemandes ont officiellement publié leur déclaration commune pour une approche
conjointe de la sûreté des futures centrales à eau pressurisée. Cette publication
a été suivie, en septembre 1993, de l'envoi par le comité de direction de lEPR
aux autorités de sûreté française et allemande dun document présentant les
options de sûreté prises en compte pour la conception de lEPR ("Conceptual
Safety Features Review File" - CSFRF).
En janvier 1995, les autorités de sûreté ont émis un
"avis" sur les points clefs de ce CSFRF.
Sur la base de cet avis, Framatome, Siemens, NPI, Electricité de
France et neuf électriciens allemands ont décidé dengager
lavant-projet détaillé ("Basic Design") de lEPR et ont conclu le
contrat correspondant le 23 février 1995.
Dans ce dernier, EDF et les électriciens allemands ont déclaré leur
intention de maintenir leurs organisations industrielles respectives pour la construction
des centrales :
- EDF garde son rôle darchitecte industriel de l'ensemble du projet et commande la
chaudière nucléaire à Framatome,
- les électriciens allemands commandent la centrale complète à Siemens mais n'exercent
pas de rôle d'architecte industriel.
Jai pu noter au cours des auditions auxquelles jai
procédé que Framatome souhaiterait un alignement de la structure industrielle sur
lAllemagne, mais que EDF ne veut pas en entendre parler.
Les droits dusage des connaissances développées en commun sont
attribués aux partenaires pour leur permettre de remplir leurs rôles respectifs
traditionnels sur leur marché domestique, NPI disposant des droits dusage pour la
fourniture des centrales hors de France et dAllemagne.
Comme prévu, le " basic design " sest
achevé en juin 1997 ; au cours de celui-ci, les partenaires, industriels et les
électriciens, ont dépensé plus dun million dheures
dingénierie ; ils ont établi plus de 1 000 documents et
700 plans sur lesquels ils se sont mis daccord ; cela illustre
limportance du travail accompli et le niveau d'harmonisation atteint. Le travail
dinformation est similaire à celui dun Rapport Préliminaire de Sûreté
diminué des informations relatives au site.
Les partenaires ont soumis officiellement aux autorités de sûreté
française et allemande, en octobre 1997, un rapport appelé "Basic Design
Report" présentant le résultat de l'avant-projet détaillé ; les autorités
de sûreté ont prévu démettre leur avis avant la fin de 1998 mais ce dernier sera
probablement retardé par lexamen des modifications qui résulteront de la phase
doptimisation.
Compte tenu des résultats de ce " Basic Design "
et de la nécessité d'assurer la compétitivité de l'énergie produite par lEPR,
tous les participants industriels et électriciens ont décidé, par amendement au contrat
de " Basic Design ", de poursuivre le développement de l'EPR par ce
qui a été appelé la phase de " Basic Design Optimization Phase "
(BDOP). Prévue pour sachever à la fin de 1998, elle a pour vocation de réduire
encore le prix de revient de l'électricité produite qui, actuellement, se situe aux
environs de 20 centimes par KW-heure et doit être ramené aux environs de
18 centimes pour que la compétitivité du projet EPR soit réellement indiscutable.
D) Une
collaboration fragile ?
Toutefois, je viens de vous décrire une coopération idéale qui,
malgré des débuts difficiles, fonctionne bien, mais me paraît compromise par les
accords entre le Britannique BNFL et SIEMENS. La comparaison des déclarations de
M. Burkle et de M. Vignon, lors de laudition ouverte à la presse que
jai initiée le 4 mars 1998, me parait significative : Si M. Burkle,
directeur général de SIEMENS, a déclaré :
"Dans un premier temps, la méfiance ou la défiance était de
règle, c'était en 1989, je vous le rappelle, et il a fallu un peu de temps pour arriver
à un véritable état de confiance mutuelle. Notre coopération aujourd'hui est
fondamentalement différente de ce qu'elle était en 1989.
Lorsqu'une proposition est avancée, on ne demande plus, avant tout
autre chose, s'il s'agit d'un projet ou d'une idée française ou d'une idée allemande,
mais on regarde ce projet et on essaie de voir quels en sont les avantages et les
inconvénients. On l'examine, on l'analyse en posant des questions très précises et, pas
à pas, on en arrive à un développement commun. C'est la coopération à laquelle nous
sommes arrivés depuis 1989 ; à la limite, on aurait pu aller plus vite si lon
avait procédé de façon séparée mais je crois que le caractère particulier de notre
projet est que l'on franchit les particularismes régionaux et nationaux et que l'on
arrive à conférer au projet un dynamisme dont on ne peut qu'espérer que, l'année
prochaine, il nous permettra de dégager des résultats des travaux entrepris jusqu'à
présent, et donc à passer à la réalisation de ce projet. Ce serait en quelque sorte le
couronnement de notre coopération. [...]
J'aimerais également faire une ou deux remarques dans un contexte qui
nous concerne plus directement, nous SIEMENS. Nous avons dit que nous entamions des
négociations avec les Britanniques, que nous essayions d'engager une coopération avec
eux. Or, souvent, ces tentatives que nous entreprenons avec les Britanniques sont mal
comprises par la FRANCE, notamment. Pourquoi recherchons-nous une telle
coopération ?
Cette coopération s'appliquerait à un domaine particulier qui est
celui de la construction. Aujourd'hui, notre tâche essentielle est le développement de
l'EPR. Par exemple, nous ne pouvons nous permettre les réacteurs à eau bouillante dans
le domaine nucléaire que si nous accomplissons d'autres prestations de service en EUROPE,
c'est-à-dire que si nous fournissons des assemblages au marché, que si nous fournissons
des prestations d'ingénierie de reconstruction de centrales et cela au plan
international, au plan mondial.
Ce sont autant de domaines d'activités qui existent depuis des années
et qui ont fonctionné en parallèle avec le projet de développement EPR.
Tous ces travaux d'ingénierie et de construction ont permis de remplir
les caisses et ont également permis de poursuivre les travaux avec FRAMATOME, parfois
même en concurrence avec FRAMATOME. Autrement dit, le rapport est un peu contrasté avec
FRAMATOME, ce qui n'empêche que, dans le cadre du projet EPR, la coopération ait été
tout à fait excellente et, du côté de SIEMENS, nous espérons, en élargissant nos
activités à un autre partenaire sur la base des activités existantes, pouvoir
poursuivre néanmoins les travaux en commun avec FRAMATOME dans la même atmosphère que
celle que nous sommes parvenus à établir au fil des années, et nous espérons, le
moment venu, mener à bien ce projet."
M. Dominique Vignon, président de Framatome, a quant à
lui souligné que : " Les alliances
industrielles, les partenariats, se prêtent plutôt à des réflexions d'alcôve qu'à
des grands débats publics. Cela étant, vous posez une question qui est réelle et que,
je crois, il n'est pas raisonnable de traiter uniquement par la langue de bois.
D'ailleurs, la façon dont vous animez ce débat, la réflexion sur le nucléaire, n'a
jamais laissé place à la langue de bois.
Il est vrai que notre coopération avec SIEMENS n'inclut pas, depuis
l'origine, depuis 1989, les domaines des services et du combustible. Il est donc tout à
fait possible d'avoir une coopération avec un partenaire dans le domaine des
réalisations nucléaires et avec un autre partenaire dans le domaine des services et du
combustible. On peut même trouver des situations intermédiaires puisque, malgré le fait
que notre accord avec SIEMENS n'incluait pas les services, nous coopérons dans les
services et Monsieur BURKLE vient de rappeler que SIEMENS souhaite poursuivre cette
coopération dans le domaine des services nucléaires, notamment dans le domaine des
générateurs de vapeur vis-à-vis des pays de lEst.
Le point néanmoins qu'on ne peut pas totalement occulter est qu'il y a
une continuité dans la technologie entre la conception des réacteurs et le combustible.
Le combustible est au coeur des réacteurs et il est un peu difficile de dire qu'on peut
être totalement avec un partenaire dans le domaine des réacteurs et totalement avec un
autre dans le domaine du combustible. Cela pose à l'évidence les questions de
propriété, de savoir-faire que vous avez posées tout à l'heure.
Il est vrai - et j'ai relu avec attention le rapport que vous avez
publié l'an passé à l'occasion du projet de rapprochement de FRAMATOME et de
GEC ALSTHOM - qu'à cette époque, nos amis allemands avaient fait part de leurs
préoccupations de voir les Britanniques un peu comme des intrus, ou des nouveaux venus
tout au moins, dans le dispositif. Ces questions sont donc tout à fait réelles.
Je crois néanmoins qu'il faut les aborder avec beaucoup de sérénité
et nous le ferons avec ce souci très fort qui a été dit tout au long de cette journée,
et que le Président ALPHANDERY a rappelé, de l'intérêt d'un rapprochement
franco-allemand, notamment de façon à être la vertèbre de l'harmonisation de sûreté
franco-allemande. Ceci, j'en suis certain, demeurera et nous aurons toujours l'EPR
présenté aux autorités de sûreté françaises et allemandes comme le point commun qui
permettra progressivement de bâtir une sûreté européenne.
Là où la discussion aura lieu, ce sera pour savoir ce que sera
effectivement cette Joint Venture entre BNFL et SIEMENS, et quel sera le poids de SIEMENS
et celui de BNFL dans cette organisation. Il est légitime que SIEMENS ait besoin de faire
son travail à la maison, du moins avant de nous en parler de façon précise.
Je terminerai ces propos par la continuation de votre métaphore. Au
fond, l'EPR vise notamment à maintenir les compétences de lindustrie française et
de l'industrie allemande ; l'industrie allemande est notre partenaire dans un certain
nombre de domaines, mais peut être notre concurrent dans d'autres domaines.
Votre comparaison appliquée à cette question centrale de maintien des
compétences est un peu la suivante : est-ce que l'épouse délaissée doit donner au
mari infidèle l'aphrodisiaque qui lui permettra de rencontrer la maîtresse ?"
Cette dernière phrase illustre la perplexité que nous pouvons avoir
sur la qualité de la coopération entre SIEMENS et Framatome.
Malheureusement, votre Rapporteur na pas à ce jour percé les
secrets d'alcôve ...
II La coopération des organismes de recherche
Si la coopération entre les industriels s'est intensifiée, malgré
les préventions initiales, il en a été de même entre les organismes de recherche
français et allemand, ce qui est prometteur pour l'avenir dans la mesure ou il faudra
bien commencer à dégager des moyens importants pour étudier des réacteurs
révolutionnaires du type de celui préconisé par le Pr. Carlo Rubbia.
A) La
collaboration CEA/FZK
Suite à la décision de lancement du projet du réacteur
franco-allemand EPR, de la constitution de la filiale commune NPI entre FRAMATOME et
SIEMENS, et de la structuration des relations entre les autorités de sûreté françaises
et allemandes, les principaux organismes de recherche impliqués dans le projet, le
Commissariat à lEnergie Atomique (CEA) et le centre de recherche de Karlsruhe
(Forschung Zentrum Karlsruhe : FZK) ont conclu en 1992 un accord de coopération
couvrant le domaine des futurs réacteurs à eau sous pression (REP). Il se situe dans le
prolongement de la collaboration très étroite entre les deux organismes qui existait
depuis de nombreuses années, notamment dans le domaine des études sur les réacteurs à
neutrons rapides.
Un Comité Directeur a été chargé de coordonner les travaux de
recherche. Il comprend, pour le CEA, les Directeurs de la Direction des Réacteurs
Nucléaires (DRN) et de lInstitut de Protection et Sûreté Nucléaire (IPSN) et
leurs adjoints programmes et, pour FZK, les Directeurs de trois Instituts de FZK et le
chef de projet réacteur à eau sous pression. Il se réunit deux fois par an,
alternativement en France et en Allemagne. Il a décidé que le champ de la collaboration
couvrirait en fait la recherche et le développement (R & D) sur les
problèmes daccidents graves des REP et a défini trois sous-domaines dont il a
confié la charge à trois groupes de travail. Chaque groupe de travail, doté de trois
coprésidents (DRN, IPSN et FZK), ce qui, au passage, illustre la lourdeur des
coopérations internationales parfaitement égalitaires, se réunit en tant que de besoin
en séance plénière ou en réunion plus spécialisée et rend compte de ses travaux lors
des réunions du Comité Directeur.
Les groupes de travail couvrent les trois domaines suivants :
1- Le comportement de la cuve du réacteur.
Ce domaine comprend la dégradation du cur, la formation des
bains de corium en fond de cuve, la tenue mécanique de la cuve ainsi que les phénomènes
dexplosion de vapeur.
2- Le comportement du corium hors cuve.
Ce domaine couvre le problème de la récupération du corium hors de
la cuve, ce dernier étant guidé vers un déversoir.
3- Les chargements de lenceinte de confinement en conditions
daccidents graves.
Ce domaine couvre les problèmes denceinte de confinement, à
savoir lévacuation de la puissance résiduelle à long terme, ainsi que le risque
dexplosion dhydrogène.
Cette coopération vise à harmoniser les recherches entre les
organismes de façon à éviter les doublons, à profiter réciproquement de
lexpérience acquise dans ces domaines au cours des années passées,
déchanger des résultats expérimentaux complémentaires et de comparer des codes
de calculs. Une concertation a également lieu pour conclure des accords internationaux
avec les autres pays du monde et, en particulier, au niveau des organismes internationaux
liés à la Commission européenne ou à lOCDE.
En alternance avec les congrès SFEN/KTG consacrés à lEPR, dont
le dernier suivi par votre Rapporteur a eu lieu à Cologne en octobre 1997, CEA et FZK
présentent tous les deux ans, de manière détaillée, leurs travaux de recherche aux
industriels allemands et français.
Mais, au cours des auditions auxquelles jai procédé, jai
pu constater que lUnion Européenne et nos principaux partenaires se sentaient
exclus dun projet qui est par nature franco-allemand.
B) Le
champ d'application des recherches conduites en commun
Nous allons maintenant examiner de façon plus détaillée le champ
dactivités couvert par chacun des trois groupes de travail, les résultats et les
problématiques qui en résultent étant détaillés dans le titre suivant. Les trois
graphiques qui illustrent ce paragraphe permettent également de saisir lobjectif
des recherches engagées.
1 - Le
comportement de la cuve du réacteur
La dégradation du cur du réacteur est étudiée en France par
lexpérience en pile PHEBUS, grand programme international de lIPSN, et en
Allemagne par les expériences hors pile CORA, maintenant terminées, et QUENCH, dédiée
à la quantification du terme source hydrogène lors du renoyage du coeur. Des calculs
croisés comparatifs sont faits avec les outils de calcul couramment utilisés par les
deux organismes SCDAP/RELAP5, pour FZK, et CATHARE/ICARE, pour le CEA.
Un domaine important couvert par le groupe concerne lexplosion de
vapeur (cf. infra). Les deux organismes développent des codes mécanistes
détaillés : MC3D pour le CEA et IVA KA pour FZK, avec des jeux
déquations différentes. Une comparaison précise a été faite au niveau des
équations et des résultats obtenus. Au vu des derniers résultats, il semble que nous
nous orientons vers une utilisation de MC3D seul. Un programme expérimental de
qualification a été bâti en concertation entre les deux organismes, FZK réalisant des
expériences globales en thermite (PREMIX, ECO).
Les deux organismes doivent fournir aux projeteurs, dans les prochains
mois, une méthode industrielle pour prévoir les conséquences des explosions de vapeur,
thème dans lequel le projet EPR devrait réaliser une avancée majeure.
FZK étudie un phénomène particulier pouvant résulter dune
explosion de vapeur en cuve où le coeur, fondu et tombant dans le fond de cuve, est
projeté violemment vers le couvercle par une explosion de vapeur. FZK a fait une
expérience à léchelle 1/10, intitulée BERDA, de projection de masses de métal
fondu : le but est de déterminer la perte dénergie provoquée par la
déformation de la masse projetée et des structures internes supérieures. Des résultats
intéressants ont été obtenus et sont interprétés à laide du code de dynamique
rapide du CEA, PLEXUS, dont certains modèles sont qualifiés à partir dune
expérience plus analytique réalisée au CEA, FLIPPER.
2 - Le
comportement du corium hors cuve ou la lutte contre le "syndrome chinois"
En cas de fusion du coeur du réacteur se dégage un produit très
fortement radioactif, le corium, susceptible de percer les protections de la centrale, et
lune des innovations du projet EPR est de doter la centrale dun
" récipient " capable de récupérer le corium.
Le principal thème détude concerne létalement du corium.
Le CEA effectue des expériences à partir de matériaux simulant un bas point de fusion
dans CORINE (100 litres) et des expériences en matériaux réels dans VULCANO
(15 litres). FZK effectue des expériences en matériaux simulants en fusion à haute
température thermite (fer alumine) dans KATS (50 litres). Une comparaison
systématique des codes développés par les différents organismes est faite. L'IPSN
développe le code 3D CROCO, le CEA le code 2D THEMA, et FZK participe au développement
du code Siemens 3D CORFLOW. Ce programme bénéficie également de lapport des
résultats des expériences réalisées au CCR ISPRA : FARO. FZK étudie deux
autres phénomènes : lablation dune paroi par un jet, dans
lexpérience KJET, et lablation dune porte dans lexpérience
KPOOL.
FZK a également mis au point un récupérateur où le corium, arrivant
sur une surface, fait fondre des bouchons plastiques qui laissent passer un débit
deau sécoulant à travers le corium pour le refroidir : cest le
concept COMET. Des expériences en matériau réel sont effectuées dans le dispositif
expérimental MACE du laboratoire dArgonne, aux USA. Les Allemands ont un programme
très important dans ce domaine car, dans le partage des activités lié au projet entre
FRAMATOME et SIEMENS, cest SIEMENS qui traite du problème de la récupération du
corium.
3 - Chargements
de lenceinte en cas daccidents graves
Les deux organismes développent leur propre code qui traite de la
totalité du problème (distribution, déflagration, détonation dhydrogène) :
TONUS pour le CEA et GASFLOW pour FZK. Ces deux codes ont à peu près les mêmes
caractéristiques et leurs résultats sont systématiquement comparés. Les équipes qui
développent ces codes, issus dune longue tradition, les connaissent parfaitement et
il a paru plus rentable aux organismes de recherche de continuer à faire des
développements séparés plutôt que dutiliser un produit unique.
IPSN et FZK se concertent pour participer, en particulier avec la NRC
des Etats-Unis, à deux grands programmes expérimentaux :
- le programme RUT réalisé en Russie, à linstitut de Kurchatov, et qui traite
dans une maquette à grande échelle de la détonation dhydrogène dans diverses
conditions, en particulier en présence d'obstacles et de vapeur deau ;
- un programme réalisé à Sandia, dans le dispositif SURTSEY, est relatif à
létude de léchauffement direct de lenceinte par du corium finement
dispersé dans le puits de cuve et pouvant séchapper dans latmosphère de
lenceinte suite à la rupture de la cuve. Ces essais sont effectués en thermite
dans une géométrie représentative du puits de cuve EPR. Les Américains avaient fait
des études analogues pour leurs réacteurs.
TABLEAU 1
STRATÉGIE GÉNÉRALE DES ORGANISMES DE RECHERCHE
SUR LES ACCIDENTS GRAVES
TABLEAU 2
COMPORTEMENT DU CORIUM
TABLEAU 3
LES EXPÉRIENCES CONDUITES
III
La coopération entre les autorités de sûreté
La coopération entre les autorités de sûreté française et
allemande devrait conduire à des procédures de certification commune, prélude (ou
socle ?) dune véritable coopération européenne.
Les relations entre les organismes de sûreté allemand et français
ont débuté en 1972, peu après que soit intervenue la décision de construire la
centrale de Fessenheim, et n'ont cessé depuis lors de s'intensifier et, si la compétence
du premier organisme, la DFK, était d'ordre régional, un second organisme, la DFD, est
venu doter cette coopération d'un cadre institutionnel national.
A) La
DFK
La proximité de la centrale de Fessenheim de la frontière allemande
explique la composition de la DFK (Deutsch-Französische Kommission).
Cette commission comprend :
- au niveau fédéral, des représentants du BMU (Bundesministerium für Umwelt -
ministère de l'Environnement) et du GRS (Gesellschaft für Anlagen und Reaktor Sicherheit
- appui technique du BMU) ;
- au niveau régional, des représentants des états du Bade-Wurtemberg, de la
Rhénanie-Palatinat et de la Sarre et de leurs appuis techniques, les TÜV.
Côté français, la DFK comprend :
- au niveau national, des représentants de la DSIN et de l'IPSN, son appui
technique ;
- au niveau régional, des représentants de la DRIRE (Direction Régionale de
l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement).
A l'heure actuelle, trois groupes de travail sont encore en activité
au sein de la DFK :
- le premier est en charge de la sûreté des réacteurs à eau sous pression. Il a, dans
le passé, essentiellement travaillé sur la comparaison entre les réacteurs de
Fessenheim et Neckarwestheim et de Cattenom et Philippsburg.
- le second est en charge des plans d'urgence (y compris les dispositions prises en
matière d'informations mutuelles rapides en cas d'accident sur un réacteur
frontalier) ;
- le dernier est en charge de la radioprotection et de la surveillance de l'environnement.
Le travail de la DFK continue actuellement à un rythme soutenu, en
particulier dans le domaine des pratiques d'exploitation des réacteurs.
B) La
DFD (Deutsch-Französischer Direktionausschuss)
La DFK étant une structure régionale (au moins du côté allemand),
il a semblé nécessaire de créer une structure nationale habilitée à traiter des
problèmes généraux de sûreté au niveau national.
La DFD est apparue au début de 1990 car, dans la mesure où une
coopération franco-allemande était en train de se mettre en place dans le domaine de la
conception des centrales nucléaires, il est vite paru évident qu'il était nécessaire
d'en tirer les conséquences au niveau de la collaboration franco-allemande des autorités
de sûreté.
Aujourd'hui, les instances de sûreté au niveau national
comprennent trois niveaux :
- les autorités de sûreté composées :
- de la DSIN, en France
- du ministère pour l'Environnement et la Sûreté nucléaire (BMU), en Allemagne
- de leur comité bilatéral, le DeutschFranzösischer Direktionausschuss (DFD) créé en
1990
- les groupes d'experts composés :
- du Groupe Permanent Réacteurs (GPR) pour la France
- de la Reaktor SicherheitsKommission (RSK) pour l'Allemagne
- les appuis techniques composés :
- de l'IPSN (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire) pour la France
- du GRS (Gesellschaft für Anlagen- und Reaktorsicherheit) pour l'Allemagne.
Un accord de coopération a été signé en 1989 entre l'IPSN et le
GRS.
C) Le
projet EPR a entraîné une intensification de cette coopération.
Lors de l'audition publique du 4 mars, M. Lacoste, Directeur
de la Sûreté des Installations Nucléaires, soulignait que "Les organismes de
sûreté français et allemand ont pris l'habitude de coopérer depuis longtemps puisque
leur coopération remonte à 1989 et que, en particulier en 1990, a été créée la DFD,
Commission qui réunit les autorités de sûreté françaises et allemandes au minimum
cinq fois par an. [...] Sur tous les dossiers, il y a un travail de nos appuis techniques,
GRS du côté allemand et IPSN du côté français. Ces deux appuis techniques travaillent
et produisent un rapport commun. Ce
rapport commun est examiné par le groupe d'experts travaillant pour moi et par GRS, qui
est un groupe d'experts travaillant pour mon collègue allemand, et ces deux groupes
d'experts se réunissent et produisent un avis commun. Nous recevons, Monsieur HENNENHOFER
et moi-même, un avis co-signé par le Président du Groupe français et le Président du
RSK et nous nous réunissons au sein de la DMP et nous prenons partie, c'est-à-dire que
nous sommes amenés à signer en commun une lettre prenant partie sur les propositions
d'EPR. [...] Donc, nous signons pour dire soit oui, soit oui sous réserve, soit non,
après avoir épuisé l'ensemble des systèmes d'instruction français et allemand. [...]
En face de cela, quelles positions ont pris les autorités de sûreté ? Je rappelle
une position historique qui était uniquement franco-française, la DSIN, qui était une
lettre de mon prédécesseur de mai 1991, et ensuite des prises de position conjointes
franco-allemandes :
- une prise de position conjointe en juillet 1993,
- une prise de position conjointe en février 1995,
et notre objectif est d'avoir de nouveau une prise de position fin
1998 - mi 1999 pour prendre partie sur le "basic design report"
Que se passera-t-il après ?
Qu'est-ce que le " basic design report " sur lequel
nous serons amenés à prendre partie fin 1998 ou début 1999 ?
C'est un document qui ne parle pas de choix de site ni de la partie
conventionnelle centrale mais de la partie nucléaire. Si on cherche l'équivalent de ce
que c'est dans les procédures nationales classiques, c'est l'équivalent de la partie
nucléaire du rapport préliminaire de sûreté nécessaire pour la délivrance
d'autorisation de création en FRANCE ; cela contient les éléments nécessaires
pour établir le rapport de sûreté en ALLEMAGNE.
Nous avons également commencé à travailler sur un certain nombre de
codes techniques, cest-à-dire à l'élaboration d'un ensemble de règles
communes à l'industrie nucléaire française et allemande. C'est l'équivalent de
ce qu'en FRANCE, on appelle les RCC (règles de construction et de conception).
Si j'évoque tout ceci, c'est parce que nous sommes confrontés à un
problème de technique administrative qui n'est pas simple entre la FRANCE et l'ALLEMAGNE.
Nous essayons de voir comment s'ajustent les procédures administratives et
réglementaires en FRANCE et en ALLEMAGNE. C'est un travail extrêmement difficile auquel
nous consacrons un temps considérable mais nécessaire pour voir les conditions dans
lesquelles nous pouvons continuer à cheminer de conserve.
... On voit bien l'équivalence entre les lois allemandes et les
lois françaises, on voit bien l'équivalence entre les ordonnances et les décrets
arrêtés. En revanche, entre les lettres co-signées par les deux ministres de
l'Industrie et de l'Environnement, l'arrêt fondamental de sûreté et les documents
allemands, les équivalences sont plus difficiles à faire.
Nous avons actuellement des études d'ingénierie détaillées pour
savoir quelle est la machinerie administrative de part et d'autre du Rhin. Ceci est
fondamental pour permettre les progrès que nous avons faits dans la compréhension
réciproque de la technique et de la sûreté, qui se traduisent par des décisions
harmonisées dans les domaines administratifs et réglementaires.
Que pouvons-nous imaginer qui se passera en 1999 ?
On peut imaginer qu'en FRANCE, il soit proposé aux deux Ministres de
l'Industrie et de l'Environnement une lettre d'orientation sur l'îlot nucléaire de l'EPR
en même temps qu'une révision de l'arrêté de 1974 sur les circuits primaires et
secondaires principaux des chaudières nucléaires à eau. On peut imaginer qu'en
ALLEMAGNE, il y ait publication des directives RSK pour les réacteurs du futur et que la
loi atomique allemande soit modifiée pour permettre un "prelicencing".
Il faut savoir que la voie d'une autorisation en FRANCE passe par un
rapport préliminaire de sûreté et un décret d'autorisation, et qu'en ALLEMAGNE, les
autorisations sont délivrées par les länder sous le contrôle du BMU. [...] Lorsque
nous réécrivons la réglementation française des appareils à pression pour les
réacteurs nucléaires, à l'évidence, nous associons les préoccupations des experts
allemands, et réciproquement. Cela signifie qu'il se passe quelque chose en termes de
rapprochement des esprits, de façon à générer, peut-être à terme le rapprochement
des organismes."
Peut-être même faudrait-il aller, mais il sagit dun point
de vue personnel, jusquà la fusion des autorités de sûreté française et
allemande, prélude à la mise en place dune autorité européenne. La réponse
à cette question est certainement prématurée mais la fusion des appuis techniques des
autorités de sûreté française et allemande mériterait dêtre étudiée
attentivement ; elle en constitue le préalable nécessaire. Le gouvernement étudie
la question et a confié une mission de réflexion à M. Jean-Yves Le Déaut,
Président de lOPECST. Je crois que la dimension européenne de cette question doit
être prise en compte, mais à partir de la coopération franco-allemande et selon un
processus similaire à la mise en oeuvre dAirbus Industrie ou de la fusée Ariane,
cest-à-dire sur la base dune coopération intergouvernementale.
TABLEAU 4
CORRESPONDANCE ENTRE LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRE
FRANÇAISE ET ALLEMANDE
TABLEAU 5
LE POINT DE VUE DE LAUTORITÉ DE SÛRETÉ
IV
Les caractéristiques du projet
Avant dexaminer dans le détail les données scientifiques de
lEPR à travers le Titre II, il est utile den présenter brièvement les
principaux objectifs et caractéristiques.
A) Les
objectifs de sûreté et de compétitivité
Ce réacteur "évolutionnaire" sinscrit dans la
continuité des technologies développées pour les réacteurs à eau sous pression,
français et allemands, afin de bénéficier pleinement des trente années
dexpérience des deux pays. Il ambitionne de prendre le meilleur de chaque concept,
en apportant un certain nombre daméliorations. Les considérations économiques ont
interdit le recours à une voie plus " révolutionnaire " qui aurait
permis de réduire à la source le volume des déchets. Je conçois toutefois que la mise
en place dune filière nouvelle représentait un coût tel que la rentabilité de
linvestissement naurait pu être réalisée.
La sûreté de lEPR est poussée à un degré encore jamais
atteint, du moins sur le plan des intentions affichées par le projet :
- La prévention des accidents est améliorée dès la conception.
- La réduction des conséquences dun hypothétique accident grave, allant
jusquà la prise en compte dès la conception du risque de fusion du coeur ;
même dans ce cas très improbable, le corium résultant de cet accident serait confiné
et refroidi, protégeant ainsi le sous-sol, la nappe phréatique et le voisinage immédiat
de la centrale.
- Ce projet est conçu pour être "licenciable" en France et en Allemagne, et,
dans la mesure du possible, dans les autres pays européens.
- Ces concepteurs espèrent produire, malgré un surcoût dinvestissement lié aux
options de sûreté, un kWh à un coût compétitif par rapport aux autres sources
dénergies, de l'ordre de 18 centimes du kWh. Pour cela :
- le rendement de la chaudière sera augmenté,
- lobjectif de disponibilité est de 87 % au moins (disponibilité actuelle de
lensemble du parc nucléaire français),
- les coûts liés au combustible sont en baisse,
- lobjectif de durée de vie de linstallation est porté à 60 ans.
B) Les
principales caractéristiques du futur réacteur
La puissance électrique visée était de 1 450 MWe par
tranche. Ce choix dimensionne la puissance thermique du coeur à 4 250 MWth. La
puissance fournie par le réacteur sadaptera à celle demandée par le réseau
grâce à un fonctionnement en suivi de charge et en réglage de fréquence.
Plusieurs nouveautés contribueront à réduire les coûts
dexploitation, en particulier ceux générés par le combustible et la
maintenance :
- la conception du coeur et des structures qui lentourent (enveloppe de coeur
épaisse servant de réflecteur à neutrons) réduit lenrichissement
nécessaire ;
- avec un taux dirradiation du combustible de 50 à 60 GWj/T et une masse
globale plus importante, les rechargements seront plus espacés, avec des cycles de 18 à
24 mois ;
- la durée des arrêts nécessaires au rechargement, à linspection en service et
aux opérations de maintenance sera réduite.
Concrètement, les principaux composants du réacteur évoluent :
- la cuve aura un diamètre plus grand que dans le N4 et la fluence sera abaissée. Par
ailleurs, un espace entre la cuve et le calorifuge permettra de linspecter de
lextérieur, lorsque lon souhaitera affiner un diagnostic réalisé à partir
de linspection normale de lintérieur ;
- le coeur est un peu plus grand, avec 241 assemblages 17x17 (contre 205 dans le N4,
et 193 assemblages 18x18 dans le Konvoï) ;
- les générateurs de vapeur sont équipés dun économiseur axial, permettant une
augmentation de la pression secondaire, donc du rendement ;
- le pressuriseur est plus grand. Pour sa maintenance, laccent a été mis sur la
facilité dinspection et de remplacement du système daspersion et des cannes
chauffantes ;
- le groupe pompe primaire reste de même conception que dans les réacteurs actuels
français ou allemand.
Lorganisation des systèmes de sûreté en 4 trains
indépendants facilite la maintenance et réduit la probabilité daccident pendant
les arrêts.
C) Les
nouveaux systèmes de sûreté
La grande nouveauté apportée par lEPR est la prise en
considération, dès la conception, de léventualité dune fusion du coeur du
réacteur nucléaire. Dune manière générale, les améliorations portent sur la
prévention des accidents, le renforcement des systèmes de sauvegarde, la récupération
et le refroidissement du coeur en cas de fusion, et la quasi-élimination de tout rejet
radioactif gazeux ou liquide hors de la double enceinte en béton. Pour cela :
- Les systèmes affectés aux fonctions de sûreté (injection de sécurité, alimentation
de secours des générateurs de vapeur, refroidissement des composants, alimentations
électriques de secours) sont divisés en 4 trains indépendants et géographiquement
séparés. Ils peuvent être alimentés séparément par un diesel affecté à chacun
deux.
- Lensemble des bâtiments du réacteur, du combustible et des systèmes de
sûreté, situé sur un même radier, est conçu pour résister aux séismes et à des
ondes de choc.
- Les bâtiments contenant deux des trains sont "bunkerisés" pour résister aux
chutes davions militaires lourds. Leur structure interne est découplée des
structures externes pour minimiser la transmission des vibrations. Les bâtiments des deux
autres trains, "non bunkerisés", sont à lopposé lun de
lautre, supprimant le risque dêtre affectés tous les deux lors dun
même accident.
Le bâtiment réacteur, avec ses deux épaisseurs, assure une
protection renforcée dans les deux sens : celle de lenvironnement et celle du
réacteur :
. le mur interne en béton précontraint (comme le N4), avec une
pression de conception portée à 6,5 bars, est destiné à contenir le fluide
primaire vaporisé, selon les scénarios daccidents les plus graves, avec un taux de
fuite inférieur à 1 % par jour du volume total confiné ;
. le mur externe en béton armé est conçu (comme le Konvoï)
pour résister à des agressions externes (chutes davions militaires) ;
. les éventuelles fuites de lenceinte interne sont
récupérées entre les deux enceintes et filtrées.
- Le puits de cuve est aménagé pour la récupération du coeur fondu, ou corium. La
réserve deau primaire servant normalement aux rechargements est stockée dans le
bâtiment réacteur pour servir au refroidissement du coeur fondu.
Lhydrogène généré par la décomposition de leau sur le
zircaloy des gaines de combustible est recombiné pour éviter tout risque
dexplosion.
- Le volume interne libre des composants primaires est augmenté. De ce fait,
lopérateur dispose de plus de temps pour réagir (particulièrement en cas
daccident tel que la perte de réfrigérant primaire) :
. laugmentation du volume du pressuriseur, par son effet de
tampon, évite un certain nombre douvertures des soupapes de sûreté ;
. laugmentation du volume des générateurs de vapeur donne
une marge supplémentaire, en cas de perte de leurs alimentations en eau ;
. le circuit primaire est protégé contre les surpressions par un
ensemble de soupapes pilotées combinant les conceptions du N4 et du Konvoï.
- Le contrôle-commande est conçu pour minimiser les erreurs humaines, et en particulier
donner du temps (30 minutes en général) à lopérateur pour prendre sa
décision, que ce soit en fonctionnement normal, incidentel ou accidentel. Une information
claire et appropriée lui est fournie par des systèmes informatiques. Lensemble du
contrôle-commande bénéficie des derniers développements réalisés en France (N4) et
en Allemagne (Konvoï).
Linterface homme-machine est constitué décrans pour la
conduite en toutes circonstances en salle de commande. Celle-ci est doublée dune
zone spécialement affectée à la sûreté et équipée de moyens de secours pour la
conduite post-accidentelle.
Une question importante, qui résulte de ces améliorations, sera de
définir les possibilités de leur intégration dans les centrales en service, si cela est
techniquement possible, à loccasion des révisions décennales.
Chapitre II
Les démarches concurrentes du projet EPR
Une grande partie des pays engagés dans la production dénergie
nucléaire seront confrontés dans une vingtaine dannées au remplacement de leur
parc et doivent dores et déjà commencer à réfléchir à cette perspective.
Je nentrerai pas dans le débat sur le choix de lénergie
de remplacement car cela nest pas lobjet de mon rapport. Je me situerai dans
une perspective danalyse scientifique des projets de réacteurs nucléaires, sans
préjuger en aucune manière des choix qui seront effectués dans le domaine de la
politique énergétique.
I Les démarches retenues
La plupart des projets étudiés reposent sur l'expérience acquise à
travers les 6 000 années de réacteurs exploités dans le monde qui, du moins
en Occident, ont permis datteindre un niveau de sécurité remarquable.
Toutefois, si la sûreté " absolue " est, comme
la ligne dhorizon, une perspective que lon ne peut jamais atteindre, tous les
efforts doivent tendre vers cet objectif.
Aussi, la préparation du remplacement dune partie du parc à
lhorizon dune vingtaine dannées a conduit les constructeurs et les
autorités de sûreté à " penser " les centrales du futur, car il
est toujours plus facile et moins coûteux dintégrer dès la conception des
dispositifs de sûreté plutôt que de les installer ultérieurement.
Deux démarches saffrontent : la novatrice et
lévolutive.
- Lapproche évolutive
vise à accroître les degrés de sûreté en intégrant
dès la conception la protection contre la survenance daccidents graves.
La voie de lévolution repose sur un fondement solide dans la
mesure où elle sappuie sur lexpérience acquise dans les centrales en
exploitation. Dans cette idée, et pour élever encore le degré de sûreté de la
prochaine génération de réacteurs refroidis à leau, les recherches visent à
améliorer les protections contre des événements tels que la fonte des éléments
combustibles. Le projet EPR est un bon exemple de cette démarche.
Le thème de laccident grave constitue lun des grands
thèmes détude dans le monde. Les chercheurs essaient de déterminer plus
précisément toutes les atteintes possibles aux systèmes de confinement pour remédier,
dès le stade de la conception, aux insuffisances qui ont pu être constatées, par
exemple lors de l'accident de Three Miles Island. Le but ultime de ce travail est de
démontrer que, sur le plan technique, aucune mesure durgence, telle que
lévacuation, ne devrait être nécessaire pour protéger la population, même
après un accident nucléaire grave. Les conséquences dun accident ne doivent
affecter que le site lui-même et ne pas perturber la vie des populations aux alentours.
- Lapproche novatrice,
ou révolutionnaire, conduit à privilégier des
réacteurs reposant sur des procédés sensiblement différents des REP. Ils présentent
des inconnues sur le plan de la technologie ou des coûts, mais permettent daborder
différemment la question de la sûreté ou des déchets. Le projet de Carlo Rubbia, que
jai examiné à travers mon rapport de lan dernier, constitue un bon exemple
de cette démarche.
Les partisans de cette approche novatrice partent du constat que les
réacteurs évolutifs exigent des moyens techniques trop complexes qui alourdissent la
tâche des opérateurs. Aussi préconisent-ils des centrales beaucoup plus simples que les
REP, dont la sûreté ne dépend pas du bon fonctionnement des systèmes de sûreté et
des réactions des opérateurs. Ils insistent sur la notion de passivité des systèmes
qui rend impossible, par conception, une réaction nucléaire incontrôlée. Ils en
concluent que ce concept nouveau de réacteur contribuerait à faire accepter le
nucléaire par le public. Rien n'est moins sûr, toutefois.
II Les projets évolutionnaires en cours
Deux tendances se font jour :
La course à la puissance débouche sur des produits de
1300 MWe, voire plus, difficilement exportables dans des pays autres
quindustrialisés car les réseaux électriques des pays en voie de développement
ne peuvent pas absorber de telles puissances. Mais, laugmentation de puissance
améliore la compétitivité des centrales nucléaires puisque l'investissement
représente les deux tiers du coût de l'électricité produite.
Si cette évolution est un facteur de réduction des coûts, la
nécessité de disposer à lexportation de réacteurs de moyenne puissance conduit
à une volonté de simplification des systèmes et à la recherche de solutions
innovantes pour les 600 MWe. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les premiers
accords qui ont donné naissance à NPI prévoyaient une puissance de 600 MWe et ne
concernaient que l'exportation, mais je suis de plus en plus perplexe sur la
compétitivité des réacteurs de 600 MWe.
Le tableau ci-après illustre cette situation.
Quelques exemples de projets de réacteurs refroidis par eau
Réacteurs de forte puissance
ABWR mis au point par General Electric Co (GE), Etats-Unis
dAmérique,
avec Hitachi & Toshiba (Japon)
APWR mis au point par Westinghouse (W), Etats-Unis dAmérique,
avec
Mitsubishi (Japon)
BWR 90 mis au point par ABB Atom (Suède)
EPR mis au point par Nuclear Power International (NPI), coentreprise de
Framatome (France) et de Siemens (Allemagne)
System 80+ mis au point par ABB Combustion Engineering Nuclear Power
(Etats-Unis dAmérique)
VVER-1000 (V-392) mis au point par Atomenergoproject et Gidropress
(Russie)
Réacteurs de moyenne puissance
AP-600 REP doté de systèmes de sûreté passive
améliorés mis au point par
Westinghouse (Etats-Unis dAmérique)
AC-600 REP doté de systèmes de sûreté passive
améliorés mis au point par
China National Nuclear Corporation
MS-600 REP doté dun système de sûreté de type
" hybride " mis au point
par Mitsubishi (Japon)
SBWR REP doté de systèmes de sûreté passive renforcés
mis au point par
GE (Etats-Unis dAmérique) (abandonné depuis mars 1991)
VVER-500/600 (V-407) REP doté de systèmes passifs
mis au point par
Atomenergoproject et Gidropress (Russie)
ISIS REP de type innovant, révolutionnaire mis au
point par Ansaldo
(Italie)
PIUS REP de type innovant, révolutionnaire mis au
point par ABB Atom
(Suède)
SPWR REP de type innovant, révolutionnaire mis au
point par JAERI et
IHI (Japon)
VPBER-600 REP de type innovant, révolutionnaire mis
au point par OKMB
(Russie)
Un bref panorama de la situation de lindustrie nucléaire
mondiale suffit pour illustrer cette situation confuse :
Aux Etats-Unis, quatre modèles de réacteurs ont
fait lobjet de demandes de certificats sur la base de programmes lancés au début
des années 80.
Ce pays a une procédure de certification (cf. annexe) dont les
pays européens devraient sinspirer et jai le sentiment que cela est
implicitement le cas pour le projet EPR.
Dès quun concept est certifié aux Etats-Unis, les tranches
standardisées peuvent être mises sur le marché, et toute compagnie délectricité
peut commander une centrale avec lassurance que les questions générales de
conception et de sûreté ont été résolues. Le régime dautorisation prévoit que
la compagnie délectricité demande une seule autorisation pour construire et
exploiter une nouvelle centrale, à condition que celle-ci soit construite selon les
spécifications préapprouvées (j'ai déposé une proposition de loi allant dans ce sens
(cf. infra.).
Par exemple, les projets définitifs de deux grandes centrales
évolutionnaires - le " System 80+ " de ABB-Combustion
Engineering et le REB avancé de General Electric - ont été approuvés en 1994, et
le certificat de la NRC leur a été délivré en mai 1997. La NRC examine
actuellement le dossier du réacteur AP-600 de Westinghouse, dont lapprobation
devrait intervenir prochainement. Le REB simplifié de 600 MWe de General Electric a aussi
été examiné jusquau milieu de lannée 1996, mais la société a
abandonné les travaux sur ce modèle pour se tourner plutôt vers une tranche de
puissance plus élevée, ce qui conforte lopinion défendue par EDF de la
nécessité daccroître la puissance des réacteurs pour être compétitif. La
compagnie délectricité de Taiwan a récemment retenu le modèle de REB avancé de
General Electric pour ses deux nouvelles centrales, qui devraient entrer en service en
2004 car Taiwan sest doté depuis 1968 de six réacteurs, qui représentent
29 % de la production délectricité.
LAP-600 est particulièrement intéressant à étudier car il est
dit " passif ". Cela signifie quil utilise des mécanismes
naturels, tels que les lois de la gravité, qui le dispensent de la présence de diesel
pour assurer les fonctions de sauvegarde.
En outre, il présente des caractéristiques séduisantes telles que
lintégration des pompes primaires dans le fond des générateurs de vapeur, ce qui
simplifie le fonctionnement du circuit primaire. De plus, une défaillance du système
dévacuation de la puissance résiduelle serait palliée par une circulation
dair autour de lenceinte et un ruissellement deau prévu à cet effet,
lenceinte de confinement jouant un rôle analogue à celui dun radiateur.
Toutefois, lenceinte nest pas dotée dune double paroi, ce qui
relativise lavantage précédent car, en cas de fuite de lenceinte, il existe
un risque sérieux de dommage à lenvironnement.
La principale faiblesse de ce réacteur est économique car la
compétitivité dune centrale nucléaire de 600 MWe est loin dêtre établie.
Les difficultés de lindustrie américaine proviennent du fait
que les Etats-Unis ne construisent plus de centrales, mais leur exemple montre que des
centrales peuvent être construites en l'absence d'une tête de série dans le pays
dorigine.
En Suède et en Finlande. En Suède, ABB Atom, en
collaboration avec lélectricien finlandais Teollisuuden Voima Oy (TVO), développe
le BWR-90, qui est une version améliorée des Réacteurs à eau bouillante (REB) déjà
en service dans les deux pays. Si la Suède a abandonné l'énergie nucléaire, la
construction d'un cinquième réacteur en Finlande est régulièrement évoquée, piste
qui peut être intéressante pour le projet EPR (cf. infra).
En Fédération de Russie. La Fédération de Russie
travaille sur le V-392, version améliorée du VVER-1000, et une autre version est à
létude avec la collaboration de la société finlandaise Imatran Voima Oy (IVO).
Sont également à létude un réacteur de taille moyenne, le VVER-640 (V-407),
concept évolutionnaire avec des systèmes de sauvegarde passifs, et le VPBER-600, qui est
un concept intégré plus innovant. La construction de la première tranche du VVER-640
devait commencer en 1997, à Sosnovy Bor. La construction de deux VVER de 1000 MWe fait
lobjet de pourparlers avec la République populaire de Chine. Le ministère de
l'Energie atomique de Russie souhaite mettre en service une série de nouveaux réacteurs
pour faire passer la puissance installée de 20 000 MWe à 35 000 MWe,
en 2010. Lexistence de ce programme ne doit pas faire oublier les problèmes de
sécurité existant sur les réacteurs actuellement en service. Mais limportance de
son programme permet peut-être denvisager une collaboration avec la Russie sur le
projet EPR.
Toutefois, les conditions qui pourraient être requises pour la
construction dun EPR dans ce pays ne sont pas encore définies, en particulier
limportance des adaptations aux pratiques et aux normes russes ainsi que le niveau
de la participation de son industrie et de son ingénierie.
En République de Corée. En République de Corée,
un projet de REP avancé de 4 000 mégawatts thermiques (Mwth), le
" réacteur coréen de la nouvelle génération ", a été initié en
1992. Létude est réalisée par la Société dénergie électrique de Corée
(KEPCO) avec lappui de lindustrie nucléaire du pays. Lobjectif est de
terminer létude détaillée dici à lan 2000 ; douze réacteurs en
fonctionnement assurent 36 % de la production délectricité et de nouvelles
tranches sont en construction.
En Chine. En Chine, lInstitut de
lénergie nucléaire (Chengdu) est en train de mettre au point le réacteur avancé
AC-600 qui intègre des systèmes de sûreté passifs pour évacuer la chaleur. Pour le
moment, la Chine importe l'essentiel de ses centrales nucléaires, en particulier de
Framatome, mais les transferts de technologie en cours permettront à la Chine
dobtenir dans quelques années son autonomie technologique. Il est évident,
aujourdhui, que la Chine sera lun des grands pays producteurs
délectricité dorigine nucléaire du XXIè siècle.
Au Japon. Un grand REP évolutionnaire de 1350 MWe
est développé par les compagnies délectricité et les industriels. La
construction dune tranche de deux réacteurs est prévue sur le site de Tsuruga. En
outre, létude dun REB avancé a commencé en 1991 et comprend le
développement dun réacteur de référence de 1500 MWe. Dautres
programmes de développement en cours concernent un REB et un REP japonais
simplifiés ; les vendeurs et les compagnies délectricité participent à ces
projets. LInstitut de recherche sur lénergie atomique du Japon (JAERI)
étudie des modèles de réacteurs avancés refroidis par eau, en sintéressant plus
particulièrement aux systèmes de sauvegarde passifs. Il sagit du réacteur à
sûreté passive du JAERI et du REP à systèmes intégrés. Il faut noter que
lénergie nucléaire représente 33 % de lélectricité nationale et
quil est prévu de construire 20 réacteurs dici à 2010 ; la part
de lénergie dorigine nucléaire devrait représenter 40 % du total
dici à 20 ans.
Au Canada. Le programme courant détude et de
développement des réacteurs à eau lourde, au Canada, vise à renforcer de manière
" évolutionnaire " la performance et la sûreté des 21 tranches
nucléaires en service. Deux nouveaux réacteurs CANDU-6 de 715 MWe, comprenant des
améliorations par rapport aux versions précédentes, sont en construction à Qinshan
(Chine). Des études techniques en amont se poursuivent sur le CANDU-9 de 935 MWe, qui est
une adaptation des tranches en service à Darlington (Canada). Daprès
lenquête sur la conformité réglementaire du CANDU-9, que la Commission canadienne
de sûreté nucléaire a terminée en janvier 1997, le réacteur répond aux prescriptions
nationales dautorisation. Dautres études sont en cours et portent sur des
versions avancées de ces réacteurs en vue dintégrer dautres
caractéristiques évolutionnaires et daugmenter la puissance du gros modèle
jusqu'à 1300 MWe. Il faut noter que les centrales de type CANDU à eau lourde
pressurisée permettent le rechargement pendant le fonctionnement, mais je suis très
réservé sur l'exportation de cette technologie qui me paraît particulièrement
proliférante.
En Inde. LInde est en train de développer un
réacteur à eau lourde de 500 MWe qui intègre lexpérience des centrales de
200 MWe de conception indienne qui sont en service dans le pays. Mais les problèmes
de prolifération darmes nucléaires risquent dobérer les coopérations
internationales avec ce pays ; son attitude lors des récents essais nucléaires ne
peut que conduire les autres pays à boycotter toute coopération dans ce domaine.
III Les projets révolutionnaires
Il nest pas utopique denvisager à long terme une énergie
nucléaire qui ne produise pas de déchets et qui repose sur des matières premières
inépuisables. Pour cela, il faut étudier de nouveaux concepts.
A) La
fusion thermonucléaire contrôlée
Une première voie, mais qui ne pourra probablement pas déboucher sur
des applications industrielles avant plusieurs décennies, est la fusion thermonucléaire
contrôlée.
Comme le souligne l'AIEA, "la fusion nucléaire présente un
certain nombre de caractéristiques séduisantes à maints égards, du point de vue
énergétique et écologique :
- approvisionnement en combustible : l'extraction du deutérium de l'eau se fait sans
sous-produits nocifs ; disponibilité à faible coût pour tous les pays :
réserves suffisantes dans les océans pour des millions d'années ;
- extraction minière : extraction limitée de lithium, servant à produire le
tritium pour les réacteurs à fusion (l'eau de mer contient également 0,17 mg/l de
lithium) ;
- écologie : la fusion présente peu de risque pour l'environnement ;
- prolifération des armes nucléaires : absence de plutonium ou d'uranium ;
- sûreté : la quantité de combustible dans le plasma est si faible que même une
combustion complète n'entraînerait pas d'explosion. Le caloportage ne présente pas de
difficulté, vu le faible niveau de la chaleur de décroissance répartie sur un volume
important. La quantité de tritium peut être réduite au minimum par une conception
soignée. La dose d'irradiation potentielle hors site, en cas d'accident, ne
nécessiterait pas de plan d'évacuation ;
- sous-produits radioactifs : la production de radioactivité de longue période peut
être très limitée en choisissant les matériaux avec soin. L'alliage au vanadium, le
fluide de refroidissement au lithium et le deutérium-tritium non brûlé pourraient ainsi
être recyclés."
Toutefois, ces procédés ne sont susceptibles de déboucher sur une
application industrielle que dans un horizon très lointain, ce qui nuance leurs avantages
potentiels car la fusion nucléaire met en oeuvre des techniques très pointues.
Deux méthodes sont étudiées pour atteindre la fusion : le
confinement magnétique ou le confinement inertiel.
Les machines ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) de
fusion par confinement magnétique qui existent actuellement, par exemple LMJ (le projet
de laser mégajoule en France) ou NIF (National Ignition Facility aux Etats-Unis) devront
réaliser un gain de 10 à 30 pour que nous puissions envisager des projets de production
délectricité par ce moyen.
Cette solution d'avenir ne pourra donc pas déboucher sur des solutions
industrielles à court terme, mais il est évident que les recherches devront être
intensifiées dans les années à venir et que nous devrons veiller à ce que la recherche
française y tienne sa place.
B) L'amplificateur
d'énergie (EA) de Carlo Rubbia
Je ne m'étendrai pas sur ce projet, auquel j'ai consacré un rapport,
mais je crois utile d'en rappeler quelques caractéristiques.
Le concept est basé sur l'alimentation par une source extérieure de
neutrons d'un milieu (réacteur) sous-critique, c'est-à-dire qui n'entretient pas
naturellement la réaction de fission en chaîne. La source extérieure de neutrons est
fournie par une réaction de "spallation" sur une cible, dans laquelle des
noyaux lourds (de plomb, par exemple) se désintègrent sous l'impact de particules
(protons, par exemple) portées à très haute énergie (~ 1 GeV) par un
accélérateur.
Le terme d'Amplificateur d'Energie illustre le fait que l'énergie
produite par fission nucléaire dans ce système excède l'énergie nécessaire pour
alimenter l'accélérateur. Pour que cette amplification soit notable, il faut que le
milieu fissile soit proche de la criticité. Ce milieu peut être constitué d'isotopes
fissiles d'uranium 235, uranium 233 ou plutonium mélangés à des isotopes
fertiles d'uranium 238 ou thorium 232.
Dans le concept proposé par le Pr. Rubbia, le faisceau de protons
est fourni par un cyclotron à trois étages, choisi pour sa fiabilité et sa simplicité.
Le combustible du réacteur est un oxyde mixte de thorium et d'uranium,
le réacteur étant un réacteur à neutrons rapides (RNR) qui permet d'obtenir un spectre
en énergie des neutrons élevé, et en conséquence des taux de fission élevés. La
configuration du coeur est celle classique d'un RNR, avec une région fissile entourée
d'une région fertile en oxyde de thorium et des aiguilles de combustible gainées d'acier
et placées dans des assemblages hexagonaux. Le contrôle du coeur est assuré dans ce
concept par le courant de l'accélérateur, et ne fait donc pas appel à des barres de
commande, ce qui est une simplification importante par rapport aux REP.
Le taux de combustion prévu est de 100 Gwj/t et la durée d'un
cycle de fonctionnement est évaluée à cinq ans sans rechargement intermédiaire, les
estimations de l'équipe du Pr. Rubbia faisant apparaître une compensation de
l'empoisonnement du coeur par la production d'U 233. Il est prévu qu'en fin de
cycle, les actinides produits seront rechargés de façon à réduire la production de
déchets.
Selon le Pr. Rubbia, le domaine d'application de l'EA est
double : la production d'énergie et l'élimination des déchets. Les principaux
avantages, qu'il met par ailleurs en avant, pourraient être les suivants :
- la sous-criticité de la partie proprement nucléaire élimine tout risque d'accident de
criticité tel que celui de Tchernobyl ;
- l'utilisation comme matière fertile du thorium 232 au lieu de l'uranium 238
ne produit par capture pratiquement pas de plutonium ni, a fortiori, de
transplutoniens (américium, corium) ;
- un excès de neutrons rapides dans le coeur du réacteur rend celui-ci particulièrement
efficace pour détruire, par transmutation, des déchets radioactifs à vie longue ;
cest-à-dire que nous pourrions transformer les éléments en dautres qui ne
sont pas radioactifs ;
- l'évacuation de la chaleur produite pourrait s'effectuer par convection naturelle, et
serait par conséquent moins tributaire de la bonne marche d'organes actifs, comme les
pompes.
En effet, j'ai désormais acquis la conviction que la véritable
maîtrise des déchets radioactifs ne pourra provenir que de ruptures scientifiques et
technologiques profondes. En ce sens, je rejoins parfaitement les perspectives
tracées par l'équipe Rubbia : la filière doit former un tout, dont l'utilité
n'est réelle que si elle est pleinement optimisée.
De mes nombreux entretiens, j'ai retenu l'impression que la mise au
point de l'accélérateur de haute intensité (1 à 10 mA) semblait être faisable
relativement vite, d'ici à quelques années. Tout dépend, bien entendu, des moyens que
l'on est disposé à engager. Cet accélérateur peut bien sûr servir à piloter un
Amplificateur d'Energie ; il peut aussi servir à la mise au point d'une source
puissante de neutrons de spallation.
Je crois aujourd'hui que l'EA verra le jour comme incinérateur de
déchets plus que comme producteur d'électricité.
Il est vrai que les potentialités spécifiques de l'EA pour détruire
par transmutation les déchets nucléaires (actinides mineurs et produits de fission) à
vie longue provenant des réacteurs "classiques" méritent une évaluation
approfondie.
Cet aspect doit être examiné dans le cadre des études menées par le
CEA en réponse à la loi du 30 décembre 1991 et en préparation du débat
parlementaire de 2006. Le CEA, EDF ainsi que le CNRS participent à cette évaluation dans
le cadre du Groupement de Recherches GEDEON.
A ce jour, peu de positions ont été officiellement prises à
l'étranger sur l'EA. L'évaluation la plus intéressante a été le fruit du Comité
Technique et Scientifique de l'Euratom (STC), sur demande de la DG XII de la
Commission européenne. Mais jai également appris que les chercheurs américains de
Los Alamos étudiaient la question.
Globalement, cette évaluation est conforme à l'analyse ci-dessus, en
particulier sur la capacité de ce concept à devenir un concurrent des réacteurs
classiques et sur les aspects sûreté (notamment le recours aux systèmes passifs). Les
membres du STC retiennent également comme potentiellement intéressante la capacité que
l'EA aurait de détruire par transmutation les déchets nucléaires et préconisent que la
Commission retienne ce thème d'étude dans le cinquième PCRD.
Jai eu la satisfaction de noter limpact positif du Rapport
publié par lOPECST, qui a aiguisé la curiosité des milieux politiques et
scientifiques pour lEA.
Dans une interview accordée au journal Sud-Ouest le 5 mai
dernier, Carlo Rubbia soulignait que : " Lidée cest de faire
quelque chose de convaincant pour 2007. Un prototype industriel qui démontrerait que
cest économiquement et techniquement possible, comme nous avons montré que
cest possible en laboratoire. Il devrait avoir 100 mégawatts de puissance, il
" boufferait " de 30 à 40 kilos de plutonium par an, alors
quun réacteur ordinaire en produit 200... On a calculé que cinq machines
pourraient détruire toute la production française de déchets. Si ça marche, on ne
pourra pas sen passer. Cest la question et cest pour cela quil
faut essayer à léchelle industrielle. Pour 100 MW, on parle dun
milliard de francs, ce nest pas cher : pensons que la production de déchets
dun réacteur coûte 6 milliards de francs à stocker. Les 52 réacteurs
français représentent 312 milliards ! Cela fait beaucoup dargent pour
construire cinq machines ! Nous en sommes loin et elles sont plus sûres. "
TITRE II
" DOMPTER LA LAVE RADIOACTIVE ? "
Tel est le titre par lequel le journal allemand " Der
Spiegel " présentait le projet EPR.
Le but du présent titre nest pas de réaliser une hagiographie
du projet EPR, mais de vous en présenter les principales innovations scientifiques et
techniques, après avoir analysé son apport à la recherche scientifique.
Chapitre I
La recherche et développement générée
par le projet EPR
Le projet EPR va au-delà dun simple projet industriel ;
lamélioration régulière de la qualité de nos centrales nucléaires implique le
maintien dun acquis technologique qui lui-même repose sur lexistence de
projets et de défis technologiques à relever, condition nécessaire pour garder les
équipes mobilisées.
Dans cette perspective, le projet EPR doit être regardé comme le
catalyseur de toutes les actions touchant à la recherche en matière de réacteur à eau
pressurisée, lesquelles sappuient dabord sur un fonds commun lié aux travaux
déjà accomplis sur lensemble de la filière des réacteurs nucléaires à eau
pressurisée (REP).
Ceci conduit nécessairement à nous interroger sur le rôle du
programme EPR dans le maintien des compétences de la filière électronucléaire
française et, plus largement, européenne.
Du fait de son caractère évolutif, la plupart des composants et des
équipements de lEPR sont issus de techniques éprouvées en France ou en Allemagne.
Néanmoins, si les composants et les équipements sont de facture
classique, leur organisation a été refondue pour lEPR. En effet, si le circuit
primaire principal subit peu de modifications, linstallation générale ainsi que
larchitecture des systèmes et du contrôle-commande connaissent des évolutions
sensibles.
La phase davant-projet détaillé, dont lobjectif était de
sélectionner et dapprofondir les principaux choix de conception du projet, est
achevée. Elle doit être suivie par une phase " détude
palier " au cours de laquelle les études dingénierie seront complétées
pour fournir les dossiers nécessaires à une réalisation.
Il faudra, en effet, que soient validées les recommandations des
autorités de sûreté sur lamélioration de la " défense en
profondeur " par la mise en oeuvre de moyens supplémentaires destinés à la
prévention dhypothétiques accidents graves et à la réduction drastique de leurs
conséquences sur lenvironnement.
Comme nous le verrons dans les chapitres suivants, cest dans ce
dernier domaine que le projet EPR présente les besoins de recherche et de développement
les plus marqués, tout particulièrement sur les cinq points suivants :
la prévention du risque de fusion haute pression par un
dispositif de dépressurisation du circuit primaire qualifié (soupapes de décharge au
pressuriseur) ;
la prévention de déflagration rapide et de détonation
dhydrogène en réduisant très vite la concentration à lintérieur de
lenceinte au moyen de recombineurs catalytiques, et si nécessaire digniteurs,
pour limiter limportance du pic de pression qui pourrait résulter dune
combustion ;
la prévention dune interaction entre le coeur en
fusion et le béton par récupération du corium dans un compartiment spécial équipé
dun revêtement de protection ;
le contrôle de la pression dans lenceinte au moyen
dun système dévacuation de la chaleur résiduelle du corium par aspersion
(CHRS), avec un refroidissement de leau permettant de ramener la pression de
lenceinte à la pression atmosphérique, à long terme ;
la récupération de toutes les fuites et la prévention
dun bipasse de lenceinte au moyen dune enceinte à paroi double.
Le caractère évolutif du projet EPR explique quil bénéficie,
y compris sur les points évoqués ci-dessus, de toute la recherche et développement
existants pour les réacteurs nucléaires en fonctionnement.
Mais il constitue un projet motivant pour les équipes en place ;
si le programme EPR nexistait pas, ces dernières seraient dans la situation
dun architecte qui ne réaliserait que des travaux dentretien ... Je vous
laisse imaginer son niveau de compétence au bout de quelques années !
Du fait de son caractère évolutionnaire, ce projet sinscrit
dans la continuité des réacteurs N4 français et Konvoi allemands. Il retient les
meilleures options de chaque technologie tout en devant satisfaire aux exigences de
sûreté des deux pays, en particulier par la prise en compte dès le stade de sa
conception daccidents graves, tels que la fusion du coeur, pour en réduire la
probabilité et les rejets dans lenvironnement. Malgré ces apports, il doit rester
compétitif par une amélioration des performances et de la disponibilité et par une
réduction des coûts dinvestissement.
La recherche, effectuée en général pour la filière REP, en France
comme en Allemagne, peut se décliner autour de trois axes :
- la R & D générale, pour la filière qui vient en soutien au parc actuel,
- la R & D plus spécialement générée par les options du réacteur EPR,
- la R & D dinnovation, destinée à proposer, à plus long
terme, des options alternatives intéressantes pour les projets de centrale nucléaire.
En France, la R & D est effectuée principalement par le
CEA dans la cadre daccords de collaboration tripartite avec les partenaires
industriels, EDF et FRAMATOME.
En Allemagne, elle est principalement effectuée par le Centre de
recherche de Karlsruhe (FZK), en collaboration avec le partenaire industriel Siemens et
les électriciens allemands, et par divers laboratoires universitaires et industriels dans
le cadre dun groupement de recherche AGIK (Arbeits-Gruppe-lnnovative-Kerntechnik).
Un accord de coopération entre le CEA et FZK permet dharmoniser
les actions de R & D dans les deux pays.
Par ailleurs, il existe de nombreuses coopérations internationales aux
niveaux européen et mondial, principalement dans le domaine de la sûreté nucléaire.
I Recherche et développement générale consacrée à la filière
REP
Nous ne ferons pas ici une description extensive de cette
R & D, nous nous contenterons den évoquer les points principaux.
Elle concerne en particulier le développement des méthodes et des
logiciels qui sont utilisés dans les projets. Ces logiciels, qui rassemblent toute la
connaissance issue de la R & D, doivent évoluer en fonction de
lamélioration des connaissances et du développement des ordinateurs. Le CEA se
doit de les maintenir à leur meilleur niveau car la recherche dune meilleure
sûreté et dune meilleure compétitivité implique une très bonne connaissance des
marges de sécurité et, par conséquent, des calculs aussi précis que possible.
Le CEA transfère ces logiciels à EDF et FRAMATOME, qui les intègrent
dans leurs chaînes de calcul industrielles soit intégralement, soit sous forme de
modélisations qualifiées.
Ces logiciels concernent les disciplines utilisées dans
lindustrie nucléaire (cf. infra), à savoir :
- la neutronique (code cellule APOLLO et code coeur CRONOS),
- la thermohydraulique (code circuits TRIO et code cur FLICA),
- la mécanique (CASTEM),
- les outils décrivant le transport des produits de corrosion et de fission et la
contamination (PACTOLE, PROFIP),
- la thermohydraulique accidentelle (CATHARE).
Le développement de ces logiciels implique des programmes
expérimentaux de qualification associés.
Un effort tout particulier a été mené en France dans le domaine de
la thermohydraulique accidentelle, pour permettre de décrire en détail les problèmes de
refroidissement du cur en situation accidentelle : un code de calcul CATHARE a
été spécialement développé pour la filière REP et qualifié sur un important
programme expérimental, comportant en particulier une boucle, système BETHSY,
reproduisant à léchelle 1, en hauteur, et au 1/100, en volume, un réacteur
FRAMATOME 3 boucles du palier CPY. La qualité de la physique du code et la rigueur
de la méthodologie adoptée pour cette qualification permettent lextrapolation aux
autres réacteurs de la filière avec un bon niveau de fiabilité.
Par ailleurs, un axe très important de recherche concerne le
vieillissement des matériaux, pour répondre aux besoins du parc actuel et à
laugmentation éventuelle de sa durée de vie. Ces études seront utilisées dans le
projet EPR, conçu pour une durée de vie de soixante ans et dont le développement est
lui-même conditionné par la durée de vie des centrales en service.
Dans ce volet se place également la R & D pour le
combustible, produit consommable qui peut être utilisé dans tous les réacteurs de la
filière. Les évolutions du combustible concernent principalement, pour les deux types
actuellement utilisés -combustible Oxyde duranium et combustible MOX-,
laugmentation du taux de combustion (passage de 45 à 60 GWj/T), la tenue aux
transitoires (suivi de charge) et lallongement des cycles de fonctionnement (passage
de 1 à 2 ans), qui contribuera beaucoup à laugmentation de la disponibilité
des REP. Mais il faut noter que lidée dun réacteur qui fonctionnerait
entièrement avec du combustible MOX semble aujourdhui abandonnée, essentiellement
pour des raisons d'homogénéité et, par voie de conséquence, de facilité de la gestion
du parc de centrales.
II R & D générée par les options de lEPR
Ce sont les options qui sont spécifiques à lEPR, et non pas aux
centrales actuellement en exploitation. Elles concernent principalement :
- la prise en compte des accidents graves dès la conception,
- des modifications dans les systèmes de sauvegarde (injection de secours à moyenne
pression), un dessin différent de la cuve ou des traversées inférieures, ce qui
améliore la fiabilité de la cuve ; le passage des tubes dinstrumentation à
travers le fond de la cuve a été supprimé ; un réflecteur en acier a été
installé pour diminuer les dommages dirradiation reçus par la cuve, au cours du
fonctionnement, et pour améliorer lutilisation du combustible.
Le temps de réponse des actions de R & D est
généralement plus long que les phases de projet dun réacteur. Cest pourquoi
les résultats de la R & D permettront, dans la plupart des cas, de valider,
puis doptimiser les options de lavant-projet.
A) R
& D non liée aux recherches sur les accidents graves
Elle concerne l'hydraulique du fond de cuve. Si labsence de
traversées inférieures améliore la fiabilité de la cuve, elle rend vide de
canalisations le plenum inférieur et il faut définir des structures, en particulier une
grille de distribution à lentrée du coeur pour assurer une bonne uniformité de
débit à lentrée des différents assemblages de combustibles. Ceci met en jeu des
essais sur une maquette hydraulique à léchelle 1/10, LUCIE qui, au stade de
lavant-projet, ont permis de définir une base de conception. Au moment du projet
définitif, les optimisations de cette conception se feront à laide dune
maquette plus complète, HYDRA, qui permettra létude de lhydraulique
complète de la cuve et, en particulier, des mélanges dans le coeur.
Le CEA participe également à lamélioration de la conduite par
le recours à des commandes de plus en plus informatisées. Cette tendance, qui a débuté
avec le palier N4, se poursuivra dans EPR. Un gros effort est fait dans le domaine de la
sûreté et de la fiabilité des logiciels utilisés.
De légères modifications ont été apportées aux caractéristiques
des dispositifs dinjection de sécurité, en particulier sur le niveau de pression
auxquels ils interviennent. Des essais spécifiques ont été effectués sur
linstallation BETHSY, dans ces nouvelles conditions, pour vérifier les calculs
CATHARE. On a également utilisé linstallation BETHSY pour tester les conditions de
dépressurisation qui permettent déviter la fusion du coeur en pression.
Enfin, il pourra savérer utile de qualifier le calcul du coeur
équipé de son réflecteur dacier par létude expérimentale dune
configuration représentative dans linstallation EOLE.
B) Recherche
et développement liée à la prise en compte des accidents graves
Les accidents graves impliquant la fusion du coeur -cas de Three Miles
Island- ont été étudiés dans le passé, pour les réacteurs en exploitation, dans le
but den évaluer les conséquences radiologiques et de mettre au point des
procédures destinées à les limiter en protégeant la fonction de confinement de
lenceinte, qui était dimensionnée surtout pour résister aux surpressions de
laccident de perte de fluide de refroidissement primaire par lexistence
dune grosse brèche.
Pour le projet EPR, les accidents graves doivent être pris en compte
dès le stade de la conception : l'ambition est de réduire la probabilité de ces
accidents dun facteur de 10-5 à 10-6 événements par
réacteur et par an, et déviter toute évacuation permanente des populations au
voisinage de la centrale. Pour cela, il faut rendre impossible un certain nombre de
séquences accidentelles dont on ne pourrait pas maîtriser les conséquences, tels que,
par exemple, les accidents de réactivité par dilution accidentelle du bore, la fusion du
coeur à haute pression, la détonation globale dhydrogène dans lenceinte. En
conséquence, le projet doit être doté de dispositifs spéciaux. A cet effet, il importe
donc de pouvoir prédire le déroulement des séquences accidentelles avec fusion du coeur
et de démontrer lefficacité des dispositifs retenus pour que soit assurée en
permanence la fonction de confinement des produits radioactifs.
La stratégie générale de recherche du CEA la conduit à
établir des modélisations des phénomènes physiques à partir de considérations
théoriques et dexpériences introduites dans des codes de calcul.
Compte tenu de la complexité des phénomènes, une méthode en deux
temps est couramment utilisée, faisant appel à deux catégories doutils :
1 - Les
codes intégraux ou codes scenarii
Caractérisés par des modélisations simplifiées, ils permettent de
calculer la totalité de la séquence accidentelle et de faire des études paramétriques
grâce à des temps de calculs raisonnables. Dans ces codes, il existe de nombreuses
options que les utilisateurs doivent renseigner et qui concernent souvent des points que
les études physiques nont pas encore permis de déterminer. Les études
paramétriques permettent alors davoir une idée des incertitudes induites par le
choix de telle ou telle option.
2 - Les
codes mécanistes
Ils vont traiter d'un problème particulier mais en intégrant la
meilleure physique raisonnablement utilisable. Ces codes peuvent cependant être dun
emploi lourd. Qualifiés sur des expériences à caractère analytique, ils doivent
permettre de faire les extrapolations à léchelle dun réacteur et de
renseigner les " options utilisateurs " des codes précédents.
Cependant, dans lavenir, compte tenu de laccroissement de la puissance de
calcul des ordinateurs et des progrès dans les analyses physiques, les deux approches
tendront à converger.
Ces codes doivent être validés par des expériences.
Dans certains cas, ces expériences peuvent être éloignées de la
réalité par léchelle ou par lemploi de matériaux simulants qui permettent
des essais à moindre coût et une meilleure instrumentation. Ces expériences,
complétées par des expériences de caractère plus global mettant en jeu des matériaux
réels, peuvent être utilisées pour divers objectifs :
- une meilleure compréhension des phénomènes physiques,
- une meilleure appréciation des incertitudes,
- laide à la détermination et à la qualification de modélisations simples,
- la qualification des outils de calculs mécanistes,
- laide à la détermination des " options utilisateurs " des
codes intégraux.
Lutilisation des codes intégraux et des études de sensibilité
associées doivent permettre, au-delà des analyses de sûreté, daider à la
définition des besoins de R & D.
Plusieurs thèmes de R & D peuvent être
identifiés :
a) Les
études de scenarii
Ces études nécessitent lutilisation de codes intégraux qui
sont utilisés dans des processus itératifs conjointement pour faire les études de
projet et définir les bons choix de R & D. Outre la participation au
développement du code ESCADRE de lIPSN, le CEA qualifie le code MAAP, code
américain utilisé par EDF et FRAMATOME, sur les expériences PHEBUS qui décrivent la
dégradation dune portion dassemblage de combustible. Il effectue également
des calculs comparatifs ESCADRE, MAAP.
b) Les
études relatives au corium
Les études relatives au corium, produit résultant de la fusion des
différents éléments constitutifs du coeur du réacteur et de leur interaction avec les
structures quils rencontrent, comportent trois volets principaux :
- le corium interne au circuit primaire,
- le corium hors cuve,
- linteraction corium eau.
Ce corium interagit avec les matériaux de structure de la cuve et avec
le béton de lenceinte hors cuve et les matériaux de récupération. Ceci se passe
à très haute température, dans la gamme des 2000°C à 3000°C, et les chercheurs
doivent traiter les problèmes de fusion-solidification de mélanges faisant intervenir
des diagrammes de phases complexes.
Corium interne au circuit primaire
Lorsque le coeur commence à fondre sous leffet de la puissance
résiduelle due à la désintégration des produits de fission, et ne peut plus être
refroidi, il va progresser vers le bas et sécouler dans le fond de la cuve. Les
études du comportement de ces bains de corium en fond de cuve permettront de déterminer
la façon dont les parois de la cuve vont fondre et ses modes de rupture. Ceci doit
permettre de définir linstant de rupture ainsi que la dynamique douverture de
la brèche, ce qui donnera les conditions initiales de sortie du corium en dehors de la
cuve. Cette connaissance est nécessaire pour évaluer le comportement de ce corium dans
le puits de cuve et définir ainsi les conditions initiales de récupération hors cuve.
A cet effet, on développe le code de calcul mécaniste TOLBIAC, qui
décrit la convection naturelle en trois dimensions dun corium formé doxydes
et de métaux qui peuvent se stratifier. Ce code décrit également les phénomènes
doxydation des métaux, la formation de croûtes, lablation des parois.
Couplé au code de mécanique CASTEM, il permet de décrire la ruine de la cuve.
Pour la détermination des coefficients de transfert de chaleur à la
paroi, on utilise le dispositif BALI, où le corium est remplacé par de leau salée
et où les expérimentations simulent la puissance résiduelle en utilisant leffet
Joule. Pour la tenue mécanique du fond de cuve, on utilise lexpérience RUPTHER,
qui reproduit les conditions de rupture dacier de cuve à haute température.
Corium hors cuve
Le corium sorti de la cuve doit être arrêté définitivement et
refroidi. Pour cela, il faut placer à lintérieur de lenceinte un dispositif
de récupération. Divers concepts sont possibles. Le projet EPR a choisi comme solution
de référence le concept détalement de ce corium sur une surface déportée hors
du puits de cuve. Diverses évolutions ont eu lieu au cours de lavant-projet ;
la dernière consiste à faire mélanger le corium avec du béton sacrificiel pour
abaisser la température de solidification, et donc favoriser létalement hors cuve
du corium. Dans le dessin actuel, le refroidissement est assuré par noyage par le dessus
du corium étalé grâce à un système passif et le radier est protégé par une petite
circulation deau qui assure le maintien dune température convenable.
Le CEA, après avoir utilisé le code américain MELTSPREAD, qui
décrit létalement dans des configurations monodimensionnelles, a développé un
code bidimensionnel THEMA en réutilisant de nombreux développements déjà mis en oeuvre
dans le code TOLBIAC. Pour valider THEMA, on utilise des expériences, effectuées en
matériaux simulants ou en matériaux réels, réalisées au CEA ou dans des laboratoires
étrangers.
Deux programmes principaux pour les études détalement sont
conduits au CEA : CORINE, qui utilise des matériaux simulants à bas point de fusion
(métal de WOOD, HITEC etc..), et VULCANO, qui permet létalement de 150 kg de
matériau prototypique (corium sans produits de fission). Ces essais permettent
détudier la physique de létalement et de la solidification de matériaux
complexes. Dans VULCANO, lutilisation de matériaux réels permet en plus
létude des interactions avec différents supports (béton, céramique etc..).
Par ailleurs, différentes études-support, plus analytiques, relatives
à la connaissance des propriétés physiques et physico-chimiques de ces mélanges
complexes, sont en cours.
Linteraction entre le corium et leau
Le corium chaud entrant en contact avec de leau se disperse en
gouttes et provoque une vaporisation de leau. Dans certaines conditions, en
particulier par le passage dune onde de pression, le film de vapeur qui entoure les
gouttes peut être déstabilisé, ce qui provoquerait une interaction thermique avec
fragmentation des gouttes en très fines particules, générant un échange thermique
violent avec leau et la propagation dune onde de pression qui peut avoir des
conséquences mécaniques néfastes pour les structures environnantes. Nous serions en
présence du phénomène dexplosion de vapeur. Son intensité va dépendre bien
évidemment du phénomène lui-même, mais également de la quantité de fluide en
présence. Il est lobjet de nombreuses études depuis des années et, si des
évaluations du risque peuvent être faites, celles-ci demandent encore à être
affinées. Cest pourquoi le CEA développe un code mécaniste MC3D multicomposant,
multiphasique, qui décrit lensemble du phénomène en tridimensionnel. Ce code
très complexe est qualifié sur des expériences analytiques françaises et étrangères.
En particulier, le CEA a réalisé lexpérience BILLEAU, où des sphères
métalliques portées à plus de 2000°C sont versées dans de leau froide.
Lexpérience MICRONIS, relative à létude du comportement dune goutte
de corium, est en cours. Les expériences réalisées au CCR ISPRA avec les matériaux
réels FARO et KROTOS fournissent une base de validation au cas où le corium tombe dans
leau. Ce type de situation est étudié au CEA dans lexpérience ANAIS.
MC3D, qui calcule lénergie libérée lors de linteraction,
couplé au code de dynamique rapide PLEXUS, qui calcule les conséquences mécaniques,
devra permettre de modéliser les interactions corium-eau dans toutes les situations.
c) Les
études relatives à lenceinte de confinement
Une fois le corium arrêté et refroidi à lintérieur de
lenceinte, il faut encore assurer deux fonctions :
- continuer à évacuer la puissance résiduelle sur le long terme ;
- éviter que, tout au long du transitoire accidentel, on ait atteint localement des
concentrations dhydrogène susceptibles de conduire à des détonations.
Latmosphère de lenceinte, en cas daccident grave,
est constituée dair, de vapeur deau, daérosols et de gaz dont certains
sont combustibles, comme lhydrogène provenant de loxydation par leau
des métaux et le monoxyde de carbone provenant de la décomposition du béton. Les
phénomènes de condensation de vapeur vont jouer un grand rôle dans la distribution des
différents composants de cette atmosphère. La connaissance du terme source hydrogène et
de sa dynamique est essentielle et fait lobjet détudes à lIPSN et en
Allemagne.
Pour limiter la concentration en hydrogène, on peut agir sur la taille
de lenceinte et avoir recours à des dispositifs de mitigation : des
recombineurs ou des igniteurs, qui consomment de lhydrogène.
Dans lavant-projet EPR, lévacuation de la puissance
résiduelle est assurée par une aspersion. Une solution alternative utilisant des
condenseurs a été un moment envisagée, puis rejetée.
La taille de lenceinte, la position et le nombre des dispositifs
mitigateurs doivent être déterminés à partir de calculs qui fourniront la distribution
en transitoire dhydrogène. Pour contrôler les calculs du projet, le CEA
développe, pour le compte de lIPSN, le code TONUS qui décrit en tridimensionnel
les phénomènes de convection-condensation dans lensemble des compartiments de
lenceinte. Ce code décrit aussi les phénomènes de combustion, déflagration et
détonation de lhydrogène et les conséquences mécaniques qui en résultent pour
lenceinte.
Plusieurs types dexpériences sont en cours pour la validation du
code :
- des expériences à caractère analytique : COPAIN pour la description des
phénomènes de condensation sur les parois en présence dincondensables, et DYNASP
pour létude de laspersion ;
- une expérience globale, MISTRA, dune capacité dune centaine de mètres
cubes, munie ou non de compartiments, où pourront être reproduites la vapeur deau,
de lhydrogène simulé par de lhélium, avec présence daspersion et
production daérosols. Une instrumentation spéciale permettra les mesures locales
de température, pression, concentration en hydrogène et vitesse des gaz dans la
totalité de la maquette ;
- des expériences composants, concernant en particulier lefficacité des
recombineurs, en présence de vapeur deau, dans linstallation KALI H2, et
des condenseurs dans KALI EVU.
Un programme de tenue du béton et de peaux détanchéité aux
conditions daccidents graves est en cours de définition.
III R & D innovante
Le CEA a élaboré un programme de R & D destiné d'une
part à étudier des options alternatives qui pourraient, au-delà de l'EPR, offrir des
perspectives intéressantes tant du point de vue technique quéconomique, et d'autre
part participer à lévolution de lEPR au cours des prochaines décennies. Si
le projet EPR est retardé, je suis convaincu quil faudra intégrer certains de ces
points dans les centrales du futur, dont je ne citerai ici que les têtes de
chapitre :
- Nouveaux combustibles
permettant des cycles plus longs et une meilleure rétention
du césium par optimisation des microstructures des oxydes, en utilisant des matrices en
céramique ou métallique.
- Nouveaux systèmes de sauvegarde
utilisant notamment certains systèmes passifs. On
étudie en particulier des injecteurs de vapeur qui, dans certains cas, peuvent remplacer
des pompes pour mettre en mouvement des fluides de refroidissement.
- Amélioration de la sûreté et de la fiabilité de fonctionnement
par des aides à
lopérateur, le recours à une automatisation accrue et le développement dune
instrumentation plus performante.
- La recherche de nouveaux matériaux : acier de cuve résistant mieux aux
hautes températures, matériaux de remplacement pour les stellites, matériaux de
structures internes moins sensibles au vieillissement, aciers moins contaminants etc...
- Utilisation du Plutonium
en étudiant la faisabilité de coeurs pouvant être
chargés intégralement en combustible MOX.
Dans le domaine des accidents graves, trois concepts méritent
dêtre étudiés :
- l'évaluation de concepts de récupération de corium alternatifs au projet EPR (cf.
supra),
- l'étude de la possibilité du refroidissement externe de la cuve, ce qui permettrait de
confiner le corium à lintérieur du circuit primaire,
- l'étude de concepts denceinte innovants (utilisation de linertage etc.)
(cf. infra).
Mais je considère quil est indispensable, parallèlement à ces
études, de conduire une veille technologique sur dautres types de réacteurs.
Jai été plutôt rassuré de ce point de vue lorsque jai
procédé à laudition des responsables du CEA, qui mont confirmé
lattention quils continuent de porter aux projets de réacteur à haute
température ou à des concepts tels que lAP 600 (cf. infra - chapitre II
du Titre I).
Dautre part, il est important de noter que la recherche ne se
limite pas au couple franco-allemand et que des accords avec le Japon permettent de
maintenir la compétence dans des secteurs tels que la thermohydraulique des générateurs
de vapeur.
Les responsables du CEA ont mis laccent auprès de votre
Rapporteur sur limportance du projet EPR dans le maintien de son niveau
technologique et surtout sur la difficulté quil y aurait à reconstituer les
compétences après un " trou " de plusieurs années.
Le coût risque den être prohibitif et dobérer, en fait,
la liberté de choix des gouvernants de lépoque et ce ne serait non plus pas très
bon pour le maintien à niveau de la sécurité des centrales nucléaires actuelles, dans
la mesure où lexcellence des personnels implique leur mobilisation sur des projets
porteurs.
Japprofondirai ce thème en conclusion de ce rapport, mais il est
nécessaire de lavoir à lesprit.
Chapitre II
Les recherches sur les accidents graves
Jai, au cours de mes travaux, mis en garde à de nombreuses
reprises mes interlocuteurs contre le risque quil pourrait y avoir à trop mettre
laccent, dans la présentation du projet EPR, sur la réduction de la probabilité
de survenance dun accident grave tel que la fusion du coeur.
En effet, ceux qui ne sont pas familiers de la technologie nucléaire
peuvent redouter que le risque que survienne un accident nucléaire grave soit important.
Il nen est rien. Lorsque les concepteurs du projet parlent de réduction dun
facteur 10 des risques, ils partent dune situation où la probabilité est déjà
infinitésimale ; on estime que la probabilité daccident grave est dun
accident pour une période de 400 ans sur lensemble des tranches en service en
France.
La démarche consiste à réduire encore ces probabilités de risque.
Comme nous venons de le voir dans le chapitre précédent, deux
problèmes sont particulièrement importants : les risques liés à lhydrogène
et la fusion du coeur.
I Les risques liés à lhydrogène
Dans un accident grave, le coeur du réacteur nest plus
correctement refroidi. Lélévation de la température du combustible qui en
résulte provoque lébullition de leau qui se répand en vapeur deau sur
les parois de lenceinte de confinement.
Or, aux environs de 1200°C, les crayons de combustible, partiellement
émergés puisque le niveau deau a diminué, et dont les gaines sont réalisées en
alliage à base de zirconium, subissent une réaction doxydation qui produit de
lhydrogène.
En cas daccident grave de ce type, il existe un risque, certes
infinitésimal, daccumulation dhydrogène, source possible dune
éventuelle explosion de nature à compromettre la solidité de lenceinte du
réacteur.
A) Les
solutions techniques sont malaisées à définir
La meilleure solution serait de refroidir la cuve en laspergeant
par lextérieur. Cette solution est techniquement possible pour les réacteurs de
600 Mégawatts, elle ne lest pas pour les centrales plus puissantes.
Votre Rapporteur regrette que les recherches sur ladaptation
de laspersion de la cuve par lextérieur aient été abandonnées et il estime
que les recherches sur laspersion des cuves des réacteurs de forte puissance
devraient être poursuivies.
En effet, la solution retenue pour le projet EPR, qui consiste à
inonder la cuve en cas de surchauffe du coeur, présente linconvénient de produire
de la vapeur deau, donc de lhydrogène.
Or, il se trouve quen cas daccident grave, la vapeur
deau ne se répartit pas également dans lenceinte, ce qui peut être à
lorigine de poches de vapeur deau dont la présence est redoutable.
Les recherches conduites par le CEA sorientent autour de deux
voies : inerter lenceinte ou réintégrer le corium dans le circuit primaire.
Inerter lenceinte implique le remplacement au moins partiel de
lair, qui comporte de lhydrogène, par de lazote, solution qui peut ne
pas être permanente, lazote étant injecté en tant que de besoin.
Lautre voie qui, pour les spécialistes, semble être la
meilleure consisterait à intégrer dans lenceinte le récupérateur de corium car,
dans cette hypothèse, la cuve ne céderait pas au bout de 4 heures, mais de
12 heures, délai permettant une meilleure prise en charge de laccident grave.
Pour des raisons de coût, ces solutions techniques ont été
écartées par les concepteurs de lEPR.
Votre Rapporteur souhaite que le CEA puisse approfondir ses travaux sur
cette question afin que puisse être encore réduite la probabilité, déjà très faible,
daccident grave.
Il faut, en effet, avoir à lesprit que lors de laccident
de Three Miles Island, en 1979, les exploitants ont décelé la présence dune bulle
de gaz essentiellement composée de lhydrogène produit au moment de la surchauffe,
au sommet de la cuve.
Or, la combinaison optimale (ou stoechiométrique) pour entraîner une
explosion est de 2 volumes dhydrogène pour 1 volume doxygène, et
la décomposition de leau sous laction des rayonnements produit de
loxygène.
De ce fait, les autorités américaines avaient redouté que
lultime barrière contre une pollution radiologique, la cuve, ne cède à la suite
dune explosion dhydrogène. Lanalyse a par la suite démontré que ce
risque était inexistant car la combinaison stoechiométrique ne pouvait pas être
atteinte.
Il nen demeure pas moins vrai que cet exemple a montré que le
risque consécutif à une explosion dhydrogène constitue un des accidents les plus
graves susceptibles de se produire dans une centrale nucléaire.
B) Hydrogène
et fusion du coeur
Comme nous venons de le voir, lors de la fusion du coeur,
loxydation des métaux contenus dans la cuve conduit à une production
dhydrogène qui se répandra dans lenceinte de confinement. Le problème est
de connaître la distribution de cet hydrogène pour voir sil atteint localement des
concentrations pouvant conduire à des détonations dommageables pour lintégrité
de lenceinte et pour être à même, dans ce cas, de placer judicieusement des
dispositifs de mitigation : igniteurs et/ou recombineurs.
Le CEA développe le code de calcul TONUS qui traite en tridimensionnel
le problème de la distribution de lhydrogène dans lenceinte, de sa
déflagration et de son éventuelle détonation ainsi que des conséquences mécaniques.
Un programme expérimental de qualification en cours de réalisation
comporte :
- des expériences analytiques relatives à létude du transfert de chaleur en
condensation avec des incondensables (COPAIN), et à létude de laspersion
(DYNASP) ;
- une expérience globale MISTRA où lon étudie dans une enceinte dune
centaine de mètres cubes le problème de la distribution dhydrogène. Cette
expérience se distingue des expériences réalisées jusqualors à létranger
par une meilleure maîtrise des conditions aux limites et par une instrumentation très
détaillée permettant une qualification des codes tridimensionnels ;
- des expériences de qualification de composants (condenseurs et recombineurs) dans
linstallation KALI.
Les problèmes de déflagration et détonation de lhydrogène
sont étudiés à partir du résultat dexpériences étrangères, en particulier
dexpériences russes à grande échelle (programme RUT).
C) Les
enceintes de confinement
Chaque chaudière nucléaire est installée dans un bâtiment dit
"bâtiment du réacteur". En cas daccident affectant la chaudière, des
substances radioactives peuvent être relâchées et il convient dassurer leur
confinement afin de limiter les rejets radioactifs dans latmosphère à des valeurs
acceptables, eu égard à la probabilité de la situation accidentelle.
Cette fonction de confinement est obtenue par la paroi du bâtiment du
réacteur, appelée "enceinte de confinement". Elle constitue en ce sens la
"troisième barrière" des produits de fission, après les gaines des éléments
combustibles et le circuit primaire.
1 - Les
situations accidentelles retenues en France pour le dimensionnement des réacteurs
existants
Lenceinte de confinement est conçue pour résister à
différentes situations accidentelles dorigine interne et différentes
"agressions" dorigine externe à linstallation.
On peut distinguer :
- les situations accidentelles dorigine interne :
En cas de rupture dune tuyauterie du circuit primaire ou
dun circuit secondaire, un fort relâchement de vapeur deau serait produit
dans lenceinte. Il sensuivrait une élévation de température et de pression
importante de latmosphère de lenceinte (environ 150°C, 4 bars
relatifs). Selon que la rupture envisagée se situe sur le circuit primaire ou secondaire,
laccident est appelé APRP (accident de perte de réfrigérant primaire) ou RTV
(rupture de tuyauterie de vapeur) ;
- les agressions externes dorigine humaine :
- explosions externes (dues à lenvironnement industriel),
- chutes davion de laviation générale (Cessna 210, Lear Jet) ;
En France, les enceintes sont testées sous une pression dair
équivalente à celle qui pourrait apparaître dans lenceinte en cas daccident
de type APRP ou RTV, afin de vérifier leur résistance et leur étanchéité. Les essais
correspondants, appelés "épreuves" de lenceinte, ont lieu avant la mise
en service du bâtiment, puis périodiquement (normalement tous les 10 ans, parfois
tous les 5 ans).
Lépreuve engendre des efforts importants sur lenceinte et
permet de vérifier la bonne qualité de la réalisation générale de louvrage. Il
ne faut cependant pas oublier que, pour obtenir un chargement complètement représentatif
des conditions daccident dans lenceinte, il faudrait ajouter au chargement de
pression le chargement thermique, qui ne peut pas être simulé lors de lépreuve.
2 - Divers
types denceintes de confinement sont en exploitation en France et en Allemagne
a) En
Allemagne
Les enceintes de confinement (voir annexe) sont constituées dune
enceinte sphérique en acier (56 m de diamètre et 38 mm dépaisseur, pour
la série Konvoi), elle-même étant contenue dans un bâtiment en béton armé
(180 cm dépaisseur, pour Konvoi). Lenceinte interne, en acier, a pour
fonction dassurer létanchéité et de résister aux pressions et
températures internes correspondant aux situations accidentelles de dimensionnement.
Lenceinte externe, en béton, a pour fonction de protéger lenceinte interne
contre les agressions externes, en particulier la chute dun avion militaire.
b) En
France
Deux types denceintes sont actuellement en exploitation :
- Les enceintes à paroi unique du palier 900 MWe
Elles sont constituées dun bâtiment cylindrique en béton
précontraint de 37 m de diamètre et denviron 60 m de hauteur, surmonté
dun dôme. La paroi cylindrique a une épaisseur de 90 cm et le dôme une
épaisseur de 80 cm. Ce bâtiment a pour fonction de résister aux accidents aussi
bien quaux agressions externes. Sa surface intérieure est recouverte dune
peau métallique de 6 mm dépaisseur dont la fonction est dassurer
létanchéité.
- Les enceintes à double paroi des paliers 1300 MWe et 1450 MWe (N4)
La paroi interne (120 cm dépaisseur pour le cylindre et
82 cm pour le dôme, pour les tranches N4) est en béton précontraint et nest
pas recouverte dune peau détanchéité. Elle a pour fonction de résister aux
conditions de pression et de température internes tout en assurant une
"relative" étanchéité : son taux de fuite en situation daccident
est réglementairement limité à 1,5 % par jour de la masse de fluides (air et
vapeur deau) contenue dans lenceinte. La plus grande partie des fuites est
récupérée dans lespace entre parois (également appelé espace annulaire, ou EEE)
maintenu en dépression par un système de ventilation et filtration appelé EDE. Le
schéma qui suit illustre le principe de ce confinement "dynamique". La paroi
externe en béton armé (55 cm dépaisseur pour le cylindre et 40 cm pour
le dôme, pour les tranches N4) a pour fonction de créer lespace annulaire et
dapporter la protection nécessaire vis-à-vis des agressions externes. La
"relative" étanchéité de la paroi interne est vérifiée lors des épreuves
de lenceinte. Dans ces conditions dessai, le taux de fuite est normalement
limité à 1 % par jour de la masse dair contenue dans lenceinte, sans
que puisse être faite une corrélation précise entre la valeur réelle et la limite
réglementaire mentionnée ci-dessus.
3 - L'enceinte
de confinement du projet EPR
Le projet EPR sest donné pour objectif daméliorer de
manière significative la sûreté de linstallation en prenant en compte, dès sa
conception, la possibilité daccidents "graves" avec fusion complète du
coeur et formation dun corium, explosion dhydrogène dans lenceinte,
génération de projectiles à lintérieur de lenceinte, impact de ceux-ci
contre les parois, percée de la cuve par le corium et déversement de celui-ci dans le
bâtiment du réacteur, etc... Lenceinte devra en particulier résister à une
pression accidentelle plus élevée que celle de lAPRP, en loccurrence environ
5,5 bars relatif, pour résister à une déflagration globale
dhydrogène : ceci conduit à un niveau de précontrainte du béton très
important.
Pour répondre à lobjectif du projet EPR, différents types
denceinte ont été envisagés :
- Option 1
: une enceinte interne en acier conçue pour résister aux
conditions de pression et de température internes et une enceinte externe en béton
armé, conçue pour résister aux agressions externes.
- Option 2
: une enceinte interne en béton armé avec peau
détanchéité ; cette enceinte interne serait conçue pour supporter les
chargements de pression et température internes de même que les chutes davion.
Lenceinte externe serait alors constituée dune paroi de faible épaisseur en
béton armé, destinée à créer un espace annulaire permettant de collecter les fuites
de lenceinte interne.
- Option 3
: une enceinte interne en béton précontraint avec une peau
détanchéité, conçue pour résister aux conditions de pression et de température
internes, et une enceinte externe en béton armé conçue pour résister aux agressions
externes.
- Option 4
: une enceinte interne en béton précontraint sans peau
détanchéité, conçue pour résister aux conditions de pression et de température
internes, et une enceinte externe en béton armé conçue pour résister aux agressions
externes.
Pour les options 2 et 3 ci-dessus, deux variantes ont été
considérées :
- une peau métallique analogue à celles des tranches de
900 MWe en France. Ce procédé savère coûteux et pourrait conduire à des
difficultés de réalisation (compte tenu du niveau élevé de précontrainte du béton)
et de vieillissement (corrosion) ;
- une peau composite, non métallique, en résine : ce
procédé est encore du domaine du développement ; il sera testé à grande échelle
pour la première fois sur la maquette MAEVA, à Civaux.
Plusieurs dispositions des systèmes intérieurs à lenceinte
dEPR ont été envisagées. Il est apparu nécessaire de placer certains systèmes
tels que :
- la réserve deau borée nécessaire en cas daccident,
- laire détalement nécessaire au refroidissement du corium,
à lintérieur et en partie basse de lenceinte. Ceci est
plus aisé dans une géométrie cylindrique que dans une géométrie sphérique.
Dautres considérations liées à la prise en compte des
accidents graves, telles que la possibilité de combustions localisées dhydrogène
ou de projectiles, ont conduit le projet EPR à préférer des murs denceinte en
béton, ce qui écarte loption 1.
Le dimensionnement à la chute davions militaires (plus lourds et
rapides que ceux de laviation générale) sur le bâtiment du réacteur a également
conduit le projet à retenir une enceinte externe de protection en béton armé, ce qui
écarte loption 2.
Enfin, un important retour dexpérience existe en France
concernant à la fois la construction et lexploitation des enceintes de forme
cylindrique en béton précontraint ; le projet sest alors orienté vers une
amélioration de la dernière réalisation de cette technologie, lenceinte du
réacteur N4.
Le projet EPR a donc finalement retenu une enceinte à double paroi
sans peau détanchéité. La paroi interne est en béton à haute performance (BHP)
précontraint de 130 cm dépaisseur pour le cylindre et de 90 cm
dépaisseur pour le dôme. La paroi externe est en béton armé de 130 cm
dépaisseur.
Dans leur analyse commune présentée le 21/10/1997 aux groupes
dexperts français et allemand GPR et RSK, IIPSN et la GRS ont souligné
que :
- labsence de chargement thermique de lenceinte lors
des épreuves laisse des doutes quant à la représentativité de ces essais vis-à-vis
des situations accidentelles réelles,
- le retour dexpérience français montre que, pour passer
lépreuve avec succès, plusieurs enceintes ont dû faire lobjet de travaux
destinés à améliorer létanchéité de la paroi interne (pose locale dun
revêtement détanchéité sur des zones dites "singulières",
initialement fissurées lors de la construction de louvrage, ou difficiles à
précontraindre).
De plus, les résultats des dernières épreuves décennales des
tranches Cattenom 3, Flamanville 1 et Cattenom 1 montrent également la
particulière sensibilité de la zone singulière constituée par "laccès
matériel", où des microfissures traversantes sont apparues, lors des épreuves,
après quelques années de perte de précontrainte par vieillissement du béton.
Ce retour dexpérience est à prendre en compte pour la
conception des réacteurs du futur. Il montre que la précontrainte, bien que dores
et déjà très importante et pratiquement au maximum de ce qui est techniquement faisable
aujourdhui, ne permet pas de garantir létanchéité de la paroi interne en
tous points et durant toute la durée de vie de louvrage. Cette garantie ne pourra
être apportée que par lutilisation de moyens techniques supplémentaires, tels que
la mise en place dune peau détanchéité.
4 - La
protection des installations à légard des chutes davion
La différence de sensibilité entre la France et lAllemagne est
très nette sur ce sujet et les normes allemandes semblent plus exigeantes que les
critères français.
Cela peut en partie sexpliquer par la différence de structure et
dhistoire de laviation militaire de nos deux pays.
LAllemagne a équipé son aviation militaire dappareils
biréacteurs plus lourds que ceux qui équipent notre armée de lair. Dautre
part, les avions starfighters, étant loin davoir la fiabilité de nos Mirages, ont
connu une série daccidents qui a traumatisé les Allemands.
Lexigence allemande de résistance des enceintes des centrales
nucléaires à la chute dun appareil militaire lourd est donc parfaitement
légitime.
Or, en France, la recherche des conditions de ruine, laquelle se
constitue lors dune déformation des aciers supérieure à 10 %, montre que,
quel que soit le lieu de limpact sur lenceinte de confinement des tranches de
900 MWe, de 1 300 MWe ou de 1 400 MWe, lenceinte résiste
à limpact dun Mirage V de masse supérieure à 13 tonnes et animé
dune vitesse de 150 m/s.
Votre Rapporteur sest enquis auprès des autorités militaires de
lévolution de notre aviation militaire, et il apparaît que nous allons plutôt
vers un allégement de notre aviation ou une stabilisation du poids de nos avions.
Les avions allemands futurs, du moins ceux en service dans les vingt
prochaines années, sont sensiblement plus lourds car le programme TORNADO a été
élaboré en coopération avec les Anglais qui, du fait de la position géographique de la
Grande-Bretagne, ont besoin dun rayon daction plus important que les avions
français.
La coopération internationale pose sur ce point le problème de
ladaptation aux données propres à chaque pays.
Mais le débat sur la structure des armées de lair de nos deux
pays nest pas lobjet de ce rapport.
La protection des centrales contre les chutes davions de
laviation générale et commerciale
Il existe peu de rapport entre un avion daéro-club et un Boeing
747. Or, si une enceinte résiste sans problème à la chute dun avion
daéro-club, elle ne peut pas résister à celle dun Boeing 747.
Toutefois, lencadrement de laviation commerciale et le fait
que les couloirs aériens tiennent le trafic éloigné des centrales nucléaires, et une
probabilité de chute de 10-12 rendent le risque de chute dun avion
commercial extrêmement faible. Par contre, la nécessité dune protection contre
les chutes davions de laviation générale est impérative.
Compte tenu des caractéristiques des appareils utilisés et de l'effet
des impacts sur les structures en béton armé, EDF a distingué les deux projectiles
suivants :
l Un
monomoteur à hélice de 1500 kg, dont le moteur de 250 kg constitue un projectile
" dur " et perforant ; il sagit du CESSNA 210,
représentatif de 80 % du trafic de laviation générale ;
l Un
biréacteur daffaire de 5 700 kg, dont les réacteurs sont à
larrière et qui constitue un projectile " mou " provoquant
lébranlement général du bâtiment atteint ; il sagit du LEARJET 23,
qui représente 20 % du trafic de laviation générale.
La vitesse dimpact considérée est de 100 m/s, ce qui
correspond à 360 km/h, vitesse atteinte au terme des phases de décollage et
précédant latterrissage.
Les bâtiments importants pour la sûreté, dont le bâtiment du
réacteur, sont calculés pour résister sans dommage aux impacts correspondants. Mais
certains ne sont protégés que contre le choc perforant, le plus probable.
Les critères utilisés pour le calcul des structures sont très
contraignants. Selon les paliers de réacteurs, le ferraillage du béton doit rester dans
le domaine élastique ou ne subir quune faible déformation plastique, inférieure
à 0,8 %. Dans ces deux cas, les marges par rapport à la ruine du bâtiment sont
considérables alors que seulement un début de ruine peut endommager les matériels
situés à lintérieur, par la création de projectiles secondaires.
De très nombreux essais ont été réalisés pour mettre au point et
qualifier les codes de calcul utilisés pour définir les murs en béton armé assurant
une protection ; ils ont permis de déterminer les lois de perforation du béton
armé sous limpact dun projectile dur.
Le diamètre de la zone la plus sensible dune tranche nucléaire,
lenceinte de confinement, est inférieur ou égal à 50 mètres. Un cercle de
25 kilomètres de rayon a une surface un million de fois plus importante. Une probabilité
dimpact de 10-7 par an sur une enceinte de confinement correspond donc à
une probabilité de chute davion de 0,1 par an dans ce cercle.
Si lon noublie pas quil y a, en France, près de
20 sites nucléaires comportant des réacteurs en exploitation, la probabilité
dimpact de 10-7 par an et par réacteur due à laviation militaire
est cohérente avec lobservation, tous les ans, de la chute dun ou deux
appareils militaires à moins de 25 km dune centrale nucléaire française, ce
qui justifie les précautions prévues.
INSÉRER LES SCHÉMAS
II Le
confinement du corium
Beaucoup de recherches concernant le corium doivent être encore
conduites.
Il convient dexaminer attentivement la possibilité de maintenir
le corium dans la cuve, par exemple en injectant de leau de refroidissement, mais il
est difficile de définir si cela est possible dans des conditions tardives.
La manière également dont le corium va attaquer la cuve, puis la
percer, est fondamentale pour construire le récupérateur de corium.
Les concepteurs de lEPR pourraient également envisager la mise
en place du récupérateur de corium dans lenceinte, ce qui améliorerait le
confinement en cas daccident grave.
Comme nous le verrons également dans le paragraphe suivant,
linteraction entre le corium et leau, et la production dhydrogène
quelle dégage, demeure un axe détude à privilégier.
Dès 1991, suite à la lettre de la DSIN à EDF, FRAMATOME et CEA
donnant les directives pour la prise en compte des accidents graves dès le stade de la
conception des réacteurs du futur, le CEA, en concertation avec ses partenaires, a lancé
un programme de R & D complémentaire de ce qui était étudié par
lIPSN pour ses travaux dexpertise. Ce programme est mené en étroite
collaboration avec lorganisme allemand de R & D, FZK (Centre de Karlsruhe) et
est également lobjet de coopérations internationales avec divers organismes, et
notamment avec lUnion Européenne dans le cadre du 4ème PCRD.
Ce programme de recherche est lobjet dun plan de
développement démarré en 1992 et réactualisé en 1997 pour la période 1997 - 2001.
Il a été défini autour de quatre thèmes principaux avec, pour
chacun deux, le développement de moyens de calcul et la réalisation
dexpériences de qualification :
- Comportement du corium en cuve avec létude des processus de rupture de la cuve et
des possibilités de le maintenir en cuve par un refroidissement externe ;
- Comment, après rupture de la cuve, arrêter et refroidir le corium à lintérieur
de lenceinte de confinement ?
- Comment maîtriser le risque explosion vapeur en cuve et hors cuve ?
- Comment éviter le risque hydrogène dans lenceinte de confinement ?
A) Corium
en cuve et refroidissement associé
Le code TOLBIAC décrit en trois dimensions le comportement de bains de
corium avec possibilité de stratification des différents constituants, oxydes et
métaux, ainsi que lablation des parois. Lexpérience BALI, représentant à
léchelle 1 une tranche de fond de cuve EPR et utilisant leau salée
chauffée par effet Joule comme matériau simulant, est utilisée pour caractériser les
transferts de chaleur à la paroi. Ces données seront complétées par celles obtenues
dans le programme RhtmlAV, réalisé en Russie avec des matériaux réels, dans le cadre
de lOCDE.
Le code de mécanique CASTEM, qualifié à partir des expériences sur
acier de cuve à haute température, RUPTHER, permet de prédire la rupture de la cuve.
Ces conditions de rupture de cuve permettent de connaître les conditions initiales de
fonctionnement du récupérateur hors cuve.
Enfin, le code CATHARE, qualifié à partir de lexpérience
SULTAN, permet de traiter le problème du refroidissement externe de la cuve et de son
efficacité. Tous ces programmes sont très avancés et doivent apporter dès 1998 des
résultats intéressants.
B) Corium
hors cuve
Le concept de récupération du corium, suite à une rupture de la cuve
dans EPR, est basé sur létalement de ce corium sur une surface déportée hors du
puits de cuve, et son refroidissement par renoyage avec des systèmes passifs. Pour
favoriser létalement et protéger les matériaux du radier, celui-ci est recouvert
dune couche de matériau sacrificiel qui se mélangera au corium lors de son
transfert vers le récupérateur et lors de son étalement.
Le CEA développe le code THEMA pour décrire le processus
détalement et de solidification du corium.
Pour identifier les phénomènes physiques et mettre au point les
modélisations à utiliser, un premier programme expérimental, le programme CORINE, a
été réalisé avec des matériaux simulants à bas point de fusion.
Pour qualifier plus précisément les modèles et étudier également
les interactions du corium avec les matériaux constituant la structure du récupérateur,
on a développé lexpérience VULCANO, qui doit permettre la coulée à des
températures pouvant atteindre 2800°C de 100 à 150 kg de corium prototypique de
diverses compositions (oxyde duranium, de zircaloy, de fer, acier, produits de la
décomposition du béton : silicates, oxydes de calcium etc.) et son étalement sur
divers supports. Le four de fusion, qui utilise une technique originale darc plasma,
a nécessité une période de deux ans de mise au point technologique avec des matériaux
simulants. Au cours du mois de décembre 1997, on a réalisé une première coulée
dune centaine de kilos dun corium représentatif du corium du projet EPR et
son étalement. Le dispositif est maintenant opérationnel, tant au niveau de la maîtrise
de la coulée (composition du corium et débit) que de linstrumentation. Un effort
important est fait pour lanalyse post mortem des matériaux étalés. Ce programme
se poursuivra au cours des prochaines années, en particulier, avec la mise au point
dune technique de maintien en chauffage de ce corium lors de la phase
détalement pour simuler la puissance résiduelle et être ainsi mieux à même de
traiter les problèmes dinteraction avec les substrats.
Par ailleurs, diverses études de base sont effectuées sur le corium
pour une meilleure connaissance des propriétés physiques et physico-chimiques
(diagrammes de phases de mélanges complexes) utilisées dans les codes de calcul. Ces
expériences mettent alors en jeu quelques centaines de grammes de produits.
III Explosion vapeur
Le CEA développe le code de calcul MC3D multiphasique,
multiconstituant qui traite, en tridimensionnel, de la fragmentation du corium, de son
interaction avec leau et de la propagation des ondes de pression. Un couplage avec
le code de mécanique en dynamique rapide (PLEXUS) permet dévaluer les
conséquences mécaniques sur les structures environnantes. Plusieurs expériences à
caractère très analytique (BILLEAU, TREPAN, MICRONIS) permettent de qualifier les
modèles de base du code. Le code est confronté aux résultats expérimentaux obtenus en
Allemagne et à ISPRA (FARO) sur ce sujet.
IV Compte rendu succinct de lessai VULCANO VE-U1
Il ma paru intéressant de vous communiquer le compte rendu
de lessai VULCANO tel quil a été rédigé par le CEA.
"Le 2 décembre 1997, à 12 h 26, en salle de
contrôle VULCANO, la tension atteint un maximum. Lordre de coulée vient
dêtre donné, le premier corium prototypique sort du four et se déverse sur la
section dessai.
"Cet essai, VE-U1, le premier en corium réel, est une réussite :
- la fusion en deux passes, selon la procédure établie lors des essais VE-06 et 07,
sest déroulée conformément aux prévisions tant du point de vue des matériaux
que du point de vue de la thermique.
- la coulée a été parfaitement maîtrisée avec un maintien de larc plasma
pendant toute la phase de basculement et retour du four en position horizontale.
- létalement du corium et son comportement pendant sa progression ont été suivis
en direct et enregistrés non seulement par les caméras fonctionnant dans le spectre
visible, mais aussi par lensemble de linstrumentation (pesée, thermocouples,
pyromètres et thermographie infrarouge).
- la contamination dans la casemate est restée dans les limites estimées.
"Pour cet essai, conformément aux engagements pris dans le cadre
de la collaboration européenne, la charge (45 % w, UO2,
20 % w, Zr02, 20 % w Si02, 13% w Fe304, 2% w FE203°)
était représentative dun corium mélangé à un béton sacrificiel ; cette
composition conduit à une température liquidus théorique de 1980°C avec un écart
solidus/liquidus de lordre de 900°C. Pendant la coulée, la température du corium
en sortie four est restée comprise entre 2400 et 2200°C.
"Du point de vue phénoménologique, une masse de 47 kg
sest déversée de manière continue sur la surface détalement (briques de
zircone) avec un débit moyen de lordre de 2 kg/s, ce qui a conduit à
recouvrir pratiquement lensemble de la section dessai et donc à une longueur
détalement denviron 1,20 m. Comme dans VE-07, la hauteur étalée est
relativement faible (1 à 3 cm), les films montrent très nettement une progression
discontinue du front et un comportement de la surface libre assez hétérogène.
"Lanalyse des données enregistrées et des échantillons
qui seront prélevés prochainement (aussi bien dans le corium étalé que dans les
briques de zircone) permettra sans aucun doute daller plus loin dans
linterprétation et la modélisation des phénomènes observés.
"Cet essai, tout à fait complémentaire de ceux réalisés par
les autres équipes européennes, devrait ainsi contribuer à la qualification des
logiciels".
Chapitre III
Lîlot non nucléaire
Dans ce titre consacré aux apports scientifiques du projet EPR, j'ai
jugé utile, bien que cela ne constitue pas le coeur du rapport, de vous indiquer en
quelques mots ce que sera la centrale nucléaire de lan 2000, lEPR
nen constituant que lîlot nucléaire.
Le programme REP 2000 désigne lensemble des actions
nationales et internationales conduites par EDF pour préparer le prochain palier.
Il ne faut pas le confondre avec les EUR ("European Utilities
Requirements") qui constituent un cahier des charges commun entre les électriciens
européens.
Les apports du projet REP 2000 portent en particulier sur la salle
des machines, le génie civil, léquipement mécanique et le bâtiment électrique.
I La salle des machines
La salle des machines du futur palier "REP 2000 "
destinée à équiper le parc nucléaire du XXIe siècle est en cours
délaboration. Elle a été conçue dans la perspective dune augmentation de
la puissance de l'installation pour en abaisser le coût du kWh. En effet, devant la
concurrence croissante des énergies fossiles, il est indispensable d'associer toutes les
composantes d'un nouveau bloc usine à la recherche de compétitivité, et l'îlot
conventionnel doit lui aussi prendre sa part dans cet objectif.
Jusquau palier N4, lampleur du chantier nucléaire
français était telle que chaque palier se construisait à partir du précédent ;
N4 sest nourri de P4, qui fut alimenté par P4, lui-même issu des CPY et CP0. Avec
le REP 2000, les ingénieurs ont pu disposer dun délai qui leur a permis
dapprofondir leur réflexion. 25 ans après le lancement des paliers REP, la
nécessité de repenser, reconstruire, reformuler les besoins en sûreté, en
disponibilité, en conception, en exploitation et en maintenance sest fait jour, ne
serait-ce que pour bénéficier pleinement du retour dexpérience.
Précédé dun avant-projet sommaire achevé en juin 1996 sous la
conduite de lEDF, un avant-projet détaillé est actuellement mis au point dans
loptique du marché européen, qui impose désormais la sollicitation de plusieurs
fournisseurs. Partant de ce postulat, les ingénieurs d'EDF ont imaginé de bâtir
plusieurs variantes de cette nouvelle salle des machines, chacune sadaptant à un
certain type de groupe turboalternateur (GTA), aux dires de leur constructeur.
Cette salle des machines devant répondre, comme lîlot
nucléaire, aux impératifs de compétitivité du futur palier, il était indispensable
dinventer de nouveaux gisements de productivité. Le plus évident réside
naturellement dans laugmentation de puissance, permettant ainsi dabaisser le
coût du kWh. A lorigine, REP 2000 devait saligner sur la puissance
nominale du palier N4, soit 1 450 MW. La direction technique d'EDF a demandé,
en juin 1997, dexaminer la faisabilité, et limpact sur le coût, dune
augmentation de puissance de 15 % environ, soit 1 700 MW nets. En
septembre 97, une phase de reprise davant-projet sommaire de lîlot
conventionnel a démarré. Cette phase devrait sachever fin mars 1998, et devrait
permettre de poursuivre lAPD sur de nouvelles bases.
Le calendrier de réalisation est lié a la décision politique de
construire une tête de série EPR. EDF a examiné, à lautomne 1997, loption
dune salle des machines à deux lignes darbre. Aujourdhui, si les
premiers éléments transmis par les constructeurs de groupes turboalternateurs montrent
que loutil industriel actuel pourrait convenir, moyennant quelques adaptations, il
savère que le coût actualisé en serait trop élevé sans avantage significatif au
plan technique.
II Le génie civil
Répondre aux objectifs fixés pour cette salle des machines imposait
de remettre à plat tout lacquis des paliers précédents. Il sagissait de
concevoir une nouvelle structure, encore plus performante que celle de N4 en termes de
coût et de délai, lun et lautre étant indissolublement liés. Les
dimensions de lenjeu tenaient à la fois à la construction, mais aussi à
lexploitation et, fait nouveau dont je me félicite, à la déconstruction de
lédifice en fin de vie. En outre, la perspective où des EPR seraient implantés
sur des sites où des réacteurs seraient démantelés est tout à fait plausible.
Si les salles des machines des paliers précédents étaient une
évolution de linstallation antérieure, avec les adaptations imposées par le
nouveau palier, REP 2000 participe dune redéfinition complète de
louvrage, en posant quelques grands principes de base :
- les charges dexploitation sont toutes fixées à 2 t/m2, alors
que, jusquà présent, elles variaient, dune zone à lautre, de 0,5 à
2 t/m2 ; cette solution évite un zonage des planchers en fonction de
ce quils peuvent supporter et supprime ainsi de nombreuses contraintes
dexploitation dans la dépose des pièces les plus lourdes ;
- une préfabrication optimisée, grâce notamment à luniformisation des charges
dexploitation et à une trame homogène, les poteaux étant tous régulièrement
espacés ;
- de réelles innovations dans la structure et les matériaux qui ont permis dautres
progrès, tout en se limitant à ce qui est aujourdhui acquis dans la
réglementation ; aussi le béton armé cède-t-il ici la place au BHP (béton hautes
performances), en attendant dans le futur les BPR (bétons à poudre réactive) et autres
BSI (bétons spécifiques industriels). La grande innovation de cette salle des machines
réside dans son principe constructif, celui dun "immeuble de grande
hauteur" : un noyau central en béton (les poteaux supports de la table de
groupe) sur lequel sappuie une structure métallique. Cest ce noyau central
qui reprendra les efforts latéraux supportés par le bâtiment et transmis par la
charpente métallique, en économisant près de 5 000 tonnes de béton contre un
ajout de 1 000 tonnes de métal ;
- linstallation dun pont roulant de 500 tonnes destiné aux manutentions
du stator. Jusquà REP 2000, un pont de 270 tonnes équipait les salles
des machines. Pour installer le stator, les ingénieurs disposaient des tours spéciales
destinées à cette seule opération. Le retour dexpérience montre quun
changement fortuit de stator -qui apparaissait inconcevable dans le passé- est
aujourdhui parfaitement plausible. Ce pont évitera de nombreuses et coûteuses
manipulations. Le changement dun stator, pouvant survenir après une vingtaine
dannées dexploitation, seffectuera désormais pendant un arrêt de
tranche, facilité par la présence entre les salles de machines des deux tranches
dun "pôle opérationnel dexploitation" (POE), vaste bâtiment
destiné à abriter les services tertiaire, maintenance et exploitation de la futur
centrale ; le POE rapproche encore un peu plus toutes les fonctions nécessaires à
lexploitation des tranches, mais sa situation interdit désormais la reproduction
dune tranche 2 par simple translation de la tranche 1. Il faut maintenant
raisonner par symétrie, notamment pour la fonction dévacuation de lénergie,
qui sera située soit à gauche, soit à droite de la salle de machines.
La table de groupe mesure 70 mètres de long, 18 mètres de
large et 4 mètres de haut. Elle accueille le groupe turboalternateur. Cet ensemble
impressionnant représente une masse de 7 800 tonnes, isolée du reste de la
structure et suspendue grâce à 74 boîtes de ressorts. Cette méthode de mise en
uvre, utilisée depuis les paliers 900 MW, permet, grâce au génie civil, un
réglage altimétrique. Cest en réglant les boîtes de ressorts que le constructeur
corrige le lignage des 70 mètres de lensemble en rotation. Le gain en termes
de délais est considérable : plus de deux semaines par rapport à un réglage
mécanique par paliers et coussinets.
De telles innovations ont permis des gains importants par rapport à
N4 : - 13 % en termes de surface de la construction. Les coûts de
construction ont diminué de 16 % et lutilisation de ces solutions innovantes
laisse espérer des gains de lordre de 53 % dans les délais (25 mois au
lieu des 46 nécessaires à la construction de la salle des machines du N4).
III Léquipement mécanique
Linnovation majeure dans la mécanique du groupe est
lintroduction de trois motopompes alimentaires sur le circuit secondaire, qui
viennent remplacer les deux turbopompes utilisées jusquau palier N4. Ces puissants
moteurs renvoient leau condensée du circuit secondaire vers les générateurs de
vapeur. De deux pour N4, REP 2000 sautorise à passer à trois pompes grâce à
un gain en termes de coût, ce qui permet de disposer dune pompe de secours et
entraîne un gisement déconomies et de place du fait de la suppression de
léchappement vapeur des anciennes turbopompes. Même si elles sont un peu plus
délicates à exploiter dans la gestion du circuit secondaire, lévolution sera
source de gains importants.
La disposition des équipements mécaniques autour du groupe
turboalternateur est lhéritière de toutes les salles des machines qui précèdent
REP 2000. La position des équipements, parfois fort imposants, entrait jusquà
présent dans une sorte de tradition constructive bien établie. Ainsi la bâche
alimentaire était-elle suspendue à près de 27 mètres de hauteur, parallèlement
à laxe du groupe turboalternateur, dans une travée particulière de
10 mètres de large, dite " travée bâche " : elle est
ramenée en tête de salle des machines, perpendiculairement à laxe du groupe et au
niveau du plancher turbine à 16,60 m. Le dégazeur y est intégré et non plus
placé au-dessus. Le facteur décisif de cette évolution est justement
lintroduction de trois motopompes, permettant déviter le complexe système
déchappement basse pression des turbopompes. Dans la foulée, on redresse les
sécheurs-surchauffeurs en position verticale pour gagner encore de la place.
Actuellement, la direction de léquipement dEDF réfléchit
à lamélioration des performances de la tranche en termes dexploitation et de
taux dintervention sur les arrêts de tranche, afin de conquérir de nouveaux gains
de productivité pour REP 2000.
Dautres modifications venant de lEPR interfèrent aussi
avec le projet de salle des machines, au niveau de la source froide. Cest,
notamment, le passage à quatre voies de sûreté dans le circuit SEC, au lieu des deux
voies A et B des paliers précédents.
IV Une exploitation plus facile du poste dévacuation
dénergie
Le palier N4 était fortement novateur du point de vue technique. Les
plates-formes dévacuation de lélectricité étant disposées au-dessus des
transformateurs blindés, linstallation, née à Paluel, permettait un gain de place
important, solution intéressante pour des sites un peu exigus. Mais la compacité obtenue
se marie mal avec la maintenance, favorisée par une meilleure accessibilité des
matériels.
Les plates-formes dévacuation dénergie étaient
jusquà présent construites selon le standard palier. Une évolution pourrait
aboutir à les construire en fonction du site. Les trois transformateurs qui élèvent la
tension de 20 000 à 400 000 volts sont, dans le palier N4, alignés dans
des casemates. Au-dessus, la plate-forme comporte tous les disjoncteurs et autres
sectionneurs. Là aussi, l'expérience montre que les exploitants peuvent être amenés à
sortir ces transformateurs de leur casemate en cours de vie de la centrale, contrairement
à lidée première dune installation fixe et définitive.
Sur le N4, on disposait de deux transformateurs, lun de soutirage
à trois enroulements (puissance 3 x 32 MVA) pour alimenter les tableaux
6 600 volts, lautre auxiliaire à deux enroulements (puissance
2 x 32 MVA). Désormais, sur REP 2000, ce sont trois transformateurs
identiques (puissance 2 x 45 MVA) qui servent le soutirage vers les lignes
10 kV des quatre trains de sûreté, ou les auxiliaires. Cette standardisation limite
le nombre de pièces de rechange et abaisse le coût. Autre nouveauté,
lintroduction sur REP 2000 de changeur de prise en charge pour modifier la
tension alors que, sur N4, labsence de régleur du rapport de transformation
nautorisait quun réglage manuel. Ce dispositif sophistiqué et onéreux
(15 % du prix du transformateur) permet déviter un surdimensionnement des
tableaux électriques quil protège des courts-circuits.
V Un nouveau bâtiment électrique
Dernière grande évolution de REP 2000 : lapparition
dun bâtiment électrique non classé (BLNC), aligné le long de la salle des
machines et destiné à recevoir tous les circuits électriques qui ne ressortent pas de
la sûreté. Ce bâtiment, moins exigeant en génie civil que le très sensible bâtiment
électrique, permet là encore un abaissement des coûts.
Laugmentation de puissance ne va pas cependant sans poser de
réels problèmes, essentiellement dans le domaine du transport des matériels. Cest
le cas de lalternateur. Le réseau SNCF accepte une charge maximale de
450 tonnes avec un gabarit limité. Le stator de REP 2000 devra donc être
transporté en deux parties et le bobinage, effectué auparavant en usine, se fera sur
site.
TITRE III
Faut-il construire un EPR ?
Il ne mest pas possible de traiter du projet EPR sans aborder la
question des décisions à prendre. Toutefois, avant de vous proposer une conclusion,
janalyserai lintérêt économique du projet puis j'opterai pour un
raisonnement a contrario en posant dans un second chapitre la question
suivante : quadviendrait-il si nous ne réalisions pas le projet EPR ? A
partir de ce constat, nous verrons se dessiner une conclusion.
Chapitre I
Léconomie du projet EPR
Ce rapport na pas pour objet de traiter de lénergie
nucléaire et de son devenir, mais un milliard de francs ayant déjà été engagé pour
les études relatives au projet EPR, il est légitime de se poser quelques questions sur
sa faisabilité économique, fondamentalement liée à la durée de vie des centrales
nucléaires.
Sil sagit de construire un prototype, le projet EPR
nest pas rentable et ne peut lêtre en aucun cas. Comme cela a été souligné
à plusieurs reprises lors de laudition du 4 mars, ce projet na de
viabilité économique que sil constitue la tête dune série dau
minimum 7 à 8 réacteurs (le remplacement du parc représente environ 35 réacteurs
car un réacteur EPR remplace 2 chaudières de 900 MWe).
Aussi me semble-t-il utile de dresser un bref panorama des chances de
mise en chantier de lEPR et surtout de son impact sur le maintien des compétences,
qui est essentiel pour la sûreté des centrales électro-nucléaires de demain.
Les commissions parlementaires de lAssemblée nationale et du
Sénat ont engagé des travaux très importants sur lavenir énergétique de la
France ; elles vont publier prochainement des travaux beaucoup plus exhaustifs que
les quelques lignes qui suivent, qui nont pas dautre objet que de rappeler
quelques données essentielles à la compréhension du projet.
La compétitivité économique du projet EPR nest pas encore
complètement établie et je partage largement lanalyse développée par le
Dr Fabian, représentant des électriciens allemands, devant lOPECST, le 4 mars
dernier. Il soulignait que :
" Si jamais on lutilise et quon essaie de faire
des calculs sur les coûts de production délectricité, on arrive au coût de
production délectricité de lindustrie du charbon. Je crois quen fait,
on se trouve en concurrence parfaite avec le charbon. Maintenant, la situation est
différente selon que vous êtes proches ou loin des ports, si vous êtes prêts dun
port vous vous situez pratiquement au même niveau de prix, si vous êtes loin des ports,
le nucléaire est plus intéressant que le charbon.
Dun autre côté, nous sommes en train, pour ce qui est des
coûts de production délectricité, de les réduire pour lEPR et lon
est en train de faire ces calculs de coûts en phase doptimisation. Vous trouvez
déjà de bonnes bases de départ permettant de réduire ces coûts délectricité.
Par rapport au charbon, nous avons une identité de situation en matière de
compétitivité. Nous sommes compétitifs et nous le sommes plus par rapport à ceux qui
sont loin des ports.
Nous navons pas encore atteint la compétitivité par rapport aux
turbines à gaz. Jai dit quun motif pour lexploitant allemand de
participer à la construction de nouvelles centrales était en fait que nous ne voulions
pas nous fonder exclusivement sur les prix actuels du gaz et que nous ne voulons pas nous
fonder sur un seul secteur, mais nous voulons essayer de maintenir ce panachage de
secteurs énergétiques ".
I Les incertitudes liées à la politique énergétique
Votre Rapporteur na quune seule conviction sur la politique
énergétique : il est important de ne pas avoir de certitudes.
Lindustrie nucléaire est une industrie lourde. Il faut sept ans
pour construire une centrale nucléaire, contre environ deux ans pour une centrale au gaz.
Or, si aujourdhui la compétitivité du gaz sest fortement
accrue, le coût total de lénergie électrique produite à partir du gaz dépend
pour les deux-tiers du coût du combustible lui-même.
Aussi la fourchette des coûts est-elle, pour cette filière, beaucoup
plus ouverte que pour le nucléaire. Par exemple, les prévisions de prix retenues par le
groupe "coûts de référence" varient pour le gaz du simple au double (de
2 $ MBTU à 4 $ MBTU).
Il est probable quentre 2010 et 2020, le choix sera plus ouvert
entre la filière nucléaire et le gaz quil ne la été en 1975.
Il est nécessaire, dici là, de garder la maîtrise
technologique de la filière nucléaire.
LAssemblée nationale a constitué une mission dinformation
sur lénergie et votre Rapporteur sen remet à ses conclusions pour ce qui est
de la définition globale de la politique énergétique.
Toutefois, quelques conclusions a priori incontestables peuvent déjà
être avancées.
Le renouvellement massif du parc de centrales nucléaires
ne se produira au plus tôt quà partir de 2010 et plus probablement 2015.
Différer dune année le renouvellement dune
seule centrale nucléaire permet à lexploitant déconomiser environ
500 millions de francs.
De ce fait, la tentation est grande, pour EDF, de prolonger la vie de
ces centrales au-delà de 2010 car, léquipement étant amorti, lentreprise
bénéficie pleinement dun effet de " rente ".
Sous leffet des radiations, la structure moléculaire
des métaux se modifie et il arrive un moment où ces derniers perdent leurs propriétés
(cf. supra), ce qui rend hasardeux tout pronostic sur la durée de vie des centrales
nucléaires.
Or, si la compétitivité de lénergie nucléaire sest
incontestablement réduite, elle n'a pas pour autant basculé.
Le prix de revient du courant électrique dune centrale du palier
N 4, comme Civaux, est évalué par EDF à 22 centimes par Kw/h contre
23 centimes par Kw/h pour les centrales à charbon et 24 centimes pour celles au gaz.
Lobjectif initial du projet EPR était de parvenir à un coût de
lordre de 20 centimes par Kw/h (soit - 10 % par rapport aux meilleures
centrales à charbon).
Lamélioration des performances des centrales au charbon et au
gaz a conduit EDF à fixer un objectif, que je juge très ambitieux, de 18 centimes par
Kw/h.
La baisse du prix des hydrocarbures actuellement constatée pourrait
contraindre EDF à améliorer encore ce chiffre, mais cela tient de la gageure.
Largument économique du coût plus bas de lénergie
nucléaire nest plus suffisant pour engager la construction de centrales
nucléaires, si nous prenons en compte la moindre immobilisation de capitaux des centrales
classiques et la rapidité du retour sur investissement.
Les véritables arguments de poids en faveur de lénergie
nucléaire reposent aujourdhui sur la sécurité dapprovisionnement,
lindépendance énergétique de la France et la lutte contre leffet de serre.
II Les incertitudes impliquent une amélioration de la
compétitivité
du projet EPR avant de pouvoir envisager une quelconque
construction
Le cadre économique général a été fort bien retracé par
M. Mandil, Directeur Général de lénergie, qui soulignait, lors de
laudition du 4 mars, qu" actuellement, il y a en France un
excédent de capacité de production en base d'environ 5 à 6 gigawatts,
c'est-à-dire de l'ordre de quatre tranches. Cela ne veut pas dire que ces tranches sont
arrêtées, mais que des tranches qui devraient fonctionner en base fonctionnent en
semi-base, ou ne fonctionnent pas autant qu'elles le devraient.
Compte tenu d'un certain nombre d'événements, dans le détail
desquels je n'entrerai pas, mais qui sont à l'esprit des personnes ici présentes, compte
tenu des nouveaux entrants qui vont se manifester dans le cadre de la suppression de
certains monopoles d'électricité de FRANCE, on peut estimer, en faisant abstraction pour
l'instant du problème de la fermeture éventuelle des tranches les plus anciennes, que
cette sur-capacité devrait être résorbée vers 2020 ....
.... Cependant, cela veut quand même dire que les besoins
d'investissement éventuels, dans de nouvelles unités électro-nucléaires, se
manifesteront plus vraisemblablement d'abord à l'occasion du renouvellement du parc,
c'est-à-dire à l'occasion de l'événement constitué par le déclassement des tranches
les plus anciennes. Là, en plus de la question de la date, sur laquelle je reviendrai, se
posent deux autres questions dont la première est de nature économique. Est-ce qu'à ce
moment, compte tenu de l'ouverture du marché, compte tenu de la mise en concurrence à la
production, l'EPR sera compétitif par rapport à d'autres modes de production en
base ?
Tout le monde pense essentiellement aux turbines à gaz, ainsi
quau cycle combiné, mais il peut y avoir d'autres possibilités. Cependant, ce
n'est pas aujourd'hui qu'on peut donner une réponse définitive. On peut simplement dire
que si les chiffres qui ont été évoqués ce matin sont tenus, on a toutes les raisons
de penser que l'EPR sera compétitif par rapport à d'autres modes de production. Cela
dit, il n'y a pas une marge de compétitivité telle qu'il faille relâcher les efforts.
La deuxième question est de nature politique :
Est-ce que le gouvernement de l'époque, est-ce que le parlement de
l'époque, est-ce que l'opinion publique de l'époque considéreront qu'il convient de
remplacer du nucléaire par du nucléaire ou non ?
Là encore, il est exclu de répondre à la question aujourd'hui,
celle-ci se posera plus tard. La seule chose que je puisse dire est quelles sont les
instructions que le gouvernement d'aujourd'hui donne à ses fonctionnaires ;
celles-ci consistent à faire en sorte que tous les choix soient possibles. Laissons les
options ouvertes et préparons-nous, notamment, à ce que l'option nucléaire puisse être
approuvée, le moment venu.
Reste à savoir quand.
La date dépend largement des décisions qui seront prises par les
autorités de sûreté sur la durée de vie des réacteurs actuels. Je rappelle
simplement, pour fixer les idées, que le premier réacteur à eau pressurisée
actuellement en fonctionnement a été mis en service en 1977, c'est-à-dire qu'en 2007,
cela fera 30 ans. Fonctionnera-t-il 30 ans ? S'il doit fonctionner
30 ans, il faudra le fermer en 2007.
Si les autorités de sûreté - et elles seules seront
responsables de cela - décident qu'on peut prolonger la durée de vie de ces
réacteurs et la porter à 40 ans, cela renvoie le problème à 2017, et il faudra s'en
réjouir ; je comprends que cela posera des problèmes aux industriels, mais ce sera
néanmoins une bonne nouvelle que la durée de vie des réacteurs actuels soit portée à
40 ans. En effet, cela voudra dire que la collectivité nationale bénéficiera d'une
productivité de son outil de production d'électricité bien plus élevée que prévue.
Voilà où nous en sommes, pour ce qui est du paysage français. Si
Fessenheim s'arrête en 2007, compte tenu de la surcapacité, il n'y a pas de raison
économique de le remplacer ; s'il s'arrête en 2017, cela tombera à un moment où,
la sur-capacité étant proche de la résorption, son remplacement sera
nécessaire .... ".
Lamélioration de la compétitivité du projet EPR est donc
une nécessité.
Atteindre un prix de revient de lordre de 18 centimes du Kw/h
implique de modifier le projet EPR tel quil est actuellement conçu.
Une modification est stratégique, les autres sont plus techniques.
A) Une
modification stratégique : labandon du suivi de charge
Le débat sur laptitude de lEPR à assurer le suivi de
charge conditionne le bilan énergétique futur de la France.
Un moyen important de réduction des coûts dinvestissement et de
fonctionnement du projet EPR consiste à abandonner la fonction de suivi de charge pour
avoir un fonctionnement de la centrale à pleine capacité en permanence.
En effet, cela permet dalléger tous les dispositifs liés à la
variation de puissance.
Cette réflexion a été évoquée, au cours de laudition
publique, par M. Pierre Daures, Directeur général dEDF
Elle pourrait impliquer à long terme, au fur et à mesure que les
contrôles nucléaires atteindront leur fin de vie, que le nucléaire ne sera pas
remplacé à 100 % par du nucléaire, mais cette conclusion mest propre, les
déclarations de M. Daures étant sensiblement plus nuancées :
" L'EPR a fonctionné selon son âge et sa montée
progressivement en sortant de l'aval. Dans l'état actuel des connaissances et des prix
d'énergie, EPR est la première vague de réacteurs que nous commanderions si la
politique énergétique confirmait le choix nucléaire pour l'électricité. Le
fonctionnement serait en base, ce qui fait qu'on peut probablement réserver le suivi de
charge à leurs confrères qui seront toujours en activité, ou aux confrères qui les
suivront.
On peut imaginer qu'il y ait une première génération de
réacteurs nucléaires plus simples, uniquement sur la base, et on peut faire le
calcul : ceci concernerait 6 à 8 tranches.
Compte tenu des données actuelles, il est clair que tout ce qui est
énergie de semi-base devra être fait par d'autres processus que le nucléaire. Cette
donnée civique se heurte au fait qu'il continue d'exister des réacteurs amorcés ;
il serait donc inutile de procéder à un remplacement anticipé. On utilisera donc les
réacteurs existants pour faire l'énergie semi-base pendant encore longtemps. Cependant,
s'agissant d'ouvrages nouveaux, nous avons à constituer le parc ; il serait, pour la
base, fait de l'EPR et, pour la semi-base, fait d'installations thermiques classiques
(charbon propre ou turbine à combustion) ".
Cette vision est cohérente avec les travaux de recherche conduits par
EDF sur les centrales à charbon.
B) Les
améliorations techniques pour réduire les coûts de construction
Dans la mesure où lobjectif de compétitivité de lEPR
nest pas atteint, il est nécessaire " doptimiser " le
projet et nous devons être particulièrement vigilants au cours de cette phase,
car je redoute labandon de certains apports en matière de sûreté.
le premier moyen pour améliorer la compétitivité est
daccroître la puissance. Le calcul est simple : si un investissement produit
plus que prévu, le coût unitaire de chaque produit diminue.
Lîlot nucléaire du projet EPR permettrait, en létat
actuel des techniques, de tirer une puissance de 2000 Mw. La limitation de puissance aux
environs de 1700 Mw résulte de la partie classique de la centrale et des problèmes
de gestion du réseau quinduisent des centres de production très importants.
Dautre part, les moyens industriels existants ne permettent pas
de construire des générateurs de vapeur dune puissance suffisamment importante
pour transformer en électricité toute la puissance produite par la fission nucléaire,
mais je suis convaincu que cet obstacle, plus industriel que technologique, pourra être
levé dans les années à venir.
la réduction des délais de construction est un élément
fondamental de réduction des coûts, du fait de limportance des financements qui
doivent être mobilisés.
Il est évident quune partie des délais pourraient être
réduite en modifiant les procédures administratives, comme le souhaitent les
exploitants ; toutefois, ce problème nest pas si simple dans la mesure où il
est impossible de préjuger des recours juridictionnels qui accompagnent quasi
systématiquement la mise en oeuvre de ce type de projet.
Jai déposé, le 20 avril 1993, une
proposition de loi visant à modifier les conditions de délivrance de permis de
construire pour les installations nucléaires de base.
Comme je le soulignais alors dans lexposé des motifs : la
création dinstallations nucléaires repose, dans notre pays, sur une procédure
dautorisation définie par le décret n° 63-1228 du
11 décembre 1963, modifié à de nombreuses reprises, dont la dernière remonte
au 19 janvier 1990 (décret n° 90-78).
Cette autorisation concerne les installations nucléaires de base et
vise donc :
les réacteurs nucléaires, à lexception de ceux qui
font partie dun moyen de transport ;
les accélérateurs de particules, susceptibles de
communiquer à ces particules une énergie supérieure à 300 MeV ;
les usines de préparation, de fabrication ou de
transformation de substances radioactives, notamment les usines de préparation de
combustibles nucléaires, de séparation des isotopes des combustibles nucléaires, de
traitement des combustibles nucléaires irradiés ou de traitement de déchets
radioactifs ;
les installations destinées au stockage, au dépôt ou à
lutilisation de substances radioactives, y compris les déchets.
Le système mis en place par ces textes réglementaires permet de
sentourer dun maximum de garanties quant au choix du site et à la sûreté de
linstallation projetée. Cest ainsi que plusieurs ministères interviennent
dans la procédure dautorisation (outre le ministère de lIndustrie, qui
délivre lautorisation, et le ministère de la Santé, dont lavis conforme est
nécessaire, les ministères de lEnvironnement, de lIntérieur, de
lEquipement, des Transports et de lAgriculture sont consultés ou informés).
Cest également dans cet esprit quune enquête publique est diligentée et que
le service central de sûreté des installations nucléaires procède à un examen
approfondi de la demande.
Parallèlement et simultanément à cette procédure, élaborée dans
un évident souci de sécurité et de protection de lenvironnement, le droit commun
des autorisations de construire sapplique. Une installation nucléaire de base doit
donc faire lobjet dune demande de permis de construire. Or, il ressort, en
pratique, que les autorités administratives donnent suite aux demandes de permis de
construire de ce type sur simple présentation du récépissé de dépôt dune
demande dautorisation.
Il sensuit que les exploitants des futures installations ont,
dans ces conditions, ouvert des chantiers de construction avant même davoir obtenu
lautorisation réglementaire approuvant les spécifications techniques de
linstallation. Cette attitude, qui met les citoyens et le ministère de
lIndustrie devant le fait accompli, est particulièrement choquante et ôte toute
utilité à la procédure spéciale dautorisation.
Pour remédier à cette anomalie, il suffirait de lier les deux
procédures, la demande de permis de construire ne pouvant dès lors être déposée
quaprès la publication du décret autorisant linstallation. Cette nouvelle
exigence rallongerait incontestablement le processus de création, mais améliorerait
lefficacité de la concertation et la transparence, qui devrait présider à tout
projet dimplantation dinstallations nucléaires de base.
Par contre, un certain raccourcissement des délais serait possible par
une procédure dagrément préalable dun type de centrale (un
" prelicensing ") au vu des exigences des autorités de sûreté. La
démarche retenue pour le projet EPR ressemble beaucoup, sans que cela soit dit
explicitement, à cette procédure.
Deux tableaux qui figurent en annexe décrivent la procédure en oeuvre
aux Etats-Unis.
III Le renouvellement du parc des centrales nucléaires
A) Lapproche
technique
En 1999 va commencer la deuxième inspection décennale dun
réacteur de 900 Mégawatts, celui du Tricastin qui, à la différence de la centrale de
Fessenheim, correspond aux standards des centrales nucléaires du palier de 900 MW.
A cette occasion, un volume considérable de modifications va être
introduit, mais le problème de larrêt ou de la poursuite de cette centrale ne sera
véritablement posé que dans 10 ans.
EDF pense pouvoir tabler sur une durée de vie de 40 ans pour ces
réacteurs. Cette position nest pas expressément validée par les autorités de
sûreté qui sont, et cela est leur rôle, beaucoup plus prudentes et se gardent bien de
tout accord formel général.
Il est probable que lexploitation pourra se poursuivre au-delà
de 30 ans, mais votre Rapporteur estime quune position de principe sur cette
question serait extrêmement dangereuse car les conditions de maintenance ont évolué au
fil des ans et certaines centrales ont été plus sollicitées que dautres.
Dautre part, au cours des arrêts de tranches, de nombreux
composants des réacteurs ont été remplacés alors quau départ, cela était
considéré comme non réalisable, par exemple les générateurs, les boucles primaires ou
les couvercles de cuve.
B) Lapproche
économique
Votre Rapporteur souhaite que la croissance économique de notre pays
soit la plus élevée possible. Mais une croissance économique de 2 % génère une
augmentation de 1 à 1,5 % de la consommation délectricité.
Or, lappréciation du taux de croissance économique moyen sur
les 15 ans qui viennent constitue une tâche dans laquelle ne saventurera pas
votre Rapporteur. Il considère simplement que notre pays doit être capable de faire
face à toutes les hypothèses.
Le volume dexportation délectricité demeure, dans un
contexte de dérégulation, une inconnue très importante, mais il semble probable que les
conditions financières des contrats dexportation dEDF soient moins favorables
dans les années à venir.
En outre, la libéralisation du marché peut conduire à un
accroissement des moyens de production de petite taille privés, mais extrêmement
compétitifs au niveau des prix.
En tout cas, il est certain que la concurrence et lexigence de
compétitivité sintensifieront, rendant plus problématique pour les exploitants la
réalisation dinvestissements dont lampleur implique un amortissement sur une
longue période.
C) Les incertitudes
Le seul élément dune centrale nucléaire quil est
impossible de remplacer aujourdhui est la cuve du réacteur.
Or, les techniciens, qui pensaient la même chose pour les couvercles
des réacteurs de centrales nucléaires, en ont été capables lorsque la nécessité
sen est fait sentir.
Votre Rapporteur considère quil nexiste pas
dobstacle technologique insurmontable au remplacement de la cuve dun réacteur
nucléaire ; il sagit simplement dune opération complexe et coûteuse que
nous serions parfaitement capable de maîtriser dici à 2010.
Lanalyse que je vous propose signifie quil nexiste
pas de durée de vie maximale dune centrale nucléaire ou, plus exactement, que le
problème nest pas technique, mais financier et normatif.
Le problème est un problème de normes et de coût.
Certes, le risque zéro nexiste pas, mais il faut y tendre, ce
qui signifie que les améliorations techniques ont vocation à être intégrées dans les
nouvelles centrales.
Dans cette perspective, il ne serait pas acceptable quen
prolongeant ad vitam aeternam la durée de vie des centrales (par exemple
jusquà une soixantaine dannées), nous nous trouvions en présence de deux
catégories de centrales :
- des centrales de type EPR, ayant une sécurité améliorée mais
plus coûteuse du fait des exigences de lautorité de sûreté,
- et des centrales sûres, sans être pour autant au même niveau
de sûreté que l'EPR, mais dont la vie pourrait être prolongée pour éviter
l'assujettissement à de nouvelles normes.
Les propos de M. Quéniart, Directeur délégué à l'IPSN, lors
de laudition du 4 mars, sont particulièrement éclairants sur ce point : " Je
crois qu'il faut rester modeste, car faire des tests de vieillissement représentatifs
n'est pas simple car ils sont en général portés sur de courtes durées de
vieillissement accéléré, dans des conditions qui ne sont pas tout à fait
représentatives .... ".
Chapitre II
Les conséquences de la non-réalisation du projet EPR
Le bien-fondé de la non-réalisation du projet EPR ne se discute pas
si nous proposons labandon de lénergie nucléaire. Ce débat nest pas
lobjet de ce rapport, qui se place dans loption souhaitée par le Gouvernement
du maintien de la liberté de choix des décideurs, lorsque sera abordée la question du
remplacement des centrales nucléaires en service aujourdhui. Lengagement ou
labandon du projet EPR aurait des conséquences importantes sur la recherche et
lindustrie, que ce chapitre essaie de mesurer.
La mission des organismes de recherche, et plus particulièrement du
CEA, est de maintenir loption nucléaire ouverte à lhorizon 2010, époque à
laquelle les pouvoirs publics devront engager les travaux pour le remplacement des
centrales, ce qui implique quils aient auparavant décidé de la physionomie du parc
de production délectricité du pays pour le 21ème siècle. En effet, à
partir de cet horizon, les centrales nucléaires les plus anciennes, arrivées en fin de
vie, devront être retirées du service.
Pour maintenir loption nucléaire ouverte, il est essentiel de
disposer, à lhorizon 2010, dun modèle de réacteur encore plus sûr, encore
plus compétitif. Cest lobjet du réacteur EPR qui, même sil présente
des avancées notables sur le plan de la sûreté, ne modifiera pas sensiblement la
perception de lénergie nucléaire par lopinion.
I Hypothèses de réalisation de lEPR
Deux calendriers dintroduction du REP 2000 (projet EDF de
réacteur de prochaine génération reposant sur lîlot nucléaire EPR) peuvent
être envisagés :
A) Lhypothèse
" au plus tôt "
Cette hypothèse, qui a la faveur des milieux de lindustrie
nucléaire, implique le lancement dune première réalisation dans le prolongement
de la phase doptimisation du projet. Ceci correspondrait à une décision vers
2000, conduisant à un début de construction vers 2002 pour un démarrage à
lhorizon 2008. Cette première réalisation, qui jouerait le rôle dun
démonstrateur, permettrait de valider la conception du réacteur, détablir la
compétitivité future du palier et dassurer le retour dexpérience, et, par
là, de traiter notamment les inévitables " premières pannes de
jeunesse ". Une telle démonstration serait assurément utile aux pouvoirs
publics pour leur permettre de prendre leur décision en toute connaissance de cause.
Elle présente toutefois un inconvénient sérieux : la
réalisation dune tête de série est inutile en France car elle aggraverait notre
surcapacité ; elle semble improbable pour des motifs politiques en Allemagne, pays qui ne
pourra pourtant pas respecter les engagements de Kyoto sans un recours accru à
lénergie nucléaire.
B) L'hypothèse
" au plus tard "
Le lancement de la première réalisation se ferait dans
lobjectif de remplacer les réacteurs du palier 900 MW qui seront arrêtés à
partir de 2017, dans lhypothèse actuellement retenue dune durée de vie de
quarante ans.
La difficulté de cette hypothèse réside dans le trou dune
dizaine dannées quelle implique, qui se traduira par une perte de compétence
en matière de recherche et une dégradation du savoir-faire des industriels.
Il faut noter ici que lagrément du projet EPR par
lautorité de sûreté précisera une échéance et, par conséquent, que le délai
pour la réalisation dune première unité dun palier, ou le délai entre le
démonstrateur et le palier lui-même, sera limité dans le temps.
Le CEA ma signifié quil considère que cest
lhypothèse " au plus tôt " qui permet le mieux de maintenir
loption nucléaire ouverte à lhorizon 2010.
II Influence de la date de décision sur les programmes menés au
CEA
Lensemble des programmes accompagnant directement ou
indirectement le projet EPR peut être classé en trois catégories (cf. supra) :
- un " fond continu " de R & D visant à affiner les
connaissances, perfectionner les modèles physiques et qualifier des outils de conception
et danalyse toujours au meilleur niveau international ;
- des actions ciblées sur les options spécifiques retenues par le Projet, pour en
démontrer la validité, notamment en ce qui concerne la sûreté renforcée qui
caractérise EPR ;
- les études doptions avancées, non retenues à ce stade, mais dont certaines
pourront être incorporées, en fonction du calendrier, dans le démonstrateur, puis dans
le premier palier, voire dans des paliers suivants, conformément à lexpérience
passée. Ces améliorations pourront aussi, peut-être, être introduites à
loccasion de mises à niveau générales.
A) Amélioration
continue des connaissances et des outils
Par nature, ces améliorations bénéficieront au projet EPR, quelle
que soit la date de la première réalisation. Il ne fait pas de doute, en revanche,
quune réalisation proche constitue une motivation importante pour les équipes de
R & D elles-mêmes, et pour lintérêt quy portent les
partenaires industriels du projet.
1 - Développement
de méthodes et de logiciels
Dans le domaine des logiciels nécessaires aux études de conception,
le CEA doit maintenir au meilleur niveau les logiciels et les données de base entrant
dans les systèmes de calcul de ses partenaires industriels EDF et FRAMATOME.
On peut schématiquement distinguer deux grands axes :
- létude de problèmes complexes, pour le fonctionnement normal et en situation
accidentelle, des réacteurs de nouvelle génération, conduisant à la nécessité de
coupler de grands logiciels spécialisés dans les différents domaines de la physique des
réacteurs. La stratégie adoptée vise à doter lensemble des logiciels dune
architecture commune afin de faciliter le couplage de différentes disciplines
(neutronique, thermique, hydraulique, mécanique). Le nouveau système devrait être
opérationnel en 2005 ;
- le lancement, en collaboration avec les partenaires, du développement des outils de la
génération suivante avec la création de nouvelles plates-formes logicielles.
2 - Comportement
des matériaux
Lobjectif de durée de vie de lEPR est de 60 ans. Le
projet EPR pourra donc bénéficier des études entreprises actuellement pour prolonger la
durée de vie du parc actuel, ayant pour objectif de mieux comprendre les mécanismes de
vieillissement des matériaux de structure dans les conditions de service (irradiation,
température, corrosion) afin de pouvoir prédire lévolution de leur comportement
dans le temps et, le cas échéant, de pouvoir apporter les mesures correctives
nécessaires.
Le domaine du comportement dans le temps des matériaux irradiés est
celui qui comporte le plus dincertitudes. En effet, les expériences ne peuvent pas
totalement rendre compte du vieillissement des matériaux.
Or, aujourdhui, les Américains parlent, pour certaines
centrales, dune durée de vie de 60 ans. Il est clair que lallongement de
la durée de vie prévisible des centrales nucléaires constitue la principale épée de
Damoclès qui pèse sur le projet EPR.
3 - Combustibles
Laugmentation du taux de combustion des combustibles à
loxyde duranium et des combustibles MOX est un enjeu important pour augmenter
la compétitivité du nucléaire dans les années à venir. Les études actuelles visent
à accroître ces taux pour les réacteurs du parc existant, contribuant de façon
évidente à progresser vers les objectifs du projet EPR.
B) Programmes
de recherche directement corrélés au projet EPR
1 - Prévention
des conséquences des accidents graves
Ce programme comporte quatre volets (comportement du corium en cuve et
hors cuve, tenue de lenceinte de confinement, gestion des accidents graves) qui
sappuient sur des essais à caractère analytique ou global dans le but de valider
les modèles physiques, chimiques et mécaniques mis en jeu, et les calculs et logiciels
mis en oeuvre pour traiter les problèmes associés (cf. supra).
Lavant-projet de lEPR a retenu un concept de récupération
et de refroidissement hors cuve du corium et des dispositifs de mitigation pour limiter la
concentration en hydrogène issu des réactions chimiques doxydation des gaines du
combustible. Dans ce cadre, lensemble des travaux menés au CEA a pour objectif une
meilleure connaissance des phénomènes et leur modélisation.
Il faut souligner que la démonstration, dans ce domaine, ne sera pas
- il faut lespérer ! - apportée par le démonstrateur, mais
qu'elle reposera bel et bien sur la R & D.
La totalité des résultats de ces travaux ne seront pas disponibles en
lan 2000. Mais ils seront disponibles en cours de construction, et ils
permettront donc de qualifier le démonstrateur et de conforter les choix effectués, ou
éventuellement dapporter certaines améliorations entre le démonstrateur et le
palier. Dans lhypothèse où le lancement de la première réalisation
interviendrait en 2010, on disposerait alors de beaucoup plus de résultats de recherche avant
de lancer la première réalisation, sous réserve dune poursuite du financement de
ce programme sur la durée par les partenaires industriels.
2 - Diminution
de la fluence au niveau de la paroi de la cuve
Lune des options de lEPR pour réduire la fluence au niveau
de la cuve consiste à mettre en place un baffle lourd entre cette paroi et le coeur. Il
est probable que la validation de cette solution, sur le plan neutronique, entraînera la
demande dessais au CEA sur le réacteur critique EOLE. La date de ce programme
consacré à lEPR pourra sajuster au calendrier de la première réalisation,
quel quil soit.
3 - Etude
de lhydraulique du fond de cuve
Le CEA a dans ce domaine réalisé les études nécessaires à la
définition de lavant-projet EPR. Les études doptimisation se feront dans le
cadre du projet définitif. Le positionnement dans le temps dun programme
expérimental de validation est lié à la date de lancement. Le CEA possède
aujourdhui une bonne maîtrise de ce dossier et il faudra veiller à ce quune
éventuelle interruption trop longue avant la première réalisation ne conduise à la
disparition des équipes impliquées, entraînant alors des délais supplémentaires pour
réunir à nouveau les compétences, lors du redémarrage du projet.
4 - Recherches
en technologie et composants
Il faut noter également que les études de qualification de composants
spécifiques (condenseurs, dispositifs de sûreté, système de dépressurisation...) sont
réalisées, en fonction des besoins, au fur à mesure du projet.
Lensemble des programmes de R & D directement lié
au projet EPR ne présente donc pas, dans sa définition, dimpératifs majeurs quant
à la date de lancement de la première réalisation EPR, sous réserve du maintien des
compétences et des financements. Par contre, la mise en service dun démonstrateur
à lhorizon 2008 permettrait de prendre en compte un certain retour
dexpérience, en particulier sur les options innovantes (baffle, fond cuve,
composants...), pour affiner loptimisation des tranches de la série.
C) Programmes
dinnovations
Des recherches sur de nouveaux composants ou de nouvelles technologies
susceptibles daccroître la sûreté et la disponibilité des installations, de
faciliter leur exploitation et den réduire les coûts sont menées dans le cadre du
programme " Innovations " du CEA. Cependant, certaines voies de
recherche, dont on espère une application à relativement court terme, viennent
compléter le soutien apporté au projet EPR. Ces travaux concernent principalement des
matériaux résistant mieux à la corrosion et à lendommagement par
lirradiation, ainsi que des développements dans le domaine de
linstrumentation et de la conduite des réacteurs (interface homme-machine, sûreté
des logiciels, aide à la conduite).
La recherche de flexibilité dans la gestion du plutonium conduit à
étudier, pour les systèmes futurs, des coeurs chargés à 50 % voire à 100 %
de MOX. Cet objectif entraîne un programme important de physique des coeurs, comprenant
en particulier un volet expérimental dans les réacteurs critiques du CEA. Ce programme
produit actuellement des résultats de caractère fondamental, utiles à la qualification
des calculs des futurs coeurs MOX EPR. Il pourra, si nécessaire, être suivi
dexpériences dédiées aux configurations de coeurs EPR, mais il ne semble pas que
EDF souhaite mettre en oeuvre des réacteurs fonctionnant entièrement au MOX.
Comme déjà mentionné, lintroduction éventuelle de telles
améliorations dépend à la fois du calendrier EPR, des paliers successifs et de leur
rythme davancement propre.
Conclusion
Lensemble des recherches effectuées sur les réacteurs à eau
sinscrit dans la continuité de lutilisation de cette filière pour la
production dénergie nucléaire, avec lobjectif premier de maintenir
loption nucléaire ouverte et de permettre une prise de décision en toute
connaissance de cause par les pouvoirs publics avant 2010.
Le développement du palier industriel EPR pourrait largement
bénéficier de la réalisation rapide dun démonstrateur, qui permettrait de
valider au plus tôt les options innovantes et les choix doptimisation qui ont été
faits et qui revêtent un caractère important pour la viabilité technique et économique
du projet. La disponibilité dun démonstrateur fonctionnant quelques années avant
le lancement effectif de la série serait donc un atout significatif pour
lacceptation du public et pour le succès industriel et commercial du nouveau
palier.
En outre, le projet EPR fédère les axes de recherche importants pour
la filière REP à court, moyen et long termes et contribue au développement de
recherches largement partagées sur le plan international, mais où engager la
construction dun démonstrateur ?
Chapitre III
Les effets de la non-réalisation du projet EPR
pour les industriels
J'ai cherché à quantifier auprès des industriels l'impact qu'aurait
la non-réalisation du projet EPR, en particulier dans le domaine de l'emploi ; je
n'y suis pas parvenu totalement car cette question ne peut pas être abordée en termes
purement quantitatifs.
I Le projet EPR est-il vital pour Framatome ?
Si nous nous en tenons aux apparences, la réponse est non.
Dans le rapport d'information que j'ai présenté en 1996 devant la
Commission de la Production et des Echanges de l'Assemblée nationale (n° 3246),
auquel j'invite le lecteur à se reporter, j'analysais (page 23) l'activité de
construction nucléaire face à une "traversée du désert".
Mon analyse, qui demeure toujours valable, mettait en évidence
plusieurs phénomènes :
- les quatre cinquièmes des équipements construits par Framatome sont des centrales
EDF ;
- les 17 centrales commandées fermement dans le monde, à ce jour, se situent toutes en
Asie et, sur les 25 centrales de technologie occidentale en construction à ce jour, 13
sont en chantier sur le continent asiatique.
A ce phénomène, il convient d'ajouter que des pays asiatiques tels
que la Chine vont acquérir une meilleure maîtrise des techniques nucléaires et que la
part des centrales réalisée en Occident va diminuer.
Aussi, je soulignais dans mon rapport que :
" Cette perspective de "traversée du désert" n'a
pas surpris Framatome. Les quatre cinquièmes des équipements construits par l'entreprise
étant des centrales EDF, la société se préparait depuis plus de dix ans à la fin du
premier programme nucléaire français. La seule donnée non prévisible a été
l'accident de Tchernobyl, qui a eu pour conséquence plusieurs annulations de projets de
constructions de centrales à l'étranger.
" Afin d'estimer les conséquences financières de cette
décennie délicate, Framatome a réalisé une étude de prospective pour la période
courant jusqu'à 2005. Pour mener cette étude, les experts du groupe ont préféré
retenir l'hypothèse la plus minimaliste (aucune commande de chaudière ou d'îlot
nucléaire pendant les neuf années à venir) plutôt qu'un postulat plus optimiste fondé
sur la commande de deux centrales par la Chine et sur une commande anticipée d'EDF aux
alentours de l'an 2000 afin de s'exercer au fonctionnement du futur réacteur mis au
point conjointement par Framatome et Siemens.
" Selon M. Jacques Fettu, directeur délégué aux
affaires financières de Framatome, " le chiffre d'affaires annuel pour les
réalisations neuves chuterait de 4 milliards de francs entre 1997 et 1999 à environ
700 millions de francs pour la période 2004-2005. En revanche, le chiffre d'affaires
du combustible resterait à son niveau actuel, soit 3,5 milliards de
francs ".
" En tenant compte des activités de services, le chiffre
d'affaires total des activités nucléaires pourrait être compris entre 7,2 et
8 milliards de francs.
" "Avec 700 millions de francs de chiffre
d'affaires, ajoute M. Jacques Fettu, notre activité de construction de
centrales nucléaires ne pourra pas dégager un résultat d'exploitation positif. Mais ce
résultat sera plus que compensé par le solde bénéficiaire (des) activités
liées au combustible et (des) activités de service. Pour un chiffre d'affaires de
7,3 à 7,5 milliards de francs, le résultat d'exploitation dégagé se situerait
entre 250 et 400 millions de francs par an". D'où
"l'autosuffisance" des activités nucléaires pendant ces années de vaches
maigres auxquelles il a déjà été fait allusion.
" Cette analyse n'est pas pleinement partagée par
M. Dominique Vignon, actuel président-directeur général de Framatome. S'il
reconnaît que "Framatome pourrait (...) subsister en continuant à
générer un peu de "cash" sur les marchés de services et le combustible",
il croit toutefois "qu'elle aurait des difficultés à revenir sur le marché des
centrales neuves parce qu'elle n'aurait pas de base pour le faire". Elle ne
pourrait pas non plus maintenir sa recherche-développement à son niveau actuel et y
consacrer comme aujourd'hui 800 millions de francs par an.
" Nombreux sont les observateurs qui pensent que Framatome
doit s'adosser à un grand groupe industriel pour franchir ce cap difficile de la
prochaine décennie. En effet, la pluralité des activités de GEC Alsthom et la
surface financière de ce groupe apparaissent aux yeux de plusieurs personnes
auditionnées par la mission d'information, comme autant de garanties que Framatome
atteindra sans dommages les années 2005-2010, années de relance des programmes
nucléaires.
" L'analyse financière faite par Framatome sur la période
1996-2005 relativise certes cette argumentation mais il semble quand même que Framatome
ne puisse se contenter longtemps de ce superbe isolement. Survivre à ce que
M. Dominique Vignon appelle l'"hiver nucléaire" ne peut en
aucun cas constituer une perspective pour une entreprise. Framatome doit avoir des
perspectives de croissance, de développement et ne peut se contenter d'une hibernation
qui ne ferait que retarder sa fin. "
Je suis effectivement convaincu que cette conclusion illustre la
problématique qui se pose à l'industriel.
Au cours des auditions que j'ai réalisées, j'ai pu mesurer à quel
point la vitalité d'une entreprise de haute technologie ne peut pas être appréciée sur
la seule base de sa santé financière. Or, en dix ans d'inactivité, les équipes se
délitent, ne serait-ce qu'à cause des départs à la retraite non remplacés.
II L'analyse des partenaires sociaux
Les salariés des entreprises réalisatrices du projet EPR étant les
premiers concernés par le plan de charge de leurs employeurs, j'ai auditionné les
principales centrales syndicales qui ont participé également à l'audition du
4 mars.
A) La
CGT
Les responsables de la CGT auditionnés par votre rapporteur (cf. liste
en annexe) ont souligné l'attentisme de la direction d'EDF, à laquelle ils reprochent de
tarder à prendre une décision. Ils pensent que la fenêtre optimale pour prendre une
décision est déjà dépassée.
En effet, ils jugent que le maintien du tissu industriel est
fondamental et que le débat sur la durée de vie des centrales est biaisé car l'ensemble
du parc ne durera pas quarante ans ; la réponse, pour eux, devra être
différenciée pour chaque centrale.
Lorsque les centrales nucléaires verront le problème de leur durée
de vie se poser, il y aura pour mes interlocuteurs un affrontement entre la logique de
l'entreprise EDF, qui souhaite améliorer la rentabilité de son investissement, et une
logique de sûreté dont les concepts auront évolué, imposant le maintien du
savoir-faire industriel pour la fabrication des pièces détachées.
Pour mes interlocuteurs, l'absence de planification risque de conduire
à une catastrophe industrielle.
Ils ont particulièrement insisté auprès de moi sur le coût élevé
de la cogénération de proximité qui, pour eux, a les faveurs de la direction d'EDF.
S'ils reconnaissent l'existence d'une surcapacité de notre outil de
production d'électricité d'environ huit tranches, ils estiment que cette surcapacité
sera résorbée à l'horizon d'une douzaine d'années. Or, pour la sécurité du réseau,
il est nécessaire de disposer d'une marge de sécurité qu'il importe d'évaluer avant de
parler de surcapacité.
En effet, la courbe de puissance installée du réseau croît de
1 500 MWe par an, parallèlement à celle de la consommation. Or, un délai de
quatorze ans s'est écoulé entre la décision de construire la première tranche du
palier N4 et sa réalisation (l'estimation n'est plus que de huit à dix ans pour les
tranches suivantes).
M. Aufort, de la Fédération CGT de l'Energie, a d'ailleurs
souligné, lors de l'audition du 4 mars : " Depuis
ce matin, la question de la compétitivité de l'EPR est une question centrale, abordée
par tous. Cette compétitivité s'élabore-t-elle au travers d'une logique économique,
c'est-à-dire avec le long terme, ou s'élabore-t-elle uniquement dans des logiques
budgétaires ?
Je crois que c'est une première question qu'il faut nous poser, et je
serais assez d'accord avec ce qu'a dit Monsieur ALPHANDERY : à moyen terme et à
long terme, le nucléaire est indispensable sur la planète.
Alors, s'il est indispensable, et si nous ne faisons pas rapidement un
EPR, a-t-on évalué le coût économique, social, voire politique, de la disparition de
l'industrie de la construction de réacteurs ? Je pense que nous n'avons pas abordé
cette question. On a abordé le coût d'une possible anticipation avec la commande d'un
réacteur plus tôt que prévu, mais on n'a pas évalué les dégâts de tous ordres qui
pourraient être entraînés par le report ad vitam aeternam de la construction
d'un EPR.
Or, il me semble que cette question de la logique économique à long
terme est une question centrale. En effet, j'aurais tendance à considérer que le
nucléaire nous est indispensable parce que c'est un facteur de stabilité économique et
politique, dans le domaine énergétique, pour l'ensemble de la planète et qu'il n'y a
pas d'autre source d'énergie qui nous permet de garantir cette stabilité. C'est en
quelque sorte un facteur de paix.
A partir de là, faut-il considérer le nucléaire, et donc
l'électricité en FRANCE, comme une marchandise comme les autres ? Si c'est oui, on
dérégule, avec tous les risques que cela suppose. Si c'est non, on construit une
politique cohérente à court, à moyen et à long terme et nous avançons.
Je pense que les parlementaires ont raison de poser la question aux
partenaires sociaux et aux techniciens sur l'avenir ; je serais tenté de leur
renvoyer cette question. Le nucléaire a été construit en FRANCE à partir d'une
volonté politique. Quelle est la volonté politique, aujourd'hui, qui commande au destin
du nucléaire ?
J'aimerais qu'il soit apporté rapidement une réponse à cette
question, et une réponse en toute transparence, y compris pour les accords internationaux
qui devraient déboucher. Je pense qu'on revient à la question de l'appropriation.
Enfin, je pose une question aux exploitants. Est-ce que, pour le
renouvellement du parc, la question de la gestion des déchets est une question secondaire
qui n'influe pas sur la réponse ? Je souhaiterais une réponse claire sur ce point
parce que, si cela influe sur la réponse, les dernières propositions que viennent de
nous faire nos élus, c'est le stockage en surface et, à ma connaissance, c'est celle sur
laquelle il ne peut pas y avoir de garantie de sûreté à très long terme, alors que
fait-on ?
Je renvoie la question pour la deuxième fois, nous pensons, à la
Fédération de l'Energie, que le débat national sur l'orientation de la politique
énergétique est une question centrale. Sinon, nous mettrons en cause la cohérence et,
en quelque sorte, nous touchons du doigt, aujourd'hui, les aléas de mode de gestion
économique à court terme avec les exigences industrielles et de recherche qui doivent
être à long terme. Il y a là, me semble-t-il, contradiction entre la recherche de
compétitivité à court terme que nous souhaitons et le débat sur la cohérence,
l'avenir et la perspective nucléaire du point de vue scientifique et technique, et j'en
viens à la question qui est à l'ordre du jour : faut-il un EPR, et
rapidement ?
Notre réponse est oui et plus on tardera, plus on détruira les
cohérences industrielles et économiques qui sont les nôtres aujourd'hui, c'est-à-dire
que nous poursuivons dans les logiques destructrices de cohérences qui sont là depuis
neuf mois.
Il nous faut une industrie compétitive et cohérente, et ce n'est pas
seulement la question de l'emploi mais aussi celle des compétences, parce que cette
industrie tire en FRANCE la qualification des salariés vers le haut. Est-ce que,
véritablement, nous devons abandonner ces compétences de haut niveau qui se développent
dans notre industrie avec les enjeux majeurs qui sont derrière ?
[...] Est-ce que nous préférons être sortis du nucléaire, et
il y aura des réacteurs dans le reste du monde qui ne bénéficieront pas de notre
expérience, ou est-ce qu'en exportant, nous transférons aussi notre bilan partiellement,
voire complètement, de sûreté qui est positif ? Et est-ce que, pour éviter les
accidents dans le monde, les populations de la planète n'ont pas intérêt à exporter ce
qui, bon an mal an, a donné des résultats positifs ? Etant entendu que, quoi qu'il
arrive dans le monde, il y aura des réacteurs nucléaires et que j'attends la
démonstration pour l'absence de nucléaire fiable, dans 50 ans, sur la planète.
Enfin, dernière question qui n'a pas été abordée, il me semble que,
compte tenu du retour d'expérience du programme nucléaire depuis la moitié des années
70, nous avons la nécessité, pour moult raisons, d'un lissage du renouvellement du parc,
sachant que, dans ce lissage, il y a une partie anticipatrice et une partie à plus long
terme. Cependant, il me semble que nous éviterions tous les à-coups néfastes à la
pérennité des compétences si nous obtenions ce lissage, et je crois que si nous voulons
l'obtenir, et si nous sommes d'accord pour dire que, tôt ou tard, on aura besoin du
nucléaire, il nous faut la construction d'un projet EPR rapidement, avant qu'il ne soit
trop tard. "
B) La
CFDT
La CFDT m'a adressé une contribution dont le texte est annexé au
présent rapport.
Cette organisation apporte très clairement son soutien à la
réalisation du projet EPR.
Les priorités de la politique énergétique doivent s'articuler autour
des axes suivants :
- la maîtrise de l'énergie,
- l'accroissement de la flexibilité,
- la mise en oeuvre d'une politique européenne,
- le bouclage du cycle nucléaire,
- une prise en charge plus démocratique des problèmes.
Il est nécessaire de prendre en compte également le fait que la lutte
contre l'effet de serre est devenue une priorité, et que l'ouverture du marché de
l'énergie ainsi que le changement de comportement de la population ont modifié les
données de base.
Dans cette perspective, le renouvellement du parc ne doit pas obérer
la nécessité de laisser ouverts les choix énergétiques jusqu'en 2030 et il est
nécessaire d'éviter les réactions au coup par coup telles que la fermeture précipitée
de Superphénix.
Dans ce contexte, mes interlocuteurs m'ont indiqué qu'ils souhaitaient
voir installer l'EPR sur un site existant et non sur un terrain nouveau.
Toutefois, mes interlocuteurs ont souligné que le saut qualitatif
réalisé en matière de sûreté par l'EPR risque de faire apparaître le parc actuel
comme moins sûr.
Pour la CFDT, si le Gouvernement doit traiter le prolongement de la
durée de vie, le renouvellement du parc sera l'occasion de rééquilibrer les sources
d'énergie, ce qui impliquera probablement une diminution du parc nucléaire.
Mais il est terriblement important que nos compétences soient
maintenues, ce qui rend nécessaire des investissements permanents sur le parc nucléaire.
Mes interlocuteurs se sont également montrés circonspects vis-à-vis
des lobbies industriels et ont insisté sur la nécessité, dans le domaine nucléaire, de
maintenir l'autorité des pouvoirs publics.
Ils redoutent également que Framatome ne se désengage des activités
nucléaires au profit du secteur classique.
C) Force
Ouvrière
Les représentants de cette organisation ont particulièrement insisté
auprès de moi sur la nécessité d'éviter que survienne un trou de dix ans dans le plan
de charge des entreprises, qui entraînerait une perte de compétence irrattrapable.
Pour eux, cette situation pourrait être évitée si un premier béton
était engagé vers 2003 pour que soit achevée une tête de série vers 2010 avec une
mise en service vers 2012, permettant d'engager vers 2017 des tranches en bénéficiant
d'un retour d'expérience.
Ils m'ont fait part de leur préoccupation face à une stratégie de
Framatome perçue par eux comme obscure et surtout face aux directives européennes
d'ouverture du marché et à un développement de la cogénération considéré comme
déloyal, problème qui ne fait pas l'objet de ce rapport mais, pour eux, la recherche de
l'indépendance énergétique demeure un objectif majeur et il faut que la Nation
définisse rapidement ses objectifs.
D) Le
point de vue de la mouvance écologiste
Votre rapporteur pense que la ministre de l'Environnement est dans
l'erreur lorsqu'elle préconise l'arrêt programmé à partir de 2005 de l'énergie
nucléaire et qu'Oskar Lafontaine l'est davantage lorsqu'il demande l'arrêt des
recherches sur le nucléaire.
En effet, les centrales nucléaires en activité arriveront en fin de
vie vers 2040 et ce serait une erreur profonde de considérer qu'il ne faut pas leur
apporter des améliorations au cours d'une durée de vie aussi longue.
En outre, la recherche sur l'élimination des déchets ne sera pas
aussi dynamique et les moyens ne seront pas de même ampleur si nous nous plaçons dans
une perspective d'arrêt de la production.
Ces réserves étant faites, il est de mon devoir de vous faire part du
point de vue des écologistes.
Les responsables de Greenpeace, que j'ai écoutés avec
une grande attention, m'ont plus parlé de la politique énergétique dans son ensemble
que du problème spécifique du projet EPR, si ce n'est pour me signifier leur opposition
à l'emploi du combustible MOX et -cela va de soi- à la construction de toute centrale
nucléaire.
Les critiques du Groupement des scientifiques pour l'information sur
l'énergie nucléaire, et en particulier de Mme Sené, concernent plus
particulièrement le projet EPR.
Mme Sené convient d'abord de la nécessité, pour les besoins de
la maintenance, de garder un certain savoir-faire.
Elle regrette le caractère évolutionnaire du projet EPR, qui ne
permet pas de solutionner le problème des déchets nucléaires, dont le règlement
conditionne le développement de l'énergie nucléaire. En attendant, les perspectives de
l'EPR à l'exportation lui paraissent nulles car elle considère qu'un réacteur de cette
puissance est invendable.
Pour elle, la proportion de combustible MOX utilisée dans l'EPR ne
doit pas dépasser 7 à 11 % car un taux supérieur fragilise la cuve.
Il lui semble que, du fait du délai entre le départ du projet et les
perspectives de réalisation, les concepts ont vieilli et que la politique énergétique
de la France gagnerait à être plus proche du terrain et à mieux utiliser les atouts
locaux.
Je conviens qu'un certain nombre de ces critiques sont fondées car
toute démarche conduisant à la mise en oeuvre d'un projet lourd implique des arbitrages,
ne serait-ce qu'entre les solutions techniques et la rentabilité économique.
J'ai noté, s'agissant du problème de l'utilisation du combustible
MOX, qu'EDF est extrêmement prudente sur ce point mais le fait qu'un fort taux
d'utilisation du MOX risque de fragiliser la cuve doit être pris en considération, à
mes yeux. Pour le reste, je ne reviendrai pas sur l'analyse du caractère évolutionnaire
du projet réalisée à travers le titre premier de ce rapport.
CONCLUSION
Le Bureau de lAssemblée nationale a confirmé par lettre du 25
septembre 1997 les termes de sa saisine et lOffice Parlementaire dEvaluation
des Choix Scientifiques et Technologiques ma, en conséquence, demandé
dintégrer le projet EPR à mon rapport annuel sur la sûreté des installations
nucléaires en abordant " les aspects technologiques, de sécurité, de
normalisation et économiques du programme de réacteur européen à eau pressurisée
(EPR) ".
Jai longuement insisté à travers ce rapport sur lapport
de ce programme dans le domaine de la technologie et sur le fait que les ambitions des
concepteurs du projet EPR en feraient probablement le réacteur nucléaire le plus sûr au
monde.
Mais je crois quil existe d'ores et déjà un acquis :
luniformisation des procédures françaises et allemandes de sûreté nucléaire est
en route. Certes, elle seffectue en marge de lUnion Européenne, selon une
démarche de coopération intergouvernementale plus proche des programmes AIRBUS ou
ARIANE, mais le programme EPR constitue, avec la démarche des EUR initiée par les
électriciens duniformisation de leurs normes, un apport de poids à la construction
européenne.
Le projet EPR a déjà nécessité un investissement de lordre
dun milliard de francs mais, surtout, lengagement de la construction
dune série dau minimum sept réacteurs générera des dépenses qui vont se
chiffrer en dizaines de milliards de francs. Aussi, ce projet est un non-sens économique
si la construction se limite à un prototype. De ce fait, la décision de poursuivre ce
programme est dabord politique et stratégique ; elle dépend étroitement de
la définition de la politique énergétique des trente prochaines années et il
appartient au Gouvernement dannoncer des orientations claires.
Il est de mon devoir de mettre en garde le Gouvernement contre une
approche qui serait trop axée sur le court terme, dans la mesure où la sûreté des
installations nucléaires implique une politique de long terme et repose en partie sur la
standardisation et le retour dexpérience, incompatibles avec les projets de loi en
gestation qui prévoiraient un appel doffre systématique pour la construction de
chaque centrale nucléaire, ce qui est incompatible avec une politique de standardisation.
Il nest pas possible de conduire un grand projet industriel en
labsence de stratégie claire. Or, il est nécessaire de prendre conscience que la
seule position gouvernementale claire : " maintenir la liberté de
choix ", sera illusoire si nous connaissons une traversée du désert de dix ans
au cours de laquelle le tissu scientifique et industriel se sera délité.
Une telle situation serait extrêmement dommageable pour la sûreté
des installations nucléaires car les recherches conduites, par exemple pour lEPR,
permettent dapporter des améliorations aux centrales en service lors des
opérations de maintenance, par exemple les révisions décennales.
Il est évident que lorsque je lis une déclaration ministérielle
indiquant quà partir de 2005, il faudra abandonner lénergie nucléaire,
jimagine que les équipes qui travaillent sur le projet EPR sont désappointées.
Je suis convaincu que la volonté de laisser toutes les options
ouvertes pour la définition dune politique énergétique doit sentendre de
manière dynamique. Cette position implique le maintien des compétences de
lindustrie nucléaire car le coût nécessaire à la reconstitution des compétences
serait prohibitif.
Or, que faire entre 2000 et 2010 si lEPR nest pas
réalisé ? Dix années de recherches théoriques permettront certainement de
maintenir un haut niveau de recherches en physique nucléaire mais le savoir-faire
industriel, qui est extrêmement précieux, implique également des connaissances pointues
et l'existence dun réseau de sous-traitants et dindustriels aux standards de
qualité qui ne sont pas ceux du reste de lindustrie.
Aussi, je souhaite que les responsables dEDF prennent sur ce
dossier une position beaucoup plus claire et déterminée quils ne lont fait
le 4 mars. Il est vrai que la décision appartient au Gouvernement, mais les
dirigeants des entreprises publiques ont pour devoir délaborer un projet
dentreprise digne de ce nom.
Je suis également conscient des difficultés que rencontrent les
dirigeants de FRAMATOME, mais ils se doivent délaborer une stratégie plus
offensive, en particulier en matière dalliance, ce qui peut conduire à un
élargissement à dautres partenaires du projet EPR.
Il est clair que la simple maintenance du parc actuel ne suffira pas
pour maintenir le tissu industriel. Cette situation nest pas propre au secteur
nucléaire, mais à toutes les entreprises de haute technologie où les acteurs qui
navancent pas reculent.
Il est à mes yeux important, sauf si lon souhaite abandonner
lénergie nucléaire, de réaliser aux environs de 2003 une tête de série
dun EPR, mais le problème de sa localisation est extrêmement difficile à régler.
Il me paraît difficile dimplanter une tête de série en France
avant 2010, dans la mesure où il semble que le développement
" subi " de la cogénération permettra de faire face à
laugmentation de la consommation électrique.
Lédification de centrales nucléaires de type EPR, qui apportent
des améliorations réelles en termes de sûreté et de rejets deffluents, est
certainement de nature à mieux faire accepter lénergie nucléaire.
Dautre part, les impératifs de protection de
lenvironnement, en particulier les objectifs de lutte contre leffet de serre,
ne pourront être tenus quavec lapport de lénergie nucléaire, ce qui
la fait apparaître comme relativement incontournable.
Dautant que la protection de lenvironnement ne se limite
pas à la lutte contre leffet de serre mais incorpore tous les rejets, en
particulier le soufre, ce qui implique de limiter le recours aux centrales thermiques les
plus anciennes, en particulier chez nos voisins allemands.
Leur situation politique est différente de la nôtre, mais il est
certain quil leur sera difficile de respecter les engagements de Kyoto sans recourir
à lénergie nucléaire, surtout si la croissance économique repart en Europe.
Il est également clair que, dans le domaine des économies
dénergie, les gains à la marge seront de plus en plus difficiles à réaliser et
dun coût croissant, ce qui pourrait nous conduire à un parallélisme plus marqué
entre la croissance économique et la consommation dénergie. Les économies
dénergie doivent demeurer la première des priorités.
Mais pourront-elles le demeurer, dans un climat de concurrence
exacerbée entre les diverses sources dénergie ?
Pourtant, cette politique demeure toujours dactualité, de même
que lobjectif de sécurité dapprovisionnement et dindépendance
énergétique, à la base du programme électronucléaire français. Jai procédé
à laudition des partenaires sociaux, en particulier de la CGT, qui a développé
devant moi des analyses extrêmement pertinentes, et il est indispensable que les
partenaires sociaux soient plus étroitement associés aux réflexions conduites.
Toutefois, je ne remets pas en cause la nécessité dune
diversité plus grande de nos sources de production dénergie.
Aussi souhaiterais-je que le débat sur la localisation dune
tête de série dun EPR soit dépassionné. Les perspectives dexportation
dun EPR ne peuvent pas constituer à elles seules un motif dinstallation en
France ou en Allemagne
La construction dun réacteur, si elle se faisait, ne pourrait à
mon sens quêtre effectuée sur un site où se trouvent déjà des réacteurs
nucléaires, ne serait-ce que pour conforter lemploi sur des sites existants.
Lobstacle le plus difficile, pour la France, à la décision de construction
dun EPR réside dans labsence de besoin daugmentation de la production
délectricité dans la décennie à venir. LAllemagne, pour sa part, ne peut
pas aborder cette question avant ses prochaines échéances législatives.
Or, je suis convaincu que le maintien à niveau de notre industrie
nucléaire passe par la réalisation de lEPR qui, si elle ne se fait pas dans les
deux pays promoteurs, devrait se faire dans un pays où la notion de retour
dexpérience conserve tout son sens.
Je crois que ce grand projet s'imposera comme une référence
européenne en matière de sûreté, s'il réussit à obtenir le soutien actif de
partenaires européens, voire l'intégration de quelques-uns d'entre eux.
ADDENDA
Les perspectives de construction d'un EPR en Russie
Comme je l'ai écrit dans la conclusion de mon rapport, la recherche de
partenaires me paraissait indispensable pour donner une assise et une vocation européenne
au projet EPR.
Depuis la présentation de mon rapport, cette question a sensiblement
évolué et les perspectives se sont précisées lors de la rencontre entre les premiers
ministres français et russe.
A lissue de la réunion de la Commission franco-russe, le
Secrétaire dEtat à lindustrie a été chargé de mener les négociations
avec les partenaires allemands et les autorités russes pour intégrer la Russie à la
fois en qualité de partenaire à part entière du projet et de pays où pourrait être
construit un EPR.
Votre rapporteur a été informé qu'à la demande du nouveau ministre
du Minatom, E. Adamov, formulée en avril 1998 à FRAMATOME ainsi qu'au Secrétaire
d'Etat à l'industrie, NPI, FRAMATOME et SIEMENS ont rencontré l'Institut OKBM de
Nijni-Novgorod que le ministre du Minatom a chargé de ce dossier en mai dernier.
Le chemin à parcourir est encore long et difficile mais, avant
l'impression du rapport, cet addenda s'imposait.
Recommandations DU RAPPORTEUR
I Il est nécessaire de mettre en place une procédure
dagrément préalable des projets de construction dinstallation nucléaire de
base.
II La coopération franco-allemande dans
le domaine de la sûreté nucléaire doit être intensifiée.
- Il est nécessaire de conforter la collaboration entre les autorités de sûreté.
- Il est indispensable que leurs appuis techniques se rapprochent.
III La recherche dun partenariat
élargi est une nécessité pour une meilleure coopération européenne.
ADOPTION DU RAPPORT PAR lOFFICE
LOffice parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques a procédé, dans sa séance du jeudi 14 mai 1998, à lexamen
des conclusions de la première partie du rapport sur le contrôle de la sûreté et de la
sécurité des installations nucléaires : aspects technologiques, de sécurité,
de normalisation et aspects économiques du programme de réacteur européen à eau
pressurisée (EPR) de M. Claude Birraux, député.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a rappelé que le
projet de réacteur franco-allemand à eau pressurisée (EPR) constituait la première
partie de son rapport de 1998 sur la sûreté des installations nucléaires et que le
second volume, consacré au bilan des 118 recommandations quil avait formulées
en sept ans, devrait pouvoir être débattu vers la fin de lannée.
Il a indiqué que le Bureau de lAssemblée nationale avait saisi
lOffice le 27 mars 1997 en " recommandant que, dans un premier temps,
cette question soit examinée dans le cadre du rapport périodique consacré (...) à la
sûreté des installations nucléaires " et que cette demande avait été
réitérée par le Bureau de lAssemblée nationale le 24 septembre 1997.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a précisé
quil avait auditionné la plupart des " acteurs " -industriels,
électriciens, recherche, autorité de sûreté, organisations syndicales et écologistes-
et que laudition publique organisée le 4 mars 1998, avec une participation
nombreuse et de haut niveau, tant du côté français que du côté allemand, avait permis
den cerner tous les paramètres et daborder au fond lensemble des
aspects -technologie, sûreté, recherche, stratégie- concernant lEPR.
Pour M. Claude Birraux, député, rapporteur, la démarche
partenariale, initiée par la Direction de la sûreté des installations nucléaires
(DSIN) avec son homologue allemand, a entraîné une coopération renforcée entre leurs
appuis techniques, lInstitut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), le
Commissariat à lénergie atomique (CEA) et lInstitut de Karlsruhe, jetant les
bases dune uniformisation des objectifs de sûreté, à travers une lecture commune
des normes. Cette démarche, relayée par celle des électriciens européens, a jeté les
bases dune unification européenne.
Le point important demeure, aux yeux du rapporteur, les objectifs de
sûreté fixés a priori et avant la mise en étude du projet par les autorités de
sûreté des deux pays.
Pour pérenniser cette démarche et pour lapprofondir, M. Claude
Birraux, député, rapporteur, a proposé que, au-delà de létude du projet
" EPR ", la coopération entre les autorités de sûreté et leurs
appuis techniques soit renforcée. Cela permettrait denrichir, selon lui,
lapproche de la sûreté par une vision croisée, pluraliste et cela renforcerait
" lindépendance " de lexpertise, aidant à reconstituer
la " lumière blanche " à partir des différentes longueurs
dondes.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a estimé que,
répondant aux injonctions des autorités de sûreté, le projet EPR avait permis de faire
évoluer nos connaissances et de renforcer les normes de sûreté, que les injonctions des
autorités de sûreté se fondaient sur lanalyse du retour dexpérience du
fonctionnement des centrales existantes, et que la démarche des autorités de sûreté se
trouvait validée par celle des appuis techniques et des exploitants, qui valorisent aussi
leur propre retour dexpérience.
Pour le rapporteur, le projet EPR intègre, dès sa conception, le
risque daccident majeur pour mettre en place un récupérateur de corium, permettant
sa propagation à lextérieur et lévacuation des populations. Ainsi, la
protection contre les chutes davion sera, selon lui, renforcée.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a estimé que,
dès lors que le volume interne, libre des composants primaires, était augmenté, cela
donnait plus de temps à lopérateur pour réagir.
Il a ajouté que le contrôle-commande était conçu pour minimiser les
erreurs humaines et que la maintenance serait plus espacée, avec des cycles de 18 à
24 mois.
En matière de radioprotection, il a précisé que lobjectif des
doses collectives annuelles était fixé à 0,75 h.Sv, contre 1,4 h.Sv pour le
parc actuel, lobjectif à atteindre étant une réduction de moitié.
Il a ajouté que, dans le domaine des rejets, lobjectif était
celui dune réduction dun facteur de 5 à 10 par rapport aux réacteurs les
plus récents du type " N4 " et quun milliard de francs avait
déjà été engagé sur ce projet : 375 millions pour les études préalables
et 750 millions au titre de lavant-projet sommaire.
Pour le rapporteur, la phase doptimisation qui est en cours
devrait permettre de parvenir à un coût de revient de lélectricité de
lordre de 18 centimes par KW/h, mais elle impliquera probablement que la puissance
de lEPR soit portée à 1 800 MW et elle exigera sans doute que ce dernier
soit conçu pour fonctionner en base ou en semi-base.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a par ailleurs
indiqué quElectricité de France (EDF) achèverait la mise en service de ses
dernières centrales de type " N4 ", qui consacrent la francisation de
la filière américaine Westinghouse, et constituent aujourdhui, selon lui, ce qui
se fait de plus avancé dans le domaine. Il a ajouté que les premières centrales PWR
mises en service lavaient été en 1977 et que lespérance de vie de ces
centrales était de 25 ans, ce qui conduirait à une mise à larrêt en 2002.
Pour le rapporteur, les récents résultats sur des tests
détanchéité de lenceinte béton montrent que, comme chez les humains, il
ny a pas dhomogénéité dans le processus de vieillissement.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a jugé quil
ny aurait pas de fin de vie homogène pour lensemble du parc nucléaire et que
lautorité de sûreté apprécierait au cas par cas.
Il a signalé que le prolongement dun an de fonctionnement
rapporterait 500 millions de francs à EDF par tranche et quune estimation
raisonnable de la fin de vie des premières centrales mises en service situait celle-ci
vers 2010.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a indiqué que la
surcapacité française de production délectricité se situait à quatre tranches
nucléaires et devrait être résorbée aux environs de 2020, au rythme de croissance
actuelle.
Il a observé que les organisations syndicales, en particulier la
Confédération générale du travail (CGT), développaient des analyses pertinentes, qui
méritaient une prise en considération. Il paraît indispensable, selon le rapporteur,
que les partenaires sociaux soient plus étroitement associés aux réflexions conduites.
Il a souligné quon ne pouvait raisonner en matière de
production électrique en " flux tendu " permanent et quil
fallait des marges pour pouvoir répondre à la demande mais que ces marges, si elles
pouvaient être assurées par les combustibles fossiles, ne pouvaient mettre en péril la
fiabilité et la solidité de lensemble du système français.
Il a estimé que les économies dénergie devaient demeurer la
priorité, mais il a jugé que les gains à la marge seraient de plus en plus difficiles
à réaliser et dun coût croissant et quà un moment, il y aurait croisement
des courbes coûts dinvestissement/économies réalisées et que le parallélisme
entre la croissance économique et la consommation dénergie pourrait à nouveau
apparaître.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a estimé que
personne ne pouvait prédire ce quil adviendrait de la politique énergétique telle
que définie dans un climat de concurrence et de déréglementation européen, que la
diversification de nos sources de production dénergie était, certes, indispensable
pour sadapter au marché et serait peut-être imposée par le marché -ce qui nous
renvoyait à léconomie des projets et des modes de production- et que
lobjectif de sécurité dapprovisionnement et dindépendance
énergétique demeurait dune actualité constante, quel que soit le gouvernement en
place.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a estimé
quil fallait évoquer le contexte environnemental avec, en particulier, les
engagements pris à Kyoto de réduire dici 2010 de 8 % lémission de gaz à
effet de serre, par rapport à 1990, et que, si leffort demandé à la France était
moindre que celui demandé à ses partenaires, cest parce quelle avait un parc
électronucléaire important.
Il a ajouté que, quel que soit le contexte politique, chaque pays
serait amené à répondre à cette double question :
- comment respecter les engagements pris à Kyoto ?
- comment concilier croissance économique, croissance
énergétique, politique énergétique et compétitivité économique ?
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a indiqué que
létat du dossier actuel était celui dun avant-projet détaillé en cours
doptimisation. Il a estimé que cette phase doptimisation devrait
sachever vers la fin de lannée.
Il a ajouté que les autorités de sûreté pourraient proposer à
leurs autorités ministérielles de tutelle une lettre commune valant approbation des
options de sûreté retenues par le projet.
Il a estimé que se présentait ainsi loccasion de clarifier nos
procédures en la matière, en séparant lavis sur les options de sûreté de
lautorisation dentrer en fonctionnement.
Il a observé que la décision de poursuivre ce programme était
dabord politique et stratégique et dépendait étroitement de la politique
énergétique des trente prochaines années.
Il appartient au Gouvernement, selon le rapporteur, dannoncer des
orientations claires et il nest pas possible de conduire un grand projet industriel
en labsence de stratégie claire.
Evoquant les déclarations des plus hautes autorités gouvernementales,
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a jugé que le choix nucléaire
nétait pas remis en cause, que les garanties de sûreté de lEPR seraient
appréciées et quil convenait de maintenir toutes les options ouvertes pour
" conserver la liberté de choix ". Or cette seule position, qui a le
mérite de la clarté, sera, selon lui, illusoire si nous connaissons une
" traversée du désert " de 10 ans au cours de laquelle le tissu
scientifique et industriel se déliterait.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a mis
en garde le Gouvernement : la sûreté nucléaire implique, selon lui, une politique
de long terme, une intégration permanente du retour dexpérience. Il a jugé que la
standardisation française avait été un facteur de progrès.
Pour M. Claude Birraux, député, rapporteur, il
convient, dès lors, de veiller à la cohérence de la démarche, en particulier des choix
à effectuer pour lengagement de futures tranches et de loption
" appel doffres systématique " pour la construction de chaque
nouvelle centrale, procédure qui paraît incompatible avec la cohérence de la démarche
française.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, sest
déclaré convaincu que la volonté de laisser toutes les options ouvertes pour la
définition dune politique énergétique devait sentendre de manière
dynamique, position qui implique le maintien des compétences de lindustrie
nucléaire.
Si lon ne réalise pas un EPR, le rapporteur a estimé que les
années de recherche théorique se maintiendraient à un haut niveau théorique, mais que
le savoir-faire industriel serait en recul, ou pour le moins stagnant.
Pour M. Claude Birraux, député, rapporteur,
lengagement dune seule tête de série rendrait le coût du projet prohibitif,
alors quun milliard avait déjà été engagé pour les études, que
lindustriel table sur lengagement dune série dau minimum sept
réacteurs et que, même sil devait y avoir des changements importants dans la
structure de production électrique, cela signifierait quon remplacerait
8 réacteurs actuels par un EPR. Pour le rapporteur, il paraît donc réaliste
dengager vers 2003 une tête de série EPR.
Par ailleurs, M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a souhaité que les dirigeants dEDF prennent sur ce dossier une position plus claire
et déterminée.
Il sest déclaré frappé, dans un contexte politique difficile,
de lengagement très fort des électriciens allemands -quils traduisent par
leur participation financière- et conscient des difficultés que rencontrait Framatome,
entreprise dont les dirigeants doivent, selon lui, élaborer une stratégie offensive et
dynamique.
A lissue de cet exposé, M. Christian Bataille,
député, évoquant les hésitations à la tête de Framatome et sa difficulté de
lier des contacts avec Siemens, sest enquis de la coopération entre ces deux
entreprises.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a évoqué en
réponse un " mariage de raison " soumis à certaines conditions et il
a évoqué lhistorique des relations entre les deux firmes. Il a estimé que si le
désir de Siemens de continuer à travailler avec Framatome nétait pas remis en
cause par les conversations de Siemens avec des interlocuteurs anglais, Framatome devait
développer une stratégie dynamique pour nouer des alliances, son projet industriel
nétant pas assez affirmé. Il a admis que les dirigeants de lentreprise
avaient pu être déstabilisés par les projets dalliances germano-britanniques.
Mme Michèle Rivasi, députée, sest
déclarée déçue par le projet EPR, considérant que sil apportait plus de
sécurité, il ne répondait pas au problème de lélimination des déchets
nucléaires. Elle a estimé que la taille du projet était énorme. Elle sest
enquise de la réalité de la demande telle quelle pouvait être évaluée dans le
monde, et sest inquiétée de labsence détude de marché. Elle a jugé
quune telle analyse ne relevait pas des ingénieurs électriciens. Evoquant
lutilisation du MOX, elle sest interrogée sur ladéquation dune
telle technologie avec les choix adoptés dans certains pays comme la Chine. Elle a
déploré quEDF ait loué du combustible à lEspagne, combustible retraité à
Marcoule.
M. Christian Bataille, député, rapporteur,
a estimé que, sur ce dernier point, il y avait un détournement de la loi de 1991.
Estimant quune tête de série " EPR "
pouvait être élaborée, tout en répétant ses réserves sur le concept, Mme Michèle Rivasi,
députée, a souligné que la décision du scénario énergétique ne relevait pas
des électriciens mais du pouvoir politique.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a souligné que, sagissant de la taille du réacteur, lautorité de sûreté
donnerait son avis. Pour un projet dune taille de quelque 1 700 mgwatts,
il a estimé que la technologie apparaissait maîtrisée dans la mesure où
laugmentation de puissance navait rien de comparable au passage de Phénix
(250 MW) à Superphénix (1 250 MW).
Il a convenu que lEPR devait être réservé à des pays qui
avaient une infrastructure scientifique suffisamment développée pour laccueillir
dans de bonnes conditions. Il na pas caché les risques quimpliquaient, plus
généralement, certaines technologies de centrales nucléaires civiles en matière de
plutonium utilisable dans des applications militaires et a relevé les difficultés
rencontrées dans ces domaines par lagence de Vienne.
M. Serge Poignant, député, a relevé
ladhésion que suscitaient les remarques du rapporteur. Il sest interrogé sur
le délai de réalisation dune tête de série du réacteur.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a estimé quune pré-licence devrait permettre la conduite détudes
détaillées et que, si un engagement intervenait vers 2003, la mise en service dune
tête de série nétait pas inconcevable vers 2010.
M. Louis Boyer, sénateur, évoquant le rôle
des groupes de pression anti-nucléaire allemands, sest interrogé sur la
localisation géographique de la future tête de série. Il a jugé que le consensus sur
le domaine énergétique nétait pas réalisé en Allemagne.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a relevé que la
décision appartenait au Gouvernement et que, pour sa part, il refusait dentrer dans
le débat sur la localisation dune tête de série, considérant que cela ne
relevait pas de sa mission. En outre, il sest dit avoir été frappé par la
détermination des électriciens allemands qui, du fait de la lutte contre leffet de
serre, devront abandonner leurs centrales électriques fonctionnant avec de la tourbe
selon un procédé datant de 1875.
A lissue de cette discussion, la première partie du rapport de M. Claude Birraux,
député, a été adoptée à lunanimité et sa publication décidée.
ANNEXES
Liste des personnalités auditionnées
par le rapporteur
IPSN
- M. QuéniartDirecteur délégué
GIIN
- M. André CanipelleSecrétaire général
- M. Robert VoinPrésident
- M. Guy LamandPrésident de la Commission économique et
industrielle
DSSIN
- M. André Claude LacosteDirecteur général
AEN
CGT-Force Ouvrière
- M. Pierre Durand
- M. Lucien EhrsamSecrétaire fédéral
- M. D. BessonSecrétaire du CNEN-DE
- M. Jean MontiezMembre du CSSIN
- Mme Annie PasquetSecrétaire-adjoint CNEN-DE
EDF
- M. TinturierContrôleur général
- M. Autissier
- M. LecoqDirecteur-adjoint de léquipement
- M. BruelDirection de la stratégie
CEA
- M. Michel CourtaudResponsable du segment DRW
- M. Philippe GardenetDirecteur de la stratégie et de l'évaluation
- M. Robert ReisseDirecteur-adjoint à la Direction des technologies
avancées
FRAMATOME
- M. Jean-Robert QueroChargé de Mission auprès du Président
- M. François BouteilleDirecteur général-adjoint de NPI
- M. Hervé FreslonDirecteur des réalisations nucléaires
- M. Alain GautierDirecteur de lingénierie
Commission de lUnion européenne
Groupement des scientifiques pour linformation sur lénergie nucléaire
Greenpeace
CGT
- M. Serge CordonnierFédération de lénergie, Président de la Commission
économique
- M. Serge TerrierBureau fédéral, Administrateur EDF
CFDT
- M. J.F. VérantDélégué syndical central FRAMATOME
- M. Pierre BobeSecrétaire confédéral
- M. Henri CatzCEA
Lettre du Président d'EDF
Contribution de la CFDT
Graphiques et données techniques
© Assemblée nationale
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